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Full text of "Œuvres de Molière."

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LES 

GRANDS   ÉCRIVAINS 

DE  LA  FRANGE 

NOUVELLES    ÉDITIONS 

rOHItSt  loin    LA  DiaWTlM 

DE  M.  AD.  REGNDSR 

Henbc*  d«  rioMitnt 


ŒUVRES 


OB 


MOLIERE 


TOME   VI 


ŒUVRES 


OB 


MOLIÈRE 


TOME  VI 


PARIS.  ~  IMPRIMERIE  A.   LAHURE 
Rae  dé  Fbnrut,  9 


ŒUVRES 


^  _ 


LIBRE 


^  i  7JJ-- 


NOUVELLE  EDITION 

msTUB  sm  LIS  plus  ASCiBrans  uipausioiifl 
BT  AUftHurris 

I,  fis  w>tic«,  d«  nol«|  d*aii  leuqae  des  mots  et  locotioni  remarquables, 
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PAI  n.  HNSlRI  NSrOIS  n  PAUL  IBSRAU 


TOME  SIXIEME 


PARIS 

LIBRAIRIE  HACHETTE  ET  C" 

BOULBVAKD  SAIHT-OBmiIAIH,    79 

1881 


LE 


MÉDECIN  MALGRÉ  LUI 

COMÉDIE 

BBPBSfEXTÊl  POUR   LA   PEBMliaB  FOIS  A   PAMI» 


•  a 


•UR  LB  THBATRB  DU  PALAIt-EOTAL 
US   TSaDRIDI  6^  DU  MOIS  D*AOUT    1666 

rAR    LA 

TBOUPE   DU    ROI 


HOUÈMM*   ▼! 


NOTICE. 


Lb  Registre  de  la  Grange  nous  apprend  que  le  Médecin 
malgré  lui  fut  joue  pour  la  première  fois  le  vendredi  6  août 
i666y  sur  la  scène  du  Palais-Royal.  Cette  date,  comme  nous 
l'avons  dit  dans  la  Notice  de  la  pièce  prëcëdente^,  réfute  Gri- 
marest,  lorsqu'il  prétend  que  Molière,  dès  la  quatrième  repré- 
sentation de  son  Misanthrope  (il  faudrait  que  ce  fût  dès  le 
1 1  juin  1666),  fut  obligé  de  le  soutenir  par  les  scènes  facétieuses 
do  Pagotier.  Les  deux  comédies,  si  peu  comparables,  ne  parurent 
Fane  à  côté  de  l'antre  que  le  3  septembre  :  alors  la  première 
avait  été  déjà  représentée  vingt  et  une  fois  ;  mais  on  a  trouvé 
piquant  de  nous  montrer  Alceste,  lorsqu'il  ne  pouvait  plus  se 
tenir  sur  son  trop  haut  brodequin,  allant  chercher  Sganarelle 
pour  qu'il  lui  prêtât  l'épaule.  L'un  obtenant  grâce  pour 
l'autre,  «  c'est  peut-être  à  la  honte  de  la  nature  humaine,  » 
a  dit  Voltaire*.  Honte  ou  non,  il  aurait  fallu  commencer  par 
vérifier  le  £ait. 

Tout  ce  qn'U  serait  permis  de  croire,  si  l'on  voulait  abso- 
lument que  le  Médecin  malgré  lui  eût  été  comme  appelé  par 
le  Misanthrope^  ce  serait  que  Molière,  après  avoir  contenté 
le  goût  des  plus  délicats,  aurait  jugé  que  cela  même  l'obligeait 
de  travailler,  presque  en  même  temps,  pour  celui  de  la  foule. 
Cétait  Tintërét  de  son  théâtre  ;  mais  il  pouvait  ici  y  satisfaire 
sans  pénible  sacrifice;  car  fort  naturellement  son  génie  avait 
fait  adoption  égale  des  deux  comédies,  de  celle  dont  le  mas* 
que  sourit,  de  celle  qui  rit  aux  éclats.  Aussi  doutons-nous 
beaucoup  qu'il  ait  voulu  se  venger  d'un  froid  accueil  fait  à  sa 

I.  Voyes  an  tome  Y,  p.  36i  et  364. 
1.  Voyes  ci-après,  p.  3s. 


4  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

pièce  sëriease,  lorsqu'il  a  mis  ces  paroles  dans  la  bouche  d'un 
des  personnages  du  Médecin  malgré  lui^  :  «  Palsanguenne  1 
velà  un  médecin  qui  me  platt;  je  pense  qu'il  réussira,  car 
il  est  bouffon.  »  Entendue  comme  une  allusion  au  méchant 
goût  littéraire  des  spectateurs,  la  saillie  a  certainement  plus  de 
sel  encore  ;  mais  donner  à  Tépigramme  ce  sens  détourné,  ce 
serait  admettre  que  la  petite  comédie  tout  entière  n'a  été  qu'une 
ironie  de  l'auteur  irrité ,  un  reproche  adressé  aux  contem- 
porains. Dans  une  pièce  qui  aurait  été  écrite  par  dépit,  il 
serait  bien  étonnant  de  trouver  une  telle  franchise  de  bonne 
humeur.  Cette  verve  n'est-elle  pas  la  marque  d'une  œuvre  à 
laquelle  Molière  a,  tout  le  premier,  pris  grand  plaisir  ?  Esprit 
méditatif  et  profond,  mais  que  nul  ne  surpassait  en  gaieté,  à 
peine  vient-il  de  porter  la  comédie  jusqu'au  point  où,  sans 
perdre  terre,  elle  est  près  d'atteindre  à  la  hauteur  tragique, 
que  tout  à  coup  il  la  ramène  aux  joyeusetés  les  plus  folles  des 
vieilles  farces  gauloises  :  pour  dérider  le  parterre  sans  doute; 
mais  aussi  pour  se  délasser  lui-même.  Passer  si  vite  du  sévère 
au  bouffon,  parcourir  d'un  moment  à  l'autre  tout  le  clavier, 
rien  ne  devait  lui  être  plus  agréable,  et  il  n'est  besoin  de 
supposer  ni  ressentiment  d'une  injustice,  ni  condescendance 
dédaigneuse. 

Si  nous  accordions  à  Voltaire  qu'il  avait  fallu  <c  que  le  sage 
se  déguisât  en  farceur',  »  voilà  du  moins  un  déguisement  pris 
de  très-bonne  grâce  et  paré  de  tout  ce  que  l'esprit  a  de  plus 
étincelant.  Il  y  avait  de  quoi  charmer  non-seulement  ceux 
que  Voltaire  appelle  «  le  peuple  grossier,  »  mais  aussi  cette 
])artie  plus  raffinée  du  public  à  qui  le  Misanthrope  avait  plu. 
La  gazette  rimée  de  Robinet  et  celle  de  Subligny  attestent 
également  le  grand  succès.  Dans  leurs  vers,  datés  du  mois  des 
premières  représentations,  on  croit  entendre  les  éclats  de  rire 
dont  retentit  alors  la  salle  du  Palais-Royal,  et  auxquels  nos 
théâtres  n'ont  pas  aujourd'hui  cessé  de  faire  écho.  Citons 
d'abord  Robinet,  dans  l'apostille  de  sa  Lettre..,,  à  Madame^ 
du  i5  août  1666  : 

Les  amateurs  de  la  santé 

X.  Voyez  tout  à  la  fin  du  premier  acte,  ci-4iprèS|  p.  67. 
.  1.  Voyez  ci-après,  p.  3i. 


NOTICE.  S 

Sauront  qoe  dans  cette  cité 

Un  médecin  Tient  de  paroître. 

Qui  d*Hippocrate  est  le  grand  mattie 

On  peut  gnërir  en  le  to jant, 

En  Tëcontant,  bref,  en  riant. 

n  n'est  nnls  manx  en  la  nature 

Dont  il  ne  fiuse  ainsi  la  cure. 

Je  TOUS  cautionne  du  moins 

(Et  j*en  produirois  des  témoins, 

Je  le  proteste,  infini  nombre) 

Que  le  chagrin  tout  le  plus  sombre 

Et  dans  le  cœur  plus  retranché 

En  est  à  Tinstant  déniché. 

n  aToit  guéri  ma  migraine, 

Et  la  traîtresse,  l'inhumaine 

Par  stratagème  m*a  repris; 

Hais  en  reprehant  de  son  ris 

Encore  une  petite  dose, 

Je  ne  crois  Traiment  pas  qu'elle  ose 

Se  reposter  dans  mon  cerreau. 

Or  ce  meMeiu  tout  nouTcau 

Et  de  Tertu  si  singulière 

Est  le  propre  Monsieur  Molière^ 

Qui  fait,  sans  aucun  contredit. 

Tout  ce  que  ci-dessus  j'ai  dit. 

Dans  son  Médecm  fait  par  force^ 

Qui  pour  rire  chacun  amorce  ; 

Et  tels  médecins  Talent  bien, 

Sur  ma  foi,  ceux....  Je  ne  dis  rien. 

Ia  Muse  Bauphint  de  Sabligny,  à  la  date  du  a6  août  1666, 
se  met  d'accord,  et  ne  célèbre  pas  moins  gaiement  ce  grand 
succès  de  gaieté  : 

DitetHDoi,  s'il  tous  plaît, 

Si  le  temps  tous  permet  de  Toir  la  comédie. 
Ia  Mîédecin  par  forée  étant  beau  comme  il  est, 

Il  fiiut  qu'il  TOUS  en  prenne  enrie. 

Rien  au  monde  n'est  si  plaisant, 

Mi  si  propre  à  tous  faire  rire; 

Et  je  TOUS  jure  qu'à  présent 


6  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUL 

Que  je  songe  à  tous  en  ëcrire, 

Le  ftouTenir  fait,  sans  le  Toir, 

Que  j*en  ris  de  tout  mon  pouToir. 

Molière^  dît-on,  ne  l*sppelle 

Qu'une  petite  bagatelle  ; 
Mais  cette  bagatelle  est  d'un  esprit  si  fin, 

Que,  s*il  faut  que  je  tous  le  die, 
L*estime  qu'on  en  fait  est  une  maladie 
Qui  fait  que  dans  Paris  tout  court  au  Médecin, 

Nous  ne  pouvons,  en  témoignage  de  l'empressement  du  pu- 
blic, demander  au  Registre  de  la  Grange  le  chiffre  des  recettes, 
comme  nous  l'avons  fait  pour  quelques-unes  des  pièces  précé- 
dentes :  ce  chiffre  n'aurait  qu'une  signification  très-douteuse^ 
parce  qu'avec  le  Médecin  malgré  lui  l'on  donnait  toujours 
quelque  grande  pièce.  On  voit  du  moins  par  ce  Registre  que  de- 
puis le  6  août  jusqu'à  la  fin  de  l'année  1666,  il  n'y  eut  presque 
pas  une  représentation  au  Palais-Royal  où  la  nouvelle  comédie 
ne  fût  jouée,  et  qu'elle  continua  à  l'être  fréquemment  les  an- 
nées suivantes.  Dans  le  tableau  des  représentations  de  Mo- 
lière, que  l'on  trouve  à  la  fin  de  notre  premier  volume,  on  en 
^  ^'j    '  relève  Sg  du  Médecin  malgré  lui ^  de  1666  à  1678,  et  282  pen* 

'j  t  \  ^  i^  (  A  .  dant  le  reste  des  années  de  Louis  XIV;  sous  Louis  XV,  470; 
>        -  \   ;.  puis  de  1774  à  1870,  669,  sur  la  scène  du  Théâtre-Français. 

C'est  comme  pièce  nouvelle  de  M,  de  Molière^  suivant  sa 
formule  ordinaire,  que  la  Grange,  dans  son  Registre^  annonce 
pour  la  première  fois  le  Médecin  malgré  lui^  à  la  date  que 
nous  avons  dite.  Subligny  et  Robinet,  on  l'a  vu,  parlent  aussi 
de  cette  comédie  comme  d'une  nouveauté,  sans  aucune  allu- 
sion à  une  pièce  antérieure  dont  celle-ci  n'aurait  été  que  la 
refonte.  Pour  que  l'on  eût  si  entièrement  oublié,  quoique  peu 
ancien,  un  petit  fait  dont  les  registres  de  la  comédie  ont 
gardé  la  trace,  il  faut  qu'à  son  moment  il  eût  été  peu  remarqué. 
Assez  longtemps  avant  le  Médecin  malgré  lui,  Ton  avait  joué, 
sur  le  théâtre  du  Palais-Royal,  une  farce  où  il  se  trouvait  en 
gei*me  ;  le  sujet  en  était  le  même  :  nous  ne  croyons  pas  qu'on 
en  puisse  douter.  Voici  d'abord  le  Registre  de  la  Grange  :  à 
la  date  du  14  septembre  z66i,  avec  le  Cocu  imaginaire ,  on 
représente  le  Fagotier;  à  celle  du  vendredi  ao  avril  i663, 
avec  les  Fâcheux,  une  Farce.  Cette  dernière  indication  resterait 


NOTICE.  7 

^ragnct  ai  le  Registre  de  la  TkorilUêre^  sons  la  même  date,  ne 
nmiimait  cette  farce,  qui  ëtait  le  Fagoteax.  Dira-t*on  qae  s'il  j 
a  fagots  et  fagots,  il  a  bien  pa  y  avoir  Fagoiier  et  Fagatier? 
Mais  ailleurs  le  même  r^;istre  de  la  Thorillière  noos  apprend 
qne,  le  mardi  9  septembre  1664,  on  donna  f  Héritier  ridicule^ 
et  le  Médecin  par  force.  Cette  fois,  et  deux  ans  seulement 
avant  le  Médecin  malgré  luij  le  personnage  de  comëdie  qui 
s'appela  d'abord  le  Fagotier  ou  Fagoteux  s'annonce  sans  équi- 
voque comme  une  première  épreuve  de  notre  Sganarelle.  Sui- 
vant toutes  les  vraisemblances,  nous  avons  toujours  afiaire, 
sous  trois  titres,  dont  le  dernier  seul  est  réellement  différent, 
à  une  même  farce,  plus  ou  moins  imparfaite  ébauche  du  Mé^ 
decin  malgré  lui.  Le  titre  du  Médecin  par  force  est  clair;  il 
l'est  d'autant  plus,  que  bientôt  après  on  le  donna  aussi  à  la 
pièce  plus  nouvelle  :  les  vers  déjà  dtés  de  Robinet  et  de  Su- 
blîgny  en  font  foi;  et  beaucoup  plus  tard,  Bossuet,  qu'on  ne 
s'attendait  pas  â  rencontrer  en  cette  affaire,  peut  être  aussi 
pris  à  témoin.  Trop  célèbre  est  le  passage  de  ses  Maximes  ei 
Réflexions  sur  la  comédie  (§  v),  où,  foudroyant  Molière  dans  sa 
tombe,  il  le  représente  recevant  la  dernière  atteinte  de  sa  ma» 
ladie  «  en  jouant  son  Malade  imaginaire  ou  son  Médecin  par 
force,  »  Peu  importe  qu'avec  un  dédain,  tout  oratoire  peut- 
être,  de  la  connaissance  précise  des  choses  du  théâtre,  il  n'ait 
pas  su  laquelle  des  deux  pièces  avait  épuisé  les  dernières  forces 
du  malheureux  comédien,  ou  qu'il  n'en  ait  fait  qu'une  seule  du 
Malade  imaginaire  et  du  Médecin  maiff^  lui  :  de  toute  façon 
c'est  bien  de  celui-ci  qu'il  avait  entendu  parler  sous  le  titre  qui 
était  encore  en  usage'.  Quant  au  titre  de  Fagotier^  il  est  re- 
marquable que  Grimarest  *  le  donne  au  Médecin  malgré  lui^  et 
plus  remarquable  encore  que,  dans  le  Registre  de  la  Grange^ 
aux  dates  des  7  et  9  octobre  1679,  <^  trouve  le  Fagptier 

1,  Oa  la  Dame  intéressée^  de  Scarron,  rq>réflenté  d'abord  en 
1649. 

a.  Mme  de  Sérîgné,  qui  araît  tu  jouer  parfaitement  bien  à  Vitré 
c  k  frroe  de  Molière,  »  en  1671  (tome  II,  p.  355),  la  nomme,  en 
1675  (tome  rV,  p.  19a),  a  la  comédie  du  Médecin  forcé,  »  et  y  fcit 
aUution  ailleurs  tous  ce  même  titre  (tome  VI,  p.  3oi  et  408). 

Z,  La  FU  de  M.  de  Molière  (1705),  p.  181  et  idS. 


8  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

)ooë,  le  prenûer  de  ces  deux  jours,  avec  le  Désespoir  esArant» 
gant^^  le  second,  avec  h  Cid,  L'ancienne  petite  farce,  depuis 
longtemps  si  bien  remplacée,  est,  en  1679,  hors  de  question,  et 
l'on  ne  saurait  reconnaître  là  que  ie  Médecin  malgré  lui.  Dans 
cette  persistance  du  nom,  que  le  Registre  fait  ainsi  reparaître,  il 
y  a  une  nouvelle  preuve  que  notre  comédie  avait  eu  sa  pre- 
mière forme  dans  l'ancien  Fagoiier,  On  ne  nous  dit  pas  que 
cette  ébauche  fût  de  Molière;  mais  comment  ne  pas  le  croire? 
Ce  devait  être  une  de  ces  petites  comédies  qu'il  «  avoit  faites, 
dit  l'éditeur  de  i68a,  sur  quelques  idées  plaisantes,  sans  y 
avoir  mis  la  dernière  main,  »  et  que,  suivant  Jean-Baptiste 
Rousseau,  il  donnait  comme  de  simples  canevas  à  ses  acteurs, 
qui  les  remplissaient  sur-le-champ,  à  la  manière  des  Italiens'. 
Il  est  regrettable  que  celle-ci  ne  se  soit  pas  retrouvée  :  il  y 
aurait  eu  un  intéressant  sujet  d'étude  dans  la  transformation 
que  Molière  lui  avait  fait  subir  pour  en  tirer  une  pièce  d*un 
comique  achevé.  Nous  pouvons  tenir  pour  certain  que  cette 
transformation  a  été  grande.  On  a  fait  remarquer  le  peu  de 
traces  qu'avait  laissé  dans  les  souvenirs  le  premier  Fagoiier, 
Ce  qui  n'est  pas  moins  signiGcatif,  la  Grange  le  mentionne 
sans  nom  d'auteur  ;  puis,  en  un  autre  endroit,  le  désigne  sim- 
plement comme  une  farce,  trop  peu  importante  sans  doute 
pour  être  enregistrée  sous  son  titre  :  si  bien  que,  cette  fois4à, 
nous  ne  saurions  pas  de  quoi  il  s'agit,  sans  le  Registre  de  la 
Thorillière;  et  quand  la  petite  pièce  est  jouée  en  1664,  avec 
VHéritier  ridicule^  et  que  la  Thorillière  l'intitule  le  Médecin 
par  force ^  la  Grange  la  passe  sous  silence.  Ce  ne  pouvait  donc 
être  qu'une  bien  faible  esquisse,  qui  ne  laissait  soupçonner  à 
personne  ce  que  plus  tard  la  main  du  maître  en  saurait  faire. 
Lorsque  Molière  reprit  un  des  sujets  qu'il  avait  essayés 
autrefob,  et  probablement  dès  le  temps  où  sa  troupe  parcourait 
encore  la  province,  il  fit,  dira-t-on,  un  pas  en  arrière;  mais 
ne  dédaignons  pas  ces  retours  au  point  de  départ,  surtout 
quand  il  s'y  marque,  en  même  temps,  un  grand  progrès.  Il  ne 
fout  pas  avoir  le  goût  plus  exclusif  et  plus  superbe  que  Molière, 

I.  Comédie  de  Siibligny,  jouée  le  x*'  août  1670  {Retire  de  la 

Gnmge), 

a.  Voye»  au  tome  I,  p.  xit,  10  et  ii« 


NOTICE.  9 

1  qni  il  ne  rëpagna  jamais  de  revenir  un  moment  à  sa  première 
oauièrey  et  aussi  à  la  tradition  si  franchement  gaie  de  notre 
ancien  diéâtre  :  alors  il  ne  se  faisait  pas  scrupule  de  nous  la 
jtndre  jusque  dans  sa  liberté  souvent  fort  crue. 

La  guerre  qu'il  avait ,  depuis  peu,  déclarée  aux  médecins 
continuait  cette  vieille  tradition,  qui,  dans  ce  sujet-là,  ne  s'était 
jamais  Eût  faute  de  bouffonneries;  c'était  une  guerre  qui,  s'atta- 
quant  surtout  aux  côtés  grotesques,  demandait  des  armes  moins 
fines  qiMr  celles  de  la  comédie  de  caractère;  et  ce  put  être 
mie  des  raiacms  qui  engagèrent  Molière  à  rajeunir  une  de  ses 
ancîeniies  Carces.  Dans  ce  comique  d'ailleurs,  d'un  genre  moins 
âevé,  mais  plein  d'entrain,  Û  sentait  bien  qu'il  restait  un 
maître  encore,  et  que,  ne  fût-il  jamais  sorti  de  cette  voie 
tonte  populaire,  il  n'en  eût  pas  moins,  quoi  qu'en  pût  penser 
Boîleau,  remporté  le  prix  de  son  art;  car  nul  avant  lui, 
si  l'on  excepte  Rabelais,  rieur  souvent  grossier,  souvent  aussi 
très-fin^  n'avait  su  donner  tant  de  piquant  au  sel  gaulois. 

La  littérature  plaisante  de  nos  aïeux,  dont  Molière,  dans  le 
Médecin  malgré  lui^  comme  dans  ses  premières  petites  pièces, 
a  exploité  Théritage,  a  toujours  eu  à  son  service  un  fonds  très- 
ancien  de  facéties,  cpii  avaient  cours  on  ne  peut  dire  depuis 
quel  temps,  nées  souvent  sans  doute  sur  notre  sol,  quelquefois 
venues  de  l'étranger.  En  les  empruntant,  nous  nous  les  étions 
appropriées  par  le  tour  que  nous  excellions  à  leur  donner. 

Voici,  par  exemple,  celle  du  rustre  qui  bat  sa  femme,  et 

dont  celle-ci  se  venge,  en  le  dénonçant  comme  un  médecin 

d'humeur  bizarre,  dont  on  ne  peut  obtenir  aucun  secours  sans 

hn  Êdre,  à  coups  de  bâtmi,  confesser  sa  science.  Un  fabliau 

du  moyen  âge  nous  fait  en  vers  ce  petit  conte.  On  y  trouve 

indiqué  le  dessin  du  Médecin  malgré  lui  dans  son  premier 

acte.  Il  y  a  toutefois  des  différences.  Le  paysan  du  fabliau 

ne  fait  pas  de  fagots  :  c'est  un  riche   et  avare  laboureur, 

qui  a  épousé  la  fille  d'un  chevalier,  tandis  que  Sganarelle  a 

une  femme  de  même  condition  que  lui  ;  de  là,  dans  Molière, 

des  scènes  de  ménage  populaire  qui  sont  d'une  vérité  parfaite. 

Le  vilain,  chez  le  vieux  conteur,  craint,  comme   George 

Daodin,  d'avoir  fait  une  sottise,  et  de  s'être  exposé  aux  infor- 

tanes  que  n'évitera  pas  le  gendre  des  Sotenvilles.  Pour  n'avoir 

neo  à  redouter  de  sa  femme,  il  imagine  de  la  si  bien  battrei 


lo  LE  MÉDECIN  MALGRE  LUI. 

chaque  matin,  qu'elle  ne  songera  tout  le  jour  qu'à  pleurer  t 
recette  oubliée  par  Ovide  dans  ses  Remèdes  ^ amour.  Tandis  que, 
régulièrement  accablée  de  coups,  la  malheureuse  se  lamente, 
surviennent  deux  messagers,  chargés  par  le  Roi  de  lui  trouver 
un  médecin  pour  sa  fille,  qui  a  avalé  une  arête  de  poisson.  La 
femme  du  paysan  comprend  qu'elle  tient  sa  vengeance.  «  Mon 
mari,  dit-elle  aux  messagers,  est  bon  médecin,  je  vous  en 
donne  ma  foi.  Mais  il  est  de  telle  nature,  qu'il  ne  ferait  rien  pour 
personne  si  on  ne  le  battait  bien.  »  Alors  vient  la  scène  entre 
le  vilain  et  les  messagers,  toute  semblable,  au  fond,  à  celle  où 
Yalère  et  Lucas  prennent  les  bons  moyens  pour  obtenir  de 
Sganarelle  l'aveu  de  la  science  qu'il  ne  se  connaissait  pas. 

Ce  fabliau  a  pour  titre  :  du  Vilain  mire^,  c'est-à-dire  histoire 
du  Pajrsan  médecin,  La  courte  analyse  que  nous  venons  de  don- 
ner de  sa  première  partie  fait  voir  toute  la  ressemblance  qu'il  a 
avec  notre  comédie.  Gomme  cette  ressemblance  d'ailleurs  n'est 
que  dans  la  situation,  sans  qu'il  y  ait  aucun  détail,  aucune 
saillie  plaisante  à  rapprocher,  nous  croyons  inutile  de  citer 
ici  le  texte  assez  long  du  conte.  Barbazan  l'a  donné  au  com- 
mencement du  tome  I  des  Fabliaux  et  Contes  des  poètes  françois 
des  XII,  XIII,  Xir  et  XV*  siècles,  publiés  en  1756*.  Il  a 
depuis  gardé  sa  place  dans  les  divers  recueils  qui  ont  suivi  et 
complété  cette  collection,  la  première  en  date.  Le  niain  mire 
est  connu  encore  sous  un  autre  titre.  Cailhava  pourrait  induire 
en  erreur  à  ce  sujet  :  a  Le  Médecin  malgré  lui...,  dit-il,  pa- 
raît imité  d'un  fabliau  intitulé  le  Médecin  de  Brai;  mab  je  le 
crois  plutôt  pris  dans  un  conte,  le  Vilain  mire*,  »  Où  il  dis- 
tingue deux  contes,  on  n'en  doit  reconnaître  qu'un  seul.  Notre 
Bibliothèque  nationale  possède  une  copie  des  fabliaux  du  ma- 
nuscrit de  Berne,  dans  laquelle  le  Vilain  mire  a  pour  titre  do 
Mire  de  Brai^.  Legrand  d'Aussy  devait  avoir  cette  copie  sous 

I.  Voyez  au  Fonds  français  des  manuscrits  de  notre  Bibliothè- 
que nationale,  le  n*  887  (ancien  7118),  f«*  189  r«  à  141  r<*. 

3.  À  Paris,  3  Tolumes  in-ia.  —M.  Moland  (ÛEai^re#  complètes 
de  Molière f  tome  IV,  p.  i58-x66)  a  inséré  le  FUain  mire  dans  sa 
Notice  préliminaire  du  Médecin  malgré  liti^  et  a  mis  en  regard  du  texte 
une  traduction  dans  la  langue  de  nos  jours. 

3.  Études  sur  Molière^  180s,  p.  iSs. 

4.  Voyez,  à  la  Bibliothèque  nationale,  la  copie  du  manuscrit  354 


NOTICE.  If 

les  yeux,  lorsqu'il  publia,  en  17799  aesFaUiaux  ou  contes,.,, 
du  XIV  et  du  XIIP  siècle^  traduits  ou  extraits.  Au  tome  I 
(p.  398  et  suivantes),  où  il  imite  en  français  moderne  notre 
fabliaa,  il  l'intitule  :  le  Médecin  de  Brai^  alias  le  Filain  devenu 
médecin,  Cailhava  avait  sans  doute  lu  ce  Recueil  de  Legrand 
d'Aussy;  mais  il  l'avait  lu  avec  distraction. 

Au  dix-septième  siècle,  les  fabliaux  n'avaient  pas  encore 
ëté  imprimes.  Qu'ils  y  lussent  cependant  inconnus,  ce  serait 
assez  de  la  Fontaine  pour  ne  pas  permettre  de  le  croire.  Le 
souvenir  s'en  ëtait  conserve,  non  dans  la  forme  originale,  mais 
dans  des  ouvrages  de  seconde  main  :  ils  avaient  passe,  avec 
plus  ou  moins  d'altérations,  dans  des  auteurs  du  seizième  siècle^ 
français  et  étrangers.  Voilà  de  quelle  manière  le  Filain  mire 
a  pu  arriver  jusqu*à  Molière.  Mais  à  laquelle  des  sources  indi» 
rectes  l'auteur  du  Médecin  malgré  lui  a^t-il  puisé  ?  Comment 
k  savoir?  Nous  voyons  qu'il  y  a  un  rapport  incontestable  entre 
le  fabliau  et  notre  comédie,  sans  pouvoir  dire  quel  intermé- 
diaire les  a  rapprochés  :  le  conte  qui  fait  le  fond  du  Filain 
Mire  courait  depuis  longtemps  avec  des  variantes. 

Ainsi,  dans  la  dixième  Serée  de  Guillaume  Bouchet^,  il  y  a 
l'histoire  d'une  «  Damoiselle,  fille  de  grande  maison,»  qui 
était  en  grand  danger  de  mourir,  ayant  dans  le  gosier  l'arête 
que  nous  connaissons  déjà.  Après  avoir  en  tain  consulté  beau* 
coDp  de  mé^ledns,  on  a  recours  à  MessireGrillo,  qui  guérit  la 
malade  en  la  faisant  rire  par  une  grossière  bouffonnerie.  Ce 
personnage  de  Grillo  est  le  héros  d'un  petit  poème  italien,  dont 
laateur  inconnu  est  plus  ancien  que  Bouchet*,  et  où  sont  ra-> 
contées,  en  octaves  rimées,  les  aventures  d'un  paysan  labou- 
reur [viltano  iavoratoré)  qui  voulut  devenir  médecin.  Là  nous 
retrouvons  un  peu  plus  encore  du  Filain  mire  que  dans  le 


de  Berne  (collection  Moreau,  vfl  1730,  fabliau  18;  ancienne  col- 
lection Mouchet,  n®  46).  M.  A.  de  Montaiglon  nous  a  signalé 
ce  fait,  d«nt  il  avertit  dans  une  note,  à  la  page  370  du  tome  III 
(1878)  de  son  Beeueil  général  et  complet  des  Fabliaux  des  Xlll^  et 
Xir*  tUeles  (Paris,  librairie  des  Bibliophiles,  3  Tolumes  in-8«). 

I.  Édition  de  M.  Roybet,  tome  II,  p.  191-194  ;  les  trois  lirres 
det  Stries  parurent  de  i584  à  xS9S. 

a.  Le  Manuel  du  libraire  cite  de  ce  petit  poème  une  édition 


m  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUL 

conte  de  Boachet  :  la  femme  du  paysan,  ayant  à  se  venger  de 
lui,  fait  savoir  au  Roi  qu'il  est  un  médecin  habile,  mais  que, 
pour  vaincre  son  obstination  à  cacher  son  savoir,  il  faut  le  me- 
nacer de  mort.  Ajoutons  qu'après  avoir  délivre  de  son  arête 
la  fille  du  Roi,  GrUlo  opère,  à  l'aide  d'une  excellente  ruse,  une 
autre  cure  fort  plaisante  sur  les  malades  de  l'hôpital  de  Sainfr* 
Benoit.  Cest  là  encore  une  des  facéties  de  la  vieille  légende. 

U  faut,  en  efiPet,  remarquer  que,  dans  le  Vilain  mire^  il  y  a 
trois  actions  distinctes,  nous  dirions  volontiers  trois  actes  de  la 
petite  comédie.  D'abord  le  rustre  est  dénoncé  comme  médecin 
par  sa  femme  aux  envoyés  du  Roi  et  passe  docteur  à  coups  de 
bâton;  puis  il  expulse  l'arête  du  gosier  de  la  fille  du  Roi  en  la 
fusant  rire;  enfin,  sommé  de  guérir  les  malades  du  pays,  il  a 
recours  au  même  stratagème  que  dans  le  conte  italien  pour 
leur  faire  dire  qu'ils  n'ont  plus  aucun  mal.  Nous  avons  vu  que 
la  dixième  Serée  de  Bouchet  reproduit  le  second  acte.  Le  troî:- 
sième  a  trouvé  place  ÔAnslA  trentième  Serée  du  mêmeBouchetS 
où  nous  lisons  l'histoire  d'un  cardinal  qui,àyerceil,  fait  habiller 
un  de  ses  serviteurs  en  médecin  et  l'envoie  à  l'aumônerie  ponr 
qu'il  l'y  débarrasse  des  trop  nombreux  malades.  Là  tout  se 
passe  comme  dans  le  poème  italien  et  dans  le  Vilain  mire.  Le 
même  épisode  est  dans  une  des  Facéties  du  Pogge'  et  aussi 
dans  l'Histoire  de  Till Eulenspiegel* ^  au  chapitre  xvii,  et  dans 
quelques  autres  livres  de  vieux  contes. 

Molière  n'ayant  rien  de  pareil  à  la  scène  de  la  guérison 
burlesque  de  la  princesse,  ni  à  celle  de  l'hôpital,  ces  contes, 
où  nous  reconnaissons  des  parties  du  fabliau  auxquelles  il  n'a 


de  i5si,  imprimée  à  Venife.  Celle  que  nous  aTons  Tue  est  de  i6is. 
En  Toici  le  titre,  qui  n*oflre  que  de  légères  différences  aTec  le 
titre  de  x5sx  :  Opéra  9M9a piacevole  et  da  ridere^  in  ottaça  rima,,,^  di 
MUio  wUano  lavoratore  nominato  GMILLO^  il  quai  volse  diventàr  me£eOm 
hk  Payia,  e  ristampau  in  Torino,  x6ii. 

X.  Édition  de  M.  Roybet,  tome  IV,  p.  978  et  S74. 

1.  Celle  qui  a  pour  titre  :  Facetum  eujusdam  Petr'Uli^  ut  Uèeraret 
hospitale  a  sordidU,  Voyez  rédition  de  ces  Facéties  imprimée  à 
Venise,  le  10  aTiil  X487  (sans  pagination)  ;  ou  celle  d* Angers,  datée 
du  3  août  1487,  feuille  ^  f>  5  r«  et  t«. 

3.  Voyes,  dans  la  nouvelle  collection  Jannet,  les  Aventuru  defU 


NOTICE.  t3 

pas  touche,  n*ont  d'intârêt  pour  noos  que  parce  qu'ils  attestent 
oombieii  les  plaisanteries  de  ce  fabliau  ont  été  répétées.  Si, 
comme  noos  Tenons  de  le  constater,  elles  étaient  connues  dans 
ce  que  Molière  a  laisse  de  côte,  elles  Tëtaient  aussi  dans  ce 
qoi  se  retrouve  chez  lui. 

Le  médecin  que  le  bâton  agrège  à  la  Faculté,  c'est,  comme 
Fa  fait  remarquer  une  addition  au  Menagiana^^  une  histoire 
qni  nous  est  contée  fort  sèchement  dans  la  Table  philosophique 
[Memsa  philasophica)  de  l'Irlandais  Thibaut  Anguilbert,  écrite 
au  quinûème  siècle'.  On  y  lit  :  Qimdam  mtUier^  pereussa  a 
nro  suo^  ipit  ad  casteUanum  infirmum^  dicens  pirum  suttin  esse 
medicsun^  sed  non  mederi  cuiqttam  nisi  forte  percuiereiur,  et 
sic  eum  fortissime  percuti  procura»it,  «  Une  femme,  battue  par 
son  mari,  alla  vers  un  châtelain  malade,  disant  que  son  mari 
était  médecin,  mais  ne  soignait  personne  s'il  n  était  fortement 
battu,  et  de  cette  façon  elle  le  fit  battre  bien  fort.  » 

Noos  pouvons  remonter  plus  haut  encore  qu'au  temps  d' An- 
guilbert. Parmi  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  de  Tours,  il 
y  a'  un  recueil  de  fables,  de  contes,  d'historiettes,  auquel  on  a 
donné  le  titre  de  Compilatio  singularis  exemplontm,  M.  Léopold 
Delîsle,  qui  l'a  décrit  et  en  a  cité  de  curieux  extraits*,  dit  que 
récriture  du  manuscrit  est  du  quinzième  siècle,  mais  que  la 
rédaction  do  recueil  est  du  treizième.  N'est-ce  pas  à  peu  près 
rige  qu'on  doit  supposer  au  Filain  mire?  Au  folio  174  du  ma- 
nuscrit se  trouve  toute  la  légende  que  ce  fabliau  nous  a  fait 
connaître.  Aucune  des  diverses  aventures  que  l'auteur  du  Vi" 

UlespiigU^  première  traduction  complète  faite  sur  foriginal  allemand 
Je  iSig...,  par  M.  Pierre  Jannet,  Parii,  1866,  p.  96  et  tairantet. 

t.  Tome  m,  p.  io5  et  106  (ëdition  de  1715). 

9.  Traetatus  qiiartut  et  ultimut.  De  honestis  ludis  etj'oeis,  au  cha<- 
pître  xTin,  iU  MuHerièuSy  ^  Iriij  r*,  dans  Fëdition  gothique  de 
Paris  (Denis  Roce,  sans  date)  :  c*est  celle  que  nous  arons  sous 
les  yeux.  La  Monnoje,  dans  son  addition  au  Menagiana  (tome  III, 
p.  io5),  dit  quHl  avait  en  sa  possession  une  édition  gothique  de 
1S07.  Le  Manuel  du  libraire  en  dte  une,  également  gothique,  de 
1489,  imprimée  à  Heidelbcrg. 

3.  Soos  le  numéro  aoS. 

4.  Voyez  la  Bibliothèque  de  Picole  des  chartes^  6*  série,  tome  IV 
(1868),  p.  60X  :  on  y  trouvera  le  texte  latin  du  conte. 


i4  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

ia//t  mire  a  rimées  n'y  est  omise  :  la  femme  battue  chaque 
jour  par  son  mari,  les  messagers  de  la  coar  qui  ^cherchent  on 
médecin  pour  la  fille  du  Roi  ëtranglée  par  une  arête,  la  ven- 
geance de  la  femme,  qui  leur  confie  en  secret  que  son  mari 
est  très-savant  dans  l'art  de  guérir,  mais  qu^il  faut  le  battre 
pour  qu'il  en  convienne  ;  Tinvestiture  par  le  bâton  donnée  au 
nouveau  médecin  ;  celui-ci  devenu  le  sauveur  de  la  princesse, 
en  provoquant  son  rire  par  une  indécente  folie  ;  enfin  les 
malades  qui  arrivent  de  toutes  parts,  et  que  le  rusé  effraye  si 
bien,  qu'ils  se  disent  tous  guéris. 

C'est  au  treiaème  siècle  aussi  que  prêchait  Jacques  de 
l^try*,  dont  les  sermons,  dit  Daunou  dans  l'Histoire  litté- 
raire de  la  France*  j  <c  étaient  à  distinguer  dans  la  foule  de  ceux 
du  même  âge,..:  parce  qu'on  y  trouve  un  peu  moins  d'argu- 
mentations scolastiques  et  un  peu  plus  d'exemples  empruntés 
des  chroniqueurs  et  des  légendaires.  »  Dans  un  de  ces  sermons, 
qui  justifie  la  remarque  de  Daunou,  le  livre  de  la  Chaire  fran- 
çaise au  moyen  âge*  par  M.  Lecoy  de  la  Marche  signale  la 
même  anecdote  d'une  fille  de  roi  guérie  par  un  médecin  malr 
gré  lui^.  Rien  n'a  donc  manqué  à  la  célébrité  de  l'amusante 
histoire,  pas  même  l'honneur  de  nous  être  attestée  par  l'élo- 
quence sacrée. 

Si  nous  nous  rapprochons  du  temps  de  Molière,  on  a,  depuis 
longtemps,  noté  un  récit  qui  rappelle  singulièrement  le  Vilain 
mire  dans  le  Voyage  en  Moscovie  d'Adam  Olearius',  soit  qu'il 
y  ait  eu  rencontre  fortuite  d'un  fait  véritable  avec  le  vieux 

I.  Mort  cardinal,  le  3o  anil  1240. 
a.  Tome  XVIII,  p.  919. 

3.  Piihlié  en  x868  :  Toyez  p.  980. 

4.  Le  texte  de  ce  sermon  est  donné  dans  le  manuscrit  latin 
17  509  de  la  Bibliothèque  nationale,  f*  189  r». 

5.  Ce  Toyage  a  paru  pour  la  première  fois  en  1647  (i  Tolume 
in-folio,  Schleswig).  Nous  aTons  sous  les  yeux  une  autre  édition, 
de  1 656  (Schleswig,  in-4*):  P'ermehrteneueBesehrei&ungJer  Mttseowi' 
tischen  tind  Persischen  Bejrse  :  Toyez  aux  pages  187  et  x88.  —  Nous 
renvoyons,  pour  la  traduction,  à  la  Relation  du  voyage  itAdam 
Olearius  en  Moseovte,  Tartarie  et  Perse.  „^  traduit  de  P allemand  par  A, 
de  Wiequefort^  résident  de  Brandebourg^  Paris,  M  dglix,  in-4®.  Une 
première  version  française,  un  peu  différente,  ayait  paru  dès  i656; 


NOTICE.  i5 

ooote,  soit  platAt  qa'il  se  présente  là  tm  exemple,  entre  beau- 
coup  dTantres,  de  la  fadlitiS  qu'ont  les  l^endes  à  se  prc^ger 
dans  les  divers  pays,  en  y  prenant  une  couleur  locale.  Dans 
Ofearins,  le  médecin  par  force  est  un  boyard  dont  l'aventure 
aurait  eu  pour  théâtre  la  cour  de  Boris  Godunow,  au  commen- 
cement du  diz-sqitième  siècle.  Le  Grand-Duc  se  trouve  être  un 
Gàtnte  un  peu  rude,  â  la  façon  tartare.  Wicquefort'  a  ainsi 
traduit  ce  passage  : 

«  Martin  Baar,  pasteur  de  Narva,  qui  demeuroit  déjà  à 
Moscou  sous  le  règne  du  grand-duc  Boris  Gudenou,  nous 
conta  un  jour  que,  de  son  temps,  le  Grand-Duc  se  trouvant 
fort  afiBigë  de  la  goutte,  fit  promettre  de  très-grandes  récom- 
penses à  toutes  sortes  de  personnes,  de  quelque  qualité  ou  con- 
dition qu*eUes  fussent,  qui  lui  indiqueroient  un  remède  capable 
de  soulager  son  mal.  La  fenmie  d'un  bolare,  outrée  du  mauvais 
traitement  qu'elle  recevoit  de  son  mari,  alla  déclarer  que  le 
bolàre  savoit  un  fort  bon  remède  pour  la  goutte,  mais  qu'il 
avoit  si  peu  d'affection  pour  Sa  Majesté,  qu'il  ne  le  vouloit 
point  conmauniquer.  On  envoya  quérir  l'homme,  qui  fiit  bien 
étonné  quand  il  sut  la  cause  de  sa  disgrâce;  mais  quelque 
excuse  qu'il  pût  alléguer,  on  l'attribuoit  à  la  malice  :  on  le  fit 
fouetter  jusqu'au  sang,  et  on  le  mit  en  prison,  où  il  ne  pat  pas 
s'empêcher  de  s'emporter  et  de  dire  qu'il  voyoit  bien  que 
c'étoit  sa  femme  qui  lui  avoit  joué  ce  tour,  et  qu'il  s'en  veoge- 
roit.  Le  Grand-Duc  s'imaginant  que  ces  menaces  ne  procé- 
doioit  que  du  dépit  que  le  bolare  avoit  de  voir  qae  sa  femme 
avoit  révélé  son  secret,  le  fit  fouetter  plus  cruellement  que  la 
première  fois,  et  lui  fit  dire  qu'il  employât  son  remède,  ou  qu'il 
se  disposât  à  mourir  présentement.  Le  pauvre  diable,  voyant 
sa  perte  inévitable,  dit  enfin,  dans  le  dernier  désespoir,  qu'en 
effet  il  savoit  quelque  remède,  mais  que  ne  le  croyant  pas  assea 
certain,  il  ne  l'avoit  pas  osé  employer  pour  Sa  Majesté  ;  et  que, 
si  on  lui  vouloit  donner  quinze  jours  de  temps  pour  le  pré- 

elle  était  sans  doute  aussi  de  Wicquefort,  que,  sur  le  titre,  parais- 
sent bien  déùgatr  les  initiales  L.  R.  D.  B.  (le  résident  de  Bimn- 
deboorg). 

I.  Tome  I,  p.  147  et  148  de  l'édition  de  lOSg;  p.  94  et  9$  de 
celle  de  16S6. 


i6  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

parer,  il  s'en  senriroit.  Après  avoir  obteim  ce  dâaî,  il  envoya 
à  Gzirbach,  à  deux  joomëes  de  Moscou,  sur  la  rivière  d'Occa, 
d*où  il  se  fit  amener  im  chariot  plein  de  toutes  sortes  d'her- 
bes, bonnes  et  mauvaises,  et  en  prépara  un  bain  pour  le  Grand- 
Duc,  qui  s'en  trouva  bien.  Car,  soit  que  le  mal  fût  au  dëclin, 
ou  que,  parmi  une  si  grande  quantité  de  toutes  sortes  d'herbes, 
il  s'en  trouvât  de  propres  pour  son  mal,  il  en  fut  soulage.  Ce 
fut  alors  que  l'on  se  confirma  dans  l'opinion  que  l'on  avoit  eue, 
que  le  refus  du  bolare  n  ëtoit  procédé  que  de  sa  malice  :  c'est 
pourquoi  on  le  fouetta  encore  plus  fort  que  les  deux  premières 
ibis,  et  après  on  lui  fit  un  présent  de  quatre  cents  écus,  et  de 
dix-huit  paysans,  pour  les  posséder  en  propre,  avec  défenses 
bien  expresses  et  très-rigoureuses  de  s'en  ressentir  contre  sa 
femme,  qui  en  profita  si  bien,  que,  depuis  ce  temps-là,  ils  vécu- 
rent ensemble  en  une  très-parfaite  amitié.  »  La  réconciliation 
du  médecin  par  force  avec  sa  femme,  à  qui  il  pardonne  les 
coups  de  bâton,  comme  le  lui  fait  dire  Molière,  en  faveur  de  la 
dignité  à  laquelle  elle  l'a  élevé,  est  également  à  la  fin  du  Vilain 
mire^  et  au  dénouement  du  Médecin  malgré  lui. 

Malgré  ces  ressemblances,  ce  n'est  assurément  pas  dans  le 
Fcjage  en  Mosco9ie  que  Molière  a  été  chercher  sa  comédie; 
mais  le  récit  d'Olearius,  s'il  n'est,  comme  nous  le  croirions  vo- 
lontiers, qu'une  réédition  moscovite  de  la  très-ancienne  fable, 
était  bon  à  citer  comme  l'une  des  preuves  qu'elle  a  fait  le  tour 
du  monde.  L'anecdote  reparaît  à  la  cour  de  François  I*%  et 
l'auteur  de  la  Vie  de  Molière  qui  est  en  tète  de  l'édition  de 
1725  (Amsterdam)^  nous  dit  même  qu  elle  est  du  temps  de 
ce  prince,  qu'il  «  fut  lui-même  une  des  personnes  de  l'intri- 
gue. »  Il  ajoute  qu'elle  fut  racontée  en  présence  de  Louis  XIV, 
et  que  Molière,  l'ayant  ainsi  connue,  en  fit  son  profit.  C'est  ce 
qu'il  serait  difficile  d'admettre.  La  première  ébauche  que  Mo- 
lière donna  de  sa  pièce  est  de  trop  ancienne  date  pour  faire 
penser  au  temps  où  il  avait  accès  à  la  cour. 

Pour  conclure,  notre  comédie  a,  sans  hésitation  possible, 
fait  quelque  part  un  emprunt.  Mais  à  quelle  source  directe- 
ment? On  ne  le  découvrira  jamais  avec  certitude.  Voici  la  con- 

I.  Tome  I,  p.  70  :  sur  cette  édition  et  cette  VU  de  T Auteur^ 
Toyez  notre  tome  III,  p.  ia3,  note  3. 


NOTICE.  17 

jectare  que  nous  ptoposmoas*  La  plupart  des  foUiauz,  quand 
ik  furent  passes  de  mode  sous  leur  Yteille  forme,  prirent  celle 
de  [arces,  jooëes  sur  notre  théâtre  naissant.  Cest  ce  qui  dut 
arriTcr  au  Fiiain  mire^  dont  notre  auteur  aurait  connu  la 
légende  de  ce  côté.  Ou  bien  encore  d'un  conte  italien  analogue 
lut  tirée  quelque  farce  italienne.  Molière,  on  le  sait,  emprun- 
tant beaucoup  à  ces  farces-là  dans  ses  premières  petites  pièces; 
ainsi  dans  le  Médecin  volani^^  suivant  Somaize;  probablement, 
dans  la  Jalousie  du  Barbouillé^  comme  M.  Despois  en  a  fait  la 
remarque'.  U  n'est  pas  invraisemblable  qu'il  se  soit,  ici  encore, 
inqpiré  de  quelque  canevas  italien.  Il  ne  faudrait  pas  d'ailleurs 
parier^  comme  on  l'a  fait*,  de  YArlecchino  medico  volante. 
Evidemment  de  cette  arlequinade,  qui  paraît  avoir  précédé, 
mais  sans  avoir  été  impriinée  *,  son  Médecin  volant^  Molière 
n'a  tiré  que  ce  dénier  sujet,  et  quelques  traits  dont  il  a,  pour 
la  seconde  fois,  ùdt  usage  dans  le  Médecin  malgré  lui*. 

ncknor,  dans  son  Histoire  de  la  littérature  espagnole^ ^ 
signale  des  ressemblances  entre  le  Médecin  malgré  lui  et  la 
eonédie  de  Lope  de  Vega  qui  a  pour  titre  el  Jcero  de  Madrid^ 
«  rAder  de  Madrid,  »  et  qui  a  été  écrite  au  conmiencement  du 
dix-eeptieme  siècle.  Voici  comment  licknor  expose  le  sujet  de 
la  pièce.  I>es  préparadcms  pharmaceutiques  dans  lesquelles 
entrait  Tacier  étaient  alors  la  grande  mode  à  Madrid.  Une 
jeune  fille,  d'humeur  vive  et  gaie,  trompe  son  père  et  particu- 
Uèrement  une  vieille  tante  hypocrite,  en  contrefaisant  la  malade 

I.  Vo/ez  à  la  page  47  de  notre  tome  I. 

».  Page  17  du  même  tome. 

3.  Vojca  le  Meretre  Je  France  de  décembre  1789,  p.  9904.  Il  7 
Cft  dit  que  Molière  avait  tiré  ta  comédie  du  canevai  italien  ;  ce  qui 
a  été  répété  sous  la  forme  d'interrogation  dam  VHutoire  littéraire  de 
la  France^  tome  XXIII,  où  Ton  cite,  page  197,  les  diverses  imita- 
tions du  VdeÙH  mire, 

4>  Voyez  aux  pages  47-50  de  notre  tome  I.       ' 

5.  On  peat  roir  dans  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale 
înâtnlé  :  Beeueil  de  sujets  de  pièces  tirées  de  titalien  (celui  dont 
il  a  été  parlé  au  tome  I,  p.  48  et  49),  le  fragment  qui  nous  reste 
du  Me£co  polante.  Ce  recueil  est  d^ailleurs  d*une  date  bien  posté- 
Mve  à  oeOe  du  Médecin  malgré  lui, 

6.  Bistery  of  Sparnsh  Utarature  hj  George  Ticknor,  3  Tolumes 
m-8«,  New- York,  mdoocxlxx  :  rojez  au  tome  II,  p.  181. 

MoLiiu*  VI  s 


i8  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

et  recevant  l'acier  mMicÎDal  des  mains  d'nn  faux  doctem*  qui 
est  l'ami  (il  eût  été  plus  exact  de  dire  le  suivant)  de  son  amou- 
reux. Ce  prétendu  médecin,  «  à  la  poste  »  du  galant,  suivant 
l'expression  de  Molière*,  prescrit  à  la  demoiselle  des  prome» 
nades  et  autres  occasions  de  liberté,  très-commodes  pour  ae 
laisser  conter  fleurette.  «  Il  ne  peut,  ajoute  Ticknor,  y  avoir 
guère  de  doute  que  nous  trouvons  dans  cette  pièce  quelques- 
unes  des  idées  mises  en  œuvre  dans  ie  Médecin  malgré  lui,  » 
Le  rapprochement,  ce  nous  semble,  se  ferait  aussi  bien  pour  le 
moins  avec  t Amour  médecin.  Est-ce  Lope  qui  a  suggéré  à 
Molière,  dans  ses  deux  comédies,  la  maladie  feinte  de  l'une  et 
de  l'antre  Lucinde,  et  le  complot  amoureux  caché  sous  la  *obe 
du  docteur  ou  sous  le  déguisement  de  l'apothicaire?  Nous  ne 
pouvons  dire  que  ce  soit  impossible.  Mais  alors  qu'on  fasse 
remonter  chez  Molière  l'imitation  de  V  Acier  de  Madrid  jusqu'à 
son  Médecin  çolant;  et  si  Lope  est  là  pour  quelque  choaCt 
peut-être  est-ce  par  l'intermédiaire  des  farces  italiennes.  Au 
reste,  dans  le  Médecin  malgré  lui^  l'intrigue  amoureuse  n'est 
qu'en  apparence  le  sujet  même  de  la  pièce  :  c'est  réellement 
un  ressort  secondaire. 

Un  antre  historien  de  la  littérature  espagnole,  mais  qui  n'y 
a  étudié  que  le  théâtre,  de  Schack',  qui  est  d'avis  que  Molière 
s'est  beaucoup  inspiré  de  ce  théâtre,  et  qu'on  n'en  trouve  pas 
seulement  des  preuves  dans  les  comédies  dont  il  lui  doit  tout 
le  plan,  mais  aussi  dans  d'antres  où  il  ne  lui  a  pris  que  quelques 
scènes  et  quelques  situations,  cite,  comme  exemple,  le  Médecin 
malgré  lui;  et,  non  content  de  dire,  de  même  que  Ticknor,  que 
l'intrigue  en  est  tirée  de  VAcero  de  Madrid^  il  ajoute  que,  dans 
la  scène  où  Sganarelle  fait  passer  Léandre  pour  un  apothicaire, 
afin  de  lui  ménager  une  entrevue  avec  Lucinde,  il  y  a  égale* 
ment  un  souvenir  de  quelque  chose  de  semblable  qui  se  ren- 
contre dans  la  Fingida  Arcadia  de  Tirso  de  Molina.  Nous 
dirons,  comme  pour  l'imitation,  plutôt  supposée  que  prouvée, 
de  Lope  de  Vega,  que  celle-ci  encore  aurait  peu  d'importance. 

I.  Voyex  tome  I,  p.  $4,  et  la  citation  faite  à  la  note  i. 

s.  Gesehiehte  der  JramatUchen  Literatur  und  Kunst  in  Spamen^  von 
Adolph  Friedrioh  von  Schack,  Berlin,  x845  :  voyei  au  tome  II, 
p.  684  et  685. 


NOTICE.  19 

Aa  surplas,  en  indiquant  deux  sources,  on  les  rend  l'une  et 
l'antre  fort  incertaines.  Elles  le  sont  d'autant  plus  que  le  stra- 
tagème imagine  en  faveur  des  deux  amants  devait  être  comme 
un  lien  commun  à  l'usage  de  tous  les  théâtres. 

Dans  l'histoire  des  œuvres  de  Molière,  cette  question  des 
emprunts  dont  on  peut  chercher  la  trace  aura  toujours  de  Tin- 
térèt  pour  les  curieux;  mais  il  n'en  faut  pas  exagérer  Timpor- 
tanoe.  La  rivière  ne  se  souvient  plus  de  la  petite  source  d'où  elle 
est  sortie,  et  dont  la  découverte  n'importe  qu'à  l'érudition.  Pour 
les  juges  littéraires,  il  nous  semble  à  peu  près  indifférent  qu'un 
fabliau,  ou,  plus  directement,  quelques  farces  qui  avaient  mis 
ce  fabliau  en  dialogue,  aient  fourni  l'idée  du  premier  acte  du 
Médecin  malgré  lui.  Qui  avait  pu,  avant  Molière,  tirer  de  cette 
idée  des  scènes  d'une  plaisanterie  si  excellente  ? 

Cest  d'abord,  au  début,  la  querelle  de  Sganarelle  et  de 
Martine.  On  a  prétendu*,  avec  une  vraisemblance  douteuse, 
que  le  perruquier  Didier  l'Amour,  et  sa  première  femme^ 
«  dabaudeuse  étemelle,  dit  la  Monnoye,  qu'il  savoit  étriller 
sans  s'émouvoir,  »  y  ont  servi  de  modèles;  ce  serait  Boileau 
qui  les  aurait  indiqués  à  Molière;  mais  celui-ci  n'en  avait  certes 
pas  besoin.  On  trouve  dans  sa  pièce  une  peinture  plus  générale, 
faite  par  un  observateur  des  mœurs  du  peuple.  Non  moins  prise 
sur  le  fait  est  l'intervention  mal  récompensée  du  voisin  Robert. 
Voilà  des  tableaux  aussi  vrais  que  pleins  de  force  comique,  dont 
Pinvoition  ne  paratt  pouvoir  être  réclamée  par  aucun  devan- 
cier. Si  le  dialogue  entre  le  Fagotier  et  les  domestiques  de 
GéroQte  développe  la  scène  indiquée  dans  ie  Vilain  mircj  c'est 
avec  une  merveilleuse  abondance  de  traits  plaisants.  Qui  donne 
une  vie  si  nouvelle  à  l'imitation,  invente. 

Les  deux  derniers  actes  continuent  la  pièce  avec  une  verve 
qui  ne  se  ralentit  pas  un  moment;  et  la  bouffonnerie  la  plus 
abandonnée  en  apparence  à  ses  caprices,  si  elle  y  grossit  les 
traits  du  masque  comique,  les  laisse  pourtant  bien  reconnaître 
encore  pour  ceux  de  la  nature  humaine.  Là  Molière  s'éloigne 

I.  Voyez  une  note  de  Tëdition  de  171 3  des  Œuvres  de  Nicolas 
BoUeau  Despréaux ^  sur  le  ren  ai6  du  chant  i"^  du  Lutrin;  le  Mena- 
guma^  tome  III,  p.  18  (addition  de  la  Monnoye);  et  ci-après, 
p.  47,  note  I. 


ao  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

des  doim^  du  fabliau,  comme  des  autres  contes  sur  le  paysan 
change  en  docteur,  et  lui  prête  des  aventures  toutes  différentes 
dans  l'exercice  de  sa  nouvelle  profession.  Par  suite,  il  n'est  pas 
probable  que  les  farces  du  thëâtre,  qui  devaient  avoir  suivi  de 
plus  près  la  légende,  aient  rien  donne  à  imiter  à  notre  auteur 
dans  cette  partie  de  sa  comédie  :  elle  parait  être  toute  de  son 
imagination.  On  ne  la  jugera  pas  moins  nouvelle  parce  qu'il 
y  a  repris  à  son  Médecin  poUmt  quelques  traits  qui  seront  indi* 
quës  dans  les  notes  de  la  pièce,  et  parce  qu'un  des  petits  res- 
sorts du  dénouement  (Molière,  avec  grande  raison,  dénouait 
ces  légères  comédies  à  la  diable)  rappelle  quelque  chose  de 
semblable  dans  la  Zélinde  de  Donneau  de  Visé.  Des  emprunts 
faits  à  un  passage  de  Rabelais  méritent  qu'on  en  tienne  plus  de 
compte.  Molière  doit  à  ce  passage  une  des  plus  amusantes 
plaisanteries  de  sa  pièce,  et  sans  doute  l'idée  même  du  mutisme, 
simulé  chez  lui,  de  sa  Ludnde.  Par  là,  c'est  encore  à  une 
ancienne  fiirce  (celle-ci  jouée,  au  seizième  siècle,  à  Montpellier) 
que  se  rattache  sa  comédie.  Rabelais,  en  effet,  n'est  que  le 
narrateur  de  cette  farce,  de  «  ce  patelinage,  »  comme  il  l'appelle. 
Molière  en  a  tiré  seulement  ce  qui  lui  convenait,  en  regrettant 
peut-être  ce  qu'il  avait*  fallu  laisser  de  côté;  car  la  bouffon- 
nerie est,  d'un  bout  à  l'autre,  bien  réjouissante,  telle  que  Rabe- 
lais la  fait  connaître  au  chapitre  xxxnr  du  livre  III  de  PantO" 
gmel  ^  :  «  Je  ne  vous  avois  onques  puis  vu  que  jouâtes  à  Mont- 
pellier, avecque  nos  antiques  amis  Ant.  Saporta,  Guy  Bouguier, 
Balthasar  Noyer,  Tollet,  Jan  Quentin,  François  Robinet,  Jan 
Perdrier  et  François  Rabelais,  la  morale  comédie  de  celui 
qui  avoit  épousé  une  femme  mute....  Le  bon  mari  voulut 
qu'elle  parlât.  Elle  parla  par  l'art  du  médlcin  et  du  chirur* 
gien,  qui  lui  coupèrent  un  encyliglotte  qu'elle  avoit  sous 
la  langue.  La  parole  recouverte,  elle  parla  tant  et  tant,  que 
son  mari  retourna  au  médicin  pour  remède  de  la  faire  taire. 
Le  médicin  répondit  en  son  art  bien  avoir  remèdes  propres 
pour  faire  parler  les  femmes,  n'en  avoir  pour  les  Cadre  taire  ; 
remède  unique  être  surdité  du  mari,  contre  cestui  inter- 
minable parlement  de  femme.  Le  paillard  devint  sourd,  par 
ne  sai  queb  charmes  qu'ils  firent.  Sa  femme,  voyant  qu'il 

I.  Tome  II,  p.  167,  de  rëdition  de  M.  Marty-Lareaux. 


NOTICE.  %t 

ëtoit  soard  deYenu,  qu'elle  parloit  en  vain,  de  lui  n'ëtott  en- 
tendue, devînt  enraîgëe.  Puis,  le  mëdicin  demandant  son  salaire, 
le  mari  répondit  qu'il  étoit  vraiement  sourd  et  qu'il  n'en- 
tendoit  sa  demande.  Le  mëdicin  lui  jeta  on  dours  (dos)  ne  sai 
quelle  poudre,  par  vertus  de  laquelle  il  devint  fol.  Adonques 
le  fol  mari  et  la  femme  enraîgëe  se  rallièrent  ensemble,  et 
tant  battirent  les  mëdicin  et  chirurgien,  qu'ils  les  laissèrent  à 
demi  morts.  Je  ne  ris  onques  tant  que  je  fis  à  ce  patelinage.  » 

Il  y  a,  au  même  chapitre  de  Pantagruel^ ^  le  mëdecin  Bon- 
dibilis,  qui,  de  même  que  Sganarelle,  prend  l'argent,  en  s'ë- 
criant  comme  indigne  :  «  Hë,  hë,  hë,  Monsieur,  il  ne  failloit 
rien.  » 

Voilà  comment  Molière  a  ëtë  un  «  grand  et  habile  picoreur  *  ;  » 
voilà,  dans  son  Médecin  malgré  lui,  tous  ses  larcins,  ou,  pour 
parler  comme  Somaize,  toutes  ses  singeries*.  On  ne  peut  que 
rire  des  envieux  qui  s'efforçaient,  de  son  temps,  de  le  faire 
passer  pour  un  plagiaire.  Est-ce  qu'il  n'y  a  pas  eu  toujours 
comme  un  fonds  commun  de  plaisanteries,  dans  lequel  ont  eu 
le  droit  de  puiser  les  auteurs  de  satires,  de  comëdies,  ou  de 
contes?  Rien  de  plus  lëgitime,  quand  elles  ne  sont  pas  ame- 
nées de  force  et  se  trouvent  si  bien  à  leur  place,  qu'elles  sem- 
blent venues  là  pour  la  première  fois.  C'est  ainsi  que,  dans  le 
Médecin  malgré  luiy  il  y  a  un  torrent  de  gaietë  dans  lequel 
toutes  les  imitations  sont  entraînëes  et  se  fondent. 

Les  aocosations  de  plagiat  font  ici  penser  à  celle  qu'une 
anecdote*  souvent  redite,  attribue  au  président  Rose,  et  qui 
n'aurait  été  qu'une  innocente  plaisanterie.  Le  président,  a-t-on 
raconté,  s'amusa  à  réciter  devant  Molière  une  traduction 
latine  de  la  chanson  de  Sganarelle,  et  à  la  donner  pour  an- 
ciennement imitée  de  V Anthologie.  Le  vol  de  Molière  était 
manifeste.  lyAlembert,  enjolivant  l'historiette,  dans  son  éloge 
de  racadëmicien  secrétaire  du  Roi,  dit  que  l'auteur  de  la  chan- 
soo  des  glouglous  «  resta  confondu.  »  Avait-il  tant  de  bon- 


I.  Tome  Ily  p.  168,  de  rëdition  de  M.  Marty-Lareaux. 

«.  Addition  de  la  Monnoye  au  Menagiana^  tome  II,  p.  »5  (dans 
rëdition  de  171 5). 

3.  Yoyex  au  commencement  de  la  Notice  de  M.  Detpois  aur  U 
Uid^ÔM  voloMt^  tome  I,  p.  47» 


%% 


LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUL 


homie?  et  s'y  connaissait-il  assez  peu  pour  trouver,  ommne 
d'Alembert,  le  goût  antique  à  une  prose  rimëe?  Les  Jna  nous 
content  maintes  mystifications  de  ce  genre,  dont  quelcpes- 
unes  auraient  pu  être  plus  inquiétantes  pour  les  auteurs  que 
des  rieurs  voulaient  embarrasser.  Ce  ne  sont  là,  sans  doute, 
que  des  exemples  d'une  plaisanterie  traditionnelle,  reparaissant 
de  temps  en  temps  avec  une  date  nouvelle.  Nous  n'insistons 
pas  :  il  ne  serait  pas  très-sage  de  déployer  contre  une  anec- 
dote d'un  si  léger  intérêt  l'appareil  de  la  critique.  Tous  les 
détails  qui  peuvent  être  désirés  au  sujet  de  la  petite  malice  du 
président  Rose  sont  donnés  ci-après  dans  les  notes  de  la 
pièce. 

Dans  la  première  distribution  des  rôles,  ceux  qui  furent 
joués  par  Molière  et  par  sa  femme  nous  sont  seuls  incon- 
testablement connus.  Molière  fut,  comme  toujours,  Sganarelle; 
c'était  d'ailleurs  ici  le  personnage  principal  :  cela  va  donc  de 
soi.  Si  l'on  exige  un  témoignage  positif,  celui  de  Robinet  pour- 
rait être  allégué,  dans  les  vers  déjà  cités  : 


•••• 


Ce  Medicus  tout  nouveau 
Et  de  Tertu  si  singulière 
£st  le  propre  Monsieur  Molière, 

Cela  paraît  bien  clair,  et  l'on  ne  peut  guère  douter  que  Robi- 
net ne  nomme  Molière  comme  acteur  dans  le  rôle  du  Medicus^ 
et  non  comme  auteur  de  la  pièce.  Si  pourtant  Ton  hésitait  sur 
le  sens,  voici  un  document  encore  plus  incontestable.  Dans 
l'inventaire  fait  le  i5  mars  1678,  après  la  mort  de  Molière, 
son  costume  de  Sganarelle  est  décrit  :  «  Un  coffre  de  bahut 
rond,  dans  lequel  se  sont  trouvés  les  habits  pour  la  repré- 
sentation du  Médecin  malgré  lui^  consistant  en  pourpoint, 
haut-de-chausses,  col,  ceinture,  fraise  et  bas  de  laine  et  es- 
carcelle, le  tout  de  serge  jaune,  garni  de  radon'  vert;  une 
robe  de  satin  avec  un  haut-de-chausses  de  velours  ras  ci- 

I.  Nous  ne  trouTons  ce  mot  de  radon  dans  aucun  lexique.  Ne 
faut41  pas  lire  padouP  On  bordait  les  étoffes  avec  du  padou,  ruban 
tissu  moitié  de  filet  moitié  de  soie.  — •  L'Académie  (1694)  et  Fnre- 
tière  (1690)  écrivent /Nu&>tt«,  orthographe  qui  rappelle  le  lieu  de 
fiJ>rication;  mais,  dès  1679,  Richeleta  la  forme  actuelle  oadou. 


NOTICE.  a3 

seK^  »  Il  est  superflu  de  faire  remarquer  que  le  perscMuiage 
ainsi  vêtu  est  bien  celui  qui  est  dépeint  dans  la  pièce  :  a  Un 
homme  qui  a  une  large  barbe  noire,  et  qui  porte....  un  habit 
jaune  et  vert'.  »  Les  différents  comédiens  qui  ont  été  chargés 
du  rôle  de  notre  Sganarelle  n'ont  jamais  manqué  de  porter  ces 
couleurs  du  «  médecin  des  perroquets.  »  Quant  à  la  robe  de 
sa^,  elle  était  réservée  pour  le  moment  où  le  Fagotier  parait 
en  docteur. 

Le  même  inventaire,  énumérant  les  habits  de  théâtre  de 
MUe  Molière,  a  cet  article  :  «  L*habit  du  Médecin  malgré  lui  y 
composé  en  une  jupe  de  satin  couleur  de  feu,  avec  trois  gui- 
pureset  trois  volants,  et  le  corps  de  toile  d'argent  et  soie  verte*.  » 
Ce  brillant  costume  ne  peut  être  que  celui  de  Lucinde,  dont, 
par  conséquent,  le  rôle  fut  joué  par  MUe  Molière. 

Le  Mercure  de  France  de  décembre  1789  dit*  que  le  Mé^ 
decin  malgré  lui^  a  après  la  mort  de  Molière,...  fut  représenté 
par  les  sieurs  de  Rosimond,  du  Croisy,  de  la  Grange,  Hubert, 
et  par  les  Dlles  de  Brie  et  Guérin.  »  Ces  acteurs,  à  l'exception 
de  Rosimoiid,  étaient  tous  dans  la  troupe  de  1666;  il  est  donc 
assez  vraisemblable  qu'ils  avaient  créé  les  rôles  joués  par  eux 
i  Fépoque  dont  parle  le  Mercure;  et  l'on  peut  conjecturer  que 
la  Grange  fut  le  premier  Léandre,  du  Croisy  le  premier  Géronte. 
Il  n'y  a  pas  de  doute  que  Rosimond  avait  pris  le  rôle  de  Sga- 
narelle, puisque  c'est  à  lui  que  furent  donnés,  en  1673,  tous  les 
rôles  que  Molière  s'était  réservés.  Mlle  Molière,  devenue  MUe 
GoénUy  avait  pn^ablement  conservé  le  rôle  de  Lucinde;  s'il 
^1  était  ainsi,  U  faut  croire  que  Mlle  de  Brie  jouait  Martine, 
et  peut-être  que  le  rôle  lui  avait  appartenu  dès  la  première 
dis&nbntion  de  la  pièce. 

n  y  a  lieu  de  psPsser  ici  plus  rapidement  que  dans  les  Notices 
des  grandes  comédies  de  Molière,  sur  le  souvenir  des  re- 
présentations, sur  les  noms  des  acteurs  qui  y  ont  briUé  :  non 
pas  qu'il  ne  &iUe  aussi  beaucoup  d'art,  et  qu'U  ne  se  soit  pro- 
duit des  talents  dignes  de  notre  première  scène,  dans  les  pièces 

I.  Recherches  sur  Molière.,,,  par  Eud.  Soulië,  p.  «78. 
a.  Acte  I,  scène  it,  ci-après,  p.  Si. 

3.  Recherches  sur  Molière^  p.  279  et  s8o. 

4.  Page  2904, 


a4  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

de  notre  auteur  auxquelles  le  nom  de  farces  ne  saurait  convenir 
que  si  ce  nom  n'exclut  pas  l'idée  du  vrai  comique.  Combien^ 
non-seulement  de  verve,  mais  de  finesse  et  de  naturel  jusque 
dans  la  fantaisie  ne  demande  pas  un  rôle  comme  celui  de  Sga- 
narelle,  pour  que  Facteur  y  soit  véritablement  l'interprète  de 
l'auteur  ! 

Au  même  passage  du  Mercure  de  France  que  déjà  nous 
avons  eu  à  citer,  nous  trouvons'  que,  le  1 1  décembre  1789,  im 
des  rôles  de  début  de  Dugazon  fut  celui  du  Médecin  malgré  lui, 
qu'il  joua  avec  applaudissement.  Ce  Dugazon  est  le  premier  de 
ce  nom  ;  le  second,  plus  célèbre,  et  qui  était  son  fils,  ne  parut 
au  Théâtre-Français  qu'en  1 771  ;  il  représenta  aussi  Sganarelle 
avec  grand  succès.  Vers  le  même  temps  que  le  plus  ancien 
Dugazon,  et  sans  doute  un  peu  avant  lui,  on  rencontre  le  Sage, 
dit  de  Monménil,  qui  mérite  de  n'être  pas  oublié  ici,  parce 
qu'il  semble  que  le  fils  de  l'auteur  de  Gil  Bios  devait,  de 
naissance,  s'entendre  avec  Molière^  et  parce  qu'il  était  en  effet 
un  comédien  de  talent.  Il  fut  sans  doute  remarqué  dans  le  rôle 
de  Sganarelle,  pmsque  une  estampe  du  temps  le  re^nrésente 
revêtu  de  l'habit  du  fantastique  médecin.  Un  des  souvenirs 
qu'a  laissés  l'excellent  acteur  Préville,  dont  les  débuts  sont  de 
1753,  est  la  perfection  de  son  jeu  dans  le  même  personnage. 
Plus  tard,  la  Comédie-Française  n'a  pas  manqué  non  plus  de 
bons  Sganarelles.  Thénard  (1807-1825)  est  un  de  ceux  que 
l'on  cite.  Dans  la  collection  des  costumes  de  théâtre  publiée 
chez  Martinet  (n^  364),  il  est  représenté  dans  la  scène  v  de 
l'acte  I,  embrassant  la  bouteille  jolie.  Depuis  on  a  vu  succes- 
sivement et  fort  goûté  dans  ce  rôle  Cartigny,  Monrose,  Sam* 
son,  Régnier,  qui,  tout  le  monde  s'en  souvient,  fut  un  de 
ceux  qui  le  jouèrent  le  mieux,  enfin,  très-dignes  de  leurs  de- 
vanciers, M.  Got,  et,  pour  arriver  jusqu'au  moment  présent, 
M.  Coquelin. 

Le  rôle  moins  marquant  de  Géronte  était,  il  y  a  quelque 
quarante  ans,  rempli  à  merveille  par  Duparai.  Il  était  particu- 
lièrement plaisant  dans  îa  dernière  scène  de  la  pièce,  lorsque, 
tenant  le  bâton  levé  sur  Léandre,  il  l'abaissait  tout  à  coup,  à  la 
nouvelle  que  le  séducteur  était  devenu  un  riche  héritier,  et  le 

I.  Page  2903. 


NOTICE.  «5 

saluait  en  lui  disant  avec  convicticm^  :  «  Monaiear,  Totre  verta 
m'est  toat  à  fait  considérable.  » 

Noos  n'aTons  pas  coatiune  de  parler  des  représentations  des 
comédies  de  Molière  snr  d'autres  théâtres  que  celui  qu'on 
appelle  encore  aujourd'hui  sa  maison.  Qa'une  exception  nons 
smt  permise  ici  pour  un  théâtre  étranger  où  l'on  nous  rapporte 
qi]^un  des  rôles  du  Médecin  malgré  lui  fut  joué  par  le  grand 
poète  de  TAllemagne.  Cest  un  petit  fait  anecdotique  assez 
curieux  que  Goethe  représentant,  dans  cette  comédie,  le  per- 
sonnage de  Lucas  devant  la  cour  de  Weimar'. 

Imitateurs  et  traducteurs  ont  voulu  faire  connattre  le  Mé^ 
decin  malgré  lui  en  tous  pays.  Parlons  d'abord  des  imitateurs. 
Dans  le  théâtre  de  Mrss  Susanna  Gentlivre  on  trouve  une 
comédie  intitulée  Lovi's  conthivaitcb  [Stratagème  d amour] 
or  LE  MsDKciif  jfALGKÉ  LUI,  jouéc  SUT  le  théâtre  royal  de  Drury- 
Lane,  et  imprimée  en  1703*.  La  comédienne-auteur  dit  dans 
sa  Préface  :  ce  Quelques  scènes,  je  le  confesse,  ont  été  ei|  partie 
empruntées  à  Molière,  et  j'ose  me  vanter  que  l'imitation  n'y  a 
pas  fait  de  tort.  Elles  m'ont  semblé  agréables  en  français,  et 
je  n'ai  pu  m' empêcher  de  penser  qu'elles  pourraient  divertir 
sous  le  costume  anglais.  »  On  volt  que  Mrss  Gentlivre  portait 
sans  trop  d'humilité  le  poids  de  sa  dette,  et  affrontait  le  voisi- 
nage de  l'esprit  de  Molière,  sans  craindre  d'en  être  écrasée. 
«  Les  Français,  dit-elle  encore,  ont  dans  le  tempérament  une 
gaieté  si  légère,  que  la  moindre  lueui*  d'esprit  les  fait  rire  aux 
éclats,  tandis  qu'elle  nous  ferait  tout  juste  sourire.  »  Celle  qui 

I.  Noos  derons  le  sourenir  de  ce  jeu  de  Duparai  à  M.  François 


a.  Voyez  à  la  page  8  de  la  thèse  présentée  à  la  Faculté  des 
lettres  de  Paria  par  M.  A.  Legrelle,  sous  ce  titre  :  Holberg  cons^ 
déré  comme  imitateur  de  Molière^  Paris,  Hachette,  1864.  —  N'était 
rîmprobabilkë  d'une  eiieur  dans  bette  thèse  si'  bien  étudiée,  nous 
BOUS  demanobrions  si  cei^e  représen^tion  du  Médecin  malgré  lui  n*a 
pas  plutôt  dilKaToir  lieu  Wr  le  théâVe  de  Francfort,  où  Goethe, 
dans  sa  jeunesétp,  joua  quei|qaefois  da\is  des  piè(^es  françaises. 

3.  Cette  comédie  en  cinq  actes  est  au  commencement  du  tome  II 
(1760)  des  OBui^res  de  Tautenr  :  ihe  Workt  ofthe  celebrated  Btru  Cent* 
Utrcj  Londres,  mdcglx  etMDCCua,  3  volumes  in-ii. 


«6  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

entrait  si  peu  dans  notre  manière  de  sentir  la  force  oo- 
mique  pouvait-elle  assez  bien  comprendre  Molière  pour  lui 
dërober  le  secret  de  sa  franche  gaieté  ?  Dans  £o(v'/  contrit 
vance^  les  charmantes  plaisanteries  du  premier  acte  du  Méde^ 
cin  malgré  lui  mêlées  à  celles  du  Mariage  forcé  de  Molière 
(les  anciens  nommaient  cela  contaminare  fabulas)  scmt  noyées 
dans  une  intrigue  qui  ne  fait  beaucoup  rire  ni  sourire  la 
légèreté  française.  Les  personnages  de  Molière  ont  perdu 
leur  vrai  caractère.  Le  Fagotier,  valet  intrigant  qui  a  été  au 
service  de  l'amant  de  la  Lucinde  anglaise,  ne  saurait  plus  rien 
avoir  de  la  piquante  originalité  de  Sganarelle. 

Une  moins  incomplète  et  beaucoup  meilleure  imitation,  sur 
le  théâtre  anglais,  est  celle  du  célèbre  Fielding,  dont  on  a  pu 
dire,  non  sans  raison,  que  <c  son  esprit  semblait  naturellement 
en  sympathie  avec  celui  de  Molière^.  »  Fielding  fit  jouer,  en 
173a,  sur  le  théâtre  de  Drury-Lane,  the  Mock  Doctor,  or  the 
Dumb  ladjf  cur*d^  a  comedy  donc  from  Molière^  «c  le  Docteur 
pour  rire,  ou  la  Muette  guérie,  comédie  d'après  Molière^.  » 
L'auteur  de  Tom  Jones  avait  été  charmé  par  Tétincelante 
gaieté  du  Médecin  malgré  lui,  ce  celle  des  pièces  fantasquement 
plaisantes  {humourous)  de  Molière,  disait-il  dans  la  Préface  de 
son  imitation  [p.  io5),  qui  a  toujours  passé  en  France  pour  la 
meilleure.  »  Quoique  nous  ne  soyons  pas  d'avis  de  compter, 
comme  on  Ta  fait  quelquefois,  le  Mock  Doctor  parmi  les  tra- 
ductions de  notre  comédie,  Fielding  s'écarte  peu  des  traces  de 
son  auteur,  en  conserve  les  spirituelles  saillies,  mais  les  accom- 
mode quelquefois  aux  mœurs  anglaises.  Pour  en  donner  un 
exemple  dès  la  première  scène,  Dorcas  (Martine),  après  avoir 
reproché  à  Gre^o/7  (Sganarelle)  d'être  un  débauché,  qui  mange 
tout  son  bien,  ajoute  :  «  et  qui,  du  matin  au  soir,  ne  sort  pas 
dn  cabaret  à  bière  (alehouse),  »  Gregory  répond  :  «  Cest  vivre 
en  gentilhomme,  puisque  le  squire  en  fait  autant.  »  Marquer 

I.  Dibdin,  a  Complète  kutory  of  the  ttage^  Londres  (i.  d.,  mais 
de  1800,  date  de  la  dédicace  au  tome  !•'),  in-8*  ;  Toyez  au  tome  V, 
liyre  IX,  chapitre  n,  p.  41  :  Fauteur  y  parle  du  Mock  Doctor  de 
Fielding. 

a,  ThefForks  of  Henrf  FieltUng^Lonârtêf  1771,  tome  II,  p.  lot 
et  ittiTantes. 


NOTICE.  97 

amâ  de  son  propre  cachet  ce  que,  d'une  scène  étrangère,  il 
transporte  sur  la  sienne  est  le  droit  d'un  homme  d'esprit. 

Fîeldîng  a  d'ailleurs  rendu  hommage  à  son  modèle  en 
n'usant  que  modërëment  des  libertés  d'un  imitateur.  Une  des 
plus  grandes  qu'il  ait  prises,  c'est  d'avoir  ajouté  une  scène 
entière  de  son  invention,  la  xm*,  entre  Gregory  et  Dorcas  : 
c'était  une  complaisance  pour  une  actrice,  Miss  Raftor,  qni 
trouvait  son  rôle  trop  court.  Il  a  fait  chanter  à  ses  personnages 
quelques  couplets  mêlés  au  dialogue.  A  d'autres  imitateurs  en 
Fhmce  le  Médecin  malgré  lui  a  aussi  inspiré  des  chansons  : 
Molière  s'était  contenté  de  celle  du  Fagotier. 

Beaucoup  plus  récemment  que  Fielding,  le  poète  espagnol 
don  Leandro  Femandez  de  Moratin,  mort  en  i8a8  à  Paris,  où 
sa  tombe  a  été  longtemps  près  de  celle  de  Molière*,  a  fait 
représenter  sur  le  théâtre  de  Barcelone,  le  5  décembre  1814, 
le  Médecin  à  coups  de  bâton  [el  Medico  a  palos),  comédie  en 
trois  actes  et  en  prose.  Ce  n'était  pas  la  première  fois  qu'il 
imitait  Molière  :  deux  ans  auparavant,  il  avait  introduit  en 
Espagne  l'École  des  maris  par  son  Escuela  de  loi  maridos. 
Dans  ces  deux  pièces,  il  n'a  pas  été  simple  traducteur.  Nous 
n'avons  à  parler  ici  que  de  la  première.  Là  il  abrège  :  la  scène  n 
de  l'acte  I*',  la  scène  n  de  l'acte  III  sont  supprimées.  Ainsi 
disparaissent  trois  personnages,  M.  Robert  et  les  deux  paysans, 
Tliàxiut  avec  son  fils  Perrin.  Il  est  pourtant  difficile  de  croire 
qu'ils  fusaient  longueur,  et  qu'il  importait  beaucoup  de  rendre 
l'action  plus  rapide.  Ce  que  nous  ne  voudrions  pas  critiquer, 
c'est  la  suppression  de  quelques  plaisanteries  trop  hardies, 
d'expressions  trop  salées,  qui  n'auraient  pas  trouvé  un  bon 
accueil  sur  la  sràne  pour  laquelle  Moratin  écrivait.  Sur  la 
ntee,  nous  passons  davantage  à  Molière,  par  respect  pour  l'ar- 
chaïsme. La  plaisanterie  gauloise  garde  pour  nous  ses  fran- 
dnses  dans  ses  pièces.  Nous  nous  rappelons  qu'elle  n'offensait 
pas  les  oreilles  au  dix-septième  siècle,  où  la  morale  du  théâtre 
n'était  pas  après  tout  plus  mauvaise  que  de  notre  temps. 

An  nombre  des  imitations  du  Médecin  malgré  lui  doit-on 
mettre  une  pièce  du  célèbre  poète  danois  Holberg,  dont  le 
âiéâtre  appartient  i  la  première  moitié  du  dix-huitième  siècle  ? 

I.  Les  restcsda  poète  ont  été  ramenés  en  Espagne  en  i853« 


aS  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

Ce  ne  serait  pas  du  moins  aa  même  dtre  que  le  Medico  a  polos 
et  que  le  Mock  Doctor.  En  gênerai,  Hoiberg,  qui  a  garde  une 
véritable  originalité,  s'est  montre  beaucoup  moins  imitateur,  à 
proprement  parier,  de  Molière  que  disciple  pënëtrë  de  son 
gënie^  disciple  indépendant,  qui  n'a  pas  cherché  à  s'appro- 
prier tel  ou  tel  de  ses  ouvrages.  On  note  cependant  chez  lui 
un  assez  grand  nombre  de  réminiscences  de  scènes  de  Molière, 
par  exemple  dans  le  Voyage  à  la  source* ^  qui  est  la  comédie 
qu'on  a  souvent  rapprochée  du  Médecin  malgré  lui.  Là,  pmnt 
de  fagotier,  point  de  médecin  par  force.  La  pièce  danoise,  au 
fond  très-différente  de  la  nôtre,  est  une  satire  des  réunions 
populaires  qui,  chaque  année,  vers  la  Saint-Jean,  se  tenaient 
autour  d*une  source.  Les  caractères  appartiennent  en  propre 
à  Holberg;  ils  présentent  les  types  presque  invariables  que 
son  théâtre  aime  à  reproduire  constamment  sous  les  mêmes 
noms,  à  peu  près  comme  le  théâtre  italien.  11  n'en  est  pas 
moins  vrai  que  le  Voyage  à  la  source  se  prête  à  des  com- 
paraisons avec  le  Médecin  malgré  lui^  non-seulement  par  des 
détails,  mais  aussi  par  quelques-unes  des  données  du  sujet. 
Nous  y  trouvons  une  Léonora  qui  est,  comme  Lucinde,  con- 
trariée dans  son  amour  pour  un  autre  Léandre.  Si  Lucinde 
feint  d'être  muette,  Léonora  simule  aussi  une  maladie,  non 
pas  tout  à  fait  la  même  ;  elle  n'a  perdu  la  parole  que  pour  la 
remplacer  par  le  chant  :  inquiétant  symptôme  de  folie,  qui  dé- 
sole son  père  Jeronimus,  notre  Géronte.  Jeronimus  fait  appeler 
le  docteur  Bombastus.  Un  valet  de  Léandre,  Heinrich,  s 'in* 
troduit  sous  le  nom  du  grand  médecin,  afin  d'ordonner  un 
voyage  à  la  source,  qui  procurera  aux  deux  amauts  une  occa- 
sion de  rendez-vous.  Il  amène  avec  lui,  pour  l'assister, 
Léandre,  qu'il  donne  pour  un  licencié,  comme  Sganarelle  le 
donne  pour  un  apothicaire.  Dans  la  séance  où  le  faux  doc- 
teur vient  examiner  la  malade  (scène  vn  de  l'acte  I*'),  il  étale 

I.  Voyez  à  ce  sujet  la  thèse  de  M.  Legrelle,  ci-detfos  citée  à  la 
note  9  de  la  page  aS. 

3.  On  trourera  une  traduction  allemande  de  cette  comédie  aux 
pages  39  et  suirantes  du  tome  III  du  théâtre  danois  de  Holherg, 
die  Danuelie  Schaubiihne^  Copenhagen  und  Leipzig,  5  vol.  in-8*, 
1750.  OEhlenschliger  a  publié  en  i8as  une  traduction  complète  des 
comédies  de  Holberg. 


NOTICE.  ^9 

son  sxfiÀr  k  b  façon  de  notre  fagolier.  Son  latin  extravagant, 
les  bribes  de  rudiment  qu'il  débite,  plusieurs  autres  des  plus 
amusantes  plaisanteries  de  cette  scène  sont  des  emprunts  faits 
à  Mcdîère.  Holberg  y  mêle  quelques  traits  facétieux  qui  sont  à 
loi,  comme  cette  parole  qu'en  arrivant  Heiorich  adresse  à  Je* 
ranimus  :  «  Cest  bien,  n'est-ce  pas,  à  la  personne  qui  est 
folle  que  je  parle  ?»  Il  est  permis  de  se  demander  si,  dans 
cette  scène,  et  dans  d'autres  endroits  de  sa  comédie,  Holberg 
n'a  pas  été  moins  directement  imitateur  de  Molièré,  que  de 
R^nardy  dans  ies  Folies  amoureuses^  jouées  pour  la  première 
fois  en  janvier  1704.  Là»  en  effet,  nous  avons  Agathe  qui,  en 
chantant,  contrefait  la  folle,  et  Crispin,  valet  de  Tamant  d'Agathe, 
qui  se  donne  pour  médecin,  et  dit  au  tuteur  d'Agathe'  : 

Je  Tondrois  qu*à  la  fois  tous  fussiez  maniaque. 
Atrabilaire,  fou,  même  hypocondriaque, 
Pour  avoir  le  plaisir  de  tous  rendre  demain 
Sage,  comme  je  sois,  et  de  corps  aussi  sain. 

Le  tuteur  répond  : 

Je  TOUS  suis  obligé,  Monsieur,  d'un  si  grand  zèle. 

Et  dans  le  Voyage  à  la  source^  Hmaica  :  «  Je  souhaiterais, 
Monsieur,  que  vous  eussiez  vous-même  un  demi-cent  d'in- 
fimûtés  et  de  maladies,  afin  que  je  pusse  faire  sur  vous  la 
preuve  de  mon  savoir.  »  iiacminm  :  «  Grand  merci,  Mon- 
sieur le  Docteur.  »  Il  est  érident  d'ailleurs  que  nous  revenons 
par  un  détour  au  Médecin  malgré  lui^  dont  Regnard  a  mis  à 
profit  la  scène  n  de  l'acte  II. 

A  cdté  des  imitations  étrangères  nous  avons  nous-mêmes  nos 
ioâtatioDs  du  Médecin  malgré  lui^  qui  ne  mériteraient  pas 
toutes  qu'cm  s'en  souvint,  si  l'on  n'y  trouvait  un  témoignage 
àe  la  popularité  de  la  pièce  de  Molière. 

Sur  le  théâtre  des  Marionnettes  d'Alexandre  Bertrand,  à  la 
foire  Saint-Germain',  on  représenta,  en  1715,  un  vaudeville 
imité  du  Médecin  malgré  lui;  c'est  la  même  pièce,  dit-on,  qui 

I.  Acte  III,  scène  th  (t  dans  les  anciennes  éditions), 
s.  A  Paris,  sor  remplacement  où  se  trouTe  au*ourd'hai  le  mar- 
ché Saist-Gcrmam. 


3o  LK  MÉDECIN  MALj&RÉ  LUI. 

plus  tard  fot  retouchëe  par  de  Montbnm  (pseudonyme  de 
François  Deoomberoosse),  et  jonée  sur  le  thëfttre  de  TOdéon, 
en  décembre  i8i4* 

Le  a6  janvier  179a,  on  donna  sur  le  théâtre  de  la  rue  Fey- 
deau  le  Médecin  maigre  lui^  opéra  français  en  3  actes*.  Les 
paroles  de  cet  opéra-comique  étaient  du  gai  chansonnier  Déaau- 
gterSy  alors  très^jeune;  la  musique,  de  son  père.  L'ouvrage, 
dit  l'auteur  d'une  Notice  sur,,,»  Déiaugiers*^  <c  eut  beaucoup 
de  succès.  La  plupart  des  airs,  que  Désaugiers  a  employés 
depuis  dans  plusieurs  de  ses  pièces,  sont  devenus  vaudevilles.  » 
Ce  n'est  probablement  pas  comme  très-bons  révolutionnaires 
que  les  Désaugiers  avaient  en  l'idée  d'introduire  dans  leur 
pièce,  d'une  façon  plaisante,  l'air  populaire  Ça  ira, 

«  Le  Médecin  malgré  lui^  comédie  de  Molière,  arrangée  en 
opéra-comique  par  MM.  Jules  Barbier  et  Michel  Carré,  mu- 
sique de  M.  Charles  Gounod,  »  a  été  entendu  pour  la  première 
fois  au  Théâtre-Lyrique  de  Paris,  le  i5  janvier  i858.  La  prose 
de  Molière  a  été  scrupuleusement  respectée  dans  le  dialogue. 
On  a  même  conservé,  autant  qu'on  l'a  pu,  les.  paroles  du 
texte,  dans  les  morceaux  de  chant,  ou  bien  on  a  pris  tantdt 
des  couplets  entiers,  tantôt  des  vers,  dans  Mélicerte  et  dans  la 
Princesse  d*Élide» 

L'édition  originale  du  Médecin  malgré  lui  porte  la  date  de 
1667.  Cest  un  in-ia  (de  i5a  pages  et  a  feuillets  liminaires 
précédés  d'une  estampe),  dont  voici  le  titre  : 

LK 

MEDECIN 

HALGRÉ-LYY. 

GOMBDIB. 

Par  I.  B.  P.  DB  MouxRB. 

A   PARIS, 

Chei  Ibav 
Grand  Peron. 
de  la  Sainote 

M.  DC  txviu 
Au€c  Priuilêge  du  Âof» 

I.  Il  ii*a  pas  été  imprimé.  Voyex  la  Bihliognpkie  moliéretque^ 
p.  35o,  n*  1703. 

9 .  M.  Merle,  au  tome  lY  dei  Chmsont  et  poésies  diverses  (Ladrocat^ 


A    PARIS, 

V  RiBOT,  au  Palais,  fur  le 
i,  TÛ  à  vis  la  porte  de  TEglife 
Chapelle,  à  Flmage  S.  Louis. 


NOTICE.  3i 

L'Achevé  d'imprimer  est  da  a4  décembre  1666;  le  Privi- 
]^,  da  8  octobre,  est  dooné  pour  sept  amiées  à  Molière,  qui 
a  oédë  et  trxaspoité  son  droit  «  à  Jean  Ribou,  marchand  libraire 
à  Paris,  pour  en  jouir  suivant  l'accord  fait  entre  eux.  » 

Une  seconde  édition  détachée  a  paru  bien  peu  de  temps 
après  la  mort  de  Molière  :  FAchevé  d'imprimer  pour  la  se- 
conde fois  est  du  ai  mars  1673;  on  lit  sur  le  titre  :  Et  se  pend 
pour  la  peuve  de  V Auteur.  A  Paris ^  chez  Henry  Loyson. 

Le  Médecin  malgré  lui  a  été  souvent  traduit  et  dans  beau- 
coup tf  idiomes.  Sans  parler  des  langues  les  plus  répandues, 
nous  en  citerons  une  version  en  danois  (184a)  ;  trois  en  suëdob 
(1801,  184a,  1860);  deux  en  russe  (i685,  1788);  deux  en 
serbo-croate  (1870  et  s.d.)\  huit  ou  neuf  en  polonais  (1754» 
1779, 1780  ^)j  17^39  181111,  et  quatre  /.  d.)\  une  en  tchèque 
(i8a5);  une  en  dialecte  de  Maestricht  (i856),  outre  quatre 
néerLuidaises,  dcmt  deux  envers,  l'une  de  1671,  l'autre  de 
171 1;  une  en  grec  ancien  (1875}  et  une  en  grec  moderne 
(i86a);  une  en  arménien  (i85i};  une  en  magyare  (1792}; 
une  en  tore  (1869)  :  sur  cette  dernière,  voyez  la  Bibliographie 
moli&esque^  p.  ao6,  n*  976. 

'^^7)9  P«  TOfTtt  et  xxnn.  M.  Merle  met  la  représentation  à  Tan- 
née 1791;  c'est  une  erreur  :  voyez  la  Gazette  nationale  ou  le 
Moniteur  uniifersel  du  a6  janvier  179s. 


/ 


3s  LB  MEDECIN  MALGRÉ  LUI. 

SOMMÂIRB 

DU  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI^  PAR  VOLTAIRE. 

Molière  a/ant  suspendu  ion  chef--d'ouTre  du  Misanthrope^  le 
rendit  quelque  temps  après  au  public,  accompagné  du  MéJeeU 
nuJgré  lui^y  farce  très-gaie  et  trè^-bouffonne,  et  dont  le  peuple 
grossier  arait  besoin  :  à  peu  près  comme  à  TOpéra,  après  une  mu- 
sique noble  et  sarante,  on  entend  arec  plaisir  ces  petits  airs  qui  ont 
par  eux-mêmes  peu  de  mérite,  mais  que  tout  le  monde  retient  aisé> 
ment.  Ces  gentillesses  friroles  serrent  à  £ùre  goûter  les  beautés 
sérieuses. 

Le  Médecin  malgré  lui  soutînt  le  Misanthrope;  c*est  peut-être  à 
la  bonté  de  la  nature  humaine,  mais  c*est  ainsi  qu'elle  est  faite  : 
on  Ta  plus  à  la  comédie  pour  rire  que  pour  être  instruit.  Le  Mt- 
santhrope  était  Pouvrage  d*un  sage  qui  écriTait  pour  les  hommes 
éclairés  ;  et  il  fidlut  que  le  sage  se  déguisât  en  farceur  pour  plaire 
à  la  multitude* 

X.  Yoyet  eî-dflttiis,  sa  débat  de  la  IfpUee^  p.  3  et  4.  LeMiionArepe  «▼ait 
dijk  été  repratenté  vingt  et  une  fois  et  le  Médecin  malgré  Un  oaae  &ît, 
lonqu^ils  parurent  ensemble  sor  Taffiebe,  le  Tendredi  S  saplembra  ;  ik  !»• 
rent  ainsi  probablement  jouéf  loata  la  semaine  tnininte,  lot  5,  7,  lO,  et 
eneoie  le  dimanrbo  is.  Mail  c*était  là  on  ipoeude  eatraonUnairey  que 
Molière  ne  donna  plus  et  qae  mm  donte  on  n*a  jamais  rem.  Qael  antre 
aeteor  se  ferait  senti  de  forée,  après  avoir  rempli  le  grand  rôle  d*Aleoste,  k 
jooer  eneore,  avec  tonte  la  verre  qa*Q  demande,  le  rêle  da  Fa^tier  ?  Et 
même  poor  pouvoir  tout  i  £dt  alBrmer  que  Molière  renoavda  quatre  Cdîs,  k 
de  ai  courte  intarvallet,  un  tel  efibrt,  il  Ctudrait  être  absolument  aèr  que 
Videm  de  la  Grange  qui  (on  Ta  tu,  tome  Y»  p.  363)  se  fit  dans  le  Ubioan  des 
représentations  du  5  au  is  septembre,  s*appUque  k  la  composition  entière  du 
speeUde  indiqué  pour  le  3.  Noos  la  croyons  très-vraiiecnblable,  surtout  k 
cause  du  cbiffire  des  recettes;  il  fiiut  nèanmohis  remarquer  que  très  souvent, 
dans  son  Registre^  la  Grange  a  constaté  nne  double  répétition  par  deux  uÊem  ; 
et  quand,  après  deux  pièces^  son  idem  est  unique,  on  ne  peut  distinguer  s^il  7 
a  attacbé  un  sens  coUeetif,  on  bien  s*il  s*est  contenté  de  rappeler  la  pièce  qui, 
k  ses  yeux  et  k  tel  jour,  était  la  plus  importante,  oubliant  ou  négligeant 
Tautre  qui  avait  complété  le  spectacle  :  ce  dernier  cas  n*est  pas  toujours,  il 
s'en  faut,  le  moins  vraisemblable.  U  se  pourrait  done  que  Videm  des  5,  7 ,  lO 
et  is  septembre  représentât,  non  les  deux  comédies,  mais  une  seule,  c% 
dire  ou  le  Misanthrope  on  le  Médecin  malgré  lui» 


ACTEURS.  3:i 


ACTEURS. 


SGANARELLE,  mari^  de  Martine*. 

MARTINE,  femme  de  Sganarelle. 

M.  ROBERT,  voisin  de  Sganarelle. 

VALERE,  domestique*  de  Gëronte. 

LUCAS,  mari  de  Jacqueline. 

GÉRONTE,  père  de  Lucinde. 

JACQUELINE,  nourrice  cliez  Géronte,  et  femme  de  Lucas. 

LUQNDE,  fille  de  Gëronte  K 

LEAIXDRE,  amant  de  Lucinde. 

I.  Il  y  a  ici,  et  encore  quatre ligaet  plut  bat,  dans  la  i**  édition, 
la  fin^lière  fante  marUy  pour  mari. 

a.  On  m.  TU  ct-desfut,  à  la  Notice,  p.  aa  et  aS,  d*aprè8  un  inren- 
Uire  publié  par  M.  Eud.  Soulié,  le  détail  du  costume  que  portait 
Molière  dans  ce  rôle;  il  y  faut  ajouter  le  a  chapeau  des  plus 
poiotos  »  :  voyez  ci-après,  acte  II,  scène  ii,  p.   73. 

3.  Domestiqu€y  au  dix-septième  siècle,  se  disait  de  toute  personne 
engagée,  dans  quelque  position,  même  élevée,  que  ce  fût,  au  senrice 
de  ^pielqu^un.  Molière  n^a  pas  jugé  nécessaire  de  déterminer  plus 
uettement  le  titre  qui  attache  Valère  à  Géronte.  Par  ce  nom  même 
qui  loi  est  donné  et  par  son  costume  (autant  que  permet  d*en  juger 
la  gniTore  de  1689,  qui  le  montre  arec  épée,  gants,  rubans  et  cha- 
peau à  plumes),  le  personnage  se  dislingue  bien  d'un  simple  valet, 
un  peu  moins  cependant  par  le  langage  qu'il  tient  à  Lucas  dans  son 
premier  couplet  (ci-après,  p.  48). 

4-  C^est  la  seconde  fois  que  Molière  donne  ce  nom  à  une  jeune 
fiUe  qui  feint  d'être  malade,  et  dont  un  faux  médecin  sert  les 
affloors  :  voyez  aux  Personnages  de  P Amour  méJecinjtome  y,p.  S98. 
—  Le  même  inventaire  rappelé  plus  haut  nous  a  seul  appris,  en 
<lécrivant  un  costume  dont  le  luxe  ne  pouvait  convenir  qu'à  Lu- 
cinde, que  ce  rôle  fut  joué  d*original  par  la  femme  de  Molière  : 
rojrez  la  Notice^  p.  33. 

MoliAbs.  ti  3 


34  ACTEURS. 

THIBAirr,  père  de  Pcmn*. 
PERRIN,  fils  de  Thibaut,  paysan\ 

X.  Perm,  ici  et  à  la  ligne  suivante,  dans  Tédition  originale; 
mais  Perrin^  dans  la  scène  ii  de  Pacte  III. 

9.  Voici  comment  la  liste  des  acteurs  est  disposée  dans  Tédition 

de  1734  : 

GiEoim,  père  de  Lucinde.  —  Lugihdb,  fille  de  Géronte.  — 
I^AHDRB,  amant  de  Lucinde.  —  Soavaakllb,  mari  de  Martine*. 
—  Mahthib,  femme  de  Sganarelle.  —  M.  Robeht,  voisin  de  Sga- 
uarelle.  —  Valèeb,  domestique  de  Gëronte.  —  Lucas,  mari  de 
Jacqueline^.  —  Jagquelihb,  nourrice  chez  Géronte,  et  femme  de 
Lucas.  -»  Thibaut,  père  de  Perrin;  Pbbb»,  fils  de  Thibaut, 
paysans. 

Cette  même  édition  ajoute,  à  la  suite  de  la  liste  :  a  La  scène  est 
à  la  campagne.  »  Au  second  et  au  troisième  actes  cependant,  on 
peut  supposer  que  Paction  se  passe  dans  une  maison  ou  un  jardin 
de  ville  plutôt  qu*à  la  campagne. 

Le  Mémoire  de,»,,  décorations  (Manuscrits  français  de  la  Biblio- 
thèque nationale,  n«  a4  33o)  n'indique  cette  fois  que  les  accessoires 
nécessaires  à  la  mise  en  scène  :  «  U  faut  du  bois,  une  grande  bou- 
teille, deux  battes,  trois  chaises  *,  un  morceau  de  fromage,  des  je- 
tons, une  bourse'.  0 

<*  SoAHAaKLLS,  mari  de  Martine^  domestique  de  GèroHtef  dans  quelques 
exemplaires  non  eoirigés  de  rédition  de  1734. 

^  Lucas,  mari  de  Jacqueline ^  domestique  de  Geronte.  (i773«) 

'  Le  chiffire,  très-négligemment  tracé,  est  peut-être  un  4  ;  mais  il  semble 
qu*il  ne  Ciat  que  trois  sièges  pour  la  scène  de  la  consultation  (la  rv*  de 
l'acte  U  :  rojez  ci-après,  p.  81),  la  seule  on  des  chaises  puissent  être  utiles. 

*  Des  jetons  pour  remplir  la  bourse,  comme  dans  C Amour  médêcim  .*  voyez 
tome  y,  p.  a^,  note  i. 


LE 


MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 


COMÉDIE. 


ACTE  r. 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

S6ANARELLE,   MARTINE,   paioiMaiit  mr  le  thatre 

en  le  qoereUant  *• 

SGANÂRSLLB. 

NoDy  je  te  dis  que  je  n'en  veux  rien  faire,  et  que  c*est 
à  moi  de  parler  et  d'être  le  maître. 

MÂRTINB. 

Et  je  te  dis,  moi,  que  je  veux  que  tu  vives  à  ma 
fantaisie,  et  que  je  ne  me  suis  point  mariée  avec  toi 
pour  souSnr  tes  fredaines. 

SGAIIARXLLB. 

0  la  grande  fatigue  que  d'avoir  une  femme!  el 
qQ*Aristot«  a  bien  raison,  quand  il  dit  qu'une  femme 
est  pire  qu'un  démon  ! 


I.  Le  diéétre,  pour  cet  acte,  doit  représenter  an  lien  roisin  des  m  allons  de 
^anareOe  et  de  M.  Robert,  et  peu  éloigné  da  boia  oà  Sganarelle  façonne  aea 
b{p^.  Yoyes  In  fin  de  U  acène  u  de  l*aete  I. 

a.  Otùm  îadiention  B*eet  pet  dent  l'éditîoB  de  1734.  —  Boahaiilu,  Mar- 
îm,  em  te  fusrellmU,  (1673,  74,  89.) 


IS  LE  MÉDECIN  MALGRE  LUI. 

MARTINI. 

Voyez  un  peu  Thabile  hominey  avec  son  benêt  d^Aris- 
tote! 

SGAIIARBLLB. 

Oui,  habile  homme  :  trouve-moi  un  faiseur  de  fagois 
qui  sache,  comme  moi,  raisonner  des  choses,  qui  ait 
servi  six  ans  un  fameux  médecin,  et  qui  ait  su,  dans 
son  jeune  àgej  son  rudiment  par  oœur^. 

MARTINE. 

Peste  du  fou  fieffé  I 

SGANARELLE. 

Peste  de  la  carogne! 

MARTINE. 

Que  maudit  soit'  Fheure  et  le  jour  oii  je  m^avisai 
d*aller  dire  oui! 

SGANARELLE. 

Que  maudit  soit  le  bec  cornu'  de  notaire  qui  me  fît 
signer  ma  ruine! 

MARTINE. 

Cést  bien  à  toi,  vraiment,  à  te  plaindre  de  cette 
affaire.  Devrois-tu  être  un  seul  moment  sans  rendre 
gmce  au  Ciel  ^  de  m'avoir  pour  ta  femme  ?  et  méritois- 
tu  d'épouser  une  personne  comme  moi  ? 

SGANARELLE. 

Il  est  vrai  que  tu  me  fis  trop  d*honneur,  et  que  j^eus 
lieu  de  me  louer  la  première  nuit  de  nos  noces!  Hé! 
morbleu  !  ne  me  fais  point  parler  là-dessus  :  je  dirois  de 
certaines  choses.... 


I.  Voyes  p.  g8.  On  appelle  rudiment^  dit  PAcadémie,  dès  u  première  êdi- 
lion  :  «  Un  petit  livre  qui  contient  les  premiers  principes  de  la  langoe  latûne.  • 
a.  Ce  dé&ttt  d^aecoitl  est  dans  toutes  nos  éditions. 

3.  Becque-cornu^  dans  Tédition  originale  et  dans  nos  trois  édidona  étran- 
gères. —  Sur  ce  terme  d*injnre,  Toyes  an  vers  ii6a  de  PÉooU  tUs/em^ttâ^ 
tome  m,  p.  a42i  note  3. 

4.  Grftces  an  Ciel.  (i6;3,  74,  8a,  9a,  97,  1733,  340 


ACTE  I,   SGÉIfl  I.  37 

MAmnin. 
Qaoi?  que  dirois-lii? 

SGÂHARSLLt. 

BasteS  laissons  là  ce  chapitre.  Il  suffit  que  nous  sa- 
Tons  ce  qae  nous  savons ',  et  que  tu  fus  bien  heureuse 
de  me  trouver. 

MARTINI. 

Qaaj^elles-tu  bien  heureuse  de  te  trouver?  Un 
homme  qui  me  réduit  à  Thôpitali  un  débauché,  un 
traître,  qui  me  mange  tout  ce  que  j*ai? 

aGANAmBLUI. 

Tu  as  menti  :  j'en  bois  une  partie. 

MARTIIIB. 

Qui  me  vend,  pièce  à  pièce,  tout  ce  qui  est  dans  le 
logis. 

SGAIIARBLLE. 

Cest  vivre  de  ménage*. 


I.  SaSt.  Cest  le  leiii  itjmologlqae  do  mot  (en  itàKen  hatta).  Vojes 
tÉUnutliy^m  laôa,  tome  I,  p.  191. 

s.  Noot  MTone  bien  ce  que  nons  UTons  ;  je  m*eiitendt  bien  et  je  snii  t&r  Je 
■OD  dit.  Lacet  emploie  pins  loin  cette  phrase  prorerbûile  (p*  61). 

3.  Ménagé  était  alors  nn  mot  beaaeoap  plos  usité  dans  son  sens  à^ieonomie^ 
<cnM»ia  ce  passage  de  la  Bmbriqme  et  fallace  du  monde^  pasqmtn  excellent, 
de  i6m«. 

....  S*il  adnent  qn'on  appréhende 

Des  fiOes  la  charge  trop  grande. 

Par  Corme  de  détotion 

On  les  met  en  religion. 

Mais  c'est  plnt6t  un  bon  ménage 

Ponr  épargner  leur  mariage  [pour  n*atttir  pat  à  les  doter)  \ 

et  ce  passage  de  la  Fontaine  (fable  xtoi  du  lÎTre  VIII,  pnl>Uée  en  1678, 
Ter»  43-44)  ; 

Loi  bercer,  pour  pins  de  ménage, 
Aoroit  deux  on  trois  mitineanx, 
Qnl  Ini  dépensant  moins,  Teilleroient  aux  troupeaux. 


SgsasreUc  redit  probablement  une  astes  vieille  équivoque;  elle  se  trouve,  avec 

s  Réimprimé  par  M.  Edouard  Foornier  :  vojei  an  tome  I  de  tes  fariétis 
àûttrifuee  ai  Uitératrae^  p.  347  et  la  note. 


38  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUL 

MARTimi. 

Qai  m*a  ôté  jas(ra*au  lit  que  j'avais. 

SGANARSL&B. 

Tu  t*en  lèveras  plus  malin. 

MARTIHK. 

Enfin  qui   ne   laisse   aucun  meuble  dans   toute  là 
maison. 

SGÀNARSLLB. 

On  en  déménage  plus  aisément. 

MARTINB. 

Et  qui,  ou  matin  jusqu'au  soir,  ne  fait  que  jouer  et 
que  boire. 


une  autre  de  set  plaitanteriet  qii*on  vient  de  lire, dans  ees  deux  petltea  pièces*, 
extraites  da  Tolame  des  Jojeux  épigrammes  d»  situr  de  la  Girtutdière^  qui 
avait  para  en  i634  : 

Di  loirnToir  (p.  8a). 

On  dit  qae  Boutiton  ae  raine. 
Qu'il  ne  déjeune,  qu'il  ne  dîne 
Et  ne  soupe  qu'aux  cabarets; 
Mais  s'il  y  Tend  ou  laisie  en  gage 
Chaires,  tables  et  tabourets, 
Est-ee  pas  viiTe  de  ménage  ? 

A  LUX-Mâsu  (p.  83). 

Denise  est  une  mensongère  : 
Vous  n'avex  depuis  son  départ 
Mangé  tout  le  oien  de  son  père  ; 
Vous  en  avez  bu  la  plupart. 

Ce  dernier  trait  était  déjà  dans  la  Comédie  de*  prwerhe*  d* Adrien  de  Montluc 
(i633,  acte  II,  scène  m)  :  «  Ils  ont  la  m*ae  de  ne  manger  pas  loat  leur  bien. 
Us  en  boivent  une  bonne  partie.  » 

•  Auger j  qui  a  heureusement  rencontré  la  seconde,  avait  probablement,  dans 

sa  lecture,  sauté  la  première,  tout  aussi  intéressante  ;  il  est  vrai  que  les  exem- 

•  pies  de  réquivoque  qu'elle  contient  ne  manquent  pas.  M.  de  Pnrseral,  dans 

'  "'  *^  Notée  à  ajouter  au  commentaire  dee  comédies  de  Molière  (voyex  la  RevM 

I    ^  f  /  ;  '     ^  '     *^^  Marseille  et  de  Provence,  n*  de  juin  1874,  p.  3i6)«  en  cite,  entre  autres, 

un  de  1557.  Dans  une  comédie  récente  de  Chevalier,  jouée  an  Marais  en  166a, 
imprimée  en  i663^  V Intrigue  des  carrosse*  à  cinq  sous,  le  valet  Ragotin  avait 
-   '     dit  en  parlant  de  son  maître,  joueur  (acte  I,  scène  m)  : 

Diable  1  quel  ménager  1  On  voit  sur  son  visage 
Q^  vendra  tout  dans  peu  pour  vivre  de  ménage. 


f 

»         1 


ACTE  f,  SCÈNE  1.  *  ^9 

SGAMAftXLLS. 

G  est  pour  ne  me  point  ennuyer* 

MARTllIB. 

Et  qne  yeux-tu,  pendant  ce  temps,  que  je  fasse  avec 
ma  famille  ? 

S6ANA1IBLLB. 

Tout  ce  qu*il  te  plaira. 

MARTINE. 

J'ai  quatre  pauvres  petits  enfants  sur  les  bras. 

SGANARBLLE. 

Mets-les  à  teire. 

MARTINB. 

Qui  me  demandent  à  toute  heure  du  pain. 

SGANARBLLB. 

Donne-leur  le  fouet  :  quand  j'ai  bien  bu  et  bien 
mangé,  je  veux  que  tout  le  monde  soit  saoul  '  dans  ma 
maison. 

MARTINB. 

Et  tu  prétends,  ivrogne,  que  les  choses  aillent  toujours 
de  même  ? 

SGANARELLE. 

Ma  femme,  allons  tout  doucement,  s'il  vous  plaît. 

MARTINE. 

Que  j'endure  éternellement  tes  insolences  et  tes  dé- 
bauches? 

SGANARELLE. 

Ne  nous  emportons  point,  ma  femme. 

MARTINE. 

Et  que  je  ne  sache  pas  trouver  le  moyen  de  te  ranger 
i  ton  devoir? 


1.  Tel  nt  le  texte  :  le  mot,  écrit  êawt  dans  le  Ten  8o  da  Dépit  amoureux 
[tome  1,  p.  407),  et  toâ  dans  le  Ters  229  de  P École  des  marU  (tome  II,  p.  S^S), 
rime,  ea  cet  deux  endroiu,  k^ee/ou\  lillears  (tome  IV,  p.  137),  il  est  écrit  m« 


4o  *  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

SGANARBLLB. 

Ma  femme,  vous  savez  que  je  n^ai  pas  Tâme  endu- 
rante, et  que  j'ai  le  bras  assez  bon. 

MARTINB. 

Je  me  moque  de  tes  menaces. 

SGANARBLLB. 

Ma  petite  femme,  ma  mie,  votre  peau  vous  démange, 
à  votre  ordinaire. 

MARTINB. 

Je  te  montrerai  bien  que  je  ne  te  crains  nullement. 

SGANARBLLB. 

Ma  cbère   moitié,  vous  avez  envie  de   me  dérober 
quelque  chose  ^ 

MARTINE. 

Crois-tu  que  je  m'épouvante  de  tes  paroles? 

SGANARBLLB. 

Doux  objet  de  mes  vœux,  je  vous  frotterai  les  oreilles. 

MARTINB. 

Ivrogne  que  tu  es  ! 

SGANARBLLB. 


Je  vous  battrai. 


Sac  à  vin! 


Je  vous  rosserai. 
Infâme  ! 


Je  vous  étrillerai. 


MARTINE. 


SGANARBLLB. 


MARTINE. 


SGANARELLR. 


I.  Façon  de  parler  populaire;  le  quelque  ekote  est  bien  espUqaé  par  ee 
paiMge,  que    cite  Aiiger,  de  la   Comédie   dei  proverbes  (acte  H,  tcène  ▼)  : 
«  Si  tu  m*importoBek  davantage,  ta   me  déroberas  un  aoafBet.  »  SouflBet  on 
coapt  de  bâton. 


Traître,  insolent,  trompeur,  lâche,  coquin,  pendard, 
gaeax,  bélître ^^  fripon,  maraud,  voleur...! 

SGANARHLLB. 
(n  prend  on  bâtoa',  et  lui  en  donne.) 

Ah  !  YOU8  en  voulez  donc  ? 

MARTIlfx'. 

Ah,  ah,  ah,  ah! 

8GÂNARSLLB. 

Voilà  le  vrai  moyen  de  vQua  apaiser. 


SCÈNE  IL 

M.  ROBERT,  SGANARELLE,  MARTINE. 

M.    ROBERT. 

Holà,  holà,  holà!  Fi!  Qu'est-ce  ci* ?  Quelle  infamie! 
Peste  soit  le  coquin,  de  battre  ainsi  sa  femme  ! 

MARTINE,   les  maim  sur  les  cAtés,  loi  parle  en  le  faiMnt  reonler, 
et  à  la  fia  loi  donne  nn  sonlflet  . 

Et  je  veux  qu*il  me  batte,  moi. 

M.    ROBERT. 

Ah!  j'y  consens  de  tout  mon  cœur. 

MARTINE. 

De  quoi  vous  mêlez*vous  ? 


I.  Mot  d*ori^e  doateoM,  peut-être  bien  allemande,  d'abord  synonyme  de 
p*"*  tnund,  metêdiani  :  to  jes  le  DietioiuuUre  de  M,  Littré  et  le  Smpplém§mi, 
1.  Soiwtifi,T.i  prend  m  bâton.  (1673,  74,  8a,  ^,  97,  1710,  18,  3o.) 
}•  9%àMàMËiJM  prend  mn  Mton  et  bat  êa  femme,  —  MAaTors,  eriant,  (1734.) 

4.  Qa*cat-ceei?(i69a,  1718.)  — Qu'est  ceci?  (1675  A,  84  A,  94  B,  1773.) — 
Hou raÎTOfu,  pour  la  diriiîon  des  syllabes,  les  autres  éditious  anciennes;  elles 
QBt,  à  eoauaencer  par  Tédition  originale,  un  second  tiret  inutile  :  Qu^est-ee^i? 
▼ojcs  tome  1,  p.  465,  note  a;  tome  IV,  p.  i34,  note  4;  ci-après,  p.  64, 
*Bte  i;  et  le  Lexiqne  de  la  langue  de  Corneille^  k  Cx. 

5.  MàaniB,  à  Jf.  Boberi.  (1734.) 


4a  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 


J'ai  tort. 

MARTINB. 

Est-ce  là  votre  a£faire? 

M.    ROBSRT. 

Vous  avez  raison. 

MÂRTIlfB. 

Voyez  un  peu  eet  impertinenti  qui  veut  empêdier  les 
maris  de  battre  leurs  femmes. 

M.    ROBERT. 

Je  me  rétracte. 

MARTINB. 

Qu'avez- vous  à  voir  là-dessus^  ? 

M.    ROBERT. 

Rien. 

MARTINE. 

Est-ce  à  vous  dy  mettre  le  nez? 

M.    ROBERT. 

Non. 

MARTIlfB. 

Mêlez-vous  de  vos  a£faires. 

M.    ROBERT. 

Je  ne  dis  plus  mot. 

MARTINE. 

Il  me  plait  d'être  battue. 

M.    ROBERT. 

D'accord. 

MARTINE. 

Ce  n'est  pas  à  vos  dépens. 

I .  On  disait  aatrefoit,  comme  Tatteste  le  Dictionnaire  de  F  Académie^  ^- 
tioB  de  1694^  :  f^oiu  n*at^z  rien  à  voir  sur  moi,  tous  n*avex....  aacim  droit 
d^inspection  sur  ma  conduite.  On  pouvait  donc  dire  :  Qu'apea-iwus  à  voir  là- 
*    dessus?  {Pfote  d*Auger.] 

•  Et  éditions  ioiTantes,  jusqu'à  ceUe  de  176a  indoiÎTement. 


ACTE  I,   SCENE  II.  «3 

M.    BOBBRT. 

U  est  vrai. 

MARTIHE. 

Et  VOUS  êtes  un  sot  de  venir  vous  fooirer  où  vous 
n'avez  que  faire. 

M.    ROBERT. 

(Il  puie  cBMÎte  Ters  le  mari,  qui  parailtoment  lai  parla  toajonn  on  le  fiiU 
Mal  recaler,  le  frappe  arec  le  méaie  bàtoa^  et  le  met  en  faite;  il  dit  ft  U 

ia':) 

Compère,  je  vous  demande  pardon  de  tout  mon  cœur. 
Faites,  rossez,  battez,  comme  il  iaut,  votre  femme;  je 
vous  aiderai,  si  vous  le  voulez. 

SGAIIARELLB. 

n  ne  me  plaît  pas,  moi'. 

M.    ROBERT. 

Ah!  c'est  une  autre  chose. 

SGÀNARELLB. 

Je  la  veux  battre,  si  je  le  veux  ;  et  ne  la  veux  pas 
battre,  si  je  ne  le  veux  pas. 

M.    ROBERT. 

Fort  bien. 

SGANARELLB. 

Cest  ma  femme,  et  non  pas  la  vôtre. 

M.    ROBERT. 

Sans  doute. 

SGANARELLB. 

Vous  n'avez  rien  à  me  commander. 


I.  Le  même  bâton  arec  lequel  il  a  battu  ta  lismme. 

3.  n  fiait  par  dire.  —  M.  Roaimr  j^se  ensuite  vers  U  mari^  fai  pareiL 
^^^t^i  /ai....  avec  le  même  hâton,  le  met  en  fuite,  et  dit  à  la  fin,  (1673,  74, 
^0  —  Bt  M.  Robert  dit  à  la  fin,  (17x0,  18,  33.)  —  Dana  rédition  de  1734 
^^^■g  jea  de  teène  eet  omit;  on  j  lit  ainsi  ee  passage  :  «  ....  Qae  faire.  (Elle 
^^vnneunâomfflet.)  —  M.  Robert,  à  Sganarelle.  Compère....  » 

3.  VoiU  la  troisième  (bis  que  revient  dans  Molière  cette  phrase  avec  cette 
^"■^raetioD  de  moi;  voyez  tome  IV,  p.  437,  le  vers  575  de  Tartuffe  et  la 
■^a,  et  tome  T,  p.  525,  le  vert  i356  dn  Misanthrope, 


44  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

M.    ROBBRT. 

D'accord. 

SGAIIARBLLB. 

Je  n'ai  que  faire  de  votre  aide. 

M.    ROBERT. 

Très- volontiers. 

sganàrelle. 

Et  vous  êtes  un  impertinent,  de  vous  ingérer  des 
affaires^  d'autrui.  Apprenez  que  Cicéron  dit  qu'entre 
l'arbre  et  le  doigt  il  ne  fSiut  point  mettre  Técorce  '. 


I .  Sur  l*emploi  %  pen  prêt  indifférent  des  prépositions  dans  on  de  avec 
le  Terbe  t'ingérera  auquel  Bossuet  a  joint  aussi  à  derant  finfinitiC,  Tojec 
le  Dictionnaire  de  M.  Littré,  L* Académie,  dans  sa  première  édition  (1694^ 
Richelet  (1680)  et  Furetière  (1690)  ne  donnent  d'exemples  que  de  la  conatme- 
tion  avec  dei  mais   M.  Littré  en  cite'  arec  dant  qui  sont  du  dix-septième 


a,  Anger  rappelle  que  le  prorerbe  dont  Sganàrelle  fait  iel  une  si  juste  appli- 
cation, tout  en  le  citant  de  travers,  a  été  recueilli  et  longuement  expose  par 
Henri  Estienne  dans  son  Projet  du  livre  intitulé  de  la  vbicuxkrcx  du 
LAROAGB  FEANOOtt  (i579,  p.  iQi).  m  On  ne  doit  mettre  le  doigt  entre  Cécoree 
et  le  bois  :  contre  ceux  qui  mettent  des  noises  et  débats  entre  les  personnea  qui 
sont  prodies  les  unes  aux  autres,  j'entends  entre  lesquelles  il  y  a  un  lien  fort  étroit 
de  procbaineté,  comme  entre  le  père  et  l'enfant,  le  mari  et  la  femme.  Et  cette 
similitude  est  fort  belle  ;  car  comme,  si  le  doigt  se  mettoit  entre  Técoree  et  le 
bois,  il  seroit  à  craindre  que,  ces  deux  Tenants  I  se  rejoindre  naturellement,  il 
ne  se  trooTÉt  enserré,  non  sans  sentir  douleur  :  ainsi  celui  qui  Tient  i  mettre  des 
noises  et  dissensions  entre  telles  personnes,  est  en  danger,  quand  elles  retoar- 
nent  à  leur  naturelle  alliance  et  conjonction  de  Tolontés,  qu'il  ne  soit  comme 
enserré  et  pressé  de  la  haine  que  lui  porte  tant  Tune  que  Tautre.  Or  plus 
donne  de  peine  Texposition  de  ce  proTcrbe  (laquelle  est  selon  que  j'en  ai  ouî 
user),  plus  faut-il  qu*il  soit  excellent,  %  cause  mémement  de  sa  brièTeté,  au 
tieu  qu'il  faudroit  user  de  beaucoup  de  paroles.  »  — Dans  le  Mystère  de  saint 
Christo/le^  rimé  en  quelque  ringt  mille  Ters  par  maître  Chetalet,  qui  fnt  im> 
primé  i  Grenoble  en  l53o«,  et  qui  a  pu  tomber  sona  les  yeux  de  Molière,  il  y  11 
(feuille  C,  f**  i  t*  et  ij  r*]  une  seène  épisodique,  d'un  dialogue  court  et  «asez. 
insignifiant,  mais  où  la  même  moralité  a  été  mise  en  action.  Un  messager 
égaré  de  sa  ronte,  aosai  malencontreux  témoin  que  M.  Robert  d'une  querelle 

•  On  lit  sur  le  premier  feuillet  :  «  S'ensuit  la  f^e  de  saint  Cristo^e^  élé- 
gamment composée  en  rime  françoiae  et  par  personnages,  par  maître  Chemlet, 
jadis  BouTerain  mattre  en  tdle  compositnre....  » 


ACTE  T,    SCÈNE  II.  «5 

(Eanite  il  revleat  vers  sa  femm«,  et  lot  dit,  en  lui  pretnnt  la  niaîa  :  ) 

0  ç&S  faisons  la  paix  nous  deux.  Touche  là. 

MAKTJNE. 

Oui!  après  m^avoîr  ainsi  battue! 

SGANARBLLE. 

Cela  n'est  rien,  touche. 

MARTINE. 

Je  ne  veux  pas. 

SGANARELLE. 

Eh! 

MARTINE. 

Non. 


M  uB pajsan se  laisse  battre  par  si  femme,  teate  dUnterveoir,  et  t*attire  k  lui- 
même,  des  deox  parts,  les  coups  de  bftton  : 

SAOTEREAU  [U  mêtsager) . 
Et  qu'est  ceci  ?  étes-Tous  folle  ? 
Fiiut-il  battre  votre  mari  ? 

LANDCBKt  {la  pajrsauné). 
Venez-vous  au  ebarivari  ? 
Par  tous  nos  dieux  vous  en  aurez.  : 
Tenez. . . . 

LAiCDUniAU  {U  pay*an). 
Empoigne  ce  coup  de  quenoille. 

SAUTUXAU. 

Le  diable  m'en  fit  bien  mêler  ; 
Jamais  ne  fus  à  telle  feste. 

LANDURÉK. 

Retourne  :  tu  auras  ta  reste. 

SAirriRlikC. 
Je  quitte  U  reste  et  le  jeu. 


Ce  vllain-là  m*a  abusé, 

Qui  m*a  fsit  des  horions  prendre, 

De  sa  femme  pour  le  défendre. 


VoysB  b  note  d'Aimé-Martin   et  Tanalyse  moins  fidèle  dei  fircres  Parfaicl, 
tonc  III,  p.  3. 
I.  L^éeoree.  (//  bat  A/.  Rohert  et  U  ehaite.) 

SCÈNE  m. 

8GAHARELLB,   ILARTUIE. 

.Ob^à.  (1734.) 


46  LE  MIÎDECIN  MALGRÉ  LUI. 

8GÂNAR£LLB. 

Ma  petite  femme  ! 

MARTINS. 

Point. 

SGANARKLLE. 

AII0D8,  te  dis-je. 

MARTINB. 

Je  n'en  ferai  rien. 

8GANAHBLLE. 

Viens,  viens,  viens. 

MARTIlfB. 

Non  :  je  veux  être  en  colère. 

SGAMARELLE.      ' 

Fi!  c*est  une  bagatelle.  Allons,  allons. 

MARTINE. 

Laisse-moi  là. 

SGANARELLB. 

Touche,  te  dis-je. 

MARTINE. 

Tu  m*as  trop  maltraitée. 

SGANARELLE. 

Eh  bien  va,  je  te  demande  pardon  :  mets  là  ta  main. 

MARTINE. 

Je  te  pardonne;  (elle  dit  l«  reste  bas)  mais  tu  le  payeras \ 

SGANARELLE. 

Tu  es  une  folle  de  prendre  garde  à  cela  :  ce  sont 
petites  choses  qui  sont  de  temps  en  temps  nécessaires 
dans  Tamitié;  et  cinq  ou  six  coups  de  bâton,  entre  gens 
qui  s*aiment,  ne  font  que  ragaillardir  Taffection*.  Va,  je 

I.  MABTOfi,  bas.  Je  te  pardonne;  maùi  tu  le  payeras.  (1673,  74f  8a.)  '— 
BfAnTTifB.  Je  te  pardonne;  (b€u  à  part)  maû  ta  le  payeros.  (1734.) 

a.  Aimé-Martin  rappelle  ici  un  rers  de  Trrence  (il  a  été  eiké  dans  U  Notice 
du  Déjnt  amoureux^  tome  1,  p.  385)  dont  la  maxime  de  Sganarelle  semble  être 
en  effet  nne  traduction  plaisante  : 

Amantium  irm^  amorit  integratio. 


AGTB  I.  SGBNB  II.  4? 

m'en  vais  au  bois,  et  je  te  promets  aujourd'hui  plus 
dan  cent  de  fagots*. 


SCÈNE  IIP. 

MARTINE,   seule. 

Va,  quelque  mine  que  je  fasse,  je  n'oublie  pas'  mon 
ressentiment;  et  je  brûle  en  moi-même  de  trouver  les 
moyens  de  te  punir  des  coups  que  tu  me  donnes  ^.  Je  sais 
bien  qu'une  femme  a  toujours  dans  les  mains  de  quoi  se 
venger  d'un  mari  ;  mais  c'est  une  punition  trop  délicate 
pour  mon  pendard  :  je  veux  une  vengeance  qui  se  fasse 
un  peu  mieux  sentir;  et  ce  n'est  pas  contentement  pour 
Tinjure  que  j'ai  reçue. 

1.  Pov  ee  SgaiMrelle  «tm  premièies  leèace,  BoUeeu  panlt  «Toir  peaw  que 
Moliire  mit  à  profit  diSenHitt.  traits  qa*il  loi  «TUt  fait  eonnaltre  do  perruquier- 
boiàcr*  FAmour,  derena  plot  tard,  ainsi  que  sa  seconde  femme  (bien  difle- 
leale  edte-ci  de  Martine),  un  des  personnages  du  Lutrin^.  Brossette  donne 
nr  lai  et  sa  première  femme,  dans  ses  remarques  à  la  fin  du  I*'  chant  de 
ce  poème,  des  renseignements  qn*il  tenait  Traisemblablemeot  de  Boileau.  «  Le 
perruquier  rAnonr,  dit-il  (sous  le  Ters  ai6),  avoitété  marié  deux  fois.  Sa  pre- 
■iôps  liemme  ctoit  estrémônent  emportée  et  d'une  humeur  très-filcheuse.  Mo- 
lière a  pont  le  caractère  de  Tun  et  de  Tautre  dans  son  Médecin  maigri  imi.,., 
Mr  es  que  M.  Dcsprèaux  lui  en  avoit  dit.  •  Voyes  encore  ce  qui  est  eité,  à- 
JsMusè  la  Ifoitee,  p.  19,  d'une  addition  de  la  Monnoje  au  Mtnagiana* 

».  SCÉHB  IV.  (1734.) 

3.  le  n'oublierai  pas.  (1673,  74,  Sa,  1734.} 

4*  Que  tn  m*aa  donnés.  (l734>) 

*  Les  barbiers  et  même  les  perruquiers  étaient  confrères  des  chirurgiens^  et 
^sraieat  passer  des  wramens  d  anatomie  :  Toyei  le  chapitre  yi  des  Médeciiu  au 
^e^fi  dt  Molière  par  M.  Rajnaud,  particulièrement  page  3i5  :  peut-être,  par 
9*>dms prétentions  qu'il  arait  au  saroir  médical,  Tonginal  dépeint  uar  Boileau 
tfsit'il  encore  reeonnaissable  dans  le  Fagotier,  ancien  serviteur  d^un  tameuz  mé- 
•**«»  (toyca  p.  36). 

^  BoSean  me  les  désigna  tous  deux  sous  leur  irai  nom  qu'à  partir  de  l'édi- 
^^^  de  1701.  Broesette  notant,  au  sortir  d'un  entretien  avec  Boileau,  la  date 
^  leur  mort,  appelle  le  mari  /•  neur  de  Lamomr  et  Didier  de  Vamottr  (ms« 
"tfogiaphe,  î*  ai  r*,  ai  octobre  170a}. 


48  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 


SCÈNE  IV. 

VALÈRE,  LUCAS,  MARTINE. 


LUCAS* 


Parguenne!  j  avons'  pris  là  tous  deux  une  gneklc^ 
de  commission;  et  je  ne  sai  pas,  moi,  ce  que  je  pen* 
sons  attraper. 

VALÈAB*. 

Que  veux^tu,  mon  pauvre  nourricier?  il  faut  bteu 
obéir  à  notre  maître  ;  et  puis  nous  avons  intérêt,  Tun 
et  Tautre,  à  la  santé  de  sa  fille,  notre  maîtresse  ;  et  sans 
doute  son  mariage,  différé  par  sa  maladie,  nous  vaudroit  * 
quelque  récompense.  Horace,  qui  est  libéral,  a  bonne 
part  aux  prétentions  qu'on  peut  avoir  sur  sa  personne; 
et  quoiqu'elle  ait  fait  voir  de  Tamitié  pour  un  certain 
Léandre,  tu  sais  bien  que  son  père  n'a  jamais  voulu 
consentir  à  le  recevoir  pour  son  gendre. 

MARTINE,   réTant  «  part  eU«\ 

Ne  puis-je  point  trouver  quelque  invention  pour  me 
venger? 

I.  SCÈNE  V.  (1734.) 

a.  Lutut,  à  Faière,  sans  voir  9lariins,  (Ihidsm,) 

3.  ParguMone!  (1773.)  —  Sur  ce  biiarre  détaceord  du  pronom  et  da  verbe, 
fort  h  la  mode  au  leixième  siècle  daoi  le  jargon  des  eonrtitans,  tojsb  A  la 
scène  n  de  Tacte  II  de  Dom  Juan,  tome  V,  p.  io3,  note  4. 

4.  Gareau,  dzns  U  Pédant  Joué  de  Cjtïïuo  Bergerac  «(acte  H,  seène  h,  p.  37, 
de  rédition  de  i67i)«dU  aiusi  guiebs  poor  diabls  :  «  Jamigué!  je  ne  un  pas 
un  gniais  :  j^ay  esté  sans  reproche  margaillier,  j*ay  esté  begniau,  j*ay  eaté 
portofrande,  j^ay  esté  chasse-chien,  j^ay  esté  Goieu  [ùieu)  et  Goiebe,  je  na 
s^y  pus  qui  je  sis.  » 

5.  VALBaa,  à  Lucas ^  sans  pair  Martine,  (1734.} 
d.  NousTsudra.  (1673,  74,  Sa,  1734.] 

7.  Rivant  à  pari.  (1697,  17 10, 18,  33.)  —  Rhant  àpart^  tatnyaiU  aemltm 
(1734.) 

•  Voyea  tome  V,  p.  loi,  note  a. 


ACTE  I,  SCÈNE  IV.  49 


LUCAS  ^. 

Mais  ^elle  fantaisie  s'est-il  boutée  là  dans  la  tête, 
puisque  les  médecins  y  avont  tous  pardu  '  leur  latin*  ? 

On  trouTe  quelquefois,  à  force  de  chercher,  ce  qu*on 
ne  trouve  pas  d*abord;  et  souvent,  en  de  simples 
lieux.... 

MÀRTINB*. 

Oui,  il  faut  que  je  m*en  venge  à  quelque  prix  que  ce 
soit:  ces  coups  de  bâton  me  reviennent  au  cœur,  je  ne 

lessaurois  digérer,  et....  (Elle  dit  tont  ceci*  en  réTADt,  de  forte 
qoe  ne  prenant  pas  garde  à  ces  deux  hommes,  elle  les  heurte  en  se 

moamant,  et  leor  dit:)  Ah^!  Messieurs,  je  vous  demande 
pardon  ;  je  ne  vous  voyois  pas,  et  cherchois  dans  ma  tête 
quelque  chose  qui  m*embarrasse. 

vàlârb'. 
Chacun  a  ses  soins  dans  le  monde,  et  nous  cherchons 
aussi  ce  que*  nous  voudrions  bien  trouver. 

MARTINE. 

Seroit-ce  quelque  chose  où  je  vous  puisse  aider  ^*? 

VALéRE. 

Cela  se  pourroit  faire  ;  et  nous  tâchons  de  rencontrer 
quelque  habile  homme,  quelque  médecin  particulier, 
qui  pût  donner  quelque  soulagement  à  la  fille  de  notre 
maître,  attaquée  d*une  maladie  qui  lui  a  ôté  tout  d*un 
coup  Tusage  de  la  langue.  Plusieurs  médecins  ont  déjà 
épuisé  toute  leur  science  après  elle  ;  mais  on  trouve  par- 

t.  Lucas,  â  FaUf.  (i734-)  —  9*  Pwda.  (1674,  89,  1734.) 

3.  PiuM{iae  tooi  les  médecins  y  vuxaX  perdu  leur  latin?  (1734.) 

4.  VaIi^ix,  à  Lmeoi,  (Ibidem.) 

5.  MAETOn,  M  entrant  toujours  s&uU,  {làidem.) 

6.  £U0  dit  ceci.  (1673,  74,  8a.) 

7.  Je  nesMirois  les  «libérer,  et....  (Heurtant  f^alère  etLueae,)  Ah!  (1734.) 

8.  Par  cfreor,  BfARTDn,  pour  VAiiiaa,  dans  l'édition  originale. 

9.  £t  noos  cherclions  ce  que.  (1673,  74.) 

10.  Où  je  TOUS  poste  aider.  (i734<} 

Mouias.  Ti  4 


5o  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUL 

fois  des  gens  avec  des  secrets  admirables,  de  certains 
remèdes  particulierst  qui  font  le  plus  souvent  ce  <{ue  les 
autres  u'ont  su  faire  ;  et  c*est  là  ce  que  nous  cherchons. 

MARTINE. 
(Elle  dit  cet  premièret  lignes  bat*.) 

Ah!  que  le  Ciel  m*inspire  une  admirable  invention 
pour  me  venger  de  mon  pendard  !  (Haat.)  Vous  ne  pouviez 
jamais  vous  mieux  adresser  pour  rencontrer  ce  que  vous 
cherchez;  et  nous  avons  ici  un  homme ^,  le  plus  merveil- 
leux homme  du  monde,  pour  les  maladies  désespérées. 

VALÈRE. 

Et'  de  grâce,  ob  pouvons-nous  le  rencontrer  ? 

MARTINE. 

Vous  le  trouverez  maintenant  vers  ce  petit  lieu  que 
voilà,  qui  s'amuse  à  couper  du  bois. 

LUCAS. 

Un  médecin  qui  coupe  du  bois  ! 

VALÈRE. 

Qui  s^amuse  à  cueillir  des  simples,  voulez- vous  dire? 

MARTINE. 

Non  :  c'est  un  homme  extraordinaire  qui  se  plaît  i 
cela,  fantasque,  bizarre,  quinteux,  et  que  vous  ne  pren- 
driez jamais  pour  ce  qu'il  est.  Il  va  vêtu  d'une  façon 
extravagante,  a£fecte  quelquefois  de  paroitre  ignorant, 
tient  sa  science  renfermée,  et  ne  fuit  rien  tant  tous  les 
jours  que  d'exercer  les  merveilleux  talents  qu'il  a  eus  du 
Ciel  pour  la  médecine. 

VALERE. 

C'est  une  chose  admh'able,  que  tous  les  grands  hommes 


I .  Notre  imprestion  noug  oblige  à  modifier  ici  le  texte  des  encigniifn  «ditioiis. 
Elle  dit  eu  trois  premièret  lignée  bas.  (1667.)  Elle  dit  (oa  Mâbtiiib  dit)  ces 
deux  premières  lignes  bas.  (1673,  74,  75  A,  8a,  84  A,  94  B.)  —  ItfAmTOis,  hms, 
à  part,  (1734.) 

a.  Et  noai  «tous  an  homme.  {1673»  74,  8a«  1734.) 

3.  Hé!  (1730,  33,  34.) 


ACTE  I,  SCÈNE  IV.  5i 

ont  toujours  du  caprice,  quelque  petit  grain  de  folie 
mêlé  à  leur  sdeace^ 

MÀRTINB. 

La  folie  de  celui-ci  est  plus  grande  qu*on  ne  peut 
croire,  car  elle  ya  parfois  jusqu'à  Tou^oir  être  battu  pour 
demeurer  d'accord  de  sa  capacité  ;  et  je  vous  donne  avis 
que  vous  n'en  viendrez  point  à  bout',  qu'il  n'avouera 
jamais  qu'il  est  médecin,  s'il  se  le  met  en  fantaisie,  que 
vous  ne  preniez  chacun  un  bâton,  et  ne  le  réduisiez,  à 
finrce  de  coups,  i  vous  confesser  à  la  fin  ce  qu'il  vous 
cachera  d'abord.  C'est  ainsi  que  nous  en  usons  quand 
nous  avons  besoin  de  lui. 

VALÂRE. 

Voilà  une  étrange  folie  ! 

MARTINE. 

n  est  vrai;  mais,  après  cela,  vous  verrez  qu*il  fSût  des 
merveilles. 

VAliCRX. 

Comment  s'appelle-t-il? 

MARTINE. 

Il  s'appelle  Sganarelle  ;  mais  il  est  aisé  à  connoître  : 
c'est  un  homme  qui  a  une  large  barbe  noire*,  et  qui  porte 
one  fraise,  avec  un  habit  jaune  et  vert. 


1.  Si,..»  jiriâtoteli  (eredimiu),  nulium  magnmm   ingenUun  tùu  mixturm 
iemuÊtim  Juii.  (Séaèqne,  de  la  Tranquillité  de  Pdmê,  ren  la  fin  du  demi» 
diapitre  :  Toja  Arûtote,  dans  les  Problèmes ,  leetion  xzx,  quattlon  I.) 
».  Pas  iboat.  (1673,  74,  8a,  1734.) 

3.  Cette  large  harbe  (non  plus  que  celle  qu'Orgon  portait  sans  doute  i 
rantiqne  :  10 jet  le  Ters  474  du  Tartuffe)  ne  pourrait  s'entendre  d'une  barbe 
entière,  dn  moina  si  Ton  s*en  rapporte  aux  grarures  de  1667  et  de  168a  : 
daas  la  wconde,  Sganarelle,  en  Cigotier,  a  seulement  d^épaisses  monstaebes, 
nbatUMS  et  étalées  aux  coins  de  la  bouche,  ainsi  fort  différentes  des  très- 
fiaca  et  eoartea  moustaches,  séparées  sous  le  nez,  que  les  gens  de  la  TÎlle 
ra-dcasua  de  la  lèvre;  dans  la  première,  qui  ne  montre  pas  le 
que  décrit  Martine,  maia  k  Sganarelle  médecin  du  III*  acte,  sea 
et  sa  mouche  ne  semblent  plus  rien  avoir  de  rustique. 


5a  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUL 

LUCAS. 

Un  habit  jaune  et  vart!  C'est  donc  le  médecm  des 
paroquets^? 

VALÈRX. 

Mais  est-il  bien  vrai  qu'il  soit  si  habile*  que  vous  le 
dites? 

MÀETIirB. 

Comment?  Cest  un  homme  qui  fait  des  miracles.  Il  y 
a  six  mois  qu'une  femme  fut  abandonnée  de  tous  les 
antres  médecins  :  on  la  tenoit  morte  il  y  avoit  déjà  six 
heures,  et  Ton  se  disposoit  à  l'ensevelir,  lorsqu'on  y  fit 
venir  de  force  l'homme  dont  nous  parlons.  Il  lui  mit, 
l'ayant  vue,  une  petite  goutte  de  je  ne  sais  quoi  dans  la 
bouche,  et,  dans  le  même  instant,  elle  se  leva  de  son  lit, 
et  se  mit  aussitôt  à  se  promener  dans  sa  chambre , 
comme  si  de  rien  n'eût  été, 

LUCAS. 

Ah! 

VALÂRB. 

n  falloit  que  ce  f&t  quelque  goutte  d'or  potable'. 

MARTINE. 

Cela  pourroit  bien  être.  Il  n'y  a  pas  trois  semaines 

I.  Uahalnt  jauw  et  ▼ert!...  des  parroqoets?(i6Sa.)**  ^^*'''***  ^^P*~ 
roqnots?  (169a,  g4B.) 

9.  Aiun  habile.  (1730,  34.) 

3.  L*or  poUble,  dit  M.  Littxé  (àOi,  i5*)t  Mt  «  on  liquide  hnUeia  eC  alcoo- 
lique qu*on  obtient  en  venant  une  huile  Tolatile  dans  une  diuolution  de  ehlo- 
rare  d^or,  et  qu*on  regardait  autrefois  comme  un  eordial  et  un  élizir  de  aantc.  » 
11  y  en  avait  divertet  recettes;  on  peut  roir  celle  que  donne  Furetière,  repro- 
duite an  tome  IV  des  Lettres  de  Mme  de  Sévigné  (p.  509,  note  aa),  et  pluaicort 
autres  dans  la  Pharmacopée  royale^  gaUnique  et  ekjrmique  de  Moyse  Charas 
(1753)1  p.  914-91 7.  Ce  remède  était  sans  doute  fort  en  crédit  dans  ce  teiii|»e4i. 
«  Quel  plaisir  j*aurois...,  écrirait  Mlle  des  Jardins  en  STril  1667*,  si  votre 
mMecin  tous  ordonnoit  Bruxelles  [oU  elle  était)  comme  on  ordonne  l'naage 
de  Ter  potable!  »  Mme  de  Se  vigne  en  parle  plusieurs  fois,  en  1676  et  1677 
(tomes  IV,  p.  509,  et  V,  p.  33 1,  357, 373). 

•  Page  17  d*aB  lUeueil  de  quelques  lettres  ou  relatùms  galantes  publié  par 
elle,  es  1S6S,  ehea  Barliin,  qui  Ta  dédié  à  MUe  de  «  Sévigny  >. 


ACTE   1,  SCÈNE  IV.    '  53 

encore  cpi^an  jeune  enfant  de  douze  ans  tomba  du  haut 
dn  doeher  en  bas,  et  se  brisa,  sur  le  pavé,  la  tète,  les 
bras  et  les  jambes.  On  n  y  eut  pas  plus  tôt  amené  notre 
homme,  qu'il  le  frotta  par  tout  le  corps  d*un  certain 
onguent  qu'il  sait  faire  ;  et  Tenfant  aussitôt  se  leva  sur 
ses  pieds,  et  courut  jouer  à  la  fossette  ^. 

LUCAS. 

Ah! 

VALÈRE. 

Il  fisiut  que  cet  homme-là  ait  la  médecine  universelle  '. 

MARTINE. 

Qui  en  doute? 

LUCAS. 

Testigué*!  velà^  justement  Tbomme  qu'il  nous  faut. 
Allons  vite  le  charcher. 

VALÂRB. 

Nous  vous  remercions*  du  plaisir  que  vous  nous 
faites. 

MARTINE. 

Mais  souvenez-vous  bien  au  moins  de  l'avertissement 
que  je  vous  ai  donné. 

LUCAS. 

Eh,  morguenne!  laissez* nous  faire:  s'il  ne  tient  qu'à 
battre,  la  vache  est  à  nous*. 


I.  An  jea  et  billet  qa^tajonrdliuî,  à  Parit,  les  enbnU  appeOent  la  bioquêtte, 
—  lioM  «k  Sérigné  a  plof  d^mia  fou  fait  alloaion  à  ce  paaaag«  ;  pour  donner  Tidée 
4e  pcraonnos  nMrTeUlonaement  TÎte  giiériot  et  remises  tar  pied,  elle  dit  qn>Uet 
lent  aOéet  on  iront  bientôt  yoner  à  la  fostetief  ainsi,  an  17  janner  1680 
(tome  VI,  p.  19S)  :  «  Monsieur  de  Saint-Omer  a  été  è  tonte  extrémité...  ;  le  mé- 
dedn  anglois....  avee  son  remède.,.,  Ta  ressuscité,  et  dans  trois  jonrs  il  joaera 
i  la  fowstte.  »  Voyes  eneore  tome  IV  de  ses  Lettres^  p.  5 1  S,  et  tome  IX,  p.  3o. 

3.  Ait  troorë  quelque  panacée,  possède  le  remède  unÎTersel. 

3.  Testegné!  {i6Sa,  97,  1710,  18.*  —  Téteguél  (1730,  33,  34.) 

4.  VU.  (1734.) 

5.  Nous  TOflf  xemardons  (1689;  faute  éridente,  Valére  ne  parlant  point 
paysan  ;  die  n*a  pas  été  reproduite  dans  les  éditions  suiTantes.} 

&         S'il  ne  tient  qu'à  cela,  va,  la  racbe  est  à  nona, 
dit  leiells  à  Pliflipin,  dans  la  scène  i  de  Facte  ID  de  C Amant  ituHêfrei  ou  U 


64  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUL 

VÀLiRB^ 

Nous  sommet  bien  heureux  d  aycnr  fait  oette  renoon- 
tre;  et  j*en  conçois,  pour  moi,  la  meilleure  eq)énuioe 
du  monde. 


SCÈNE  V. 

SGANARELLE,  VALÈRE,  LUCAS. 

SGANAEELLB  entre  sur  le  théâtre  en  ehanUnt  et  tenant 

ane  bontdlle*. 

La,  la,  la. 

VALÈRB. 

J^entends  quelqu^un    qui  chante,  et  qui  coupe  du 
bois. 

sganarelle'. 
La,  la,   la....  Ma  foi,  c'est  assez  travaillé  pour  un 


Heure  étourdi^  la  teeonde  eomédM  de  Quinaait,  jouée  en  i654,  imprimée 

■Ba  apKi«.  —  Dana  le  fabliaa  da  FUain  mire  (yert  i6o-t64  :  voyei  la  iValMa, 

p.  lo),  à  la  dame,  qui  Tient  de  dire  que  ion  mari 

....  eat  de  telle  nature, 

Qa*il  ne  feroit  por  nuloi  rien, 

S*ainçoia  (si  itabord)  ne  le  battoit-on  bien, 

les  maaiigflri  dn  Roi  répondent  : 


....  Or  i  parra  : 

Je  por  battre  ne  remaindra  ; 

«  c^ett  ee  que  nom  allons  toît  :  s*il  n'y  a  qn*à  battre,  qa*à  cela  ne  tienne.  • 

1.  VAiiÂi,  à  lAteas,  (1734.) 

2.  SCÈNE  VI. 

SCAKARELLE,    TALERE,     LUCAS. 

SoABARaLLi,  ehantant  derrière  le  théâtre,  {Ibidem,) 

3.  SoênanKLLC,  entrant  sur  le  théâtre  avec  une  bouteille  k  sa  mmiti^  seuu 
apercevoir  Falère  ni  Lucas,  [Ibidem») 

*  Et  non  pas  seulement  en  1664.  Plus  beureux  que  ne  Tavait  été  M.Fonmel, 
et  que  nous  ne  Tarons  été  lors  de  Timpression  de  notre  tome  V  (voyea  la  note  a 
de  la  page  SaQ).  nous  Tenons  de  Toir  Tédition  originale  de  cette  pièce  :  elle 
porte  un  Acberé  d*imprimer  pour  la  première  fuis  daté  du  a6  juin  i656. 


ACTE  I,  S  CÈNE  V.  5S 

oonp^  Prenons  nn  peu  d^haleine.  (n  boh,  et  dit  tprèi  avoir 
bu*:)  Voilà   du   bois   qui   est   salé'   comme  tous   les 

diables.  ^ 

QuiU  sont  doux  y 
Bouteille  jolie^ 

Quils  sont  doux 
Vos  petits  glou-gloux  ! 
Meus  mon  sort  feroit  bien  des  jaloux  ^ 
Si  iH>us  étiez  toujours  remplie. 
Ah!  bouteille^  ma  mie^ 
Pourquoi  pous  puidez-vous^ ? 


I.  Poor  hoirs  im  eoap.  (1673,  74*  Sa*  1734.)  ' 

s.  Da  peu  d*baleiiie.  Aprh  avoir  bm,  (17  34.) 

3.  Ce  bois  iali  ett  anssi  henreax  poor  le  moins  que  le  dormir  talé  de  Gar- 
gantas  (livre  I,  chapitre  xsn,  tome  1,  p.  84)  :  «  De  ma  natore  je  dora  talé,  et  le 
dormir  m*B  vain  autant  de  jambon.  »  M.  de  Paraeral  rappelle  à  propoa  ee  pas- 
ngc  de  Rabelaii  *  ;  Aoger  TaTait  toot  k  fcit  oabKé  et  die  leulement  l'emploi 
i|B*eB  a  fort  adroitement  fiiit  Desmarres,  dans  nne  petite  eooaédie  intitulée  la 
îkagoRue  on  Merlin  Dragon  et  représentée  stm  quelque  sueeès  en  1686*;  le 
valet  Hertin,  traresti  en  eapitaioe  de  dragons,  y  chanle  (seèae  dernière)  : 

En  me  réTetllent,  je  reux  toujours  boire  : 
Pour  moi,  je  crois  qne  je  dor'  salé. 

4.  Il  chante,  (l734.) 

5.  L*air  for  lequel  Molière  chanta  cette  jolie  chanson,  et  qu'il  avait  sans 
doote  demandé  à  Lnllj,  ne  s*est  point  perdu  ;  il  fait  bien  Tsloir  les  paroles,  et 
est  du  succès  auprès  des  amateurs  dn  temps;  il  figure,  pour  servir  h  des 
eoapletu  nouveaux,  mais  désigné  par  les  premiers  vers  du  couplet  original, 
daas  la  Clef  des  chansonniers ^  recueil  de  vaudevilles  célèbres  publié,  en  1717, 
par  Ballafd,  Péditeur  de  LaIIj  et  «  seul  imprimeur  du  Rot  pour  la  musique  ;  » 
il  a  été  noté,  avec  les  mêmes  vers  poor  titre  et  avec  quelques  changements 
<|v*expUqtte  sa  popobrité  même  (jamais  air  ainsi  adopté  par  le  public  ne  se 
tnasmet  bien  fidèlement),  en  tête  d'une  des  Chansons  critiques  et  historiques 
foif  réunies  autrefois  en  six  rolumes  pour  un  grand  seigneur,  se  trouvent 
*etaelleaient  à  la  bibliothèqne  de  la  Sorbonne  (tome  II,  n*  la,  des  Msnuscriti 
itténires  grand  io>folio,  ^  lOi  r*)  ;  enfin  il  se  Ht,  avec  d'autres  différences,  mais 
«oe  attribation  expresse  à  Lolljr,  dans  on  volnme  fort  rare,  puUié  en  17^, 
el  iatitalé  Recueil  compUi  de  vaudevilles  et  airs  choisis  qui  ont  été  chantés  à  la 

*  Psge  391,  note  i,  de  l'article  eité  pins  haut,  p.  38,  note  a, 

^  Cette  piêee,  l'unique  de  son  auteur,  a  été  imprimée  au  tome  YIII  (173?^ 

<la  Théâtre  Jrameeiê  on  /teeaei/  des  meilleures  pièces  du  théâtre,-  les  frères 

P^Haict  en  parlent  dans  leur  tome  XIII,  p.  18. 


56  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUL 

AUonst  morbleu  !  il  ne  faut  point  engendrer  de  méian* 
colle* 


Comedsâ'FraMeoise  depuis  Vannée  i65gjmsqu*à  Pannéê  préteniê  iy$3f  omc  ies 
date*  de  ioutet  les  années  et  le  nom  des  auteurs  ••  On  trouven  d-aprèi,  i 
*Appeiidioe,  p.  lai  et  laa,  cette  vieille  musique  ;  pcnoime  n^en  iruit  veme 
doute  plut  gardé  lonTeiiir,  lonque  M.  Pr.  Régnier ,  au  tempg  où  il  joaait  ee 
rôle  de  Sgenarelle,  composa  lui-même  un  air,  qui  ne  t'est  pat  tronvé  tans 
retsembtance  avec  celui.de  Lully.  —  Au  sujet  de  cette  chanton,  lit-on  dana  le 
Mercure  de  France  de  déeembre  1739  (I*'  volume,  p.  2094  et  aogS)»  «  il  7  n 
une  anecdote  assex  plaisante....  M.  Rose^,  de  PAeadémie  françoite  et  seciAlnire 
d  n  cabinet  du  Roi,  fit  det  paroles  latinet  tur  cet  air,  d'abord  poor  te  divertir, 
et  ensuite  pour  faire  une  petite  malice  à  Molière,  à  qui  il  reprocha,  ches  le 
duc  de  Montautier,  d*étre  plagiaire,  ce  qui  donna  lien  à  une  fort  viTe  et  fort 
plaisante  dispute;  M.  Rose  soutenoit,  en  chantant  les  parolet  latinet*  qne 
Molière  les  avoit  traduites  en  françois  d'une  épigrarome  latine,  imitée  de 
V Anthologie ^ ^  dont  Pair  en  question  semble  fiiit  exprès'.  Yolci  cet  parolet  : 

Quam  dulceSi 
Amphora  amœna , 

Quam  dulees 
Sunt  lum  vœes  f 
Dum/undis  merum  in  calices  ^ 
Utinam  semper  esses  plena  / 
Ah!  ah!  cara  tnca  lagena^ 
F'acua  curjaces?  > 

Ce  récit  a  patte  tel  quel  dant  la  Kotice  det  frères  Parfaict  (tome  X,  1747» 
p.  ia3,  note)  et  dans  les  Récréations  littéraires  de  Cîzeron  Rival  (1765, 
p.  aa  et  a3)  ;  d'Alembert  en  a  donné,  dant  son  Éloge  du  président  Rose  •, 
une  répétition  pint  élégante,  mais  sans  raccréditer  beaucoup  par  la  ma- 
nière dont  i)  en  a  tourné  la  fin.  «  La  latinité,  dit-i),  avoit  asses  le  goAt 
antique  pour  en  imposer  aux  plus  fins  coonoisseurs  en  ce  genre  ;  Ménage  et 
la  Monnoye  y  eussent  été  trompés  :  aussi  Molière  resta  confondu.  »  Cette 
histoire,  évidemment  arrangée  à  plaisir,  nVst  peut-^tre  pas  toute  d*inven- 
tion,  mais  il  est  bien  impossible  d*en  admettre  toutes  les  circonstancet.  Que 
Molière,  querellé  par  ce  personnage  sur  Poriginalité  de  sa  chanson,  fût  entré  de 

•  Nous  devont  à  Tobligeance  de  M.  Monval,  archivitte  de  la  Comédie^Fm- 
çaise,  d*avoir  pu  prendre  connaissance  de  ce  recueil^  dont  il  conserve  un  esem- 
plaire,  peut-être  unique. 

^  VoyeiSj  tome  II,  p.  4aa  et  4a3,  de  Téditionde  1873,  le  portrait  qu*a  fait 
de  lui  Saint-Simon  :  il  mourut  vieux  en  1701. 

^  De  Panthologie  grecque,  ainsi  du  moins  que  Ta  entendu  d^Alembert  à 
Tendritit  qne  nous  allons  citer. 

'  Le  sens  est  évident,  mais  Texpiestion  peu  dtirei  dont  pent  équivaloir  ici 
k  iToà,  itaprès  laquelle  épigramme  :  «  Tair  en  qnettion  temble  fisit  exprès 
d'après  oette  épigramme,  en  procéder,  en  dériver  ;  •  ce  qui  revient  à  dire  : 
«  une  épigramme  latine...»  pour  laquelle  on  dirait  qne  œt  air  »  été  ezpr«a- 
sèment  composé.  » 

*  Voyez  V Histoire  des  membres  de  V Académie  fianooise  morts  depede  1700 
jusqu*en  177 1...,  tome  1  (1779)*  p.  5oo  et  5oi, 


ACTE  I,  SCÈNE  Y.  5? 

VÀLÂRB^ 


Le  voilà  lai-même. 


LUCAS '. 


Je  pense  que  vous  dites  vrai,  et  que  j'avons  boute  le 
nez  dessus. 

VÀLÈRE. 

Voyons  de  près» 

SGÀNARELLS,  les  aperotrant,  Im  regarde  en  ee  toamant  rtn  l'an 
et  pois  Ycn  Tantre,  et  abaisaant  aa  ^oix,  dit  : 

Ah!  ma  petite  friponne!  qae  je  t*aime,  mon  petit 
bouchon  ^! 


borne  griee  daHs  la  plaiMiiterie,  que  m  gardant  de  confondre  trop  tôt  ion 
jq^rial  aeciiMtear«  il  tût  d*abord  joué  rembarras,  ceb  n'aurait  rien  d^inTraiaem* 
blabk  ;  maU  eomment  anrait-il  pn  éprouTer  une  vraie  tarprite?  D^aiUeiir*, 
pear  réconner  on  moment  par  ce  Ceint  reproche  de  plagiat,  peu  importait 
rige,' Tongine  et  le  plus  on  moins  pur  latin  du  modèle  qu'on  produisait, 
cl  ee  B^est  pas  le  président  Rose,  un  homme  «  de  beanconp  de  lettres,  •  au 
dire  de  Saint-Simon,  qni  eût  parlé  ici  d'épigramme  antique  on  imitée  de  l*an- 
tiqwi  le  couplet,  par  sa  forme,  n*est  rieu  moins  qu'on  tel  pastîdie;  fl  est, 
coBine  le  dit  Aager,  «  mesuré  et  rimé  à  la  manière  des  proses  qui  se  chantent 
i  rêgfise.  »  Il  n*e*t  pas  moins  dtilficile  de  croire  que  le  président  prononçât 
le  latin  de  façon  à  s'imaginer  que  sa  traduction  pût  s'adapter  à  Tair  tel  que 
MoGère  le  diantait  :  entre  les  accents  de  ses  mots  latins  et  ceux  des  notes, 
presque  tonte  eorrespondanee  était  rompue.  Ce  qni  ne  reut  paa  dire  qu'il  ne 
r^aisit  point  k  accorder  ces  deux  rbythmes  qui  se  contrariaient;  mais,  bien  loin 
qns  Pair  e&t  été  fait  d'après  la  prétendue  épigramme,  c'est  le  mystificateur, 
■MÛH  ciaet  mnaieien  que  bon  latiniste,  qui,  en  introduisant  d'inslinet  qodques 
variaales  dana  cet  air,  l'accommoda  i  ses  paroles  latines,  sans  beaoeoup  se 
^kntter  qu'il  l'altérait.  —  Du  tendre  reproche  qu'expriment  les  derniers  vers, 
Cailhara  a  Tooln  rapprocher*  cette  espèce  d'inTOcation  plutôt  que  couplet  de 
chanson  qne«  dans  la  VemM  de  Larirey  (i579),  P>^nonce  une  rieille  iTrognetse, 
et  qni  ne  «ort  gnère  de  la  prose  du  reste  de  la  comédie  (acte  II,  scène  n)  : 

■  Ounuonm.  Je  le  feux  d'abord  beneistre  (Miir,  le  nn  qu'slU  ¥a  Aotre)  : 
Ma  bouteille,  si  la  sayeur 
De  ce  rin  répond  à  l'odeur. 
Je  prie  Dieu  et  sainte  Hélène 
Qu'ils  te  maintiennent  toujours  pleine.  • 

I.  VuAna,  bas^  à  Lmeas,  (1734.)  —  a.  Lues»,  has^  à  fmlère,  {Ibidem,) 

3.  SttAxauixB,  embrasMoiU  sa  htmtêiUe,  (Ibidem.) 

4.  Sur  ee   •  nom  ém  eajoletie  »,  royes  an  rers  769  de  CÉeoU  dss  maris ^ 

9  Page  1 54  de  se»  Éimdês  sur  Molièrs, 


SS  LE  BiÉDICIN  MALGRÉ  LUL 

....  Mon  sort..».  feroU....  bien  des....  Jaloux ^ 
Si.  •  •  • 
Que  diable'  !  à  qui  en  veulent  ces  gens-là  ? 

VÂLÈRB*. 

C^est  lui  assurément. 

LUCAS. 

Le  velà*  tout  craché  comme  on  nous  l'a  défiguré* 

SGAHARBLLB,  k  part. 

(Id  il  poM  M  bonuUle*  à  terre,  et  Ytlêre  ee  baÎMant  poar  le  niaer,  eooune 
il  croit  que  c'est  à  deiaein  de  U  prendre,  il  la  met  de  l'autre  dVté;  «braite 
de  quoi,  Lucat  faisant  la  même  chose,  il  la  reprend,  et  la  tient  contre  son 
estomac,  stcc  divers  gestes  qoi  font  un  grand  jeu  de  théâtre*.) 

Us  consultent  en  me  regardant.  Quel  dessein  auroient- 
ils? 

VALéaB. 

Monsieur,  n'est-ce  pas  vous  qui  vous  appelez  Sgana- 
relle? 

SGANARBLLB. 

Eh  quoi? 

VALCRE. 

Je  vous  demande  si  ce  n'est  pas  vous  qui  se  nomme 
Sganarelle*. 

SGANARBLLE,  se  toarnant  Tcrs  Valëre,  pois  Ters  Lacas. 

Oui  et  non,  selon  ce  que  vous  lui  voulez. 

CMne  II,  p.  4lO,  note  3,  et  comparez,  tome  III,  p.  267,  la  Tm  de  la  note  sur 
e  Ters  l5g5  de  CÉcoU  des  femmes. 

I.  //  ekanU.  Mais  mon  sort,...  Apercevant  yalère  et  Lucas  tjui  Cexeuni- 
Hent,   il   baisse  la  voix.,,,    feroit    bien....   de«  jalutix,  si....  Voyant  qtCon 
examine  de  plus  près.  Que  diable!  (1734.) 
a.  VaiArb,  à  Loeas,  (Ibidem,) 

3.  Lucas,  k  Falire,  lIb  vlà.  {Ibidem.) 

4.  La  bomteilte.  (1673,  74,  Si.) 

5.  Sganarelle  pote  la  bouteilie  à  terre,...  de  l'autre  coté,'  Luc^ts  faisant 
a  mima  chose  ^me  f^alate^  Sganarelle  reprend  sa  pouteille,  et,.^.  avec  divers 

gestes  qui  font  un  jeu  de  théâtre.  —  SttâiiARBiJ.r,  à  part,  (1734.)  ^ 

6.  Nous  avons  tronvé  nne  construction  analogue,  dans  les  Ter»  945  du  Dépit    ^ 
amsoureux  et  68  de  Sganarelle,  On  peut  remarquer  que  Valère  vient  de  dirr 
autrement  la  première  fois  :  «  IS 'est-ce  pas  voaii  qui  tous  appelés...?  » 


ACTE   I,  SCENE  Y.  S9 

vàlAbb. 
Nous  ne  Tooions  que  lui  faire  toutes  les  oÎTililés  que 
nous  pourrons. 

SGANABBLLB. 

En  ce  cas,  c^est  moi  qui  se  nomme  Sganarelle. 

VALÂBB. 

Monsieur,  nous  sommes  ravis  de  tous  voir.  On  nous 
a  adressés  à  vous  pour  ce  que  nous  cherchons  ;  et  nous 
venons  implorer  votre  aide,  dont  nous  avons  besoin. 

SGANARBLLE. 

Si  c^est  quelque  chose.  Messieurs,  qui  dépende  de 
mon  petit  négoce,  je  suis  tout  prêt  à  vous  rendre  ser- 
vice. 

VALERB. 

Monsieur,  c'est  trop  de  grâce  que  vous  nous  faites. 
Mais,  Monsieur,  couvrez- vous,  s*il  vous  plait;  le  soleil 
pourroit  vous  incommoder. 

LUCAS. 

Monsieu,  boutez  dessus^. 

SGANARELLE,    bat*. 

Voici  des  gens  bien  pleins  de  cérémoaie. 

VALÂRE. 

Monsieur,  il  ne  fiiut  pas  trouver  étrange  que  nous 
venions  à  vous  :  les  habiles  gens  sont  toujours  recher* 
chés,  et  nous  sommes  instruits  de  votre  capacité. 


I.  On  a  TU  (tome  IV,  p.  18)  aa  Sgananlla  citadia  dire  din«  le  nuéma  taaa  : 
«  Mettes  deasos.  »  Une  formule  populaire  an  peu  plus  ancienne  était  «  Boutes 
ma;  •  TaOemaat  dea  Héauz  la  donne  dans  aon  hiatoriette  du  due  de  Goiae  *, 
pctifr-fib  du  Balafré  (tome  V,  p.  34o)  :  «  A  propoa  de  aa  dvilité,  on  dit  qo'un 
«avetier  qu'il  aaloa  (car,  par  «ne  tradition  de  aa  Camille,  il  aalue  rolontiera) 
Uâ  dit  :  m  Bontés  ans,  boutes  ans  :  ce  n*eat  plua  le  tempa,  »  roulant  dire  qu'il 
a*j  aroit  pina  lieu  de  faire  une  ligue.  • 
^  9.  C^te  indication  n*eat  paa  dana  l'édition  de  1683.  —  SoàJiiLBiLLS«  à  part. 
%'oiei,  de  //  te  tfimrê,  (i734.) 


lî  q«  figura,  un  mota  avant  aa  mort,  dans-  les  earalcadea  de  Cite 
mmekmmtiê  :  Toyes  tome  IV,  p.  1 13  et  note  a. 


6o  LB  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

SGAJIAMBLLS. 

Il  est  Trai,  Mesnears,  que  je  mis  le  premier  homme 
du  monde  pour  ikire  des  fagots. 

VALiBB. 

Ah!  Monsieur.... 

SGANÀBBLLB. 

Je  n'y  épargne  aucune  chose,  et  les  fais  dVne  façor 
qu'il  n*y  a  rien  à  Aire*. 

VALÂRB. 

Monsieur,  ce  n*est  pas  cela  dont  il  est  question. 

SGANÀBBLLB. 

Mais  aussi  je  les  vends  cent  dix  sols  le  cent. 

VALÈBB. 

Ne  parlons  point  de  cela,  s'il  vous  plaît. 

SGANABBLLB. 

Je  vous  promets  que  je   ne  saurais  les  donner  à 
moins. 

VALÂBB. 

Monsieur,  nous  savons  les  choses. 

SGANABBLLB. 

Si  vous  savez  les  choses,  vous  savez  que  je  les  vends 
cela. 

VALÂRE. 

Monsieur,  c^est  se  moquer  que.... 

SGANABBLLB. 

Je  ne  me  moque  point,  je  n'en  pm's  rien  rabattre. 

VALÂRB. 

Parlons  d^autre  façon,  de  grâce.  ' 

SGANABBLLB. 

Vous  en  pourrez  trouver  autre  part  à  moins  :  il  y  a 
fagots  et  fagots;  mais  pour  ceux  que  je  fais.... 

VALÈRE. 

Eh!  Monsieur,  laissons  là  ce  discours. 

I.  Riea  h  radire.  (i73o,  33,  34.) 


ACTE  I,  SCÈNE  Y.  6t 

•GAHARSLLB. 

Je  VOUS  jure  que  vous  ne  les  auriez  pes,  a*il  a*en  fUDoit 
andoable*. 

Ehfi! 

SGAHAUnXB. 

NoD,  en  conflcience^  toos  en  payerez  cela.  Je  voua 
parie  sinoèrementt  et  ne  auis  paa  homme  à  anrfaire. 

vàlArb. 

Faauily  Monsieur,  qu*une  personne  comme  vous 
8*ainti8e  i  ces  grossières  feintes  ?  s'abaisse  i  parler  de  la 
soite?  qu'un  homme  si  savant,  un  fameux  médecin, 
eomme  vous  êtes,  veuille  se  déguiser  aux  yeux  du 
monde,  et  tenir  enterrés  les  beaux  talents  qu'il  a  ? 

SGÀNÀRBLLB,  k  part. 

D  est  fou. 

VALias. 
De  grâce.  Monsieur,  ne  dissimulez  point  avec  nous. 

SGAHÀRXIXB. 

Gomment? 

LUCAS. 

Tout  ce  tripotage  ne  sart  de  rian';  je  savons  çen 
que' je  savons \ 

SGANARBLLB. 

Qaoi  donc?  que  me  voulez-vous  dire*?  Pour  qui  me 
prenez- vous? 

VALBRB. 

Pour  ce  que  vous  êtes,  pour  un  grand  médecin. 


!•  DtÊX  dflMn,  iMMiit  d*iiii  quart  d«  toia  :  Toyes  aa  Tvn  i548  de  PÉeolê 
^fimmgi,  toane  m,  p.  sS4,  «ota  3. 

a.  Na  iàst  de  riaa.  (1697,  1710,  18,  3o,  33.) 

3.  ÇVa  qoa,  «mc  eédUU  eomme  dmu  PétUtûm  miginaU.  (1694B,  1784.) 

4*  Cacta  Iiçob  de  parler  populaire  t'eat  déjà  raBeovtrfte  daaa  la  booehe  de 
%—wefla  :  tojcs  eî-defaaa,  p.  37  et  note  s. 

S.  Qm  foalaa^rooa  dite?  (iSSs,  97,  1710,  18.  3o,  33,  34.) 


64  LE  MÉDECIN  MALGRÂ  LUI. 

LUCA8. 

A  quoi  bon  nous  bailler  la  peine  de  vous  battre  ? 

VALÂRB. 

Je  vous  assure  que  j*en  ai  tous  les  regrets  du 
monde. 

LUCAS. 

Par  ma  figuéM  j'en  sis  facbé,  franchement. 

SGANAR1CLLE. 

Que  diable  est-ce  ci',  Messieurs?  De  grâce,  est-ce 
pour  rire,  ou  si  tous  deux  vous  extravaguez,  de  vouloir 
que  je  sois  médecin? 

VALÈRE. 

Quoi?  vous  ne  vous  rendez  pas  encore,  et  vous  vous 
défendez  d'être  médecin  ? 

SGANARELLE. 

Diable  emporte*  si  je  le  suis! 

LUCAS. 

U  n'est  pas  vrai  qu'ous  ^  sayez  médecin  ? 

SGANARELLE. 
Non,  la  peste  m'étouffe!  (Là  il  rteommenoe  de  le  battre'.) 

Ab!  ah!  Eh  bien',  Messieurs,  oui,  puisque  vous  le 
voulez,  je  suis  médecin,  je  suis  médecin;  apothicaire 
encore,  si  vous  le  trouvez  bon.  J'aime  mieux  consentir 
à  tout  que  de  me  faire  assommer. 


I .  Voilà  encore,  ici  et  on  pea  plus  loin,  ane  éeritore  nouTolle  de  Peffirma- 
tion  patoÎM  dont  on  a  tu,  tome  V,  p.  106  et  notes  7  et  8,  une  aites  grande 
variété  de  formes. 

a.  Est-'Oeci  dana  l'édition  originale   et  dans  celles  de  1675  A,  84  A,  93, 
1718.  —  Est-ce-cL  (1673,  74,  82,  97, 17 10,  3o,  33,  34.)  —  Est  ceci.  (1694  B 
1773.)  Voyez  d-dessus,  p.  41,  note  4. 

3.  Voyez  ei-aprés,  p.  65,  et  p.  98  et  note  t. 

4.  Qu'toos.  (168a,  97,  1710,  18,  3o,  33.)  —  Qoe  tous.  (1734.) 

5.  Là  Us  recommencent  de  le  battre.  (1673,  74,  8a.)  —  Ile  reeommtmeeH 
à  le  battre,  (1734.) 

6.  Et  bien.  (1667.)  —  Hé  bien.  (1673,  74,  82,  1734.) 


ACTE  I,  SCÈNB  Y.  65 

Ah!  voilà  qui  va  bien.  Monsieur  :  je  suis  ravi  de 
TOUS  voir  raisonnable. 

LUCAS. 

Vous  me  boutez  la  joie  au  cœur,  quand  je  vous  voi 

parler  comme  ça. 

valAhs. 

Je  vous  demande  pardon  de  toute  mon  âme. 

LUCAS. 

Je  vous  demandons  excuse  de  la  libarté  que  j*avous 
prise. 

SGANAHBLLB,  à  part. 

Ouais  !  seroit-ce  bien  moi  qui  me  tromperois,  et  se- 
rois*je  devenu  médecin,  sans  m'en  être  aperçu  ? 

VALÂRB. 

Monsieur,  vous  ne  vous  repentirez  pas  de  nous  mon- 
trer ce  que  vous  êtes  ;  et  vous  verrez  assurément  que 
vous  en  serez  satisfait. 

SGANAaELLB. 

Mais,  Messieurs,  dites-moi,  ne  vous  trompez- vous 
point  vous-mêmes  ?  Est-il  bien  assuré  que  je  sois  mé- 
decin? 

LUCAS. 

Oui,  par  ma  figue  ! 

SGANARBLLE. 

Tout  de  bon  ? 

VALiHB. 

Sans  doute. 

SGAHABBLLB. 

Diable  emporte  si  je  le  savois  ! 

valArb. 
G>niment  ?  vous  êtes  le  plus   habile  médecin   du 
monde. 

BGANARBLLB. 

Ah!  ah! 

Mouiam.  ti  S 


66  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

LUCAS. 

Un  médecin  qui  a  gari^  je  ne  sai  combien  de  mak- 
dies. 

SGANAaiLLB* 

Tudieu  ! 

VALÂRS. 

Une  femme  étoit  tenue  pour  morte  il  y  avoit  six 
heures  ;  elle  étoit  prête  à  ensevelir,  lorsque,  avec  une 
goutte  de  quelque  chose,  vous  la  fîtes  revenir  et  mar- 
cher d'abord  par  la  chambre. 

S6ANÂRELLB. 

Peste  ! 

LUCAS. 

Un  petit  enfant  de  douze  ans  se  laissit  choir  du  haut 
d'un  clocher,  de  quoi  il  eut  la  tête,  les  jambes  et  les 
bras  cassés  ;  et  vous,  avec  je  ne  sai  quel  onguent,  vous 
fîtes  qu'aussitôt  il  se  relevit  sur  ses  pieds,  et  s'en  fut 
jouer  à  la  fossette. 

SGANARBLLE. 

Diantre  ! 

VALERE. 

Enfin,  Monsieur,  vous  aurez  contentement  avec 
nous  ;  et  vous  gagnerez  ce  que  vous  voudrez,  en  vous 
laissant  conduire  où  nous  prétendons  vous  mener. 

SGANARBLLE. 

Je  gagnerai  ce  que  je  voudrai  ? 

VALÈRB. 

Oui. 

S6A1TARBLLB. 

Ah  !  je  suis  médecin,  sans  contredit  :  je  Tavois  oublié  ; 
mais  je  m'en  ressouviens.  De  quoi  est-il  question  ?  Où 
faut-il  se  transporter  ? 


1.  L'ortho^phe  de  Tédîtioii  originale  est  ici  gmari\  plot  bM,  p.  68,  gtirii 
p.  70,  g»rii\  p.  100,  gmrir,  —  Qui  a  guéri.  (iSSa,  97,  1730.) 


ACTE  I,   SCÂNE  V.  67 

VALÂRB. 

Nous  TOUS  conduirons.  Il  est  question  d'aller  voir  une 
fille  qui  a  perdu  la  parole. 

SGAHARELLB. 

Ma  foi  !  je  ne  Tai  pas  trouvée. 

VALÈRB. 

Q  aime  à  rire.  Allons*,  Monsieur. 

SGAHARBLLB. 

Sans  une  robe  de  médecin  ? 

VALERB. 

Nous  en  prendrons  une. 

SGANARBLLB)  prétenUnt  sa  boateiile  à  Yalèro. 

Tenez  cela,  vous  :  voilà  où  je  mets  mes  juleps*. 

(Puu  ae  toumiBt  Ton  Ltwat  en  enehaiit.) 

Tous,  marchez  là-dessus,  par  ordonnance  du  méde- 
cin. 

LUCAS*. 

Palsanguenne  !   velà^  un  médecin  qui  me  plaît  ;  je 
pense  qu*il  réussira,  car  il  est  bouffon*. 

I.  làMàaM,  Bas^  à  Lmeas.  U  aime  à  rira.  A  SgmmireiU.  AUont.  (1734.) 
a.  Sur  la  pronoacUtion  du  mot,  fojet  tome  V,  p.  3^9,  nota  a. 

3.  Tuias.  (1673,  74,  Sa,  ga,  97,  1730.)  Les  terme»  de  patoû  rustique: 
'hkaagamaiel  rdà,  »  ne  t'accordeiit  pat  avec  oe  cban^aoïent  de  perton- 
>afe;  amii  Téditîaa  de  1730,  qui  a  reproduit  eette  faute,  a-t"-eUe  remplacé 

4.  Tlà.  (1734.) 

5.  Oa  peat  croire  que  eea  deraiert  mots  étaient  k  double  entente  et  iaits 
psorctrelaneéa  aux  apeetateurs,  comme  une  sorte  étplaudiu^  auquel  Molière 
^tiît  bien  wàt  qa*i]a  seraient  déjà  tout  disposés  à  répondre  joyeusement.  — 
^  aae  antiv  întarprétation,  qui  est  eelle  d*Aimé-]M[artin,  lequel  voit  là  un 
vcpiw^  de  la  firoidcor  avec  laqndle  rensit  d*étre  reçu  U  Mùanikrope,  yo jea 
la  I^hiiee^  p.  3  et  4. 


FIN    nu   PREMIER   ACTE. 


68  LE  MEDECIN  MALGRÉ  LUI. 


ACTE  IV. 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

GÉRONTE,  VALÈRE,  LUCAS,  JACQUELINE. 

VALÈHB. 

Oui,  Monsieur,  je  crois  que  vous  serez  satisfait  ;  et 
nous  vous  avons  amené  le  plus  grand  médecin  du 
monde. 

LUCAS. 

Oh  !  morguenne  !  il  faut  tirer  Téchelle  après  ceti-là, 
et  tous  les  autres  ne  sont  pas  daignes  de  li  déchausser 
ses  souillez. 

VALiEB. 

C'est  un  homme  qui  a  fait  des  cures^merveilleuses. 

LUCAS. 

Qui  a  gari  des  gens  qui  estiants^  morts. 

VALÂRB. 

Il  est  un  peu  capricieux,  comme  je  vous  ai  dit  ;  et 
parfois  il  a  des  moments  où  son  esprit  s'échappe  et 
ne  paroit  pas  ce  qu'il  est. 

LUCAS. 

Oui,  il  aime  à  bouffonner  ;  et  Tan  diroit  par  fois,  ne 
v's  en  déplaise,  qu'il  a  quelque  petit  cdup  de  hadie  à 
la  tête  •. 

I.  Le  théâtre  doit  repritenter,  eomme  le  dit.Aoger,  âne  rhambr»  de  la 

maison  de  Géronte. 

a.  Ettiant.  (1674.  8a,  97.}  —  Étiant.  (1692,  1710,  18,  3o,  33,  34.) 

3.  La  location  ordinaire,  aajonrd^lrai  du  moins,  est  :  «  avoir  un  petit  eonp 

de  marteau.  »  Le  eomp  de  kaekê  allait  mieox  an  bdeheron. 


AGTB  II  «  SCÈNB  I.  69 

yalArb. 
Mais,  dans  le  fond,  il  est  toute  science  S  et  bien  sou- 
vent il  dit  des  choses  tout  à  fait  relevées. 

LUCAS. 

Quand  il  s^y  boute,  il  parle  tout  fin  drait*  comme  s*il 
lîsoit  dans  un  livre. 

VALÈRE. 

Sa  réputation  s'est  déjà  répandue  ici,  et  tout  le  monde 
vient  à  lui. 

GBRONTB. 

Je  meors  d*envie  de  le  voir  ;  fiiites-le-moi  vite  venir. 

VALias. 
Je  le  vais  quérir.  * 

JACQUBLINB. 

Par  ma  fi  !  Monsieu,  ceti-ci  fera  justement  ce  qu*ant 
fait  les  autres.  Je  pense  que  ce  sera  queussi  queumi  *  ; 
et  la  meilleure  médeçaine  que  Tan  pourroit  bailler  à 
votre  fille,  ce  seroit,  selon  moi,  un  biau  et  bon  mari, 
pour  qui  elle  eût'  de  Tamiquié*. 

GÉRONTB. 

Ooais  !  Nourrice,  ma  mie,  vous  vous  mêlez  de  bien 
des  choses. 

I.  TiMt  iwawe,  (1675  A,  S4  A,  94  B,  1718,  me  partie  du  dng*  de  1734, 
et  1773.) 
a.  Compam  tome  V,  p.  101  et  ]o3,  et  Toyes  la  note  a  de  la  page  iM. 

3'  SCÈNE  IL 

oiaOBTB,   JAGQUSLnm,    LUCAS.   (>734-} 

4.  TcMt  à  lait  de  même.  CoTÎelle,  daoa  k  aeène  z  de  Taete  01  da  BourgeoU 
i^iitkammg^  eauploie  queuêsi  quemmi  aa  lena  de  :  «  J*eii  dis  aatant  ;  prenda 
qv  j*ea  ai  dit  autant.  »  M.  littrè,  daaa  los  Dictionnaire^  rapproche  cette 
l<«BtioB  de  raMies  aaglaia  A«  m«  Aa  iAm. 

5.  Aile  eAt.  (1773.) 

6.  Groa-Reofé  dit  la  même  ehoM  è  Gorgibns,  daat  la  aeène  m  du  MeJsei» 
''^Uni  :  rojm,  tome  1,  p.  56  et  5;,  et  la  note  i  de  cette  dernière  page.  «- 
I'  J  a  iei  amiqmê,  maia,  plus  loin,  p.  7^,  amiqmU^  dans  tontea  nos  éditions* 
«■f  dans  rédilioa  de  1693,  qui  a  la  pramièra  fois  amitié^  et  dans  celle 
^  1734,  qoi  a,  ici  et  plna  bas,  mmifmic. 


70  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

LUCA». 

Taisez* VOUS,  notre  ménagère^  Jaquelaine  :  ce  n*est 
pas  à  vous  à  bouter  là  votre  nez. 

JACQUELINE. 

Je  vous  dis  et  vous  douze*  que  tous  ces  médecins  ny 
feront  rian  que  de  Tiau  claire  ;  que  votre  fille  a  besoin 
d'autre  chose  que  de  ribarbe  et  de  séné,  et  qu'un  mari 
est  une  emplâtre'  qui  garit  tous  les  maux  des  filles. 

GSRONTS. 

Est-elle  en  état  maintenant  qu'on  s'en  voulût  char 
ger,  avec  l'infirmité  qu'elle  a  ?  Et  lorsque  j'ai  été  dans 
le  dessein  de  la  marier,  ne  s'est-elle  pas  opposée  à  mes 
volontés  ? 

JACQUBUIIE, 

Je  le  crois  bian*  :  vous  li  vouilliez  bailler  cun  homme' 


t .  Hinagère.  (1734.)  -~  Gareou  appelle  ■uni  la  défunte  femme  sa  mJmigére, 
et  da  même  nom  de  Jaquelaine^  dans  la  dernière  scène  du  Pédani  jomè, 

a.  Le  caleroboor  rustique  dont  se  sert  ici  Jacqueline  pour  redoubler  son 
affirmation  (eomme  si  dis  était  le  nombre  dix  sur  leqnel  douze  reBchénrait) 
parait  avoir  été  du  langage  courant  entre  TiUageois*.  Il  avait  déjà  été  employé, 
en  1649*  par  Tauteur  de  la  Suite  de  P  Agréable  eonjërenee  de  deux  pa jeans 
de  Saint^Ouen  et  de  Mcntmorency;  on  y  fait  ainsi  pnrler  Tnn  des  interlocu- 
teurs (p.  5)  :  <  Ony,  je  tou  le  di  et  von  le  douae  quan  y  mange  (9»*<m  jr 
mange^  et  cela  en  earême)  de  la  ché  {ehair)^  de  la  n»ulaye  (volaille)  et  dé 
reux  (des  9ufs)  qneme  [comme)  en  cbamage.  » 

3.  Un  emplAtre.  (1674,  8a,  1734.)  —  «  Le  genre  i^emflàtre^  dit  M.  Littré, 
a  été  longtemps  in  écis  entre  le  genre  du  latin  et  la  terminaison  féminine  ;  •  et 
il  fait  remarquer  qu^en  1713  encore  Hamilton  £>isait  le  mot  féminin  (Mémoires 
de  la  vie  du  comte  de  Grammont^  cbapitre  Tu,  p.  167,  de  Tédition  originale, 
1713)  :  Milord  Arlington«  aToit  une  cicatrice  au  travers  du  nex,  que  oouirroit 
une  longue  mouche, ou, pour  mieux  dire,  une  petite  emplAtre  en  losange;  »  et 
un  peu  plus  loin  :  «  cette  emplAtre....  *  Voyez  le  Lexique  de  Baciae* 

4.  Bien.  (1675  A,  8a,  84  A,  94B,  97,  1780.) 

5.  Eun  bomroe.  (1673,  74,  8a,  1734,  73.)  —  Un  bomme.  (Une  partie  du 
tirage  de  1734.)  -—  Ce  c  devant  un  représente  qu*  :  «  vous  ne  lui  voulies  bailler 

*  11  n*en  est  pas  de  même  de  certains  quolibets^  peut-être  du  cru  de  Tau- 
tenr,  et  assez  mal  amenés  par  lui,  dont  Cyrano  Bergerac  a  farci  les  longs 
narrés  de  son  paysan  Gareau,  de  celui-ci  par  exemple  (scène  dernière,  p.  164)  • 
•  Or  un  jour  qu'il  plut  tant  :  «  Jaquelaine,  ee  Fy  fis-je  tout  en  gauaaant,  il 
«  fait  cette  nuit  clair  de  Teune,  il  fera  demain  clair  de  Tantre.  » 


ACTE  II,  SCENE  I.  71 

qu^aUe  n^aime  point.  Que  ne  preniais-vous  ce  Mon- 
sien  liandre,  qui  li  touchoit  au  cœur  ?  Aile  anroit  été 
fort  obéissante  ;  et  je  m*en  vas  gager  qu'il  la  prendroit, 
li,  comme  aile  est,  si  vous  la  li  vouillais  donner. 

G^ROIfTB. 

Ce  Léandre  n^est  pas  ce  qu'il  lui  faut  :  il  n*a  pas  du 
bien  comme  Tantre. 

JAGQDKUHS. 

Il  a ^  un  onole^  qui  est  si  ricbe,  dont  il  est  hériquié. 

OBROHTB. 

Tous  ces  biens  à  venir  me  semblent  autant  de  chan- 
sons. Il  n'est  rien  tel  que  ce  qu'on  tient  ;  et  l'on  court 
grand  risque  de  s'abuser,  lorsque  l'on  compte  sur  le 
bien  qu'un  autre  vous  garde.  La  mort  n'a  pas  toujours 
les  oreilles  ouvertes  aux  vœux  et  aux  prières  de  Mes- 
sieurs les  héritiers  ;  et  l'on  a  le  temps  d'avoir  les  dents 
longues*,  lorsqu'on  attend,  pour  vivre,  le  trépas  de 
quelqu'un. 

lÂCQUELINE. 

Enfin  j'ai  toujours  ouï  dire  qu'en  mariage,  comme 
ailleurs,  contentement  passe  richesse.  Les  bères*  et  les 
mères  ant  cette  maudite  couteume  '  de  demander  tou- 


fp'aa  hoBUDe...;  >  Lucas  dit  de  même,  è  la  fin  de  la  «eène,  ci-après,  p.  79* 
en  soppiimant  également  le  ms  devant  le  rtthe  :  «  T*es  cmw  impartînante.  • 
I.  n  7  a.  (1697,  1710,  iS.)  —  9.  Bon  onele.  (1673,  74,  Sa,  1734.) 

3.  Apoir  long  tient,  avoir  faim,  était  nne  location  antée  dès  le  qaatornême 
nMie  et  pent-étre  plos  tôt.  M.  Littré  en  donne  cet  exemple,  de  la  Chronique 
4e  Bertratid  dm  Guesclin  par  Cavalier*  (vert  1 1  386-1 1  388)  : 

If  e  paeent  plat  daré,  car  cliascan  a  lonc  dent  ; 
Par  rage  de  famine,  qai  si  fort  les  sousprent, 
Voldront  livrer  bataille  tost  et  incontinent. 

4.  Les  pênes.  (1673,  74,  8^,  84  A,  94  B,  1734.) 

5.  Ont  eette  mandate  cootome.  (1734.) 

*  Pabliée  par  M.  E.  Oiarrière  dans  la  Coileetion  de  iocumenU  inédits  sur 
Fkitteire  de  Fnmee  (1839). 


71  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

jours  :  «  Qa'a-t-il  ?»  et  :  «  Qa'a*t-elie  ?»  et  le  com- 
père Biarre^  a  marié  sa  fille  Sîmonette  au  gros  Thomas 
pour  un  quarquié  de  vaigue  qu'il  avoit  dayantage  que 
le  jeune  Robin,  oà  aile  avoit  bouté  son  amiquié  ;  et 
velà  que  la  pauvre  creiature*  en  est  devenue  jaune 
comme  un  coing',  et  n*a  point  profité  tout  depuis  ce 
temps-là.  C'est  un  bel  exemple  pour  vous,  Monsîeu.  On 
n'a  que  son  plaisir  en  ce  monde  ;  et  j'aimeroîs  mieux 
bailler  à  ma  fille  un  bon  mari*  qui  li  fût  agriable*,  que 
toutes  les  rentes  de  la  Biausse  *. 

.     GiaONTB. 

Peste  !  Madame  la  Nourrice,  comme  vous  dégoisez  ! 
Taisez-vous,  je  vous  prie  :  vous  prenez  trop  de  soin,  et 
vous  échauffez  votre  lait. 

I«UCÂS. 
(En  dÎMBt  eed,  il  firappe  tor  b  poitrinO'à  Géronte^,) 

Morgue  !  tais-toi,  t'es  cune  impartinante*.  Monsieu 
n'a  que  faire  de  tes  discours,  et  il  sait  ce  qu'il  a  à  faire. 
Mêle-toi  de  donner  à  teter  à  ton  enfant,  sans  tant  faire 
la  raisonneuse.  Monsieu  est  le  père  de  sa  fille,  et  il  est 
bon  et  sage  pour  voir  ce  qu'il  li  faut*. 

GÉROIfTB. 

Tout  doux  !  oh  !  tout  doux  ! 

1.  Puire.  (1673,  74«  89,  S4  A,  94  B,  1734.) 

a.  Créature.  (1S75Â,  S4A,  94B.) —  Et  vlà  qua  la  pauvre  criatare.  (1734.) 

3.  Eim  coin.  (1673,  74,  Sa,  1734.)—  Le  mot  eet  éerit  ooin  dans  toatai 
Bot  éditioot. 

4.  Son  boA  mari.  (1673,  74,  8a,  9a,  i73o,  33,  34.) 

5.  Agréable.  (i68a,  94B,  97,  1710,  tS,  3o,  33.) 

6.  La  richesse  du  sol  de  la  Beauee  était  proverbiale.  «  L'on  fait  passer  la 
Beauce  puar  le  grenier  de  la  France,  •  disait  en  1667  du  Val,  géographe 
ordinaire  du  Roi,  dans  la  France  sous  le  roi  Louis  Xiy^  V*  partie,  p.  ia5. 

7.  Lucas,  en  disant  ceei^/rappe  sur  la  poitrine  de  GéronU,  (1673,  74,  8a.) 
—  Sur  la  poitrine  de  Jacqueline,  (i733  ;  faute  éridente.)  —  LvCkê,  frappant^ 
à  chaque  phrase  qu  il  dit^  sur  V épaule  de  Gérante»  (1734.) 

8.  Eune  impartinante.  (1673,  74,  8a,  9a,  1730,  33,  34.) —  Une  imparti- 
nente.  (1697,  1710,  73.)  —  Une  impartinante.  (1718.) 

9.  Ce  qu'il  y  &ut.  (168a,  97,  1710,  18,  3o,  33.)  —  Ce  qui  li  faut  (1734.) 


ACTE  II,  SCÈNE  I.  73 


LUCAS  ^. 


MoDsiea,  je  veux  un  peu  la  mortifier^  et  H  apprendre 
le  respect  qa'alle  vous  doit. 

ciaoïiTS. 
Oui;  mais  ces  gestes  ne  sont  pas  nécessaires. 


SCÈ^H   IV. 

VALÈRE,  SGANAipLLE,  GÉRONTE,  LUCAS, 

JACQUELINE. 

VALÈBE. 

Monsieur,  préparez-vous.  Voici  notre  médecin  qui 
entre. 

GÉRONTE '. 

Monsieur,  je  suis  ravi  de  vous  voir  chez  moi,  et  nous 
avons  grand  besoin  de  vous. 

SGANARBLLB,  en  robe  de  médecm,  ATee  nn  éhepetn 

det  pldi  pointm . 

Hippocrate  dit....  que  nous  nous  couvrions  tous  deux. 

GÉaOMTB. 

Hippocrate  dit  cela  ? 

SGANARELLE. 

Oui. 

GÉRONTE. 

Dans  quel  chapitre,  s'il  vous  plaît  ? 

SGANARELLE. 

Dans  son  chapitre  des  chapeaux*. 

I.  Lv€JLBt  Jrappamt  enecr^  sur  Pépauie  de  Géromie,  (1734.) 
s.  SCÈNE  III.  (lUdem,) 

3.  Gnoim,  à  Sgtmarelle,  {Ibidem.) 

4.  Dans  «on  chapitre....  des  chapeaux.  (t68a,  1734.)  —  Hlppoerste  était  la 
grande  autorité,  et  saas  cesse  alléguée  :  Toyes  tome  I,  p.  55«  U  note  3  (de 
M.  de  Perseral),  et  Us  Médecins  au  temps  de  MolUre^  de  M.  Maurice  Raynand, 


74  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

Puisque  Hippocrate  le  dit,  il  le  faut  faire. 

SGANABELLB. 

Monsieur  le  Médecin,  ayant  appris  les  merveilleuses 
choses.  ••• 

CBaOHTB. 

  qui  parlez-vous,  de  grâce  ? 

SGA||ABLLV. 

A  VOUS.  ^^ 

GÉaoïrr^ 
Je  ne  suis  pas  médecin. 

SGANARELLE. 

Vous  n*ètes  pas  médecin  ? 

GÉRONTE. 

Non,  vraiment. 

SGANARELLE. 

(Il  prend  ici*  un  bâton,  et  le  bat  eomm^  on  Ta  battu.) 

Tout  de  bon  ? 

GÉRONTE. 

Tout  de  bon.  "  Ah  !  ah  !  ah  ! 

SGANARELLE. 

Vous  êtes  médecin  maintenant  :  je  n^ai  jamais  ea 
d'autres  licences  '. 


p.  349  et  35o.  —  Dans  le*  Plmdemrt,  qui  sont  de  1668,  llntimé  fait  (aete  DI, 
scène  la,  vers  776  et  777),  en  termes  plus  précis  encore,  une  citation  ridicnle 
du  Digeste.  Il  y  a  dans  Rabelais  plus  d*un  exemple  analogue  de  ces  plaisantes 
attributions,  entre  autres  au  chapitre  Tin  du  Gargantua, 

I.  SoANARXLLE  prend  ici,  (1673,  74,  8a,  9a,  97,  17 10,  18,  3o.) 
a.  SganarelU  prend  un  bâton  et/rappê  Gérante.  (i734>) 
3.  D'autres  lettres,  d'antre  diplôme  de  licence  ;  aucune  autre  cérémonie  ne 
m*a  fait  licencié  :  compares,  an  tome  I,  p.  56  (Toyea  aussi  note  a),  une 
antre  plaisanterie  laite  sur  la  même  mot  par  la  Sganarelle  du  Médecin 
volant,  La  licence,  qui  était  alors  très-solennellement  conférée,  aprèa  quatre 
années  d'études  et  de  nombreuses  épreuves,  donnait  dans  sa  plénitude  le 
droit  4>  pratiquer  la  médecine.  Au  doctorat  étaient  plutôt  attadbés  des 
droits  et  des  honneors  uniTersitalres.  Voyex  Us  Médecins  au  temps  de  Molière^ 
p.  3S-55. 


ACTE   II,   SCÉN£  II.  7$ 

gMroiitb'. 
Qael  diable  d*homme  m'avez-voiis  là  amené  ? 

YALias. 
Je  yoQS  ai  bien  dit  que  e^étoit  un  médecin  gogue- 
nard. 

GBAOHTB. 

Oui  ;  mais  je  Tenvoiroia  promener  avec  ses  goguenar- 
deries. 

LUCAS. 

Ne  prenez  pas  garde  à  ça,  Monsieu  :  ce  n'est  que 
pour  rire. 

GlfaONTE. 

Cette  raillerie  ne  me  plaît  pas. 

SGANAaBLLB. 

Monsieur,  je  vous  demande  pardon  de  la  liberté  que 
i  u  prise. 

GiaOHTB. 

Monsieur,  je  suis  votre  serviteur. 

SGANAaSLLB. 

Je  suis  (aché.... 

GJBROimi. 

Cela  n'est  rien. 

SGAIfARSLLK. 

Des  coups  de  bâton.... 

GiaONTE. 

Il  D  y  a  pas  de  mal. 

SGANARSLLE. 

Que  j'ai  eu  Thonneur  de  vous  donner*. 


I.  Giaosm,  à  yaUre,  (1734.) 

2*  Après  les  eoapt  de  bâton  einti  rendus,  rient  bien  naturellement  cette 
aauusnte  répétition  des  exeoses,  faites  de  même,  pins  hsnt,  à  Sgsnarelle.  Aimé- 
''«tm  rappelle  ici  la  fin  des  Fourberies  de  Seapin,  Mais  c*est  avec  une  tout 
autre  intention,  one  Uen  plus  malicieuse  insistance  que  Scapin  implore  là,  d*un 
aatre  Gérante,  Poubli  des  deux  ondèee  qu'il  a  fait  pleuvoir  sur  Ini. 


76  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

G^RONTI* 

Ne  parlons  plus  de  cela.  Monsieur,  j'ai  une  fiUe  qui 
est  tombée  dans  une  étrange  maladie. 

86ANARBLLB. 

Je  suis  ravi,  Monsieur,  que  votre  fiUe  ait  besoin  de 
moi  ;  et  je  souhaiterois  de  tout  mon  cœur  que  vous  en 
eussiez  besoin  aussi,  vous  et  toute  votre  famille,  pour 
vous  témoigner  Tenvie  que  j*ai  de  vous  servir*. 

6KRONTS. 

Je  vous  suis  obligé  de  ces  sentiments. 

SGANARSLLK. 

Je  vous  assure  que  c'est  du  meilleur  de  mon  ame 
que  je  vous  parle. 

GÉROHTB. 

Cest  trop  d'honneur  que  vous  me  faites. 

S64HARSLLB. 

Comment  s'appelle  votre  fille? 

giErontb. 
Lucinde. 

S6ANARBLLB. 

Lucinde  !  Ah  !  beau  nom  à  médicamenter*  !  Lucinde  ! 

GÉROIfTE. 

Je  m'en  vais  voir  un  peu  ce  qu'elle  fait. 

SGAKARBLLE. 

Qui  est  cette  grande  femme-là  ? 

I.  <  Ce  floiihait,  dit  Aiiger,...  rappell*  eelaide  Sganaralle,  dfx Festin  Je Pitrre 
(acte  IV,  Mène  m),  qui  voudrait  que  qadqtt'on,  en  bâtoimant  M.  Dimandie,  loi 
foaiiitt  roecaiion  de  prouTer  ton  lèle  pour  cet  honnête  marchand.  C'est  ainsi 
que,  dans  U  Mercure  galant  «,  M.  BoniGiee  Chrétien,  reconnaissant  des  bontés 
d*0ronte,  rassure  qu*il  se  ferait  nn  plaisir  d*imprimer  des  billets  d^entenmnent 
pour  loi  et  pour  tons  les  siens.  »  Regnard  aussi,  comme  on  l*a  vn  à  la 
Notice  (p.  aç],  a  imité  ce  passage  dans  les  Folie*  amoureuses  (1704). 

a.  Ici,  par  une  tradition  d*an  godt  douteux,  la  plupart  des  acteors  qui 
jouent  ce  rAle  ont  coutume  de  décliner  le  nom  de  Lucinde  :  Lmeimélms% 
Lucinda,  Lueindum  / 

•  De  Bonrsault  (|683)  :  Toyei  acte  II,  scène  tu. 


kCTE  II,  SCENE  If.  77 

CiRCHITB. 

Cest  la  nourrice  d'un  petit  enfant  que  j*aî. 

SGAHAmBLLS^ 

Peste!  le  joli  meuble  que  voilà  !  *  Ah!  Nourrice,  char* 
mante  Nourrice,  ma  médecine  est  la  très-humble  esclave 
de  votre  nouiricerie,  et  je  voudrois  bien  être  le  petit 
poapon  fortuné  qui  tetât  le  lait  (il  loi  porte  U  mtin  nir  le 
mb)  de  vos  bonnes  grâces.  Tous  mes  remèdes,  toute 
ma  science,  toute  ma  capacité  est  à  votre  service,  et.... 

LUCAS.  . 

Avec  votte  parmission  ',  Monsieu  le  Médecin,  laissez 
là  ma  femme,  je  vous  prie. 

SGANARBLLK. 

Qaoi  ?  est-elle  votre  femme  *  ? 

LUCAS. 

Oui. 

SCANAaiLLS. 
(D  fut  wihlwit*  <r«nhiriwr  Loeat,  «t  w  toonaal  do  e6lé  de  !■  Noorriee, 

il  l'embraiM.) 

Ah!  vraiment,  je  ne  savois  pas  cela,  et  je  m'en  ré** 
jouis  pour  Tamour  de  Tun  et  de  Pautre. 

LUCAS,  en  le  tirant'» 

Tout  doucement,  s*il  vous  plaît. 

SGANARELLE. 

Je  vous  assure  que  je  suis  ravi  que  vous  soyez  unis 

eosemble.  Je  la  félicite  d*avoir  (il  fiait  enoore  aernUant  d*em- 
I.  SCÈ5E  IV. 

SOAVAAILLB,  JACQUaUVI,   LUCAS. 

Sgasiaaillk,  «I  fart.  (1734.) 
a.  Btmt,  (1773.) 

3.  Votre,  {lé^,  97,  1710,  18,  33,  34.)  —  Ponniaûon.  (i6Sa.)  —  Pfermi»- 
•ioa.  (1699,  97,  1718,  3o,  34,  mais  non  1773.) 

4.  Qooi?  die  eat  Totre  fenme?  (1710,  18,  34.} 

5.  SoàMUMMUJi /*»ii  sêmhUiHi,  (1673,  74,  8a.} 

6.  lifnt  âêmblmmt  de  wamicir  embrasser  Lsteas,  et  embrasse  la  Namrriee, 
Ucu,  tiraut  SganaretU^  et  se  remettant  entre  loi  et  sa  femme,  (1734.} 


7ft  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUL 


lamêf  et  ptHant  dancmi  ms  hn»^  te  jette  aa  ool  de  sa  femme] 

an  mari  comme  vous  ;  et  je  vous  félicite,  vous,  d'avoir 
une  femme  si  belle,  si  sage,  et  si  bien  faite  comme  elle 
est.* 

LUCAS,  en  le  timit  enoore  • 

Eh!  testigué'!  point  tant  de  compliment*,  je  vous 
supplie. 

SGAHARELLB. 

Ne  voulez-vous  pas  que  je  me  réjouisse  avec  vous 
d'un  si  bel  assemblage  ? 

LDCAS. 

Avec  moi,  tant  qu'il   vous   plaira;  mais   avec   ma 
femme,  trêve  de  sarimonie. 


Je  prends  part  également  au  bonheur  de  tous  deux  ; 
et  (u  oontiniie  le  même  jea')  si  je  VOUS  embrasse  pour  vous 
en  témoigner*  ma  joie,  je  l'embrasse  de  même  pour  lui 
en  témoigner  aussi. 

m 

LUCAS,  en  le  tirant  derechef  • 

Ah!  vartigué,  Monsieu  le  Médecin,  que  de  lantipo- 
nages'. 

I.  Il  fait  encore  semblant  éPembraeeer  ÊMeas^  qui  lui  tend  les  bras,'  Sge^ 
narelle  fasse  dessous  et  embrasse  encore  la  Nouniee,  (1734.) 
a.  Lucas,  le  tirant  encore,  (Ibidem,) 

3.  Hél  tétegué!  (1773.) 

4.  Point  tant  de  eomplimenU.  (1674,  75A,  89,  84A,  94B,  1734.) 

5.  Cette  indication  est  placée  è  la  fin  de  la  phrate  dani  Tédition  de  1734. 

6.  Pour  Touf  témoigner.  (1682,97,  1710,  18,  3o,  33,  34.) 

7.  LuCAB,  le  tirant  pour  la  troisième  fois,  (1734.) 

8.  Dans  Tédition  originale  et  dans  nos  trois  étrangères,  Pantiponages.  — 
Que  de  lant^onagel  (1773.)  —  Voye»  ci-detsos,  p.  6a,  note  6, 


ACTE  II,  SCÈNB  III.  79 


SCENE    III, 

SGANARELLE,  GÉRONTE,  LUCAS, 
JACQUEUNE*. 

GnONTE. 

Monsieur,  voici  tout  à  Theure  ma  fille  qu*on  va  vous 
amener. 

SGÀNÀEBLLB. 

Je lattends,  Monsieur,  avec  toute  la  médecine. 

GÉRONTB. 

Où  est-elle  ? 

SGANAmBIXS,  M  toQchaiit  U  front. 

Là  dedans '. 

GBRONTB. 

Fort  bien. 

SGàBA&BLLB,  en  Tonlant  toucher  les  tetoni  de  U  Nourrice  . 

Mais  comme  je  m'Intéresse  à  toute  votre  famille,  il 
&at  que  j'essaye  un  peu  le  lait  de  votre  nourrice,  et  que 
je  visite  son  sein.  * 

LUCAS,  le  tirant,  et  loi  faisant  faire  la  pirouette. 

Nanin,  nanin*  ;  je  n*avons  que  faire  de  ça. 

SGAKARELLR. 

Cest  Toffice  du  médecin  de  voir  les  tétons  des  nour- 
rices. 

LUCAS. 

Il  gnia  office  qui  quienne,  je  sis  votte  sarviteur. 

1.  SC.ÉNE  V. 

GÎaOHTK,    tOAHARBLLE,    LUCAS,    JAGQina.IHB.    (l734-} 

3.  Daas  les  éditions  de   1683,  97,  1710,  18,  3J,  Là  d^tUiu  eat  %myri  Ae 
Poisti  de  rétieenee. 
3.  Ce  jeo  de  seêne  n*ett  pas  dans  Péditloa  de  1734. 
4*  Rimpproeke  de  Jae^ulime.  {1734.) 
5.  Naaain,  aanain.  (167$,  74,  Sa,  1734.)—  Nannain,  aannain.  (1773.] 


8o  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

sganàrblui. 
As-tu  bien  la  hardiesse  de  t'opposer  au  médecin? 
Hors  de  là  ! 

LUCAS. 

Je  me  moque  de  ça. 

SGàNàEELLB,  en  \t  regardant  de  tnTen. 

Je  te  donnerai  la- fièvre. 

JÀCQU£LINBy  prenant  Lacas  par  le  bras,  et  loi  laiaant  aoMi  faire* 

la  pironette. 

Ote-toi  de  là  aussi  ;  est-ce  que  je  ne  sis  pas  assez 
grande  pour  me  défendre  moi-même,  s'il  me  fait  quel- 
que chose  *  qui  ne  soit  pas  '  à  faire  ? 

LUCAS. 

Je  ne  veux  pas  qu'il  te  tate,  moi. 

SGANARBLLE. 

Fi,  le  vilain,  qui  est  jaloux  de  sa  femme  ! 

GÉaONTB. 

Voici  ma  fille. 


SCENE  IV. 

LUCINDE,  VALÈRE,  GÉRONTE,  LUCAS, 
SGANARELLE,  JACQUELINE*. 

SGANARELLE. 

Est-ce  là  la  malade  ? 

GBEONTE. 

Oui,  je  n*ai  qu'elle  de  fille;  et  j'aurois  tous  les  regrets 
du  monde  si  elle  venoît  à  mourir. 

I.  Et  lui  faisant  faire  ausii,  (l'jZ^,) 

a.  Queuque  chose.  (Ibidem,)  —  3.  Qa*il  ne  soît  pat.  (i73o.) 

4.  «CÈNE  Vr. 

LUCimW,  OnOSTB,  tOaVAAILUI,  TALÀRB,  LUCAS,  JACQUELINE.  (17I4O 


ACTE  II,  SCÈNE  IV.  8i 

8GÀNÀ1IBLLE. 

Qu'elle  8*en  garde  bien  !  il  ne  faut  pas  qu'elle  meure 
sans  Tordonnance  du  médecin*. 

GÉEONTB. 

Allons,  un  siège. 

SGANAEBLLB*. 

Voilà  une  malade  qui  n'est  pas  tant  dégoûtante,  et  je 
Uens  qu'un  homme  bien  sain  s'en  accommoderoit  assez. 

GEROMTE. 

Vous  Tavez  fait  rire,  Monsieur. 

SGAlfAEKLLS. 

Tant  mieux  :  lorsque  le  médecin  fait  rire  le  ma- 
lade, c'est  le  meilleur  signe  du  monde.'  Eh  bien*!  de 
qaoi  est-il  question  ?  qu'avez-vous  ?  quel  est  le  mal  que 
YODS  sentez  ? 

LVCIKDB  répond  par  signet*,  en  portant  m  main  k  la  boncbe', 

k  la  tète,  et  aoos  son  menton. 

Han,  hi,  hom',  han. 

86ÀNARSLLE. 

Eh  î  que  dites-vous  ? 

LUCINDB  oontinne  les  mêmes  gestes  . 

Han,  hi,  hom,  han,  han,  hi,  hom. 

SGANARELLE. 

Quoi? 

I.  ■  GoBGDUS.  MoDsienr  le  Mededii,  j*si  grand*peiir  que  nuiJilU  ne  meare. 
Ssâwiaim.  Ahl  qn'eUe  s'en  garde  bien!  il  ne  faot  pas  qu'elle  s'amiue  i 
M  ItîtKr  Boorir  sans  Tordonnance  du  médecta.  »  (Le  diédecim  votatt^  tcèoeir, 
tsas  I,  p.  60  :  Toyes  là,  note  9,  le  même  trait  dam  les  passages  cités  du 
JCfaoïi»  de  Doainiqne  et  du  JÊitUein  volant  de  BourMult.) 

a.  Boàiamsus,  tusU  entré  Gérante  et  Lmeimle,  (1^34.) 

3.  ^  IjÊcinde.  {Thûlem,) 

4*  Et  hie»^  dans  Tédition  originale  et  dans  les  trois  étrangères. 

5.  Pemr  eignes,  dans  Fédition  originale. 

6.  LnCDDB,  portant  sa  main  à  sa  boueke,  ete,  (1734.) 

7.  Bon.  (1673,  74,  83,  1734;  de  même  plus  bas,  quatre  fois.) 
S.  Les  menus  gestes^  dans  Tédition  originale,  faute  k  pen  près  é^ 

— *  Centinuant  les  mêmes  gestes,  (1734,  mais  non  1773.) 

luMLiax.  TI  6 


6%  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

LUCIHDI. 

Han,  hi|  boni. 

8GÀNÀEBIXB,  U  e(mtt«laiMBt^ 

Han,  hif  hom',  han,  ha  :  je  ne  vous  entends  point. 
Quel  diable  de  langage  est-ce  là  ? 

G^aOHTB. 

Monsieur I  c^est  là  sa  maladie.  Elle  est  devenue 
muette,  sans  que  jusques  ici'  on  en  ait  pu  savoir  la 
cause  ;  et  c'est  un  accident  qui  a  fait  reculer  son  ma- 
riage. 

SGANARBLLB. 

Et  pourquoi  ? 

GiROKTB. 

Celui  qu'elle  doit  épouser  veut  attendre  sa  guérison 
pour  conclure  les  choses. 

SGANARBLLB. 

Et  qui  est  ce  sot-là  qui  ne  veut  pas  que  sa  femme 
soit  muette  ?  Plût  à  Dieu  que  la  mienne  eût  cette  ma- 
ladie !  je  me  garderois  bien  de  la  vouloir  guérir. 

GÉRONTB. 

Enfin,  Monsieur,  nous  vous  prions  d'employer  tous 
vos  soins  pour  la  soulager  de  son  mal. 

SGANARBLLB. 

Ah!  ne  vous  mettez  pas  en  peine.  Dites-moi  un  peu, 
ce  mal  Toppresse-t-il  beaucoup  ? 

GBRONTB. 

Oui,  Monsieur. 

SGANARBLLB. 

Tant  mieux.  Sent-elle  de  grandes  douleurs? 


I.  Cette  îndicitioB  n*6tt  pu  daiu  Tédition  d«  1734. 
9.  Par  eseeptioB,  ici  Aon,  et  deux  ligaei  plus  haut  Ham^  dans  Tédili 
originale  et  daaa  let  trou  Mitions  étrangètes. 
3.  Juaqn*iei.  (1730,  33,  34.) 


ACTE  II,  SCENE  IV.  83 

GÏAOïrrx. 
Fort  grandes. 

SGÀITÀIIBtLB. 

Cest  fort  bien  fiât  * .  Va-t-elle  oii  vons  savez  ? 

GÉROHTB. 

Oui. 

SGàKARBLLB. 

Gopiensement  ? 

Je  n^entends  rien  à  cela. 

SGANARSLLB. 

La  matière  est-elle  louable'  ? 


I.  Ce  trait  de  pbîsaiit  optîmUme,  sur  leqpel  la  répétition  appuie ,  et  qai 
reriendra  eocore  (aete  TU,  seène  ▼,  p.  108},  était  déjà  ia^iqaé  dans  le  caneva* 
qai  nous  reste  de  la  fiiree  da  Médecin  volant  (scène  t,  tome  I,  p.  61  et  6a}  : 
«  SOAVAKEU.E.  Sentes-Tons  de  grandes  doalenrs  k  la  tête,  aux  reins?  Lmsu. 
Oui,  Monsioir.  SaÂMÂMtULM.,  C'est  fort  bien  fait.  »  Molière  se  soarenait  sans 
doute  d'un  petit  oonte  inséré  parmi  les  fables  d*Ésope  *,  et  dont  la  traduction 
se  trouTe  dans  un  chapitre  de  Montaigne  qu'il  arait  maintes  fois  lu  (le  xxzTn* 
du  litre  II  des  Essais^ ^  tome  III,  p.  i56)  :  <  Ésope....  est  plaisant  k  nous  re- 
présenter cette  autorité  tjranniqne  que  Uê  médeeitu  usurpent  sur  ees  pauvres 
loMS  affoîUies  et  abattues  par  le  mal  et  la  crainte  ;  car  il  conte  qu'un  malade 
étant  interrogé  par  son  médecin  quelle  opération  il  aentoit  des  médicaments 
qu^  loi  avoit  donnés  :  <  J'ai  fort  sué,  •  répondit-il.  «  Cela  est  boni  »  dit  le 
médecin.  Une  antre  £ms,  il  lui  demanda  encore  comme  il  •*étoit  porté  depuis  : 
«  J'ai  en  un  firoid  extrême,  fit-il,  et  si  ai  fort  tremblé.  »  «  Cela  est  bon  !  »  suivit 
le  médecin.  A  b  troisième  fois,  il  lui  demanda  derechef  comment  il  se 
portoit  :  «  Je  me  sens,  dit41,  enfler  et  bouffir  comme  d'hydropisie.  »  «  Yoilk 
<  qui  va  bien!  »  ajouta  le  médecin.  L'un  de  ses  domestiques  venant  après  k 
s'enquérir  k  lui  de  son  état  :  «  Certes,  mon  ami,  répond-il,  k  force  de  bien 
«  élre,  je  me  meurs.  »  -«  Comme  l'indique  Auger,  Cyrano  Bergerac  a  renou- 
velé tout  ce  récit,  en  s'y  donnant  le  rôle  du  malade,  dans  b  XTin*  de  ses 
Utireê  sadri^mes^  intitulée  Contre  le*  Midecinâ  (p.  17a  et  173  de  l'édition 
de  i663). 

a.  Cest  le  terme  employé  dans  le  Jomrnal  de  ia  santé  du  Roi  (publié  par 
M.  A.  le  Roy  en  l86a),  par  exemple,  p.  xao  :  «  Le  Roi  prit  k  son  réveil  un 
bouillon  purgatif...,  duquel  il  fut  purgé...,  jusqnes  k  neuf  fois,  de  matière 
très-louable.  » 

a  Numéro  43  de  Pédition  de  Coray,  le  Malade  et  le  Médecin, 
*  Voyei  notre  tome  V,  p.  337,  note  a. 


84  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUL 

GBBONTE. 

Je  ne  me  connois  pas  à  ces  choses. 

8GANÀRBLLB,  M  tonraant  rm  la  mtUde^. 

Donnez-moi  votre  bras.  ^  Voilà  un  pouls  qui  marque 
que  votre  fille  est  muette. 

GÉRONTE. 

Eh  oui.  Monsieur,  c*est  là  son  mal;  vous  Tavez  trouvé 
tout  du  premier  coup. 

sgànarbllb. 
Ah,  ah! 

JÀCQUELINB. 

Voyez  comme  il  a  deviné  sa  maladie  ! 

S6ANARELLB. 

Nous  autres  grands  médecins,  nous  connoissons  d^a- 
bord  les  choses.  Un  ignorant  auroit  été  embarrassé, 
et  vous  eût  été  dire  :  a  C*est  ceci,  c*est  cela  ;  »  mais 
moi,  je  touche  au  but  du  premier  coup,  et  je  vous  ap- 
prends que  votre  fille  est  muette'. 

GBRONTE. 

Oui  ;  mais  je  voudrois  bien  que  vous  me  pussiez 
dire^  d*oii  cela  vient. 

SGANARBLLE. 

Il  n*e8t  rien  plus  aisé*:  cela  vient  de  ce  qu'elle  a 
perdu  la  parole. 

GÉRONTE. 

Fort  bien;  mais  la  cause,  s'il  vous  plaît,  qui  fait 
qu'elle  a  perdu  la  parole  ? 

I.  SoAHARiLLx,  à  Lmeindê,  (1734.) 
a.  A  Gérante,  (Ibidem.) 

3.  «  Le  cari....' fit  c(Hualt«r  sa  grandie  par  les  médecins  da  ManSf  qui  loi 
dirent  en  latin  fort  élégant  qaHl  avoit  la  fpravelle,  ce  qne  le  paoTre  homoM 
ne  saToit  que  trop.  »  (Searron,  le  Rnunan  tomifue^  i**  partie,  de  x65i,  cha« 
pitre  ziT,  tome  I,  p.  laS,  de  Tédition  de  M.  V.  Foamd.) 

4.  Que  Toas  possies  dire.  (168a.)  -^  Que  tous  me  paissiez  dire.  (1684  A» 
94  B.)      ^ 

5.  Il  n'est  rien  de  plus  aisé.  (1673,  74»  Sa,  1734.) 


▲GTE  II,  SCÈNE  IV.  85 

S611VARXLLB. 

Tous  nos  meilleurs  auteurs  vous  dux>nt  que  c^est 
rempêchement  de  Taction  de  sa  langue. 

GBRONTE. 

Mais  encore,  vos  sentiments  sur  cet  empêchement  de 
laction  de  sa  langue  ? 

8GÀ1VÀRBLLB. 

Aristote,  là-dessus,  dit....  de  fort  belles  choses*. 

GÉRONTB. 

Je  le  crois. 

SGANARELLB. 

Ah  !  c^étoit  un  grand  homme  ! 

CiRONTB. 

Sans  doute. 

SGINARBLLB,  lertnt  ion  bras  depuis  U  ooadfl    . 

Grand  homme  tout  à  fait  :  un  homme  qui  étoit  plus 
grand  que  moi  de  tout  cela.  Pour  revenir  donc  i  notre 
raisonnement,  je  tiens  que  cet  empêchement  de  Tac* 
tion  de  sa  langue  est  causé  par  de  certaines  humeurs, 
qa*entre  nous  autres  savants  nous  appelons  humeurs 
peccantes  ;  peccantes,  c'est-à-dire'....  humeurs  pec- 
cantes^;  d'autant  que  les  vapeurs  formées  par  les  exha- 

I.  «  SoAWABELLi.  Ooi,  M  grand  médeeîa,  aa  chapitre  qa*i]  a  fait  de  la 
aatore  des  animaux,  dit....  cent  belles  choses.  »  {Le  Médecin  volant^  scène  ▼, 
tooie  I,  p.  Sa.) 

a.  Ce  jeu  de  scène  est  placé  nn  peu  plus  bas,  après  les  mots  :  qmi  étoit  plus 
grtmd,  dans  Fédition  de  1734.  —  Levant  le  bras  depuis  le  eeude»  (1773.} 

3.  Kous  appdons  hamenrs  pesantes,  c'est-k-dire.  (1734.) 

4.  Sor  le  doctrine,  alors  K^Versellement  régnante,  de  rhamorisme,  voyea 
M.  Manriee  Rajnaad,  p.  179  et  sairantes,  p.  363  et  Murantes.  Uo  certain 
nombre  de  principes  éuient,  dit- il  (p.  179  et  181),  «  passés  krétatd*aûomes% 
i  saroir  :  que  toute  maladie  prorient  d'une  surabondance  d*humears  ;  que  ees 
homeurs  peurent  pécher  par  quantité  et  par  qualité...;  qu*il  s*agissait  avant 
tout  d^éracoer  Pkumeur  peeeante»  •  C'était  là  nn  terme  que  tout  le  monde 
avait  appris  des  médecins  ;  il  est  Tenu  bien  naturellement  sous  la  plume  de 
ieint  François  de  Sales,  dans  son  Introduction  à  la  pie  dévote  (1608,  l'*  partie, 
chapitre  T,  tome  I,  p.  aS,  de  Tédition  de  M.  SilTOstre  de  Sacy)  :  «  Cest  le 
coBUBeneement  de  notre  santé  que  d*étre  purgé  de  nos  humeurs  peccantes.  » 


86  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUL 

laisoDS  des  influences  qui  s'élèvent  dans  la  région  des 
maladies,  venant....  pour  ainsi  dire...*  à....  Entendez- 
vous  le  latin  ? 

6BRONTB. 

En  aucune  façon. 

SGANÀRELLBy  te  lerânt  âTce  tooneoMiit^. 

Vous  n*entendez  point  le  latin  ! 

GÉROHTB. 

Non. 

SGANAIIBLLB,  en  Cuiant  diyencs  plaisantet  pottorct*. 

Cabricias  arci  thuram^  catalamus^^  singularitery  no^ 
minatiifo  hœc  Musa^  «  la  Muse,  »  bonus ^  bona^  bonum^ 
Deus  sanciusj   estne   oratio  laiinas  ?  Eiiamy   «  oui.    » 


X.  Se  ievdni  Irutqutm^U,  (1734.) 

9.  SojLNAmBLUi,  a«we  enthousiasmé,  (Ibidem.) 

3.  Ces  quatre  premien  mots  sont  forgés  à  raide  de  synabct  latines,  aaseï 
Uées  aa  hasard.  Les  antres  qui  vont  suÎTre  sont  des  réminiscences  de  œ 
rudiment  que  Sganarelle  se  vantait  d^avoir  so  par  corar  an  tempa  de  sa 
sixième,  c*est-è-dire  da  très-court  livre,  rédigé  tout  en  latin,  par  demandes 
et  par  réponsee,  et  intitulé  Rudimenta^  que  Jean  Despautère  a  placé  an- 
derant  des  huit  traitée  de  ses  Commentarii  grammaiici  *.  Après  quelques 
termes  de  cette  petite  grammaire  qui  lui  reriennent  isolément,  Sganarelle  linit 
par  en  rattraper  deux  phrases  entières.  Void  le  teste,  que  n'avait  pas  entiè- 
rement désappris  maint  spectateur,  et  qu'il  pouvait  d'autant  pins  s'amnaer 
d'entendre  ainsi  dé£gurer  dans  cette  folle  réciution*  :  Poeta,  eufus  mumeriP 
—  Singularis,  —  Qmare?  —  Quia  singulariter  fro/ertur,„,  —  Musa,  emfus 
generis?  —  Fœminûù.  —  Quare?  —  Quia  declinatur  eum  haec  :  ut  nomimativo 
hoemnsa  (p.  i).,.,  —  Deua  sanctus,  estne  oratio  hene  latina?  •—  Etiam,  — 
Quare?  —  Quia  adjecHvum  et  suhstanti¥um  eoneordant  in  génère ^  numéro^ 
casu  (p.  8). 

•  Nous  avons  déjà  en  l'occasion  de  les  citer  (tome  I,  notes  5  de  la  page  33, 
et  I  de  la  page  44^),  et  aurons  encore  à  le  faire  (à  la  scène  vn  de  la  Comtesse 
d'Escarbagnas)  :  c'est  k  l'édition  donnée  par  Robert  Estienne  en  i537  que 
nons  renvoyons. 

*  c  Ces  affreux  singulariter^  nominativo  de  mes  premières  dédinaisons,  dit 
un  contemporain,  de  aeiie  ans  plus  jeune  nue  l'antenr  du  Mêdaein  maigri 
luif  ces  indicativo  modo^  tempère  pressenti  de  mon  Donat,  ces  omne  vira  eoU 
de  mon  Despautère  étoient  pour  moi  autant  de  spectres  et  de  monstres.  > 
Yojex  les  Mémoires  de  Jean  Roo,  publiés  par  M.  Francis  Waddington  (1867), 
tome  I,  p.  4. 


''. 


ACTE  II,  SCÈNE   lY. 

Quare^  «  pourquoi?  »  Quîa  substantitH)  et  adjeetiuum 
concordat  in  generij  numerum,  et  casus^. 

ciRONTB. 

Ah  !  que  n'ai-je  étudié  ? 

JACQUELINE. 

Lliabile  homme  que  velà'  ! 

LUCAS. 

Oui,  ça  est  si  biau,  que  je  n  y  euteuds  goutte. 

SGANARBLLE. 

Or  ces  vapeurs  dont  je  vous  parle  venant  à  passer, 
du  côté  gauche,  où  est  le  foie,  au  côté  droit,  ob  est  le 
cœur,  il  se  trouve  que  le  poumon,  que  nous  appelons  en 
latin  armjran^j  ayant  communication  avec  le  cerveau, 
qae  nous  nommons  en  grec  nasmus^  par  le  moyen  de 
la  veine  cave,  que  nous  appelons  en  hébreu  cubile^  ren- 
contre en  son  chemin  lesdites  vapeurs,  qui  remplissent 
les  ventricules  de  Tomoplate  ;  et  parce  que  lesdites 
▼apeurs....  comprenez  bien  ce  raisonnement,  je  vous 
prie  ;  et  parce  que  lesdites  vapeurs  ont  une  certaine  * 
malignité....  Écoutez  bien  ceci,  je  vous  conjure. 

GERONTE. 

Oui. 

SGANARBLLE. 

Ont  une  certaine  malignité,  qui  est  causée....  Soyez 
attentif,  s'fl  vous  plaît. 


1.  An^,  eomUtant,  en  iSao,  niM  tnilitioii  mus  doate  aaaas  aBeienne  et 
loivie  eoeore  aiijoiird*hai,  dit  qae  l'aeteor,  le  nHeyant  à  ce  denier  mot  et 
jouaiit  utt  soB  double  tent,  s'arrange  poor  tomber  aTee  ton  fanteuil  k  la 
leBTene.  Ce  lazsi  remontait-il  k  Moli^,  tel  qu'il  t'eiéeate  7  Rien  ne  permet 
de  Paffirmer  ni  de  le  nier  dbaolament,  et  il  en  est  de  même  de  plus  d*an  autre. 

a.  Qoevik!  (1734.) 

3.  S'enbardiaiant  toat  k  fidt,  Sganarelle  ciée  librement  les  moU  saranU  dont, 
poer  prendre  le  mot  de  Lèandre  (ci-aprèt,  p.  97),  il  pare  sa  eonaulution.  \m 
ml  leeonnaiseaUe  est  le  latin  cMlê^  «  lit,  gîte,  »  donné,  deus  lignes  pins 
kû,  poorbébren. 

i.  Ont  ctttaine.  (i68n,  1734.) 


88  LE  MJÎDECIN  MALGRÉ  LUL 

GBRONTB. 

Je  le  suis. 

8GÀNARBLLB. 

Qui  est  causée  par  Tàcreté  des  humeurs  engendrées 
dans  la  concavité  du  diaphragme,  il  arrive  que  ces 
vapeurs....  Ossahandus^  nequeys^^  nequer^  potarinum*^ 
quipsa  milus.  Voilà  justement  ce  qui  fait  que  votre  fille 
est  muette. 

JÀCQUBLINB. 

Ah  !  que  ça  est  bian  dit,  notte  homme  ! 

LUCAS. 

Que  n  ai-je  la  langue  aussi  bian  pendue  ? 

GEROtlTB. 

On  ne  peut  pas  mieux  raisonner,  sans  doute.  Il  n*y  a 
qu'une  seule  chose  qui  m'a  choqué  :  c'est  Tendroit  du 
foie  et  du  cœur.  Il  me  semble  que  vous  les  placez  au- 
trement qu'ils  ne  sont;  que  le  cœur  est  du  côté  gauche, 
et  le  foie  du  côté  droit. 

SGANARBLLB. 

Oui,  cela  étoit  autrefois  ainsi  ;  mais  nous  avons  changé 
tout  cela',  et  nous  faisons  maintenant  la  médecine  d'une 
méthode  toute  nouvelle. 

I.  JVêçmêi,  (1734.)  —  Auger  sW  tooTena  qae  dans  la  «fomr  de  Rotrov 
(1645,  «cheT^  dHmprimer  le  3  septembre  1646,  aete  III,  leène  ▼],  le  Tslet 
Ergaste  fait  aonoer,  dans  le  faux  turc  qa*il  parle,  troia  mots  assea  approchants 
de  eeax-d  :  Ossasando^  ntquei^  ^equet»  —  M.  de  Parseral  a  remarqué 
(p.  33o-33i),  on  peu  plus  haut  dans  cette  soène  de  la  Sœmr^  un  Cmbriteiam 
peu  difEsrent  du  Cabrieias,  premier  mot  latin  de  la  fabrique  de  Sganarelle. 

a.  Potarium,  (1883,97,  1710,  3o,  33,  34.) 

3.  Le  17  décembre  i65o,  on  avait  la  dans  la  GatetU  (p.  1619)  :  «  Et  pour  ee 
qn*on  ne  tous  doit  pas  moins  informer  des  étranirea  diangements  qui  se 
reneontrent  dans  le  corps  hnmain  que  dans  eelui  des  États,  cette  semaine  a'ett 
Id  tron?é,  en  la  dissection  laite  publiquement,  par  un  docteur  en  médecine 
de  eette  Faculté,  du  cadavre  d*ua  homme  exécuté  k  mort,  le  foie  ou  devoit 
être  la  rate,  k  savoir  du  e6té  gauche,  et  la  rate  au  c6té  droit,  ou  devoit  être 
le  foie,  le  cenir  indinant  du  cdté  droit,  et  la  plupart  des  vaisseaux  autrement 
disposés  qu*k  Tordinaire  •.  »  Le  souvenir  d*ttn  &it  qui  avait  eausé  un  si  grand 

•  Cette  partiealarité  «  fort  extraordinaire  »  est  attestée  par  Gui  Patin  dans 


f 


ACTE  II,  SCÈNE  lY.  89 

GBAOlfTB. 

C'est  ce  que  je  ne  savois  pas,  et  je  tous  demande 
pardon  de  mon  ignorance. 

sgaharbllb. 

Il  n  y  a  point  de  mal,  et  vous  n'êtes  pas  obligé  d*ètre 
aussi  habQe  que  nous. 

Assurément.  Mais,  Monsieur,  que  croyez-vous  qu'il 
(aille  faire  à  cette  maladie  ? 

SGAKÀIIBLLB. 

Ce  que  je  crois  qu'il  faille  faire  ? 

GBEOIITB. 

Oui. 

SGANIBBLLH. 

Mon  avis  est  qu'on  la  remette  sur  son  lit,  et  qu'on  lui 
fasse  prendre  pour  remède  quantité  de  pain  trempé  dans 

du  vin*. 

GBRONTB. 

Pourquoi  cela,  Monsieur  ? 


m  t65o,  de  cette  eix«oasUiiee  soitoot,  qu'on  xclerût,  dm  eœur 
admaat  m  drdtê,  a  bien  pa  sag^rer  k  Molière  le  paradoxe  anatonùque  de 
MB  Fa^tier.  —  Le  eentr  à  gauche,  intéparable  de  Tidée  railleuse  de  eaur  à 
Jnùêy  araic,  ce  aemble,  paîti  en  prorerbe  :  «  Voyex,  je  tous  prie,  écrit 
Bat  de  Singnk  le  9  mai  tSSo,  eomme  tout  s'eat  raffiné  sur  notre  Loire,  et 
none  noue  étions  grossiers  autrefois  que  le  cemr  étpii  à  gamcke,  »  Et  le 
SjaiDet  i6S5  :  «  Nous  avons  changé  tout  celé,  eomoM  le  çcbht  à  gauche,  • 
fToMs  Yl  àet  Lettres,  p.  387,  et  VII,  p.  419.)  i  '  '  ' ,  ■  ,•  1 .  •  C  > 
I.  Trempé  dans  le  Tin.  (1734.)  ' 

»  kttre  h  Falconnet  du  3o  décembre  i65o  (tome  U,  p.  578,  de  Tédition 
B^*eiUé»Parise).  -«  Une  note  qui  nous  a  été  transmise  signale  encore  dans 
■■  unuserit  de  la  Bibliothèque  flCaiarine,  an  tome  UI  (i65o)  des  Mémoires.... 
^  purres  wHes  de  Dubutsioii-AubenaY,  p.  a4a  et  n5a,  <  deux  passages 
Kbtifii  è  des  mémoires  de  médecins  sur  des  pendus  anzqnds  on  a  trouvé  le 
c*<ir  à  droite  et  le  foie  k  gauche  ;  »  eeeï  renchérissait  déik  sur  la  nouTclle  de 
b  Gezeiie.  Lu  noie  ensuite  nomme  comme  auteurs  de  ces  mémoires  seienti- 
^«n,  Peequet  et  la  Mothe  le  Vajer,  le  philosophe  ami  de  Molière  ;  nous 
■''VOUS  oialheareaaement  pu  Térifier  :  le  volume  manuscrit,  prêté  au  dehors, 
*  <*•  détnût  par  le  fien,  pendant  la  gnem  ciTile,  en  187 1. 


90  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

SGANAASLLB. 

Parce  qu'il  y  a  dans  le  vin  et  le  pain,  mêlés  ensemble, 
une  vertu  sympathique  qui  fait  parler.  Ne  voyez-vous 
pas  bien  qu'on  ne  donne  autre  chose  aux  perroquets,  et 
qu'ils  apprennent  à  parler  en  mangeant  de  cela  ? 

GiaOlfTB. 

Cela  est  vrai.  Ah  !  le  grand  homme  !  Vite,  quantité 
de  pain  et  de  vin  ! 

SGANÀEELLB. 

Je  reviendrai  voir,  sur  le  soir,  en  quel  état  elle  sera.* 
(a  U  Noarrice.)  Doucemeut,  VOUS.  Monsieur,  voilà  une 
nourrice  à  laquelle  il  faut  que  je  fasse  quelques  petits 
remèdes. 

JACQUELINE. 

Qui  ?  moi  ?  Je  me  porte  le  mieux  du  monde. 

SGANARELLB* 

Tant  pis,  Nourrice,  tant  pis.  Cette  grande  santé  est 
à  craindre,  et  il  ne  sera  mauvais*  de  vous  faire  quelque 
petite  saignée  amiable,  de  vous  donner  quelque  petit 
clystère  dulcifiant. 

GBRONTE. 

Mais,  Monsieur,  voilà  une  mode  que  je  ne  comprends 
point.  Pourquoi  s'aller  faire  saigner  quand  on  n'a  point 
de  maladie  ? 

SGANARBLLE. 

Il  n'importe,  la  mode  en  est  salutaire  ;  et  comme  on 
boit  pour  la  soif  à  venir,  il  faut  se  faire  aussi  saigner' 
pour  la  maladie  à  venir  ^. 

I.  SCÈNE  vn. 

oi&omrB,  soaitâriliji,  «ACQUiun. 

SoARAiiLUL  [A  Jacquetime,)  Doueement,  tous.   (A  Gtromte,)   Moament. 

(1734.) 
a.  Et  il  neierapas  maaraU.  (1673,  74,  8a,  1734.) 

3.  U  iaat  aussi  m  faira  saigner.  (Une  partia  du  tirage  de  1734,  et  1773.) 

4.  Voyei  sur  ce  passage,  dans  le  noméro  cité  de  la  Aafiie  de  MmnmiU  et 


ACTE  II,  SCÈNE  IV.  91 

Ma  fi  !  je  me  moque  de  ça,  et  je  ne  veux  point  ftire 
de  mon  corps  une  boutique  d'apothicaire  *. 

SGANÀRBLLB. 

Vous  êtes  rétive  aux  remèdes;  mais  nous  saurons 

ie  Pn^taeê  ^.  334-336),  roue  âeê  plus  intimMnitw  boIm  de  M.  le  doetew 
Lodofk  de  Panerai.  Hoat  n'en  empnmteroiM  ici  que  quelques  lignât,  qui  ae 
lappcrtat  an  dix-septSime  nèele.  «  Ifoaa  ▼oyoui  figurer,  di^>il,  parmi  lea 
âcMi  dea  bedidicn  aoutennea  ea  iSa5  devant  la  Faeulti  de  médeeiae  de 
Plrii*,  la  thèae  aoiTante  :  ji»  tpeeiota  samiUu  suspecta?  AffinnatÎTe....  Laa 
nédcÔBS  du  tempa  de  Montaigne  et  de  Molière  croyaient  en  efFet,  avec  lea  an- 
deaa,  qu'une  exubérance  de  aanli  et  de  forée  conduit  à  la  maladie  *....  A  eette 
tpoqae,  en  aaigwait  et  on  purgeait /eur  la  maladie  à  vsnir,,,,  L*abbé  le  Dien« 
aoBi  montra  («•    170a)  Monaieur  de  Meaux  «  ae  portami  à  menreine  et 

•  smtgeaai  néenmoina  k  ae  purger  pour  précaution.  »  Mademoiadle  de  Mont» 
peaner....  raconte  dana  aea  Mémoires*  qn*aTant  d*aceompagner  le  Roi  en 
naadre,  en  1670,  eDe  *Jui  {se  rendit)  ii  Paria  troia  on  quatre  joura  pour  y  faire 

•  des  remèdca  1  de  précaution.  Pendant  qn*on  la  saignait,  Yallot  purgeait 
Lo«is  llf  pemr  la  préférer  à  son  pojrage  de  Flamdre*.  On  reate,  le  grand  roi 
laUt,  durant  tout  le  coura  de  aa  Tie,  la  dure  loi  dea  remèdes  de  précaution. 
Aiiu)ettl  h  dTineesaantea  purgations,  aouTent  menacé  de  la  saignée,  qn*il  re- 
doutait beaoeoop...,  il  ae  révoltait  qoelquefoia  contre  lea  ordonnances  de  aea 
nêdedas;  maia  ceux-ci  rerenaient  k  la  charge,  et  le  royal  malade,  effrayé 
de  se  ?oir  abandonné  k  rintempéria  de  ses  entrailles,  à  la  corruption  de  son 
MSf ,  i  Pâereié  de  sa  bile  et  à  la/éemlenee  de  ses  humeurs  f,  finissait  le  plus 
souvent  par  vaincre  aa  répugnance,  et  8*il  ne  ae  résignait  pas  k  être  saigné,  il 
aemrdait  au  moîaa  k  son  premier  médecin  une  bonne  purgation.  » 

i>  JACQuaun,  en  s*en  allant.  (1734.) 

3.  M.  de  Paraaval  (p.  337)  a  relevé,  dans  la  X"  Serée  de  Boucbet  (tome  II, 
F'  179,  de  rédition  de  M.  Roybet),  une  variante  de  la  phraae  proverbiale  em- 
ployée par  Jacqueline  :  il  est  parlé  Ik  de  «  ceux  qui  font  de  leur  estomac  une 
bociiqBe  d'apotlneaira.  » 

*  «  Baron,  QasBstionum  metHearmm  séries  ehronalogiea.  » 

*  M.  de  Paraeval  fait  connaître  lea  idéea  dea  andena  sur  ce  point  par  de 
■^■krenaes  citatiima.  De  Montaigne,  il  vient  de  rapporter  ce  passage  d*un  dia- 
pitie  des  Essais  auquel  noua  avoua  eu  souvent  oecaaion  de  renvoyer  (le  xzxvu* 
^  fine  n,  tome  lU,  p.  x5i)  :  «  Lea  médecins  ne  se  contentent  point  d*avoir  la 
■>f>diecn  gooivcmement;  ils  rendent  la  aanté  malade,  pour  garder  qu'on  ne 
PÛK  en  aucune  aaison  échapper  leur  autorité  :  d'une  santé  constant^  et  en-. 
m,  n'en  tireat-ib  paa  l'aigument  d'une  grande  maladie  future?  »   /  *'  ' 

'  «  Mimmires  et  Journal  sur  la  pie  et  les  ouvrages  de  Bossuet,  publiés  par 
IL  Tabbé  Guettée,...  tome  O,  p.  374  et  975.  » 

*  •  Tomeir,  p.  104,  de  rédition  de  M.  Chéruel.  > 

'  •  Jeumai  de  U  santé  du  roi  Louis  XI F,  p.  X04.  » 

f  Tojei  lea  Imprécationa  de  M.  Purgon,  k  la  aoène  t  de  l'acte  iU  du  Malade 


9^1  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

vous  soumettre  à  la  raison.  '  (Ptilant  k  Gérontie.)  Je  voas 
donne  le  bonjour. 

GBRONTB. 

Attendez  un  peu,  s'il  vous  plaît. 

SGANÀRBLLB. 

Que  voulez- vous  faire  ? 

GBRONTB» 

Vous  donner  de  Targent,  Monsieur. 

86ANARBLLB,  tendant  sa  main  derrière^  par^aatoof  sa  robsi 
tandis  qoe*  Géronte  otiiTre  sa  bonne* 

Je  n'en  prendrai  pas,  Monsieur. 

g^routb. 
Monsieur.... 

sgànàrbllb. 
Point  du  tout. 

GBRONTB. 

Un  petit  moment. 

SGÀNÀRBLLB. 

En  aucune  façon. 

gArontb. 
De  grâce! 

SGÀNÀRBLLB. 

Vous  vous  moquez. 

GBRONTB. 

Voilà  qui  est  fait. 

SGÀNÀRBLLB. 

Je  n'en  ferai  rien. 

GBRONTB. 

Eh! 
I.  SCÈNE  vin. 

OBROITTB,    SOAHARBLLB. 
SOARABKUU.  Je  TOQS.  (l734.) 

a.  Tendant  sa  main  par  derrière^  tandis  que^  tte,  {Ihidam,) 


ACTE  II,  SCÈNE  lY.  9) 

SGàNÀRBLLB* 

Ce  nVst  pas  Targent  qui  me  fait  agir. 

ciaoHTB. 
Je  le  crois. 

SGAlfÀRBLLBy  aprèf  tToir  prit  Taifoit» 

Cela  est-il  de  poids? 

GBROHTB, 

Oui,  Monsieur. 

SGÀlfARBLLB. 

Je  ne  suis  pas  un  médecin  mercenaire. 

GSaONTB. 

Je  le  sais  bien. 

SGANÀRELUI. 

Lmtérêt  ne  me  gouverne  point'. 

G<R01«TB. 

Je  n*ai  pas  cette  pensée.^ 


SCÈNE  V. 

SGÂNARELLE,  LÉANDRE. 

SGAlf  ARBLLBy  regardant  aon  argent. 

Ma  foi!  cela  ne  va  pas  mal;  et  pourvu  que.... 

LiANDRB. 

Monsieur,  il  y  a  longtemps  que  je  vous  attends,  et 
je  Tiens  implorer  votre  assistance. 


I.  Compares  h  cette  aeènc  la  fin  «le  la  scène  na  en  Médecin  poiani^  tome  I, 
P*  86,  et  n»yes  la  note  t  de  cette  dernière  page, 
a.  SouuBxiUy  Muif  regardant  Vargent  ^Ul  a  reçu.  Bla  fbil  etc. 

SCÉME£IX. 

LBAn>RB/tOAlfAABI.LS. 

Ummi.  Monaîear.  (1734.) 


94  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

MÂNARBLLBy  loi  prenant  U  poignet^. 

Voilà  un  pouls  qui  est  fort  mauvais. 

LÉANDaB. 

Je  ne  suis  point  malade.  Monsieur,  et  ce  n'est  pas 
pour  cela  que  je  viens  à  vous. 

SGANARBLLB. 

Si  vous  n'êtes  pas  malade,  que  diable  ne  le  dites-vous 
donc  ? 

L^ANDHB. 

Non  :  pour  vous  dire  la  chose  en  deux  mots,  je  m'ap- 
pelle Léandre,  qui  suis  amoureux  de  Lucinde,  que  voos 
venez  de  visiter;  et  comme,  par  la  mauvaise  humeur 
de  son  père,  toute  sorte  d'accès  m'est  fermé  auprès 
d'elle,  je  me  hasarde  à  vous  prier  de  vouloir  servir  mon 
amour,  et  de  me  donner  lieu  d'exécuter  un  stratagème 
que  j'ai  trouvé,  pour  lui  pouvoir  dire  deux  mots,  d'où 
dépendent  absolument  mon  bonheur  et  ma  vie. 

SGÀlfÀRELLE,  paroimnt  en  colère'. 

Pour  qui  me  prenez- vous?  Comment  oser'  vous 
adresser  à  moi  pour  vous  servir  dans  votre  amour,  et 
vouloir  ravaler  la  dignité  de  médecin  à  des  emplois  de 
cette  nature? 

L^ANDRB.  • 

Monsieur,  ne  faites  point  de  bruit. 

SGÀNÀRELLE,  en  le  faisant  reculer. 

J'en  veux  faire,  moi.  Vous  êtes  un  impertinent. 

LÉAlfDRB. 

Eh!  Monsieur,  doucement. 


I.  Lui  tdtaHtUpomU,  (1734.) 

a.  Ce  jeu  de  teène  ii*e«t  pat  dans  Pédition  de  1734. 

3.  Ceeiest  ponctué  très-diTersemeiit  dans  les  anciennes  éditions  :  Cossaieot! 
oser.  (1673, 1733.) — Comment:  oser.  (1674,  8a.)  —  Comment, oser. (1675 i. 
84  A,  9a,  94B.)  —  Comment?  oser.  (1697*  1710,  18*  3o,  34.)  —  Koospcae- 
taons  comme  Tédidon  originale. 


ACTE  II,  SCÈNE  Y.  qS 

SGANAftBLLB. 

Dn  malavisé. 

uiANDaB. 

De  grâce! 

86AHÀRBLLB. 

Je  TOUS  apprendrai  que  je  ne  suis  point  homme  à 
eela,  et  que  c^est  une  insolence  extrême.... 

lAllfOas,  tirant  niM  bomM  ^*U  lui  doniM*. 

Monsieor..** 

SGÀlfÀRELLS,  tenant  la  bonne. 

De  vouloir  m^employer....*  Je  ne  parle  pas  pour  vouSi 
car  vous  êtes  honnête  homme,  et  je  serois  ravi  de  vous 
rendre  service  ;  mais  il  y  a  de  certains  impertinents  au 
monde  qui  viennent  prendre  les  gens  pour  ce  qu'ils  ne 
sont  pas;  et  je  vous  avoue  que  cela  me  met  en  colère. 

L^ANDnB. 

Je  vous  demande  pardon,  Monsieur,  de  la  liberté 
que.... 

SGÀlfÀRBLLB. 

Vous  vous  moquez.  De  quoi  est-il  question  ? 

LÉÀMDRB. 

Vous  saurez  donc',  Monsieur,  que  cette  maladie  que 
tous  voulez  guérir  est  une  feinte  maladie.  Les  médecins 
ont  raisonné  là-dessus  comme  il  faut  ;  et  ils  n*ont  pas 
manqué  de  dire  que  cela  procédoit,  qui  du  cerveau, 
qoi  des  entrailles,  qui  de  la  rate,  qui  du  foie  *  ;  mais  il 


I.  Tirant  mne  fovrj».  (1734.) 

1.  SoAXAMiXB.  De  Toôloir  m*empIojer....  Recevant  la  bamrse,  [Ibidem,) 

3.  Voot  MTes  doae.  (16S9,  97,  17 10;  bute  éTidente.) 

4.  Aeger  dit  qa*U  y  a  peut-^tre  iei  une  allanoB  à  la  toène  tTaltereation  que 
deaaèrent  les  quatre  médeeint  de  Mazaiiii,  et  qa'ane  lettre  de  Gui  Patia  aoat 
a  fait  eeaaaltre  ;  mais  ▼ojea,  à  la  taite  de  la  citation  de  cette  lettre,  tome  V, 
p.  375,  k  Ifotice  de  C Amour  màdecia,  —  Cet  emploi  familier  de  «  qui,  répété 
plaiicert  fini,  pour  dire  /«#  ■«!...,  tee  aulree,,,.  •  (ou  plutôt,  comme  ici, 
''•a.M,  m  AUirv....),  n'était  paa  appronré  de  Vaagelai  :  «  Cett,  dit-il,  uae 


96  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

est  certain  que  l*amour  en  est  la  véritable  cause,  et  que 
Lucinde  n'a  trouvé  cette  maladie  que  pour  se  délivrer 
d^un  mariage  dont  elle  étoit  importunée.  Mais,  de  crainte 
qu'on  ne  nous  voye  ensemble,  retirons-nous  d'ici,  et  je 
vous  dirai  en  marchant  ce  que  je  souhaite  de  vous. 

86ÀNARELLS. 

Allons,  Monsieur  :  vous  m'avez  donné  pour  votre 
amour  une  tendresse  qui  n'est  pas  concevable;  et  jj 
perdrai  toute  ma  médecine,  ou  la  malade  crèvera,  on 
bien  elle  sera  a  vous. 


fiiçoB  de  parier  qni  ett  fort  en  OMge,  nais  non  pat  parmi  let  «scaDeBU  ccri* 
Tains.  •  Vojei  les  exemples  de  Régnier,  de  Bakac,  de  Bossoet,  qa'ta  rapporte 
le  Dictionnaire  de  M,  Ùttri. 


FIN   DU   SBGOND   ACTB. 


ACTE  III,    SCÈNE  I.  97 


ACTE  IIP. 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

SGANARELLE,  LÉANDRE*. 

LÉ ANDRE. 

Il  me  semble  que  je  ne  suis  pas  mal  ainsi  pour  un 
apothicaire;  et  comme  le  père  ne  m'a  guère  vu,  ce 
changement  d*habit  et  de  perruque  est  assez  capable, 
je  crois,  de  me  déguiser  à  ses  yeux. 

SGÀNARBLLB. 

Sans  doute. 

LÉÀMDRS. 

Tout  ce  que  je  souhaiterois  seroit  de  savoir  cinq  ou 
sii  grands  mots  de  médecine,  pour  parer  mon  discours 
et  me  donner  Tair  d'habile  homme. 

SGANARBLLB. 

Allez,  allez,  tout  cela  n'est  pas  nécessaire  :  il  suffit 
(le  rhabit,  et  je  n'en  sais  pas  plus  que  vous. 

LÉANDRB. 

Comment? 

I.  L'actioii,  noiM  TaTOiis  dit  (ci-deMiM,  p.  34),  •  été  Traisemblablemoit,  au 
Keond  acte,  transportée  de  la  campagne  à  la  ville.  Dans  ce  troi&ième  acte,  le 
tbèàtre  doit  représenter  soit  une  chambre,  soit  le  jardin  de  la  maison  de  Gé- 
roate  ;  Léandre  peut  pénétrer  dans  ee  jardin,  comme  il  a  pu  pénétrer  dans  la 
luiaoD  même  ;  il  est  clairement  indiqué,  au  début  de  la  scène  yi,qne  Lucinde 
7  vient  Êiire  on  tour  de  promenade,  et  c*est  bien  dans  un  tel  lieu  que  la  ^ra- 
^vc  de  rédition  originale  montre  les  personnages  de  cette  scène  vi  ;  il  n*y  a 
*«enne  néeessité  de  supposer  avec  Auger  un  changement  de  décor  h  la  troisième 

aederaete. 

>•  liA«DBB,    MSAVABBLLB.  (iVH') 

MOUJUIB.    YI  7 


9$  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

SGANARELLE. 

Diable  emporte  si*  j'entends  rien  en  médecine  !  Vous 
êtes  honnête  homme,  et  je  veux  bien  me  confier  à  vous, 
comme  vous  vous  confiez  à  moi. 

LÉANDRE. 

Quoi?  vous  n'êtes  pas  effectivement.... 

SGANÀRKLLB. 

Non,  vous  dis-je  :  ils  m'ont  fait  médecin  malgré  mes 
dents*.  Je  ne  m'étois  jamais  mêlé  d'être  si  savant  que 
cela;  et  toutes  mes  études  n'ont  été  que  jusqu'en 
sixième.  Je  ne  sais  point  sur  quoi  cette  imagination  leur 
est  venue;  mais  quand  j'ai  vu  qu'à  toute  force  ils  vou- 
loient  que  je  fusse  médecin,  je  me  suis  résolu  de  Têtre, 
aux  dépens  de  qui  il  appartiendra.  Cependant  vous  ne 
sauriez  croire  comment  l'erreur  s'est  répandue,  et  de 
quelle  façon  chacun  est  endiablé  à  me  croire  habile 
homme.  On  me  vient  chercher  de  tous  les  côtés*;  et  si 
les  choses  vont  toujours  de  même,  je  suis  d^avis  de 
m'en  tenir,  toute  ma  vie,  à  la  médecine.  Je  trouve  que 
c'est  le  métier  le  meilleur  de  tous;  car,  soit  qu^on  fasse 
bien  ou  soit  qu'on  fasse  mai,  on  est  toujours  payé  de 
même  sorte  :  la  méchante  besogne  ne  retombe  *  jamais 
sur  notre  dos;  et  nous  taillons,  comme  il  nous  plaît, 
sur  l'étoffe  où  nous  travaillons.  Un  cordonnier,  en  fai- 
sant  des  souliers,  ne  sauroit  gâter  un  morceau  de  cuir 
qu'il  n'en  paye  les  pots  cassés  '^  ;  mais  ici  l'on  peut  gâter 

X.  Il  y  a  ellipse  de  me  ou  de  vous^  mais  bien  pIutAt  de  me.  Aree  qadqur 
semblable  ellipse,  on  dit  :  «  Au  diable  ou  du  diable  si...!  »  CVst  nneaffinnatioti, 
avec  imprécation  contre  soi-même,  comme  le  tour  latin  :  Inteream  si.,,,  «  que  jr 
meure  si....  »  :  voyez,  entre  antres  exemples,  Horace,  lirre  I,  satire  ix.,  ren  39. 
On  a  déjk  vn  plus  haut  (p.  64  ^^  65)  Sganarelle,  niant  avee  mauraise  bamea: 
ou  vivacité,  employer  cette  même  locution.  Comparez  tome  IV,  p.  45 1,  note  1. 

3.  Quelque  défense  que  j'aie  faite  :  voyez  tome  H,  p.  aoi,  note  i. 

3.  De  tons  côtés.  (i68a,  1734.) 

4.  fie  tombe.  (i68a,  97,  1710,  18,  3o,  33.) 

^.  «  Morceau  de  cuir  »  et  «  pots  cassés  1»  Sont  une  métaphore  plaisammeot 


ACTE  111,   SCENE  I.  99 

un  homme  sans  qtt*il  en  coûte  rien.  Les  bémes  ne  sont 
point  pour  nous  ;  et  c'est  toujours  la  faute  de  celui  qui 
meurt.  Enfin  le  bon  de  cette  profession  est  qu'il  y  a 
parmi  les  morts  une  honnêteté,  une  discrétion  la  plus 
grande  du  monde  ;  et  jamais  '  on  n'en  voit  se  plaindre 
du  médecin  qui  Ta  tué*. 

LÉ ANDRE. 

Il  est  vrai  que  les  morts  sont  fort  honnêtes  gens  sur 
cette  matière. 

ÎMohéreote,  ou  plutôt  moatrent  que  U  location  £iiniUère  :  «  en  payer  les  pots 
CMsés,  »  a  prit  le  sens  propre  et  abstrait  de  «  payer  les  fraû  du  dommage 
qa*oa  a  cassé,  •  et  Ta  pris  si  bien,  qu^ello  •*enploie  sans  égard  k  Torigiae 
mctaphorique.  Voyea  les  exemples  de  Aegater  et  de  Voltaire  eités  par  M.  Littré 
à  Psitide  Pot,  fin  de  i*. 
I.  Dn  monde  :  jamais.  (1663,97,  1710,  18,  3o,  33,  34.) 
a.  Molière  a  construit  la  phraw  et  Csit  aeeorder  le  partieipe  comme  sUl  y 
avait  :  «  jamais  on  n*en  voit  un  se  plaindre,  etc.  »  —  Petitot  (tome  III  des 
0Eu9ret  de  Molière^  p.  489  et  490)  cite  et  traduit  un  passage  d*uoe  nouTelle 
ds  CerraDtes,  intitulée  U  Licencié  f^idriera^   où  il  lui  semble    qu*ont  été 
pniicM  ces  réflfxions  de  Sganarelle.  C*est   une  des  boutades  du  licencié,  du 
kcros  de  la  nouyelle,  devenu  fou,  mais  resté  d*aiUears  fort  sérieux  en  son  lan- 
gage*. «  Le  juge  peut  yioler  la  justice  00  la  retarder;  Pavoeat  peut,  par  intérêt, 
•oatenir  une  mauvaise  cause  ;  le  marchand  peut  nous  attraper  notre  argent  ; 
«afin  tontes  les  personnes  avec  lesquelles  la  nécessité  nous  force  de  traiter  peu- 
vent nous  faire  quelque  tort  ;  mais  aucune  ne  peut  nous  Ater  impunément  la 
ne.  Les  médecins  seuls  ont  ce  droit  \  ils  peuvent  nous  tuer  sans  en  craindra  les 
•cites,  et  sans  employer  d*autres  armes  que  quelques  remèdes  ;  leurs  bévues 
ae  se  découvrent  jamais,  parce  que,  au  moment  même,  la  terre  les  couvre  et 
las  dit  oublier.  »  Il  n*y  a  guère  là   que  le  développement  un  pen  lent  de 
dcax  BMts  que  Montaigne  rappelle  dans  ce  chapitre  xxxtii  du  livre  II,  tout 
rcsupK  de  la  satire  de  la  médecine  et  des  médecins  :  «  Un  médecin  vantoit  à 
Hicodès  son   art  être  de  grande  autorité  :   «  Vraiment  c*est  mon  {c'est  mon 
anr*),   dit  Kieodés,    qui    peut  [un  art  fui  peut)  impunément  tuer   tant 
«  de  gens  »  (tome  111,  p.  l57).  Et  un  peu  plus  haut  (p.  i54)  :  «  lis  (les  médecins) 
oat  cet  heur,  selon  llicoclcs,  que  «  le  soleil  éclaire  leur  succès  et  la  terre  cache 
•  laer  bute  «.•  Si  Sganarelle  dit  la  même  chose,  c*est  du  moins  bien  à  sa  manière. 

*  Voycs  dans  le  Cervantes  de  la  collection  Rivadeneyra ,  p .  1 5a ,  colonne  1  • 

*  Vojiez  le  Lexique  de  Cormeille,  à  Particle  Mon. 

*  D'après  Coste.  c*est  dans  le  recueil  des  moines  grecs  Antonius  et  Maximus, 
joint  aux  premières  impressions  de  Stobée,  qu*ont  d*abord  été  rapportés  les 
deax  traits  satiriques  de  ce  Nicoclès  :  voyez,  dans  le  Stobée  de  Ge.<aer  (Pranc- 
lert,  i5^i),  le  sermo  fx:xi.T  (mis  sous  le  nom  des  deux  moines),  au  haut  de  la 
page  8o5.  La  sceoade  de  ces  épigrammes  «  se  trouve  dans  les  Talmudbtes,  » 
dit  M.  de  Parseval  (p.  34o,  note  3). 


loo  LE  MEDECIN  MALGRÉ  LUI. 

BGANÀftSLLBy  Toyant  dei  lionimet  qui  Tiennent  rm  loi*. 

Voilà  des  gens  qui  ont  la  mine  de  me  venir  consul- 
ter. *  Allez  toujours  m*attendre  auprès  du  logis  de  votre 
maîtresse. 


SCENE  II. 

THIBAUT,  PERRIN,  SGANARELLE. 

THIBAUT. 

Monsieu,  je  venons  vous  charcher,  mon  fils  Perrin 
et  moi. 

SGAKARELLB. 

Qu'.y  a-t-il? 

THIBAUT. 

Sa  pauvre  mère,  qui  a  nom  *  Parette,  est  dans  un  lit, 
malade,  il  y  a  six  mois. 

SGAIfARBLLB,  tendant  la  main  comme  pour  receroir  de  l'argent. 

Que  voulez*vous  que  j'y  fasse  ? 

THIBAUT. 

Je  voudrions*,  Monsieu,  que  vous  nous  baillissiez 
quelque*  petite  drôlerie*  pour  la  garir. 

SGAIfARBLLB. 

Il  faut  voir  de  quoi  est-ce  qu'elle  est  malade^. 

I.  Qui  viennent  à  lui.  (1673,  74,  Sa,  1734.) —  a.  A  Litmdre,   (1734.) 

3.  Qui  a  pour  nom.  (Ibidem,) 

4.  Je  youdroit.  (i68a,  97,  1710^  18,  3o,  33.) 

5.  Queuqae.  (i73o,  34.) 

6.  Dans  le  Bourgeoi*  gentilhomme^  M.  Jourdain  n'emploie  pas  moins  plai- 
lamment  le  mot,  quand,  8*adresiant,  à  son  entrée  (acte  1,  scène  n),  an  mettre 
de  musique  et  an  maître  k  danser,  il  leur  dit  :  «  Hé  bien  !  Messieurs?  qa*est-ee? 
me  £eres-votts  voir  TOtre  petite  drôlerie  ?  » 

7.  11  faut  Toir.  De  quoi  est-ce  qu'elle  est  malade?  (1734.)  —  L^éditeurde 
1734  s*est  imaginé  à  tort  que  Toriginal  avait  été  mal  ponctué.  La  réunion  en 
une  seule  phrase,  comme  la  fait  Sganarelle,  est  un  tour  populaire,  pioa  vif 
que  cet  autre,  populaire  aussi  et  peut-être  plus  grammatical  :  «  Il  bat  voir 
(le  quoi  c^est  qu^eÛe  est  malade.  » 


ACTE  III,  SCÈNE  II. 


lOl 


THIBAUT. 

Aile  est  malade  d^hypocrisie,  Monsieu. 

SGAKARBLLB. 

D'hypocrisie  ? 

THIBAUT. 

Oui,  c  est-à-dire  qaaile*  est  enflée  par  tout;  et  l'an 
dit  que  c*est  quantité  de  sériosités  qu'aile  a  dans  le 
corps,  et  que  son  foie,  son  ventre,  ou  sa  rate,  comme 
vous  voudrais  Tappeler,  au  glieu  de  faire  du  sang,  ne 
fait  plus  que  de  Tiau.  Aile  a,  de  deux  jours  l'un,  la  fièvre 
quotiguennci  avec  des  lassitules*  et  des  douleurs  dans 
les  mufles  des  jambes.  On  entend  dans  sa  gorge  des 
fleumes  •  qui  sont  tout  *  prêts  à  l'étouffer  ;  et  par  fois  *  il  lui 
prend  •  des  syncoles  et  des  conversions,  que  je  crayons 
qu'aile  est  passée.  J'avons  dans  notte  village  un  apothi- 
caire, révérence  parler'',  qui  li  a  donné  je  ne  sai  combien 
d'histoires;  et  il  m'en  coûte  plus  d'eune  douzaine  de 
bons  écus  en  lavements,  ne  v's  en  déplaise,  en  apo- 
stumes  '  qu'on  li  a  fait  prendre,  en  infections  Me  jacinthe, 

I.  Qa'eDe.  (1674.  Sa,  ga,  97, 1730.) 
a.  Des  iMtitadM.  (1673,  74,  Sa,  1734.) 

3.  «  On  Toit  par  Iliistoriqae  [du  mot)^  dit  M.  Littré  2t  la  fin  de  Tarticle 
PuoME,  f\n9  flemme  00  /lume  da  peuple  est,  non  nne  faate,  mais  un  archaïsme.  » 

4.  U  y  •  iH«n  ici  tottf,  et  non, comme  k  I*ordinaire,  tous^  dans  nos  anciennes 
éditions. 

5.  A  réCoof&r;  par  Ibis.  (i68a.)  —  6.  11  li  prend.  (1734.) 

7.  Ce  petit  correctif  de  la  âvilité  TiUageoise  est  ici  d'un  effet  très«comique . 
Tout  à  rhenre,  dans  la  scène  t,  le  nom  d'apothicaire  paraîtra  inspirer  un 
•emblablc  scrapole  de  pudeur  k  Sganarelle,  qui  le  Ciit  seulement  entendre  par 


8,  Cjrano  Bergerac,  dans  sa  lettre  Contre  les  médecins'^  (p.  179),  a  em- 
ployé apœume  pour  apozème  (décoction).  On  sait  que  la  Fonuine  (fable  vin 
du  lirre  VIII,  le  Ckevçl  et  le  toup^  vers  a3)  a  en  quelque  sorte  consacré  la 
forme  apostume  au  lieu  d*apoâtème  (abcès),  qui  eût  été  plus  régulier.  Ces  deux 
ferme»  apùsume  et  apostume  éUnt  ainsi  en  usage,  la  confusion  que  fait  Thibaut 
P«nlt  toute  naturelle. 

9.  y>nt  il  dire  injwetiitê?  plm4t  pent^tr#  m/heûms,:  voy^s  cependant  Jes 

•  Citée  ci-deasos,  p.S3,  note  i. 


I02  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

et  en  portions  cordales.  Mais  tout  ça,  comme  dit  Tautre  \ 
n*a  été  que  de  Tonguent  miton  mitaine.  li  veloit  li  bailler 
d'eune  certaine  drogue  que  Ton  appelle  du  vin  amétile'; 
mais  j*ai-s-eu  peur,  franchement,  que  ça  renvoyit  à 
patres;  et  Tan  dit  que  ces  gros  médecins  tuont  je  ne  sai 
combien  de  monde  avec  cette  invention -là. 

SGANÀRBLLE,  tendant  tonjonrs  U  main  et  la  branlant,  comme 
pour  signe  qu*il  demande  de  Targent. 

Venons*  au  fait,  mon  ami,  venons  au  fait. 

THIBAUT. 

Le  fait  est,  Monsieu,  que  je  venons  voua  prier  de 
nous  dire  ce  qu'il  faut  que  je  fassions. 

SGANÀRBLLB. 

Je  ne  vous  entends  point  du  tout*. 

«xemple»  e\xk%  par  M.  Littré  à  l'historique  da  root  Ihjection,  •nrtont  celui 
-d*A.inbroise  Paré. 

I .  Comme  l*on  dit.  Cette  phrase  proverbiale  a  été  employée  par  le  Pierrot 
de  Dont  Juan  (tome  V,  p.  io3)  ;  il  y  en  a  des  exemples  dans  YAgréahU  ron/^r- 
rence  de  deux  paysans  *  (p.  8),  et  dans  le  Pédant  joui  (p.  39  et  p.  49]  ;  Racine 
l*a  employée  sans  comme  dans  le  vers  6  des  Plaideurs  s 

On  apprend  à  hurler,  dit  Taotre,  aree  les  loups. 

a.  Sur  le  rin  émétiqne,  dont  parle  iei Thibaut,  Toyes  tome  V,  p.  iS?,  note  3. 
'3.  SoANARBLLa,  tendant  toujours  la  main.  Venons.  (1734.) 
4.  M.  Dexpoîs  a  noté  que  ce  trait  de  comédie  se  trouve  nettement  indiqué 
duos  de  vieux  vers,  bien  longtemps  inédits,  et  assurément  ioconnos  de  Molière, 
dans  une  Lettre  sur  Vitat  d*avocation  d*£ttstache  Deschamps  ;  voyez  page  zltz 
du  Précis  historique  et  littéraire  sur  Eustuche  Desckamps  mis  en  tête  du  dMis 
de  ses  Poésies  morales  et  historiques*  pnhUê  par  Crapelet  en  iS3a.  S'adreeaant 
aux  trois  avocats  auxquels  il  envoie  son  épttre,  le  poète  leur  dit  : 

Chacun  va  votre  aens  requerra 
Et  votre  aide  demander 
Pour  Targent  ;  car  qui  truander  ^ 
hk  voudroit,  bien  sauriez  répondre  : 
«  Amis,  fai  ta  gelîne  pondre, 
Et  apporte  assez,  c*pst  de  quoi  '  ; 
Car  en  ton  Cait  goutte  ne  voi.  » 

—  On  trouve  un  même  dessin    de  seèue  (un  souvenir  pent-étre  de  quelque 

'  Que  nous  avons  citée  au  tome  V,  p.  106,  note  7. 
^  Mendier  seulement  votre  avis,  vous  le  voler,  ne  le  pas  payer. 
^  C*est  de  Pargent  {du  quibus]  que  je  veux  dire  ;  ou  bien  :  c*ett  de  quoi  U 
•est  question,  c*est  ce  qu'il  s'agit  de  faire? 


ACTE  III,  SCENE  II.  lo) 

PERRIlf. 

Monsieu,  ma  mère  est  malade;  et  velà^  deux  écus 
que  je  vous  apportons  pour  nous  bailler  queuque  re- 
mède. 

SGAlfÀRELLIZ. 

Ah  !  je  vous  entends,  vous*.  Voilà  un  garçon  qui  parle 
clairement,  qui  s'explique^  comme  il  faut.  Vous  dites 
que  votre  mère  est  malade  d*hydropisie,  qu^elle  est 
enflée  par  tout  le  corps,  qu^elle  a  la  fièvre,  avec  des 
douleurs  dans  les  jambes,  et  qu'il  lui  prend  parfois 
des  syncopes  et  des  convulsions,  c'est-à*dire  des  éva- 
nouissements ? 

PEHRIN. 

Eh!  oui,  Monsieu,  c'est  justement  ça. 

sgànàrelle. 

l'ai  compris  d'abord  vos  paroles.  Vous  avez  un  père 
qui  ne  sait  ce  qu'il  dit.  Maintenant  vous  me  demandez 
un  remède  ? 

PERRIN. 

Oui,  Monsieu. 

SGÀNÀRELLE. 

Un  remède  pour  la  guérir  ? 

PBRRIN. 

C'est  comme  je  l'entendons. 

ueienne  Ciree)  daas  les  Plaisantes  Journées  du  sieur  Favoral  :  Toyea  ITiis- 
toiiv,  aiaex  platement  contée  d*aiUears,  des  Deux  vers  de  l*Avocaf  enfers  une 
f«f^  (p.  Ii4  e<  1 15  de  rédition  de  1644). 

I.  Etviâ.  (1734.) 

^.  Àimé-Mardtt  rappelle  iei  eejoli  passage  de  Montaigne  (IItta  II,  cha- 
pitre ui,  tome  II,  p.  365  et  366)  :  «  Voas  récites  simplement,  nne  caose  à 
Tavocat  :  il  vous  y  répond  chancelant  et  douteux;  vous  senter.  qu'il  lui  est 
ladifierent  de  prendre  à  soutenir  Pun  ou  l'autre  purti.  L*avez-vcmH  bien  pnyé 
pour  y  mordre  et  pour  s'en  formaliser  (s*jr  appliquer),  commence  il  d*en  être 
ntéressé,  y  a  il  échanfiEe  sa  Tolonté  :  sa  raison  et  sa  science  s*y  écbinflîmt  quand 
«t  qnand  ;  Toilà  une  apparente  et  indubitable  rérité  qui  se  présente  à  son 
entendement;  il  y  découTre  nne  tonte  nonrelle  lumière....  » 

3.  Et  qui  s*espliqne.  (i6Sa,  1734.) 


io4  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUL 

SGÀNÀRBLLB. 

Tenez,  voilà  un  morceau  de  fonnage^  qu*il  faut  que 
voua  lui  fassiez  prendre. 

PERRIN. 

Du  fromage,  Monsieu? 

SGÀIIARBLLB. 

Oui,  c^est  un  formage  préparé,  où  il  entre*  de  Tor, 
du  coral',  et  des  perles,  et  quantité  d'autres  choses 
précieuses^. 

PBRRIlf. 

Monsieu,  je  vous  sommes  bien  obligés  ;  et  j'allons  li 
faire  prendre  ça  tout  à  Theure. 

SGAlfÀRBLLE. 

Allez.  Si  elle  meurt,  ne  manquez  pas  de  la  faire 
enterrer  du  mieux  que  vous  pourrez*. 


I .  Par  eette  forme,  qui  s*est  oonseryée  dans  quelques-unes  de  noa  proTÎuees, 
et  qui,  au  reste,  est  plus  fidèle  à  Tétymologie,  forme  que  Sganarelle  ts 
maintenir  dans  sa  réplique,  et  qu'il  a  peut-être  apprise  de  son  grand  médecin, 
il  eroit  sans  doute  reletier  déjà  son  fromage  médical.  C*est,  arec  nae  petite 
▼ariante,  la  forme  employée,  au  seiaième  siècle,  par  Olivier  de  Serres  (vojei 
ehex  M.  Littré,  Tbistorique  du  mot  PnoMAos),  et  par  Henri  Eitiemae,  qui 
rappelle  en  ces  termes  un  de  nos  rieux  proverbes  emprunté  aux  préceptes  des 
médecins  de  Saleme  :  «  Tout  fourmage  est  bien  sain  Qui  rient  de  diiche  main.  » 
{J}e  la  PrécelUnce  du  langage  françois^  x579«  P*  '7^-)  —  Dans  les  éditiou 
de  169a,  17 10,  18,  3o,  33,  34,  on  a,  ici  et  dans  la  réplique  suiTante  de 
Sganarelle,  imprimé  yromo^e.  C'est  à  Perrin  que  celle  de  16^  fait  dire 
formage^  comme  terme  de  son  patois. 

a.  Où  il  y  entre.  (1673,  74,  8a.)  —  3.  Du  corail.  (1684A,  94  B,  1734.) 

4<  Dans  un  curieux  spécimen  des  compositions  pharmaceutiques  da  temps 
que  donne  M.  Raynaud,  p.  335,  on  remarque  aussi  de  Témeraude,  da  saphir, 
de  Tor  et  argent  pur  en  leuilles,  des  perles,  du  corail  blanc  et  roug«.  Entre 
autres  remèdes  qu'il  faisait  prendre  à  son  maître  en  i655,  Vallot  a  noté  cdui- 
ei  (p.  46  du  Journal  de  la  santé  du  Roi)  :  ■  Je  me  suis  serri  d'antres  taKIettcs, 
que  j'ai  fiiit  préparer  avec  mon  or  diapborétique,  les  perles  préparées  et  mon 
specificum  ttomaehicum,  • 

5.  «  Cette  scène  n'est'  qu'épisodiqne,  dit  Anger  en  i8ao;  die  ralentit 
l'action....  Les  comédiens  la  passent  à  la  représentation.  •  On  «ne  la  paaaait 
ni  du  riTsat  de  Molière  ni  encore  assez  longtemps  après:  cela  est  proaré  par  la 
mention  qui  est  faite,  dans  le  Mémoire  de.»,,  décorations  (d-deasos,  p.  34* 
note  a),  du  morceau  de  fromage  que  Sganaralle  remet  aux  paysans. 


ACTE  III,  SCÈNE   IIL  loS 


SCENE     III. 
JACQUELINE,  SGANARELLE,  LUCAS '. 

8GÀNÀRELLE. 

Voici  la  belle  Nourrice.  Ah  !  Nourrice  de  mon  cœur, 
je  sois  ravi  de  cette  rencontre,  et  votre  vue  est  la  rhu- 
baribe,  la  casse,  et  le  séné  qui  purgent  toute  la  mélan- 
colie de  mon  âme. 

JACQUELINE. 

Par  ma  figue  !  Monsieu  le  Médecin,  ça  est  trop  bian 
(lit  pour  moi,  et  je  n'entends  rien  à  tout  votte  latin*. 

SGANARELLB. 

Devenez  malade,  Nourrice,  je  vous  prie;  devenez 
malade,  pour  Tamour  de  moi  :  j'aurois  toutes  les  joies 
du  monde  de  vous  guérir. 

JACQUELINE. 

Je  sis  votte  sarvante'  :  j'aime  bian  mieux*  qu'an'  ne 
me  guérisse  *  pas. 

SGANARELLE. 

Que  je  vous  plains,  belle  Nourrice,  d'avoir  un  mari 
jaloux  et  fâcheux  comme  celui  que  vous  avez  ! 

JACQUELINE. 

Que  velez-vous',  Monsieu?  c'est  pour  la  pénitence 
de  mes  fautes  ;  et  là  où  la  chèvre  est  liée,  il  faut  bian 
qu'aile  y  broute*. 


!•  «AGQCTLIVB,  SOASABBLLI,   LUCAS  Hmu  U  fomà  J»  théâtre.  {l'jH') 

t.  Voira  Utin.  (1674,  8a,  1734.) 

3.  Voira  forante.  (17 18.)  —  Voira  urTante.  (169a,  97,  17 10,  33,  34*) 

4*  Biea  mieux.  (1675  A,  84 A,  94  B.)  —  5.  Qu*oii.  (1718.) 

6.  Goarisse.  (1673,  74«  83,93,  1730,  33.)  — GarUse.  (1697,  1710,  34*} 

7.  Qoe  Toalev-Toos.  (i68a.)  —  Que  vlex-roiit.  (1734.) 

8.  Voycs  dans  let  FarUtit  kiêtoriquMs  et  littérairti  de  M.  Édoaard  Fonrnier, 


io6  LE  MEDECIN  MALGRE  LUL 

SGANARBLLB. 

Commeut?  un  rustre  comme  cela!  un  homme  qui 
vous  observe  toujours,  et  ne  veut  pas  que  personne 
vous  parle! 

JACQUELINE. 

Hélas!  vous  n'avez  rien ^  vu  encore,  et  ce  n'est  qu'un 
petit  échantillon  de  sa  mauvaise  humeur*. 

SGANARELLE. 

Est-il  possible  ?  et  qu'un  homme  ait  Tame  assez  basse 
pour  maltraiter  une  personne  comme  vous?  Ah!  que 
j'en  sais,  belle  Nourrice,  et  qui  ne  sont  pas  loin  d'ici, 
qui  se  tiendroient  heureux  de  baiser  seulement  les 
petits  bouts  de  vos  petons  !  Pourquoi  faut-il  qu*une 
personne  si  bien  faite  soit  tombée  en  de  telles  mains  ^ 
et  qu'un  franc  animal,  un  brutal,  un  stupide,  un  sot...? 
Pardonnez-moi,  Nourrice,  si  je  parle  ainsi  de  votive 
mari. 

JACQUELINE. 

Eh  !  Monsieu,  je  sai  bien*  qu'il  mérite  tous  ces  noms- 
là. 

SGANARELLE. 

Oui,  sans  doute,  Nourrice,  il  les  mérite;  et  il  méri- 
teroit  encore  que  vous  lui  missiez  quelque  chose  sur  la 
te  te,  pour  le  punir  des  soupçons  qu'il  a. 

JACQUELINE. 

Il  est  bien  vrai  que  si  je  n'avois  devant  les  yeux  que 


tome  IX,  p.  175  et  note  i,  deux  ancieiu  exempleg  de  ce  prorerbe,  et  tome  lY, 
p.  9,  du  même  onvrage,  ane  Tariante  très- voisine.  11  est  aussi  dans  Rraotftme, 
mais  avec  une  autre  application  (Discours  sur  les  couronnels  de  VinfutUrie 
de  France,  tome  VI,  p.  148,  de  l'édition  des  Œuvres  complètes  pnbliee,  pour 
la  Société  de  Tbistoire  de  France,  par  M.  Lalanne)  :  <  U  où  la  chièrra  est 
atucbée,  il  l*y  faut  laisser  bronter.  • 
I.  Rian.  (1773.)  —  a.  Himeur.  (1734. 

3.  En  de  pareilles  mains.  {Ibidem.) 

4.  Bian.  (i68a,  1734) 


ACTB  m,   SCÈNE  III.  107 

son  intérêt,  il  pourroit  m'obliger  à  queuque   étrange 
chose. 

sgànàrellb. 
Ma  foi  !  vous  ne  feriez  pas  mal  de  vous  venger  de  lui 
avec  quelqu'un..  Cest  un  homme,  je  vous  le  dis,  qui 
mérite  bien   cela;    et   si  j'étois  assez   heureux,   belle 
Nourrice,  pour  être  choisi  pour.... 

(En  eet  endroit,  tous  deux  aperceTanfc  Lacas  qui  étoit  derrière  eux  et  cnten- 
doit  lear  dialogue,  diaenn  se  retire  de  son  côté,  mais  le  Médecin  d*tine  ma- 
nicre  fort  pbÎMBte  *.) 


SCÈNE  IV, 

GÉRONTE,   LUCAS. 

GBRONTE. 

Holà!  Lucas,  n'as-tu  point  vu  ici  notre  médecin  ? 

LUCAS. 

Et  oui,  de  par  tous  les  diantres',  je  Tai  vu,  et  ma 
femme  aussi. 

GiaONTE. 

Oh  est-ce  donc  qu'il  peut  être  ? 

LUCAS. 

Je  ne  sai;  mais  je  voudrois  qu'il    fut    à    tous   les 
goebles'. 

GÉRONTE. 

Va-t'en  voir  un  peu  ce  que  fait  ma  fille. 


I.  Doju  le  temps  que  SganarelU  tend  le*  broê  pour  embrasser  Jacqueline, 
^^^^  passe  sa  tiu  par-dessous,  et  se  met  entre  eux  doux.  SgaaareUe  etJac' 
f^iûu  regardent  Lucas  y  et  sortent  chacun  de  leur  côté.  (l  734.) 

a.  OUntea.  (1673,  74t  8a,  ça,  97,  1710,  x8.) 

3.  A  toos  les  guiebles.  (1697,  17 10,  18,  33.)  —  A  tons  les  diables.  (1734, 
«Mi»  non  1773.)  —  Voyesd-dessos,  p.  48,  note  3. 


i.o8       LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 


SCENE  V. 

SGANARELLE,  LÉANDRE,  GÉRONTE. 

GGRONTB. 

Ah  !  Monsieur,  je  demandois  où  vous  étiez. 

SGAMÀRELLE. 

Je  m*étois  amusé  dans  votre  cour  à  expulser  le  su- 
perflu de  la  boisson.  Comment  se  porte  la  malade? 

GBRONTB. 

Un  peu  plus  mal  depuis  votre  remède. 

SGANARELLE. 

Tant  mieux:  c^est  signe  qu'il  opère. 

GÉRONTE. 

Oui;  mais,  en  opérant,  je  crains  qu'il  ne  Tétouffe^ 

SGANARELLE. 

Ne  vous  mettez  pas  en  peine  :  j'ai  des  remèdes  qui 
se  moquent  de  tout,  et  je  l'attends  à  l'agonie. 

GÉRONTE*. 

Qui  est  cet  homme-là  que  vous  amenez? 

SGANARELLE,  faisant  des  signes  avec  la  main  que  c'est' 

nn  apothicaire. 


\ji  esi*  * .  • 

Quoi? 

Celui.... 

Eh? 


GERONTE. 

SGANARELLE. 
GiaONTE. 


I.  Voyez  ci-dessus,  p.  83  et  note  i. 

a.  GiaoRTa,  montrant  Lèandre.  (1734.) 

3 avec  la  main^  pow  montrer  que  e'ett^  ««0.  (lUdam,) 


ACTE  III,  SCENE  Y.  109 

MAHARSLLB. 


Qui.... 

GUOHTE. 

Je  Yoas  entends. 

8GAHARBLLB. 

Votre  fille  en  aura  besoin. 


SCÈNE  VL 

JACQUELINE,  LUCINDE,  GERONTE,  LÉANDRE, 

SGANARELLE*. 

lACQUBLIlIB. 

Monsiea,  velà  votre  fille  qui  veut  un  peu  marcher. 

8G4NARELLB. 

Cela  lui  fera  du  bien.*  Allez-vous-en,  Monsieur  TApo- 
thicaire,  tâter  un  peu  son  pouls,  afin  que  je  raisonne 
tantôt  avec  vous  de  sa  maladie. 

(En  cet  endroit,  fl  tire  Géronte  i  om  boot  du  théâtre,  et,  lai  passant  un  bms 
■ar  les  épaolea,  lui  rabat  la  main  sons  le  menton,  avec  laquelle  il  le  fait 
retovner  vers  lui,  lorsqu^il  Teut  regarder  ce  que  sa  fille  et  rapothicaire 
font  easenUe,  Ini  tenant  cependant  le  diseonrs  soivant  pour  Tamuser*  :) 

Monsieur,  c'est  une  grande  et  subtile  question  entre 
les  doctes*,  de  savoir  si  les  femmes  sont  plus  faciles  à 
guérir  que  les  hommes.  Je  vous  prie  d'écouter  ceci,  s'il 
vous  plait.  Les  uns  disent  que  non,  les  autres  disent  que 


>•   LUCmDB,  GSHOirrB,  LBANORB,  JACQUSLIHB,  SOAHARBLLE.   (1734.) 

2.  A  Uandre.  (1734*  nuii*  non  1773.) 

)■  SfmHortlte  tire  Géronte  dans  un  coin  du  théâtre^  ft  fui  fasse  un  bras 
f^  les  épaules  /wiir  Vempéeher  de  tourner  la  tête  du  cSté  ok  sont  Lèandre  et 
Laeinde.  (1734.)  ~  «  Léandre  déguisé  en  apothicaire  pour  parler  h  Lucinde, 
dit  Aûné-itartin,  est  dans  la  ménie  situation  que  le  Clitandre  de  V Amour 
^lédeàn  {acte  111,  scène  Yl).  Le  jeu  de  Sganarelle,  qui  empêche  Géronte  d*en- 
^di«  l'entretien  des  deux  amants,  est  le  même  que  celui  d'Hali  dans  le 
Sieiliem  (scène  xii).  » 

4.  Entre  les  docteurs.  (1673,  74,  Sa,  1734.) 


no  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

oui;  et  moi  je  dis  qae  oui  et  non:  d^autant  que  Tio- 
congruité  des  humeurs  opaques  qui  se  rencontrent  au 
tempérament  naturel  des  femmes  étant  cause  que  la 
partie  brutale  veut  toujours  prendre  empire  sur  la  sensi- 
tive^  on  voit  que  Tinégalité  de  leurs  opinions  dépend  du 
mouvement  oblique  du  cercle  de  la  lune  ;  et  comme  le 
soleil,  qui  darde  ses  rayons  sur  la  concavité  de  la  terre, 
trouve.... 

LUCINOB  *. 

Non,  je  ne  suis  point  du  tout  capable  de  changer  de 


sentiments'. 


GÉRONTE. 


Voilà  ma  fille  qui  parle  !  O  grande  vertu  du  remède  ! 
O  admirable  médecin  !  Que  je  vous  suis  obligé,  Monsieur, 
de  cette  guérison  merveilleuse  !  et  que  puis-je  faire  pour 
vous  après  un  tel  service  ? 

SGANARELLE,  se  promenant  snr  le  théâtre,  et  l'essayant  le  front   • 

Voilà  une  maladie  qui  m'a  bien  donné  de  la  peine  ! 

LUCmOE. 

Oui,  mon  père,  j'ai  recouvré  la  parole  ;  mais  je  l'ai 
recouvrée  pour  vous  dire  que  je  n'aurai  jamais  d'autre 
époux  que  Léandre,  et  que  c'est  inutilement  que  vous 
voulez  me  donner  Horace. 

GÉRONTE. 

Mais.... 


I .  SganareUe  répète  ici  des  expressions  employées  par  Gros-Eeaé,  dans  son 
interminable  raisonnement  sur  la  femme  (vers  ia6i  et  ia6a  du  Dépit  amou- 
reux, tome  1,  p.  484)  • 

La  partie  bratale  alors  reut  prendre  empire 
Defsas  la  sensitire. 

a.  LuciNDE,  à  Léandre.  (i734>) 

3.  De  sentiment.  (1674,  8a,  9*1,  97,  1710,  3o,  33,  34.) 

4 sur  le  théâtre,  et  s*éventant  avec  son  chapeau.  (i734>) 


ACTB  III,    SCENE  VI.  m 

LUCINDB. 

Rien  nVst  capable  d*ébraaler  la  résolution  que  j*aî 
prise. 

GKROIITB» 

Quoi...? 

LUCINDB. 

Yous  m^opposerez  en  vain  de  belles  raisons. 

GÉRONTB. 

^1  ■ . *  • 

LUCIIfDE. 

Tous  VOS  discours  ne  serviront  de' rien. 

GÉRONTB. 

Je 

LUCINDB. 

C*est  une  chose  où  je  suis  déterminée. 

GÉRONTB. 

Mais.... 

LUCINDE. 

Il  n*est  puissance  paternelle  qui  me  puisse  obliger  à 
me  marier  malgré  moi. 

GÉRONTE. 

ai.... 

LUCINDB. 

Vous  avez  beau  faire  tous  vos  efforts. 

GÉRONTB. 

n.... 

LUCINDB. 

Mon  cœur  ne  sauroit  se  soumettre  à  cette  tyrannie. 

GÉRONTB. 

■t     •  .  .. 


I.  La....  (1673,  74,  Sa,  1734.) 


lia  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

LVCINDB. 

Et  je  me  jetterai  plutôt  dans  un  convent^  que  dVpou- 
ser  un  homme  que  je  n'aime  point. 

GÉROMTB. 

Mais.... 

LUCINOB9  pariant  d*aii  ton  d«  toîx  k  étoardir  . 

Non.  En  aucune  façon.  Point  d'affaire'.  Vous  perdez 
le  temps:  Je  n'en  ferai  rien.  Cela  est  résolu. 

GÂRONTB. 

Ah  !  quelle  impétuosité  de  paroles  !  U  n'y  a  pas 
moyen  d'y  résister.  *  Monsieur,  je  vous  prie  de  la  faire 
redevenir  muette. 

SGÂNARBLLB. 

C'est  une  chose  qui  m'est  impossible.  Tout  ce  que 
je  puis  faire  pour  votre  service,  est  de  vous  rendre 
sourd,  si  vous  voulez'. 

GÉRONTB. 

Je  vous  remercie.  *  Penses-tu  donc... 

LUCINDB. 

Non.  Toutes  vos  raisons  ne  gagneront  rien  sur  mon 
âme. 

GÉRONTE. 

Tu  épouseras  Horace,  dès  ce  soir. 

I.  Sur  cette  former  alors  très- fréquente,  da  mot,  et  sa  prononciation,  Yojei 
au  vert  lagg  du  Tartuffe^  tome  IV,  p.  486. 

a.  Cette  indication  n*ett  point  dans  Tédition  de  1734.  —  Lucm»,  avtc 
vivacité,  (1773,) 

3.  Point  d'affiiires.  (168a,  1734.) 

4.  A  Sganarelle,  (1734.) 

5.  On  ae  rappelle,  dans  le  récit  de  Rabelais  *,  cette  scène  de  Xu/emnu  mmt« 
trop  bien  guérie  :  >  La  parole  recouverte,  elle  parla  tant  et  tant,  qne  aon  mari 
retourna  au  médicin  pour  remède  de  la  faire  taire.  Le  médicin  répondit  en  son 
art  bien  avoir  remèdes  propres  pour  faire  parler  les  femmes,  n'en  avoir  pour 
les  faire  taire;  remède  unique  être  surdité  du  mari,  contre  cestoi  interminable 
parlement  de  femme.  » 

6.  A  Lueinde.  (1734.) 

'  Voyez  ci-dessus,  à  la  Notice^  p.  ao. 


ACTE  III,  SCENB  VI.  ni 


LVCni0B. 

réponaend  plot&t  la  mort. 


SOAlfABBLLB* 


Mon  Dieu  !  arretez-vous,  laissez-moi  médicamenter 
cette  affaire.  Cest  une  maladie  qui  la  tient,  et  je  sais  le 
remède  qu'il  y  faut  apporter. 

gMboutb. 

Seroit41  possible.  Monsieur,  que  vous  pussiez'  aussi 
guérir  cette  maladie  d'esprit  ? 

SGANARELLB. 

Oui  :  laissez-moi  faire,  j'ai  des  remèdes  pour  tout,  et 
notre  apothicaire  nous  servira  pour  cette  cure,  (n  appelle 
l'ApoiUctire  et  loi  peile'.)  Un  mot.  Vous  voyez  que  Tar- 
denr  qu'elle  a  pour  ce  Léandre  est  tout  à  fait  contraire 
aux  volontés  du  père,  qu'il  n'y  a  point  de  temps  a  perdre, 
que  les  humeurs  sont  fort  aigries,  et  qu'il  est  nécessaire 
de  trouver  promptement  un  remède  à  ce  mal,  qui 
pooiToît  empirer  par  le  retardement.  Pour  moi,  je  n'y 
en  vois  qu'un  seul,  qui  est  une  prise  de  fuite  purgative, 
que  vous  mêlerez  comme  il  faut  avec  deux  drachmes^ 
àe  matrimonium' en  pilules*.  Peut-être  fera-t-elle  quel- 
que difficulté  à  prendre  ce  remède;  mais,  comme  vous 
êtes  habile  homme  dans  votre  métier,  c^est  à  vous  de 
ly  résoudre,  et  de  lui  faire  avaler  la  chose  du  mieux 
que  vous  pourrez.  Allez-vous-en  lui  faire  faire  un  petit 

!•  SoàMABiLLB,  À  Géromte.  (1734.) 

)•  Qw  TOBt  paÎMies.  (16811,  84  A,  94 B,  1718,  3o,  33,  34»  maû  noa  1773.) 

3.  A  Ummân.  (1734.) 

4*  Deax  dragnes.  (TÛmi.)  -«  Ce  Bom  giee,  àrmtkm*  on  divgme,  était  em' 
plûyc  par  le»  anciens  pharmaeîeDa,  comme  «  tjnoajme,  dit  M.  Littré,  da 
r^  ou  bntième  partie  de  ronce.  » 

^  5.  Celte  innlnction  latine  da  nwt  mariage  donne  bien,  par  sa  phyiionoroir, 
ii^de  qvdqiie  drogoe.  —  Dana  lês  FoUêi  amomreutet  de  Regoard  (acie  II, 
■^  vi)  il  j  a  «a  aemblaMe  jen,  à  double  entente,  avee  dea  termes,  non  de 
""^■aone,  mais  de  mnsîqwo. 

(.  OenMtrinM»inmdepUalas.(i68n,97,  1710,  3o,  33.) 

Ti.  8 


Ii4  LB  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

tour  de  jardin,  afin  de  préparer  les  humeurs,  tandis  que 
j  ^entretiendrai  ici  son  père  ;  mais  surtout  ne  perdes  point 
de  temps  :  au  remède,  "vite,  au  remède  spécifique  ! 


SCÈNE  VIL 

GÉRONTE,  S6ANARELLE. 

GiaOHTB. 

Quelles  drogues,  Monsieur,  sont  celles  que  vous  venez 
de  dire?  il  me  semble  que  je  ne  les  ai  jamais  oui 
nommer. 

SGANARBLLB. 

Ce  sont  drogues  dont  on  se  sert  dans  les  néoessîtés 
urgentes. 

gMbonte. 
Avez-Yous  jamais  vu  une  insolence  pareille  à  la  sienne? 

SGANASBLLB. 

Les  filles  sont  quelquefois  un  peu  têtues. 

g^routb. 
Tous  ne  sauriez  croire  comme  elle  est  affolée  de  ce 
Leandre. 

sganabbllb. 
La  chaleur  du  sang  fait  cela  dans  les  jeunes  esprits. 

GEROIfTB. 

Pour  moi,  dès  que  j*ai  eu  découvert  la  violence  de 
cet  amour,  j*ai  su  tenir  toujours  ma  fille  renfermée. 

SGÂNARBLLB. 

Vous  avez  fait  sagement. 

GEROIfTB. 

El  j'ai  bien  empêcké  qu'ils  n'aient  eu  oommumcstion 
ensemble. 

SGANÂRB|.LB. 

Fort  bien. 


AGT£  III,  scAnb  vu. 


Il  J 


Girnown. 
n  scroît  arrivé  quelque  folie,  n  j'avois  souffert  qu'ils 
M  fassent  vus. 

SGANARELLK. 

Sans  doute. 

gjCrohti. 
Et  je  crois  qu^elle  auroit  été  fille  à  s*en  aller  aveo  lui. 

S€AIfAAELLB. 

Cest  pmdemment  raisonné. 

Gnoirri. 

On  m'avertit  qu'il  fait  tous  ses  efforts  pour  lui  par- 
ler. 

SGARÂRBLLB. 

Quel  drôle  ! 

GlfaONTS. 

Hais  il  perdra  son  temps. 

SGANARXLLB. 

Ah! ah! 

GÏBOHTB. 

Et  j'empêcherai  bien  qu'il  ne  la  voye. 

SGANABBLUI. 

n  n'a  pas  affaire  à  un  sot,  et  vous  savez  des  rubriques 
qnii  ne  sait  pas.  Plus  fin  que  vous  n'est  pas  bête*. 


Zl     ^^^'  qa'Aiin^-llaitia  •  pa  rapprochw  de  eelai-d,  oà  Sjrui  flatte 
-«•i,  aa«  dopa  q|«a  GéfOBla,  daa  mJaaa  ao«pliiiM«ti  ironlqoat  : 


ITAUS. 

Tk^  fmamiaê  fumnims,  mil  min  tapUmtia  m. 
....  Simêres  vêro  tm  ilUm  tmmm 
FmctTû  hmei 


SûuMmUimm?  jUmmtêg  UiU 
nu  fmidmum  ecumit  ? 


imm  tm  miki  moirmê  ? 


•iî  lwJ7?**  -  ▼""«*«*  «•••t  bîe.  toi  qui  l.i«araî,  ton  fil.  en  Tenir 

tottari»;»  o!!!*^  j!!®"  •'  ^•*^  ^"^  "*  "*^  *  rarance,  je  n*aarais  pa* 

-«r»t»w.Cartà«oiquet«Te«iapprewIwUTÎgiUnce?  . 


ii6  LE  MÉDECIiV  MALGRÉ  LUI. 


SCÈNE    VIII. 
LUCAS,  GÉRONTE,  S6ANARELLE. 

LUCAS. 

Ah!  palsang^enne,  Monsieu,  vaicl^  bian'  du  tinta- 
marre :  Yotte  fille'  s^en  est  enfuie  avec  ison  Liandre. 
C^étoit  lui*  qui  étoit  TApothicaire ;  et  velà'  Monsieu  le 
Médecin  qui  a  fait  cette  belle  opération-là. 

GiaONTB. 

0>mment?  m^assassiner  de  la  façon*!  Allons,  un 
commissaire!  et  qu^on  empêche  qu^il  ne  sorte.  Ah, 
traître!  je  vous  ferai  punir  par  la  justice. 

LUCAS. 

Ah  !  par  ma  fi  !  Monsieu  le  Médecin,  vous  serez  penda^  : 
ne  bougez  de  là  seulement. 


SCÈNE   IX. 

MARTINE,  SGANARELLE,  LUCAS. 

MARTINE*. 

Ah!  mon  Dieu!  que  j'ai  eu  de  peine  à  trouver  ce 
logis  !  Dites-moi  un  peu  des  nouvelles  du  médecin  qae 
je  vous  ai  donné. 

f.  Veci.  (i734«  mais  non  1773.) 

3.  Bien.  (1718,  et  une  partie  dn  tinge  de  1734.} 

3.  Votre  fille.  (168a,  94  B,  1734.)— 4- C*étoit  17.(1718.)— 5.  Et  tU.  (1734.) 

6.  De  cette  fa^n-là^^omme  au  vere  S04  du  Misanthrope, 

7.  Dans  la  réalité,  la  peine  eapiule  men«^ît  let  anteur»  de  rapt  et  leon 
compUeea.  Hou  pourrions,  à  propos  de  ee  joyeux  espoir  qu'exprime  Leeasi 
citer  ici  les  historiens  de  notre  législation  criminelle,  si  ees  graTca  autorités 
n'étaient  de  trop  dans  le  eommeutaire  d'une  fai«e. 

8.  MARTiift,  à  Lneas,  (1734.) 


ACTE  m,  SCENE  IX.  117 

LQOAS. 

Le  yelà',  qui  va  être  pendu. 

MAHTINE. 

Quoi?  mon  mari  pendu  !  Hélas!  et  qu*a-t-il  fait  pour 

cela? 

LUCAS. 

Il  a  fiiit  enlever  la  fille  de  notte  maître. 

MAHTINE. 

Hélas!  mon  cher  mari,  est-il  bien  vrai  qu*on  te  va 
pendre? 

SCANARBLLE. 

Ta  vois.  Âh  ! 

MABTIRB. 

Faut^il  que  tu  te  laisses  mourir  en  présence  de  tant 
de  gens  ? 

SGANAEBLIA. 

Qoe  veux-tu  que  j*y  fasse  ? 

MARTINE. 

Encore  si  tu  avois  achevé  de  couper  notre  bois,  je 
prendrois  quelque  consolation. 

SGANARELLB. 

Retire-toi  de  là,  tu  me  fends  le  cœur. 

MARTINE. 

Non,  je  veux  demeurer  pour  t*encourager  à  la  mort, 
et  je  ne  te  quitterai  point  que  je  ne  t*aie  vu  pendu  *. 


I.  Le  tU.  (1734.) 

1.  MoGire  m  toa^enait-fl,  comme  le  penie  Aoger,  d^iToir  lu  dans  Voiture 
«tte  pleÎMatcrie,  qoe  loi  iTait  écrite  MOe  de  Rambootllet  ?  «  Void,  Made- 
■«•dlc,  dit  Voitne  «,  o&  j*en  étoia,  qiMnd  j'ai  reçu  Yotre  aaeonde  lettre,  qai 
■*•  fart  adouci,  en  m'apprenast  que  toos  ne  àmbeûrim  paa  qae  je  fnaee  penda 
*■•  qae  Toua  y  fiiaeiei.  VéritaUemeat  e*est  nue  grande  marque  de  bonne 
*>loBlé,  et  «ne  prenne  qu*il  vona  roite  encore  qoelqne  lendreaee  poor  moi,  de 
c»  qvevMH  ne  Tondriaa  paa  qoe  eet  accident  m'arrÎTAt  aant  qne  Tooa  easôes 
W  pUar  de  le  Toir.  »  C*eat  bien  à  ce  trait  de  la  comédie,  non  au  mot  de  Voi- 


•  U  dernier  jnin  i634  :  tome  I,  p.  a33,  de  Tédition  de  M.  Ubieini. 


iiS  LE  MliDBCIN  MALGRÉ  LUI. 

Ah! 

SCÈNE  X. 

6ÉR0NTE,  S6ANARELLE,  MARTINE, 

LUCAS. 

Le  Commissaire  viendra  bientôt,  et  Ton  s*en  va  vous 
mettre  en  lieu  où  Ton  me  répondra  de  vous*. 

SGANAaSLLB,   \t  chapeaa  à  U  main*. 

Hélas  !  cela  ne  se  peut-il  point  changer  en  quelques 
coups  de  bâton  ? 

GKRONTB. 

Non,  non  :  la  justice  en  ordonnera....  Mais  que  vois- 
je? 

SCÈNE  XI  ET  DERNIÈRES 

LÉANDRE,  LUCINDE,  JACQUELINE,  LUCAS, 
GÉRONTE,  SGANARELLE,  MARTINE*. 

L^AlfDlUI. 

Monsieur,  je  viens  feire  paroître  Léandre  à  vos  yeux, 
et  remettre  Lucinde  en  votre  pouvoir.  Nous  avons  ea 


ton,  que  Mme  de  SéTÎ(pé  a  bit  deux  fois  anosioii  (lettres  dn  i5  iTril  1676, 
toae  IV,  p.  406,  et  da  9  octobre  16S0,  tome  VU,  p.  104]. 

I*  OnUMm,   •OAHABXLLB,   MAETIXB. 

GtAom,  à  SgananlU.  (1734.) 
».  Oà  roB  rfpendni  de  ▼««.  (1699,  17M,  iS.  et  ne  pndt  4a  tfcig* 
à»  1734.) 

3.  S>AWàwifjjr,  à  fVJMMr.  (1734.) 

4.  SCfcllK  DBBKltlX.  (]«73,  74,  •«•  9^  f7«  >73*»  34.)—  flCtm  U. 
(1710,  iS,  33.) 

5.  oiaojm,  UAHDai,  LVGim»,   •OAVAmuxB,  lugâs,  jaoqouii* 

(1734.)  —  LVGAt,  MAaTIHB.  (l7f  3.) 


ACTE  III,  SGÉ1I£  XI  IT  DULNIArB.       IC9 


iiewm  de  prendre  la  fiûte  bo«s  devLS  et  de  nous  aller 
■aricr  enaeiable  ;  mais  oette  e&trepriae  a  frk  phee  à 
an  proeëdé  plua  honnêce.  Je  ne  préteads  poî&l  ¥oas 
voler  votre  fille,  et  ee  n^est  que  de  votre  main  que  je 
veux  la  recevoir.  Ce  que  je  vous  dirai,  Monsieur,  c'est 
que  je  viens  tout  à  l^heore  de  recevoir  des  lettres  par  où 
j'apprends  que  mon  oncle  est  mort,  et  que  je  suis  héritier 
de  tous  ses  biens*. 

GÏaONTB. 

Monsieur,  votre  vertu  m'est  tout  à  fait  considérable', 
et  je  vous  donne  ma  fille  avec  la  plus  grande  joie  du 
monde. 

La  médecine  Ta  échappé  belle  ! 

Puisque  tu  ne  seras  point  pendu,  rends-moi  grice 
d*être  médecin;  car  c'est  moi  qui  t'ai  procuré  cet  hon- 
neur. 

S6ANAULLB. 

Oui,  c'est  toi  qui  m'as  procuré  je  ne  sais  combien  de 
coups  de  bâton. 

LiAHDas*. 

L'effet  en  est  trop  beau*,  pour  en  garder  du  ressenti- 
ment. 

SGANAaBLLB. 

Soit  :  ^  je  te  pardonne  ces  coups  de  bâton  en  faveur 


I.  ToM  dras.  (171S,  34.) 

9.  Toyw  ci-dMMM,  p,  ao,  m  qol  Ml  dit  d«  ce  d^noMintBt  dans  la 
iMea. 

3.  8w  le  je«,  mm  doota  tnditimuMl,  domt  l'acCaor  aceoaupagna  eM  laoto, 
«  q«0  Duparai,  il  n*j  a  pat  très-longlamps  aMora,  aaéeatait  n  ln«B,  to^m 
ci*d«Mas  à  la  Noitcê^  p.  a4  at  a5. 

4*  ft>ftWiBaT.i.i<  à  pmru  (1734.) 

5.  liftxoftB,  â  SgtmmnUe,  (Ihidêm,) 

6.  L'effet  art  trop  bMo.  (iSSa.) 

7.  A  Mmrtimê.  (1734.) 


i«o  LE  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 

de  la  dignité  oh  tu  m'as  élevé  ^  ;  mais  prépare-toi 
mais  à  vivre  dans  un  grand  respect  avec  un  homme  de 
ma  conséquence,  et  songe  que  la  colère  d'un  médecin 
est  plus  à  craindre  qu'on  ne  peut  croire. 


I.  Cette  léeoMilMitkui  dtfaidvet  plos  tiafeira  apparmiiiest  ^mm  celle  de  la 
•eeoBde  eeène  de  la  pièee,  était  dîna  la  tradition  des  hittoûres  da  VHaim  mire  : 
▼oyea  h  la  Notice,  p.  i6. 


riN    DU   MiEdBCIN    MALGftlE    1.01. 


APPENDICE 

AU  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 


CHiHSOH     DE    SGAKARELLE^    GHAHTÊB    PAB    MOUÂRS 

à  la  scène  v  du  !«'  acte  du  Médtcui  malgré  lui. 

(Voyci  ci-dcMus,  p.  55  et  note  5.) 

Texte  de  la  Clef  des  chansoimiers  (1717). 

L*air  :  Qu'ils  tani  doux, 
Bouieille  Mamiê^  etc.  *. 


B^'^r  fi[-  iw^ 


Qo*Ui     font    doux.     Boa  -  tcil-Ie     jo    -     li    .     « 
Qa'Ut    toat    doua     \oi       pe- tiu  gloa  -  glootl  Ifaia    mon 


mi   -    e,     Foor-quoi  Tons     vi  -  des  -    tou? 


I.  Tticst  rintitalé  dant  Im  CU/des  ckantonmierê {  noa«  iront  déjà  dit  que 
u>v  parolM  primitivM  en  aru«nt été  •ubsticoeM  d*autrM  «t  fort  inagni- 
met;  BOUS  retoblÎMOiM  ici  aoua  le«  notes  lea  Tera  de  Molière,  ee  qui  était 
*v*i  l'air  étant  toat  ajllabiaae.  —  Lea  eroix  dans  cette  notation  marquent  la 
puce  d'un  aeeent,  d*aa  renforeement  de  la  voix,  on  d'un  ornement  du  diant. 
-^U  elaf  employée  ne  donne  point,  eomme  dans  une  partition  régulière,  le 
wpnoa  de  la  voût  de  Molière;  s'il  chantait  dans  ce  ton,  c*éuit  à  ToeUve 


laa  APPENDICE  AU  MÉDECIN  MALGRÉ  LUI. 


Texte  du  Rtcueil  de  la  Comédie-Fra&çaise  (1758). 

U  Méémtm  mmlgré  /m.  Ully.  i«i6. 


-U,  ma  roi    -    «,     Poar- quoi  tous         Ti-dci     -    toos? 

Texte  dn  manuecrit  de  la  Sorbonne. 


BoMtùlU  ma  Mie, 


n'  r  iij  ii|  Mil   II  fi 


d'  I  iT'f  r  ^ijiJ  ^  ^1'' 


^^ 


a'  r  I  ij  JirMi  i  if  j  h  i 


MELICERTE 

COMÉDIE  PASTORALE  HÉROÏQUE 
upiÉaDmùc  LA  pixmiu  vois  ▲  8AinTH;iiMAiir  m  l4tk 

rOVWL  UL  ftOI 
AU  MJLLMT  DES  MOSMSf  EW  D^CDIBIE   t666 

ME  &A 

TROUPE   DU   ROI 


NOTICE*. 


Dâhs  les  fêtes  brillantes  et  galantes  auxquelles  le  Baiiei  des 
Muses  servit  de  cadre,  et  que  Louis  XIV  fit  cëlëbrer  à  Saint- 
Germain,  depuis  le  a  décembre  1666  jusqu'au  19  février  de 
l'année  suivante,  trois  pièces  furent  la  contribution  de  Molière 
aux  divertissements  :  MéUcerte^  la  Pastorale  comique  et  le 
Sicilien.  On  lit  dans  le  Registre  de  la  Grange  pour  les  années 
1666  et  1667  :  <c  Le  mercredi  i*'  décembre  [1666],  nous 
sommes  partis  pour  Saint-Germain  en  Laye,  par  ordre  du 
Roi.  Le  lendemain,  on  commença  le  Ballet  des  Muses^  où  la 
Troape  était  employée  dans  une  pastorale  intitulée  Mélicene^ 
pois  celle  de  Goridon'.  Quelque  temps  après,  dans  le  même 


I.  On  Tem,  en  lisant  cette  notice,  que  son  réritable  titre  serait 
Notice  sur  l^  Ballet  des  Muses^  c^est-à-dire  sur  tout  Tensemble  de 
dÎTertissements  dans  lequel  étaient  encadrés  Mélicerte^  la  Pastorale 
comique  et  le  Siciliem  {wa\  aura  néanmoins  sa  notice  distincte), 
comme  la  Princeue  d^àlide  et  trois  actes  du  Tartuffe  étaient  com- 
pris dans  les  Plaisirs  de  Vile  enchantée^  sans  parler  des  Fâcheux  et 
du  Mariage  foreé^  qui  Tinrent  aussi  y  prendre  place.  U  eût  donc,  ce 
•emUe,  été  logique  de  mettre  aussi  en  tète,  au  feuillet  précédent, 
riotitnlé  collectif  de  Ballet  des  Muses.  Si  nous  ne  Tavons  pas  fait, 
c*est  que  ce  ballet  n*a  pas  été,  comme  les  Plaisirs  de  l'ile  enehamtée^ 
rangé,  à  titre  de  cadre,  dans  les  premières  éditions  des  Couvres  de 
Molière^  et  que  nous  arons  cru  devoir  en  rejeter  le  lirret  (la  partie 
utile  du  moins  du  lirret)  à  V^ppendiee  de  la  Pastorale  comique  et  du 
Siciliem,  A  l'exemple  de  presque  toutes  les  éditions  antérieures,  nous 
nous  bornons  à  inscrire  successirement  les  trois  intitulés  partiels. 

s.  La  Grange  avait  d'abord  écrit:  c  dans  une  pastorale  intitulée 
Coridon;  »  il  a  ensuite  ajouté  au-dessus  de  la  ligne  :  a  Mélicerte^ 
pois  celle  de.  a  C*est  la  Pastorale  comique  qu'il  appelle  pastorale 


ia6  MÉLIGERTB. 

Baliei  des  Muses^  on  y  ajouta  la  comédie  du  Sicilien,  La 
Troupe  est  revenue  de  Saint-Germain  le  dimanche  ao*  fé- 
vrier 1667.  »  Le  Registre  établit  donc  Tordre  dans  lequel  les 
trois  pièces  se  succëdèrent  ;  mais  il  ne  précise  pas  la  date 
de  chacune  d'elles.  Nous  ne  la  trouverons  pas  non  plus  dans 
le  livret  du  BaUet  des  Muses. 

Cependant,  conmie  ce  livret,  qui  seul  nous  a  conservé 
quelques  fragments  de  la  Pastorale  comique^  nous  parait 
inséparable  de  l'histoire  des  trois  pièces  de  Molière  jouées 
pendant  les  fêtes  de  Saint-Germain,  c'est  lui  que  nous  inter- 
rogerons d'abord  sar  cette  histoire;  et  puisqu'il  ne  résout 
pas  le  petit  problème  chronologique  que  le  Registre  de  la 
Grange  laisse  indéterminé,  nous  en  chercherons  ailleurs 
l'échircisseiiient. 

L'idée  et  le  plan  du  BaUee  des  Muses  ^  que  l'abbé  de 
MaroUes,  longtemps  avant  les  fêtes  de  i666|  semble  avoir 
suggérés*  9  sont  dûs  à  Bensserade,  au  moins  très^probable- 
ment;  il  est  certain  qu'il  en  avait  écrit  les  chansons,  ainsi 
que  les  vers  sur  la  personne  et  le  personnage  de  ceux  qui  j 
dansaient.  Ce  qm  n'est  pas  de  lui,  ce  sont  les  petites  oomé- 
dies  qu'on  intercala  dans  le  ballet  ;  il  avait  dA  seulement  eo 
marquer  la  place.  L'une  d'elles,  intitulée  les  Poètes^  est  d'un 
auteur  dont  on  nous  a  laissé  ignorer  le  nom;  les  antres  sont 
celles  que  nous  venons  de  nommer  comme  appartenant  à 
Molière. 

On  sait  que  le  livre  de  chaque  ballet,  qui  en  était  comme 
le  programme  détaillé,  expliquant  les  entrées  et  donnant  les 
vers  des  réf^u^  était  distribué  aux  spectateurs,  et  quelque» 
vendu  ensuite  au  pdniic'. 


«  de  Goridon,  »  du  nom  du  berger  qui  est  le  héros  du  petit  romaii 
de  la  pièce  et  dont  le  r6ie  loi  avait  été  donné. 

I.  Voyes  aux  pages  191  et  suivantes  de  la  Smtt  du  Mémdns 
de  llCehel  de  MaroUet ,  i  volume  în-folîo,  à  Paris,  ches  Antoine 
de  Sommaville,  MocLm. 

a.  Voyes  au  tome  II,  p.  ao8,  des  Contemporains  de  Molière^  de 
M.  Victor  Fournel.  Le  passage  auquel  nous  renvoyons  est  dans 
VHittoire  du  Mlet  de  cour  (p.  ijS-aai),  étude  intéressante  que 
recommande  aux  lecteurs  de  Molière  la  part  prise  par  hti  aux 
ballets  royanm 


NOTICE.  1*7 

Le  lirrel  ou  livre  da  Ballet  dee  Mmtef  est  Tenu  jusqu'à 
nous  dans  plusieurs  ëtats  différents,  dont  il  convient  de  par- 
ler ici.  Nous  ne  voyons  pas  qu'on  les  ait  encore  fait  connaî- 
tre complëtement.  Là  cependant  se  trouve  l'explication  de 
piques  difficultés  qui  se  sont  rencontrées  au  sujet  de  la 
plaee  à  d<Hiner  à  Méticerie  dans  le  ballet.  Il  n'est  pas  inu- 
tile d'ailleurs  de  savoir  à  quoi  s'en  tenir  sur  ce  livret^  dont 
DOQS  reproduirons  le  texte',  à  la  suite  des  fragments  qu'il 
contient  de  la  Pastorale  comique  et  du  Sicilien^  qui  y  est  ana- 
lysé. Noos  le  donnerons  sous  sa  dernière  forme;  mais  il  faut 
savoir  ce  qa*U  était  avant  qu'il  l'eût  reçue. 

Les  divers  exemplaires  que  nous  avons  vus  du  livret  por- 
tent tous  le  même  titre  :  Ballet  des  Muses,  Dansé  par  Sa  Ma- 
jesté à  son  château  de  Saint^Germain  en  Laye^  le  a*  décembre 
■666';  tous  ont  ce  même  millésime  de  1666.  Ce  livret  a  été 
pourtant  reaianié  plusieurs  fois,  après  les  changements  succès 
sifs  que  les  divertissements  ont  subis,  et  qui,  pour  ne  parler 
do  moins  que  de  ceux  dont  il  reste  des  traces,  sont  de  l'année 
suivante.  Robinet,  dans  sa  Lettre  en  vers  à  Madame^  datée  du 
10  février  1667,  au  moment  où  les  f^tes  venaient  de  finir,  a 
pu  £re  avec  vérité  que  le  ballet  avait  changé 

•  .  •  .  eneor  beaucoup  plus 
De  vÎMget  que  Protéms» 

Le  livret  aussi  se  fit  Protée  et  se  transforma,  sans  toutefois 
prendre  jamais  un  nouveau  titre.  Il  fut  d'abord  mis  en  vente 
dès  les  premiers  jours  des  fêtes,  comme  Robinet  l'atteste  dans 
sa  lettre  du  1%  décembre  1666,  écrite  le  11,  où  il  avertit 
ttnsi  les  curieux  : 

....  Pour  de  ce  noble  spectacle 
Concevoir  bien  mieux  la  beauté, 
Je  leur  conseille  en  rérîtë 
D'aller,  pour  livre  ou  deml-lîvre, 
En  acheter  le  galant  livre, 

I.  Voycs  ci-après,  à  la  suite  du  SleUien, 

s.  A  Ptois,  par  Robert  Ballard,  seul  imprimeur  du  Roi,  pour 
Ift  «atîqne,  ■nouEn.  Apte  privUégt  de  Sa  Majesté» 


laS  MELIGERTE. 

Qm  la  tobititut  d'Apollon  ^ 

£ii  a  fait  à  son  ordinaire. 

Après  un  témoignage  si  positif,  on  ne  pouvait  révoquer  en 
doute  l'existence  d'une  rédaction  dans  Liquelle  avait  été  dé- 
crit le  ballet,  tel  qu'il  fut  représenté  au  commencement  de 
décembre  1666  ;  mais  jusqu'ici  on  n'avait  pas,  que  nous  sa- 
chions, retrouvé  «  le  galant  livre  »  dans  ce  premier  état. 
Notre  Bibliothèque  nationale  le  possède  cependant.  Que  ce 
soit  celui-là  même,  nous  le  regardons  comme  certain  ;  on  va 
pouvoir  en  juger. 

Quel  était  le  Ballet  des  Muses  dans  sa  première  représen- 
tation? La  Gazette  du  4  décembre  1666'  nous  l'apprend  : 

«  De  Saiot-Genndm  em  Laye,  le  4  décembre  1666. 

V  \^  %  du  courant,  fut  ici  dansé  iK>ur  la  première  fois,  en 
prcsonce  de  la  Reine,  de  Monsieur  et  de  toute  la  cour,  le  Ballet 
des  Muses^  composé  de  treize  entrées  :  ce  qui  s'exécuta  avec 
la  magnificence  ordinaire  dans  les  divertissements  de  Leurs 
Majestés.  11  commence  |>ar  un  dialogue  de  ces  divinités  du 
Parnasse,  en  l'honneur  du  Roi  ;  et  tous  les  Arts,  que  l'on  voit 
si  bien  refleurir  par  les  soins  de  ce  grand  monarque,  étants 
venus  les  recevoir,  se  déterminent  à  faire  en  l'honneur  de  cha- 
cune d'elles  une  entrée  particulière.  Dans  la  première,  pour 
Uranie,  on  représente  les  sept  Planètes.  Dans  la  seconde, 
pour  Melpomène,  on  fait  parottre  l'aventure  de  Pyrame  et  de 
Thisbé,  désignés  par  le  comte  d'Armagnac  et  le  marquis  de 
Mirepoix.  La  troisième  est  une  pièce  comique,  en  faveur  de 
Thalie.  La  quatrième,  pour  Euterpe,  est  composée  de  bei^rs 
et  de  bergères;  et  Sa  Majesté,  pour  s'y  délasser,  en  quelque 
façon,  de  ses  travaux  continuels  pour  l'Etat,  y  représente  Tun 
de  ces  pasteurs,  accompagné  du  marquis  de  Villeroy,  ainsi  que 
Madame  (/  représente)  l'une  des  bergères,  aussi  accompagnée 
de  là  marquise  de  Montespan  et  des  damoiselles  de  la  Vallière 


I.  C*ett  Bensserade,  et  il  est  nommé  en  marge, 
s.  Pages  is39  et  ia4<>- 


NOTICE. 


i«9 


et  de  Toossi^.  Dans  la  cinquième,  pour  GHio,  se  voit  ]a  bataille 
donnée  entre  Alexandre  et  Poros;  et  la  sixième,  en  faveur  de 
Galliope,  est  dansée  par  cinq  poètes.  Dans  la  septième,  qoi  est 
accompagnée  d*un  récit,  pait^t  Orphée,  qui,  par  les  divers 
tons  de  sa  lyre,  inspire  la  douleur  et  les  autres  passions  à 
ceux  qui  le  suivent.  La  huitième,  pour  Érato,  est  dansée  par 
six  amants,  entre  lesquels  Cyrus  est  désigné  par  le  Roi,  et 
Polexandre  par  le  marquis  deVilleroj.  La  neuvième,  pour  Po* 
lemnie,  est  composée  de  trois  philosophes  et  de  deux  orateurs, 
représentés  par  les  comédiens  (rançois  et  italiens.  La  dixième 
est  de  quatre  Faunes  et  d^autant  de  femmes  sauvages,  en  fa- 
veur de  Terpsioore,  avec  un  très-beau  récit;  et  dans  l'onzième 
il  se  Êdt  une  danse  des  plus  agréables  par  ces  Muses  et  les  filles 
dePiërus,  représentées  par  Madame,  avec  les  filles  de  la  Reine, 
de  Soo  Altesse  Royale,  et  d'autres  dames  de  la  cour.  La  dou- 
zième est  composée  de  trois  nymphes  qu'elles  avoient  choisies 
pour  juger  de  leur  dispute;  et,  dans  la  dernière,  Jupiter  vient 
iNioirles  Piérides,  pour  n  avoir  pas  reçu  le  jugement  qui  avoit 
été  prononcé  :  tontes  ces  entrées  étants  si  bien  concertées  et 
exécutées  qu'on  ne  peut  rien  voir  de  plus  divertissant.  » 

U  serait  superflu  d'appuyer  cette  citation  de  celle  de  la 
lettre  en  vers  de  Robinet,  en  date  du  la  décembre,  dont  nous 
avons  tout  à  l'heure  extrait  l'annonce  de  la  vente  du  livret. 
Cette  lettre,  qui  explique  aussi  les  treize  entrées,  ne  fait  que 
confirmer,  sans  y  rien  ajouter,  le  compte  rendu  de  la  Gtaeîte. 
BorooDs-nous  à  en  citer  le  passage  où  il  est  parlé,  dans  la 
tf^oînème  entrée,  de  la  pièce  de  Molière  : 

Thalie,  aimant  plus  sagement* 
Ce  qui  donne  de  Tenjouement, 
Est  comiquement  dirertie 
Par  une  belle  comédie, 
Dont  Molière^  en  cela  docteur, 
Est  le  très-admirable  auteur. 

Si  l'exemplaire  tout  à  l'heure  mentionné  du  livret,  qui  est 

I.  Fille  de  la  maréchale  de  la  Mothe.  Mlle  de  Toussi  épousa,  en 
aoToubfe  1669,  le  due  d'Aumont. 

a.  Plus  sagement  que  Melpomène,  en  Thonneur  de  qui  était 
rcûtrée  précédente. 

MOUÉBB.  Ti  9 


i)o  MELICERTE. 

ëvidemment  le  plus  ancien  de  tous  ceux  que  nous  avons  eos 
sous  les  yeux,  est  compare  avec  l'article  de  la  Gautie  et  la 
Lettre  à  Moilame,  on  trouvera  que  tout  concorde.  Il  renferme 
aussi  les  treize  entrées.  Dans  la  troisième,  où  la  Pastorale  co- 
mique a  ëtë  plus  tard  insërëe,  on  lit  seulement  :  «  Thalie,  àqui 
la  comëdie  est  consacrée,  a  pour  son  partage  une  pièce  co- 
mique représentée  par  les  comédiens  du  Roi,  et  composée  par 
celui  de  tous  nos  poètes  qui,  dans  ce  genre  d'écrire,  peut  le 
plus  justement  se  comparer  aux  anciens  ^  »  Ces  lignes  ont  été 
conservées  dans  les  exemplaires  postérieurement  remaniés; 
mais  elles  y  sont  suivies  de  la  désignation  et  de  l'analyse,  (fû 
manquent  ici,  de  la  pièce  comique.  Il  est  à  remarquer  que 
la  Gazette  du  4  décembre  et  la  lettre  de  Robinet,  qui  parlent 
aussi  de  la  comédie  de  Molière,  ne  le  font  pas  moins  vague- 
ment que  la  première  impression  du  livret,  et  se  contentent 
de  même  du  nom  de  «  pièce  comique  »  ou  de  «  comédie.  » 

Pour  la  sixième  entrée,  qui,  de  même  que  la  troisième,  fut 
plus  tard  modifiée,  l'exemplaire  dont  nous  parlons  n  est  pas 
moins  d'accord  avec  les  comptes  rendus  de  la  Gatette  et  de 
Robinet,  datés  du  4  et  du  i  a  décembre  1666.  Il  met  sembla- 
blement  dans  cette  entrée  de  Galliope  les  cinq  Poètes  dan- 
sants, au  lieu  de  la  petite  comédie  des  Poètes  Cfxi  encadre 
la  Mascarade  espagnole^  et  qu'on  y  introduisit  depuis  : 

«  Pour  Galliope,  mère  des  beaux  vers,  cinq  poètes,  de  dif- 
férents caractères,  dansent  la  sixième  entrée. 

Cinq  poètes, 

M.  Dolivet*. 

Poètes  sérieux  :  le  sieur  Mercier  et  Broûard. 

Poètes  ridicules  :  le  sieur  Pesan  et  le  Roy*.  » 

Il  ne  manque  donc  rien  à  la  parfaite  conformité  de  cette 
imi>ression  du  livre  avec  ce  qu'ailleurs  nous  avons  appris  des 
divertissements  du  a  décembre  ;  c'est  la  seule  dont  on  en  poisse 

I .  Le  lirret  a  ici  en  marge  :  Molière  et  sa  troupe. 

3.  Dans  tous  les  exemplaires  de  lirrets  qui  donnent,  pour  cette 
entrée,  les  cinq  Poètes^  manque  l'indication  du  caractère  pa^tbuUer 
qu^arait  le  premier  poète  représenté  par  Monsieur  DoUvêt, 

3.  Lisez  :  a  et  le  sieur  Broûard,...  et  le  sieur  le  Roy.  a 


NOTICE.  i3i 

dire  autant,  la  seule  qui  puisse  avoir  été  mise  en  vente  d'aussi 
bonne  heure  que  le  dit  Robinet. 

Cette  impression  a  quarante  pages.  La  treizième  et  der- 
nière entrée  est  à  ]a  page  i6.  Les  F^ers  sur  la  personne  et  le 
personnage  de  ceux  qui  dansent  au  Ballet  commencent  à  la 
page  17,  et  finissent  à  la  page  40. 

Faiscms  connaître  un  second  ëtat  du  livret.  Il  nous  est  donne 
par  un  autre  exemplaire  appartenant  aussi  à  la  Bibliothèque 
nationale.  Le  texte  n*en  diffère  pas  de  celui  du  précédent 
joaqa  a  la  troisième  entrée,  où  est  insérée  la  Pastorale  comique, 
doût  J'analjse  et  les  fragments,  qui  commencent  à  la  page  7, 
finissent  à  la  page   i8.  A  partir  de  la  page  19,  où  se  trouve 
la  quatriàne  entrée,  il  n*y  a  plus  rien  qui  pour  le  texte  offre 
des  différences  avec  Texemplaire  précédent.  On  peut  remar- 
quer seulement   que  la  page  qui  suit  la  page  !io,  porte  le 
chiffre  9,  au  lieu  de  ai,  et  que  la  pagination  continue  ainsi, 
de  façon  que  la  dernière  page   porte  le  chiffre  40,  comme 
ie  premier  exemplaire  dont  nous  venons  de  parler,  quoique  ce 
second  soit  en  réalité  de  5a  pages.  Il  semble  donc  qu'on  ait 
tont  simplement  ici,  pour  faire  l'économie  d'une  nouvelle  com- 
position, réuni  aux  feuilles  remaniées  les  feuilles  de  la  pre- 
mière impression.  Cependant,  s'il  en  est  ainsi,  il  faut  qu'il 
y  en  ait  eu  plusieurs  tirages,  plus  ou  moins  modifiés  ;  car,  en 
comparant  les  pages  correspondantes  des  deux  exemplaires 
dont  il  s'agit,  on  reconnaît  quelques  différences  typographiques. 
Us  caractères  employés  ne  sont  pas  toujours  les  mêmes,  et  à  la 
page  i3,  dans  la  neuvième  entrée,  le  premier  exemplaire  a  mis 
<ieaz  fob  «orateurs  grecs  »,  pour  a  orateurs  latins  »,  et  «  philo^ 
lophes latins  »,  pour  «c  philosophes  grecs  »,  faute  corrigée  dans 
le  second.  Ces  remarques  minutieuses,  qu'il  serait  aisé,  mais 
inotile,  de  multiplier,  il  y  a  lieu  de  les  renouveler  dans  Texa- 
oien  comparé  de  la  plupart  des  autres  exemplaires  que  nous 
aurons  encore  à  citer.  Elles  ne  permettent  pas  de  croire  que 
les  imprimeurs  aient  toujours  conservé  la  même  composition 
dans  toutes  les  pages  où  il  n'y  avait  pas  de  modifications  du 
Aallet  à  introduire.  Le  livret  a  été  plusieurs  fois  réimprimé, 
^▼ec  plus  on  moins  de  changements,  dans  toutes  ses  parties. 
Nous  avons  dit  que  si  la  pagination  du  second  exemplaire 
eût  été  régulière,  il  eût  fini  à  la  page  5a.  C'est  précisément 


i3a  MELICERTE. 

ee  que  noos  troaTons  dans  an  troisiènie,  qui  ne  dificre  dv 
second  que  par  la  rëgolaritë  rétablie  dans  la  pagioatkm  et 
par  quelques  antres  particnlaritës  typographiques  K 

Nous  ne  comptons  encore,  dans  ce  que  nous  avons  dit  ju- 
qn'ici,  que  deux  ëtats  du  livret,  distingues  l'un  de  l'autre  par 
Tomission,  dans  le  premier  état,  du  nom  de  la  comëdie  de 
Molière  ;  par  l'indication  et  l'analyse,  dans  le  second,  de  la 
Pastorale  comique» 

Un  quatrième  exemplaire,  qui  est,  comme  les  précédents,  à 
la  ffibiiothèque  nationale,  nous  donne  un  ëtat  nouvesn  sem- 
blable au  second  et  au  troisième  exemplaire  jusqu'à  la  sixième 
entrée;  la,  aux  «  cinq  Poètes  »  dansants  il  substitue  «  iei 
Poètes^  petite  comëdie,  »  avec  la  Mascarade  espagnole,  La 
page  36  finissant  la  treizième  entrée,  la  page  37  devrait, 
comme  la  page  ^19  du  troisième  exemplaire,  commencer  les 
Fers  sur  la  personne  et  le  personnage  de  ceux  qui  dansent  au 
Ballet;  mais  ils  sont  entièrement  omis  et  remplacés  par  ime 
quatorzième  entrée,  bien  qu'on  ait  laisse  au  bas  de  la  page  36 
les  mots  :  a  Treizième  et  dernière  entrée.  » 

L'entrée  nouvelle,  ajoutée  aux  treize  du  ballet  primitif,  est 
remplie  par  le  Sicilien^  par  une  analyse  du  moins  de  la  piècci 
qui  va  jusqu'à  la  page  47,  la  dernière  de  ce  livret,  où  nous 
trouvons  le  Ballet  au  troisième  état  '.  On  voit  que,  malgré  les 
additions,  il  a  cinq  pages  de  moins  que  Texemplaîre  qni  re- 
présente cet  état  précédent  :  c'est  qu'il  ne  donne  pas,  noas 
l'avons  dit,  les  vers  de  la  fin. 

Nous  en  avons  fini  à  peu  près  avec  les  métamorphoses  da 
ProtéCy  pas  tout  à  fait  pourtant.  Au  tome  IV  d'un  recueil  de 
ballets  que  possède  également  la  Bibliothèque  nationale,  se 

I.  Nous  ATons  rencontré  cet  exemplaire  de  5a  pages,  régulière- 
ment paginé,  à  la  Bibliothèque  nationale  et  à  la  Bibliothèque  de 
rAnenal. 

a.  A  parler  exactement,  c*est  du  lirret,  non  da  Ballet,  que  nous 
trouvons  trois  états.  Le  Ballet,  comme  on  va  le  voir,  a  subi  plus 
de  deux  changements.  Si  même  on  néglige  ceux  qui  paraissent 
aToir  été  trèt-peu  importants,  la  comëdie  des  Poète*  et  celle  da 
Sicilien  furent  deux  nouTeautës  qu^on  n*introduisit  que  Vvne  aprè< 
Tautre,  bien  qu'elles  nous  soient  données  pour  la  première  fois  dins 
la  même  impression  du  lirret. 


NOTICE.  i33 

tronre  an  Uvret  du  Ballei  des  Muses  qui,  à  ne  prendre  d'à* 
bord  garde  qa'anx  47  pages  où  il  donne  l'explication  des 
e/urées  et  les  réeiis^  est,  de  tous  points,  identique  avec  le  der- 
nier dimt  nous  avons  parle.  Une  serait  donc  pas  à  mentionner, 
si,  après  la  page  47  ^^  I^  verso  blanc  qui  la  suit,  n'avaient  été 
ajoatës  les  Fers  sur  la  personne  et  le  personnage  de  ceux  qui 
dansent  au  JBaliet,  Ces  pages  supplëmentaires  ne  continuent 
pas  la  pagination  de  celles  auxquelles  on  les  a  réunies,  car 
elles  commencent  au  chiffire  ^9,  et  non,  comme  il  eût  fallu, 
au  chiffre  49.  De  la  page  29  à  la  page  5a,  tout  est  d'accord 
ïïfte  Texemplaîre  que  nous  avcms  décrit  le  troisième,  et  l'on 
semble  bien  s'être  borné  à  joindre  à  la  nouvelle  impression 
les  feuilles  d'une  impression  précédente,  sans  en  avoir  changé 
U  pagination;  ce  ne  seraient  pas,  il  est  vrai,  celles  de  notre 
troisième  exemplaire,  car  il  y  a  des  différences  typogra- 
phiques :  ce  seraient  des  feuilles  empruntées  à  quelque  autre 
réimpression.  En  résumé,  il  n'y  aurait  rien  ici  de  nouveau  à 
signaler,  si  tout  finissait  à  la  page  5a  ;  mais  U  y  a  soixante 
pages;  et  ce  que  renferment  les  huit  dernières  ne  s'était 
pas  encore  rencontré  dans  les  exemplaires  précédents.  Aux 
pages  53-56,  celui-ci  nous  donne  des  vers  se  rapportant  à 
one  Entrée  des  Espagnols  et  Espagnoles;  aux  pages  57-60, 
des  vers  qui  sont  pour  une  Entrée  des  Maures.  Bien  que  l'on 
n'indique  pas  dans  lesquelles  des  quatorze  entrées  ces  vers 
deraient  trouver  place,  on  voit  facilement  que  les  premiers 
ont  été  faits  pour  la  sixième,  où  la  Mascarade  espagnole 
était  insérée  dans  la  comédie  des  Poètes^  et  les  seconds  pour 
la  quatorzième  entrée,  celle  du  Sicilien, 

Cette  nouveauté  n'est  peut-être  pas  suffisante  pour  faire 
f^^oonnattre  encore  un  nouvel  état  du  Ballet  ;  c'est  du  moins  un 
complément  du  dernier  de  ceux  que  nous  avons  constatés. 
U  est  d'ailleurs  sans  importance  pour  nous,  qui  ne  cherchons 
ici  que  Molière.  Les  vers  ajoutés,  sans  doute  à  un  dernier 
^^KHDent  des  (êtes,  ne  se  trouvent  pas  dans  les  œuvres  de 
knsaerade*;  ib  sont  pourtant  bien  de  sa  manière  et  dans 


1.  Voyez  les  OBwres  dt  MomsUur  ds  Bensêerede^  1  Tolumes  in-ia, 
à  Paris,  chez  Charles  de  Sercy...,  Mocxom.  Le  Stdlet  royal  das 


i34  MÉLICKRTE. 

son  goût;  et  ceax  qui  sont  pour  u  Roi,  Monsimir  le  Grand 
et  le  marquis  de  ViUeroy,  Maures;  pour  Masamb,  Mlle  deii 
Vallière,  Mme  de  Rochefort  et  Mlle  de  Brancas,  JUoMretqtet, 
bien  qu'ayant  rapport  à  l'entrëe  du  Sicilien^  ne  sauraient  être 
attribués  à  Molière,  dont  ce  n'est  ni  le  tour  d'esprit,  ni  ii 
langue.  On  ne  les  trouvera  pas  ci-après  dans  le  BaUet^  non 
plus  que  les  autres  qui  servent  comme  d'appendice  aux  47 
pages  du  Hvret  définitif,  les  seules  que  nous  ayons  cru  utile 
de  mettre  sous  les  yeux  des  lecteurs  de  Molière.  U  n'y  aundt 
eu  à  conserver  que  les  vers  pour  la  troisième  entrée,  parce 
qu'ils  sont  pour  la  personne  de  notre  poète.  U  suffit  de  les 
dter  ici  : 

ni*    EHTBtB. 

Comédie,  — •  Molière  et  sa  troupe^ 

Pour  Molière. 

Le  célèbre  Molière  est  dans  un  grand  éclat  : 
Son  mérite  est  connu  de  Paris  jusqu^à  Rome. 
Il  est  arantageux  partout  d*ètre  honnête  homme. 
Mais  il  est  dangereux  arec  lui  d^étre  un  fat'. 

L'examen  que,  d'après  les  livrets,  nous  venons  de  faire  du 
Ballet  des  Muses^  dans  ses  états  difTérents,  prouve  que  les 
pièces  de  Molière  n'y  ont  jamais  en  place  que  dans  la  troir 
sième  et  la  quatorzième  entrée.  Les  auteurs  de  ï Histoire  dM 
théâtre  français^  croyant  sans  doute  que  la  Pastorale  comiipÊi 
avait  été  donnée,  dès  les  premières  représentati<ms,  dans  la 
troisième  entrée,  et  ne  sachant  plus  où  mettre  MéUcerte, 
ont  supposé  *  que  cette  dernière  comédie  avait  appartenu  à 
l'entrée  suivante,  en  l'honneur  d'Euterpe  ;  mais  cette  qua- 
trième entrée,  au  témoignage  du  livret,  a  de  tout  temps  éuf 
remplie  par  des  danses  et  chants  de  bergers  et  de  bergères, 
qui  n'ont  rien  à  voir  avec  notre  Pastorale  héroïque.  Le  fait 
4iors  de  doute  est  que  la  Pastorale  comique  remplaça  un  jour, 

Mùsesy  ne  renfermant  que  les  rers  pour  la  personne  et  le  per- 
^•onnage  des  danseurs,  y  est  aux  pages  357-877  du  tome  II. 

I.  Un  sot,  un  ridicule. 

9.  Tome  X,  p.  i3S. 


NOTICE.  i35 

dans  la  titMsiènie  entrée,  MéUcerte^  retirée  par  Tauteur.  A 
quelle  date  ?  c'est  la  Gazette  qui  va  nous  en  informer. 

Suivons  dans  ce  journal  les  vicissitudes  du  Ballet.  Il  ne  pa- 
rait pas  que  le  5  décembre  il  y  ait  encore  eu  rien  de  changé. 

«  De  Samt-Germain  en  Laye,  le  lo  décembre  1666. 

«  Le  5  de  ce  mots,  la  cour  eut,  pour  la  deuxième  fois,  le  di- 
vertissement du  £aliet  des  Muses^  qui  fut  suivi  d'une  magni- 
fique collation  ^.  » 

Hais  avant  la  fin  du  mens,  le  Ballet  n'était  déjà  plus  tout 
à  lait  le  mfeme  : 

«  I>e  S«iiifr*Ocnnaiii  en  Iiaye,  le  a3  décembre  1666. 

«  Le  Ballet  des  Muses  continue  d'être  ici  le  divertissement 
de  la  cour,  depuis  que  l'on  y  a  fait  quelques  changements ,  et 
ajouté  d'autres  choses,  qui  le  rendent  encore  plus  agréable^.  » 

De  ces  changements  et  additions  le  livret  n'ayant  gardé  au- 
cune trace,  il  ne  s'agissait  sans  doute  que  de  quelques  nou- 
veaux détails  sans  importance.  Voici  une  modification  plus 
int^essante,  constatée  au  mois  de  janvier  suivant  : 

«  De  Saint-GermaÎB  euLaye,  le  7  JenTÎer  1667. 

«  Le  5,  les  réjouissances  {celles  de  la  naissance  d*une  fille 
du  Roi)  en  furent  continuées  par  le  Ballet  :  lequel  divertit 
d'autant  plus  agréablement  la  cour,  qu'on  y  avoit  ajouté  une 
pastorale  des  mieux  concertée  '.  » 

Cette  pastorale,  étant  alors  une  nouveauté  qu'on  avait  ajou- 
tée, ne  saurait  être  le  chœur  des  bergers  et  des  bergères  de 
la  quatrième  entrée,  dont  la  Gazette  du  4  décembre  avait  déjà 
parlé.  Il  est  clair  que  c'est  la  Pastorale  comique  de  Molière. 
La  date  de  la  première  représentation  de  cette  pièce  se  trouve 
donc  fixée  au  5  janvier  1667. 

Apres  cette  date,  on  embellit  encore  de  plusieurs  agréments 
le  BaUet  des  Muses. 

I.  Gatette  du  XI  décembre  1666,  p.  1363. 
).  Gazette  du  a4  décembre  1666,  p.  1819. 
3.  Gazette  du  8  janvier  1667,  p.  35. 


i36  MÉLICERTE. 

«  De  Stint-Gcnnam  en  Laye,  le  aS  jeafior  1667. 


«e  Le  a 5,  on  continua  le  divertissement  du  Bailet  desMaset^ 
avec  de  nouveaux  embellissements,  entre  lesquels  ëtoitune 
Entrée  espagnole,  qui  fîit  trouvée  des  mieux  concertées  et  des 
plus  agréables  '..*•  » 

Il  s'agit  de  la  Mascarade  espagnole  que  le  livret  place  dans 
la  sixième  entrée,  à  la  scène  m  de  la  comédie  des  Poètes^  jouée 
par  la  troupe  royale  de  l'Hôtel  de  Bourgogne. 

«  De  Saml4»eraiaia  en  Laye,  le  4  fivner  1667. 

a  Le  3i,  la  cour  prit  derechef  le  divertissement  du  BaJki^ 
qui  parott  toujours  nouveau  et  de  plus  en  plus  agréable  par 
les  scènes  qu'on  y  ajoute  et  les  autres  embellissements  des 
mieux  concertés^.  » 

Nous  sommes  porté  à  croire  que  les  scènes  ajoutées  le 
3i  janvier  sont  celles  de  la  comédie  des  Poètes^  et  que  la 
Mascarade  espagnole  en  avait  été  d'abord  indépendante.  Il  se 
pourrait  cependant  que  l'une  et  l'autre  eussent  été  données 
ensemble  dès  le  a5.  C'est  ici  une  question  de  peu  d'intérêt. 
^  Ce  qui  resterait  encore  à  citer  de  la  Gazette^  réservons^Ie 
pour  la  Notice  du  Sicilien^  dont  nous  aurons  aussi  à  chercher 
la  date.  Celle  du  5  janvier  1667,  que  nous  avons  assignée  à  la 
Pastorale  comique^  est  confirmée  par  le  témoignage  de  Robinet, 
dans  sa  lettre  en  vers  du  9  janvier,  où  il  parle  assez  plaisam- 
ment de  la  naissance  de  la  jeune  princesse,  qui  fit  laisser  là 
le  Ballet  au  «  cher  papa  »  : 

Mercredi,  le  cas  est  certain, 

Le  Ballet  fîit'  des  mieux  son  train, 

Mélange  d*une  Pastorale 

Qu*on  dit  tout  à  fait  joviale, 

Et  par  Molière  faite  exprès, 

Avecque  beaucoup  de  progrès. 

Ce  me  rcredi  d'avant  le  dimanche  9  janvier  était  le  5  :  c'est 
la  même  date  que  nous  avons  trouvée  dans  la  Gazette  pour 

I.  Gazette  du  ag  janvier  1667,  p.  108. 
s.  Gazette  du  5  février  1667,  p.  i3i. 
3.  C*est-à-dire  a  alla  ». 


NOTICB.  i37 

Il  représentation  de  la  <(  pastorale  des  mieoz  ooncertëe.  » 
Ce  que  la  Gazette  n'avait  pas  fait,  Robinet  annonce  eipres- 
sÀnënt  cet  ouvrage  comme  celui  de  Molière.  U  est  étrange 
avec  son  progrès^  dont,  au  reste,  il  n'avait  pu  juger  par  lui- 
même  :  il  est  vrai  que  le  mot  n'est  là  sans  doute  que  pour  la 
rime.  Les  personnes  à  qui  Mélicerte  avait  paru  surpassée, 
devaient  être  de  celles  qui  trouvent  tout  nouveau  tout  beau. 

Il  est  donc  prouve  surabondamment  que  Mélicerte  et  la 
Pastorale  comique  ont  été  représentées  l'une  et  l'autre  dans 
la  troisième  entrée,  non  pas  ensemble,  mais  successivement  : 
Mélicerte  le  a  décembre  1666;  ia  Pastorale  le  5  janvier  1667^ 
el  probablement  aussi  dans  la  reprise  que  la  Gazette  du  %%  oc- 
tobre 1667  apporte  en  ces  termes  :  «  Le  18  et  le  ao  de  ce 
mois,  le  Roi  prit  {à  Saint^Germain)  le  divertissement  d'un 
ballet  tiré  des  plus  belles  entrées  de  celui  des  Muses^  accom- 
pagnées de  récits,  de  concerts  et  de  tous  les  autres  agréments 
ordinaires.  » 

Pourquoi  cette  pastorale  héroïque  de  Mélicerte^  qui  avait 
^  asseï  goûtée  pour  que  Robinet  la  nommât  «  une  belle  co- 
iD^,  »  fit-elle  une  apparition  si  courte?  Pourquoi  Molière 
favait-il  remplacée  par  une  autre  bergerie,  dcmt  les  débris 
conservés  donnent  è  croire  qu'elle  ne  valait  pas  la  première, 
^  <P^i  jetée  dans  le  même  moule  que  tant  d'autres  de  ce 
genre,  elle  était  d'une  fadeur  médiocrement  relevée  par  un 
^^omiqne  assez  bizarre  ?  On  ne  peut  beaucoup  s'étonner  qu*il 
se  fût  dégoûté  du  roman  héroïque  de  Mélicerte^  et  qu'il  eût 
»isi  l'occasion  de  le  laisser  là  pour  reverdir,  ne  l'ayant  pas 
conduit  jusqu'au  dénouement  en  temps  utile.  Peut-être  alors 
CQt-il  l'idée  d'y  substituer  le  Sicilien^  et,  en  attendant  qu'il 
troorât  le  loisir  d'exécuter  son  nouveau  dessein,  se  hâta-t-il 
de  fournir,  pour  la  place  vide,  quelques  scènes  provisoires. 

Il  est  assurément  regrettable  qu'un  tel  génie  ait  eu  si  sou- 
^^t  à  produire,  sur  commande,  de  petits  ouvrages  com- 
posés en  toute  bâte  pour  satisfaire  à  l'impatience  royale,  et 
dont  il  fallait  accommoder  le  sujet  aux  galanteries  frivoles  des 
l^ts;  mais  sa  complaisance  était  la  rançon  nécessaire  de 
^t  d'ttuvres  hardies  :  c'était  à  ce  prix  que  pouvait  être  mé- 
l'^gée  une  laveur  dont  elles  avaient  besoin.  A  quoi  bon  même 
^te  explication?  Loin  que  le  chef  des  comédiens  du  Roi  eût 


i38  MÉLICERTE. 

pu  vouloir  se  dispenser  de  payer  son  tribat  au  amasements 
de  la  cour»  quel  est  le  poète,  le  prince,  le  grand  seigneur,  la 
dame  de  cour,   qui  ait  -échappe  à  une   obligation  dont  la 
prësenoe  du  monarque,  non-seulement  parmi  les  spectateurs, 
mais  parmi  les  personnages  charges  d*un  rôle  muet,  Caisait  nn 
glorieux  privilège?  Sous  les  règnes  prëcëdents,  au  reste,  on 
avait  déjà  vu  ces  mascarades  royales,  où  les  princes  étaient 
mêlés  aux  comédiens,  et  dont  tout  poêle  de  théâtre  était  né- 
cessairement tributaire.  Puisque  l'impôt  levé  sur  le  génie  de 
Molière  était  inévitable,  n'insistons  pas  sur  des  regrets  qoe 
lui-même  sans  doute  n'eut  guère,  et  admirons  les  ressources 
infinies,  la  facilité,  la  souplesse  de  son  esprit  IcMrsque,  forcé  de 
travailler  en  décorateur  de  fêtes,  d'associer  son  art  à  celui 
•des  Bensserade  et   des  Lully,  il  a  su,  d'un  pinceau  rapide, 
laisser  sa  marque  inimitable  dans  la  plupart  au  moins  de  ces 
Jégers  à-propos,  tous  singulièrement  variés.  A  côté  des  trois 
pièces  par  lesquelles  il  contribua  aux  agréments  des  grandes 
fêtes  de  Saint-Germain  en  1666  et  1667,  et  d<Hit  une,  ^^'- 
cilien^  est  des  plus  heureusement  originales,  comptons  tontes 
celles  que,  soit  avant,  soit  après,  il  improvisa  également  pour 
les  divertissements  de  la  cour,  et  où  il  dut  admettre  le  mé- 
lange des  ballets  et  de  la  musique  :  les  Fâcheux^  le  Mariage 
forcée  la  Princesse  d*Élîde^  VAmùur  médecin;  puis  Geor§t 
Jkmdin,  Monsieur  de  Pourceaugnaci  les  ji monts  magnipqvety 
le  Bourgeois  gentilhomme^  Psyché^  la  Comtesse  d' Escarbagnas, 
Si  ce  sont  là,  pour  la  plupart,  des  pièces  brochées,  qui  en  eût 
broché  de  semblables  ?  N'y  a-t-il  pas  à  s'étonner  que,  dans 
•des  amusements  qui  semblaient  devoir  être  bagatelles  d'un 
jour,  la  vraie  comédie  se  soit,  tant  de  fois,  fait  sa  place,  et 
que  tout  cela  ait  été  bien  loin  de  s'éteindre  avec  les  illumina- 
tions de  Vaux,  de  Versailles,  de  Saint-Germain  et  de  Cham- 
bord  ?  Ztf  Malaile  imaginaire  ne  fut-il  pas  d'abord,  en  projet, 
un  divertissement  de  cour?  Le  Tartuffe  lui-même,  on  ne  peut 
l'oublier,  se  montra  primitivement  au  milieu  des  Plaisirs  de 
Vile  enchantée;  mais  il  (aut  le  mettre  à  part,  parce  que,  s'il 
s'est  glissé  parmi  les  fêtes,  et  comme  à  leur  abri,  il  n'y  était 
pas  attendu,  et  se  trouvait  certainement  en  dehors  de  leur 
programme. 
Molière,  après  tout,  a  tiré  assez  bon  parti  de  la  tâche  im- 


NOTICE.  i39 

posée.  U  faut  répéter  d'ailleurs  que  très-probablement  ces 
corvées  exigées  de  sa  Muse  ne  lui  déplaisaient  pas  trop.  Nous 
penserions  plutôt  que,  malgré  toute  sa  supériorité  sur  les 
poëtes  et  les  musiciens,  ses  coopérateurs,  mis,  avec  lui,  en 
réquisition  par  les  fantaisies  royales,  comme  eux  cependant, 
avec  les  sentiments  qui  étaient  ceux  de  tous  les  contemporains, 
il  trouvait  plaisir  et  honneur  à  avoir  pour  théâtres  de  ses  ou- 
vrages ces  belles  salles  des  palais,  quelquefois  ces  jardins 
splôidides  *,  où  le  Roi  se  montrait  tantôt  en  paladin,  tantôt 
en  dieu  de  la  Fable,  Neptune,  Apollon  ;  où  Ton  admirait  les 
MoQtespan  et  les  la  Vallière 

.     .     .     .     conduites  par  rAmour, 

Dansant  arec  Louis  sous  des  berceaux  de  fleurs*. 

Seulement  tout  cet  éclat,  qui  nous  laisse  à  nous-mêmes 
une  impression  poétique,  ne  devait  pas  empêcher  que  le  poète 
ne  senttt  son  talent  plus  libre  siu*  la  scène  du  Palais-Royal; 
que,  tout  en  étant  flatté  d'être  mêlé,  avec  ses  camarades,  aux 
plus  nobles  et  même  aux  plus  augustes  figurants  des  fêtes,  il 
n'éprouvât  parfois  quelque  impatience,  quand  le  faux  goût  de 
ces  pompes  mythologiques  ou  féeriques  et  de  ces  galanteries 
d'opéra  réloignait  de  sa  route  si  franche,  et  quand  la  préci* 
pitation  forcée  du  travail  ne  lui  permettait  pas  de  mettre  la 
dernière  main  à  de  premières  ébauches. 

On  se  souvient  de  cette  comédie  de  la  Princesse  d'Élide^ 
dont  Marigny  a  dit  spirituellement  qu'elle  a  n'avoit  eu  le  temps 
que  de  prendre  un  de  ses  brodequins,  et  qu'elle  étoit  venue 
donner  des  marques  de  son  obéissance  un  pied  chaussé  et 
l'autre  nu'.  »  Encore,  dans  cet  équipage,  qre  Molière  ne 
voulut  point  prendre  la  peine  plus  tard  de  rendre  moins  ir- 
régulier, n'était-elle  pas  demeurée  en  chemin.  Un  peu  boi- 
teuse, il  l'avait  pourtant  fait  arriver,  tant  bien  que  mal,  moi- 
tié en  vers,  moitié  en  prose.  Il  fut  pour  Mélicerte  plus  insou- 
dant encore.  Ayant  manqué  de  temps  pour  la  mener  d'abord 

I.  A  Versailles,  dans  la  fête  des  Plaisirs  de  Pile  êiuhtmtée. 
s.  Voltaire,  U  Russe  à  Paris ^  vers  28  et  3i. 
3.  Voyez  an  tome  IV,  p.  «56. 


i4o  MÉLICBRTE. 

jusqu'au  bout,  3  n'alla  pas  la  reprendre  où  il  l'avait  quitta, 
nie  resta  comme  elle  ëtait,  avec  ses  deux  actes  en  vers,  joués 
à  Saint»Germain,  qui  ne  faisaient  que  commencer  à  nooer 
l'action.  Dans  cet  état  de  pièce  inachevée,  elle  a  été  recueillie 
par  les  éditeurs  de  i68a,  qui  avertissent  que  <c  Sa  Majesté 
en  ayant  ëtë  satisfaite  pour  la  fête  où  elle  fût  représentée,  le 
sieur  de  MoHère  ne  l'a  point  finie  *•  »  Dès  que  le  Roi  domiùt 
quittance  de  l'ouvrage,  l'ouvrier,  content  lui-même,  ne  de- 
mandait pas  mieux  que  de  se  tenir  pour  libéré. 

Nous  n'appliquerons  pas  à  Mélicerte  les  paroles  de  Vir- 
gile : 

....  Pendent  opéra  interrupta^  minmque 
Murorum  ingénies  *  ; 

l'édifice  n'est  pas  si  grand.  Ceux  qui  ne  lisent  pas  cette  co- 
médie pastorale  ont  tort  cependant.  On  y  trouve  des  passages 
qui  ne  sont  pas  à  dédaigner;  et,  comme  M.  Villemain  l'a  dit', 
à  propos  d'une  bergerie  4^  Shakspeare,  «  c'est  un  genre  foux, 
agréablement  touché  par  un  homme  de  génie.  »  Un  ouvrage 
si  étranger  au  goût  de  l'auteur  et  si  improvisé  mérite  encore 
l'attention,  comme  une  preuve,  entre  tant  d'autres,  que  le 
talent  de  Molière  savait  prendre  les  formes  les  plus  diverses. 
Les  premières  scènes  ont  de  la  grâce  avec  leur  dialogue  coupe 
symétriquement  en  vers,  hémistiches,  ou  couplets  égaux  qui 
se  répondent  à  la  façon  de  ces  chants  que  les  anciens  nom- 
maient amœbéens^  et  dont  on  a  des  eiemples  si  connus  dans 
leurs  églogues,  ainsi  que  dans  une  des  plus  charmantes  odes 
d'Horace  ^.  L'idyUe  était  un  poème  bien  artificiel  dans  notre 
dix-septième  siècle  et  à  la  cour  de  Louis  XIV.  De  ces  bei^ 
ries  de  carnaval  et  de  cour  Molière  devait  un  peu  rire  tout 
bas.  Sous  sa  plume  toutefois  sont  ici  venus,  sans  efibrt  et 
comme  en  courant,  quelques  vers  de  vrai  poète  ;  ceux-ci,  psr 


I.  Voyez  la  dernière  note  de  la  pièce,  ci-après,  p.  i85. 
a.  Enéide^  livre  IV,  rers  88  et  89.  f  On  roit  pendre  l'œuvre  in- 
terrompue et  la  menaçante  hauteur  des  murailles.  » 

3.  Études  de  littérature  ancienne  et  étrangère  (ëditioa  de  184^)1 

P-  »77- 

4*  La  IX*  du  livre  III  :  Donec  gratus  eram^ 


NOTICE.  i4i 

eiemple,  lorsque  Myrtil  oflBre  à  M^oerte  la  cage  et  le  petit 


Le  présent  ii*est  pas  grand  ;  mais  les  dirinitës 
Ne  jettent  leurs  regards  que  sur  les  Tolontës  ; 
C^est  le  cœur  qui  fait  tout*.... 

Od  pat  voir  que  les  ëditeurs  de  1682  n'avaient  pas  mal  fait 
de  sauTer  de  l'oubli  d'aussi  jolis  vers,  lorsque,  trois  ans  après 
l'impression  qu'ils  donnèrent  de  la  pièce,  et  qui  fut  la  pre- 
mière de  toutes,  la  Fontaine  publia  cette  autre  idylle,  si  dëli- 
dease,  de  Philémon  et  Baucis^  dans  laquelle  il  avait  mis  ces 
vers  à  profil  et  s'en  ëtait  approprie  un  hëmistiche  : 

Ces  mets,  nous  Farouons,  sont  peu  délicieux  ; 

Mais  quand  nous  serions  rois,  que  donner  à  des  dieux? 

C*est  le  cœur  qui  fait  tout.... 

Si  l'on  doutait  qu'il  y  ait  eu  imitation,  il  y  a  eu  du  moins 
réminiscence;  et  ne  crût-on  qu'à  une  rencontre,  par  cela  même 
encore  le  passage  de  Mélicerte  se  trouve  loué. 

Nous  pouvons  noter  encore,  dans  le  rôle  de  Lycarsis,  une 
allosioa  très-ingénieuse  à  la  fête  même  où  parut  Mélicerte 
et  à  celui  qui  était  l'auguste  héros  de  celte  fête.  Un  peu 
moins  de  quatre  ans  plus  tard,  en  1670,  Racine  plaça  de 
même  dans  sa  Bérénice  '  un  portrait,  qui  est  à  comparer,  de 
Louis  XJV,  entouré  aussi  de  toute  sa  cour,  au  milieu  d'une 
noit  de  splendeurs;  là  tout  est  d'une  noblesse  d'épopée  ou  de 
tragédie  : 

Cette  pourpre,  cet  or  que  rehaussoit  sa  gloire, 

Tous  ces  yeux  qu^on  voyoit  Tenir  de  toutes  parts 
Confondre  sur  lui  seul  leurs  avides  regards*, 

et  les  derniers  traits  du  tableau  qui  sont  d'une  souveraine  ma- 
jesté: 

En  quelque  obscurité  que  le  sort  Teût  fait  naître, 
Le  monde,  en  le  voyant,  eût  reconnu  son  maître. 

I.  Aete  II,  scène  m,  vers  389-391. 

s.  Aete  II,  scène  m,  vers  3oi-3i6  (tome  II,  p.  387  et  388). 


i4a  MÉLICBRTE. 

Molière  n'avait  pas  à  faire,  comme  Racine,  une  ëlëgie  ayant 
pour  thëâtre  an  palais  ;  avec  ses  princes  qui  s'ignorent,  il 
^tait  reste  parmi  les  bergers  :  il  ne  le  prend  donc  pas  sur  un 
ton  si  haut,  sachant  bien  qu'il  n'avait  pas  à  emboucher  la 
trompette  au  milieu  d'une  églogue.  Son  petit  tableau  de  la  cour 
et  son  portrait  du  Roi  n*ont  pas  les  couleurs  que  leur  a  données 
l'auteur  de  Bérénice;  mais,  en  demeurant  tels  que  les  deman- 
dadent  le  Mger  sujet  et  la  muse  comique,  ils  nous  semblent  aassi 
parfaits  dans  leur  genre  diCTërent.  Le  Prince  n'y  paraît  pas 
moins  grand,  malgré  le  tour  plus  familier  de  l'ëloge  ;  et  le 
brillant  essaim  d'adorateurs  qu'il  attire  dans  la  lumière  de  sa 
gloire  est  bien  agréablement  montré,  avec  la  fine  touche  de 
satire  où  l'on  retrouve  le  railleur  si  redoutable  aux  mar- 
quis : 

Ce  ne  sont  que  seigneurs,  qui  des  pieds  à  la  tète 
Sont  brillants  et  parés  comme  au  jour  d^une  fête  ; 
Us  surprennent  la  rue  *,  et  nos  prés  au  printemps 
Arec  toutes  leurs  fleurs  sont  bien  moins  éclatants. 
Pour  le  Prince,  entre  tous  sans  peine  on  le  remarque, 
Et,  d*une  stade'  loin,  il  sent  son  grand  monarque; 
Dans  toute  sa  personne  il  a  je  ne  sais  quoi 
Qui  fait  d*abord  juger  que  c^est  un  maître  roi. 
Il  le  fait  d^une  grâce  à  nulle  autre  seconde  ; 
Et  cela,  sans  mentir,  lui  sied  le  mieux  du  monde. 
On  ne  croiroit  jamais  comme  de  toutes  parts 
Toute  sa  cour  s*empresse  à  chercher  ses  regards  : 
Ce  sont  autour  de  lui  confusions  plaisantes. 
Et  Ton  diroit  d'un  tas  de  mouches  reluisantes 
Qui  suirent  en  tous  lieux  un  doux  rayon  de  miel*. 

N'est-ce  pas  charmant  ?  et  peut-il  y  avoir  plus  d'élégance 
dans  l'apparente  négligence  ? 

MéHcerte  est  intitulée  Comédie  pastorale  héroïque.  C'était 
pour  les  derniers  actes,  ceux  qui  n'ont  pas  été  faits,  qne 
l'héroïque  était  réservé.  Jusque-là  il  ne  fait  que  s'annoncer. 
Le  Roi  vient  chercher  Mélicerte  et  révéler  de  quel  sang  elle 
est  née.  Il  est  déjà  clair  que  cette  bergère  va  être  reconnue 

I.  Voyea  ci-après,  p.  i6o,  la  note  sur  le  Ters  i34. 
s.  Acte  I,  scène  m,  vers  129-143. 


NOTICE.  14) 

princesse,  et  que  le  jeune  berger  Myrtiï  sera  trouré  de 
même  sang  qu'elle.  Nous  sommes  en  plein  roman  de  Mlle  de 
Scudërjr.  Molière,  en  effet,  avait  pris  son  sujet  dans  le  Grand 
Cjmu^  où  SësostriSy  fils  d'Apriès,  roi  d'Egypte  dëtrônë,  et 
Hmarète,  fille  de  l'usurpateur  Amasis,  sont  élèves  parmi  les 
pasteurs,  s*aiment  fatalement,  par  sympathie  de  noble  race,  et 
finissent  par  s'ëpouser,  lorsque  le  secret  de  leur  naissance  est 
dëcoayert*.  On  voit,  dans  ce  que  nous  avons  de  Mélieerte^  se 
préparer  dëjà  ce  dénouement  par  reconnaissance,  sans  qu'on 
puisse  savoir,  et  Ton  ne  s'en  inquiète  pas  beaucoup,  si  Molière, 
qui  a  placé  ses  personnages  dans  la  vallée  de  Tempe,  aurait  fiiit 
de  cette  bergerie  royale  une  histoire  égyptienne.  Ce  qui  pour- 
rait, à  la  rigueur,  le  donner  à  croire,  c'est  que  dans  le  ballet 
qui  termine  la  Ptutorale  comique^  substituée  à  Mélicerte  pour 
la  troisième  entrée,  il  y  a  une  Égyptienne  qui  chante  et  danse, 
et  des  égyptiens  joueurs  de  gnacares^.  C'est  peut*ètre  un  dé- 
bris qui  sera  resté  de  la  première  en  date  des  deux  pièces'. 

La  source  oii  Molière  avait  puisé  a  été  signalée  par  un 
Gontmnateur  de  Mélicerte^  que  nous  nommerons  tout  k 
l'heure.  Nous  ignorons  s'il  avait  été  le  premier  à  faire  la 
découverte,  qui  ne  pouvait  guère  échapper  aux  lecteiurs  du 
Grand  Cyrus.  Là  et  dans  Mélicerte,  on  reconnaît  le  même 
roman  jusque  dans  des  détails  :  «  Je  me  souviens  bien,  dit 
Timarète  à  Sésostris*,  que  vous  m'avez  mille  et  mille  fois 
domié  des  fruits,  des  oiseaux,  des  joncs  à  faire  mes  cor- 
beilles, et  des  bouquets.  »  MUe  de  Scudéi7  aurait  donc  pu  ré- 
clamer des  droits  d'auteur  sur  le  moineau  de  Myrtil.  Seulement, 

I.  La  partie  principale  de  V Histoire  de  Sésottrit  et  de  Timarète^ 
eeDe  qui  a  pu  servir  à  Molière,  est  au  livre  second  de  la  sixième 
partie  à^Artamène  ou  le  Grand  Cyrus;  elle  commence  à  la  page  SSy 
et  finit  à  la  page  986  du  tome  YI  (ou  6*  partie)  de  Tëdition 
ia-S*  de  i65i.  Paria,  chea  Augustin  Courbe. 

>.  Voyez  ci-après,  p.  ao4. 

3.  Il  faut  dire  :  a  à  la  rigueur  9,  parce  que  les  Égyptiens  que  nous 
troQTons  çâ  et  là  chez  Molière,  dans  les  dirertissementa  et  ailleurs, 
«ont  des  Gipsies,  des  Bohémiens,  et  non  d'anciens  Égyptiens.  Une 
contenance  plus  marquée  avec  le  sujet  est  celle  des  Turcs  et  des 
Mores  du  ballet  du  Sicilien. 

4.  Page  656. 


144  MÉLICERTE. 

dans  la  cage  oà  Molière  l'avait  mis,  il  était  devenu  plus  gentil. 
Notre  poète  put,  sans  regret,  en  rester  à  ce  que  ce  conte 
d'enfant  a  de  plus  gracieux;  on  comprend  qu'il  n'ait  pas  tenu 
k  le  dénouer,  dès  qu*on  ne  l'y  obligeait  pas. 

Comme  il  avait  sans  doute  reçu  commande  de  quelque  chose 
de  pastoral,  parce  que  rien  n*éuiit  mieux  dans  le  caract^  de 
la  fête,  il  est  probable  que  l'épisode  du  Grand  Cjrrus  lui  avait 
plu  à  cause  du  rôle  du  jeune  prince  berger,  qui  promettait 
de  convenir  à  merveille  au  petit  Baron,  alors  âgé  de  treise 
ans*  Il  aimait  beaucoup  ce  gentil  enfant,  qu'il  formait  lui- 
même  dans  l'art  du  comédien. 

Baron  joua  le  Me  de  Myrdl,  écrit,  suivant  toute  apparence, 
pour  lui  ;  Molière  avait  eu  quelque  peine  à  l'y  décider,  si  Gri* 
marest  est  exact  dans  ce  qu'il  raconte  k  ce  sujet.  Ce  bio- 
graphe de  Molière,  très-sujet  k  caution,  est  assez  croyable 
ici,  parce  que  les  détails  qu'il  donne,  il  devait  les  tenir  de 
Baron  lui-même,  dont  il  était  l'ami.  Grimarest  rapporte  donc 
que  Mlle  Molière,  très-malveillante  pour  Baron,  lui  donna  un 
jour  un  soufBet^  qui  manquait  d'à-propos,  car  c''était  juste- 
ment dans  le  temps  où  l'enfant  était  chargé  d'un  Me  dans 
une  pièce  que  Ton  devait  représenter  incessamment  devant  le 
Roi.  Baron  se  sauva  de  la  maison  de  Molière  et  retourna  ches 
la  Raisin,  sur  le  théâtre  de  laquelle  il  avait  fait  ses  premiers 
débuts.  Le  rôle*  ainsi  en  danger  de  n'être  pas  rempli  était 
certainement  celui  de  Myrtil  dans  Afélicerie.  La  suite  du  récit 
de  Grimarest  n'en  laisse  pas  douter,  a  Rien,  dît-il  de  Baron, 
ne  pouvoit  le  ramener...;  cependant  il  promit  qu'il  représen- 
teroit  son  rôle  ;  mais  qu'il  ne  rentreroit  point  chez  Molière.  En 
effet,  il  eut  la  hardiesse  de  demander  au  Roi  à  Saint-Germain 

permission  de  se  retirer'.  »  Qui  sait  si  ce  malencontreux 


I.  La  FU  de  M.  de  Molière  (l7o5),  p.  III. 

3.  Grinurettdit  (p.  i  ii)  «  un  rôle  de  six  cents  tert.  »  Lea  deux 
actes,  joués  à  Saint-Germain,  n*en  ont  en  tout  que  six  cents  ;  et, 
si  la  pièce  avait  été  acbeTée,  il  est  clair  que  le  rôle  de  Baron  n*cn 
aurait  pas  eu  six  cents  à  lui  seul.  Ce  nombre  dit  en  Tair  n^em- 
pèche  pas  que  la  mention  de  Saint-Germain  ne  désigne  éndemment 
Mélieerte, 

3.  Voyez  la  Fie  de  M.  de  Molière^  p.  lis  et  Ii3. 


NOTICE.  145 

incident  ne  contribaa  point  à  dëtouraer  Molière  de  toute  pensée 
d'achever  Méliccrie? 

Il  s'était  néœssairement  chargé  luî-mème  d'un  rôle  dans  sa 
pièce.  Gomment  n'eût-ce  pas  été  celui  de  Lycarsis,  le  premier 
après  celui  du  jeune  berger?  Molière  avait  dû  se  réserver 
l'honneur  de  réciter  le  couplet  à  la  louange  du  grand  mo- 
narque. On  croit  bien  voir  aussi  que,  s*il  s^toit  plu  à  exprimer 
la  tendresse  de  Lycarsis  pour  le  «  petit  pendard  *  »  quHl  trai- 
tait en  père,  c'est  qu'il  jouait  lui-même  ce  Lycarsis. 

Plusieurs  éditeurs  ont  donné  les  noms  des  acteurs  qui,  sui- 
vant eux,  auraient  joué  les  autres  personnages.  Cette  distri- 
tmtion  est  toute  conjecturale  sans  doute,  quoique,  selon  leur 
ooatome,  ils  n'en  aient  point  averti.  Ils  font  représenter  le 
personnage  de  Mélicerte  par  Mlle  Duparc.  Devons-nous  croire 
qae  Mlle  Molière,  quelle  que  fût  son  aversion  pour  Baron, 
renonça  à  créer  le  rôle  de  l'amante  de  Myrtil,  pour  prendre, 
comme  on  le  vent,  le  rôle  beaucoup  plus  effacé  d'Eroxène? 
De  quoi  eût  servi  cette  bouderie?  En  jouant  une  bergère 
très-éprise  elle-même  du  petit  berger,  elle  ne  donnait  pas 
beaucoup  moins  d'ennui  à  son  antipathie,  et  se  privait,  comme 
comédienne,  d*une  belle  occasion  de  paraître  avec  éclat  devant 
toute  la  cour,  dans  une  pièce  de  sou  mari.  Il  eût  donc  été  plus 
vraisemblable  peut-être  de  lui  attribuer  le  rôle  auquel  il  était 
difficile  qu'elle  ne  se  prétendit  pas  des  droits.  Au  surplus, 
nous  restons,  faute  de  renseignements,  sur  le  terrain  des  con- 
jectores. 

Ârmande  Béjart,  devenue  veuve  de  Molière,  vivait  encore, 
lorsque  le  fils  né  de  son  second  mariage,  Nicolas  Guérin,  fit 
l'entreprise,  plus  pieuse  que  prudente,  de  donner  une  fin  à 
Mélicerte,  Se  croyait-il  donc  obligé  à  remplir  un  devoir  de 
famille  envers  un  illustre  esprit  dont  cependant  l'héritage, 
avec  ses  charges,  n'aurait  pu  lui  venir  que  très-indirecte- 
ment? Sa  pièce,  continuation  et  refonte  de  celle  de  Molière,  a 
été  imprimée,  en  1699,  sous  ce  titre  :  Myrtil  et  Mélicerte^ 
pastorale    héroïque  *.    Non   content   d'attacher  aux  vers   de 

I.  Acte  II,  scène  r,  vert  5 16,  p.  181. 

».  In-ia,  à  Paris,  chez  Pierre  Trabouillet,  mdcxcix.  L'Achevi? 
d'imprimer  pour  la  première  fois  est  du  i5  arril  1^99.  Le  Pri- 

MoLiÊRE.  Ti  10 


i46  MELIGERTE. 

Molière  uq  supplëment  très-përilleux,  il  ne  les  oonseira  dans 
les  deux  premiers  actes  qu'après  les  avoir  estropies  en  les 
remettant  sur  l'enclume,  s*ëtant  laisse  persuader  par  des 
«  personnes  éclairëes  »  que  les  vers  libres  étaient  plus  dans 
le  goût  de  la  pastorale.  On  croira  sans  peine  que,  sons  une 
forme  raccourcie,  les  vers  qui  n'offraient  à  retrancher  ni 
redondances,  ni  chevilles,  et  n'avaient  pas  autrefois  paru  mar- 
cher trop  mal,  prirent  une  assez  mauvaise  tournure. 

Quant  à  la  suite  donnée  à  la  pièce,  voici  comme  en  parle 
Guërin  dans  sa  Préfetce^  où  il  fait  profession  de  respect  et  de 
vénération  pour  Molière  :  «  J'avouerai  en  tremblant  que  le 
troisième  acte  est  mon  ouvrage,  et  que  je  l'ai  travaillé  sans 
avoir  trouvé  dans  ses  papiers  ni  le  moindre  fragment,  ni  la 
moindre  idée.  Heureux  s'il  m'eût  laissé  quelque  projet  à  exé- 
cuter t  Tout  ce  que  je  pus  conjecturer,  ce  fut  qu'il  avoit  tiré 
Mélicerte  de  l'histoire  de  Timarète  et  de  Sésostris,  qui  est 
dans  Cjrus.  Je  la  lus  avec  attache  ;  et  là-dessus  je  traçai  mon 
sujet.  » 

Il  a  suivi^  en  effet,  le  récit  de  Mlle  de  Scudéry,  et  n'en  a 
rien  tiré  que  de  très-froid.  Lorsque  Molière  s'était  dispensé  de 
continuer  cette  histoire  jusqu'à  son  dénouement,  il  avait  para 
n'y  pas  voir  la  matière  -d'un  chef-d'œuvre  ;  on  est  cependant 
assuré  qu'il  eût  jeté  sur  ces  inventions  romanesques  bien  des 
étincelles  de  son  esprit  et  d'aimables  traits  de  son  imagina- 
tion. 

La  Lande  fit  la  musique  des  intermèdes  ajoutés  par  Guérin  à 
Mélicerte.  Les  agréments  de  cette  musique  et  ceux  des  danses 
ne  préservèrent  pas  d'un  mauvais  succès  l'ouvrage  de  l'impru- 
dent continuateur. 

Ce  qui  expliquerait,  sans  la  justifier,  la  tentative  de  Guérin, 
c'est  que  l'ancienne,  la  véritable  Mélicerte  n'était  pas  faite 
pour  rester  au  répertoire  avec  ses  deux  actes  qui  la  laissaient 
inachevée.  Abandonnée  par  Molière  après  les  fêles  de  Saint- 
Germain,  elle  ne  fut  plus  jouée  sur  la  scène  du  Palais- 
Royal  ;  et  c'est  à  titre  de  curiosité  seulement  que,  deux  siècles 


rilégc  du   Roi  est   donné  à    N.-A.-M.   {Nieolas-Armand-Uartiûl) 
Guérin. 


n 


NOTICE.  147 

plus  tard,  le  Théâtre-Français  l'a  reprise.  Des  fragments  en  ont 
été  joués  trois  fois  sous  le  second  Empire ',  en  1864,  le  lundi 
17  juin,  le  mercredi  29  du  même  mois,  et  le  dimanche  3  juillet. 
Ils  avaient  été  insérés  dans  ravant-dernière  scène  (la  rra*)  de 
la  Comtesse  tfEscarbagnaSy  où  le  Vicomte  fait  représenter  une 
comédie.  Mme  Tordéus  remplit  avec  beaucoup  de  grâce  le 
rôle  de  Myrtil,  que  Baron  avait  créé  ^. 

Nous  avons  dit  que,  le  5  janvier  1667,  la  Pastorale  comique 
remplit  le  vide  laissé  dans  les  divertissements  par  Mélicerte, 
qui  n'avait  eu  aucune  envie  d'y  reparaître  dans  l'état  d'é- 
bauche où  elle  était  demeurée.  On  trouvera  ci-après  (p.  187- 
204)  ce  que  le  livret  du  Ballet  des  Muses  nous  a  conservé  de 
cette  nouvelle  bergerie,  évidemment  esquissée  à  la  hâte,  en 
attendant  mieux.  Molière  ne  crut  sans  doute  pas  digne  de  lui 
de  la  faire  survivre  à  la  circonstance,  et  puisque  les  éditeurs  de 
ses  oeuvres  posthumes  n'en  ont  rien  donné,  c'est  qu'ils  n'en 
avaient  retrouvé  aucun  vestige,  et  que  Tauteur  ne  l'avait 
pas  laissée  dans  ses  papiers. 

On  verra,  par  les  fragments  que  le  Livret  a  fait  connattre  de 
cette  seconde  pastorale,  qu  elle  n'avait  rien  du  caractère  hé^ 
nique  de  la  première,  et  que  le  sujet  en  était  des  plus  minces  : 
Ifolière  n'avait  cherché  que  quelques  motifs  de  chants  et  de 
clauses'.  Les  premiers  couplets  de  l'invocation  des  Magiciens 
à  Venus  sont  assez  plaisants. 

Dans  ce  que  nous  n'avons  plus,  nul  doute  qu'il  n'eût  échappé 
à  la  plume  rapide  de  l'auteur  plus  d'un  trait  où  l'on  eût  re- 
connu son  esprit  ;  nous  ne  supposons  pas  cependant  une  perte 
très-sensible.  Faut-il  croire  que  l'on  trouve  un  débris,  cei^- 
tainement  très-défiguré,  de  la  pièce,  au  commencement  des 
Fragments  de  Molière  ^^  cette  hïzarreollapodrida?  M.  Edouard 
Foumier  a  dit'  que  la  pièce  de  Ghampmeslé  <c  commence  par 

I.  Voyez  à  la  page  $49  de  notre  tome  I. 

a*  Voyez  dans  le  Moniteur  universel  du  4  juillet  1864,  le  feuille- 
toQ  de  Théophile  Gautier. 

3.  Pour  la  musique  de  Lully,  yoyez  ce  qui  en  est  dit  ci-après, 
p.  tigS,  note  3,  à  la  fin  de  V Appendice  à  Mélicerie^  etc. 

4 .  Voyez  sur  les  Fragments  de  Molière  notre  tome  V,p.53-54et7a. 

5.  Dans  un  article  Farta  de  la  Repue  des  provinces^  octobre  i865, 
p.  143. 


148  MELICERTE. 

une  scène  de  pastorale  pour  rire,  où  les  fleures  Lignon  et 
Jourdain....  semblent  reprendre  le  râle  qu'ils  avaient  pu  jouer 
déjà  dans  la  Pastorale  comique,  »  Comment  cette  scène  aurait- 
elle  trouvé  place  dans  la  pastorale,  telle  qu'il  nous  est  possible 
de  la  reconstituer  dans  son  plan  ?  faut-il  donc  supposer  un 
prologue  ?  Mais  la  liste  des  personnages  étant  dans  le  Livret^ 
pourquoi  les  deux  Fleuves  ne  s'y  trouvent-ils  pas  ? 

Le  Livret  donne  les  noms  des  acteurs  de  la  Pastorale 
comique;  on  les  trouvera  en  tête  de  l'analyse  que  nous  lui 
devons  de  la  pièce  ^.  Le  rôle  bouffon  de  Lycas,  que  les  Ma- 
giciens essayent  de  débarbouiller  de  sa  laideur,  était  joué  par 
Molière. 

Mélicerte,  nous  l'avons  dit,  ne  se  trouve  pas  dans  le  livret 
du  Ballet  des  Muses^  publié  en  1 666  ;  il  n'y  en  a  même  là  au- 
cune trace,  aucune  mention.  Notre  texte  reproduit  celui  du 
tome  Vil  de  l'édition  de  16811,  tome  I  des  OEuvres  posthumes^ 
où  les  deux  actes  de  cette  comédie  inachevée  ont  été  imprimés 
pour  la  première  fois. 

Quant  à  la  Pastorale  comique^  nous  avons  averti  que  nous 
la  donnions  d'après  le  livret  original.  La  première  édition  où 
elle  ait  été  réimprimée  est  celle  de  1734. 

La  Bibliographie  moliéresque  indique  (n"*  91a  et  91 3)  deux 
traductions  polonaises  de  Mélicerte  (s.  1.  ni  d.),  la  seconde 
sons  un  titre  qui  signifie  la  Pastorale  comique.  Elle  mentionne 
de  plus  (n°  81 5)  une  pièce  suédoise  intitulée  Melicerta  (1750), 
«  qui  paraît  imitée  de  la  pastorale  de  Molière.  » 

I.  Voyez  ci-après,  p.  189  et  190. 


SOMMAIRE  D£  VOLTAIRE.  149 


SOMMAIRE 

DE  MÉLICERTE,  PAR  VOLTAIRE. 

Molière  n*a  jamais  fait  que  deux  actes  de  cette  comédie  ;  le  Roi 
le  contenta  de  ces  deux  actes  dans  la  fête  du  BalUt  des  Mutêi*,  Le 
public  n*ai  point  regrette  que  Fauteur  ait  négligé  de  finir  cet 
ounage  :  il  est  dans  un  genre  qui  n^était  point  celui  de  Molière* 
Quelque  peine  qull  y  eût  prise*,  les  plus  grands  efforts  d*un  homme 
d'esprit  ne  remplacent  jamais  le  génie'. 

I.  Yojes  ci-dcnuSy  k  la  Notice^  p.  189  et  140. 

s.  Noos  Aoos  eoafbriiioiu.^t0éiliMi  de  1764  ;  dim  itHa  da  1739, Im  mot» : 
«  Qotlqiie  p«iiie  qa*il  j  e&t  prise,  »  termiiient  la  phrase  précédente. 

3.  Bcadiot  dit  eo  note  :  «  Le  texte  me  parait  altéré  :  Voltaire  refuserait  h 
Molière  le  génie  qu^il  lui  a  reconnu  »  dans  d^autres  passages.  On  peut  lé-  / 
poudre  que  la  phrase  précédente  montre  bien  que  g^nie  n'a  point  ici  le  même 
leas  qoe  dans  ces  passages,  mais  le  sens,  autrefois  très-fréquent,  de  talunt 
Bsturel  particulier,  propre  à  un  genre.  Voltaire  n^aurait  jamais  touIu  dire 
que  Molière  ne  Iftt  pas  un  hooune  de  génie  ;  mais  il  lui  refuse  le  génie  de  lu 
pssiorale,  qui,  fiuaant  défiiut)  ne  pourrait  être  reoipUcé  par  Te^rit. 


/  f 


4 


PERSONNAGES. 

ACANTE,  amant  de  Daphnë. 

TYRÉNE,  amant  d'Éroxène. 

DAPHNÉ,  bergère  ^ 

ÉROXÈNE,  bergère. 

LYCARSIS,  pâtre,  cru  père  de  Myrtil. 

MYRTIL,  amant  de  Mëlicerte. 

MÉUCERTE,  Nymphe  on  bergère*,  amante  de  Myrtil*. 

œRINNE,  confidente  de  Mëlicerte. 

NIGANDRE,  berger. 

MOPSEy  berger,  cru  oncle  de  Mëlicerte^. 

La  scène  est  en  Thessalie,  dans  la  Tallée  de  Tempe. 


I.  A  bergère  il  faudrait,  ce  semble,  ici  et  à  la  ligne  suitante, 
substituer  :  a  Nymphe  ou  bergère  »  (royez  plus  bas,  au  nom  de 
Mkï.ïcebte),  ou  même  plutôt  :  Nymphe^  tout  court.  Dans  le  dialo- 
gue, Daphitb  et  Éaoxàiis  sont  constamment  nommées  Nymphes^  et 
elles-mêmes  s*appellent  ainsi  (yers  a54).  Voyez  ci-après,  p.  i54) 
note  s. 

9.  Princesse  crue  simple  bergère^  auraient  pu  dire  les  premiers 
rédacteurs  de  cette  liste,  d* après  les  vers  44^  et  590-696  :  Toyex 
la  Notice^  p.  149  et  i43. 

3.  On  a  TU  à  la  Notice  (p.  i44  et  14$)  que  ces  trois  principaiu 
personnages  de  Ljrcarsîs^  de  Mjrriil^et  peut-être  de  Mélicerte(cu  ici 
il  n*y  a  pas  certitude],  furent  joués  par  Molière,  le  jeune  Baron 
et  Mlle  Molière. 

4 .  ACTEURS.  —  MsLicBHTB,  bergère.  —  Dapbbb,  bergère.  — 
Éaoxin,  bergère.  —  Mtbtil,  amant  de  Mélicerte.  —  AcAVia, 
amant  de  Daphné.—  Tthèkk,  amant  d'Éroxène.  —  Lygaesis,  pâtr^t 
cru  père  de  Myrtil.  —  CoanrirB,  confidente  de  Mélicerte.  — 
Nigaudes,  berger.  —  Mopsb,  berger,  etc.  (1734*) 


MÉLICERTE. 


COBfÉDIE  PASTORALE  HÉROÏQUE  •. 


ACTE  1. 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

TYRÈNE,  DAPHNÉ,  ACANTE,  ÉROXÈNE». 

ACAKTE. 

Ah  !  charmante  Daphné  ! 

TYRENB. 

Trop  aimable  Éroxène'. 

DÀPBNÉ. 

Acante,  laisse-mol. 

SROXÀNE. 

Ne  me  suis  point,  Tyrène. 

ACANTE. 

Pourquoi  me  chasses-tu? 

TYRÀNE. 

Pourquoi  fuis-tu  mes  pas  ? 

DAPHNÉ. 

Ta  me  plais  loin  de  moi. 

X.  MÉLICERTE.  PAffroBAi.E  béroSque.  (1734;  ici  et  au  feuillet  de  titre.) 

2.  DAPHKS,  XHOÙn,    AGAHTB,    TYBlkirE.    (1734.) 

3.  Sar  le  eanetère  de  ce  dialogoe  des  premières  eeèiies,  Toyex  à  la  Notice^ 
1  p.  140. 


iSa  MELICERTE. 

ÉROXÀNE. 

Je  m'aime^  où  tu  n^es  pas*. 

ÀCÀNTK. 

Ne  cesseras-tu  point  cette  rigueur  mortelle  ?  5 

TYRÉNE. 

Ne  cesseras-tu  point  de  m^étre  si  cruelle  ? 

DAPHM^. 

Ne  cesseras-tu  point  tes  inutiles  vœux  ? 

ÉROXÈNB. 

Ne  cesseras-tu  point  de  m'ctre  si  fâcheux  ? 

▲GANTE. 

Si  tu  n'en  prends  pitié,  je  succombe  à  ma  peine. 

TYRÈNE. 

Si  tu  ne  me  secours,  ma  mort  est  trop  certaine.        lo 

DAPHNÉ. 

Si  tu  ne  veux  partir,  je  vais  quitter  ce  lieu'. 

ÉROXÈNE. 

Si  tu  veux  demeurer,  je  te  vais  dire  adieu. 

ACANTE. 

Hé  bien  !  en  m'éioignant  je  te  vais  satisfaire. 

TYRÉNE. 

Mon  départ  va  t'ôter  ce  qui  peut  te  déplaire. 

I.  J'aime  à  être,  j'aime  à  me  voir,  j'aime  à  TÎvre,  je  me  plais..,.  L'ex- 
presiion  parait  avoir  été  familière  à  Montaigne  :  «  Je  m'aime  mieax  doosièn» 
ou  quatonième  que  treizième  à  table.  »  (Livre  III  des  Estais,  chapitre  Tint 
tome  lu»  p.  40a.}  Elle  se  trouve  dans  une  citation  faite  par  Paaeal  dei 
Peimturts  mtwaies  du  P.  le  Moyne  :  «  11  {Itfim  mélattcoltque)  s'ainie  nietf 
dans  un  tronc  d'arbre  ou  dans  nne  grotte  que  dans  un  palais  ou  sur  oa 
trône.  »  [IX*  Provinciale^  p.  140  de  l'édition  de  M.  Lesieur.) 
«.  ACAICTB,  à  Daphné, 

Pourquoi,  etc. 

TvniHi,  à  Éroxène, 
Pourquoi,  etc. 
DAPBiii,  «  Aeante. 
Ta  me,  etc. 

ÉsoziiiK,  k  Tjrrène, 
Je  m^aime  où  tu  n'es  pas.  (1734*) 
3.  Si  ta  ne  Tenz  partir,  je  quitterai^le  lieu.  (1730,  34.) 


ACTE  I,  SCÈNB  IL  iSI 

ACANTK. 

Généreuse  Éroxènei  en  faveur  de  mes  feux  i  S 

Daigne  au  moins,  par  pitié,  lui  dire  un  mot  ou  deux, 

TYRANS. 

Obligeante  Daphné,  parle  à  cette  inhumaine, 
Et  sache  d'où  pour  moi  procède  tant  de  haine. 


8CENE  IL 

DAPHNÉ,  ÉROXÈNE. 

ÉROXÂNB. 

Acante  a  du  mérite,  et  t'aime  tendrement  : 

Doii  vient  que  tu  lui  fais  un  si  dur  traitement?         %o 

DAPHNK. 

Tvrène  vaut  beaucoup,  et  languit  pour  tes  charmes  : 
D  où  vient  que  sans  pitié  tu  vois  couler  ses  larmes  ? 

ÉROXÈNB. 

Puisque  j'ai  fait  ici  la  demande  avant  toi, 
La  raison  te  condamne  à  repondre  avant  moi. 

DAPHNÉ. 

Poor  tous  les  soins  d'Acante  on  me  voit  inflexible,    a  5 
f^oxe  qu'à  d'autres  vœux  je  me  trouve  sensible. 

ÉROXÀHE. 

it  ne  fais  pour  Tyrène  éclater  que  rigueur. 
Parce  qu^un  autre  choix  est  maître  de  mon  cœur. 

DAPHNÉ. 

Puispje  savoir  de  toi  ce  choix  qu'on  te  voit  taire  ? 

SROXÈNE. 

Ooi,  si  tu  veux  du  tien  m^apprendre  le  mystère.  3o 

DAPHNÉ* 

Sans  te  nommer  celui  qu* Amour  m'a  fait  choisir. 
Je  puis  facilement  contenter  ton  désir, 


t54  MÉLIGERTE. 

Et  de  la  main  d'Atis,  ce  peintre  inimitable, 
J'en  garde  dans  ma  poche  un  portrait  admirable, 
Qui  jusquau  moindre  trait  lui  ressemble  si  fort,         3  S 
Qu'il  est  sûr  que  tes  yeux  le  oonnoitront  d'abord. 

ÉROXiNE. 

Je  puis  te  contenter  par  une  même  voie, 

Et  payer  ton  secret  en  pareille  monnoîé^  : 

J'ai  de  la  main  aussi  de  ce  peintre  fameux. 

Un  aimable  portrait  de  l'objet  de  mes  vœux,  40 

Si  plein  de  tous  ses  traits  et  de  sa  grâce  extrême, 

^Que  tu  pourras  d'abord  te  le  nommer  toi-même*. 

DÀPHlf^. 

La  boite'  que  le  peintre  a  fait  faire  pour  moi 
Est  tout  à  fait  semblable  à  celle  que  je  voi. 

I.  On  ■  TU  une  rime  lembUble  aux  Ten  37  et  38  du  Misanthrope, 
a.  «  Qaelle  est,  te  demande  Ânger,  cette  personne,  nommée  Daphné,  qai 
a  dans  sa  poche  le  portrait  de  son  amant,  fait  de  main  de  mattre  ?  Noos  se- 
rons bien  étonnés,  quand  nous  appreniirons  que  c*est  nne  bergère.  Dans 
quel  pays,  dans  quel  temps  a-t-on  tu  les  bergers  et  les  bergères  se  fsixe 
peindre  en  miniature?  Molière  a  peint  dans  sa  pièee  les  fausses  mttnrs  pas- 
torales du  roman  de  VAstrie,  en  transportant  seulement  sur  les  rives  dn  I^èDée 
les  personnages  que  d*Urfé  avait  placés  sur  les  bords  do  Lignon.  »  U  fiot 
avouer  que  la  nature  de  ces  personnages  reste  asses  indécise.  Peut-être  le 
nom  de  Njrmphe  qui  leur  est  donné  ne  s'appliqnait-il  qn*à  des  mortelles, 
eomme  un  titre  plus  pastoral,  plus  antique,  ou  moins  tragique  du  moins,  qnc 
Madame^  et  tout  à  la  fois  plus  noble  que  Bergère^  qui  n'aurait  pas  sofIL  pour 
de  si  bdles  personnes,  si  élevées  par  leur  naissance,  leur  rang  et  leur  for- 
tune au-dessus  du  peuple  parmi  leqnd  elles  vivent  (vers  a  19, 4^1,  443).  Peut- 
être  (et  un  costume  de  convention,  quelque  attribut*  en  pouvait  d'abord 
avertir  les  spectateurs]  étaient-elles  plus  encore.  Mais,  qu'on  rêvât  soit  de 
reines  et  princesses  des  bergères  soit  de  vraies  divinités,  voir  entre  lot  mains 
des  unes  ou  des  autres  un  chef-d'onivre  de  Tart  le  plus  parfait  n'avait  rien  qni 
dût  surprendre  au  milieu  de  toutes  ces  fictions  de  la  pastorale  hérofqoe. 

3.  Le  mot  est  écrit  hoëu  dans  l'édition  originale  :  vojet  an  rers  5ao  de 
PÉeole  dêt  maris, 

•  La  gravure  de  l'édition  originale  de  i68a  montre  Mélieerte  recevant  d*nne 
main  la  cage  de  Myrtil  et  tenant  de  l'autre  une  longue  flèche  :  est-ce  une 
flèche  d'amour  on  nne  arme  de  chasseresse?  Mélieerte  seule  d'ailleurs  est  ré> 
putée  simple  bergère  (vers  437-448),  non  Daphoé  ou  Êroaène,  et  ce  n'est 
qu'à  elle  aussi  que  Lycarsis,  prenant  un  ton  d*bumeur  et  de  mépris,  peut 
dire  (vers  475-477)  :  ^t  vout^,.,  la  gentilU  bergère,,,. 


ACTE  I,  SCÈNE  IL  i55 

bhoxInb. 
n  en  vrai,  Tune  à  Tautre  entièrement  ressemble^       45 
Et  certe  il  faut  qu'Atis  les  ait  fait  faire  ensemble. 

DÀPHNé. 

Faisons  en  même  temps,  par  un  peu  de  couleurs, 
Confidence  à  nos  yeux  du  secret  de  nos  cœurs  ^ 

KROXÂNB. 

Vojons  &  qui  plus  vite  entendra  ce  langage, 

Et  qui  parle  le  mieux,  de  Tun  ou  l'autre  ouvrage.      5o 

DÀPHNS. 

La  méprise  est  plaisante,  et  tu  te  brouilles  bien  : 
Au  lieu  de  ton  portrait,  tu  m*as  rendu  le  mien. 

ÉROXÈNK. 

n  est  vrai,  je  ne  sais  comme  j*ai  fait  la  chose. 

DÀPHNÉ. 

Donne.  De  cette  erreur  ta  rêverie  est  cause. 

ÉROXÂNE. 

Qae  veut  dire  ceci  ?  Nous  nous  jouons,  je  croi  :       5  5 
Ta  fais  de  ces  portraits  même  chose  que  moi. 

DAPHIIÉ. 

Certes,  c'est  pour  en  rire',  et  tu  peux  me  le  rendre". 

ÉROXÈNB  '. 

Voici  le  vrai  moyen  de  ne  se  point  méprendre. 

DAPHNB. 

De  mes  sens  prévenus  est-ce  une  illusion  ? 

BROXÂNB. 

Mon  âme  sur  mes  yeux  fait-elle  impression?  60 

DÀPHNB. 

Myrtîl  à  mes  regards  s'offre  dans  cet  ouvrage. 


1.  Cathos  on  Maddon  ne  dirait  pas  plus  prédeusement  :  faisont-nott<  con- 
■dire  Doa  amants  Tona  è  Tantre,  en  nous  montrant  leurs  portraits.  {Note 

a.  Voilà  qni  cet  lisible,  plaisant. 

3.  iaoxni,  mêttmnt  Um  demx  poriraU*  Vum  à  côté  de  F  autre.  (1734.) 


i56  MÉLICERTE. 

broxAne. 
De  Myitil  dans  ces  traits  je  rencontre  Fimage. 

DAPUNS. 

C'est  le  jeune  Myrtil  qui  fait  naître  mes  feux. 

ÉROXÂIIE. 

C'est  au  jeune  Myrtil  que  tendent  tous  mes  vœux. 

DAPHNÉ. 

Je  venois  aujourd'hui  te  prier  de  lui  dire  65 

Les  soins  que  pour  son  sort  son  mérite  m'inspire. 

ÉROXÂIIE. 

Je  venois  te  chercher  pour  servir  mon  ardeur, 
Dans  le  dessein  que  j'ai  de  m'assurer  son  cœar^. 

DAPHNÉ. 

Cette  ardeur  qu'il  t'inspire  est-elle  si  puissante  ? 

ÉROXÈNE. 

L'aimes-tu  d'une  amour  qui  soit  si  violente  ?  70 

DAPHNÉ. 

Il  n'est  point  de  froideur  qu'il  ne  puisse  enflammer, 
Et  sa  grâce  naissante  a  de  quoi  tout  charmer. 

ÉROXÉNE. 

Il  n'est  Nymphe  en  l'aimant  qui  ne  se  tînt  heureuse, 
Et  Diane,  sans  honte,  en  seroit  amoureuse. 

DAPHNÉ. 

Rien  que  son  air  charmant  ne  me  touche  aujourd'hui,  7  S 
Et  si  j'avois  cent  cœurs,  ils  seroient  tous  pour  lui. 

ÉROXÉNE. 

Il  efface  à  mes  yeux  tout  ce  qu'on  voit  paraître  ; 
Et  si  jVvois  un  sceptre,  il  en  seroit  le  maître. 

DAPHNS. 

Ce  seroit  donc  en  vain  qu'à  chacune,  en  ce  jour, 

On  nous  voudroit  du  sein  arracher  cet  amour  :  So 


I .  Dans  la  première  édition,  sana  égard  à  la  meanre  :  «  de  m^aiaonr  de  ton 
eanr  •  ;  cette  fauta  n*«at  paa  reproduite  dana  lea  éditiona  aaivantea. 


ACTE  I,  SCENE  II.  iS? 

Nos  âmes  dans  leurs  vœux  sont  trop  bien  affermies. 
Ne  tachons,  s*il  se  peut,  qu'à  demeurer  amies  ; 
Et  puisque,  en  même  temps,  pour  le  même  sujet. 
Nous  avons  toutes  deux  formé  même  projet. 
Mettons  dans  ce  débat  la  franchise  en  usage,  s  5 

Ne  prenons  Tune  et  Tautre  aucun  lâche  avantage. 
Et  courons  nous  ouvrir  ensemble  à  Lycarsis 
Des  tendres  sentiments  où  nous  jette  son  fils. 

ÉROXÈNE. 

J'ai  peine  à  concevoir,  tant  la  surprise  est  forte, 
Comme  un  tel  fils  est  né  d'un  père  de  la  sorte  ;  90 

Et  sa  taille,  son  air,  sa  parole  et  ses  yeux 
Feroient  croire  qu'il  est  issu  du  sang  des  Dieux  ; 
Mais  enfin  j'y  souscris,  courons  trouver  ce  père, 
Allons  lui  de  nos  cœurs  découvrir  le  mystère, 
Et  consentons  qu'après  Myrtil  entre  nous  deux  95 

Décide  par  son  choix  ce  combat  de  nos  vœux. 

DAPHNJS. 

Soit.  Je  vois  Lycarsis  avec  Mopse  et  Nicandre  ; 

Us  pourront  le  quitter  :  cachons-nous  pour  attendre. 


SCÈNE  III. 

LYCARSIS,  MOPSE,  NICANDRE. 

NICANDRE^. 

Dis-nous  donc  ta  nouvelle. 

LYCARSIS. 

Ah  !  que  vous  me  pressez  ! 
Cela  ne  se  dit  pas  comme  vous  le  pensez.  i  o  o 

MOPSB. 

Qae  de  sottes  façons,  et  que  de  badinage  ! 

I.  BiiGAiiDAi,  à  Ljrearsù,  (1734.] 


i58  MÉLIGERTE. 

Ménalque  pour  chanter  n*en  fait  pas  davantage. 

LYCÀR8IS. 

Parmi  les  curieux  des  affaires  d'État, 

Une  nouvelle  à  dire  est  d'un  puissant  éclat. 

Je  me  veux  mettre  un  peu  sur  Thomme  d'importance', 

Et  jouir  quelque  temps  de  votre  impatience. 

NICANDRE. 

Veux-tu  par  tes  délais  nous  fatiguer  tous  deux  ? 

MOPSB. 

Prends-tu  quelque  plaisir  à  te  rendre  fâcheux? 

NICANDRB. 

De  grâce,  parle,  et  mets  ces  mines  en  arrière*. 

LYCARSIS. 

Priez-moi  donc  tous  deux  de  la  bonne  manière,      1 1  o 
Et  me  dites  chacun  quel  don  vous  me  ferez, 
Pour  obtenir  de  moi  ce  que  vous  desirez. 

MOPSB. 

La  peste  soit  du  fat  !  Laissons-le  là,  Nicandre. 
Il  brûle  de  parler,  bien  plus  que  nous  d'entendre; 
Sa  nouvelle  lui  pèse,  il  veut  s'en  décharger  ;  i  iS 

Et  ne  l'écouter  pas  est  le  faire  enrager. 

LYCARSIS. 

Eh! 

NICANDRE. 

Te  voilà  puni  de  tes  façons  de  faire. 

LYCARSIS. 

Je  m'en  vais  vous  le  dire,  écoutez. 

MOPSE. 

Point  d'affaire. 


I.  Me  mettre  à  faire  Thoinme  d^importance  :  par  analogie,  ce  semble,  ()« 
se  mettre  sur  ton  quttnt  à  soi»  Compares  la  locution  du  vers  147  :  •  wr  U 
fier  TOUS  TOUS  tenez  si  bien.  » 

a.  Mettre  en  arrière ,  laisser  là,  quitter;  Corneille  a  employé  Pexpressioa 
dans  le  sens  d'oublier,  sacrifier  :  voyez  le  Lexique  de  sa  langue. 


ACTE  I,  SCENE  III.  iSg 

LYCARSI8. 

Quoi  ?  Yous  ne  Toulez  pas  m^entendre  ? 

IflCAUDIUI. 

Non. 

LYCAR8I8. 

Eh  bien  f 
Je  ne  dirai  donc  mot,  et  yous  ne  saurez  rien.  i  ao 

MOPSB. 

Soit. 

LYCARSIS. 

Vous  ne  saurez  pas  qu'aYec  magnificence 
Le  Roi  Yient  d'honorer  *  Tempe  fle  sa  présence  ; 
Qu'il  entra  dans  Larisse  hier  sur  le  haut  du  jour'  ; 
Qtt  a  Taise  je  l'y  vis  avec  toute  sa  cour  ; 
Que  ces  bois  vont  jouir  aujourd'hui  de  sa  vue,  i  %  s 

Et  qu'on  raisonne  fort  touchant  cette  venue'. 

NICANDRB. 

Nous  n'avons  pas  envie  aussi  de  rien  savoir. 

LYCARSIS. 

Je  vis  cent  choses  là  ravissantes  à  voir. 
Ce  ne  sont  que  seigneurs,  qui,  des  pieds  à  la  tète, 
Sont  brillants  et  parés  comme  au  jour  d'une  fête  ;    1 3o 
Ils  surprennent  la  vue  ;  et  nos  prés  au  printemps, 
Avec  toutes  leurs  fleurs,  sont  bien  moins  éclatants. 
Pour  le  Prince,  entre  tous  sans  peine  on  le  remarque  ; 


1.  Le  réritable  texte  ne  lerait-il  pas  platAt,  comme  on  a  imprimé  dans  one 
partie  du  tirage  de  1734,  mais  non  dans  1773  :  «  vient  honorer  »? 

2.  Cette  hetirenae  expression,  U  Aon/  da  j'our^  appartient-elle  à  Molière? 
U.  Idttré  (article  Joun,  i«)  nous  apprend  qu*à  la  fin  du  siècle  dernier  Mme  de 
^^olis  a  dit  encore  :  «  dans  le  haat  du  jour  »  (tome  I,  p.  338,  des  Feilléeg 
^»  ehâUaUf  1784)-  Dans  Froissart  on  lit,  arec  haut  adjectif:  «  Quant  U  fn 
l>aas  jours  »  (livre  I,  fin  du  $  3 18,  de  rédition  publiée  par  M.  Siméon  Luce). 

3.  Le  viens  Lyearsia  ne  pouvant  résister  à  son  envie  de  conter,  tout  en 
pr^endant  ne  vouloir  parler  de  rien,  rappelle  à  Auger  la  manière  dont  (à  la 
fia  de  la  scène  t,  acte  H,  de  George  Dandin)  Vinnocent  Lubin  laisse  échapper 
I«  secret  qu^il  déclare  garder  pour  lui.  Mais  ce  sont  U  des  traits  de  denx 
caractères  assez  differenu,  et  les  situations  sont  tout  autres  aussi. 


i6o  MELIGERTE. 

Et  d'une  stade ^  loin  il  sent  son  grand  monarque; 

Dans  toute  sa  personne  il  a  je  ne  sais  quoi  i55 

Qui  d'abord  fait  juger  que  c'est  un  maître  roi  ; 

Il  le  fait  d'une  grâce  à  nulle  autre  seconde, 

Et  cela,  sans  mentir,  lui  sied  le  mieux  du  monde. 

On  ne  croiroit  jamais  comme  de  toutes  parts 

Toute  sa  cour  s'empresse  à  chercher  ses  regards  :    140 

Ce  sont  autour  de  lui  confusions  plaisantes; 

Et  l'on  diroit  d'un  tas  de  mouches  reluisantes 

Qui  suivent  en  tous  lieux  un  doux  rayon  de  miel. 

Enfin  l'on  ne  voit  rien  de  si  beau  sous  le  ciel  ; 

Et  la  fête  de  Pan,  parmi  nous  si  chérie,  i4$ 

Auprès  de  ce  spectacle  est  une  gueuserie*. 

Mais  puisque  sur  le  fier  vous  vous  tenez  si  bien', 

Je  garde  ma  nouvelle,  et  ne  veux  dire  rien. 

MOPSE. 

Et  nous  ne  te  voulons  aucunement  entendre. 

LYCARSIS. 

Allez  vous  promener. 

MOPSB. 

Va-t'en  te  faire  pendre.  i5o 


I.  Mesure  grecque  d*enTiron  184  mètres.  •—  Faretière,  en  1690,  fait  encore 
fiéminin  le  mot  ttade^  neutre  en  grec  et  en  latin;  Thomas  Corneille^  àxt»  k 
Dictionnaire  deM  arts  et  des  sciences^  de  1694,  met  à  la  suite  du  mot  «./« 
mais  remploie  au  masculin  dans  le  corps  de  Tarticle.  Richelet,  dès  1679,  ^"^ 
contre  le  féminin  cette  remarque  peu  polie  :  «  Quelques  auteurs  de  la  denuere 
classe  font  le  mot  ....  féminin,  mais  ceux  de  la  première  le  font  mateolia, 
et  il  les  faut  imiter.  » 

a.  Sur  ce  joli  couplet,  Toyei  ci-dessos  è  la  Notice ,  p.  141  et  141. 

3.  Puisque  tous  tenex  si  bien  Totre  fierté^  votre  morgue,  puisque  Toa«  p^* 
sistex  à  faire  les  fiers.  Saint-Simon  a  dit  se  tenir  sur  *<m  Jier,  dan«  le  sens  àe 
te  tenir  sur  son  quant  à  soi  :  m.  Monsieor  le  Prince  se  mit  à  rechercher  Hmf. 
qui  se  tint  longtemps  sur  son  fier.  »  (Tone  11,  p.  424,  de  l'édition  de  1873-) 


ACTE  I,  SCENE  IV.  i6i 


SCENE  IV. 
ÉROXÈNE,  DAPHNÉ,  LYCARSIS. 

LYCARSIS  ^ . 

C'est  de  cette  façon  que  Ton  punit  les  gens, 
Quand  ils  font  les  benêts  et  les  impertinents. 

DAPHNE. 

Le  Ciel  tienne,  pasteur,  vos  brebis  toujours  saines  ! 

ÉROXÂRB. 

Gérés  tienne  de  grains  vos  granges  toujours  pleines  ! 

LYCARSIS. 

Et  le  grand  Pan  vous  donne  à  chacune  un  époux     1 5  5 
Qui  voas  aime  beaucoup,  et  soit  digne  de  vous  ! 

DAPHNÉ. 

Ah  !  Lycarsis,  nos  vœux  à  même  but  aspirent. 

ÉROXÈNB. 

C'est  pour  le  même  objet  que  nos  deux  cœurs  soupirent. 

DAPHNÉ. 

Et  FAmour,  cet  enfant  qui  cause  nos  langueurs, 

A  pris  chez  vous  le  trait  dont  il  blesse  nos  cœurs.     160 

ÉROXBNB. 

Et  nous  venons  ici  chercher  votre  alliance, 
Et  voir  qui  de  nous  deux  aura  la  préférence. 

LYCARSIS. 

.\ymphes.... 

DAPHNÉ. 

Pour  ce  bien  seul  nous  poussons  des  soupirs. 

LYCARSIS. 

Je  suis.... 


1.  LTGàEAis,  se  arojanî  seul,  (1734.) 

MOLISHS.   TI  IK 


iê%  MÉLICERTB. 

iioxÈns. 
A  ce  bonheur  tendent  tous  nos  désirs. 

Cest  un  peu  librement  expliquer  sa  pensée.  t6S 

LTCARSIS. 

Pourquoi  ? 

iEOZillB. 

La  bienséance  y  semble  un  pe»  blessée. 

LTCIBSIS. 

Ah!  point. 

aAFSifi. 
Mais  quand  le  cœur  brâle  d*nn  noble  feu, 
On  peut  sans  nulle  honte  en  (aire  un  libre  aveu. 

LYCAESIS. 

je  •  •  • 

BRoxàai. 
Cette  liberté  nous  peut  être  permise , 
Et  du  choix  de  nos  cœurs  la  beauté^  Tautorise.        17» 

LYCAaSIS. 

Cest  blesser  ma  pudeur  que  me  flatter  ainsi. 

xaoxinB. 
Non,  non,  n^affSectez  point  de  modestie  ici. 

DAFSlfS. 

Enfin  tout  notre  bien  est  en  Totre  puissance. 


Cest  de  yous  que  dépend  notre  unique  espérance. 

DAPHNB. 

TrouYerons-nous  en  yous  quelques  difficultés?  17S 

LTCIRSIS. 

Ah! 

ÉROXÂNE. 

Nos  Yœux,  dites-moi,  seront-ils  rejetés  ? 

I.  Et  la  beaaté  da  efaoiz  qu'ont  fait  noa  eorars. 


ACTB  I,  SCiNB  lY.  i«3 

Non  :  j*ai  reçu  du  Gel  une  àme  peu  cruelle  ; 

Je  tiens  de  fea  ma  femmei  et  je  me  sens  comme  elle 

Pour  les  désirs  d'autrui  beaucoup  d'humanité, 

Et  je  ne  suis  point  homme  à  garder  de  fierté.  xt» 

DAPHNÉ. 

Accordez  donc  Myrtil  à  notre  amoureux  zèle. 

BtOXÀNB. 

Et  souffrez  que  son  choix  règle  notre  querelle. 

LYCARSIS. 

Mynil? 

DAPHNÉ. 

Oui,  c'est  Myrtil  que  de  vous  nous  voulons. 

EROXÂlfS. 

De  qui  pensez- vous  donc  qu'ici  nous  vous  parlons  ? 

LTCARSIS. 

Je  ne  sais  ;  mais  Myrtil  n'est  guère  dans  un  âge      1 95 
Qui  soit  propre  à  ranger  au  joug  du  mariage. 

DAPHlflf. 

Son  mérite  naissant  peut  frapper  d'autres  yeux  ; 

Et  l'on  veut  s'engager  un  bien  si  précieux, 

Prévenir  d'autres  cœurs,  et  braver  la  Fortune 

Sous  les  fermes  liens  d'une  chaîne  commune.  190 

XROXÉNX. 

Gomme  par  son  esprit  et  ses  autres  brillants^ 
Il  rompt  l'ordre  commun  et  devance  le  temps. 
Notre  flamme  pour  lui  veut  en  faire  de  même', 

I.  Wx  Pédst  àê  9Bê  aatrtt  cjaalitât  :  euuipwM  1«  f«rt  S5  àê  la  Printesse 
^Éiide^  le  v«n  197  da  Tartuffe,  «t  le  vert  lOiS  da  Misanthrope, 

3.  CetUà-dira  «  vent  ■mû  am  m  Uwmr  tnmpra  Tordra  eomman.  »  £n 
faire  de  mimta  te  trouve  dans  le  léeit  dn  Cîd  (tots  1969)  : 

Par  mon  eommaadoiMBt  la  garde  en  fiiit  do  même. 

Oa  pcat  rtpprodier  de  cette  location  celle  que  Molièra  a  employée,  anael  à 
l'exemple  de  Corneille,  an  Tert  ao6  da  Dépit  amoureux  : 

,  .  .      Ven  tais  bien  de  même. 

▼ojcB  le  texifua  de  la  langue  da  CorneUU^  tome  I,  p.  356. 


i64  MÉLIGERTE. 

Et  régler  tous  ses  vœux  sur  son  mérite  extrême'. 

LYC1R818. 

Il  est  vrai  qu*à  son  âge  il  surprend  quelquefois  ;       1 95 
Et  cet  Athénien  qui  fut  chez  moi  vingt  mois, 
Qui,  le  trouvant  joli*,  se  mit  en  fantaisie 
De  lui  remplir  Tesprit  de  sa  philosophie, 
Sur  de  certains  discours  Ta  rendu  si  profond, 
Que,  tout  grand  que  je  suis,  souvent  il  me  confond',  ao» 
Mais,  avec  tout  cela,  ce  n^est  encor  qu'enfance. 
Et  son  fait  est  mêlé  de  beaucoup  d'innocence. 

DAPHNÉ. 

Il  n'est  point  tant  enfant,  qu'à  le  voir  chaque  jour, 
Je  ne  le  croie  atteint  déjà  d'un  peu  d'amour  ; 
Et  plus  d'une  aventure  à  mes  yeux  s'est  offerte       «o5 
Où  j'ai  connu  qu'il  suit  la  jeune  Mélicerte. 

ÉROXÈNB. 

Ils  pourroient  bien  s'aimer  ;  et  je  vois.,.. 

LYCARSIS. 

Franc  abus^ 

1 .  Ce  vers,  dans  la  première  Mîtion  seule,  e&t  mû,  par  une  faute  d*impm- 
ston  sans  doute,  dans  la  bouche  de  Lycarsis. 

2.  Lui  trouvant  Tesprit  vif,  un  heureux  naturel.  Voyex,  dans  le  DictÎM^ 
narre  de  M.  Littré  (à  Joli,  i*)  et  dans  le  Lexique  de  la  lanf^ue  de  Mme  de  Se' 
vigné^  les  nombreux  exemples  du  temps  dans  lesquels  joli  a  ce  sens  de  fi/t 
spirituel,  avenant,  aimable  en  général. 

3.  Comme  en  avertit  Aimé-Martin,  il  y  a  sans  doute  encore  ici  (vojes  • 
Notice,  p.  143  et  144)  un  souvenir  de  VHietoire  de  Sésostris  et  de  Timarètt: 
on  y  lit  (p.  669)  que  Pythjigore,  pendant  quatre  mots,  «  instruisit  Sésostris 
Hvec  un  plaisir  extrême,  ce  grand  homme  étant  ravi  de  trouver  en  Pesprit  de 
ce  jeune  prince  une  si  merveilleuse  disposition  à  apprendre  les  choses  les  plo« 
élevées.  » 

4.  C*eât-à-dire  complète  erreur,  vous  vous  abusez.  On  employait  tonvcnt 
alors  abus  en  ce  sens.  Ainsi  Corneille  a  dit  : 

Qu*un  si  charmant  abus  seroit  &  préférer 
A  Tàpre  vérité  qui  vient  de  m*éclairer! 

(HèracUus,  vers  8a5  et  8a6.) 

£t  la  Fontaine,  avec  une  nuance  de  signification  : 

Alléguer  l'impossible  aux  rois,  c*est  un  abus. 

(Fable  m  du  livre  VIU,  vers  3.) 


ACTE  I,  SCÈNE  IV.  i65 

Pour  elle,  passe  encore  :  elle  a  deux  ans  de  plus; 
Et  deux  ans,  dans  son  sexe,  est^  une  grande  avance. 
Mais  pour  lui,  le  jeu  seul  l'occupe  tout*,  je  pense,    a  i  o 
Et  les  petits  désirs  de  se  voir  ajusté 
Ainsi  que  les  bergers  de  haute  qualité. 

DAPHNK. 

Enfin  nous  desirons  par  le  nœud  d'hyménée 
Attacher  sa  fortune  à  notre  destinée. 

ÉROXéNE. 

Nous  voulons,  Tune  et  Tautre,  avec  pareille  ardeur,  a  1 5 
Nous  assurer  de  loin  Tempire  de  son  cœur. 

LYCARSIS. 

Iein*en  tiens  honoré  autant*  qu'on  sauroit  croire, 
le  suis  un  pauvre  pâtre  ;  et  ce  m'est  trop  de  gloire 
Que  deux  Nymphes  d'un  rang  le  plus  haut  du  pays 
Disputent  à  se  faire  un  époux  de  mon  fils.  a 20 

Puisqu'il  vous  plait  qu'ainsi  la  chose  s'exécute, 
Je  consens  que  son  choix  règle  votre  dispute  ; 
Et  celle  qu'à  l'écart  laissera  cet  arrêt. 
Pourra,  pour  son  recours,  m'épouser,  s'il  lui  plaît. 
C'est  toujours  même  sang,  et  presque  même  chose.  aa5 
Mais  le  voici.  Souffrez  qu'un  peu  je  le  dispose. 
Il  tient  quelque  moineau  qu'il  a  pris  fraîchement, 
Et  voilà  ses  amours  et  son  attachement. 

I.  L*aeeord  du  verbe  s*expliqae  et  par  Tattribut  singalier  qui  le  suit,  et  par 
}*apresiion  nomérique  considérée  comme  un  total,  un  tout  unique  :  ce  totale 
ce  pius  qu'elle  a  de  deux  ans  est  une  grande  avance.  En  prose,  Molière  a  dit 
de  même  (acte  lit,  scène  tu,  de  Monsieur  de  Pourceaugnac)  :  «  On  lui  a  fiait 
cnira  que  cet  antre  e«t  plus  riche  que  moi  de  quatre  ou  cinq  mille  écus  ;  et 
quatre  on  cinq  mille  écus  est  un  denier  considérable.  •  Et  Mme  de  ScTigné 
(tome  VI,  p.  401)  :  «  Cinquante  domestiques  est  une  étrange  chose.  * 

1.  Toat  entier. 

3.  Lea  éditions  de  171 S  et  de  17)4  remplaeent  le  teeond  hémiitidie  par 
•  plu  qa*on  ne  sauroit  croire  »  ;  mais  les  autres  ont  l'hiatus. 


i66  MÉLIGERTE. 


SCÈNE  V, 

MYRTIL,  LYCARSIS,  ÉR0X£NE,  IUPHMÉ. 

MYRTIL*. 

Innocente  petite  bête, 

Qui  contre  ce  qui  vous  arrête  9  3o 

Vous  débattez  tant  à  mes  yeux. 

De  votre  b'berté  ne  plaignez  point  la  perte  : 
Votre  destin*  est  glorieux, 
Je  vous  ai  pris  pour  Mélicerte. 

Elle  vous  baisera,  vous  prenant  dans  sa  main,         «3S 
Et  de  vous  mettre  en  son  sein 
Elle  vous  fera  la  grâce. 

Est-il  un  sort  au  monde  et  plus  doux  et  plus  beau  ? 

Et  qui  des  rois,  hélas  f  heureux  petit  moineau. 

Ne  voudroit  être  en  votre  place  ?  aio 

LYCARSIS. 

Myrûl,  Myrtil,  un  mot.  Laissons  là  ces  joyaux'  : 

Il  s'agit  d'autre  chose  ici  que  de  moineaux. 

Ces  deux  Nymphes,  Myrtil,  à  la  fois  te  prétendent, 

Et,  tout  jeune*,  déjà  pour  époux  te  demandent. 

Je  dois,  par  un  hymen,  t'engager  à  leurs  vœux,       «45 

Et  c'est  toi  que  Ton  veut  qui  choisisse'  des  deux. 

I .  ÉaoxisB,  DAPUNB  et  LYGAASis  dans  le  fond  du  théâtre,  htbtil. 
Mtetii.,  se  crcjant  seul,  et  tenant  un  moineum  dans  une  eage.  (i734*) 

a.  Daiu  U  première  édition  :  «  Votre  desseio  »  ;  cetito  faate  ■  été  conigie 
dans  les  édidons  taiTaiites,  sauf  1697  et  1710. 

'i.  Ces  présenti  de  haut  prix.  «  On  dit  ironiquement  d*une  (uûme  o« 
d*ane  chose  qu'on  nVstime  pas  belle  :  ^oilà  un  beau  joyau  i  vrmment  c*0' 
un  hesm  joyau,  •  (Dictionnaire  de  V Académie,  1694.) 

4.  Tout  jeune  que  tu  es  :  compares  les  ver*  390  et  m)  du  Misanér^' 

5.  Dans  nos  anciennes  éditions,  sauf  1773,  il  7  a  ainsi  la  troisième  penoaae, 
dont  on  troure,  en  ce  temps-là,  de  nombreux  exemples,  après  on  relatif  pr^ 
cédé  d*un  pronom  de  la  première  ou  de  la  seeonde  personne. 


ACTE  I,  SCiNS  y.  167 

MTATIL. 

CesNjrmphes....* 

LYCAMIt. 

Oui.  Des  deux  tu  peux  en  chcnsir  une  : 
Vois  quel  est  loa  bonheur,  et  bénis  la  FMtune. 

MYETIL. 

Ce  choix  qui  m*est  offert  peut^il  m'être  un  bonheur, 
SHl  nW  aneunement  touhaité  de  mon  cour  ?  a  So 

LTCAISIS. 

Enfin  qu'on  le  ffeQotve,  et  que,  sans  le  confondre  ', 
A  rhonneur  qu'elles  fioat  on  songe  à  bien  répondre. 

iaoxiiiix. 
Malgré  cette  fierté  qui  règne  parmi  nous, 
Deux  Nymphes,  6  Myrtil,  viennent  s'offrir  à  vous  ; 
Et  de  vos  qualités  les  merveilles  écloses  %B$ 

Pont  que  nous  renversons  ici  Tordre  des  choses. 

DAPsni. 
Nous  vous  laissons,  Myrtil,  pour  l'avis  le  meilleur, 
Consulter  sur  ce  choix  vos  yeux  et  votre  co9ur  ; 
Et  nous  n'en  vouions  point  prévenir  les  suffrages 
Pftr  un  récit  paré  de  tous  nos  avantages.  160 

MYRTIL. 

C  est  me  faire  un  honneur  dont  l'éclat  me  surprend  ; 

Mais  cet  honneur,  pour  moi,  je  l'avoue,  est  trop  grand. 

A  vos  rares  bontés  il  faut  que  je  m'oppose  ; 

Pour  mériter  ce  sort,  je  suis  trop  peu  de  chose  ; 

Et  je  serois  (aché,  quels  qu'en  soient  les  appas,         ^65 

Qu'on  vous  blâmât  pour  moi  de  faire  un  choix  trop  bas. 

1.  Cm  NjmplMt?  (1734.] 

a.  Tel  «t  I0  texte,  qa*il  ii*est  pu  trop  aisé  d*eiiteadre.  Cela  Teat-il  dire  : 
MM  tonfmârê  eet  hommemr  oMe  tPamiretf  saiu  le  méeonnaùrê^  *n  stmUuU 
tmt  U  prix  de  eet  honneur?  L'édition  de  1 734  ehaage  U  en  m,  doMiaat  mm 
doele  k  se  eonfomJlte  la  aeM  de  se  tromhUr,  dememrer  interdit  t  la  eorroelioa 
poerrait  bien  être  Ixnuie  ;  aona  peaeherioat  k  le  eroirt,  oMia  ae  mom  piM 
pM  de  ahaegar  la  1090»  orifiaak. 


i68  MÉLICERTE. 

ÉROXÂlfE. 

Contentez  nos  désirs,  quoi  qu'on  en  puisse  croire, 
Et  ne  vous  chargez  point  du  soin  de  notre  gloire. 

DAPHNÉ. 

Non,  ne  descendez  point  dans  ces  humilités, 

Et  laissez-nous  juger  ce  que  vous  méritez.  970 

MTRTIL. 

Le  choix  qui  m'est  offert  s'oppose  à  votre  attente, 
Et  peut  seuP  empêcher  que  mon  cœur  vous  contente. 
Le  moyen  de  choisir  de  deux  grandes  beautés, 
Égales  en  naissance  et  rares  qualités  ? 
Rejeter  l'une  ou  l'autre  est  un  crime  effroyable,         75 
Et  n^en  choisir  aucune  est  bien  plus  raisonnable. 

ÉROXÀNB. 

Mais  en  faisant  refus  de  répondre  à  nos  vœux, 
Au  lieu  d'une,  Myrlil,  vous  en  outragez  deux. 

DAPHNÉ. 

Puisque  nous  consentons  à  l'arrêt  qu'on  peut  rendre, 
Ces  raisons  ne  font  rien  a  vouloir  s'en  défendre*.     »8o 

MYRTIL. 

Eh  bien  !  si  ces  raisons  ne  vous  satisfont  pas, 
Celle-ci  le  fera  :  j'aime  d'autres  appas  ; 
Et  je  sens  bien  qu'un  cœur  qu'un  bel  objet  engage 
Est  insensible  et  sourd  à  tout  autre  avantage. 

LYCARSIS. 

Comment  donc  ?  Qu'est-ce  ci  *  ?  Qui  l'eût  pu  présumer? 
Et  savez-vous,  morveux,  ce  que  c'est  que  d'aimer? 

MYRTIL. 

Sans  savoir  ce  que  c'est,  mon  cœur  a  su  le  faire. 

LYCARSIS. 

Mais  cet  amour  me  choque,  et  n'est  pas  nécessaire. 

I.  Et  peut  i  lui  Mol. 

a.  Pour  M  refuser  à  rendre  cet  arrêt,  ees  riiaoïit  sont  de  peu  de  pcûdi,  àe 
pca  de  Telear. 

3.  Dans  Péditioii  originale  :  «  Qu^ett-ce-ey?  »  Compares  p.  4i«  >^ote  4- 


ACTE  I,  SCENE  Y.  169 

MTRTIL. 

Vous  ne  deviez  donc  pas,  si  cela  vous  déplaît, 

Me  iaire  un  cœur  sensible  et  tendre  comme  il  est.  190 

LTCÀBSIS. 

Mais  ce  cœar  que  j*ai  fait  me  doit  obéissance. 

MTKTIL. 

Oui,  lorsque  d'obéir  il  est  en  sa  puissance. 

LYCARSIS. 

Mais  enftn,  sans  mon  ordre  il  ne  doit  point  aimer. 

MTRTIL. 

Qae  n  empêdiiez-vous  donc  que  Ton  pût  le  charmer  ? 

LTCARSIS. 

Eh  bien  !  je  vous  défends  que  cela  continue.  agS 

MYRTIL. 

La  défense,  j*ai  peur,  sera  trop  tard  venue. 

LYCARSIS. 

Quoi?  les  pères  n'ont  pas  des  droits  supérieurs  ? 

MYRTIL. 

Les  Dieux,  qui  sont  bien  plus,  ne  forcent  point  les  cœurs. 

LYCARSIS. 

Les  Dieux....  Paix,  petit  sot!  Cette  philosophie 
Me..., 

DAPHNÉ. 

Ne  vous  mettez  point  en  courroux,  je  vous  prie. 

LYCARSIS. 

Non  :  Je  veux  qu'il  se  donne  à  l'une  pour  époux, 
Ou  je  vais  lui  donner  le  fouet  tout  devant  vous  : 
Ah  !  ah  !  Je  vous  ferai  sentir  que  je  suis  père. 

DAPHnS. 

Traitons,  de  grâce,  ici  les  choses  sans  colère. 

ÉROXÂNE. 

Peot-on  savoir  de  vous  cet  objet  si  charmant  3o5 

Dont  la  beauté,  Myrtil,  vous  a  fait  son  amant? 


I70  MÉLICERTr 

MTATIt. 

Mélicerte,  Xladame.  Elle  en  peul  faire  d  «utne. 
Voas  comparez,  MyrtU,  ses  qualités  aax  nôtres  ? 
Le  choix  d^elle  et  de  nous  est  assez  inégal. 

MYaTIL. 

Nymphes,  au  nom  des  Dieux,  n  en  dites  point  de  mal  : 

I^ignez  eonaidérer,  de  grâce,  que  je  Taime, 

Et  ne  me  jetez  point  dans  un  désordre  extrême. 

Si  j  outrage  en  Taimant  vos  célestes  attraits. 

Elle  n*a  point  de  part  au  crime  que  je  fais  : 

C*est  de  moi,  s*il  vous  plait,  que  vient  toute  Toffense. 

Il  est  vrai,  d*elle  à  vous  je  sais  la  différence  ; 

Mais  par  sa  destinée  on  se  trouve  enchaîné  ; 

Et  je  sens  bien  enfin  que  le  Gel  m*a  donné 

Pour  vous  tout  le  respect,  Nymphes,  imaginable, 

Pour  elle  tout  Tamour  dont  une  àme  est  capable.    3io 

Je  vois,  à  la  rougeur  qui  vient  de  vous  saisir, 

Que  ce  que  je  vous  dis  ne  vous  fait  pas  plaisir. 

Si  vous  parlez,  mon  cœur  appréhende  d*entendre 

Ce  qui  peut  le  blesser  par  Tendroit  le  plus  tendre  ; 

Et  pour  me  dérober  à  de  semblables  coups,  3s  s 

Nymphes,  j'aime  bien  mieux  prendre  congé  de  vous. 

LYCÀRSIS. 

Myrtil,  holà  !  Myrtil  !  Yeux- tu  revenir,  traître  ? 
Il  fuit;  mais  on  verra  qui  de  nous  est  le  maître. 
Ne  vous  effrayez  point  de  tous  ces  vains  transports  : 
Vous  Taurez  pour  époux  ^;  j*en  réponds  corps  pour  corps. 

I.  «  C*est-à-dîre,  explique  Auger,  ane  de  tous  raura  poar  époux;  •  Miû 
le  plaieaiit,  c'est  cette  coafiuioii,  cette  promena  faite  par  indina. 

riN   DU   PXEMUR   ACTE. 


ACTI  II,  8GÉNB  I.  191 


ACTE  IL 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

MÉUCERTE,  œRINNE. 


MÏLICBBTB. 


Ah  !  Corinne,  tu  viens  de  l'apprendre  de  Stelle,. 
Et  c'est  de  Lycarais  qu'elle  tient  la  nouvelle. 

coanniB. 

Oui. 

■ilICBATB. 

Que  les  qualités  dont  Myrtil  est  orné 
Ont  sa  toucher  d^amour  Éroxène  et  Daphaé  ? 

comniiB. 
Oui. 

■iLICERTB. 

Que  pour  Tobtenir  leur  ardeur  est  si  grande,    335 
Qu'ensemble  elles  en  ont  déjà  fait  la  demande  ? 
Et  que,  dans  ce  débat,  elles  ont  fait  dessein 
De  passer,  dès  cette  heure,  à  recevoir  sa  main  ? 
Ah  !  que  tes  mots  ont  peine  à  sortir  de  ta  bouche  ! 
Rt  que  c'est  foiblement  que  mon  souci  te  touche  !     34 o 

CORINIIB. 

Mais  quoi?  que  voulez-vous  ?  C'est  là  la  vérité. 
Et  vous  redites  tout  comme  je  Tai  conté*. 


I.  CûouM  la  rappelle  Petitot  (au  tome  IV  des  Œuvre*  ic  MolUrey  l8a4» 
P*  ^  *^4o),  ridce  de  ce  dialogue,  plua  tard  reprise  par  Molière  lui-même, 
litai  la  première  Kène,  ploa  rwBArqnèe,  d«f  FmirhtrUê  de  S^fim,  avait  ith 


17^  MÉLIGERTE. 

MBLICBBTB. 

Mais  comment  Lycarsis  reçoit-il  cette  affaire  ? 

CORINFŒ. 

0>mme  un  honneur,  je  crois,  qui  doit  beaucoup  lui  plaire. 

MÉLICERTB. 

Et  ne  vois-tu  pas  bien,  toi  qui  sais  mon  ardeur,       345 
Qu'avec  ce  mot\  hclas  !  tu  me  perces  le  cœur  ? 

GORllfNE. 

Comment  ? 


déjà  fort  heureutement  mÎM  en  ouTre  par  Rotrou,  «a  débat  de  sa  eomédie 
de /a  Scnw  (i645)' 

O  fatale  nourelle,  et  qui  me  déaespirel 

Mon  oncle  te  Ta  dit  ?  et  le  tient  de  mon  père  7 

■aoàarn. 
Oni. 

LBLXB. 

Que  pour  Éroxène  il  destine  ma  fol  ? 
Qu*il  doit  absolument  m^imposer  cette  loi  ? 
Qn*il  promet  Aurélie  aux  vœux  de  Polydore  ? 

BROASTR. 

Je  TOUS  Tai  déjà  dit,  et  tous  le  dis  encore. 

LKL». 

Et  qu*exigeaat  de  nous  ce  funeste  devoir. 
Il  nous  veut  obliger  d*épouser  dès  ce  soir  ? 

KAOASTB. 

Dès  ce  soir. 

LÉLXX. 

Et  tu  crois  qu'il  te  parloit  sans  feinte? 
Sans  feinte. 

LÉLII. 

Ha  I  si  d'amonr  tu  ressentois  Tatteinte, 
Tu  plaindrois  moins  ces  roots  qui  te  coûtent  si  cher 
Et  qa*avec  tant  de  peine  il  te  faut  arracher; 
Et  cette  avare  écho  '  qui  répond  par  ta  bouche 
Seroit  plus  indulgente  à  Tamour  qui  me  touche. 

XRaASTB. 

Comme  on  m'a  tout  appris  je  tous  Tai  rapporté, 
Je  n*ai  rien  oublié,  je  n*ai  rien  ajouté  : 
Que  desirex-vous  plus  ? 

I.  Qu'avec  ces  mots.  (1734.) 

•  Bien  que  le  genre  du  mot  fdt  an  dix-septième  siècle  fixé  comme  il  VeA 
aujourd'hui  (voyez  le  Lexique  de  la  langue  He   Corneille)^  il  est  au  fiminia 
.  dans  l'édition  oi-iginale.  et  snns  majuscule  ;  il  est  néanmoins  pea  probable 
qu'id  Rotrou  voulût  faire  songer  à  la  nymphe  Éeho. 


ACTE  II,  SCÈNE   I.  173 

MILICSKTB. 

Me  mettre  aux  yeux^  que  le  sort  implacable 
Auprès  d^elles  me  rend  trop  peu  considérable, 
Et  qu*à  moi,  par  leur  rang,  on  les  va  préférer, 
N'est-ce  pas  une  idée  à  me  désespérer  ?  35o 

COAIlfNI. 

Mais  quoi  ?  je  vous  réponds,  et  dis  ce  que  je  pense. 

MKLICBRTS. 

Ah  !  tu  me  fais  mourir  par  ton  indifférence. 
Mais  dis,  quels  sentiments  Myrtil  a-t-il  fait  voir  ? 

CORINNE. 

Je  ne  sais. 

MKLICBRTB. 

Et'  c'est  là  ce  qu*il  falloit  savoir, 
Cruelle  !  3S5 

coamNi. 
En  -vérité,  je  ne  sais  comment  faire, 
Et  de  tous  les  côtés  je  trouve  à  vous  déplaire. 

MÉLICBRTB. 

C'est  que  tu  n*entres  point  dans  tous  les  mouvements 
D  un  cœur,  bêlas  !  rempli  de  tendres  sentiments. 
Va-t'en  :  laisse-moi  seule  en  cette  solitude 
Passer  quelques  moments  de  mon  inquiétude.         36 o 


SCENE   IL 

MÉLICERTE». 

Vous  le  voyez,  mon  cœur,  ce  que  c'est  que  d'aimer, 
Et  Belise  avoit  su  trop  bien  m'en  informer. 


I.  Ot  tour  est  déjli  en  wtn  97  dn  TarUtfJê^  «t  an  Ttn  359  ^^  MUantkroffe 
1.  DnsridiftioB  originAfe,  aT«e  Uatu  :  «  Je  no  t^ay.  —  Et  •. 
3.  Moflaorn,  smU.  (1734) 


174  MiLICBRTK. 

Cette  charmante  mère,  awant  sa  destinée  S 

Me  diioît  one  fois,  sur  le  bord  du  ¥éaée  : 

«  Ma  fille,  songe  à  toi  :  ramovr  aux  jeunes  eoeurs    3€S 

Se  présente  toujours  entouré  de  douceurs  ; 

D*abord  il  n'ofire  anx  yeux  q«e  choses  agréables; 

Mais  il  traîne  après  lui  des  troubles  effroyables  ; 

Et  si  tu  veux  passer  tes  jours  dans  quelque  paix^ 

Toujours,  comme  d*un  mal,  défends-toi  de  ses  traits.  » 

De  ces  leçons,  mon  cosur,  je  m*étoîs  souvenue  ; 

Et  quand  Myrtil  venoit  à  s*offrir  à  ma  vue, 

Qu'il  jouoit  avec  moi,  qu*il  me  rendoit  des  soins. 

Je  vous  disois  toujours  de  vous  y  plaire  moins. 

Vous  ne  me  crûtes  point  ;  et  votre  complaisance       37$ 

Se  vit  bientôt  changée  en  trop  de  bienveillance  ; 

Dans  ce  naissant  amour  qui  flattoit  vos  désirs. 

Vous  ne  vous  figuriez  que  joîe  et  que  plaisirs  : 

Cependant  vous  voyez  la  cruelle  disgrâoe 

Dont,  en  ce  triste  jour,  le  destin  vous  m^uice,         3to 

Et  la  peine  mortelle  où  vous  voilà  réduit  ! 

Ah,  mon  cœur!  ah,  mon  cœur!  je  vous  Ta  vois  bien  dit. 

Mais  tenons,  s*il  se  peut,  notre  douleur  couverte  : 

Voici.... 

SCÈNE  m. 

MYRTIL,  MÉLICERTE. 

MYRTIL. 

Tai  fait  tantôt,  charmante  Mélicerte, 
Un  petit  prisonnier  que  je  garde  pour  vous,  3S5 

Et  dont  peut-être  un  jour  je  deviendrai  jaloux  : 
C^est  un  jeune  moineau,  qu^avec  un  soin  extrême 


I.  Avant  ta  mort  :  le  mot  dêttùuê  eit  prit  iô  ea  ee  mbs,  quHI  a'a  guRC 
ea  fnm^if,  du  Y»tàai/mt»m, 


ACTK  II,  SCÈNE  III.  175 


Je  Teicc,  pour  tous  Toffinr,  appriinoiser  nioi«-BiAme. 

Le  présent  n^est  pas  grand  ;  mais  les  divinités 

Ne  jettent  leurs  regards  que  sur  les  Tolontés  :  y^o 

Cest  le  eosor  qui  (àk  tout  *  ;  et  jamais  la  richesse 

Des  présents  que. . .  .Mais,  Gel  !  d*où  Tient  cette  tristesse  ? 

Qa  STes-TOtts,  Mëlicerte,  et  quel  sombre  cbagrin 

SeitMt'  dans  vos  beaux  yeux  répandu  ce  matin  !  - 

Vous  ne  répondez  point?  et  ce  morne  silence  395 

Redouble  encor  ma  peine  et  mon  impatience. 

Parlez  :  de  quel  ennui  ressentez-vous  les  coups  ? 

Qu^est-ce  donc? 

■<LICBKTB. 

Ce  n^est  rien. 

■TBTIL. 

Ce  n*est  rien,  dites«>votts  ? 
Et  je  vois  cependant  vos  yeux  couverts  de  larmes  : 
Cela  s'aceorde-t-il*,  beauté  pleine  de  charmes  ?         400 
Ah!  ne  me  fiutes  point  un  secret  dont  je  meurs. 
Et  m*expliquez,  hélas!  ce  que  disent  ces  pleurs. 

MiEucniRTi. 
Rieu  ne  me  serviroit  de  vous  le  (aire  entendre. 

■TRTn. 

Devez-vous  rien  avoir  que  je  ne  doive  apprendre  ? 
Et  ne  blessez-vous  pas  notre  amour  aujourd'hui,     40 5 
De  vouloir  me  voler  ma  part  de  votre  ennui  ? 
Ah!  ne  le  cachez  point  à  Tardeur  qui  m'inspire. 

Hé  bien,  Myrtil,  hé  bien  !  il  faut  donc  vous  le  dire  : 


I.  La  Foataîiw  a-t-tl  «apniiité,  on  troavi,  loi  a«Mt,  es  ciMnwat 
iticht  ?  Voyas  eî-de«iu  à  la  l^oUcê,  p.  140  et  141 . 

a.  L'édîtioa  de  17^4  corrige  serait  en  sê  voit,  La  correction  est  ingémeme, 
naît  cile  ne  août  parait  pas  abuolument  iiéeeMaire  ;  c*ett  comme  si  Mjrrtîl 
^natt  :  «  Auriez-vous  qadque  chagrin  qui  obacurclt  yos  beain  yeux?» 

3.  CestȈ-dire  eela  n*est41  pas  contradictoire  7  Comment  accorder  ces 
'«"■es  arec  cette  réponse? 


176  MÉLICERTE. 

J'ai  su  que,  par  un  choix  plein  de  gloire  pour  vous, 

Éroxène  et  Daphné  vous  veulent  pour  époux;         4^ 

Et  je  vous  avouerai  que  j'ai  cette  foiblesse 

De  n*avoir  pu,  Myrtil,  le  savoir^  sans  tristesse, 

Sans  accuser  du  sort  la  rigoureuse  loi, 

Qui  les  rend  dans  leurs  vœux  préférables  à  moi. 

MYRTIL. 

Et  vous  pouvez  Tavoir,  cette  injuste  tristesse!         41 5 
Vous  pouvez  soupçonner  mon  amour  de  foiblesse, 
Et  croire  qu'engagé  par  des  charmes  si  doux, 
Je  puisse  être  jamais  à  quelque  autre  qu'à  vous? 
Que  je  puisse  accepter  une  autre  main  offerte? 
Hé!  que  vous  ai-je  fait,  cruelle  Mélicerte,  430 

Pour  traiter  ma  tendresse  avec  tant  de  rigueur. 
Et  faire  un  jugement  si  mauvais  de  mon  cœur? 
Quoi?  faut-ii  que  de  lui  vous  ayez  quelque  crainte? 
Je  suis  bien  malheureux  de  souffrir  cette  atteinte; 
Et  que  me  sert  d'aimer  comme  je  fais,  hélas!  4>^ 

Si  vous  êtes  si  prête  à  ne  le  croire  pas  ? 

MBLICERTB. 

Je  pourrois  moins,  Myrtil,  redouter  ces  rivales, 

Si  les  choses  ctoient  de  part  et  d'autre  égales, 

Et  dans  un  rang  pareil  j'oserois  espérer 

Que  peut-être  l'amour  me  feroit  préférer;  *^^ 

Mais  l'inégalité  de  bien  et  de  naissance. 

Qui  peut  d'elles  à  moi  faire  la  différence.... 

MYRTIL. 

Âh  !  leur  rang  de  mon  cœur  ne  viendra  point  à  bout, 
Et  vos  divins  appas  vous  tiennent  lieu  de  tout. 
Je  vous  aime,  il  suffit;  et  dans  votre  personne  4^^ 

Je  vois  rang,  biens,  trésors.  États,  sceptres*,  couronne; 

1.  DajM  la  première  édiûon  :  «  la  savoir  »|  faute  éndeate,  corrigea  dans 
les  testes  de  1733  et  de  1734. 
a.  Sceptre.  (f73o,  33,  34.) 


ACTE  II,  SCENE  III.  177 

Et  des  rois  les  plus  grands  ^  m*offr!t-on  le  pouvoir. 

Je  n  y  changerois  pas  le  bien  de  tous  avoir*. 

C*est  une  vérité  toute  sincère  et  pure, 

Et  pouvoir  en  douter  est  me  faire  une  injure.  440 

BiÉUCEBTK. 

Hé  bien  !  je  crois,  Myrtil,  puisque  vous  le  voulez, 
Que  vos  vœux  par  leur  rang  ne  sont  point  ébranlés; 
Et  que,  bien  qu*elles  soient  nobles,  riches  et  belles. 
Votre  cœur  m^aime  assez  pour  me  mieux  aimer  qu'elles. 
Mais  ce  n'est  pas  Tamour  dont  vous  suivez  la  voix  :   445 
Votre  père,  Myrtil,  réglera  votre  choix  ; 
Et  de  même  qu'à  vous  je  ne  lui  suis  pas  chère, 
Pour  préférer*  à  tout  une  simple  bergère. 

MYRTIL. 

Non,  chère  Mélicerte,  il  n'est  père  ni  Dieux 

Qui  me  puissent  forcer  à  quitter  vos  beaux  yeux  ;     45* 

Et  toujours  de  mes  vœux  reine  comme  vous  êtes.... 

BiBLICBBTE. 

Ah!  Myrtil,  prenez  garde  à  ce  qu'ici  vous  faites  : 

N'allez  point  présenter  un  espoir  à  mon  cœur, 

Qu'il  recevroit  peut-être  avec  trop  de  douceur. 

Et  qui,  tombant  après  comme  un  éclair  qui  passe,     455 

Me  rendroit  plus  cruel  le  coup  de  ma  disgrâce. 

MYRTIL. 

Quoi?  faut-il  des  serments  appeler  le  secours, 


I.  «  Et  àe*  roU  le  plus  graad  •,  daos  la  premièra  éditioa.  Faat-U  mettre 
le  «om  aa  dnguKer  :  «  da  roi  »  ?  ou,  comme  noua  l*arons  fait,  avec  les  édi- 
boai  de  i73o,  33,  34,  radjeetifaa  pluriel? 

a.  «  Je  ne  ehangeroU  pas  mon  boahear  à  toates  les  ehoset  du  monde,  • 
dit  Oom  Joan*  ;  jr  représente  ici  à  eel«y  à  ce  pouvoir. 

3.  Et  je  ne  lai  sou  pas  cbère  comme  à  toqs,  à  ce  point  qu*il  Toulilt  pré- 


*  4  b  fin  de  la  aoène  m  de  Pacte  U,  tome  V,  p.  ia5.  Nous  avons  renToyé 
li,  poar  cette  constmetion,  aa  Lêxiqme  de  la  tangue  de  CorneilU^  tome  I, 
p.  Il,  et  à  celai  de  la  lamgue  de  Raetne,  p.  Sa. 

Mouiaa.  n  is 


176  MÉLIGERTE. 

Lorsqae  Ton  vous  promet  de  vous  aimer  toujours  ? 

Que  vous  vous  faites  tort  par  de  telles  alarmes. 

Et  comioissez  bien  peu  le  pouvoir  de  vos  charmes!  460 

Hé  bien!  puisqu'il  le  faut,  je  jure  par  lés  Dieux, 

Et  si  ce  n'est  assez,  je  jure  par  vos  yeux, 

Qu'on  me  tuera  plutôt  que  je  vous  abandonne  ^ 

Recevez-en  ici  la  foi  que  je  vous  donne, 

Et  souffrez  que  ma  bouche  avec  ravissement  465 

Sur  cette  belle  main  en  signe  le  serment. 

MBLICERTB. 

Ah  !  Myrtil,  levez-vous,  de  peur  qu'on  ne  vous  voie. 

■TRTIL. 

Est-il  rien...?  Mais,  6  Ciel  !  on  vient  troubler  ma  joie. 


SCÈNE  IV. 

LYCARSIS,  MYRTIL,  MÉLICERTE. 

LYCARSIS. 

Ne  vous  contraignez  pas  pour  moi. 

MÉLICERTB*. 

Quel  sort  fâcheux! 

LYCARSIS. 

Cela  ne  va  pas  mal  :  continuez  tous  deux.  470 

Peste  !  mon  petit  fils,  que  vous  avez  l'air  tendre, 

Et  qu'en  maître  déjà  vous  savez  vous  y  prendre  ! 

Vous  a-t*il,  ce  savant  qu'Athènes  exila, 

Dans  sa  philosophie  appris  ces  choses-là? 

Et  vous,  qui  lui  donnez  de  si  douce  manière  47$ 

Votre  main  à  baiser,  la  gentille  bergère, 

I.  PluUt  que^  dans  ce  tour,  est  eonstruit  eomnw  se  oonttmirait  «#«■/  f^^ 
dont  U  S0  rapproche  fort  par  le  sens  :  ▼ojes  tome  IV,  p.  475,  las  deu  ▼«*  ^ 
GomeUle  qaï  ont  été  comparis  au  Ters  iii3  et  1 114  dn  Tarêmffk, 

a.  M iucEin,  i  ^ar<.  (1734.) 


ACTE  II,  SۃNE  IV.  179 

L*honneur  vous  apprend-il  ces  mignardes  douceurs, 
Par  qui  vous  débauchez  ainsi  les  jeunes  cœurs  ? 

MYRTIL. 

Ah!  quittez  de  ces  mots  Toutrageante  bassesse, 

Et  ne  m*accablez  point  d*un  discours  qui  la  blesse.    480 

LYCÀRSIS. 

Je  veux  lui  parler,  moi.  Toutes  ces  amitiés.... 

MTRTIL. 

Je  ne  souffirirai  point  que  vous  la  maltraitiez. 

À  du  respect  pour  vous  la  naissance^  m'engage  ; 

Mais  je  saurai  sur  moi  vous  punir  de  Toutrage. 

Oui,  j'atteste  le  Ciel  que  si,  contre  mes  vœux,  485 

Vous  lui  dites  encor  le  moindre  mot  fâcheux, 

Je  vais  avec  ce  fer,  qui  m'en  fera  justice. 

Au  milieu  de  mon  sein  vous  chercher  un  supplice, 

Et  par  mon  sang  versé  lui  marquer  promptement 

L'éclatant  désaveu  de  votre  emportement.  ^go 

MBLICKRTB. 

Non,  non,  ne  croyez  pas  qu'avec  art  je  l'enflamme, 

Et  que  mon  dessein  soit  de  séduire  son  âme. 

S'il  s'attache  à  me  voir,  et  me  veut  quelque  bien, 

C'est  de  son  mouvement  :  je  ne  l'y  force  en  rien. 

Ce  n'est  pas  que  mon  cœur  veuille  ici  se  défendre  49 ^ 

De  répondre  à  ses  vœux  d'une  ardeur  assez  tendre  : 

Je  Taime,  je^avoue,  autant  qu'on  puisse  aimer; 

Mais  cet  amour  n'a  rien  qui  vous  doive  alarmer  ; 

Et  pour  vons  arracher  toute  injuste  créance. 

Je  vous  promets  ici  d'éviter  sa  présence,  5  0  o 

De  faire  place  au  choix  où  vous  vous  résoudrez. 

Et  ne  souffrir  ses  vœux  que  quand  vous  le  voudrez. 

I.  Ma  ludsaiiee,  mon  titre  de  fils,  Totre  titre  de  père. 


i8o  HÉLICERTE. 


SCENE  V. 

LYCAllSIS,  MYRTIL. 

MYariL. 
Eh  bien!  vous  triomphez  avec  cette  retinite, 
Et  dans  ces  mots  votre  àme  a  ce  qu*elle  souhaite; 
Mais  apprenez  qu*en  vain  vous  vous  réjouissez,       SoS 
Que  vous  serez  trompé  dans  ce  que  vous  pensez, 
Et  qu*avec  tous  vos  soins,  toute  votre  puissance, 
Vous  ne  gagnerez  rien  sur  ma  persévérance. 

LYCARS18. 

G>mmcnt?  à  quel  orgueil,  fripon,  vous  vois*je  aller? 
Est-ce  de  la  façon*  que  Ton  me  doit  parler?  5i* 

MTATIL. 

Oui,  j'ai  tort,  il  est  vrai,  mon  transport  n^est  pas  sage  : 
Pour  rentrer  au  devoir,  je  change  de  langage. 
Et  je  vous  prie  ici,  mon  père,  au  nom  des  Dieux, 
Et  par  tout  ce  qui  peut  vous  être  précieux, 
De  ne  vous  point  servir,  dans  cette  conjoncture,        5iS 
'  Des  fiers'  droits  que  sur  moi  vous  donne  la  nature: 
Ne  m'empoisonnez  point  vos  bienfaits  les  plus  doux. 
Le  jour  est  un  présent  que  j'ai  reçu  de  vous  ; 
Mais  de  quoi  vous  serai-je  aujourd'hui  redevable, 
Si  vous  me  l'allez  rendre,  hélas!  insupportable?     Sto 
Il  est,  sans  Méliccrte,  un  supplice  à  mes  yeux  : 
Sans  ses  divins  appas  rien  ne  m'est  précieux  ; 
Ils  font  tout  mon  bonheur  et  toute  mon  envie; 
Et  si  vous  me  l'ôtez,  vous  m'arrachez  la  vie*. 

''  /       /^  .     I*  Est-«e  de  cette  fa^on^  Voyex  ci-deuns,  p.  1 16  et  note  6. 

'  '   *       '    '     "^    ^     9.  Ri^oreuz,  cruels  :  ^ôyez  remploi  qui  a  été  fait  du  mot  ta  ven  5ii 
I  ■     *  de  VÉUmrdi^  et  au  ytn  376  du  Tartuffe. 

3.  Ou  peut  comparer  à  ee  couplet  celui  des  suppUcatioBS   de  BfanM* 
à  Orgon,  dans  la  scèoe  lu  de  Tacle  IV  du  Tartuffe  (tome  lY,  p.  485  et  486}. 


-r  , 


ACTE  II,  SCENE  V.  i8i 


LTCABUft^ 


Aux  doolenrs  de  son  âme  il  me  fait  prendre  part.     Sa 5 
Qui  Tauroît  jamais  cru  de  ce  petit  pendart  ? 
Quel  amour  !  quels  transports!  quels  discours  pour  son  âge! 
Ten  suis  confus»  et  sens  que  cet  amour  m*engage'. 


MTâTtL*. 

Voyez,  me  voulez-vous  ordonner  de  mourir? 

Vous  n*avez  qu'à  parler,  je  suis  prêt  d*obëir.  530 

LTCIRSIB  ^. 

Je  ne*  puis  plus  tenir  :  il  m*an*ache  des  larmes, 
Et  ces  tendres  propos  me  font  rendre  les  armes. 

MYâTIL. 

Que  si  dans  votre  cœur  un  reste  (ramitié 
Vous  peut  de  mon  destin  donner  quelque  pitié, 
x\ceordez  Mélicerte  à  mon  ardente  envie,  53  5 

Et  vous  ferez  bien  plus  que  me  donner  la  vie. 

LYCARSIS. 

Lève-toi. 

JUTâTlL. 

Sercz-votts  sensible  à  mes  soupirs  ? 

LYCARSIS. 

Oui. 

MTRTIL. 

J'obtiendrai  de  vous  Tobjet  de  mes  désirs  ? 

LYCARSIS. 

Oui. 


I.  Ltcamd,  à  part,  {l^^i.) 

>.  ?(e  Bc  laiite  pas  Iiln«,  froid,  me  gagne  le  cœur,  ne  touche.  L'emploi 
9^  ComcUle  a  bit  d^engagtr^  pris  absolauient,  au  rtn  745  de  Cinna^  ae- 
>nt  pc«t4tre  aa  seaa  qu'il  a  ici  : 

L'intérêt  du  paya  a*est  point  ce  cjui  Tcngage. 

3.  Mtitii.,  se  jeiant  aux  genoux  de  LjrcartU.  (1714*) 

4.  LTCaatD,  à  part,  {IbitUm.) 

5.  L'édition  de  1734  change  ne  en  njr. 


i8a  MÉLICERTE. 

MYRTIL. 

Vous  ferez  pour  moi  que  son  oncle  Toblige 
V  me  donner  sa  main  ? 

LYCABSIS. 

Oui.  Lève-toi,  te  dis-je.      540 

MTRTIL. 

O  père,  le  meilleur  qui  jamais  ait  été. 
Que  je  baise  vos  mains  après  tant  de  bonté  ! 

LYCARSIS. 

Ah  !  que  pour  ses  enfants  un  père  a  de  foiblesse! 
Peut-on  rien  refuser  à  leurs  mots  de  tendresse? 
Et  ne  se  sent-on  pas  certains  mouvements  doux,      H^ 
Quand  on  vient  à  songer  que  cela  sort  de  voas? 

MYRTIL. 

Me  tiendrez-YOUs  au  moins  la  parole  avancée  ? 
Ne  changerez- vous  point,  dites-moi,  de  pensée? 

LYCARSIS. 

Non. 

MYRTIL. 

Me  permettez-vous  de  vous  désobéir, 
SI  de  ces  sentiments  on  vous  fait  revenir?  SSo 

Prononcez  le  mot. 

LYCARSIS. 

Oui.  Ha,  nature,  nature! 
Je  m'en  vais  trouver  Mopse,  et  lui  faire  ouverture 
De  Tamour  que  sa  nièce  et  toi  vous  vous  portez. 

MYRTIL. 

Ah  !  que  ne  dois-je  point  à  vos  rares  bontés  !  * 
Quelle  heureuse  nouvelle  à  dire  à  Mélicerte!  ^^^ 

Je  n*accepterois  pas  une  couronne  offerte, 
Pour  le  plaisir  que  j*ai  de  courir  lui  porter 
Ce  merveilleux  succès  qui  la  doit  contenter. 

I.  Seul,  (1734.) 


ACTE   II,  SCÂNI  YI  *tl 


SCÈNE    VI. 
ACANTE.  TYRÈNE,  MYRTIL. 

ÂCAlfTB. 

Ah  !  Myrtil,  toos  avez  du  Gel  reçu  des  charmes 

Qui  nous  ont  préparé  des  matières  de  larmes,  S6o 

Et  leur  naissant  éclat,  fatal  à  nos  ardeurs, 

De  ce  que  nous  aimons  nous  enlève  les  cœurs. 

tyrAnb. 
Peat-on  savoir,  Myrtil,  vers  qui  de  ces  deux  belles 
Voos  tournerez  ce  choix  dont  courent  les  nouvelles, 
Et  sur  qui  doit  de  nous*  tomber  ce  coup  affreux       56 S 
Dont  se  voit  foudroyé  tout  Tespoir  de  nos  vœux  ? 

▲CÂim. 
Ne  faites  point  languir  deux  amants  davantage, 
Et  nous  dites  quel  sort  votre  cœur  nous  partage  *. 

TTaÀNB. 

Il  vaut  mieux,  quand  on  craint  ces  malheurs  éclatants, 
£a  mourir  tout  d'un  coup,  que  traîner  si  longtemps.  S70 

■YRTIL. 

Rendez,  nobles  bergers,  le  calme  à  votre  flamme  : 

La  belle  Mélicerte  a  captivé  mon  âme  ; 

Auprès  de  cet  objet  mon  sort  est  assez  doux. 

Pour  ne  pas  consentir  à  rien  prendre  sur  vous  ; 

Et  si  vos  vœux  enfin  n*ont  que  les  miens  à  craindre,  5  7  5 

Vous  n*aurez,  Tun  ni  Tautre,  aucun  lieu  de  vous  plaindre. 

▲GANTE. 

Ah!  Myrtil,  se  peut-il  que  deux  tristes  amants...? 


I .  •  Et  sur  qni  ife  noua  doit  tomber.  •  La  confttmctîoB  a  été  géaée  par  la 
■ée.-uité  d*iw  rapot  h  lliéaiiaticbe. 
3.  Qad  fort  le  ckoix  de  ▼être  ccaor  nous  raerve  en  partage. 


i84  MÉLICERTE. 

TYBiN£. 

Est-il  vrai  que  le  Gel,  sensible  à  nos  tourments...? 

MYBTIL. 

Oui,  content  de  mes  fers  comme  d'une  victoire, 

Je  me  suis  excusé  de  ce  choix  plein  de  gloire*  ;         SSo 

J*ai  de  mon  père  encor  changé  les  volontés, 

Et  Pai  fait  consentir  à  mes  félicités. 

ACANTE*. 

Ah  !  que  celte  aventure  est  un  charmant  miracle, 
Et  qu'à  notre  poursuite  elle^ôte  un  grand  obstacle  ! 

TYBÈNJl'. 

Elle  peut  renvoyer  ces  Nymphes  à  nos  vœux^  5S5 

Et  nous  donner  moyen  d'être  contents  tous  deux. 


SCÈNE  VIL 

TSICA.NDRE,  MYRTIL,  ACVNTE,  TYRÈNE. 

NICANDRE. 

Savez- VOUS  en  quel  lieu  Mélicerte  est  cachée? 

MYRTIL. 

Comment? 

NICANDRE. 

En  diligence  elle  est  partout  chercliéc. 

MYRTIL. 

Et  pourquoi? 

NICANORB. 

Nous  allons  perdre  cette  beauté. 
C'est  pour  elle  qu'ici  le  Roi  s'est  transporté  :  590 


I  •  C'est-^-dîre,  je  me  suis  dérobé  ■  ce  glorieux  choix  des  deux  NjhijiIm^ 
(que  TOUS  aimex),  je  l*ai  refosé  aTec  excnaes  et  respect. 

a.  ACAHTX,  à  Tjrrtne,  (1734.)  —  3.  TTRXirr,  â  Acante.  (Ibidem.) 

4.  £11«*  peut  noua  ramener  ces  Njrmpbes,  les  rendre  CiTorablet  à  nos  tctu. 


ACTE  1I«  SCKIfS  VII.  t85 

Avec  un  grand  seigneur  on  dit  qu*il  la  marie. 

MTRTIL. 

OCiel!  Expliquez-moi  ce  discours,  je  vous  prie. 

NICANDRB. 

Ce  sont  des  incidents  gi^ands  et  mystérieux. 

Oui,  le  Roi  vient  chercher  Mélicerte  en  ces  lieux  ; 

Et  l'on  dit  qu'autrefois  feu  Belise,  sa  mère,  595 

Dont  tout  Tempe  croyoit  que  Mopse  étoit  le  frère — 

Mais  je  me  suis  chargé  de  la  chercher  partout  : 

Vous  saurez  tout  cela  tantôt,  de  bout  en  bout. 

MTBTIL. 

Ah,  Dieux!  quelle  rigueur!  Hé!  Nicandre,  Xîcandre! 

▲GANTE. 

Suivons  aussi  ses  pas,  afin  de  tout  apprendre.  600 

FIN    DU    SBCONO    ACTE. 


Cette  comédie  na  point  été  achevée;  U  ny  avoit  que  ces  deux 
actes  de  faits  lorsque  le  Roi  la  demanda.  Sa  Majcàté  en  ayant 
été  satisfaite  pour  la  fête  où  elle  fut  représentée^  le  sieur  de  Mo- 
lière ne  Va  point  finie^.  (Note  des  éditeurs  de  i68a.) 

I.  Snr  la  soite  qu'aurait  pa  aToir  Mélicerte^  et  lur  celle  qoe  hasarda  de 
lai  dooaer  le  £la  de  Gaérin  et  d'Aimande  Béjard,  Yo/ez  ci-deiauii,  à  la  Itotiee^ 
p.  14a,  143,  et  p.  145,  146.  —  L'éditeur  de  1734,  qui  le  premier  a  recueilli, 
poar  lea  joindre  aux  OEmvret  de  Molière,  let  fragments  de  la  Pastorale  eo~ 
mifme  imprimés  dans  k  tirret  du  Ballet  des  Muses,  a  placé  à  la  fin  de  Mèli' 
etrte  «n  Avertissement  qui  contient  : 

I*  La  note  des  éditeor*  de  i6Sa,  moins  les  premiers  roots  :  «  Cette  comédie 
a*s  point  été  acberée  ;  • 

1*  Cette  introduction  de  ce  que  nous  donnons  ci-uprès,  à  leur  exemple, 
tous  le  titre  de  Pastorale  comique  : 

•  Cette  pastorale  héroïque,  qui  formoit  la  troisième  entrée  du  Ballet  Jet 
^usee,  dansé  par  Sa  Majesté,  e  a  décembre  1666,  dans  le  chAtean  de  Saint- 
^^cfBain  en  Laje,  fut  saivie  d*nne  pastorale  comique,  espèce  d'impromptu 
nHè  de  scènes  récitées  et  de  scènes  en  musique,  arec  des  dirertissements  et 
des  entrées  de  ballet. 


i86  MÉLICERTB. 

«  11  y  a  apparene*  que  les  paroles  rhiitéai,  qai  font  partia  de  Tactioa,  toai 
de  Molière,  ainaî  qne  Tinveiitioii  da  lajet  et  les  dialoguai  récitéa. 

■  Comme  eette  dernière  pièce  B*a  jamais  été  imprimée  dans  le  recueil  dei 
CEêwrêt  de  Molièrêf  on  a  jugé  à  propos,  pour  rendre  Tédition  plos  complke, 
de  rimprimer  en  l*état  ou  elle  est,  quoiqu'il  ne  nons  en  reste  que  le  nom  d«s 
acteurs,  Tordra  des  scènes,  avec  les  paroles  qai  se  chantoient.  » 


PASTORALE   COMIQUE' 


I.  ▼ojex»  à  U  note  i  de  la  page  i85,  I*iBtrodQctloii  à  la  Pastorale  eo^ 
"ùfoe,  de  réditeor  de  1734.  —  La  PastoraU  «omîque  fat  repréflentée  le  5  ]aa- 
vier  1667  :  Toycs  ei-deasos  la  TfotUe^  p.  iSS-iS?. 


ACTEURS. 

IRIS^  jeune  bergère Mlle  de  Baie. 

LYCAS,  riche  pasteur Moueeb. 

FILÉNE,  riche  pasteur D'Estivale 

GORIDON ,  jeune  berger.  ...  La  Grange. 

BuGBB  EmouiE Blondel^. 

Un  PÂtBB CHÂTBAUNKUr*. 


f.  D'£ttiral  appartenait  à  la  Musique  du  Roi,  et  paraft  avoir 
«V  une  Toix  de  balte  remarquable  *  ;  on  Ta  déjà  tu  eharg<^  des 
rôles  importants  (sans  compter  les  moindres  dans  les  ensembles) 
(lu  ^fagicien  du  Mariage  forcé  et  du  Satyre  de  la  Princesse  JtAlidt,  Il 
est  nommé  ici  parmi  les  acteurs;  mais  son  emploi,  comme  celui  de 
tutts  les  artistes  du  chant,  était  tout  musical  ;  il  chantait,  et  n^eût 
Toulu  ni  peut-étre,  comme  dit  Moron,  su  «  parler  d'autre  façon,  » 

s.  Blonde],  un  ténor,  était  aussi  un  des  principaux  chanteurs 
des  récits  et  airs  mêlés  aux  ballets  de  la  cour  *. 

3.  La  Grange,  dans  son  Registre^  a  &it  mention  de  Châteauneuf, 
«n  1670  et  en  1678  (p.  m  et  p.  i43)}  comme  d^uu  gagiste  de  la 
Troupe. 

Voici  quelle  est  dans  Tédition  de  1784  la  liste  des  personnages  : 

ACTEURS. 

ACTEUaS   DE    LA    PASTOEALE. 

lais,  bergère.  —  Lycas,  riche  pasteur,  amant  d*Iris.  —  FiLfaiE, 
riche  pasteur,  amant  dlris.  —  Coeidoe,  herger,  confident  de 
l'jrcas,  amant  d*Iris.  —  Ua  pÂtee,  ami  de  Filène.  —  Ue  beecee. 

ACTEUES   DU   BALLE r. 

Magiciess,  dansants.  —  Maoiciees,  chantants.  ^  Démoes,  dan- 

•  Voy«  tome  IV,  p.  i33,  et  p.  79,  177. 

•  Vojex  iVidem^  p.  i33  et  217. 


sanU.  —  Paysajsti.  —  Unb  ÉoTpnurnK,  cliantante  et  dansante.  — 
ÉoTPnBHt,  dansants*. 
La  même  édition  fait  suivre  cette  liste  de  cette  indication  : 

La  scène  est  en  Thessalîe^  dans  un  ftameau 
de  ia  vtdlée  de  Tempe, 

*  L'éditeur  ds  1734  eAl  pa  fondre  a?«e  cette  liste  le  tableau  soiTant  (rejelé 
par  lui  k  la  fin  de  la  Pastorale  eomifme)^  dans  lequel  il  a  raaaemblé,  d*iprà 
le  Livret  même,  les  noms  de  tous  ceux  qui  contribuèrent  à  l'esécotion.  Il  j  a 
omis  (au  3*  alinéa)  le  nom  de  Paysan^  qui  est  au  Livret  (voyes  ci-après, 
p.  197),  et  cbangé  (au  dernier  alinéa)  en  Faigiutnt  ou  F'aignart  (teloB  ks 
différents  tirsget)  le  nom  de  Fagnart  (vojex  p.  ao3}.  Dans  une  partie  des 
esemplaires  de  1734,  les  noms  de  la  Grange^  CkAteauneu/  et  la  Mare  iost 
précédés  de  b  particule  da, 

vous  DB   GBUX  QUI   KBGITOIEirT,    CHAlTronUrr   ET   DAKtOIBirr 

DAJrS  LA   PASTORALE: 

tria»  ilf//e  de  Brie,  Lyeas,  Is  sieur  Molière.  FUéae,  U  sieur  EstiPol.  Coridon, 
le  sieur  la  Grange,  Un  Berger,  le  sieur  Bloadel,  Un  Pitre^  le  sieur  Ckà- 
teamnauf, 

Magidens  dansants  :  Us  sieurs  la  Pierre^  Pavier»  Magiciens  fhantSBts  :  les 
sieurs  le  Gros^  Don,  Gajre,  Démons  dansants  :  les  sieurs  Ckieanneau^  Benard, 
IfohUt  le  cadet^  Jrnald^  Majreu,  Poignard, 

Paysans  :  les  sieurs  Dolivet,  Desonets^  du  Pron,  la  Pierre,  Mercier^  Pesa», 
U  Bof, 

Égyptienne  dansante  et  chantante  :  le  sieur  Ifohlet  Vatnè,  Égyptiens  dan- 
unts  :  quatre  jouant  de  la  guitare,  les  sieurs  Lulli^  Beauekamp,  Ckieen' 
neam,  f^aignartf  quatre  jouant  des  castagnettes,  lee  sieurs  Poster,  Bouard, 
Smni-Andri,  Amaldf  quatre  jouant  des  gnacares,  Us  sieurs  la  Mare^  des 
Mrs  seecmd,  du  Peu,  Pesan, 


PASTORALE  COMIQUE*. 


La  première  fcène  est  entre  Lycas,  riche  pasteur,  et  Coridon, 
son  confident . 


La  seconde  scène  est  one  cérémonie  magique  de  chantres  et 
dânaeors. 

Lst  dflox  Magiciens  danMoti  sont  : 

Les  aiean  la  Piimaa  et  FATxaa. 

Las  trois  Ma^dens  assistants  et  chantants  >  sont  : 


I.  Dans  le  H^rat  da  RaiUi  des  Mmsês,  qui  noua  a  eonaerTé  la  canevas 
«t  les  paroles  chantées  qu'on  va  lira,  la  titre  Pastobaui  oowqub  est  suivi 
et  la  lista  daa  WVles,  comme  nous  la  donnons  ci-deasas,  avec  les  noms  de  ceux 
qai  ks  joswnt;  at  il  est  précédé  de  eet  autn  titra  :  III.  Banaa,  et  da  eatte 
aols  pséUminaîre,  intéressante  à  reproduire  ici*  : 

TWw,  à  ^  la  ConuMe  est  eontacrée^  a  pour  son  partage  une  pièce  eo' 
wfaa  reprise  niée  par  tes  Comédiens  du  Roi^  et  eompasie  par  celui  de  tous 
net  pentes  fui^  dans  ce  genre  d'écrire^  peut  le  plus  justement  ee  comparer 


Las  aiots  :  Comédiens  dm  Am,  sont  expliqués  en  marge  par  ceux-ci  :  Mo» 
liire  et  sa  trompe. 

La  aote,  qui  ne  fut  modifiée  dans  aucune  des  éditions  du  livret,  s*appliquait 
nJaux  à  la  coraédk  de  Mélicerte^  qu'à  la  pièce  da  genra  mixte,  qu'à  respéce 
de  petit  opéra  boufla  qui  en  prit  b  place,  dans  le  grand  Ballet,  k  partir  du 
5  janvier  1667  *.  Comme  on  en  peut  juger  par  le  lihretto  même  qui  nous 
reste  et  par  le  eaulogne  donné  d-aprés  à  Y  Appendice,  Lullj,  ses  chanteurs 
et  sas  danseurs,  annnt  caruinaoïant  plus  de  part  au  succès  de  b  Pastorale 
femi^  que  Molière  et  sa  troupe. 

a.  Sahant  laa  indications  de  U  premièn  partition  ndlidor,  et  suivant 

•  ftoas  ravona  d*aillenrs  laissée  k  sa  place  dans  lelivrat  (qa*on  trouvera  à 
V Appendice]  d'o&  a  été  extrait  le  texte  de  la  Pastorale  comique  (d-après, 
f'  aSo). 

^  Voyez  k  b  Notice^  d-desaus,  p.  i35-i37,  at  p.  147  et  148. 


ig%  PASTORALE  COMIQUE. 

liM.  LS  Gam',  Dor*  et  Gati*. 
Ils  chantent  ^  : 

Déesse  des  appas, 

le  tome  A  de  la  Bibliothèque  nationale  (royet  ci-aprài  la  fin  de  la  dernière  note 
de  V Appendice)^  e*était,  après  une  première  entrée  de  Magiciens  dansean,  aoi 
trois  Magiciens,  mais  trois  Sorcières  qui  ehanuient  enaenUe  le  eonpkt  de 
Kept  Tors  qui  va  sni^-re;  Tune  d'elles  chantait  seule  le  second  eoupîet,  de 
cinq  Ters,  pnis  le  pramier  couplet  était  redit  comme  la  première  û.  •*  A 
une  seconde  entrée  des  danseurs  succédait  l'air  en  deux  conplata  des  atèmc* 
«  trois  Sorcières  •  :  Akl  qu*il  est  buiu,  et  Qm*il  est  joii.  L'idée  de  ce  ehaa- 
gement  faTorable  k  la  variété  ^  k  la  fantaisie  des  costumes,  avait  p«  venir  à 
l'ordonnateur  sans  que  personne  songeât  h  en  informer  l'éditeur  du  livret. 

1.  Le  Gros  est  le  même  sans  donte  que  celui  dont  le  livret  des  PUisirs 
tromkiés*  constatait  la  célébrité  m  i657  et  qui  a  été  nommé  h  la  Bfhtû» 
des  intermèdes  de  /«  Princesse  ttÉlide  (tome  IV,  p.  217).  Sa  voix,  dans  U 
partition  (è  b  xr*  et  è  la  ix*  entrée  *  de  ce  Baiiet  des  Muses)^  a  été  notée  a  U 
clef  des  hautes-contre. 

a.  Nous  savons  encora  par  la  Relation  de  Plie  enchantée  (tome  lY,  p.  i33; 
qne  Don,  musicien  du  Roi  comme  d'Estival  et  Blondel,  avait,  ainsi  qu'eux,  oat 
voix  admirable  ;  c'était  une  basse,  mais  qui  n'avait  sans  doute  pas  les  note» 
profondes  de  d'Estival.  -—  La  vraie  forme  de  ce  nom,  qu'on  trouve  anfsi  écrit 
Donc  et  Dom  ',  parait  avoir  été  Due.  •  La  Csmille  Don,  dit  Gaatil-BUze 
(tome  I,  p.  4ao,  de  Molière  musieien)^  a  fourni  pendant  plus  d'un  sArle  dsi 
sujets  diantants  à  l'Académie  royale  de  musique,  au  coneart  spirituel,  et  des 
professeurs  à  l'école  de  musique  dépendante  de  ee  théâtre.  Dun  (Jean],  fili  de 
cdtti  qui  est  ici  mentionné.,» ^  remplit  le  rôle  d'Hidraot  dans  Armide  en  16SS, 
et  tint  remploi  de  premier  bar}  ton  abandonné  par  Beanmavielle.  » 

3.  Jean  Gaye,  un  des  ordinaires  de  la  Musique  du  Roi,  d'après  Jal,  a  été 
porté  sur  les  états  jusqu'en  janvier  i683.  II  paraît  avoir  eu  une  voix  de 
baryton. 

4,  SCÈISE  PREMIÈRE. 

LYC4S,    G0HID09. 

SCÈNE  II. 
i.YCAS,  MACiciExs  chaiitonts  et  dansants^  dkmojis. 

PREMIÈRE  ENTRÉE  DE  BALLET. 

{Deux  Magiciens  eonuneneenl,  en  dansant^  un  enehantemeni  pour  embelli 
Lyeasi  ils  frappent  la  terre  apec  leurs  baguettes,  et  eu/omt  sortir  six  Dé- 
mons, qui  se  joignent  à  eux.  Trois  Magiciens  sortent  aussi  du  destout  terre.) 

Teois  MAOïaxTis  ouiiTAirra.  (1734.) 

*  Tome  U,  p.  455,  des  Contemporains  de  Molière,  de  M.  Foumel. 

*  Cette  XX*  entrée  de  la  copie  Philidor  e<it  la  x*  du  livret  donné  i  VJ^ 
pendice, 

*  Voyez  M.  Fournel,  tome  II,  p.  455,  note  8  :  il  est  question  là  d'un  Doac 
l'ainé  et  d'un  cadet,  vivants  en  1657. 


n 


SCÈNE  II.  193 

Ne  nous  refuse  pas 
La  grâce  qu'implorent  nos  bouches*  : 
Nous  t'en  prions  par  tes  rubanS| 
Par  tes  boucles  de  diamants , 
Ton  rouge,  ta  poudre,  tes  mouches, 
Ton  masque,  ta  coëlTe  et  tes  gants*. 

« 

O  toi'  !  qui  peux  rendre  agréables 
Les  visages  les  plus  mal  faits, 
Répands,  Vénus,  de  tes  attraits 
Deux  ou  trois  doses  charitables 
Sur  ce  museau  tondu  tout  frais.  ^ 

Déesse  des  appas. 
Ne  nous,  etc.* 

Ah!  qu'il  est  beau, 

Le  jouvenceau  ! 
Ah!  qu*il  est  beau!  ah!  qu'il  est  beau'! 
Qu'il  va  faire  mourir  de  belles  ! 

I.  Le  trio,  dans  la  partitiout  est  eoupé  à  ce  troisième  Tcrt  par  un  signe  de 
reprise,  et  eette  première  partie  se  répétait  en  eflet,  ainsi  que  la  seconde. 

1.  Le  diani  répète  ees  deox  derniers  Ters,  et  eette  seconde  fois  le  tout  der- 
nier est  eaeore  répété. 

3.  Noos  Tenons  de  dire  (note  a  de  la  page  191)  que,  d*après  la  partition, 
c'est  un  solo  de  cinq  vers  qui  commence  avec  ees  mots  :  O  toî/  il  est  donné  à 
Is  basse;  on  Ut  an-derant:  «  Une  Sorcière.  »  —  Un  MAOXCznr,  seul,  (1734.) 

4.  Les  trois  Sorcières  rechantent  :  Déesse  des  appas,  etc  {Partition  Pki» 
lidor.]  —  Lis  tbou  MAOïcoiirs  cnAifTÀHTs.  (1734.] 

5.  Une  nouTelle  danse  des  Magiciens  (une  ehaconne)  s*eEéeutait  iei,  entre 
le  trio  des  Sorcièrts  qui  précède  et  celai  qui  ts  suiTre  :  Toyei  ci-eontre,  p.  iga, 
la  fin  de  In  note  a  de  la  page  191. —  L*édition  de  1734  met  ici  cet  en-téte  : 

n.  OITRÉE  DE  BALLET. 
{Les  six  Démons  dansante  hahillent  Ljreae  Jtune  manihe  ridiemle  et  àisarre.) 

Lbs  teoxs  MAOxaurs  chantasts. 

6.  Au  lieu  de  ee  troisième  vers,  on  lit  dans  la  partition,  ici  et  au  refrain, 
une  répétition  des  deux  premiers.  U  7  a  même  suppression  et  même  répétition 
aux  vers  correspondants  du  seeond  couplet. 

MoLiiaB.  ▼!  i3 


i9i  PASTORALE  COMIQUE. 

Auprès  de  lui,  les  plus  cruelles 
Ne  pourront  tenir  dans  leur  peau. 
Ah  !  qu*il  est  beau. 
Le  jouvenceau  ! 
Ali  !  qu*il  est  beau  !  ah  !  qu*il  est  beau  ! 
Ho,  ho,  ho,  ho,  ho,  ho*. 

Qu'il  est  joli, 

Gentil,  poli! 
Qu^il  est  joU  !  qu'il  est  joli  ! 
Est-il  des  yeux  qu'il  ne  ravisse  ? 
Il  passe  en  beauté  feu  Narcisse, 
Qui  fut  un  blondin  accompli. 

Qu'il  est  joli. 

Gentil,  poli! 
Qu'il  est  joli  !  qu'il  est  joli  ! 
Hi,  hi,  hi,  hi,  hi,  hi*. 

Les  «ix  Ma^ciens  atsittanU  et  daniants  sont  : 
Les  Mettra  Chicaiiiau,  Bovabd,  Noblkt  le  cadet,  AtSALO, 

MaTBU  et   FoiOHABD, 


I.  Le  musicien,  pour  terminer  le  refirain,  a  répété  dix-sept  fuis  rezehmatitA  : 
Uo!  pnis  repris  Akl  qtCU  est  beau,  et  répété  tonte  cette  terminaison.  Mésw 
emploi  devait  naturellement  être  (ait  des  secondes  paroles  qn*on  ts  lire  :  Hi! 
qu'il  estjolU  —  L'édition  de  1734  £iit  suirre  Ho,,,!  qu'elle  répète  hait  fois, 
au  lieu  de  six,  de  ce  nouTcl  en-téte  : 

IlL  EI^TRÉE  DE  BALLET. 
[Lu  Magiciens  et  les  Démons  continuent  leurs  danses^  tandis  quêtes  trois 
Magiciens  chantants  continuent  à  se  moquer  de  Ljcae,) 
Lis  noiB  MAOïcitiiB  cnâirrAsrrs.  (1734.) 
^  On  peut  croire  que  les  danseurs  ne  se  tenaient  pas  immobilet  pewfaitf 
Pexécution  de  ces  gais  couplets  :  Ahl  quUl  est  beau  et  QuUl  est  joli;  mais  W 
rôle  principal  ici  était  aux  chanteurs  ;  il  n*7  sTait  pas  de  nouTelle,  h  savoir  àt 
troisième  entrée,  ni  même  de  danse  réglée  sur  l*air  des  eouplets  s  senlement,  «atie 
les  deux  et  après  le  second,  la  copie  de  Versailles  dit  expressément  que  Ton  te- 
prenait  la  «  chaconne  des  Bfagiciens,  »  d*abord  entendue  avant  le  premier 
conplet  (e*est  la  danse  mentionnée  ci-dessus,  p.  iqS^  note  5). 
a.  Hi»  hi,  hi,  hi,  hi,  hi,  hi,  hi! 

(Les  trois  Magiciens  ekanttuits  s*en/bneent  dans  la  terre^  et  les  Mmgiàens 

dansants  disparoissent,)  (1734*) 


^    .  ,  r-i  .'  ;•. i     —  •i"^/ 


SCÈNE    III.  195 

La  troiflîème  icène  est  entre  Lycas  et  Filène,  riches  paiteurs. 

FILÈNE  chante  ^  : 

Paissez,  chères  brebis,  les  herbettes  naissantes; 

Ces  prés  et  ces  ruisseaux  ont  de  quoi  vous  charmer  *  ; 

Mais  si  tous  desirez  vivre  toujours  contentes. 

Petites  innocentes, 

Gardez- vous  bien  d'aimer '. 

(Ltcas,  Tonlant  fabr*  des  yen,  nomme  le  nom  dlaii,  sa  mattreiae, 
en  présence  de  Fixiiix,  ton  riTal;  dont  FiLim  en  colère  chante  :) 

FILÀlfB^. 

Est-ce  toi  que  j'entends,  téméraire,  est-ce  toi 
Qui  nommes  la  beauté  qui  me  tient  sous  sa  loi  ? 

LTCAS  répond*: 

Oui,  c'est  moi;  oui,  c'est  moi. 

FILÈNB. 

Oses-tu  bien  en  aucune  façon 
Proférer  ce  beau  nom  ? 

LYCAS. 

Hé!  pourquoi  non?  hé!  pourquoi  non? 

FILiNB. 

Iris  charme  mon  âme  ; 

1.  SGÈIfE  lU.  LTCAS,  PILXITB.  —  FiLJENi,  «on/ l'oir  Lyccu^  ehantt,  (1734.) 
a.  La  BEianqae  de  ces  deux  Tcrs  formant  la  première  reprise  de  l*air,  le 
^hantenr  arait  k  les  redire,  comme  ensuite  ceux  de  la  seconde. 

3.  Dana  la  seconde  reprise  de  Talr,  les  deux  derniers  Tara  sont  répètes,  arec 
rppcCidon  particulière,  cette  seconde  fois,  de  Gardez~vouê, 

4.  Ltcas,  éans  voir  Filène,  {Ce  pasteur^  voulant  Jaire  des  vers  pour  sa  mat' 
ireseef  pranonee  le  nom  tTIrit  assez  haut  pour  que  Filène  V entende,)  —  FniiirSy 
àLjcae.  (1734.) 

«-^  Dans  toot  le  dialogue,  mis  en  récitatif  mesuré,  qui  suit,  Molière  chantait 
ses  courtes  répliques  ;  il  y  répétait  deux  fois,  en  écho  moqueur,  1m  dernières 
notes  da  chant  de  d*£stiTaI;  è  la  fin  du  couplet  Irie  charme  mon  âme  seule- 
Bwnt,  d'EstiTal  descendait  jusqu'aux  cordes  les  plus  graves  de  sa  belle  basse  (il 
s'arrêtait  sur  un  ri  au-dessous  de  la  portée  bien  soutenu),  et  Molière,  affectant 
sans  dottte  aussi  de  forcer  sa  Toix  pour  descendre,  n'arrirait  à  imiter  qu'è  l*oc- 
ta?e  celle  da  vrai  chanteur. 

5.  Lvcaa,  (>734-) 


196  PASTORALE  COMIQUE. 

Et  qui  pour  elle  aura 

Le  moindre  brin  de  flamme, 

Il  s'en  repentira*. 

LTCA8. 

Je  me  moque  de  cela. 
Je  me  moque  de  cela. 

FILÈNB. 

Je  t'étranglerai,  mangerai, 

Si  tu  nommes  jamais  ma  belle*. 

Ce  que  je  dis,  je  le  ferai, 

Je  t'étranglerai,  mangerai  : 

Il  suffit  que  j'en  ai  juré. 

Quand  les  Dieux  prendroient  ta  querelle, 

Je  t'étranglerai,  mangerai. 

Si  tu  nommes  jamais  ma  belle. 

LYCAS. 

Bagatelle,  bagatelle. 

FILÂIfE,.  Tenant  poar  se  battre,   chante'  : 

Arrête,  malheureux, 
Tourne,  tourne  visage, 
■  Et  voyons  qui  des  deux 

Obtiendra  l'avantage. 

(Ljeai  parle*,  et  Filène  reprend'  :) 

C'est  par  trop  discourir  ; 

I.  Dans  le  ehant,  le  premier  Ters  de  ce  couplet  est  r&pété,  puis  lei^trob 
antres  le  sont  de  suite  ;  après,  reTÎent  encore  deux  fois  la  mcnaee  :  Il  ii* 
repeHttra, 

a.  Il  7  a  encore  répétition  de  ces  deux  vers  dans  le  chant. 

3.  SCÈNE  IV.  IBIS,  LYCA8.  —  SCÈNE  V.  lygas,  m  pItke.  {U  PUrt 
apporté  à  Lfcoj  un  cartel  de  la  part  de  Pîiène.)  —  sdfcNE  VI.  LYCAS,  CO' 
BiDoir.  ^  SCÈNE  VII.  viLiiVB,  lycas.  —  Tuàn  ckanu,  (1734.)! 

4.  Il  n*y  a  pas  dans  la  partition  d*antres  paroles  qae  IceUÎss  qnÇont  c( 
conservées  dans  le  lirret  imprimé  dont  nous  donnons  le  texte. 

5.  LYCAt. 

{Ljrcae  késiie  à  se  battre,) 
Fiiiirx.  (1734.) 


SCÈNE  m. 
Allons',  fl  fout  mourir. 


Ia  qiwtrièinc  teint  Mt  entre  Ljcm  et  Iri*,  jeune  bergère,  dout 

La  cinquième  icène  Ml  entre  Lycnt  et  un  Paire,  cjui  apporte 
un  cartel  à  Lf  cm  de  la  part  de  Filène,  son  rival. 


La  ûiième  icèue  eU  ei 


l*  «epdime  icine  e*t  entre  t-jcai  et  Filine. 


Ia  huitième  tcène  eit  de  hait  Pajuni,  qui,  Tenant  pour  »dpA- 
nr  Filène  et  Ljcu,  prennent  querelle  et  dament  en  >e  tMitant. 

Lm  knit  p>7uu  tonl  ; 

Lm  miui  Dourn*,  Pi¥>u,  Duonn*,  mt  PaM,  u  Tiuki,  Miton, 

Puu  >  at  La  Roi  '. 


La  neniiène  «cène  e*t  entre  Coridon,  jeune  berger,  et  le*  huit 
paftana,  qui,  par  tel  peranaiioni  de  Coridon,  te  rëcoiicilieDt,  et 
aprèt  l'être  ri^concilië*,  dament*. 


La  dixième  «cène  e*t  entre  Filène,  Lyeaa  et  Coridon. 


fcène  ett  entre  Iria,  bergère,  et  Coridon,  berger 


I.  Ce  Bat  Ht  dit  d«a[  bit  «Uu  1«  tbtaL 

1.  Ssr  d'Olînt,  rajn  toae  III,  p.  6,  p,  49  (Mcoada  partie  d«  la  aole)  i  et 

tMH  IV,  p.    ^3,  BDt*  3. 

3.  Au  toH*  IT,  p.  a(S,  il  j  ■  iiiaLdiai  sa  Bènc  gnnpe  da  duteon  bb 

4.  Un  danUT  d«  frntttBoa. . 

5.  Um  dtBM  dei  Pa-ftmnt  rinmatUt  «t  pU«ie,  duu  b  pntlden,  «Cn 
Ttb  du  Bigm  njoat  (ci-ipr«,  p.  aoi ,  Hèse  zir)  et  «loi  de  Vtgjflîmnat 
imbu  ptg»,  Mte*  x>).  hnt-<IM  ('n^Uit-cUs  m  prcmib*  loi*  Ici,  at  us 
"mil»  lioû  CBtn  1«  •cènié'xi*  «t  it|  p«at-élrg  aoiB  n'ot-o*  qu  pa> 
onar  qaa  la  e^îM  l'a  repartie  II, 


198  PASTORALE  COMIQUE. 

FILKNB  chinte  ^  : 

N'attendez  pas  qu'ici  je  me  vante  moi-même, 
Pour  le  choix  que  vous  balancez  : 
Vous  avez  des  yeux,  je  vous  aime, 
Cest  vous  en  dire  assez*. 


La  treizième  scène  est  entre  Filène  et  Lycas,  qui,  rebutés  par  1» 
belle  Iris,  chantent  ensemble  leur  désespoir*. 

FILÈNE^. 

Hélas!  peut-on  sentir  de  plus  vive  douleur? 
Nous  préférer  un  servile  pasteur! 
Ho  Gel! 

LTCÂ8*. 

Ho  sort! 

FILÂNE. 

Quelle  rigueur! 

I.  SCÈNE  VIII.  PiLàKE,  LYCA8,  PAYSAiTS.  {Les  Paysans  viennent  {tour 
serrer  FiUne  et  Ljreas,)  —  IV.  ENTRÉE  DE  BALLET.  {Les  Paysans  prett- 
nent  querelle,  en  voulant  séparer  les  deux  Pasteurs,  et  dansent  en  se  hatUtmt,] 
^  SCÈNE  IX.  COBIXM»,  LYCAS,  PilJDn,  PAYSAHS.  {Coridon,par  SOS  dis^ 
cours,  trouve  moyen  d'apaiser  la  querelle  des  Paysans,)  —  V.  ENTRÉE  DE 
BALLET.  {Les  Paysans  réconciliés  dansent  ensemble.)  —  SCÈNE  X.  CO- 
aiDoir,  LYCAS,  PiLÀNE.  —  SCÈNE  XI.  iris,  cohidov.  —  SCÈNE  XII. 
PILÈXB,  LYCAS,  IRIS,  CORIDOIT.  {Lycas  et  Filène,  amants  de  la  Bargire^ 
la  pressent  de  décider  lequel  d'eux  deux  aura  la  préférence^  Fnxna,  à  /m. 

(1734.) 

a.  L*air  de  ce  couplet  est  divisé  en  deux  reprises;  deux  vers  sont  dits  dans 
'  chacune,  et  dans  la  seconde  les  vers  sont  répétés. 

3.  Cette  fois,  sous  les  répliques  de  Molière  (une  seule  exceptée  :  //  iejamt 
obéir)  les  (çuillets  de  b  partiiioo  ne  montrent  d*autre«  notes  que  ceUen  de  la 
basse  continue.  A  proprement  parler,  Molière  ne  ehantait  donc  pas  dans  catte 
•cène  ;  entre  les  courts  silences  du  récitatif,  la  baaae  iastramentale  figurait 
en  quelque  sorte  sa  réponse,  faisait  sa  partie,  qn*il  se  contentait  loi  dlnler- 
prêter  du  parler  et  du  geste,  ou  bien,  soutenu  par  le  moimore  non  interompu 
de  l'aceompagoement,  il  déclamait  rapidement  ses  paroles,  avec  des  intona- 
tions deminnusicales  sans  doute  et  qui  parodiaient  eelles  dn  chanteor. 

4.  {La  Bergère  décide  en  faveur  de  Coridon.)  —  SCÈNE  XIIL  rJLàsfL, 
LYCAS.  —  FiLàiifi  chante,  (1734.) 

5.  Lycas  chante.  (1734  ;  mais  Toyez  la  note  3  de  cette  page.) 


SCENE  XIII.  iç)9 

LTCAS. 

Quel  conp  ! 

FILÈNB. 

Quoi?  tant  de  pleurs, 

LYCAS. 

Tant  de  persévérance, 

FlLÀlfE. 

Tant  de  langueur, 

LYCAS. 

Tant  de  souffrance, 

FILÈNE. 

Tant  de  vœux, 

LTCA8. 

Tant  de  soins, 

FILÈNK. 

Tant  d^ardeur, 

LYCAS. 

Tant  d*amour 

FILÈ^TB. 

Avec  tant  de  mépris  sont  traités  en  ce  jour! 
Ha!  cruelle, 

LYCAS. 

Cœur  dur, 

FILÈNE. 

Tigresse, 

LYCAS. 

Inexorable, 

FILÀNE. 

Inhumaine, 

LTCAS. 

Inflexible  % 

FILÈNE. 

Ingrate, 

1.  iBKMiUe.  (1734.) 


aoo  PASTORALE  COMIQUE. 

LYCAS. 

Impitoyable, 

FILÈNB. 

Tu  veux  donc  nous  faire  mourir? 
Il  te  faut  contenter. 

LYCAS. 

Il  te  faut  obéir '• 

FILÈNB*. 

Mourons,  Lycas. 

LYCAS'. 

Mourons,  Filène. 

FILÈNE. 

Avec  ce  fer  finissons  notre  peine. 

LYCAS. 

Pousse. 

FILÈNE. 

Ferme. 

LYCAS. 

Courage. 

FILÂNS. 

Allons,  va  le  premier. 

LTCAS. 

Non,  je  veux  marcher  le  dernier. 

FILÈNE. 

Puisqu'un  même  malheur  aujourd'hui  nous  assemble, 
Allons,  partons  ensemble. 


La  quatorzième  scène  est  d*un  jeune  berger  enjoué^,  qui,  Tenant 
consoler  Filène  et  Lycas,  chante*  : 


I.  On  Ta  Ta  plas  haat  (p.  198,  note  3),  les  six  tyUabet  de  cet 
étaient  kt  teolet  que  Molière  ehantât  dans  la  foène. 
a.  FiLftifx,  îirmmi  tùH  javûlot,  (1734.) 

3.  LTGâS,  tirMit  #0M  jopeloi.  (Ibidem.) 

4.  Représenté  par  Blondel,  comme  on  Ta  tu  à  la  liste  des  Aetenrs. 

5.  SCENE  XIV.  m  bsrobb,  lycas,  filbwb.— La  w aoii  aifcwls.  (1734.) 


SCÈNE  XIV. 

Ha!  qaelle  folie* 
De  quitter  la  vie 
Pour  uoe  beauté 
Dont  on  est  rebuté*  ! 
On  peut,  pour  ud  objet  aimable 
Dont  le  cœur  nous  est  favorable, 
Vouloir  perdre  la  clarté; 
Mais  quitter  la  vie 
Pour  une  beauté 
Dont  on  est  rebuté. 
Ha!  quelle  folie!* 


Id  quiniitme  et  dernière  tcine  cil  d'one  Eg/ptienne,  inîne 
d^me  doauÎDc  de  gens,  qui,  ne  cherchant  que  la  joie,  danwnt 
ane  die  lox  cbantont  qu'elle  ehauie  agi^aitleDieat.  En  voicïle 
ptrolei*  : 


D'un  pauvre  cœur 


I.  Cann,  ici  ot  i  U  ta  da  couplât,  Mti  Durqoar  tù  d'âpre!  1*  pwtilio*. 
"     '     a  iDdiqne  que  la  prtmiire  parti*  da  l'air,  qai  liait  id,  Mut  i 


i.  La  paititioa  ïadiqoe  à  la  laiu  da  atta  chauoH  on  air  d*  daiM  intitaU 
F—r  If  fayuau  ricontilièi i  ce  n'ot  peat-Ara  qa'uoa  interranioa  duu 
r<rd^  da  monaaai;  «t  air,  d'apièi  le  lÏTret  et  tràa-oaMnllamtat,  dariit 
nâr  1  la  »Aam  a.  :  TOfaa  ci-dc«iia,  p.  i(^,  at  aoM  5. 

4.  D  aa  aaaUa  pu,  d'aprét  la  paitition.  qa'aa  diartt  ptMafawat  aoi 
<iaaioH  daaa  estu  acme  fiail*  da  la  PaitoraU  canif  a*.  L'Egrpliaaaa,  dl>- 
iîUbotI  accompagnée,  dwatait  bb  premier  airt  psii  diMua  daanart,  mtml» 
po  LaBj  CB  panoBB*  [od  aa  rappelle  qo'il  iuit  oa  graad  baladia*),  M  Bat> 
tMBt  ea  bnola  ine  eUe  at  adèofaieBl  lean  pu  lar  k  ai4Ba  air,  mda  qaa 
■^■laail  aa  aiahaMn  mfani  de  gaitarea,  cHtagaattai  at  aacairea  (tiadwiaa), 
L'nritiiuu  radiaait  da  mto*  daoa  f«i,  pou  <Er«  daaiia  apiii  Aaqaa  eoa- 
fl^  la  «»ni»da  Ainw  qoa  diaatait  ï'Ëgjptiaoae. 

I.  ScfcifB  DBUlltKB.  ma  âoTmxna,  âonTmi,  immmu.  — 
L'iwniaMa.  (i?]*.] 

'  Taja  xemm  IT  p.  M,  aot*  a. 


aoa  PASTORALE  COMIQUE. 

Soulagez  le  martyre, 

D*un  pauvre  cœur 
Soulagez  la  douleur. 

J'ai  beau  vous  dire 

Ma  vive  ardeur. 

Je  vous  vois  rire 

De  ma  langueur. 
Ah  !  cruelle,  j'expire 
Sous  tant  de  rigueur. 

D'un  pauvre  cœur 
Soulagez  le  martyre, 

D'un  pauvre  cœur 
Soulagez  la  douleur. 

SBCOKD   AIR*. 

Croyez-moi,  hâtons-nous,  ma  Sylvie, 
Usons  bien  des  moments  précieux; 

Ck>ntentons  ici  notre  envie. 
De  nos  ans  le  feu  nous  y  convie  : 
Nous  ne  saurions,  vous  et  moi,  foire  mieux*. 
Quand  Thiver  a  glacé  nos  guérets, 
Le  printemps  vient  reprendre  sa  place, 
Et  ramène  à  nos  champs  leurs  attraits; 

Mais,  hélas!  quand  Tâge  nous  glace, 
Nos  beaux  jours  ne  reviennent  jamais'. 

Ne  cherchons  tous  les  jours  qu'à  nous  plaire, 
Soyons-y  l'un  et  l'autre  empressés  ; 

I .  Vi.  ET  DERNIÈRE  ENTRÉE  DE  BALLET.  {I>ouse  Égjptwu,  dont 
quatre  jouent  de  la  guitare^  quatre  des  castagnettes^  quatre  des  geaemtty 
dstnseM  avec  P Égyptienne ,   aux  chansons   qu'elle  chante.)  L'ioiïitusi. 

(1734.) 

a.  Un  ttgne  de  reprise  partage  id  Tair  en  deox  parties. 

3.  Ces  deux  derniers  vers  sont  répétés  dans  le  chant.  —  Lea  paroles  du 
second  coaplet,  qai  suit,  n*ont  pas  été  écrites  dans  la  première  partition  Ptûli- 
dor  ;  elles  Tont  été^  sods  les  premières  paroles,  dans  la  eopie  de  Tersaines. 


SCÈNE   XY  ET  DERNIÈRE.  M^ 

Da  plaisir  faisons  notre  affaire. 
Des  chagrins  songeons  à  nous  défaire  : 
n  vient  un  temps  où  Ton  en  prend  assez. 
Quand  Thiver  a  glacé  nos  guérets, 
Le  printemps  rient  reprendre  sa  place, 
Et  ramène  à  nos  champs  leurs  attraits  ; 
Mais,  hélas!  quand  Tâge  nous  glace,  ^ 

Nos  beaux  jours  ne  reviennent  jamais.   ,  >-  •  » 

L'Égyptîemie  qui  dante  et  chante  e«t  : 
NoBLBT  Patné  *. 

ht»  doaze  damants  tout  : 
Quatre  jouant  de  la  gnitare, 
M.  DK  LvtXT,  BfM.  BxAVCHAiiP*,  Cbicariau  et  Vaosiaiit'; 

Qaatre  jooant  dea  eaatagnettea. 
Les  aienn  FAtiem,  Bor a&d,  Sàiirr-Airomi  et  Auiald  ; 

Quatre  jouant  det  gnaearee*, 


!•  Ce  Noblet  Talné,  h  la  foii  danseur  et  chanteur,  est  sans  doute  celui  qui 
c^aatiit  aossî  dans  le  premier  concert  du  Sicilien  (▼ojei  ci-après,  p.  aSg, 
Mte  a. et  l  V Appendice^  p.  294  et  295)  ;  il  arait  une  roix  haute.  Il  7  a  un  No- 
^  le  eadet  nommé  parmi  les  danseurs  de  la  cérémonie  magique  (d-dessns, 

s*  Sar  Pierre  Beanchsmps,  compositeur  des  ballets  du  Roi  (c'est  le  titre 
<{n1]  prenait,  diaprés  Jal),  rauteor  des  danses  et  de  la  musique  des  Fâcheux^ 
^Jtz  toaie  III,  p.  6;  tome  IV,  p.  74,  note  4,  et  p.  3^9,  note  5. 

3.  Ce  nom  ae  trouve  dans  d*Bntres  livres  de  ballet  (Toyet,  au  Ballet  éPAU 
cùu^  tome  IV.  p.  aaS),  et  e*est  par  faute  sans  doute  que  l'éditeur  de  1734, 
dam  ton  tableau  (ô-deasus,  p,  190,  noie  a),  y  a  substitué  le  nom  de  Yaignart 
(oa  Yaignant). 

k-  L'sttteur  du  livret  ne  parait  pas  avoir  dboisi  la  forme  la  plus  francise  de 
et  mot  d*mrigine  orientale  et  désignant  un  instrument  de  percussion  apporté 
d'Orient  par  lea  croisés  a  :  naccàre  est  celle  qu'a  employée  Joinville*  et  qui 
(^  la  plus  uaîtée.  «  Les  nacaires,  dit  Castil-Blase  (p.  416),  éuient  des  tim- 
*w  d'une  petite  dimension  et,  comme  les  nôtres,  inégales  en  diamètre,  dont 


*  Voyez  an  Dictionnaire  étymologique  det  mots  d'origine  eriemtale  dans  le 
Sep^iment  de  H.  Littré^  et  le  Molière  musicien  de  Castfl-Blaae^  tome  I, 
P-  414  etsoivantes. 

^  Gté  par  M.  littré,  à  Nacaim  :  «  Et  sembloit  que  fondre  dieist  {tombât) 
«n  dex,  au  bmit  que....  li  nacaire,  li  tabour  et  H  cors  sarraiinnois  menoient.» 
(Clupitre  zzzxT,  p.  56,  de  l'édition  publiée  par  M.  de  WaiUy  pour  h  Société 
de  rHistoire  de  France.)  Joinville  faisait  notaire  masculin 


'  t 


-^  ' 


ao4  PASTORALE  COMIQUE. 

MM.  Là  Maiis,  Dit-Ans  aeeoiMl*,  ou  Fnr  et  Pto&«. 

Uf  SaiTtibis  M  Mrriient  à  cheral,  pour  régler  la  marelie  de  lean  eendrois. 
Plmieurt  peintret  aoeieiii  aooi  mootrent  la  fille  de  Jephté  jouuit  dei  mteaim, 
graeleoteinent  atUchéei  à  m  eeîntiure.  » 

I.  Des- Airs  scccmd  est  sans  doote  le  même  que  Des-Airs  Galaad,  soBmt 
■près  Des- Airs  Talné,  à  la  VU*  entrée  du  Ballet  des  Mtues  (ci-après,  p.  991, 
à  VAppendiee)^tli  que  Des-Aîrs  le  jenne  mentionné  an  Mariage /breé {tant  IV, 
p.  74*  et  seeonde  partie  de  la  note  4).  Les  deux  Des-Airs  étaient  msabirsi  de 
V Académie  royale  de  danse  depuis  sa  fondation  en  1661  *.  Castil-Blaie  (tome  I, 
p.  4ao  et  4^1)  dit  qu'ils  étaient  frères  et  que  Désert  on  dm  Désert  était  b 
▼raie  forme  de  leur  nom  ;  Félibien  Ta  écrit  ainsi  dans  la  liste  qnH  donne 
des  premiers  académiciens  de  la  danse  K 

•  Voyes  tome  III,  note  7  de  la  page  48,  et  le  Théâtre  fiemiuàM  sm 
Louis  XIFt  per  M.  Despois,  p.  Sap  et  33o. 

*  Tome  V,  p.  188  de  V Histoire  de  la  vUle  de  Paris:  on  7  roitFrsnçois 
Galland,  sieur  du  Désert,  et  Florent  Galland,  dit  sans  doute  daas  k  noaée 
Unt6t  Désert  Gallaad,  tantôt  Désert  second  on  le  j< 


FOI  DK  LA  FÀSTOKALB  COMIQUE. 


LE  SICILIEN 


OU 

L'AMOUR  PEINTRE 

COMÉDIE 

UPÛMKKTME   POVm   LA  PBMnJBW  FOIS  A  SADTr-GXBHAIH   ES   LAYB 
PAA  OSDRK   DB  SA   MAJESTE,   AU   MOIS    DE  JAITTIER    1667*, 
KT   DOJraiB   DEPUIS    AU    PUBLIC,    SUA    LE  THÉÂTBE  DU    PALAIS-KOYAL, 
LE  10*  DU  MOIS  DE  JUIH  DE  LA  H^ME  AEREE  1667, 
PAR  LA  TEOUPE  DU  KOI. 


I-  I^  preaûire  repréiantotion  à  la  eonr,  à  Salnt-GemiaiBj  eut  lieo,  aoa  en 
j^vier,  eonme  le  porte  ce  titre  de  réditbn  de  i68a,  mats  trèt-probableineiit 
^  14  finier  1667  :  Toyes  ci-après,  au  début  de  la  Notice^  p.  207-209. 


NOTICE. 


Les  dernières  pages  da  Ballei  des  Muses  *  nous  apprennent 
qne  le  Sicilien  fut  jou^,  non»  comme  les  deux  pastorales  de 
Molière,  dans  la  trobième  entrée^  remplie  d'abord  par  Méli* 
cerie^  et  depuis  ie  5  janvier  1667,  vraisemblablement  jusqu'à 
la  fin  des  fêtes,  pai*  la  Pastorale  comique^  mais  dans  la  qua- 
torzième, nouveauté  de  la  dernière  heure,  qui,  dans  le  livret, 
n'a  pris  qu'un  rang  surnuméraire. 

Aien  ne  pouvait  plus  heureusement  clore  les  divertisse- 
ments, si  prolonges,  de  Saint-Germain,  ni  mieux  venir  à  la 
<Jenuère  entrée  du  ballet,  comme  pour  donner  le  signal  du 
Pkuulite. 

Les  ^teurs  de  i68a  ont  placé  la  première  représentation 
du  SiciUen  en  janvier  1667.  Nous  croyons  que  cette  fois  ils  se 
sont  trompes.  La  Grange,  un  de  ces  éditeurs,  était  aux  fêtes 
de  Saint-Germain,  et  y  eut  un  rôle  dans  le  Sicilien  ;  mais, 
D'ayant  pas  daté  sur  son  Registre  les  représentations  données 
<lans  ces  fêtes  de  la  cour,  ses  souvenirs  ont  bien  pu,  quinze 
2Ds  plus  tard,  n'être  plus  assez  précis,  et  le  témoignage  de  la 
Gazette^  qui  les  contredit,  est  tout  autrement  certain,  puisqu'il 
^t  du  moment  même. 

Dans  une  des  citations  que  précédemment  nous  avons  faites 
de  ce  joumaly  sous  la  date  du  4  février,  on  a  vu,  il  est  vrai, 
que,  le  3i  janvier,  le  ballet  avait  trouvé  de  nouveaux  agré- 
ments dans  des  scènes  qu'on  y  avait  ajoutées*.  Au  lieu  de 
penser,  oonome  nous  l'avons  fait,  à  la  comédie  des  Poètes^ 
on  serait   tenté   peut-être    de    supposer  qu'il    s'agbsait   du 

I.  Voyez  ci-après,  p.  394  et  suivantes, 
a.  Vojrez  ci-dessus,  p.  i36. 


ao8  LE  SICILIEN. 

Sicilien.  Il  serait  cependant  étonnant  que  le  meillear  ouvrage 
représente  dans  ces  fêtes  n'ait  pas  été  plus  clairement  dési- 
gné, et  que,  le  1 1  février,  ayant  encore  à  parler  du  ballet,  la 
Gazette^  au  lieu  de  compléter  sa  très-sèche  mention,  se  soit 
contentée  de  dire  : 

■  De  Saint-Gennaia  en  Laje^  Tu  fémer  1667. 

ce  Le  5,  le  Ballet  des  31  uses  fut  derechef  dansé  avec  la  même 
satisfaction  des  spectateurs  ^,  » 

Mais  voici  qui  est  clair  et  ne  permet  pas  de  croire,  pour  If 
Sicilien^  à  la  date  du  3 1  janvier  : 

«  De  Saiat*Gennatii  en  Laye,  le  18  Chnior  1667- 

«  Le  I  a  de  ce*mois,  les  ambassadeurs  et  ministres  étrangers 
vinrent  faire  leurs  compliments  à  la  Reine  sur  la  naissance  de 
la  Princesse...,  après  laquelle  fonction,  ils  eurent,  par  Tordre 
du  Roi,  le  divertissement  du  Ballet  des  Muses....  Le  i4  ^ 
le  16,  le  ballet  fut  encore  dansé,  avec  deux  nouvelles  entrées 
de  Turcs  et  de  Mores,  qui  ont  paru  des  mieux  concertées  :  U 
dernière  étant  accompagnée  d'une  comédie  françoise,  aussi  des 
plus  divertissantes  '.  » 

Le  journal  date  certainement  ainsi  du  14  février  1667  la 

première  représentation  du  Sicilien.  Robinet»  dans  sa  Lettre 

»;'*,»*    y  '  ,     en  vers  à  Madame  du  ao  février  •,  rapporte  an  même  momeot 

^  la  nouveauté  de  l'entrée  des  Turcs  et  de  celle  des  Mores;  et, 

l,     ;   r  ;.    u  ^  bien  qu'il  ne  nomme  point,  n'étant   pas  sans   doute  encore 

informé  complètement,  la  comédie  qui  servait  de  motif  a  la 
dernière  de  ces  enti*ées,  il  se  trouve  pourtant  qu'il  la  place, 
de  fait,  à  sa  date,  puisque  les  Mores  et  le  Sicilien  parurent 
ensemble  : 

Oïl  a,  depuis  le  treizième. 
Dansé  trois  fois  ce  ballet  même. 
Qui  changeant  encor  beaucoup  plus 
De  visages  que  Protêits, 
Avoit  lors  deux  autres  entrées, 

I.  Gazette  du  la  février  1667,  p.  i56. 

a.  Gazette  du  19  février  1667,  p.  175  et  176. 

3.  Écrite  le  19. 


NOTICE.  ao9 

Qa'on  a  beaucoup  confidérëet, 
Saroir  des  Mores  et  Mahoms^ 
Deux  trèfl-perTenes  nations. 

Cest  donc  entre  le  i3  février  et  le  jour  où  Robinet  ëcri- 
fait,  qoe  le  Sicilien  fut  joue  trcns  fois  :  d'abord  le  lundi  14 
«tle  mercredi  16,  comme  nous  l'a  appris  la  Gazette;  puis  le 
jeudi  oa  le  vendredi  suivant,  si  toutefois  la  troisième  représen- 
tation n'est  pas  celle  du  jour  même  où  Robinet  versifia  ses 
nouvelles  des  dernières  représentations  du  ballet  ;  nous  savons 
du  moins  par  la  duette  que  ce  jour-là,  samedi  19  février,  le 
Met  reparut  avec  ses  plus  récents  embellissements,  dont  elle 
parle  akûrs  en  des  termes  qui  en  attestent  le  succès  : 

«  De  Saint-Gennain  en  Laye,  le  %S  ferrier  1667. 

«  Le  19  de  ce  mois,  la  cour  eut  encore  le  divertissement  du 
BaUei  des  Muies^  avec  les  nouveautés  que  Ton  y  avoit  ajou- 
tées, lesquelles  y  attirèrent  une  foule  extraordinaire  *.  »  Ce 
fut  la cidtore.  Le  dimanche  ao,  au  matin,  la  cour  quitta  Saint- 
Oennain.  La  troupe  de  Molière,  outre  les  six  mille  livres  de 
pension  accordées  par  le  Roi  depuis  i665,  reçut  encore,  comme 
le  Begistre  de  ia  Grange  le  constate,  six  mille  autres  livres. 
I^  comédiens  revenaient  comblés  de  libéralités,  et,  ce  qui 
était  d'un  plus  grand  prix,  rapportaient  pour  la  scène  du  Palais- 
Royal  un  vrai  joyau  :  ce  n*est  rien  dire  de  trop  de  la  petite 
pièce  en  un  acte,  de  la  bluette,  que  bien  des  grands  ouvrages 
Qegaient  pas. 

La  ville  cependant  attendit  le  Sicilien  quatre  mois.  Les  va- 
cances de  Pâques  ne  suffisent  pas  à  expliquer  ce  long  retard. 
Molière  eut  une  grande  maladie.  Sa  poitrine,  depuis  quelque 
tttops  fatiguée,  le  fut  sans  doute  plus  encore  dès  son  retour  de 
Saint>Gennain,  où  il  ne  s'était  pas  ménagé  dans  son  double 
tnrsàl  d'auteur  et  de  comédien.  Robinet  nous  apprend  ^  qu'un 
moment  on  le  crut  dans  un  état  désespéré.  Il  lui  fallut  prendre 
du  repos  et  se  mettre  au  laitage.  Ce  fut  en  juin  seulement  que, 
rendu  à  la  scène,  il  put  jouer  le  Sicilien^  dont  la  première 

1.  Gazette  du  36  fëTrier  1667,  p.  197. 
î.  An  17  ATril. 

Houàaa.  ti  i4 


aïo  LE  SICILIEN. 

reprësentation,  accompagnée  des  Entrées^  fut  donnée  sur  U 
scène  du  Palais-Royal  le  vendredi  lo  juin  1667,  avecla tragé- 
die d*^rf  lia  ^,  comme  le  Registre  de  la  Grange  Y  dLiïoié,  Robinet 
écrivait  le  1 1  juin  : 

Depuis  hier 

On  a  pour  dirertiMement 
Le  Sicilien^  que  Molière  y 
Arec  sa  charmante  manière, 
Mêla  dans  ce  ballet  du  Roi, 
Et  qu*on  admira,  sur  ma  foi. 
Il  y  joint  aussi  des  Entrées 
Qui  furent  très-considérées 
Dans  ledit  ravissant  Ballet  : 
Et  Liii^  tout  rajeuni  du  lait 
De  quelque  autre  infante  d^Inache 
Qui  se  couTre  de  peau  de  vache  *, 
S*y  remontre  enGn  à  nos  yeux, 
Plus  que  jamais  facétieux'. 

Jusqu'à  la  fin  de  juin,  le  Sicilien  fut  représenté  toos  les 
jours  qui  étaient  ceux  de  la  troupe  de  Molière,  le  la  et  le  U» 
encore  avec  Attila^  les  17,  19  et  ai  avec  Rodogune^  les  a4, 
a6,  et  a8  avec  V Amour  médecin.  Fut-ce  une  mauvaise  for- 
tune pour  notre  petite  pièce  de  se  présenter  d'abord  à  côté 
d*Jttila,  dont  il  serait  à  croire  que,  depuis  le  4  mars  pré- 
cédent et  malgré  l'interruption  de  Pâques,  les  spectateurs 
avaient  assez?  Le  fait  est  que  la  représentation  du  1 4  juin 
(troisième  du  Sicilien)  fit  une  bien  médiocre  recette  :  gS  livres, 

10  sous.  Il  faut  dire  que  la  recette  de  la  sixième,  avec  la  belle 
tragédie  de  Rodogune^   fut  encore  un  peu  moins  brillaote. 

11  y  en  eut  de  meilleures  ;  mais,  en  somme,  le  Registre  Be 
nous  donnerait  pas  l'idée  d'un  empressement  du  public  tel 
qu'on  aurait  dû  l'attendre,  même  en  ce  temps-là,  qui,  pour 
l'a£Duence  des  spectateurs,  ne  peut  jamais  être  comparé  su 

I.  12 Attila  de  Corneille  avait  été  représenté  pour  la  première 
fois  le  4  mars  1667. 

a.  C'est-à-dire  de  quelque  belle  et  merreilleuse  Tache,  comme 
fut,  après  sa  métamorphose,  lo,  fille  du  fleure  Inachos. 

3«  Lettre  en  vers  à  Madame^  datée  du  la  juin  1667. 


N0T1G£.  m 

nfttre.  Après  les  neuf  représentations  de  jnin,  nous  en  troii- 
T0D5  huit  en  juillet;  puis,  jusqu'à  la  mort  de  Molière,  encore 
trois  seulement;  en  tout  vingt*. 

Pendant  les  années  suivantes  du  règne  de  Louis  XIV,  le  Si" 
cHien  fat  joué  soixante-quatorze  fois;  au  temps  de  Louis  XY, 
quatre-vingt-dix-huit  fois.  Ce  sont  des  chiffres  signiGcatifs, 
quand  on  les  compare  avec  ceux  que  donnent  les  autres  petites 
comédies  de  notre  poète.  Le  temps  avait  fait  reconnaître  que 
Molière  avait  laissé  là  quelque  chose  de  mieux  qu'un  agréable 
â-propos  de  carnaval  de  cour. 

Si  l'entière  justice  paratt  avoir  été  tardive,  il  ne  faudrait 

pourtant  pas  se  hâter  de  croire  qu'en  ses  premiers  temps  la 

pièce  n'eût  été  nullement  goûtée.  Les  spectateurs  étaient  toa-> 

jours  alors  peu  nombreux,  et  l'on  n'en  pouvait  espérer  un  grand 

concours  pour  une  comédie  qui  n'avait  que  quelques  scènes  ; 

mais  l'agrément  n'en  fiit  pas  méconnu,  a  Le  Sicilien^  dit  Gri- 

marest*,  fut  trouvé  une  agréable  petite  pièce,  à  la  cour  et  à  la 

ville,  en  1667.  »  La  preuve  qu'il  dit  vrai,  nous  la  rencontrons 

dans  là  Lettre  en  versa  Mtidame,  datée  du  19  juin  1667,  où  le 

mot  de  tt  chef-d'œuvre  »  n'aurait  pas  été  prononcé,  si  Robinet 

n'avait  remarqué  la  vive  approbation  de  ceux  qui  assistaient 

avec  lui  (un  peu  à  l'aise,  paraft-il)  à  la  seconde  représentation, 

le  dimanche  i  a  juin.  Citons  ce  compte  rendu  de  notre  pièce, 

qui  est  le  plus  ancien  de  tous  : 

Je  vis  à  mon  aise  et  très-bien, 

Dimanche,  le  Sicilien, 

C*e8t  un  chef-d'œuvre,  je  vous  jure, 

Où  paroissent  en  mignature. 

Et  comme  dans  leur  plus  beau  jour, 

Et  la  jalousie  et  Tamour. 

Ce  Sicilien,  que  Molière 
Représente  d'une  manière 

I.  Voyez  au  tome  I,  page  548,  les  représentations  des  pièces  de 
Molière  à  la  ville.  —  Dans  le  tableau  des  représentations  à  la  lour 
{ibidem ^  p.  SSy),  on  n'en  a  compté  qu'une  du  Sicilien  (comme 
ajant  M  seule  mentionnée  par  la  Grange  :  voyez  ibidem^  p.  55 S). 
Il  j  en  eat  au  moins  trois  en  février  1667,  ainsi  que  nous  l'avons  vu. 

3.  la  yU  de  M,  de  MoUèrt^  p.  190. 


«la  LE  SICILIEN. 

Qui  ùli  rire  de  tout  le  ccrar, 
£«t  donc  de  Sicile  un  seigneur, 
Charme  juiqn^à  la  jalousie 
D*nne  Grec^e  son  affranchie. 

D*atttre  part  un  maripiis  firançois 
Qui  soupire  dessous  ses  lob, 
Se  serrant  de  tout  stratagème 
Pour  Toir  ce  rare  objet  qu'il  aime 
(Car,  comme  on  sait,  TAmour  est  fin). 
Fait  si  bien  qu*il  Tenlève  enfin 
Par  une  intrigue  fort  jolie. 

Dès  ce  premier  moment,  la  louange  méritée  n'a  donc  pas 
fait  défaut»  Ou  peut  dire  cependant  que,  de  nos  jours  seule- 
ment, la  critique  a  reconnu  tout  le  prix  d'une  charmante 
esquisse,  que,  par  certains  côtés,  on  pourrait  comparer  à  la 
beaucoup  plus  grande  peinture  du  Dom  Juan^  Tone  et  l'autre, 
si  françaises  qu'elles  demeurent,  faisant  plutôt  penser  an 
théâtre  étranger  qu'à  notre  comédie  classique,  et  nous  laissant 
voir  aujourd'hui  le  signal^  longtemps  inaperçu,  d'un  art  dra- 
matique nouveau. 

Le  Sicilien  est  d'un  caractère  très-singulier,  d'une  fantaisie 
très-neuve.  L'intrigue,  il  est  vrai,  que  Robinet  trouve  fort 
jolie,  en  rappelle  beaucoup  d'autres  des  plus  connues  déjà  au 
théâtre.  Ce  n'est  pas  là  ce  qu'il  faut  voir,  mais  la  perfection 
du   piquant  tableau.  Grâce  aux  détails  si  fins  et  souvent  si 
poétiques,  aux  couleurs  qui  lui  donnent  la  vie^  il  nous  laisse  la 
vive  impression  d'un  pays  où  les  passions,  comme  les  cou- 
tumes, sont  celles  de  l'Orient.  Cailhava  dit  ^  que  Molière  a 
transporté  sur  son  théâtre  cette  comédie,  dont  le  sujet  est 
étranger,  a  sans  se  donner  la  peine  de  l'habiller  à  la  française». 
C'est  fort  heureusement,  croyons-nous,  qu'il  ne  se  l'est  pas 
donnée.  Ni  la  paresse,  ni  le  manque  de  temps,  mais  le  senti- 
ment de  l'art  la  lui  a  épargnée.  Il  a  bien  su  habiller  sa  pièce 
à  la  française  où  il  devait  le  faire.  Parfaitement  à  l'aise  dans 
ce  pays  des  sérénades  nocturnes  et  de  la  jalousie  armée  d'é- 
pées  et  de  pistolets,  l'aimable  légèreté  de  notre  nation  et  sa 
politesse  galante  se  jouent  avec  grâce  au  milieu  de  ces  moeurs 

I.  De  PÀrt  de  ii  Comédie^  tome  II,  p,  aay. 


NOTICE.  ii3 

tarnùi  iuKennes,  moitM  moresqoes.  Les  caractères  de  dont 
Pèdre  et  des  deux  jeunes  femmes  esclaTes  sont  esquissés  en 
quelques  traits  dont  la  vérité  locale  est  frappante.  La  liberté 
des  changements  de  scèie  est  plus  grande  encore  qne  dans 
la  comédie  de  Dom  /«an. 

Moins  encore  par  ce  genre  de  hardiesse,  peu  familière  alors 
k  notre  théltre,  que  par  la  puissance  d'une  imagination  dra- 
nutiqne  ou  tout  venait  se  colorer  fidèlement,  il  y  avait  du 
Siakspeare  dans  Molière  ;  et  il  est  ângulier  que  ce  soit  une  de 
ses  petites  improvisations  qui  surtout  suggère  le  rapproche- 
ment des  deux  génies. 

Le  atjle  du  Sicilien  est  remarquable  :  comme  dans  telle 
pièce  de  Hosset,  où  la  part  à  faire  au  marivaudage  nuirait 
d'ailleurs  à  la  comparaison,  il  s'y  mêle  à  l'agrément  comique 
une  sorte  de  poéûe  qui  semble  chanter  la  romance.  Cette 
poésie  ne  se  fait  pas  seulement  sentir  par  l'expression  colorée, 
mais  aussi  par  le  rhythme.  Ce  n'est  pas  d'hTer  qu'a  été  faite 
sur  la  prose  de  notre  pièce  cette  observation,  qui  prit  d'abord 
la  forme  d'an  blâme.  «  Généralement  parlant,  dit  une  note 
du  lUenagiana',  la  prose  de  Molière  est  ampoulée,  poétique, 
remplie  d'expressirais  précieuses  et  toute  pleine  de  vers.  Le 
Sicilien,  par  exenqtle,  est  nue  petite  comédie  toute  tissue  de 
vers  non  rimes,  de  six,  de  cinq  ou  de  quatre  [ûeds;  »  et  de 
douze,  aurait-il  falln  ajouter.  Est-41  besoin  de  dire  que  l'on  ne 
découvre  pas  plus  dans  fe  Sicilien  que  dans  n'importe  laquelle 
des  comédies  en  prose  de  Molière,  l'enflure,  les  expressions 
précieuses,  an  mauvais  sens  du  mot?  Jamais  critique  n'a  plus, 
împertinemment  rêvé.  Hais  ce  qui  est  vrai,  c'est  que  la  pièce 
a  des  vers,  son  rimes,  en  assez  grand  nombre  pour  qu'ils  ne 
paraissent  pas  venus  sons  la  plume  de  l'auteur  è  son  insu. 
L'explication  d'un  fait  qui  n'avait  pas  pn  échapper  à  l'atten- 
tion n'a  pas  semblé  sans  quelque  difficulté.  On  a  quelquefois 
pensé  que  Molière  avait  commencé  à  écrire  en  vers  sa  comé- 
die, et  que,  trop  pressé  dans  son  travail,  il  avait  pris  le  parti 
de  la  réduire  k  la  prose,  sans  trouver  le  temps  de  cacher  ce 
qu'Horace  a  nommé  les  lambeaux  des  membres  du  poëte  *  ;  iU 


ai4  LE  SICILIEN. 

aurait  seulement  dissimule  la  rime.  Une  forte  objecdon,  c'est 
qu'il  n'aurait  pu  si  bien  la  faire  disparaître,  qu'il  ne  fût  plus 
<m  moins  facile  de  la  retrouver  :  or  on  l'essayerait  en  vaio. 
Serait-ce  donc  plutôt  que  l'habitude  prise  par  la  plume  de 
Molière,  dans  ses  pièces  versifiées,  n'aurait  pas  laisse  sa  prose 
tout  à  fait  libre  dans  son  allure?  Ovide  faisait  ainsi  des  vers 
malgré  lui  : 

Serihere  eonahar  çerha  toluta  modis^ 
Et  quod  tentaham  dicere^  pertus  erai  '• 

Nous  reviendrions  ainsi  à  ce  que  tout  à  l'heure  nous  ne 
trouvions  pas  aisé  d'admettre  dans  le  Sicilien^  à  une  invo- 
lontaire rencontre  de  la  phrase  mesurée,  rencontre  bien  fré- 
quente pour  être  vraisemblable.  Il  nous  répugnerait  de  donner 
raison  à  l'auteur  de  la  note  du  Menagiana^  qui  (le  sens  de 
ses  remarques  est  clair)  ne  voyait  là  qu'une  négligence.  Il 
signale  la  même  fréquence  des  vers  dans  toute  la  prose  de 
Molière.  Cette  prose  donne-t-elle  lieu  partout,  en  effet,  à  une 
s^Bblable  observation  ?  Lisons  Dom  Juan,  Il  est  vrai  que  là, 
dès  les  premières  lignes,  on  est  frappé  de  ce  vers  : 

Et  qui  vit  sans  tabac  n'est  pat  digne  de  vivre; 

on  peut  ajouter  qu'il  n'est  pas  tout  à  fait  le  seul.  Dans 
cette  pièce  cependant,  le  cas,  ainsi  qu'il  est  facile  de  s'en  as- 
surer, est  assez  rare  pour  qu'il  n'y  ait  nullement  à  y  recon- 
naître ou  une  très-forte  domination  des  habitudes  métriques 
ou  un  parti  pris.  C'est  autre  chose  dans  ie  Sicilien;  et  c'est 
pourquoi  le  JHenagiana  Fa  pris  particulièrement  pour  exemple. 
N'était  la  rime  qui  manque,  nous  aurions  souvent,  dans  cette 
comédie,  les  vers  libres  de  l'Amphitryon  ;  et,  suivant  noas, 
il  est  visible  que  Molière  l'a  su  et  voulu. 

Il  y  avait  été  probablement  invité  par  le  sujet  de  la  pièce, 
tout  poétiquement  conçu.  Dirons-nous  qu'alors  la  couleur  du 
style  avait  instinctivement  appelé  la  phrase  mesurée?  Nous 

I.  «  Je  m'efîorçaîft  d'écrire  des  paroles  que  n*enchatnemit  pu 
la  mesure. . . ,  et  tout  ce  que  j'essayais  de  dire  éuit  vers.»  {Les  Trittetf 
livre  IV,  élégie  x,  yers  34  et  s6.) 


.NOTICE.  aiS 

croyons  plutôt  au  desseÎD  réfléchi  :  on  a  peine  à  ne  pas  le  re- 
coiûultre,  qiund  on  trouve,  daas  cette  prose  du  Sieilien,  des 
iaversioDS,  des  particnlarités  de  la  langue  des  vers  dont  l'au- 
teur n'a  pu  manquer  de  se  rendre  compte  : 

Je  veos  jmqnef  an  jonr  les  bire  id  chuKer'  ; 


Mail  je  m'en  *aii  prendre  mon  toîIc  : 
Je  n'ai  garde  uni  lui  de  paroitre  à  te*  jeux*. 

Le  caractère  même  de  l'ouvrage  conseillant  à  la  forme  poé- 
tique de  se  mcHitrer,  l'occasion  était  bonne  pour  faire  l'essai 
d'une  nouveauté  aussi  hardie  qu'ingénieuse.  Nul  plus  que  Mo- 
lière n'étùt  capable  d'une  telle  tentative  ;  et  ceux  qui,  avant 
Doos,  la  lui  ont  attribuée,  n'ont  peut-être  pas  été  trop  subtils. 
Voici  donc  ce  qu'on  a  pensé  ;  les  vers  blancs  d'inégale 
mesure,  mêlés  à  la  prose  tout  à  fait  libre,  mais  revenant  assez 
fréquemment,  et  d'un  rhythme  assez  marqué  pour  ne  pas  s'y 
perdre  et  pour  rester  sensibles  à  l'oreille ,  auraient  paru  k 
Molière  répondre,  autant  que  notre  langue  le  permettait,  aux 
TCrs,  très-peu  soumis  à  de  sévères  lois,  des  vieux  comiques 
latins,  à  leurs  nombres  irrégulièrement  réguliers,  numeri  innu- 
flurf*.  Quoique  la  forme  imaginée  par  notre  poète  pût  d'abord 
sembler  no  peu  indécise,  nous  n'oserions  dire  qu'il  uit  en  tort 
d'eu  espérer  un  heureux  elTet.  Dans  la  comédie  elle-même, 
sans  excepter  la  plus  familière,  l'art  doit  se  distinguer  de  la 
prosaïque  réalité.  C'est  ce  qui  explique  très-bien  qu'au  dix- 
septième  siècle  on  eflt  peine  k  n'y  pas  regretter  quelque  chose, 
Iwsqu'elle  renonçait  au  vers,  qui  lui  donne  un  caractère  moins 
vulgaire,  et  par  lequel  d'auteurs  les  traits  du  dialogue, 
mieux  frappés,  prennent  plus  de  relief.  Mais  la  poésie  co- 
■mqne  doit  conserver  beaucoup  de  simplicité.  Notre  grand 
vers,  surtout  quand  U  ne  s'agit  pas  de  ce  qu'on  nomme  la 
haute  comédie,  la  gêne  et  la  guindé  un  peu  trop.  Les  anciens 
se  servaient,  en  pareil  cas,  d'une  forme  métrique  qui  ne  dis- 

1.  Seine  n,  p.  s36.  —  s.  Sciae  xti,  p.  a^i, 
3.  Vojei  r^itaphe  de  Plaute  rapportée,  d'aprt*  Varron, 
Anin-Gelle  (liTre  I,  chapitre  xxrr). 


2i6  LE  SICILIEN. 

tinguait  pas  plus  qu'il  ne  fallait  le  langage  du  théâtre  du  lan- 
gage de  la  vie  ordinaire.  Il  y  a  des  raisons  de  penser  que 
Molière,  au  temps  où  nous  sommes  arrivés  dans  Thistoire  de 
ses  ouvrages,  cherchait  pour  nous  quelque  chose  d'équiva- 
lent. Son  Amphitryon  ya  venir  qui  le  prouvera.  Dans  U  Si- 
cilien il  ne  s'y  est  pas  pris  tout  à  fait  de  la  même  manière. 
<c  Tout  ce  qui  n'est  point  prose  est  vers,  et  tout  ce  qui  n'est 
point  vers  est  prose,  »  dit  le  maftre  de  philosophie  à  Mon- 
sieur Jourdain  ^  C'est  d'une  naïve  évidence.  Il  est  curienx 
que  Molière,  sans  se  révolter  contre  un  axiome  qu'il  a  mis 
lui-même  dans  un  jour  si  plaisant,  paraisse  avoir  eu  l'idée 
d'une  transaction.  Cette  idée,  nous  croyons  qu'après  le  Sici- 
lien il  ne  l'avait  pas  abandonnée  :  témoin  l'Avare^  ou  se  re- 
marquent aussi  beaucoup  de  vers  non  rimes,  de  toute  mesure. 
Si  ce  n'a  pas  été  une  erreur  de  conjecturer  qu'il  n'en  a  tant 
semé  dans  le  Sicilien  que  pour  mettre  la  langue  de  son  dia- 
logue en  harmonie  avec  une  peinture  poétique,  nous  devons 
supposer  qu'une  fois  entré  dans  la  voie  de  l'innovation,  il  l'a 
jugée  bonne  pour  toute  comédie  en  prose,  même  d'un  autre 
caractère,  partout  du  moins  où  le  dialogue  pouvait  s'élever 
un  peu  au-dessus  du  langage  tout  à  fait  familier. 

Molière  avait-il  trouvé  quelque  part  le  sujet  du  Sicilien?  Il 
se  pourrait.  Mais  quand  il  en  aurait  rencontré  l'idée  dans  une 
comédie  ou  dans  une  nouvelle  étrangère,  soit  italienne,  soit 
espagnole,  on  est  assuré  qu'il  ne  serait  pas  plus  convaincu  de 
plagiat  qu'il  ne  l'a  été  dans  Dom  Juan,  malgré  Tirso  de  Mo- 
lina,  Giliberto  et  Cicognini,  tant  il  savait  toujours,  en  emprnn* 
tant,  garder  son  originalité.  Il  n'y  avait  que  son  pinceau  pour 
donner  à  la  légère  intrigue  de  notre  courte  comédie  les  cou- 
leurs d'un  tableau  si  parfaitement  agréable  ;  et  nous  oserions 
affirmer  que  ces  couleurs  n'ont  pas  été  copiées,  si  quelques 
traits  du  dessin  l'ont  été.  Sur  cette  question  d'un  emprunt, 
que  l'on  est  certainement  porté  à  supposer,  Gailhava  ne  nous 
apprend  rien  en  disant  ^  :  «  Il  suffit  d'examiner  les  mœurs 
de  cette  comédie  pour  voir  que  le  sujet  en  est  étranger;  » 

I.  Le  Bourgeou  gentilhomme,  acte  II,  scène  rr. 

1.  A  Tendroit  de  son  Art  de  la  coméMetXxé  ci-dessus,  p.  9ii« 


NOTICE.  ai7 

mais  ajouter,  comme  0  fiiit,  qae  «  MoEère  l'a  transporta  sur 
son  théâtre,  »  c'est  insinuer  que  positivement  on  le  savait  dëjà 
traite  sur  un  théâtre  étranger.  L'ouvrage  auquel  Cailhava 
semble  faire  allusion  lui  était  cependant  resté  inconnu;  autre- 
ment il  aurait  trouvé  autre  chose  à  dire  que  ceci  :  «  Je 
n'indiquerai  pas  précisément  la  pièce  d'où  est  imitée  la  ruse 
employée  par  Adraste  pour  s'introduire  auprès  d'Isidore.  » 
Ce  n'est  guère  de  quoi  il  est  question.  S'U  y  a  dans  le  Sici^ 
lien  un  ressort  usé  de  comédie,  peu  importe  qui  Ta  fourni. 
Cailhava  croit  savoir  où  a  été  pris  le  voÛe  qui  facilite  l'éva- 
sion d'Isidore,  ce  voile  qui  avait  déjà  servi  dans  le  dénoue- 
ment de  l'École  des  maris  :  «  Cest  dans  le  Cabinet^  cane- 
vas en  cinq  actes,  très-vieux  et  très-bon,  qu'on  a  imité  de 
la  Dama  tapada^  pièce  espagnole  traduite  par  M.  Linguet, 
sous  le  titre  de  la  Cloison^,  »  La  courte  analyse  que  donne 
Cailhava  de  quelques  boufiTonneries  du  canevas  permet  seule- 
ment de  reconnaître  une  certaine  ressemblance  entre  la  ruse 
qui  amène  le  dénouement  du  Sicilien  et  le  déguisement  d'Ar- 
lequin, qui,  vêtu  d'habits  de  femme  et  couvert  d'un  voile, 
sort  d'un  cabinet  où  se  cache  une  certaine  Rosaura. 

Le  rapprochement  est  assez  insignifiant.  Quant  à  la  pièce 
espagnole,  qui  est  de  Calderon,  et  dont  le  vrai  titre  est  ei 
Escondidoy  ta  Tapada,  «  l'Homme  caché  et  la  Femme  voilée,  y> 
il  s'y  trouve  une  scène,  la  xv*  de  la  seconde  journée*,  où 
Celia,  couverte  d'une  longue  mante,  vient  demander  protection 
à  don  Diego,  contre  les  violences  d'un  jaloux,  de  même  que 
Qimène  voilée  cherche  un  asile  chez  dom  Pèdre,  sous  un 
semblable  prétexte.  Il  n'y  a  rien  de  plus.  La  découverte  du 
critique,  si  c'en  est  une,  n'est  donc  pas  grande.  Il  nous  pa- 
rait probable  qu'il  en  reste  une  autre  à  faire,  et  que  Molière 
a  dû  plus  que  le  stratagème  de  la  femme  voilée  à  quelque 
ouvrage  espagnol  ou  italien;  mais  jusqu'ici  nous  pouvons  dire 
que  l'on  n'a  rien  trouvé,  bien  qu'on  nous  ait  signalé  un  rap- 
prochement avec  une  nouvelle  de  Gabriel  Chappuis.  Il  ne  nous 
semble  pas  plus  significatif  ni  moins  douteux  que  celui  qui 

I.  De  VArt  dé  la  comédie^  tome  II,  p.  917  et  998. 
9.  La  xn*  dans  la  Cloison  de  Linguet,  pages  188  et  189  dntome  II 
de  son  Théâtre  espagnol  (4  Tolumet  in-i3,  1770). 


ai8  LE  SICILIEN. 

est  indiqué  par  Cailhava.  Ce  n'est  pas  le  vdle  d'Isidore, 
c'est  ridée  d'un  «  Amour  peintre  »  que  Molière  aurait  em- 
pruntée aux  Facétieusei  journées  * .  La  première  nouvelle  de  la 
huitième  journée  a  pour  titre  :  Galeaz  de  la  Foliée  aime  une 
femme^  et  la  fait  pourtraire  :  elle  devient  amoureuse  du 
peintre  et  ne  veut  plus  voir  Galeaz*.  Voici  le  seul  passage 
qui  rappelle  un  peu  la  galanterie  du  gentilhomme  français, 
lorsqu'il  est  en  présence  de  son  charmant  modèle  :  «  Icelui 
ayant  vu  la  beauté  de  la  gentilfemme,  il  s'en  amouracha 
étrangement  tout  à  coup,  de  manière  que,  pour  avoir  plus 
de  loisir  à  la  contempler,  il  étoit  long  à  la  besogne,  et  ne 
faisoit  quasi  rien  ou  peu,  et,  quand  il  la  devoit  tirer,  il  entroit 
en  nouveaux  propos  et  devis,  cherchant  néanmoins  le  moyen 
de  faire  aviser  la  dame  de  son  amour*.  »  Nous  dirons  avec 
le  vieux  conteur  :  c'est  «  quasi  rien  ou  peu.  »  La  situation 
est  toute  différente.  Le  peintre  est  un  vrai  peintre,  qui  n'a 
pas  imaginé  un  prétexte  pour  s'introduire  auprès  de  la  gen- 
tille femme  vénitienne.  Celle-ci,  très-peu  digne  d*interèt  dans 
son  infidélité,  n'a  aucune  ressemblance  avec  Isidore.  Galeai 

• 

lui-même,  musicien  et  poète,  trahi  en  son  absence,  et  qui 
finit  par  tuer  son  rival,  est  tout  autre  que  le  ridicule  dom 
Pèdre,  cet  ancêtre  de  Bartholo.  Il  est  donc  bien  peu  probable 
que  cette  nouvelle  ait  rien  inspiré  à  Molière,  même  la  scène 
du  portrait.  L'ignorance  où  nous  restons  de  quelque  source 
moins  indirecte,  qu'on  a  peine  k  ne  pas  soupçonner,  n'est  qne 
médiocrement  regrettable;  nous  avons  déjà  dit  pourquoi: 
telle  était  la  transformation  que  Molière  savait  faire  subir  a 
tout  ce  qu'il  touchait,  que  nous  nous  consolons  de  ne  pas  con- 
naître qui  a  eu  l'honneur  de  lui  fournir  une  première  donnée. 

Tout  en  attachant  peu  d'importance  à  quelque  emprunt  fait 
à  une  scène  étrangère,  nous  n^en  avons  pas  contesté  la  vrai- 
semblance ;  elle  nous  frappe  surtout  dans  une  particularité  de 
la  pièce  :  il  j  a  des  esclaves  dans  le  Sicilien^  le  Turc  Hali  et 
les  deux  fenunes  grecques,  sans  compter  les  autres  esclaves, 

1.  Les  Facétieuses  journéss...^  par  G.  C,  D.  T.  (Gabriel  Chappui* 
de  Tours),  Paris,  mdlxxxiiii,  in-S^*. 
a.  Polio  247  r«.  —  3.  Folio  a^S  v». 


NOTICE.  ai9 

de  la  même  nation  qa'Hali,  qui  chantent  et  dansent  dans 
le  ballet.  On  se  souvient  de  Gëlie,  esclave  de  Trufaldin,  dans 
l' Étourdi t  pièce  imitée  de  l'inawertito^  et  naturellement  on 
peose  ici  encore  à  quelque  comédie  italienne.  C'étaient  cer- 
tainement les  Italiens  qui  avaient  appris  à  Molière  à  mettre 
dans  an  sujet  moderne  des  aventures  d'esclavage. 

On  ne  fait  pas  autant  d'attention,  dans  V Étourdi ^  à  ce  que 
Too  serait  tenté  tout  d'abord  de  regarder  comme  un  de  ces 
aoachrooismes  dont,  au  théâtre,  on  prend  fort  bien  son  parti. 
Il  semble  que  dans  les  premiers  ouvrages  de  Molière  on  n'ait 
pas  a  craindre  de  faire  la  part  trop  grande  à  la  fantaisie.  On 
s'y  seDt  encore  au  milieu  d'un  monde  imaginaire,  et  sur  un 
théltre  où  il  n'j  avait  pas  de  difficulté  à  laisser  régner  la  con- 
veotion.  C'est  pourquoi,  s'il  était  vrai  que,  dans  les  pièces 
italiennes,  l'esclavage  ne  fût,  comme  on  Ta  cru  souvent,  qu'une 
réminiscence  de  la  comédie  latine,  une  tradition  qu'elles  au- 
raient héritée  de  Plante  et  de  Térence,  on  s'étonnerait  peu 
qu'une  invraisemblance  assez  vénielle  leur  ait  été  empruntée 
par  Molière  à  l'époque  oiî  il  ne  s'inquiétait  pas  encore  beaucoup 
de  l'exactitude  de  ses  peintures. 

Mab,  en  1667,  n'aurait-il  pas  corrigé  ceux  à  qui  il  faisait 
nnonear  de  leur  prendre  quelques  sujets,  s'il  avait  su  que 
leurs  tableaux  reproduisaient  si  peu  fidèlement  la  vie  réelle  ? 
li  est  donc  vraisemblable,  même  avant  tout  examen  du  fait, 
qu'alors  il  les  reconnaissait  suffisamment  exacts.  Tout  dit  que 
le  Sicilien  est  une  peinture  où  les  mœurs  doivent  être  bien 
observées. 

Cette  présomption  est  confirmée  par  l'histoire  de  l'escla- 
^ge  dans  le  pays,  si  éloigné  du  nôtre  par  ses  institutions,  où 
il  a  fait  vivre  ses  personnages*  On  a  trop  facilement  admis  que 
dans  les  esclaves,  hommes  ou  femmes,  des  pièces  italiennes, 
il  ne  fallait  voir  que  les  Dave  et  les  Pamphile  du  théâtre 
antique. 

Une  remarque  doit  être  faite  :  c*est  en  Sicile  qu'est  la 
scène  dans  l* Étourdi^  comme  dans  le  Sicilien;  elle  est  à  Naples, 
ce  qui  ne  difiere  pas  beaucoup,  dans  rinawertito,  qui  est  sem- 
blablement  une  comédie  ayant  des  personnages  esclaves.  Nous 
sommes  ici  chez  les  peuples  qui,  avec  celui  d'Espagne,  au 
(OQvemement  duquel  ils  ont  été  longtemps  soumis,  ont  le  plus 


220  LE  SICILIEN. 

opiniâtrement  maintenu  chez  eux  l'esclavage.  An  commence- 
ment du  seizième  siècle,  les  Espagnols  tenaient  encore  les 
Mores  dans  une  dure  servitude.  Mais  la  Sicile  est,  de  tous  les 
pays  chrétiens  en  Europe,  celui  où  les  traces  de  l'esclavage 
peuvent  être  suivies  jusqu'au  temps  le  moins  ëloignë  du  nôtre. 
On  va  jusqu'à  dire  que,  s'il  y  avait,  de  fait,  cessé  bien  avant, 
il  n'y  prît  fin  légalement  qu'en  Tannée  iSia^,  au  temps  où 
lord  Bentinck  y  faisait  adopter  une  constitution  presque  tout 
anglaise.  Mais  nous  croirions  plutôt  qu'il  ne  fut  alors  question 
que  de  l'abolition  du  servage.  Il  nous  reste  assez  d'autres 
preuves  d'une  très-longue  durée  en  Sicile  de  Pesclavage  pro- 
prement dit. 

Les  mœurs  des  musulmans  s'étaient  fortement  implantées 
dans  cette  terre  longtemps  possédée  par  les  Sarrasins  ;  et,  par 
la  suite,  les  guerres  continuelles  que,  sur  ces  côtes  de  la  Mé- 
diterranée, on  eut  à  soutenir,  durant  plusieurs  siècles,  contre 
les  corsaires  barbaresques  et  contre  les  Turcs,  ces  guerres  ou 

I.  C'est  ce  que  pense  un  homme  trèft-Tené  dans  Tétude  de 
rhistoire  des  esclayes  chez  les  peuples  modernes,  M.  René  de  Se- 
mallé,  que  nous  devons  nommer  ici,  parce  que  le  premier  il  a  ap- 
pelé notre  attention  sur  la  question  de  Tesclayage  en  Sicile  et  nous 
a  engagé  à  ne  point  la  passer  sous  silence  dans  la  notice  du  Siciliem. 
Dans  les  communications  qu^il  a  bien  touIu  nous  faire,  il  appuie 
ce  qu^il  dit  de  Tabolition  légale,  en  i8i3,  de  la  servitude  dans- 
la  Sicile,  sur  Tautorité  de  M.  de  Castiglia,  président  de  cas- 
sation en  Italie,  et  de  M.  Lancia  di  Brolo,  vice-président  de 
VAssemblea  di  storia  paîria  de  Palerme.  Il  nous  a  permis  de  faire 
usage  des  lettres  qu^ils  lui  ont  écrites  en  réponse  à  ses  questions. 
Nous  y  avons  trouvé  des  faits  que  nous  citons  ci-après  :  TesclaTe 
Lucia  apportée  en  dot  dans  un  acte  nuptial  de  la  maison  Lancia, 
la  vente  aux  enchères  des  captifs  de  Tamiral  Octave  d* Aragon,  les 
ordonnances  du  président  Charles  d* Aragon,  des  vice-rois  Mare- 
Antoine  Colonna  et  comte  de  Castro.  C*est  aussi  M.  de  Semallé 
qui  nous  a  indiqué  Pexemple  de  saint  Benoit,  dit  le  More,  comme 
preuve  de  Texistence  de  Tesclavage  en  Sicile  au  seizième  siècle. 
Voyez  à  la  page  8  de  son  rapport,  qui  a  été  imprimé  sous  ce  titre  : 
la  Traite  des  esclaves  en  Afrique  pendant  Vannée  1871  par  £,  Berlious^ 
Extrait  du  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie  (mars  1874)-  Voyez, 
encore,  à  la  page  10  du  même  écrit,  Topinion  qu*il  exprime  sur  la 
persistance  de  Tesclavage  en  Sicile  jusqu'aux  environs  de  Tan  i6oo.. 


NOTICE.  ssi 

tint  de  ehrAiois  faitt  prisoimias  fuient  r^daita  ai  ««rvitude, 
dormèreot  toujours  lieu  à  des  représailles  :  esclavage  pour 
eicUnge  était  devenu  la  loi.  On  faisait,  de  part  et  d'autre,  h 
chasse  aux  hommes. 

Noos  n'avtxis  paa  tous  les  élémeats  d'une  histoire  de  l'es- 
clavage eu  Sicile;  et  nous  ne  savons  s'il  serait  fadle  <te  les 
rénoir.  Cette  histoire,  qu'il  serait  intéressant  de  faire  com- 
plcte,  si,  pour  la  tirer  de  l'oubli,  l'on  n'a  pas  trop  longtemps 
négligé  de  s'en  informer,  ne  pourrait,  même  mieux  connue, 
trouver  ici  qu'une  très-petite  place.  A  l'éclaircissement  d'ua 
point  assez  curieux  de  l'examen  de  notre  comédie,  il  suffit  des 
quelques  renseignements  que  nous  avons  pu  recueillir. 

L'esclavage  en  Sicile,  au  moyen  3ge,  ne  peut  faire  pour 
perjffline  l'objet  d'un  doute.  Au  douzième  siècle,  une  loi  du 
rn  Roger,  sous  le  ùtre  de  Venditione  liberi  hominit,  prononce 
b  peine  de  l'esclavage  contre  celui  qui  vendra  un  homme  qu'il 
ccHuiaisuit  libre'.  Dans  la  seconde  moitié  du  même  siècle,  une 
loi  da  roi  Guillaume  le  Mauvais  ordonne  de  rendre  à  leurs 
maîtres  les  esclaves  fugitifs  des  deux  sexes,  et,  si  le  mattre 
reste  inconnu,  de  les  remettre  entre  les  mains  d'officiers  de 
la  cour,  nommés  bajidi  (bailli&]  '.  Elle  parait  avoir  été  renou- 
vela an  siècle  suivant,  dans  les  constitutions  de  l'empereur 
Frédéric,  sous  le  nom  , duquel  nous  la  voyons  reparaître*. 
On  a  de  ce  même  empereur  une  loi  d^  Mancipiit  fugitivis*, 
qoi  complète  celle  de  Guillaume  le  Mauvais,  en  prescrivant 
que  les  esclaves  fugitifs,  remis  aux  bailUfs,  restent  pendant 
DQ  au  à  la  disposition  des  maîtres  qui  les  réclameraient,  Plu- 
lieun  des  lois  {çapituia)  du  roi  Frédéric  III',  données  à 
Kessine,  règlent  des  questions  d'esclavage.  Des  peines  sont 

I.  Biliaire  civile  du  royaiau  dm  NapUt,  traduite  de  l'ilalien  de 
Pierre  Giaanone  (la  Haye,  1741,  10-4',  tome  II,  p.  i38). 

1.  Voyez  le  telle  de  la  loi  :  Seri-oi  et  ancitlat  omnet  fuglti- 
nu...,  «te.,  à  la  page  167  des  ComiUutionu  regni  ulriujjue  Sicilim, 
Venise,  i58o,  in-folio. 

3.  Voytx  k  la  page  i8g  des  Conslitutlonti  rtgum  regni  uiriuique 
S'xUim,  mandante  Fridtrieo  II  imperatort,  ftr  Pelrum  d»  Fînea..,. 
t/mcimAatm,  Naple*,  1786,  ÎD-folio. 

4.  Ibidem,  p.  190. 

5.  Ou  pinidl  Frédéric  II:  il  s'agilde celui  qui  régaa  de  Iig6ài33fî. 


222  LE  SICILIEN. 

portées  contre  les  maîtres  qui  font  empêchement  aux  esclayes 
sarrasins  vonlant  se  convertir  à  la  foi  catholique  [capitulam 
Lix) .  —  Il  est  prescrit  aux  maîtres  de  suivre  les  préceptes 
de  saint  Paul  dans  la  manière  de  traiter  leurs  esclaves  après 
le  baptême  {capitulum  lx).  —  Les  mattres  des  esclaves,  soit 
chrétiens,  soit  sarrasins,  à  qui  naissent  des  enfiuits,  doivent 
baptiser  ces  enfants  dès  leur  naissance  [capitulum  umi). 
—  Les  esclaves  grecs  de  la  Romanie,  après  qu'ils  ont  oom- 
mencë  à  croire  les  articles  de  foi  de  l'Église  romaine,  doivent 
être  libres  si,  à  partir  de  ce  moment,  ils  ont  encore  servi  sept 
ans  (capitulum  lxxii).  —  Un  esclave  grec  ne  doit  pas  être 
vendu  à  une  personne  suspecte  ou  à  toute  autre,  si,  par  dé- 
vouement à  son  premier  maître,  il  n'y  consent  pas  {capitulm 
Lxxui)  ^  Ces  deux  dernières  ordonnances  prouvent  que  parmi 
les  esclaves  il  y  avait  alors,  en  Sicile^  des  Grecs  et,  en  général, 
des  chrétiens  tout  aussi  bien  que  des  sarrasins.  Vers  la  fin  da 
quinzième  siècle,  sous  la  dynastie  des  princes  d'Aragon,  une 
esclave  du  nom  de  Lucia  est  ap|K)rtée  en  dot,  et  estimée 
3o  onces  (environ  400  francs)  dans  un  contrat  de  mariage 
de  la  maison  Lancia  *.  Nous  ne  sommes  plus  cependant  dans 
le  moyen  âge. 

Nous  en  sommes  encore  plus  décidément  sortis  au  temps  des 
rois  espagnols  et  de  leurs  vice-rois  par  lesqueb  ils  faisaient 
gouverner  ce  pays.  Sous  le  règne  de  Charles-Quint,  en  iSi^, 
Benofty  le  saint  nègre,  canonisé  en  1807,  naît  au  village  de 
Saint-Philadelphe,  du  diocèse  de  Messine,  de  parents  esclaves, 
et  assurément  esclaves  en  Sicile,  a  11  eut,  dit  la  bulle  de  ca- 
nonisation  du  pape  Pie  Vil,  des  parents  éthiopiens,  esclaves 
d'un  homme  riche,  catholiques  toutefois,  et  d'une  piété  singo- 
lière.  Leur  maître  avait  promis  de  donner  la  liberté  à  leur 
premier  enfant.  C'est  pourquoi  Benoît,  leur  premier-né,  fut 
libre  dès  sa  naissance'.  »  Dans  tout  le  cours  du  même  seizième 

I.  Begni  Sicilîm  capitula^  novUsime,,,,  impresta  per  îlluttrtm  Do» 
Raîmundum  Raimondettam,,,,  Panhormi,  i6a3  (in-4*)  :  voyez  aux 
pages  35,  36  et  38. 

a.  Nous  aTons  sous  les  yeux  une  lettre  de  M.  Lancia  di  Brolo 
qui  atteste  ce  fait.  Voyez  ci-dessus,  p.  310,  note  i. 

3.  Btdlarii  romani  continuation  tome  XIII,  p.  140.  — La  balle  de 
canonisation  de  saint  Benoît  est  datée  du  24  mai  1807. 


NOTICE.  %%% 

siècle  nous  trouvons  d'autres  faits  à  citer.  Sammoate,  dans 
son  Histoire  de  la  ville  et  dm  royaume  de  Naples^^  rapporte 
qu'en  i558,  lorsque  Soliman,  avec  une  flotte  puissante,  fit 
une  descente  dans  ce  royaume,  les  Turcs  entrèrent  dans  Sor- 
rente,  qui  leur  avait  éxé  livrëe  par  un  esclave,  à  qui  son  maître 
avait  confie  les  clefs  de  la  ville  '.  En  parlant  de  Sor rente,  nous 
sortons  de  la  Sicile;  mais  quand  l'esclavage  existait  encore 
dans  le  royaume  de  Naples,  il  est  certain  que  de  l'autre  c6të 
du  Phare  il  n'avait  point  disparu. 

Don  Carlos  d'Aragon,  nomme  président  de  Sicile  par 
Philippe  II,  fit  des  lois  de  ce  pays  un  recueil  qui  a  éxé  im- 
prime à  Venise,  en  1574,  sous  ce  titre  :  le  Prammatiche  del 
regno  di  Sicilia,  Parmi  ces  lois  ou  ordonnances  on  nous  en  a 
signale*  une  du  a6  juillet  1567  qu'on  lui  attribue,  et  où  les 
esclaves  sont  nommes.  Quelques  annëes  après,  le  vice -roi 
Marco-Ântonio  Golonna,  dans  les  Capitoli  e  Ordinazioni  di 
PaUrmOj  défend  d'afiermer  l'impôt  à  des  esclaves.  La  même 
défense  est  renouvelée  par  le  vice-roi  comte  de  Castro  en  i6aa. 
Cette  preuve  que,  même  au  dix-septième  siècle,  l'esclavage 
existait  encore  en  Sicile,  n'est  pas  la  seule.  Sous  Philippe  III, 
et  sous  la  vice-royauté  de  don  Pèdre  Giron,  duc  d'Ossone, 
l'amiral  de  la  flotte  sicilienne,  Octave  d'Aragon,  dans  des 
expéditions  à  Scio  et  à  Malte,  fit  esclaves  un  grand  nombre 
de  Turcs,  hommes,  femmes  et  enfants.  Un  historien*  en 
compte  plus  de  cinq  miUe  en  ces  années  du  duc  d*Ossone  (iGia- 
ifiifi)  ;  et,  ce  qui  a  plus  de  rapport  à  l'histoire  d'amour  de 
l'autre  don  Pèdre,  de  celui  de  la  comédie,  il  nous  apprend 
que  le  vice-roi  reçut  en  présent  de  Cosme  II  de  Médicis, 
trois  belles  jeunes  filles  de  Chypre,  prises  par  les  galères  du 
Orand-Dac,  et  qu'il  devint  amoureux  de  l'une  de  ces  esclaves, 
que  la  vice-reine,  jalouse,  fit  empoisonner  ^. 

I.  Deir  Hutoria  délia  ciità  e  regno  di  Napoli  (Naples,    167$, 
in-4»),  tome  IV,  p.  33a. 
a .  Per  opra  d  un  schia  vo^à  eut  ilpadrone  le  ehia  vi  délia  eittà  fidate  haveva . 

3.  Ce  renseignement  et  le  suirant  ont  été  donnés  par  M.  de  Cas- 
ûglia:  voyez  ci-detsus,  p.  110,  note  i. 

4.  Voyex  la  Vie  de  don  Pedro  Giroa^  duc  dOssone^  par  Gregorio 
Leû  (traduite  en  français),  Amsterdam,  1700,  tome  II,  p.  3o4« 

5.  làidem^  tome  II,  p.  aSoet  a5i. 


ai4  LE  SICILIEN. 

Qu'on  nous  pardonne  une  dissertation  historiqoeun  peu  plus 
longue  que  nous  n'aurions  voulu  et  qui  pourra  paraître  une  glose 
pesante  d'une  œuvre  si  channante  par  sa  grâce  légère.  Cest 
un  genre  d'accident  auquel  sont  fort  exposes  les  commentateurs. 
Nous  avions  à  cœur,  et  ce  doit  être  notre  excuse,  de  montrer  que 
Molière,  soit  qu'il  ait  entièrement  inventé  sa  comédie  sicilienne, 
ou  qu'il  en  doive  l'idée  à  quelque  ouvrage  du  théâtre  étranger, 
n'y  a  point  mêlé  arbitrairement  les  mœurs  des  temps  de  Mante 
et  de  Térence,  et  qu*il  n'y  a  pas  à  réclamer  ici  pour  lui  l'indul- 
gence, facile  d'ailleurs  à  accorder  aux  anachronismes  des  poètes. 
Nous  n'afifirmons  pas  qu'au  moment  où  il  écrivait  son  Amour 
peintre  il  y  eût  encore  en  Sicile  des  esclaves  turcs  comme  Hali, 
des  esclaves  grecques  comme  Isidore  ;  on  a  vu  du  moins  que  pour 
les  y  rencontrer,  les  uns  prisonniers  de  guerre,  eux  ou  leurs  au- 
teurs, les  autres  achetées  aux  Turcs,  ou  s'étant  trouvées  parmi 
le  butin  fait  sur  eux,  il  n'avait  pas  eu  à  remonter  bien  loin. 

Gela  suffit  pour  expliquer  et  justifier  les  rôles  d'esclaves  de 
ses  comédies  et  des  comédies  italiennes.  Ce  n'est  pas  à  dire 
qu'il  faille  renoncer  à  reconnaître  là  quelques  souvenirs  aussi 
du  théâtre  latin.  Ils  nous  paraissent  évidents  quelquefois,  dans 
V Étourdi^  par  exemple,  et  dans  les  Fourberies  de  Scapin^  ou, 
pour  dénouer  ces  pièces,  les  Célie  et  les  Zerbinette,  autrefois 
volées  par  les  marchands  d'esclaves  ou  par  les  Egyptiens,  sont 
reconnues  pour  être  d'honnête  maison;  mais  ces  emprunts 
faits  à  l'antiquité  ne  perdaient  pas  toute  vraisemblance  sur  la 
scène  moderne,  quand  l'auteur  comique  plaçait  le  lieu  de 
l'action  dans  ces  pays  que  pendant  si  longtemps  le  christia- 
nisme ne  parvint  pas  à  purger  de  l'institution  de  la  servitude. 

La  distribution  des  rôles  du  SieUien  est  donnée  ci-après^, 
dans  le  livret  du  Baliet  des  Muses,  On  y  voit  que  Molim 
joua  celui  de  dom  Pèdre.  Son  costume  est  décrit  dans  l'inven* 
tidre  fait  après  sa  mort  :  «  Un  habit  du  Sicilien^  les  chausses 
et  manteau  de  satin  violet,  avec  une  broderie  or  et  argent, 
doublé  de  tabis  vert,  et  le  jupon  de  moire  d'or,  à  manches  de 
'  toile  d'argent,  garni  de  broderie  et  d'argent,  et  un  bonnet  de 
nuity  une  perruque  et  une  épée  ^.  »  Son  jeu  est  loué  dans  la 

I.  Page  194. 

3.  Recherches  sur  Molière^  par  Eud.  Soulié,  p.  377. 


NOTICE.  %%S 

lettre  de  Robinet,  du  19  juin  1667,  que  nous  ayons  dtée  tout 
à  rheure*,  et  où  l'on  a  dû  remarquer  ces  vers  : 

C«  Sicilien  que  Molière 
Représente  d'une  manière 
Qui  fait  rire  de  tout  le  cœur. 

Nous  avons  réserve,  pour  la  donner  ici,  la  fin  de  la  même 

lettre,  dans  laquelle  il  est  ainsi  parlé  des  rôles  des  deux 

femmes  : 

Surtout  on  j  voit  deux  esclaves, 

Qui  peuvent  donner  des  entraves, 
Deux  Grecques,  qui.  Grecques  en  tout, 
PeuTent  pousser  cent  cœurs  à  bout, 
Conune  étant  tout  à  hh  charmantes, 
Et  dont  enfin  les  riches  mantes 
Valent  bien  de  l'argent,  ma  foi  ; 
Ce  sont  aussi  présents  de  roi. 

Robinet  avertit,  à  la  marge,  que  les  deux  Grecques  étaient 
Mlle  Molière  et  Mlle  de  Brie,  et  nous  savons  par  le  livret  que 
la  première  jouait  Zalde  (Climène^),  la  seconde  Isidore. 

11  est  vraisemblable  que  les  habits  de  Molière,  dont  on  vient 
de  lire  la  description,  étaient,  aussi  bien  que  les  riches  mantes 
des  actrices,  «  présent  de  roi.  »  Us  sont,  dans  l'inventaire, 
prisés  75  livres.  Cest  l'estimation  la  plus  haute  que  Ton  y 
trouve  des  costumes  de  théâtre  de  Molière  ;  et  ceux  dont  le 
prix  n'est  pas  très-éloigné  de  celui-là  paraîtraient  avoir  dû 
kar  laze  à  la  même  générosité  royale.  M.  Soulié  a  conjecturé 
que  l'habit  de  rArménienne  (rôle  inconnu),  décrit  dans  l'inven- 
taire des  habits  de  théâtre  de  Mlle  Molière,  était  peut-être 
celai  de  l'esclaye  grecque  Zalde  *.  Mais,  en  y  joignant  quel- 
ques autres  habillements,  il  est  prisé  8  livres  :  le  Roi,  dans 
ses  dons,  n'était  pas  si  bon  ménager. 

Le  Mercure  de  1740  dit  *  que  Molière  plaisait  dans  le  rôle 
d'Hali.  S'il  veut  parler  de  la  première  distribution,  l'erreur 
est  évidente,  puisque  Molière  y  joua  dom  Pèdre,  et  la  Thoril- 
lière  Hali.  Il  est  certain  que  ce  dernier  rôle  est  un  des  plus 

X.  Pages  31 X  et  aïs. 

s.  Sur  ce  double  nom,  voyez  ci^près,  p.  as6,  et  p.  aSi,  note  3. 

3.  Reckerehes  sur  Molière,  p.  90  et  a8o. 

4*  Voyes  notre  tome  III,  p.  383. 

TI  i5 


2i6  LE  SICILIEN. 

agréables  de  la  pièce  :  Molière  aurait-il,  on  jour,  été  teDt^ 
de  le  prendre  ?  Ce  n'est  pas  impossible,  peu  probable  cepen- 
dant. Quand  l'aurait-il  fait?  Nous  savons  par  Robinet  que  ce 
ne  fut  pas  dans  les  premières  représentations  à  la  yllle.  Il  j 
jouait,  comme  à  Saint-Germain,  le  personnage  du  Sicilien. 

Un  peu  plus  tard,  après  la  mort  de  Molière,  voici  quelle  fut  la 
distribution  des  rôles  du  Sicilien.  Nous  l'empruntons  aiiRéper^ 
toire  des  comédies  françoises  qui  se  peut^ent  Jouer  (à  la  cour^ 
en  i685  : 

DAMOIttLLlS. 

Clixènb La  Grange, 

IsiDORB De  Brie, 

BOMMBS. 

ÂDBA8TB La  Grtmge. 

D.  PàoRB Mosimoni. 

Hali,  valet Guerin, 

Molière  eut,  nous  ne  savons  au  juste  à  quel  moment,  mais 
d'assez  bonne  heure,  l'intention,  qu'il  ne  paraît  pas  avoir  exé- 
cutée, de  faire  une  petite  modiûcation  à  sa  comédie  :  dans  la 
liste  des  personnages  de  l'édition  même  de  1668,  imprimée 
sous  ses  jeux  en  1667,  Climène,  qui  a  remplacé  Zalde,  est  dite 
<c  sœur  d'Adraste.  »  Le  rôle  ainsi  changé  aurait-il  reçu  quel- 
ques développements  ? 

On  ne  pourrait  faire  à  ce  sujet  que  des  conjectures.  Nous 
ne  croyons  pas  que,  dans  aucune  des  représentations,  Molière 
ait  donné  suite  à  sa  nouvelle  idée.  Si  elle  n'était  pas  restée  en 
projet,  il  serait  difficile  d'expliquer  qu'il  n'eût  pas  pris  la  peine 
de  l'introduire  dans  le  texte,  lequel  a  conservé,  dans  la 
scène  ix  (p.  258],  ces  mots  en  contradiction  avec  la  qualification 
donnée  à  Climène  :  ce  J'ai,  par  le  moyen  d'une  jeune  esclave,  un 
stratagème....  »  Ce  qui  est  probable,  c'est  que  la  pensée  de 
donnera  Adrasteune  complice  mieux  choisie  de  sa  ruse  lui  était 
venue  au  moment  où  l'on  préparait  la  première  édition  de 
la  pièce,  et  qu'il  en  labsa  achever  l'impression  avant  d'avoir 
eu  le  loisir  de  s'occuper  du  changement,  qui  n'aurait  pas  ce- 
pendant demandé  beaucoup  de  temps  à  sa  facilité.  Puis,  en 
homme  qui  jamais  ne  se  souciait  guère  de  revenir  sur  ses  pas, 
il  pensa  à  autre  chose. 

Dibdin,  dans  son  Histoire  du  théâtre^  parle  de  deux  comédies 


NOTICE.  227 

anglaises^,  dans  lesquelles  le  Sicilien  aurait  été  imité  :  Tune 
est  de  SheridaUt  l'autre,  antérieure  d'un  siècle,  est  de  Crowne. 
Celle  de  Sheridan  est  bien  connue  ;  elle  est  intitidëe  the  Duenna^ 
et  lut  représentée  pour  la  première  fois  sur  le  théâtre  de 
Covent^jarden,  le  ai  novembre  177$.  Cet  opéra-^comique^ 
qu'en  France  nous  appellerions  plutôt  vaudeville,  diffère  en- 
tièrement du  SiciUen  par  le  sujet,  par  les  caractères,  par  la 
manière  d'entendre  le  comique.  La  seule  ressemblance  qu'avec 
Dibdin  nous  pourrions  noter  entre  les  deux  pièces  est,  en  ajou- 
tant peut-être  les  sérénades,  celle  que  l'on  avait  déjà  remarquée 
entre  ie  Sicilien  et  la  Tapada  de  Galderon.  Il  s'agit  toujours 
du  stratagème  du  voile.  La  duègne  chargée  de  veiller  sur 
doua  Louisa,  fille  d'un  certain  Jérôme,  s'entend  avec  elle  pour 
favoriser  sa  fuite  de  la  maison  paternelle.  Louisa,  sous  les 
yeux  mêmes  de  Jérôme,  sort  couverte  d'un  voile  et  d'un 
cardinal^  et  se  faisant  passer  pour  la  duègne,  qu'elle  a  laissée 
dans  sa  chambre'.  La  ruse  n'est  découverte  que  lorsque  la 
fille  mal  gardée  est  déjà  mariée  à  celui  qu'elle  aime.  Sur  ce  qui 
n'est  dans  le  Sicilien  qu'un  mojen  du  dénouement,  roule  toute 
l'action  de  la  Duègne;  et  c'est  ce  qui  y  donne  lieu  à  bien  des 
complications  burlesques.  Il  est  évident  que  là  Sheridan  ne  s'est 
nullement  montré  le  disciple  de  Molière.  Il  peut  seulement  lui 
devoir  l'idée  dont  il  a  tiré  son  imbroglio  assez  amusant,  mais 
on  il  y  a  moins  de  finesse  que  de  gaieté  et  de  verve. 

Noos  n'avons  pu  voir  la  comédie  de  Crowne,  the  Country 
wit^  a  l'Esprit  de  campagne  »  (1675).  Il  y  a  dans  cette  pièce, 
suivant  Dibdin,  beaucoup  d'esprit  de  bas  étage.  Il  est  donc  bien 
vraisemblable  que  si  elle  a  pu  être  aussi  rapprochée  de  notre 
comédie,  ce  n'est  que  pour  lui  avoir  emprunté  ce  fameux  voile, 
où  il  est  encore  moins  juste  d'envelopper  tout  le  Sicilien  que 
les  Fourberies  de  Scapin  dans  le  sac  ou  les  mettait  Boileau. 
Si  nous  cherchons  chez  nous  quelque  imitation,  nous  n'en 
donnerons  pas  le  nom  à  la  petite  pièce  à  couplets  que  Louis  XVI 
et  Marie- Antoinette  firent  représenter  devant  eux  à  Versailles 
en  1 780.  Cétait  bien  l'œuvre  même  de  Molière,  mais  assaison- 

I.  Vojez  a  Cornette  kistorf  of  t/te  siage^  tome  IV,  p.  194,  et 
tome  V,  p.  397. 
%.  Manteau  de  femme.  —  3.  Acte  I,  scène  iv. 


lift  LE  SICILIEN. 

nëe  d'assos  pauvres  ariettes,  que  leur  autear  disait  y  aToir 
«  trouvées  toutes  dessinées  ^,  »  quoique  son  crayon  n'ait  pts 
été  assez  bien  taille  pour  suivre  habilement  le  dessin  du  maf&ne. 
Nous  ignorons  si  le  musicien  fut  plus  heureux  que  lui.  Ymd 
le  titre  de  ce  nouveau  Sicilien  : 

«  Lt  Sicilien  ou  Vjimour  peintre^  comédie  en  un  acte,  mêlée 
d'ariettes,  représentée  devant  Leurs  Majestés  à  Versailles  le 
lo  mars  1780.  »  De  l'imprimerie  de  Ballard,  1780,  in-8^. 

ce  Les  paroles  sont  de  Molière  et  arrangées,  pour  être  mises  en 
musique,  par  M.  le  Vasseur.  La  musique  est  de  M.  d'Anvei^, 
surintendant  de  la  musique  du  Roi.  Les  ballets  sont  de  la  com- 
position de  M.  Laval,  mattre  des  ballets  de  Sa  Majesté.  » 

Nous  avons  encore  à  citer  :  «  Le  Sicilien  ou  V Amour  peintre^ 

ballet-pantomime  en  un  acte,  par  Anatole  Petit...,  musique  de 

la  composition   de  M.  Sor,    ouverture  et  airs  de  danse  de 

M.  Schneitzhoefier,   représenté  sur  le  théâtre  de  rAcadémie 

'  royale  de  musique  le  1 1  juin  1827.  »  Paris,  Barba,  1817,  in-8*. 

Nous  mentionnerons  enfin  une  œuvre  qui  a  déjà  pu  être 
appréciée  et  qui  a  paru  à  de  bons  juges  digne  d'être  un  jour, 
comme  le  fut  autrefois  celle  de  Lully,  entendue  avec  la  comédie 
de  Molière  :  les  nouveaux  intermèdes  musicaux  du  Sicilien,  qne 
M.  Eugpne  Sauzay  a  fait  exécuter  en  1875,  et  dont  la  publi- 
cation prochaine  est  promise^. 

La  première  édition  du  Sicilien  porte  la  date  de  1668;  le 
titre  est  : 

SICILIEN, 

OT 

L'AMOVR 
PEINTRE, 

COMEDiB. 
PaB  I.   B.    P.    DB  MOUEBB. 

A    PARIS, 

Chez  Ibav  Ribot    au  Palais,  ris 

à  yis  la  Porte  de  la  S.  Chapelle, 

à  rimage  S.  Louis. 

M.i>c.LXVin. 

jrsc  pntriLSGS  or  nor. 

I.  Page  4  de  son  jivertUiement. 

3.  Voyez  le  feuilleton  de  M.  £.  Reyer  dans  le  Journal  dêtDihtit 
du  97  février  1875* 


NOTICE.  2^9 

(Test  nnin-ia,  de  deux  feuillets  liminaires  (titre  et  liste  des 
Acteurs),  8i  jMiges  numërotëes,  et  deux  feuillets  pour  la  fin 
du  Privilège,  qui  commence  au  verso  de  la  page  8i. 

L'Achève  d'imprimer  pour  la  première  fois  est  du  9  no- 
vembre 1667  ;  le  Privilëge,  date  du  dernier  jour  d'octobre, 
est  donné  pour  cinq  années  à  Molière,  qui  a  cédé  son  droit 
«  a  Jean  Bibou,  marchand  libraire  à  Paris.  » 

Cette  comédie  est  qualifiée  dans  le  Privilège  de  belle  et  três^ 
agréaUe  ;  c'est  la  seule  appréciation  littéraire  qui  se  trouve 
dans  tous  les  Privilèges  du  théâtre  de  Molière  '.  /  j  ;  ]   '  ; .  ;  ^    v        ,  ,(  C 

Une  réimpression  a  été  publiée  la  même  année,  'sans  Pri-^^ 
^ége  ni  Achevé  d'imprimer,  sous  ce  titre  :  «  Le  Sicilien,  co- 
médie de  M,  de  Moixibab  (sic).  À  Paris,  chez  Nicolas  Pépin- 
glë  [sic,  pour  Pepingué)^  »  60  pages  in-ia.  Il  y  a  tout  lieu 
de  la  regarder  comme  une  contrefaçon  faite  en  province  sous 
le  nom  d'un  libraire  de  Paris*. 

Il  existe  des  traductions  séparées  dans  les  langues  suivantes  : 
italien  (1796);  portugais,  imitation  en  vers  (1771);  roumain 
(i835,  autre  édition  ou  tirage,  i836)  ;  allemand,  arrangement 
en  opérette  (vers  1 780}  '  ;  anglais  (1857);  néerlandais,  en  vers  * 
[17x6);  danois  (1749};  russe  (1755,  autre  édition,  1788]. 

I.  Voyez  la  Bihliographie  moliéresque,  p.  14. 

3.  Voyez  ibidem,  tx  ci-aprèt,  p.  3o3-3o7,  V Appendice  au  Sicilien, 

3.  Bretzner,  dont  un  texte  d*opéra  (f  enlèvement  au  Sérail)  a  pu 
être  utilisé  par  Mozart,  a  arrangé  cette  opérette  tous  le  titre 
^Adroite  et  Isidore;  elle  fat  jouée  av^  succès  en  Allemagne;  nous 
ne  MTons  de  qui  était  la  musique,  l  ç-u  »  '.J  /• , , .  4  '  \.   *        -    •  r  ''  a-  . 

4-  Outre  les  deux  tradactiona  rersifiéés  (en  portugais  et  e|i  néer- 
landais), il  en  faut  citer  une  en  allemand,  celle  qui  fait  partie  de 
la  traduction  complète  des  Comédies  de  Molière  par  M.  le  comte 
Baudissin  (1867).  Voulant  rendre  Teffet  de  la  prose  si  sourent 
Okesnrée  du  Sicilien^  il  a  pris  le  parti  assez  naturel  de  la  traduire 
(Uns  le  mètre  ordinairement  choisi  par  les  poètes  allemands  pour 
leurs  comédies  :  en  vers  ïambtques  de  cinq  pieds. 


ft3o  LE  SICILIEN. 


SOMMAIRE 

DU  SICILIEN  ou  VAMOVR  PEINTRE^ 
PAR  VOLTAIRE. 

C*ett  la  seule  petite  pièce  en  un  acte  où  il  y  ait  de  la  grâce  et 
de  la  galanterie.  Les  antres  petites  pièces  que  Molière  ne  donnait 
que  comme  des  farces  ont  d*ordinaire  un  fonds  plut  bouffon  et 
moins  agréable. 


ACTEURS. 

ABRASTE,  gentilhomme  frtnçois,  amant  d'Iûdore. 
DOH'  PÉDRE,  Sicilien,  amant  d'Iùdore. 
ISIDORE,  Grecque,  esclave*  de  Dom  Pèdre. 
CLUÈNE,  sœur  d'Adraste*. 
OAU,  valet  d'Adraste. 
I''  Sàrtinn. 


I.  ^oi  ancienne*  édition*  ont  ici  et  partout  rabrériation  D., 
uoT  en  tête  dei  ictnei  xti  et  xtii,  où  la  plupart  partent  Dom 
I"!!»!.  Duu  le  livret  du  ballet  11  jr  ■  conitamment  Don. 

t.  EiclaTe  afiranchie  :  Tojez  ci-aprèi,  p.  a49  et  p.  »j5.  Un  «li- 
tre principal  penonnage  de  cette  li*te,  qui  n'y  eit  ippelë  que  Ta- 
in, Hali,  le  plaint,  tout  au  d^but  de  la  pitce,  de  la  lotte  condition 
d'ncUTc.  Cette  condition  eit  auMÎ  celle  de  Clîmtne  (vof  ex  la  note 
nÙTiitte).  Sor  li  Traiiemblance  qu'il  pourait  y  aroir  k  «uppoier 
mcore  l'exlMeace  de  l'etclaTage  en  Sicile,  Toyes  cï-deinu  la  /fotite, 
P-  ii8  et  iuÎTaJttei. 

3.  Tel  eti  le  texte  de  no»  ancienne*  éditioni  et  mtme  d'une  partie 
Jn  tirage  de  1734,  Ce  remplacement,  dan*  la  liste  de*  acteur*,  par 
•  CuMÎai,  *ceiir  d'Adra*te,  s  de  a  ZaIiw,  e*claTe,  »  qui  figure  dan* 
le  liTTit  dn  ballet  (royea  ci-apr4*  VJfpauUct,  p,  ig4],  permet  de 
■Bppoeer  que  Uolière  avait  fongë  à  une  modification  ;  mai*  il  ne 
Il  point  &ite.  Dan»  la  pièce  (tcèuei  xir  et  xti-xtiii),  il  a,  comme 
n,  mUtitué  au  nom  de  Zilm  celui  de  CuMiaa  ;  mai*  Climine  e«t, 
coaune  dan*  le  ballet,  «ne  «  jeune  etolave,  a  et  non  la  kbut 
d'AdraMe  ;  Tof  ei  cï-aprèt,  actae  n,  p.  >S8,  et  i  la  Ifoliee,  oi- 
i«»o.,  p.  »6. 

',.  L'emploi  de  cet  article  temble  indiquer  qu'il  l'igit  k  He**ine 
0<  litre  de  «énateur  *'e*t  entendu  ainti  dan*  Home  moderne)  d'un 
chef  de  la  rille,  d'unpodeitat;BraTant-deTnitre  letne  ce  penonnage- 
pule  auui  en  édile  occupé  de*  préparatift  d'un  *pcctacle  publie.  Il 
M  Tiai  que,  conttairement  à  cette  hjpothite,  d'ailleun  de  nulle  con- 
•^cnce  pour  l'action,  Dom  Pèdre  dit  (a  U  fin  de  la  *cène  xna) 
hppant  à  U  porte  dn  personnage  ;  ■  Cett  ici  le  logis  d'nn  téna 
leur  •  :  ee  n'eu  pku  dëeigner  qu'un  mapMrat  quelconque. 


i3i  LE  SICILIEN. 

Lis  Musicuns* 
Tboupb  d'bsclavbs. 
Tboupb  db  Maubbs* 
Dbux  laquais^ 

I.  ACTEURS. 

ACTBUB8  DB  LA  00m6>IB. 

Don  pàDBB,  getUUhomnu  sieilien,  —  Adbastb,  gentilhomme  ^«i- 
eois^  amant  ttUidore.  —  ItmoRB,  Grecque^  esciape  de  Dom  Pèirt,  — 
Zaïdb,  Jeune  esclave^  —  Ux  fÊHAiBUB.  —  Hau,  Ture^  esclave  iA" 
draste,  —  Deux  laquais. 

AGTEUB8   DU   BALLBT. 

MuaicaBHt.  —  Esglatb  chantant.  —  Esglatbs  dansants,  — Maubb 
BT  Maubbsqubs  dansants, 

La  scène  est  à  Messine^  dans  une  place  publique»  (1734O 

—  La  seène,  tout  Tindique  et  la  grarure  de  1689  la  montre  aimi, 
doit  être  transportée,  à  Pentrée  du  Peintre,  dans  rintérieur  de 
la  maison  de  Dom  Pèdre.  Aux  derniers  mots  de  la  scène  xfui^ 
quand  Dom  Pèdre  Ta  frapper  à  la  porte  du  Sénateur,  le  théâtre 
représente  de  nouveau  une  place  ou  une  rue,  dans  laquelle  poonra 
se  déployer  la  mascarade  finale.  —  Au  temps  de  Cailhara  (i8os)i 
les  comédiens  se  dispensaient  de  faire  ces  changements  :  Tojei 
ci-après,  p.  a58,  note  4.  —  La  distribution  des  rôles  est  donnée  tn 
livret^  ci-après,  p.  294  :  royez  aussi,  et  pour  le  costume  de  Mo* 
Hère,  la  Notice^  p.  aa4  et  suivantes • 


LE  SICILIEN 
L'AMOUR    PEINTRE. 


SCENE  PREMIERE. 
HALI,  uusiaEtis. 


BALI,    i 

Chut....  N'avancez  pas*  davantage,  et  demeurez  dans 
cet  endroit,  jusqu'à  ce  que  je  vous  appelle.  Il  fait  noir* 
comme  dans  un  four  :  le  ciel  s'est  habillé  ce  soir  eu 
Scaïamouche  *,  et  je  ne  vois  pas  une  étoile  qui  montre  le 
bout  de  sou  nez.  Sotte  condition  que  celle  d'un  esclave  I 
de  ne  vivre  jamais  pour  soi,  et  d'être  toujours  tout 
entier  aux  passions  d'un  maître  I  de  n'être  réglé  que 
par  ses  humeurs,  et  de  se  voir  réduit  à  faire  ses  propres 
affaires  de  tous  les  soucis  qu'il  peut  prendre!  Le  mien 
me  fait  ici  épouser  ses  inquiétudes;  et  parce  qu'il  est 

1.  cBoÙMB-ULin.  (1734;  id  M  an  traiUM  d*  tim.) 

3.  OdI.  N'itaDMi  pu.  (i;34.) 

3.  8CftH£    II. 

Hau,  ttul, 
a  bil  BOir.  {IUtltm.) 

4-  Sar  ca  pcnoDug*,  toul  <!•  aair  hibillc,  d*  U  eentàù 
H  toai  T.  b  Bou  I  a«  U  pua  335. 


a34  le  sicilien. 

amoureuxi  il  faut  que,  nuit  et  jour,  je  n'aie  aucun  re- 
posa Mais  voici  des  flambeaux,  et  sans  doute  c*est  lui*. 

I.  LHdée  de  ce  débat  ae  retrooTe,  vais  bien  agrandie,  an  eonunenesiMBt 
da  premier  monologne  de  Soiae,  dana  Jmpkitryon  (1668).  —  Yojm  aoai 
le  Dépit  amoureux^  Ter*  sSi  et  a3a  (toawl,  p.  418  et  note  3). 

S.  IVetqae  tont  ee  conplet  d'entrée  est  meaoré  et  eadeneé  en  «ne  nitt 
de  ven  libres,  aana  rine. 

Chat  :  n'arances  pas  davant^e, 
Et  demeures  dana  cet  endroit. 
Jusqu'à  ee  que  je  tous  appelle. 

Il  fait  noir  comme  dans  un  four  : 
La  ciel  s*est  babillé  ce  soir  en  Scaramonebe, 
Et  je  ne  vois  pas  une  étoile 
Qui  montre  le  bout  de  son  nés. 

Sotte  condition  que  celle  d'an  esclave  I 
De  ne  vivre  jamais  pour  soi,  etc. 

On  rencontre  plas  loin  bon  nombre  de  ces  vers  blancs  on'on  pouirait  ^roa- 
per.  Compares  une  grande  partie  de  la  scène  smTante  et  la  fin  de  la  aeène  m; 
au  début  de  la  scène  xiT,  les  deux  premières  phrases,  et  à  la  scène  xn,  ht 
deux  premiers  couplets.  Des  autres  Ten  pins  isolés  et  perdus  dans  la  prus 
nous  ne  citerons  que  les  principaux  : 

Je  veux  jnsques  au  jour  les  faire  ici  chanter. 

(Scène  n;  voycs  ci-après,  p.  n36,  note  3.) 
Si  fisnt-il  bien  pourtant  trouver  quelque  mojen. 

(Scène  it.) 
Pl&t  an  Ciel  que  ce  fdt  la  charmante  Isidora. 
[Thidem  ;  dans  tont  le  passage  enfermé  entre  ces  denx  denden  alexandziasi 
le  riiythme  est  très-sensible.) 

Il  est  vrai,  la  musique  en  étoit  admirable.  (Scène  n.) 

Et  n'est-ce  pas  pour  s'applaudir 
Que  ce  que  nous  aimons  aoit  trouvé  fort  aimable?  ttUJemA 
Mais  les  femmes  enfin  n'aiment  pas  qu'on  les  gène.  Ubidem.S 
Vous  reconnoissex  pen  ce  que  vous  me  devex.  [IhidemA 

{Ibùiêm.) 


Mais  tont  cela  ne  part  que  d'un  excès  d'amour. 
Il  faut  que  j'y  périsse  ou  que  j'en  vienne  à  bout. 

(Scèn 
La  maniera  de  France  est  bonne  pour  vos  nmmes 


(Scène  td,  fin.) 
n 


(Scène  x.j 
Pour  moi  je  vous  demande  nn  portrait  qui  soit  moi. 
Et  qui  n'oblige  point  à  demander  qui  <rest.  (Scène  zi 

On  ne  se  trompe  guère  à  ces  sortes  de  choses.  [iHdêm 

Dom  Pèdra  soufmra  cette  injura  mortdle!        (Seène  xrm 


Sans  doute,  une  fiois  préoccupés  par  ce  genra  de  remarques,  les 
teun  ont  fini  par  forcer  les  choses  ;  mais  pour  cenx  mêmes  qui  se  défient  de 
leun  préventions,  il  reste  nn  fait  bien  constaté.  Pour  la  condution  à  en  tirer, 
▼oyei  ee  qui  est  dit  &  la  Woiice^  ci-dessus,  p.  ai3  et  toivnnftH. 


SCÈNE  11. 


SCENE  II. 

AORASTE  iT  DBDx  ui}Di.ts.  HALI*. 

ADRàSTB. 

Est-ce  toi,  Hali? 

BàU. 

Et  qui  ponrroit-ce  être  que  mot  ?  A  ces  heures  de 
naît,  hors  vous  et  moi,  Monsieur,  je  ne  crois  pas  que 
pereomie  s'avise  de  courir  maintenant  les  nies*. 

ADRASTl. 

Aussi  ne  crois-je  pas  qu'on  puisse  voir  personne  qui 
sente  dans  son  cœur  la  peine  que  je  sens.  Caf,  enfin, 
ce  n'est  rien  d'avoir  à  combattre  l'iadifférence  on  les 
rigueurs  d'une  beauté  qu'on  aime  :  on  a  toujours  an 
moins  le  plaisir  de  la  plainte  et  la  liberté  des  soupirs; 
mais  ne  pouvoir  trouver  aucune  occasion  de  parler  à  ce 
qu'on  adore,  ne  pouvoir  savoir  d'une  belle  si  l'amour 
qu'inspirent  ses  yeux  est  pour  lui  plaire  ou  lui  déplaire', 
c'est  la  plus  fôcheuse,  à  moD  gré,  de  toutes  les  inquié- 
tudes; et  c'est  où  me  réduit  l'incommode  jaloux  qui 

1.  sc&NE  m. 

iI>ftÂ*i>,  Dam  l^QUkit,  parlant  ekaatn  u^antMa,  9UA.  (i73(0 
1.  Et  lU  poiiiTaii-«  ttn  qui  moi,  1  «  bann*  dg  nnlLf  Hon  Tou  at 
moi,  MF.  [1730,  33,  3t-)  n  itût  iutiiTdil«Kiiig«rtMnaci»niitiaBidauU 
aboÊ  phnM,  «MMWiuiH  ipi^  i  eti  ànni  pmt  panttTa  bb  tarma  lOperfla  t 
BÛ  l'il  aa  ptidia  pu  la  rirroTutanfn  diji  IsdJijBte,  il  7  Inaûta  pir  la  pUo- 

3.  Aags  ralàra  aneore  dam  U  SieîlUM  plorinDi  aiemplei  da  ea  Mor  1 
•  C«  n'ait  gafa«  poor  aToù  la  taint  tnli  et  Im  feu  brillanla  ■  (d-aprèa 
M^n.  p.  aiSXMB)'  —•  Cm  hommage»  k  noa  ippa»  na  loal  jimal*  pow 
ma  déplaira....  n*«M-«a  pM  pour  l'applaudir,  ijiia  ea  que  ooD*  «Imou  toit 
tn>Ti  fvt  *iB*bl«f  •  {lUdtm,  p,  14;  M  p.  148.)  Tajai  toow  T,  p.  447>  ^ 
*au  4  ■■  T*n  60  dn  Mùntinft. 


a36  LE  SICILIEN. 

veille,  avec  tant  de  souci,  sur  ma  charmante  Grecque, 
et  ne  fait  pas  un  pas  sans  la  traîner  à  ses  côtés. 

HALI. 

Mais  il  est  en  amour  plusieurs  façons  de  se  par^ 
1er;  et  il  me  semble,  à  moi,  que  vos  yeux  et  les 
siens,  depuis  près  de  deux  mois,  se  sont  dit  bien  des 
choses. 

▲DRASTE. 

Il  est  vrai  qu*elle  et  moi  souvent  nous  nous  sommes 
parlé  des  yeux;  mais  comment  reconnoitre  que,  chacun 
de  notre  côté,  nous  ayons  comme  il  faut  expliqué  ce 
langage  ?  Et  que  sais-je,  après  tout,  si  elle  entend  bien 
tout  ce  que  mes  regards  lui  disent?  et  si  les  siens  me 
disent  ce  que  je  crois  parfois  entendre  ? 

HALI. 

Il  faut  chercher  quelque  moyen  de  se  parler  d'autre 
manière. 

ADRASTB. 

As-tu  là  tes  musiciens  ? 

HALI. 

Oui. 

ADRASTB. 

Fais-les  approcher.^  Je  veux,  jusques  au  jour',  les 
faire  ici  chanter*,  et  voir  si  leur  musique  n'obligera  point 
cette  belle  à  paroître  à  quelque  fenêtre.^ 

HALI. 

Les  voici.  Que  chanteront-ils  ? 

I.  Seul.  (1734.) 

s.  Jusqu^au  jour.  (1710,  x8,  34.) 

3.  Comme  le  fait  remarquor  Aoger  (dans  sa  Notice,  tome  V,  p.  493.  note), 
ti  Molière  n*avait  tenu  à  garder  ce  vers,  rien  n*était  plus  naturel  et  aisé  qas 
de  le  déconstroire;  il  saflfiaait  même  de  mettre  c  jasqa*aa  jour.  » 

4.  SCÈNE  IV. 

ADRASTB,   HALI,  MUSIGIEVa.    (l734«} 


SCÈNB   IL  2i37 

▲BRAftTB. 

Ce  qu^ils  jugeront  de  meilleure 

HAU. 

n  faut  qu'ils  chantent  un  trio  qu'ils  me  chantèrent 
lautre  jour. 

ADBASTB. 

Non,  ce  n'est  pas  ce  qu'il  me  faut. 

HALI. 

Ah!  Monsieur,  c'est  du  beau  bécarre*. 

ADRASTB. 

Qae  diantre  veux-tu  dire  avec  ton  beau  bécarre? 

HALI. 

Monsieur,  je  tiens  pour  le  bécarre  :  vous  savez  que 
je  m  y  connois.  Le  bécarre  me  charme  :  hors  du  bécarre, 
point  de  salut  en  harmonie.  Écoutez  un  peu  ce  trio. 

ADRASTB. 

Non  :  je  veux  quelque  chose  de  tendre  et  de  pas- 
sionné, quelque  chose  qui  m'entretienne  dans  une  douce 
rêverie. 

HAU. 

Je  vois  bien  que  vous  êtes  pour  le  bémol  ;  mais  il  y  a 
moyen  de  nous  contenter  l'un  l'autre*.  Il  faut  qu'ils 
TOUS  chantent  une  certaine  scène  d'une  petite  comédie 
que  je  leur  ai  vu  essayer.  Ce  sont  deux  bergers  amou- 
reux, tous  remplis*  de  langueur,  qui,  sur  bémol,  viennent 


I.  Cet  emploi  de  dir,  eBalogoe  i  cdai  qui  en  est  fidt  encore  tTec  opoir, 
èuk  ton  usité,  an  dix-Mptième  siècle,  stcc  être  et  paraiirt  /  «  Ce  qni  est 
de  léd,  disait  Mme  de  Sivlgné  •,  c'est....  »  «  Ce  qoi  loi  paroisioit  de  plus 
rfufanf,  c'étoit  mon  absence  ^.  b 

a.  Bcceare.  (1668,  74,  75  A,  8s,  84  A, 9a,  943,97,  1710,  18;  ici  et  plos 
W)  — -Bécare.  {1730,  33,  34.) 

3.  L*Bn  et  l'antre.  (i68a,  1734*)  —  4*  Tout  remplis.  (1710,  18, 3o,  33, 34.) 

•  ToDM  Yin,  des  Lttires^  p.  3i4. 

*  IhUem,  tome  II,  p.  3oi  ;  totcs  un  exemple  tout  semblable  de  Bossaet 
daas  M.  littrét  an  mot  Ds,  divimm  A,  Tsrs  la  fin  de  7*.  Le  tonr  est  fir6qaent 


^38  LE  SICILIEN. 

séparëment  fidre  leurs  plaintes  dans  un  boisi  puis  se 
découvrent  Tun  à  Tautre  la  cruauté  de  leurs  maîtresses; 
et  là-dessus  vient  un  berger  joyeux,  avec  un  bécarre 
admirable  S  qui  se  moque  de  leur  foiblesse. 

I .  Hali  ptrle  da  Umol  •!  da  béearra  conmie  let  PrécieiuM  parlaient  de  U 
chromatique  •  ;  oa  sont  termes  que,  sans  trop  les  entendre,  U  a  recoeillis  de  b 
boaelie  de  ses  miisidens,  et  dont  il  Ciit  montre.  Mais,  bien  qu'AdrasIe  sembk 
ne  pas  le  comprendre  da  tout,  il  est  plus  aisé  d'expliquer  ce  qu'il  a  vonia 
dire  qoe  le  mot  prétentieux  de  Magdelon.  Poor  loi,  bémol  éqaivaat  à  mode 
mlnenr,  i  mélodie  en  mineur,  et  bécarre  à  mode  majeur,  à  mélodie  en  majear. 
U  ne  serait  même  pas  impossible  que  des  gens  du  métier  eussent  parfeis  osé 
de  œ  langage.  Il  eit  tel  ton,  en  effet  *,  ou  le  païaage  du  mode  majeur  au  asode 
mineur  amène  Temploi  du  bémol   ou   de  nouTeaux  bémols,  et  le  passage 
inverse  l'emploi  du  bécarre  ^  ;  on  conçoit  que  pour  ees  tons,  une  feb  reeoa- 
nns,  on  pût  din  jouer  en  bémol  au  Ueu  déjouer  eu  mineur^  et  jouer  eu  Ucerrt 
au  lieu  dej'ouer  eu  majeur,  Hali,  qui,  dans  Tintention  évidente  de  Molière, 
doit  affecter  ici  le  jargon  d'un  demi-connaisseur,  d'un  amateur  ridicule,  élead 
ces  expressions  à  tous  les  tons  quelconques.  De  fait,  à  consulter  la  partîtioa 
de  la  scène  m  qui  allait  être  chantée,  Lullj  a  écrit  un  air  en  Im  mineur  poor 
le  premier  berger,  et  un  air  en  mi  mineur  pour  le  second  ;  pour  leur  dialogue, 
il  a  choisi  de  nouveau  le  ton  de  la  mineur  ;  puis  il  a  composé  en  U  majear 
l'air  du  troisième  berger;  enfin  il  est  encore  revenu  i  ia  mineur  dans  la  pbnse 
des  deux  premiers  bergers  qui  termine  la  scène.  Voilà  bien  le  plaintif  bémol 
et  l'admirable  bécarre  annoncés  par  Hali  :  le  chant  des  deux  ïangourea  ae 
sort  pas  des  tons  mineurs;  le  chant  du  personnage  gai  au  contraire  est  daas  sa 
ton  majeur;  Hali  en  les  écoutant  essayer  leurs  morceaux  a  eu  le  aentiment  de 
cette  diCEérence  de  mode,  facile  à  saisir,  et  se  flattant,  se  sacbant  gré  de  b 
pouvoir  exprimer  en  termes  de  l'art,  il  généralise  hardiment  l'enaploi  oommede 

•  Voyex  i  la  scène  ix  des  Précieuses  ridietdes,  tome  II,  p.  S9. 

*  Par  exemple  celui  d'à/,  celui  de  «9/.  LuUy,  pour  une  raison  ou  pour  oae 
autre,  affectionnait  tout  particulièrement  le  ton  de  sot  mineur,  d*oà  natordle- 
ment  il  modulait  souvent  en  sol  majeur;  il  n'indiquait  le  minevr  à  la  def  qae 
par  le  premier  bémol  (par  si  b  seul),  écrivant  diaque  fois  l'autre  comme  aeci- 
dentel.  Or  on  peut  remarquer  que  si  les  mots  bé  mol  et  bé  carre  étaient  prà 
dans  leur  acception  propre  et  ancienne  de  si  bémol  et  de  #i  natnrd  (voja  le 
Dictionnaire  de  M.  Litiré),  ils  pourraient  servir  parfaitement,  pour  k  ton  ds 
«o/,  i  déterminer  le  mode  :  un  air  en  sol  avec  bé  mol  (avec  si  h)  serait  on  six 
en  sol  mineur;  avec  bé  carre  (avec  si  naturel],  serait  en  sol  majeur.  H  ea 
serait  de  même  pour  le  ton  de  r«,  où  l'emploi  au  bé  mol  on  du  bé  carre  serait 
tout  aussi  caractéristique. 

0  Nous  avons  eu  l'occasion  de  fisbre  remarquer  (tome  IV,  p.  a63,  i  1* 
note)  que,  dans  la  notation  du  temps,  on  trouve  des  dièses  servant  à  aoM- 
ler  les  bémols;  réciproquement  on  rencontre  des  bémols  qui  annulent  da 
dièses;  l'annulation  des  dièses  peut  aussi  marquer  le  passage  de  majeur  ea 
mineur,  et  il  est  clair  que  c'est  encore  le  dièse  qui  edt  marqiaé  le  retour  sa 
majeur;  en  pareU  cas,  avec  ce  système  d'écritun,  ropposition  edt  été  eetrs 
bémol  et  dieve. 


SCÈNE  II.  a39 

▲DRA8TB. 

J  7  consens.  Voyons  ce  que  c*est. 

HALI* 

Voici,  tout  juste,  un  lieu  propre  à  servir  de  scène  ;  et 
voilà  deux  flambeaux  pour  éclairer  la  comédie. 

▲DRASTE. 

Place-toi  contre  ce  logis,  afin  qu*au  moindre  bruit 
qae  Ion  fera  dedans,  je  fasse  cacher  les  lumières*. 


SCÈNE  III, 

CHAMTBB    FAA    TAOXt    MCtICIBKt  *. 
PREMIER  MUSiaSK  \ 

Si  du  triste  récit  de  mon  inquiétude 
Je  trouble  le  repos  de  votre  solitude^ 

qa'O  a  oof  faire,  en  quelque  cas  particulier,  da  nom  de  eertaini  aignet  d*é- 
<ritare,  maîa  d'une  écriture  qu'il  n*a  jamais  appris  à  déchiffrer. 

I.  Ce  débat  de  pièce  est  rif,  aatmé,  et,  si  je  Tote  dire  ainsi,  pittoresque. 
I«  choix  du  pays  et  de  l*beure  ;  la  nuit  si  agréable  sous  le  beau  ciel  de  la  Si- 
cile, et  partout  si  fisrorable  aux  aTcntures  galantes  ainsi  qu'aux  méprises 
conignes  ;  la  dirersité  des  costumes  et  des  mceurii  ;  la  jalousie  astucieuse  d'un 
Sicilien  aux  prises  aTec  l'amour  entreprenant  d'un  Français  :  tout  cela  pique 
la  carioeité,  et  commence  même  à  exciter  une  sorte  d'intérêt.  (jNote  ttAuger.) 

a.  Nous  saTons  par  le  lÀvrei  (ci-après,  p.  294  et  395)  quels  furent  les 
«hauteurs  de  cette  scène  &  la  cour.  Le  Premier  musicien,  représentant  Pbi- 
Icae,  cuit  Blondel;  le  Seeamd  mutidsn^  représentant  Tirais,  était  Gaje;  le 
Troisième  musicien^  représentant  un  berger  joyeux,  était  Noblet  (Noblet 
l^alaé  très-probsMement)  :  royes  sur  eux,  ei-dessns,  à  la  Pastorale  comique, 
p<  189,  note  a,  p.  19a,  note  3,  et  p.  ao3,  note  i.  —  Pour  la  musique  de 
I<idly,  Toyes-en  le  catalogue,  ci-apris,  p.  3oi.  —  Au  Palais-Royal,  atrant  167 1, 
le  etmeert  n'était  sans  doute  pas  exécuté  sur  le  théâtre  même  :  grâce  à  la  nuit 
^  était  eensée  l'obecnrcir,  il  était  facile  d'y  montrer  un  groupe  de  joueurs 
d'iastmmenta  miietS|  tandis  que  les  chanteurs  se  tenaient  sn^  les  cAtés^è  cou- 
vert de  tous  les  regards  :  Toyex  ci-après,  p.  aSa,  note  i.     \  5.     >    .     ,    '        y 

3.  FRAGMENT  DE  COMÉDIE, 

ekamié  et  aceompagni  pmr  Ut  Mmâieieiu  qu*Bali  a  amenés, 

SCÈNE  I. 

PHILiHS,   TIAGIS. 

I.  Muanasx,  ttjirésemimu  Pkiline»  (173^.) 


/ 

t 


!i4o  LE  SICILIEN. 

Rochers j  ne  soyez  point^  fâchés^. 
Quand  vous  saurez  V excès  de  mes  peines  secrètes^ 
Tout  rochers^  que  ifous  éteSy 
Vous  en  serez  touchés. 

SECOND  MUSICIEN*. 

Les  oiseaux  réjouis j  dès  que  le  Jour  s*avance^ 
Recommencent  leurs*  chants  dans  ces  ifostes  fortis^  ; 

Et  moi  fy  recommence 
Mes  soupirs  languissants  et  mes  tristes  regrets? 

Ah!  mon  cher  Philène*, 

PBBMTEH  MUSICIEN, 

jih!  mon  cher  Tirsis, 

SECOND  MUStClE». 

Que  Je  sens  de  peine! 

PREMIEE  MUSICIEN, 

Que  J^ ai  de  soucis! 

SECOND  MUSICIEN. 

Toujours  sourde  à  mes  $fœux  est  f  ingrate  Climene, 

1 .  n Vn  soyez  point.  [Partition  Philidor.] 

a.  Un  signe  de  reprise  indique  iei,  dans  la  partition,  que  diaeiiM  i» 
deux  moitiés  de  ce  couplet,  très-probablement,  étaient  redites.  Dans  1*  *" 
conde,  le  chant  répète  d^abord  les  deux  derniers  Tert,  puis  reprend  eneoft  sit 
fpis  le  tout  dernier. 

3.  Toauroekert,  (BalUt  deê  Mutet^  i666;  et  1697,  17 10,  18,  33.) 

4.  II.  MoatcciH,  repràgentamt  Tireîs,  (1734.) 

5.  Le  livret  du  ballet  a  la  Tieille  orthographe  :  Uur,  sans  s, 

6.  Pour  ce  couplet,  la  première  reprise  du  chant* finit  aree  ce  seeoodl  ferii 
la  seconde  reprise  se  compose  des  deux  antres  rers  répétés  et,  la  seconds  bU, 
•ncore  sniris  du  dernier  hémistiche. 

7.  Le  morceau  ou  ont  été  mis  en  musique  les  neuf  Ters  suivants  etf  iati^sl* 
DUlogme  dans  la  partition.  Aa-derant  de  la  première  portée  du  chsat  c< 
écrit  le  nom  de  Tircis  f  an-dcTant  de  la  seconde,  cdni  de  FUèiu, 

8.  Dans  le  liTrat  du  ballet,  l'orthographe  est  FkLàm,  et,  an  vos  ninBt, 
Tncn. 

•  Ce  mot  de  reprise  derra  toujours  faire  entendre  qn*il  y  avait  ripMtioa: 
In  répétition  n*est  absolument  certaine  que  lorsqu'elle  amenait  quelque  dna- 
gement,  k  la  fin,  qui  fdt  i  noter;  mais  «De  est  presque  tonjoors  très-probsbk, 
et  devait  être  tout  à  fait  d«  règl«. 


SCÈNE   IIL  241 

PEÊMIEB  UaSÊCUN. 

ClorU  na  point  pour  moi  de  regards  adoucis. 

TOCS  DEDJ^. 

O  loi*  trop  inhumaine! 
Amour  y  si  tu  ne  peux  les  contraindre  d*  aimer, 
Pourquoi  leur  laisses^tu  le  pouvoir  de  charmer? 

TROISIÈME  MDSiCiBlt». 

Paui^res  amants  j  quelle  erreur 
V adorer  des  inhumaines  ^! 
Jamais  les  âmes  bien  saines 
Ne  se  payent*  de  rigueur; 
Et  les  faveurs  sont  les  chaînes 
Qui  doivent  lier  un  cœur  *. 

On  voit  cent  belles'^  ici 

ji après  de  qui  je  m^ empresse  : 

1.  Toieî  eomnent  les  deux  motidmu  chantaient  ensemble  let  verfl  qui  tai- 
sent :  0  loi  trop  inkmmamë^  trop  imkmmame  /  Amomr^  jimomr,  *i  tu  me  peux 
lu  eomtrmimdre  d'aimer^  (une  première  toi»  Tirsii  tenl,  pnii  à  deax  :)  Pourvoi 
'«v  Uiues-tu  le  pouvoir  de  charmer? 

s*  FBEL&n. 

Ah!  mm  dicr  TinUl 
Qm  je  MM  de  peine! 
Qee  j*al  de  soueitl 
Toujours,  etc. 
Qorii  n'a,  etc. 


TlAOt. 

FBIublK. 
TOVB   DKUX  BHSDIBLI. 


Ok»i.(,734.) 

3.  SCÈNE  II. 

PBiLàaB,  TiacM,  uir  pathb. 

III.  Moaicaïf,  représentant  un  pâtre,  {Ititlem.] 

4.  Le  masieîea  a  conpé  en  deux  parties,  qai  chaemie  se  répètent  et  dont 
la  pfemière  se  termine  avec  le  seeond  Ters,  Tair  qu'il  a  composé  poar  les  coa« 
pieu  de  cette  ehanson. 

5.  Pajremt  est  mceoié  id  eonune  Test  paye  an  Ters  ^o  da  MieanArope  t 

Maïs  die  bat  ses  gens,  et  ne  les  paye  point, 
▼ojex  tome  I,  p.  484,  au  rers  ia6i  da  Dépit  amoureux, 

6.  Nos  eoran.  {Partition  Pkilidor,)  —  7.  Il  est  eent  bdles.  [Ihidem.) 

Mouùi.  Tl  16 


a4a  LE  SICILIEN. 

A  leur  vouer  ma  tmuiresse 
Je  mets  monpluê  doux^  souci; 
Mais  y  lors  que  Von  est*  Ogresse  ^ 
Ma  foi!  je  suis  tigre  aussi. 


PhEMan  ET  8BC0ND  MV8iCIES\ 


HeureuXj  hélas!  qui  peut  aimer  ainsi^! 

H  ALI. 

Monsieur,  je  viens  d^ouîr  quelque  bruit  au  dedans. 

ADBASTB. 

Qu*on  se  retire  vite,  et  qu*on  éteigne  les  flambeaux. 


SCÈNE  IV». 

DOM  PËDRE,  ÂDRASTE,  HALI. 

nOH  PÈDBBi  lorunt  eu  bonnet  de  noit  et  robe*  de  cbambR, 

avec  une  épée  tooe  ion  bfit* 

Il  y  a  quelque  temps  que  j*entends  chanter  a  ma 
porte;  et,  sans  doute,  cela  ne  se  fait  pas  pour  rien.  11 
faut  que,  dans  Tobscurité,  je  tache  à  découvrir  quelles 
gens  ce  peuvent''  être. 

ADBASTB. 

Hali! 

HALI. 

Quoi? 

f .  If OB  plos  grand.  (JPùrtition  Philidor.) 

a.  Par  fâate,  dans  le  Ballet  des  Muses  (1666)  :  «  Mais,  lonqa*on  est  ».  Le 
musicien  a  préféré  comme  pins  dons  :  «  Hais,  dèa  qee  Ton  eit  »• 

3.  PHiLBin  et  Tiacsa  ensemble.  (1734*) 

4.  Dans  cette  phrase  finale,  le  premier  mot  et  les  quatre  dernien,  Hiwrttuc 
et  9«i  peut  aimer  ainsi,  ont  été  reflétés  par  le  masiden. 

5.  SCÈNE  V.  (1734.) 

6.  £t  en  robe,  {i6|4  B,  1 718,  3o,  33.)  —  D.  Pftou,  sortant  de  sa  mmstn 
en  bonnet  de  nuit  et  en  robe,  ete.  {1734*) 

7.  c  Se  peaTent  s,  dans  l'édition  originale  et  dans  celle  de  1689;  Ciatc 
évidente,  qai  est  corrigée  dans  nos  autres  édition*. 


SCÈNE  IV.  ft43 

À0AA9TB. 

N^entends-tu  plus  rien? 

HALI. 

Non. 

(Omb  Mdrt  «tt  darrikn  «uz,  qui  Us  éeonto.) 

▲DR4STB. 

Quoi  ?  tous  nos  efforts  ne  pourront  obtenir  que  je  parle 
un  moment  à  cette  aimable  Grecque  ?  et  ce  jaloux  maudit, 
ce  traître  de  Sicilien,  me  fermera  toujours  tout  accès 
auprès  d'elle? 

HALI. 

Je  Youdrois,  de  bon  cœur,  que  le  diable  Teût  emporté, 
pour  la  fatigue  qu'il  nous  donne,  le  fâcheux,  le  bourreau 
qu'il  est.  Ah!  si  nous  le  tenions  ici,  que  je  prendrois 
de  joie  a  venger  sur  son  dos  tous  les  pas  inutiles  que 
sa  jalousie  nous  fait  faire  ! 

▲DRASTB. 

Si  faut-il  bien  pourtant*  trouver  quelque  moyeil^ 
quelque  invention,  quelque  ruse,  pour  attraper  notre 
brutal  :  j'y  suis  trop  engage  pour  en  avoir  le  démenti  ; 
et  quand  j'y  devrois  employer.... 

HALI. 

Monsieur,  je  ne  sais  pas  ce  que  cela  veut  dire,  mais 
la  porte  est  ouverte;  et  si  vous  le  voulez,  j'entrerai 
doucement  pour  découvrir  d'où  cela  vient. 

(Dom  Pièdre  se  redre  sur  la  porta.) 
ADRASTB. 

Oui,  fais;  mais  sans  faire  de  bruit;  je  ne  m'éloigne 
pas  de  toi.  Plût  au  Ciel  que  ce  fût  la  charmante  Isi- 
dore! 

DOM  l^ÈDRB,  loi  dotmaiit  sur  la  joae. 

Qui  va  là  ? 

I.  Cspendant  fl  faiit  bien,  malgré  toat.  Aîlleiini  Molière  ■  d^à  ainai  appuyé 
n/mmi'ii  âmfOÊirtuMt:  «Silaat-â  pourtant  tenter  tonte  chose.»  {La  PrittcMse 
^iiUU,  êm  de  1*aele  m,  tone  IV,  p.  191.) 


!i44  LE  SICILIBN. 

HALI,  loi  en  lalMBt  im 


DOM  PiDRB. 

Holà!  Francisque,  Dominique,  Simon,  Martin,  Pieire, 
Hiomas,  Georges,  Charles,  Barthélémy  :  allons,  prompte- 
ment,  mon  épée,  ma  rondache,  ma  hallebarde,  mes 
pistolets,  mes  mousquetons,  mes  fusils;  irite,  dépêchez; 
allons,  tue,  point  de  quartier. 


SCÈNE  W 

ADRASTE,   HALL 

ADaASTB. 

Je  n^entends  remuer  personne.  Hali?  Hali? 

HALI,  cà/cbé  dans  im  coin. 

Monsieur. 

▲DRASTB. 

Ob  donc  te  caches-tu  ? 

HALI. 

Ces  gens  sont-ils  sortis  ? 

ADRAST£. 

Non  :  personne  ne  bouge. 

HALI,  en  lorunt*  d*oii  il  étoit  oaché. 

S*ils  viennent,  ils  seront  frottés. 

I.  D.  PÂDM,  dmmmmt  mm  tomffUt  à  Bmiû  Qoî  vm  là?  —  Hau.  rmdêiU  U 
somffUi  {un  somffUi^  dans  ima  partie  da  tirage  de  1734,  mais  non  daas  1773} 
à  D.  Pèdre,  Ami.  (1734.)  ^  Comme  le  dit  Anger,  Rosimottd  a,  ea  16711 
reproduit  ce  jea  de  scène  si  plaisant  dans  sa  comédie  *  qoi  a  poor  titre  U» 
Quiproquo  on  U  F'aUt  èiourdi  (acte  III,  seène  zo^  :  «  Qui  ra  là?  »  deasaade 
Fabrice  à  Cliton,  en  lui  donnant  vn  soofiiet.  «  Pcrianne,  »  riposd  CBtan, 
en  rendant  le  sooOlet  à  Fabrice. 

s.  SG&NB  YL  (1734.) 

3.  Hau,  sortant,  etc.  [thidem.) 

*  Imprianie  en  1673. 


SCÈNE  V.  2k4S 

▲0RASTB. 

Qaoi?  toas  nos  soins  seront  donc  inutiles?  Et  toujours 
ce  fiicheux  jaloux  se  moquera  de  nos  desseins? 

HALI. 

Non  :  le  courroux  du  point  d*honneur  me  prend  ;  il 
ne  sera  pas  dit  qu*on  triomphe  de  mon  adresse  ;  ma 
qualité  de  fourbe  s*indigne  de  tous  ces  obstadeSi  et 
je  prétends  faire  éclater  les  talents  que  j*ai  eus  du 
Gel. 

▲DRASTB. 

Je  voudrois  seulement  que,  par  quelque  moyen,  par 
an  billet,  par  quelque  bouche ,  elle  fut  avertie  des  sen- 
timents qu'on  a  pour  elle,  et  savoir  les  siens  là-dessus. 
Après,  on  peut  trouver  facilement  les  moyens.. .. 

HÂLI» 

Laissez-moi  faire  seulement  :  j'en  essayerai  tant  de 
toutes  les  manières,  que  quelque  chose  enfin  nous 
pourra  réussir.  Allons,  le  jour  paroit  ;  je  vais  chercher 
mes  gens,  et  venir  attendre,  en  ce  lieu,  que  notre  jaloux 
8orte^ 

SCÈNE  \l\ 

DOM  PÈDRE,  ISIDORE. 

ISIDORE. 

Je  ne  sais  pas  quel  plaisir  vous  prenez  à  me  réveiUer 
si  matin;  cela  s'ajuste  assez  mal,  ce  me  semble,  au 
dessein  que  vous  avez  pris  de  me  faire  peindre  aujour- 
d'hui; et  ce  n'est  guère  pour  avoir  le  teint  frais  et  les 

I.  «  Ici  la  teàne  rftta  fide,  »  dit  Aager.  Il  aenit  pint  jatte  de  dire  que  la 
Mine  change  :  le  jow  qui  ea  éloigne  lee  premiers  actenrt  Ta  l'éclairer  tout  à 
fait  et  7  appeler  d'aotret  perummiges  ;  le  tpectataur  a  le  MUtînieBt  d*iu  temps 
Aeoali,  e*est  on  aete  noareaa. 

a.  SCÈNE  Vn.  (1734.) 


A46  LE  SICILIEN. 

yeux   brillants  que   se   lever  ainsi   dès  la  pointe  du 

jour  *. 

]K>if  pimui. 

J'ai  une  affaire  qui  m  oblige  à  sortir  à  Tbeure  qu'il 

est. 

ISIDORB. 

Mais  l'affaire  que  vous  avez  eût  bien  pu  se  passer, 
je  crois,  de  ma  présence;  et  vous  pouviez,  sans  vous 
incommoder,  me  laisser  goûter  les  douceurs  du  sommeil 
du  matin. 

DOM    yÈDKB. 

Oui  ;  mais  je  suis  bien  aise  de  vous  voir  toujours  avec 
moi.  Il  n'est  pas  mal  de  s'assurer  un  peu  contre  les 
soins  des  surveillants*;  et  cette  nuit  encore,  on  est 
venu  chanter  sous  nos  fenêtres. 

tSlDOKB. 

Il  est  vrai  ;  la  musique  en  ëtoit  admirable. 

DOM   PiDBB. 

C'étoit  pour  vous  que  cela  se  faisoit? 

ISIDORB. 

Je  le  veux  croire  ainsi,  puisque  vous  me  le  dites. 

DOM    PÂDRB. 

Vous  savez  qui  étoit  celui  qui  donnoit  cette  séré- 
nade? 

ISIDORB. 

Non  pas;  mais,  qui  que  ce  puisse  être,  je  lui  suis 
obligée. 

DOM    PÀDRB. 

Obligée  ! 

ISIDORB. 

Sans  doute,  puisqu'il  cherche  à  me  divertir. 

I.  Qa«  M  Urer  dès  la  pointe  da  joor.  (1674,  8s.) 

9.  Coatre  1«  manège  dea  capiona,  de  eea  gêna  que  je  roia  tonnicr  aatoor 
d*ici,  toajoora  au  agueta. 


SCÈNK  VI.  347 

Vous  troavez  donc  bon  qu^on  vous  aime  '  ? 

I8IDOEB. 

Fort  bon.  Cela  n*e8t  jamais  qu'obligeant, 

DOM    PÀDRB. 

Et  vous  voulez  du  bien  à  tous  ceux  qui  prennent  ce 
soin? 

ISIDORE. 

Assurément. 

DOM    PiORE. 

C*est  dire  fort  net  ses  pensées. 

ISIDORE. 

A  quoi  bon  de  dissimuler*?  Quelque  mine  qu*on 
fasse,  on  est  toujours  bien  aise  d^être  aimée  :  ces  hom- 
mages à  nos  appas  ne  sont  jamais  pour  nous  déplaire. 
Quoi  qu^on  en  puisse  direi  la  grande  ambition  des 
femmes  est,  croyez-moi,  d*inspirer  de  Tamour.  Tous 
les  soins  qu*elles  prennent  ne  sont  que  pour  cela  ;  et 
Ton  n'en  voit  point  de  si  fière  '  qui  ne  s'applaudisse  en 
son  cœur  des  conquêtes  que  font  ses  yeux. 

DOM    PÂDRE. 

Mais  si  vous  prenez,  vous,  du  plaisir  à  vous  voir  ai- 
mée, savez-vous  bien,  moi  qui  vous  aime,  que  je  n'y  en 
prends  nullement  ? 

ISIDORE. 

Je  ne  sais  pas  pourquoi  cela;  et  si  j'aimois  quelqu'un, 
je  n'aurois  point  de  plus  grand  plaisir  que  de  le  voir 
aimé  de  tout  le  monde.  Y  a-t-il  rien  qui  marque  davan- 

I.  QB*il  Toot  aîoie?  (1734.) 

«.  A  pui  ëH^i  oa  strmit^ii  h&m  de  diuimmler?  Cet  emploi  de  de  aree 
•Oîpee  a  déjà  M  rderé  aa  Tert  753  des  FéekeuXf  tome  III,  p.  91 ,  note  3. 

3.  Le  pwmom  en,  quoique  piieédé  da  plnxM  Jemmes,  repréteate  id  très- 
fwiieiliiiuttt  le  aliignUer  :  «  Ton  ne  roit  pas  de  femme,  aucirae  finnme  si 
ttre;  »  il  y  a  «ne  eoMtraetion  d'en  à  rapprocher  de  œUe-ei  daiu  la  fcène  i  de 
Vacte  ni  da  Méd4cim  mmlgré  imi  (eî-deMos,  p.  99). 


34d  LE  SICILIEN. 

tage  la  beauté  du  choix  que  Toq  fait?  et  n'est«ce  pas 
pour  s^applaudir,  que  ce  que  noua  aimons  soit  trouvé 
fort  aimable? 

DOM   PKDRE. 

Chacun  aime  à  sa  guisci  et  ce  n^est  pas  là  ma  méthode. 
Je  serai  fort  ravi  qu*on  ne  vous  trouve  point  si  beUe,  et 
vous  m'obligerez  de  n'affecter  point  tant  de  la  paroitre' 
à  d'autres  yeux. 

ISIDORE. 

Quoi?  jaloux  de  ces  choses-là? 

DOM    PÂDRB. 

Oui,  jaloux  de  ces  choses-là,  mais  jaloux  comme 
un  tigre,  et,  si  voulez*,  comme  un  diable.  Mon  amour 
vous  veut  toute  à  moi;  sa  délicatesse  s'offense  d'un 
souris,  d'un  regard  qu'on  vous  peut  arracher  ;  et  tous 
les  soins  qu'on  me  voit  prendre  ne  sont  que  pour 
fermer  tout  accès  aux  galants,  et  m^assurer  la  posses- 
sion d'un  cœur  dont  je  ne  puis  souffrir  qu'on  me  vole 
la  moindre  chose. 

ISIDORE. 

Certes,  voulez-vous  que  je  dise  ?  vous  prenez  un 
mauvais  parti  ;  et  la  possession  d'un  cœur  est  fort  mal 
assurée,  lorsqu'on  prétend  le  retenir  par  force.  Pour 
moi,  je  vous  l'avoue,  si  j'étois  galant  d'une  femme  qui 
fût  au  pouvoir  de   quelqu'un,  je  mettrois  toute  mon 


I.  De  le  paroltre.  (1734.)  —  Mais  Molière  pentt  afoir  préftré  Tnage  le 
plus  ordinairament  luivi  de  ton  temps  i  la  règle  de  Vaagelaa  qui  fait  loi 
aajonrdliai.  Comparez  ce  panage  det  Amants  magni/lqmes.  Ter*  la  fia  de  la 
«cène  n  de  Taete  1*''  :  «  Iybicbatb.  Ah  I  Madame,  c'est  tous  qui  ▼oalea  êtir 
mère  malgré  tout  le  monde....  AaiSTioaK.  Mon  Dieu,  Prinee,...  je  v«vk  être 
mère  parce  que  je  la  mis,  et  ce  seroit  en  Tain  qoe  je  ne  la  vondraie  pas  être.  » 
Sur  Tancien  usage  et  sur  la  règle  noaveUe,  un  peu  timidement  imposée  par 
le  grammairien,  royez  le  Lexique  de  la  iamguê  de  Corneille ,  tone  U,  p.  46 
et  47,  et  celui  de  Mme  de  Sévigné,  tome  It  P*  ^^i  ^  zm. 

a.  Tel  est  le  texte  de  1668,  74.  75  A,  Sa,  S4  A«  97.  —  Si 
(169a,  94  B,  1710,  18,  3o,  33,  34.) 


SCÈNE  YI.  A49 

étade  à  rendre  ce  qaelqa'an  jaloux,  et  l'obliger*  à  veil- 
ler nuit  et  jour  celle  que  je  voudrois  gagner.  Cest 
un  admirable  moyen  d'avancer  ses  affaires,  et  Ton  ne 
tarde  guère  à  profiter  du  chagrin'  et  de  la  colère  que 
donne  à  l'esprit  d'une  femme  la  contrainte  et  la  servi- 
tude ^ 

DOM  pÈnai. 
Si  bien  donc  que,  si  quelqu'un  vous  en  contoit,  il 
TOUS  trouveroit  disposée  à  recevoir  ses  vœux? 

ISIDORB. 

Je  ne  vous  dis  rien  là-dessus.  Mais  les  femmes  enfin 
n'aiment  pas  qu'on  les  gène  ;  et  c'est  beaucoup  risquer 
que  de  leur  montrer  des  soupçons,  et  de  les  tenir  ren- 
fermées. 

DOM    PEDRB* 

Vous  reconnoissez  peu  ce  que  vous  me  devez  ;  et  il 
me  semble  qu'une  esclave  que  Ton  a  affranchie,  et  dont 
on  veut  faire  sa  femme.... 

isinoRx. 

Quelle  obligation  vous  ai-je,  si  vous  changez  mon 
esclavage  en  un  autre  beaucoup  plus  rude  ?  si  vous  ne 
me  laissez  jouir  d'aucune  liberté,  et  me  fatiguez,  comme 
on  voit,  d'une  garde  continuelle  ? 


I.  Et  PobligeioU.  (1734.} 

1.  L'Àeadémie,  en  1694,  doniM  cette  définitioB  da  sqbetontif  ehagrim  : 
«  aâiBeolie,  ennot;  fieheote,  mauTeiae  humeur;  »  die  la  modifie  dèt  17x8. 
—  Ceinperet  on  peu  plot  bai  (à  I*aTaBt^emiere  Kgne  delà  loèBe). 

3.  Ceci  nppeUe  à  Aimé-Martin  ane  tirade  aatei  longue  de  tÉeoiê  dês 
«enr  (eele  I,  aeène  it,  Tcra  3i5  et  toiTanU,  tome  II,  p.  38 1  et  38a).  Là 
plas  qn'ici  le  thème  parait  être  pria  de  ce  paaiage  de  Rabelaia,  cité  par  le 
•anamntateiir  :  •  On  tempi,  dit  Carpalim,  que  j*étoit  rufien  à  Orléans,  je 
l'anua  coolear  de  rhétorique  plat  valable  ne  argument  plus  persuasif  eoTers 
l*s  damea,  pour  les  mettre  ans  toilee  et  attirer  au  jeu  d*amoars,  que  vitement, 
•pcrtaneaty  détestablement  remontrant  comment  leurs  maris  étoient  d*elles 
jalooK.  Je  ■•  PsTois  mie  inventé.  H  est  éerit.  Et  en  avons  lois,  exemples,  rai- 
eras «t  espérienees  gnotidlanee.  »  (Chapitre  zzxir  dn  tiers  livre,  tome  II, 
p.  i65.) 


^5o  LB  SICILIEN. 

BOM  PiDRB. 

Mais  toat  cela  ne  part  que  d*an  excès  d^amoiur. 

I8IDOEB. 

Si  c^est  votre  façon  d'aimer,  je  vous  prie  de  me 
ha!r. 

DOM    PÂDRB. 

Vous  êtes  aujourd'hui  dans  une  humeur  désobligeante; 
et  je  pardonne  ces  paroles  au  chagrin  oh  vous  pouvez 
être  de  vous  être  levée  matin. 


SCÈNE  VII. 

DOM  PÈDRE,  HÂLI,  ISIDORE. 

(Rali   faiiant*  pIotMort  r&vireneet   &  Dom  PMn.) 

DOM    PéORB. 

Trêve  aux  cérémonies.  Que  voulez-vous  ? 

HALI. 

(II  M  retoume  deran  Itidore*,  i  ehaque  parole  qnHl  dit  i  Dom  Pèdie,  Cklnl 
fiiit  daa  aigaaa  pow  lai  faire  eonnottie  la  dcaaein  de  aon  mshie.) 

Signor  (avec  la  permission  de  la  Signore),  je  vous  dirai 
(avec  la  permission  de  la  Signore)  que  je  viens  voas 
trouver  (avec  la  permission  de  la  Signore),  pour  tous 
prier  (avec  la  permission  de  la  Signore)  de  vouloir  bien 
(avec  la  permission  de  la  Signore).... 

DOM  PÈORB. 

Avec  la  permission  de  la  Signore,  passez  un  peu  de 
ce  côté*. 

I.  Hau,  hahiiié  en  Tàre^/ahani^  etc.  (i68a.)  —  Dans  l'^tioade  1734' 

SCÈNE  Vin. 

D.  ptoaa,  ismoRB,  hau,  kaUlU  en  Tare,  /aUûmt^  etc. 

a.  Hau.  U  se  tourne  devert  Isidore,  (i68a.)  —  Hau,  se  mettMt  flUrr 
D.  Pèdre  et  Isidore,  (Il  te  tourne  depers  (p«r#,  1773)  Isidore,)  (1734.) 

3.  Paates  on  peu  ee  c6tè.  (1674  ;  date  érideate.)  — 1>.  Pèdre  semetteo* 
Sali  et  Isidore,  (1734.) 


SCËNB  VII.  aSi 

HALl. 

Si^or,  je  suis  un  virtuose  ' , 

DOH  PÈDRK. 

h  n'ai  rieD  à  donner. 

HALI. 

Ce  n'est  pas  ce  que  je  demande.  Mais,  comme  je  me 
mêle  un  peu  de  musique  et  de  danse,  j'ai  instruit  quel- 
(|aes  eidares  qui  voudroient  bien  trouver  un  maître  qui 
se  plût  à  ces  choses  ;  et  comme  je  sais  que  vous  êtes  une 
personne  considérable,  je  voudrois  voua  prier  de  les  voir 
et  de  les  entendre,  pour  les  acheter,  s'ils  vous  plaisent, 
00  pour  leur  enseigner  quelqu'un  de  vos  amis  qui  voûtât 
l'en  accommoder. 

ISIDOaB. 

C'est  une  chose  à  voir,  et  cela  nous  divertira.  Faites- 
les-nous  venir. 

HALI. 

Chalabala....  Voici  une  chanson  nouvelle,  qui  est  du 
temps*.  Ecoutez  bien.  Ckala  bala. 

I-  U.  Umif  ■*•  newilH  Ai  «irtmm*  <pw  de*  mcmplct  pMtéHsiin  k  «lai- 
(|.  I,  pnHHT  qa'il  doua,  dMé  d*  i6So  MalnwBt,  «I  de  Mme  d«  Scrlfsé  : 
'VAki  d>  IJoaioB,  wlt.«II*  !■  iS  Si*i\n  (tome  VI,  p.  983]....  dit  que 

Hiiti»  U  Dn^hÎBi «t  rirnuo  (elb  •■it  tni)  no  quatre  langoei] .  •  Sor 

l'v'fiM  italiaaiiii  da  mat,  tfmt  Mme  de  SMgBa  ■  alnti  aonUfs*,  toj«  le 
fMMfa  de  VUlamala  cid  pu  M.  Litti^. 

^  Qa  nt  Jt  ârtniâlm€a,  Tmit-Il  bire  eatendre  i  Iridora  en  ÏMbtant 


aSa  LE  SICILIEN. 


SCÈNE    VIIL 

HÂLI  ST  QUATRB  ESCLAVES,  ISIDORE,  DOM  PÈDRE. 

(HaU  chante  dans  cette  acène,  et  les  eaelaret  danaent  dana  les  iatcrfsOM  de  w   i 

dianft*.) 

BALI  ekante*. 

D'un  cœur  ardent,  en  tous  lieux 

I .  Cette  ooarte  indication  précède,  dans  nos  anciennes  éditioBS,  lei  w^ 
des  personnages.  —  Elle  est  à  compléter  par  Tanalyse  de  eetépifode  inBtUtf, 
donnée  anx  spectateurs  dana  leur  /l'itv,  sous  rintitolé  de  tcéiu  ri  (d-ipR*. 
p.  396)  ;  on  7  a,  pour  ainsi  dire,  sons  les  yeox  tonte  la  mise  en  leène,  tdk  à» 
moins  qo*elle  était  ft  la  cour.  Réduite  au  cadre  du  Palait-Boysl,  elle  bt  civ 
doute  beaucoup  moins  brillante  :  Ift,  an  lieu  de  Porchestre  dirigé  par  UQj<  ^ 
faut  se  figurer  un  petit  chaur  de  TÎolons  autour  d*un  clavecin,  et,  en  tnai  An 
quatre  esclares  danseurs,  au  lieu  de  Gaye  «,  d'un  rirtuose  de  la  Mnsiqae  ai  j 
Roi,  qui  faisait  Taloir  de  aon  mieux  la  chanson  sérieuse  et  la  {anàam» 
bouffonne,  la  Thorillière-Hali,  payant  plus  de  belle  prestance  et  d*a4nne  ^ 
de  Toix.  Peut-être  cependant  Pbabile  comédien  n*eat-il   qu*en  ipp<renK< 
sortir  de  son   emploi  ordinaire.   Une  note  curieuse  de  la  Grange  dosienit 
à  le  penser.  Énnmérant  les  agrandissements,  les  erabellisienients,  totiei  ^ 
réformes  dont  la  préparation  dn  pompeux  spectacle  de  PtjAi  (ut  roea- 
sion  en   1671,  il  noua  apprend  (p.   ia3  et  124)  qu'il  fut  alors  seoieDCBtl^ 
soin  c  d*aToir  dorénavant  ft  toutes  sortes  de  représentations,  tant  nmpb  ^ 
de  machines,  un  concert  de  donze  riolons  *^  ce  qui  n*a  été  exécuté  qa*i{ir0" 
repvéaentation  de  Psjekê  (du  24  jmilUt  1671)  ;  >  et  il  ajoute  :  c  lesqnei  iè,  i» 
musiciens  et  musiciennes  n'avoient  point  Touln  paroltre  en  publie;  dt^»' 
toîent  à  la  Comédie  dans  des  loges  grillées  et  treillissées;  mais  on  mnasatt  ^ 
obataele,  et,  «Tee  qnelqne  légère  dépense,  on  trouva  des  persomes  qai  chiaiim' 
sur  le  théâtre  ft  visage  déconrert,  habilléa  comme  les  eomédîens.  >  D  ot  *«> 
naturel  de  supposer  que  la  Tborillière,  dans  cette  aoène,  se  contentait  de  %** 
rer  HaU  chantant,  d'en  fiiire  toute  la  pantomime  sur  le  théâtre,  tsadis  ^'<* 
moricien,  se  dissimulant  derrière  sa  grille,  exécutait  tranquillement  sa  p**- 

9.  Comme  l'atteste  la  partition,  une  prmnîère  danae  des  Esclaves  précfdi''' 
premier  eouplet  de  la  chanson  qui  suit  :  voyes  ci-après,  à  r^^en&s,  p.3oi> 
^>  Dans  rédition  de  1734  : 

SCÈNE  IX. 

D.    PÈDRBy   ISIDORE,    HALI,    B8CLATBS   TmCS. 
UN  ascLATi  chantant^  à  Isidore, 

*  Gaye,  à  Saint-Germain,  paraissait  sous  Thabit  d*nn  cinqaicBe  escb««- 
dont,  on  le  voit,  il  n*est  pas  question  dans  le  texte  origiinal  de  la  coaiêdis,  **■ 
peraonnage  7  étant  confondu  avee  celui  d*Hali. 

*  Comprenant  des  dessus,  hautes-contre,  tailles  et  basset,  répondant  «a»* 
notre  quatuor  d*ittstruments  h  cordes. 


SCÈNE  Tlli.  aSl 

On  amaDt  sait  une  belle'  ; 

Mais  d'un  jaloux  odieux 

Id  vigilance  étemelle 

Fait  qu'il  ne  peut  que  des  yeux 

S'entretenir  avec  elle  : 
Est-il  peine  plus  cruelle 
Pour  un  cœur  bien  amoureux  *  ? 
CAiribirida  ouch  alla*  ! 
Star  bon  Tarca, 
Xmt  aver  daaara. 
Ti  voler  comprara? 
Mi  servir  a  li, 
Sepagarper  mi  : 
Far  botta  coucina  *, 
Mt  levar  matina, 

i-  lâtvt,dn*bebut,  ua  nprta  qû  «t  ï  radin. 

1.  Ch  dKx  dvawn  Tcn  ds  k  ehauOB  d'imau  oat  M  ripMi  pu  le 
napoaiMBT.  La  nfrua  mnqBmr  qu'oa  *•  Un  iuil  iprii,  taama  sa  l'iBa- 
fïM  bics,  bnuqiHiiuat  itliiiiii,  al  daox  pirtiai  luam  d'iaMnHoti  nuimt 
nâmir  l' neaMpu—maat  da  limpla  biiw  •aplajt  jntqiw-U  i  il  «t  probabli 
fH,  poD  BUKB  •  aBBÉv  ■  •!  hoonUr  Dom  PMn,  1«  m<1«t«  d*u«Bt*  «- 
oadii^  dd  Ican  BwaïvBaBla  raedon  darsvBS  plu  TÎt*  du  Thinlar 

3.  Cami,  qn  Mt  pricâdi,  dau  l'iditiaB  ib  1734,  ^  riodicatiaB  :  i  D. 
Fidft,  a'at,  fb  ivéna  qaa  lu  dem  «ou  qui  tanniBeal  U  icinaTii,  qa'iia  •»- 
imilafi  da  ijUBlMt  groUaqwnDCBt  «aaiini,  bhù  ajant  arac  la  laa|iw  tarqur 

nu  k  dira  plu*  lois,  i  l'iMeatian  du  Awf  «ù  gamtiUammt,  du  jargOB  qai 
wraeoatov  dau  U  Cirimnmt  GDale.  —  Nou  tnaTanmi  plu  bM(p.  9g6). 
iimit  B-dUl  dti  Mata.aaa  orthograpba  et  ana  eonpa  dilfaraalM  :  hauthii 
U;  ta»  iaia  Pbiltdor  a  terit  «0  troii  iaa  ctd  f ■  i  bd*  lati*  (oli  a  dam  hit 
lUa.  —  La  uiM  da  CM  paroln  baroqnw,  qni  ne  ■  «a  laagag*  tinae,  • 
«■■H  dît  b  lirrti,  paat  u  tradoii*  liaii  :  •  (Mai)  bn  bon  Tore,  (HoiJ 
■'•nir  argcDt.  Tm  TOuloir  acbEtorr  Moi  Mrrvr  i  toi.  Si  (loi)  paj«r  pour 
iHi  :  (Hoij  tiii*  bout  enialac.  Ha  lanr  tutia,  Fain  bauiUir  duudiin 
(dr  aâtÏHM,  d*  Uttir*,  Â*  taù>).  Toi  ripeadra,  ripoad»  :  {Toi}  Touloir 
achat»?  ■ 

t.  Id  M  pac<  i5(,  laa  tratat  de  18S8  at  da  lUi  01 
b  fftraa  damk  partitioa  Pliilidor],  la  aecoad,  at 
1694  8,  M«ùa  ;  dau  mn  plu*  baf ,  ib  oat  lau  la 
MUaM  da  I061,  7(,  1%  A,  8f  A  doaaaBt  a«w  M 


:iS6  LE  SICILIEN. 

changé  de  pensée  ;  et  pou  le  temps  se  couvre  un  peu. 
(▲  Halii  qai  pmit  MicoTt  U^)  Ah  !  fourbe,  que  je  vous  y 
trouve! 

HALI. 

Hé  bien  !  oui,  mon  maître  Tadore  ;  il  n*a  point  de 
plus  grand  désir  que  de  lui  montrer  son  amour;  ^t  si 
elle  y  consent,  0  la  prendra  pour  femme.  • 

DOM    PiDRB. 

Oui,  oui,  je  la  lui  garde. 

H  AU. 

Nous  Taurons  malgré  vous. 

DOM   PÂDRE, 

Conmient?  coquin.... 

HALI. 

Nous  Taurons,  dis-je,  en  dépit  de  vos  dents*. 

DOM    PÂDU. 

Si  je  prends.... 

HALI. 

Vous  avez  beau  faire  la  garde  :  j*en  ai  juré,  eUe  sera 
à  nous. 

DOM    PÂDRB. 

Laisse-moi  faire,  je  t'attraperai  sans  courir. 

HAU. 

Cest  nous  qui  vous  attraperons  :  elle  sera  notie 
femme,  la  chose  est  résolue.*  Il  faut  que  j'y  périsse, 
ou  que  j'en  vienne  à  bout. 

I.  Qmi  parcSt  encore,  (1734.) 

a.  Quoi  que  tous  CuMn  pour  la  garder  et  «ooi  effirajer.  On  ■  «M)*  ** 
TesprenioB  au  vers  45a  de  SgmittarelU  (tome  II,  p.  aot);  compareiei-dasa>, 
p.  9S,  aa  tecoad  renroî. 

3.  S€ml.  (1734.) 


SCÈNE  IX.  !iS7 


SCENE  IX. 

ADRASTE,  HALI*. 

HAU. 

Monsiear,  j'ai  déjà  fait  qaelque    petite  tentative  ; 
mais  je...'. 

ADRA8TE. 

Ne  te  mets  point  en  peine;  j*ai  trouvé  par  hasard 
tout  ce  que  je  voulois,  et  je  vais  jouir  du  bonheur  de 
yw  chez  elle  cette  belle.  Je  me  suis  rencontré  chez  le 
peintre  Damon,  qui  m*a  dit  qu'aujourd*hui  il  venoit  faire 
le  portrait  de  cette  adorable  personne  ;  et  comme  il  est 
depuis  longtemps  de  mes  plus  intimes  amis,  il  a  voulu 
servir  mes  feux,  et  m'envoie  à  sa  place,  avec  un  petit 
mot  de  lettre  pour  me  faire  accepter.  Tu  sais  que  de 
tout  temps  je  me  suis  plu  à  la  peinture,  et  que  parfois 
je  manie  le  pinceau,  contre  la  coutume  de  France,  qui 
ne  veut  pas  qu*un  gentilhomme  sache  rien  faire'  :  ainsi 
j'aurai  la  liberté  de  voir  cette  belle  à  mon  aise.  Mais  je 

>•  SCÈNE  X. 

ADEAfTS,    HAU,   mUX  LAQUAIt.    {tjH') 

S.  Dans  les  éditîoiit  de  i6Sa  et  de  1734,  ecc  nou  d*flaU  TianneiiC  ea  r^poiMe 
à  BBe  ^oeslioii  faite  dVnrrée  par  Adraste  :  «  Adaasts.  Ué  bienl  Hali^  nos 
aCbiret  l'avanceiit-^lles  ?  Hau.  Moniienr,  j*aî  déjk  fait,  »  etc. 

3.  Uo  trait  analogue  se  troure  dans  la  fable  des  Membre*  et  VEstomae  (le 
*^eonde  du  livre  111),  qae  la  Fontaine  publia  dana  ton  premier  reenml,  en 
1668,  mais  dont  il  avait  pu,  comme  de  mainte  antre,  fiiire  des  lectoret  anpa- 
ravant: 

Chacun  d*enx  réaolnt  de  Tivre  en  gentilhomme. 
Sans  ri«n  faire. 

"  o  eertaÎB,  «omme  l*a  dit  Montaigne  *,  qne  «  la  forme  propre  et  seule  et 
^MsnliclU  d«  noblesse  en  France,  c^ était  la  vacation  militaire,  »  et  que  hors 
^  U,  hocs  de  «e  glorieux  senriee,  et  sauf  quelques  éclatantes  eKceptioas,  elle  était 
«d*aae  eomlitton  olÛTe,  et....  ne  vivait^  comme  on  dit,  que  de  set  rentet^.  * 


n,  chapitre  tu,  tome  II,  p.  76  et  77. 
'  livre,  cbapitiv  Tin.  ihùiem^  p.  85. 


'7 


aS8  LE  SICILIEN. 

ne  doate  pas  que  mon  jaloux  fâcheux  ne  soit  toujours 
présenti  et  n'empêche  tous  les  propos  que  nous  pour- 
rions avoir  ensemble;  et  pour  te  dire  vrai,  ju,  par  le 
moyen  d'upe  jeune  esclave,  un  stratagème  pour*  tirer 
«ette  belle  Grecque  des  mains  de  son  jaloux,  si  je  puis 
obtenir  d'elle  qu'elle  y  consente . 

HÂU. 

Laissez-moi  faire,  je  veux  vous  faire  un  peu  de  jour 
â  la  pouvoir  entretenir*.  Il  ne  sera  pas  dit  que  je  ne 
eerve  de  rien  dans  cette  affaire-là.  Quand  allez-vous? 

ADRASTB. 

Tout  de  ce  pas,  et  j'ai  déjà  préparé  toutes  choses. 

HAU. 

Je  vais,  de  mon  c6té,  me  préparer  aussi. 

ADRASTB*. 

Je  ne  veux  point  perdre  de  temps.  Holà  *  !  Il  me  tarde 
que  je  ne  goûte  *  le  plaisir  de  la  voir. 

t.  Un  ttriUgèiiM  prêt  pour.  (i68s,  1734.) 

a.  A  1«  pouvoir  ontretenîr.  (i68a,  9a,  1730.)  —  Uéditioo  de  168a  ijoiite 
«d  ce  jett  d«  toèiie  :  //  parle  bas  à  VoretiU  d^AàratU» 

3.  ADEAtTS,  /Ml/.  (1734.) 

4*  Adraite  frappe  doae  à  la  porta  de  Dom  Pèdre  et  diaparatt  daaa  la  auî- 
eoa  ;  paie  le  théâtre  change,  et  Dom  Pèdre  entrant  avec  le  eaTalier  iaeaoae 
«a  le  reoeTant  dana  Télégaiite  aalla  que  montre  la  pravura  de  168a,  loi  de<* 
«Bande  :  «  Que  eherchex-voua  dana  eette  maiaon  •?  »  Il  est  aisé  de  ae  lepiéica 
ter  lea  choses  ainsi}  mata  ellea  se  passaient  alors  plus  simplement.  Il  se  poa- 
▼ait  bien  qu*on  laissât  Timaginadon  des  apeetateurs  ae  tranaporler  d'elle  rn^mf, 
«ana  Faide  d*im  nouvean  décor,  sinon  dans  IHntérieur  du  logis,  du  moins  wr 
quelque  point  de  ses  dehors  les  plus  proches?  Une6té  du  théâtre,  i  Pondirr 
de  U  maison  et  d*un  arbre,  pouvait  être  censé  bien  à  Técart,  et,  sans  antre 
clôture  visible,  suffisamment  annexé  i  Thabitation.  Une  fois  le  dialogue  eatsB^* 
qui  doae  se  fût  inquiété  de  savoir  en  quel  lieu  le  peintre  amoareoK  allait  ic 
mettre  à  tracer  le  premier  eroquia  de  son  portrait  ?  Cailbava  et  Anger  otf  va 
eetle  aimplicité  de  mise  en  scène  et  s*en  plaignent  ;  sans  doute,  k  Porigine  êe 
la  pièce,  Molière  lui-même  s*en  était  contenté  :  voyex  tome  III,  p.  a3a,  bom  *. 

5.  MoKère  a  déjà  employé  cette  conatruction  i  la  fin  de  la  aeène  s  du  Jfa- 
rUifeJorei  (tome  IV,  p.  a8).  Voyes  lea  Lexiquêt  du  CoriuUU  «t  du  Aaem«. 


*  «  Qni  laiaae  monter  lea  gens  aans  nona  en  venir  avwtir?  »  dit  aneora  Daai 
Pèdre  an  début  da  la  aeène  zn  :  il  iaut  donc  aappoaer  naa  aatfe  hante,  oaaar 


8CÉNB  X.  ftSg 


SCÈNE    X. 
DOM  PÈDRE,  ADRASTE'. 

DON  rioRB. 
Que  eherchez-TOU8,  cavalier,  dans  cette  maison  ? 

▲BRASTB. 

Ty  chercbe  le  seigneur  Dom  Pèdre. 

DOM  ptoas. 
Voas  Tavez  devant  vous. 

▲BRASTB. 

n  prendra,  s'fl  lui  plaît,  la  peine  de  lire  cette  lettre. 

DOM  PÂDEB  lit*. 

Je  vous  erwoie^  au  lieu  de  moi^  pour  le  portrait  que 
f^(wt  satfezj  ce  gentilhomme  francoiSj  qui^  comme  curieux 
d'obliger  les  honnêtes  gens  y  a  bien  çoulu  prendre  ce  soin, 
'ur  la  proposition  que  je  lui  en  ai  faite.  Il  est,  sans  con^ 
tredity  le  premier  homme  du  monde  pour  ces  sortes  d^ou^ 
*^<iges,  et  foi  cru  que  je  ne  pou9ois  rendre^  un  service 
plus  agréable  que  de  90us  Cempojrer^  dans  le  dessein  que 
ff^u  avez  dCapoir  un  portrait  achevé  de  la  personne  que 
vous  aimez.  Gardez'-iwus  bien  surtout  de  lui  parler  d^au-- 
cune  récompense;  car  cest  un  homme  qui  s'* en  offenseroit, 
^  qui  ne  fait  les  choses  que  pour  la  gloire  et  pour  la 
réputation*. 

i«  SCÈNB  XI. 

D.   ràOBB,    ADEAm,  DBUX  LAQUA».  (17HO 

».  D.  Pioms.  {IbûUm.) 

3.  Que  je  ne  toiu  pooToU  lendie.  (1674»  8i«  1734.)  —  Qee  je  ne  penroit 

«i«Bdre.  (1694  B.) 

4-  QvepoorU  gloire  et  la  rfpnUtioB.  (Une  partie  dn  tirage  de  1734,  et  1773.] 

oa  peo  élerée'aa-deHoa  de  la  roa  et  y  eomoMiBiqaaal  par  un 


^^  LE  SIGILIBIf. 

DOM   PEDRBf  parlant  an  Fcançois^ 

Seigneur  François,  c'est  une  grande  grâce  que  vous 
me  voulez  faire;  et  je  vous  suis  fort  obligé. 

ADRASTK. 

Toute  mon  ambition  est  de  rendre  service  aux  gens 
de  nom  et  de  mérite. 

DOM    PÂDRE. 

Je  vais  faire  venir  la  personne  dont  il  s*agit. 


SCENE  XL 

ISIDORE,  DOM  PËDRE,  ADRASTE  ct  dmjx 

4 

LAQUAIS. 
DOM    PEDRE*. 

Voici  un  gentilhomme  que  Damon  nous  envoie,  qw 
se  veut  bien  donner  la  peine  de  vous  peindre.  (Adm» 

baÎM  IiidoN  en  la  saluant,  et  Dom  Pèdre  loi  dit'  :)  Holà  !  SeigneOT 

François,  cette  façon  de  saluer  n'est  point  d'usage  en 
ce  pays. 

ADRASTE. 

C'est  la  manière  de  France. 

DOM    PÈDRE. 

La  manière  de  France  est  bonne  pour  vos  femmes; 
mais,  pour  les  nôtres,  elle  est  un  peu  trop  familière. 

ISIDORE. 

Je  reçois  cet  honneur  avec  beaucoup  de  joie.  L'avcn- 

I.  Cet  en*téte  a*est  pas  dans  rédîtîoa  de  1734. 
7.  SCÈNE  XII. 

TftlDORB,  D.  PÈDRE,  ADRASTS,  DBUX  LAQUAlt. 
D.  PàoaK,  à  fsUon.  (1734.) 
3.  J  jidragtâf  qui  êmbrasn  Isidore  ttn  Im  êatmënt,  (thidem,) 


SCENE  XL  s6i 

tare  me   surprend  fort,   et  pour  dire  le  vrai,  je    dc 
m*attendois  pas  d^avoir  ^  un  peintre  si  illustre. 

ADRÂSTB. 

Il  n*y  a  personne  sans  doute  qui  ne  tint  à  beaucoup 
de  gloire  de  toucher  à  un  tel  ouvrage.  Je  n*ai  pas 
grande  habileté;  mais  le  sujet,  ici,  ne  fournit  que  trop 
de  lui-même,  et  il  y  a  moyen  de  faire  quelque  chose 
de  beau  sur  un  original  fait  comme  celui-là. 

ISIDORE. 

L^original  est  peu  de  chose  ;  mais  l'adresse  du  peintre 
en  saura  couvrir  les  défauts. 

ADRASTE. 

Le  peintre  n*y  en  voit  aucun;  et  tout  ce  qu'il  sou- 
haite est  d'en  pouvoir  représenter  les  grâces,  aux  yeux 
de  tout  le  monde,  aussi  grandes  qu'il  les  peut  voir. 

ISIDORE. 

Si  votre  pinceau  flatte  autant  que  votre  langue,  vous 
allez  me  faire'  un  portrait  qui  ne  me  ressemblera  pas. 

ADRASTS. 

Le  Gel,  qui  fit  l'original,  nous  ôte  le  moyen  d'en 
&ire  un  portrait  qui  puisse  flatter. 

ISIDORE. 

Le  Gel,  quoi  que  vous  en  didiez,  ne.... 

DOM   PÂDRE. 

Finissons  cela,  de  grâce,  laissons  les  compliments, 
et  songeons  au  portrait. 

1.  C*eit  «a  sulTMt  l*aM|e  ordinaire  de  loii  tempt  que  Molière  eonetrait 
^Mtêmdrt  avec  de  : 

Oa  ne  ■'■ttendoit  guère 

De  voir  Ulyue  en  eette  aflîiire. 

(La  Fontaine»  la  Tortue  et  lee  iUmx  Canards^  fable  u 
du  livre  X,  vert  i3  et  i4>} 

VojoB  fat  Lettrée  de  Raeine,  tomct  VI,  p.  5o4,  5o5,  et  VII,  p.  3o5«  et  b  re- 
mmttfÊm  de  M.  Uttic  i  rartide  atimou  (S^),  fia  de  a*, 
a.  Youi  aSes  faire.  (1734.) 


26a  LE  SICILIEN. 


ÂDRABTE^ 

Allons,  apportez  toat. 

(On  apporte  tout  m  q«*il  bmX  pour  peindra  bidoraii) 

I81DOBB*. 

Où  voulez-vous  que  je  me  place  ? 

ADRASTS* 

Ici.  Voici  le  lieu  le  plus  avantageux,  et  qui  reçoit  le 
mieux  les  vues  favorables  de  la  lumière  que  nous  cher* 
clions. 


Suis-je  bien  ainsi? 


ISIDORE*. 


ADRASTE^. 


Oui.  Levez-vous  un  peu,  s*il  vous  plaût.  Un  peu  plus 
de  ce  côté-là;  le  corps  tourné  ainsi;  la  tête  un  peu 
levée,  afin  que  la  beauté  du  cou  paroisse.  Ceci  un  peu 

plus  découvert,    (n   parle   de  sa  gcwg^O    ^^»    Là»   UU    pCU 

davantage*.  Encore  tant  soit  peu. 

POM  PBORB*. 

n  y  a  bien  de  la  peine  à  vous  mettre;  ne  sauriez* 
VOUS  vous  tenir  comme  il  faut? 

ISIDORE. 

Ce  sont  ici  des  choses  toutes  neuves  pour  moi;  et 
c*est  à  Monsieur  à  men^ettre''  de  la  façon  qu*il  veut. 

ADRASTB. 

Voilà  qui  va  le  mieux  du  monde,  et  vous  vous  tenez 

I.  AoaâSTK,  aux  laquais,  (i734>) 

a.  IstooEi,  a  Adnutê,  {Ibidem.) 

3.  biDOEi,  ^auêjrant.  (Ibidem,)  —  Après  s'être  assise.  (1773.) 

4  ADaABTi,  assis,  (1734*}  Cette  incÛcation  ett  renToyée  plot  bat  dana 
l'édition  de  1773,  avant  les  moCa  :  P^oilà  qui  m  le  mieux  du  monde.  Il  eat 
clair  qu*Adraite  ne  ■'éloigne  et  ne  l'assoit  un  instant  qoe  pour  rarenir  poeer 
iui-méme  son  modèle,  pftia  en  modifier  plasieurs  fois  Tattitude. 

5.  Du  col  paroisse.  Ceci  un  peu  plus  découTcrt.  (//  décembre  mi  feu  plus  sa 
gcrge.)  Bon,  là.  Un  peu  darantage.  (1734-) 

6.  D.  Pions,  à  Isidore.  (Ibidem.) 

7.  A  mettra.  (168a  %  ▼ariaate,  on  plnt^faate,  qoine  ae  troave  pas  dans  aoa 
autres  éditions.) 


SCÈNE  XI.  %6^ 

i  merreilles^  (U  fdunt  toonsr  un  pea  dtren  loi.)  G>mme 
cela,  s'il  vous  plaût.  Le  tout  dépend  des  attitudes*  qu'on 
donne  aux  personnes  qu'on  peint. 

BOM   PÂDRE. 

Fort  bien. 

AORASTE. 

Un  peu  plus  de  ce  côté;  vos  yeux  toujours  tournés 
vers  moi,  je  vous  en  prie;  vos  regards  attachés  aux 
miens. 

ISIDORE. 

Je  ne  suis  pas  comme  ces  femmes  qui  veulent,  en  se 
faisant  peindre,  des  portraits  qui  ne  sont  point  elles,  et 
ne  sont  point  satisfaites  du  peintre  s*il  ne  les  fait  tou» 
jours  plus  belles  que  le  jour*.  Il  faudroit,  pour  les 
contenter,  ne  faire  qu'un  portrait  pour  toutes;  car 
toutes  demandent  les  mêmes  choses  :  un  teint  tout  de 
lis  et  de  roses,  un  nez  bien  fait,  une  petite  bouche,  et 
de  grands  yeux  vifs,  bien  fendus,  et  surtout  le  visage 
pas  plus  gros  que  le  poing,  Teussent-elles  d  un  pied  de 
lai^e  ^.  Pour  moi,  je  vous  demande  un  portrait  qui  soit 
moi,  et  qui  n'oblige  point  à  demander  qui  c'est. 

ADRASTX. 

n  seroit  malaisé  qu'on  demandât  cela  du  vôtre,  et 
vous  avez  des  traits  à  qui  fort  peu  d'autres  ressem* 

I.  Voyei  le  même  emploi  du  plnriel  dans  let  Lexiques  de  Mme  de  SMgné- 
et  de  Racime^  au  mot  Mbrtullb,  et  dans  la  première  édition  du  Dietioiutaire 
de  t  Académie  (1694).  —  A  merreille.  (1718,  une  partie  du  tirage  de  I734,  et 
1773.) 

9.  Des  ladtadet.  (1668,  74,  7$  A,  84  A,  94  B.)  —  Dans  le*  textes  de  168» 
et  de  169a,  Atitudes  («ic). 

3.  Plus  belles  qu*elles  ne  sont.  (i68a,  1734.) 

4.  Lucien,  comme  le  rappelle  Aimé-Martin,  a  raillé  en  passant^  dans  soa 
traité  intitulé  :  Comment  il  faut  écrire  thietoire*,  le  ridicule  de  «  ces  finnmes 
qui  recommandent  aux  peintres  de  les  faire  les  plus  belles  possible  :  elles. 
s*imaginent  qu'elles  n*en  seront  que  plus  jolies,  si  Tartiste  fleurit  Tincamat  dfr 
leur  teint  et  mék  du  blanc  à  ses  couleurs. 

•  Att  $  i3,  tome  I,  p.  36o,  de  la  tradoetioa  de  M.  Talbot. 


a64  LE  SICILIEN. 

blent.  Qa*ils  ont  de  douceun  et  de  diarmes,  et  qa*on 
court  de  risque  *  à  les  peindre  ! 

DOM    PÉDRE. 

Le  nez  me  semble  un  peu  trop  gros*. 

ADRASTB. 

J*ai  lu,  je  ne  sais  oh',  qu'Apelle  peignit  autrefois  une 
maîtresse  d'Alexandre,  et  qu'il  ^  en  devint,  la  peignant, 
si  éperdument  amoureux,  qu'il  fut  près  d'en  perdre  la 
vie  :  de  sorte  qu'Alexandre,  par  générosité,  lui  céda 
Tobjet  de  ses  vœux*,  (n  parle  à  Dom  Pédre'.)  Je  pouiTois 
iaire  ici  ce  qu'Apelle  fit  autrefois;  mais  vous  ne  feriez 
pas  peut-être  ce  que  fit  Alexandre.^ 

ISIOOEK*. 

Tout  cela  sent  la  nation  ;  et  toujours  Messieurs  les 
François  ont  un  fonds  de  galanterie  qui  se  répand  par- 
tout. 

▲DRASTB. 

On  ne  se  trompe  guère  à  ces  sortes  de  choses;  et 
vous  avez  l'esprit  trop  éclairé  pour  ne  pas  voir  de 
quelle  source  partent  les  choses  qu'on  vous  dit.  Oui| 


1.  Et  qu*on  eonrt  ritqae.  (1674,  8s,  1734.) 

%,  Le  nés  me  lembie  trop  grof.  (i697«  17 10,  18.)  —  Un  peaf^rot.  [ijU-] 
—  Voyes  la  fin  de  la  note  a  de  la  page  a66. 

3.  H  est  peut-être  à  propoe  de  rappeler,  aux  endroiCt  où,  eomme  ici,  Tor- 
tbograpbe  actuelle  rUqne  de  Iaire  altérer  la  prononciation  do  teste,  que  ks 
éditioni  du  dix-eeptième  siècle  écrivent,  iuivant  la  règle  dn  temps,  jê  «e  s»  m. 

4*  Une  maltresse  d'Alesandre,  d'une  merreillease  beauté,  et  qn*îl.  (i683i 

1734O  ,        ^  ,      .  n 

5*  «  Alesandre  donna  une  marque  trèt-mémoraUe  de  ta  considération  qa» 

aTaît  pour  ce  peintre  (Jpelle)  :  il  FaTait  chargé  de  peindre  nue,  par  adau- 

ration  de  la  beauté,  la  plus  chérie  de  ses  concubines,  nommée  Campaspe; 

Tartiste  à  Tauvre  devint  amoureus  ;  Alesandre  s'en  étant  aperçu  la  loi  deans...* 

11  en  est  qui  pensent  qu'elle  lui  servit  de  modèle  pour  la  Vénus  AnadyoaMne.  * 

(Pline,  Bist^iM  maturelU,  livre  XXXV,  g  24,  traduction  de  M.  littré.)  tfiea 

rapporte  le  même  dit,  livra  XII,  $  34,  des  ffUtmrês  averses, 

6.  A  D.  Pèdre.  (l^^^,)  —  7. '/>.  Pèdre  fait  U  grimace,  (i68ft,  1734) 

8.  Imdoax,  è  D.  Pèire,  (1734.) 


SCÈNE  XI.  965 

quand  Alexandre  seroit  ici,  et  que  ce  aeroit  votre 
amant,  je  ne  pourrois  m*empêcher  de  voua  dire  que  je 
n*ai  rien  vu  de  ai  beau  que  ce  que  je  voia  maintenant» 
et  que.... 

DOM  pÂoas. 
Seigneur  Françoia,  voua  ne  devriez  paa,  ce  me  aem- 
Ue,  parler^;  cela  voua  détourne  de  votre  ouvrage. 

ADB48TB. 

Ah  !  pcnnt  du  tout.  J'ai  toujoura  de  coutume*  de  parler 
qoand  je  peins  ;  et  il  est  besoin,  dans  ces  choses,  d'un 
peu  de  conversation,  pour  réveiller  Tesprit,  et  tenir  les 
TÎsagea  dans  la  gaieté  nécessaire  aux  personnes  que 
1  on  vent  peindre. 


SCÈNE  xir. 

HALI,  Téta  en  Etpagnoi,  DOM  PÈDRE,  ADRASTE, 

ISIDORE. 

DOM   PÈDRE. 

Que  veut  cet  homme-là*  ?  et  qui  laisse  monter  les 
gens  sans  nous  en  venir  avertir  ? 

HALI*. 

J'entre  ici  librement;  mais,  entre  cavaliers,  telle  li- 
berté est  permise.  Seigneur,  suis-je  connu  de  vous? 

DOM   PÈDRE. 

Non,  Seigneur. 


1.  Ce  OM  wmble,  tant  parier.  (i6Sa,  1734.) 

a.  i*n  tooioan  coatuM.  (1710,  18,  3o,  33,  34.)  —  Apoir  de  e^mimmt  ae 
tnmve  encore  dana  Us  Fmwhêriss  de  Scafim  (▼ara  la  fin  de  la  aeène  m  de 
^**cte  U],  et  était  akn»  lort  oaité  :  voyes  le  Lêxifmé  dé  U  loMgmêdé 

3.  SCÈIIE  XIU.  (1734.) 

4>  <hae  vent  dira  cet  hoonme^U  ?  (1710,  18,  3o,  33,  34.) 

5.  Eau,  k  D.  Pèdt€,  (1734.) 


»68  LE  SICILIEN. 

ADBASTS. 

Qa*attendez-you8  pour  cela? 

ISIDORB. 

A  me  résoudre. 

ADRA8TI. 

Ah  !  quaud  on  aime,  on  se  résout  bientôt. 

ISIDORE. 

Hé  bien!  aliezi  oui,  jy  consens. 

Mais  consentez*YOUS,  dites-moi,  que  ce  soit  dès  ce 

moment  même  ? 

isiooas. 

Lorsqu*on  est  une  fois  résolu  sur  la  chose,  s'airete- 

t-on  sur  le  temps  ? 

DOM  PÈDRB,  à  Hali. 

Voilà  mon  sentiment,  et  je  vous  baise  les  mains. 

HALI. 

Seigneur,  quand  vous  aurez  reçu  quelque  souiBet,  je 
suis  homme  aussi  de  conseil,  et  je  pourrai  vous  rendre 
la  pareille. 

DOM  P&DU* 

Je  vous  laisse  aller  sans  vous  reconduire  ;  mais,  entre 
cavaliers,  cette  liberté  est  permise. 

ADRASTB^ 

Non,  il  n*est  rien  qui  puisse  effacer  de  mon  cœur  les 
tendres  témoignages.... 

(Dom  Pèdre,  apereeTant*  Adratte  qui  parle  de  prit  à  Indore.) 

Je  regardois  ce  petit  trou  qu'elle  a  au  côté  du  men- 
ton, et  je  croyois  d*abord  que  ce  fut*  une  tache.  Mais 

I.  ADAiara,  à  Isiifore,  (1734.) 

a.  A  D,  Pèdre^  apercevant^  etc.  {Thidem,) 

3.  Pour  eet  emploi  dn  tahjoiielif,  eomparet  let  Ters  16(^16^  *'' 
r Étourdi,  5ao  et  5s  1  de  V École  des  maris ^  et  ci-eprès,  acène  zr,  h  ^  ^" 
premier  eoaplet  de  Dom  Pèdre;  voyes  aussi  le  Lexiqme  de  im  iaag^  ^' 
Mme  de  Sévigné,  tome  I,  p.  xzcx,  et  ceux  do  CormeUle^  tome  I,  p.  U  •<  ^^ 
et  da  Racine^  p.  zgit. 


SCiNE  XII.  S69 

c'est  assez  poor  aujoanl'hni,  nons  finirons  une  aatic 
foù.  (pailuit  i  Don  Ptdn'.)  NoQ,  ne  regardez  rien  encore; 
faites  serrer  cela,  je  voos  prie.  (A  iiiatm.)  £t  Yons,  je 
voDS  conjure  de  ne  voas  relâcher  point,  et  de  garder 
UB  esprit  gai,  pour  le  dessein  que  j'ai  d'achever  notre 
ouvrage. 

ISIDOKI. 

Je  conserverai  pour  cela  toute  la  gaieté  qu'il  (aot  *. 


SCÈNE  xiir. 

DOM  PËDRE,  ISUX)RE. 

ISlIKtRK. 

Qu'en  dites-vous?  ce  gentilhomme  me  paroît  le  plus 

civil  du  monde,  et  l'on  doit  demeurer  d'accord  que  les 

François  ont  quelque  chose  en  eux  de  poli,  de  galant, 

qae  n'ont  point  les  autres  nations. 

DOM  pàona. 

Ooi  ;  mais  ils  ont  cela  de  mauvais,  qu'ils  s'émancipent 
an  peu  trop,  et  s'attachent,  en  étourdis,  à  conter  des 
fleurettes  à  tout  ce*  qu'ils  rencontrent. 

ISIDORE. 

Cest  qu'ils  savent  qu'on  plaît  aux  Dames  par  ces 
choses. 

t.  A  D.  PàJrt,im  H^l  ftit  U  farlrail.  {l^H.) 

t.  •  Pirmiln  roHi....  cmplojMt  aa  Ibéttre,  dil  ABgcr.ani  d«  plu  eam- 

•fia  ia  l'iatrodiiin  loprà  da  M  BillnH*.  Holun  n'i  pu  bit  onfi  iwiH 
it  qsBtn  lob  il*  «  noyea  d>  comédli.  Ici  AdniM  m  as  paûtrai  dama 
fAmomr  midtti»,  Clitandra  aat  db  doclnri  dau  fa  MMitia  mil f ri  Ui, 
Liaadn  «a  os  apoiUcai»  1  anfia,  daai  /a  MmiaiU  imaginairt,  CUima  aat  aa 

3.  SCÉSE  XIV,  {i7Îi.} 

4.  A  toaa««a.(i7io;bate  éiidaU.)  —  AUMMiMUM.(i;i8,  3d.  31.  !«■] 


-•7«  LK  SICILIEN. 

DOM    PiDU. 

Oui  ;  maisi  s^ili  plaisent  aux  DameSt  ik  dëplaûent  fart 
;aiix  Messieurs;  et  Ton  n^est  poîni  bien  aise  de  Toir,  tnr 
sa  moustache^  cajoler  hardiment  sa  femme  <m  sa  aiai- 
tresse. 

ISIDOaB. 

Ce  qu^ils  en  font  n*est  que  par  jeu. 

SCÈNE  XIV. 

CLIMÈNE,  DOM  PÈDRE,  ISIDORE. 

CLIMiNS,  TOiUe. 

Ah*!  Seigneur  cavalier,  sauvez-moi,  s*U  vous  pUft, 
des  mains  d*un  mari  furieux  dont  je  suis  poursuivie.  Sa 
jalousie  est  incroyable,  et  passe,  dans  ses  mouvements, 
tout  ce  qu'on  peut  imaginer.  Il  va  jusques  à*  vouloir 
que  je  sois  toujours  voilée  ;  et  pour  m'avoir  trouvée  le 
visage  un  peu  découvert,  il  a  mis  Tépée  à  la  main,  et 
m*a  réduite  à  me  jeter  chez  vous,  pour  vous  demander 
votre  appui  contre  son  injustice.  Mais  je  le  vois  pa* 

I.  Sons  M  Boutadia.  (1734.)  —  MoKire,  eomme  l'a  fiilt  nad  Uh^pk 
aaat  Mbm  de  Sérlgn^  (tooM  V,  p.  34i),  ▼ari«  la  phraaa  proferbiala  «aliMr 
*mr  U  mmutmcke,  qu'il  a  emploTéa  an  ven  io33  da  CÊcoU  des  femmes 
(tooM  in,  p.  a3a),  et  qa*a  emploTée  aiuii  la  FonUiae  «. 

A.  SCÈNE  XV. 

zàÎDEj  D.  pia>ui,  ismoEB. 

Zàb». 

Ahl  (1734.)  —  Sur  ee  aom  dîffirent  de  Zaîde  âonnh  dane  eette  MîdeBM 
'BMi^wn  penosnage,  Toyei  ei-detnu,  p.aSi,  note  3. 
3.  Joaiia'à.  (1730,  34.) 

•  Aa  vert  3i5  de  U  Compe  tmekoMtiê^  le  tr*  eoate  de  la  3*  partie,  p.  Si 
•de  r^ditioa  BarUn,  1671;  tome  II,  p.  188,  de  rMitlon  de  M.  Martj-U- 
vean  :  dans  eette  dernière  ii*eit  point  iadiqaée  la  Tariante  :  «  toos  la  oMaf- 
•tadhe,  »  qui  est  nai  dbate  aae  loçoa  nas  aatorilé,  biea  qoe,  adoptée  par 
Walakenaer  ea  iSaS,  elle  ait  paieé  delà  daatle  DUtiMUimM  dé  M.  UiÊré. 


SCAlfB  XIT.  «7t 

nîire.  De  gnc«,  Seigneur  cavalier,   MUTO-moi  de  n 
farenr. 

DOH  pi»Bx'. 
Entrez  U  dedans  arec  elle,  et  a'apprébeodez  rien. 


SCÈNE  XV \ 

ADRASTE,  DOM  PÈDRE. 

DOH  pAdRK. 

Hé  quoi?  Sei^eur,  c'est  vous?  Tant  de  jaloiuie  pour 
on  François?  Je  peasois  qu'il  n'y  eût  que  nous  qui  en 
Jutions  capables. 

Les  François  excellent  toujours  dans  toutes  les  cho- 
ses qu'ils  Font;  et  quand  nous  nous  mêlons  d'être 
jaloux,  nous  le  sommes  vingt  fois  plus  qu'on  Sicilien. 
L'infôme  croît  avoir  trouve  chez  vous  un  assuré  refu^  ; 
mais  vous  êtes  trop  raisonualile  pour  blâmer  mon  res- 
sentiment. Laissez-moi,  je  vous  prie,  la  traiter  comme 
«lie  méritË. 

DOH  pAdhx. 

Ah!  de  grâce,  arrêtez.  L'offense  est  trop  petite  pour 
un  eoorroox  si  grand. 


La  grandeur  d'une  telle  offense  n'est  pas  dans  l'im- 
portance des  choses  que  l'on  fait  :  elle  est  ù  transgresser 
Jet  ordres  qu'on  nous  donne  ;  et  sur  de  pareilles  ma- 
tières, ce  qui  n'est  qu'une  bagatelle  devient  fort  cri- 
(nînel  lorsqu'il  est  défendu. 

DOH  piDBS, 

De  la  façon  qu'elle  a  parlé,  tout  ce  qu'elle  en  a  fait  a 

'.  07340 


<i7!i  LE  SICILIBN. 

èU  sans  dessein;  et  je  Tons  prie  enfin  de  vous  remettre 
bien  ensemble. 

ABIIASTt. 

Hé  quoi?  vous  prenez  son  parti,  vous  qai  êtes  si  dé- 
licat sur  ces  sortes  de  choses? 

DOM  PiDRB. 

Oui,  je  prends  son  parti  ;  et  si  vous  voulez  m*obligert 
vous  oublierez  votre  colère ,  et  vous  vous  rëconcilierez 
tous  deux.  C*est  une  grâce  que  je  vous  demande;  et  je 
la  recevrai  comme  un  essai  de  Tamitié  que  je  veux  qui 
soit  entre  nous* 

ADRÀSTE. 

n  ne  m^est  pas  permis,  à  ces  conditions,  de  toiis 
rien  refuser  :  je  ferai  ce  que  vous  voudrez. 


SCÈNE  XVI. 

CLIMÈNE,  ADRASTE,  DOM  PÈDRE. 

DOM  PiDllB^ 

Holà!  venez.  Vous  n*avez  qu*à  me  suivre,  et  j*ai&it 
votre  paix.  Vous  ne  pouviez  jamais  mieux  tomber  qne 
chez  moi. 

CUMÂlfE*. 

Je  vous  suis  obligée  plus  qu^on  ne  sauroit  croire; 
mais  je  m*en  vais  prendre  mon  voile  :  je  n*ai  garde, 
sans  lui,  de  paroitre  à  ses  yeux. 

1.  scÈifE  xvn. 

ZAÎDB,  D.  pisDRS,  ADKA8TS  tUuu  «H  eoÎH  du  ikéûtre, 
D.  PàDRx,  à  ZaUê.  (1734.) 
a.  ZaCoi.  {aUêm.) 


.  SCÈNE  XYL  173 

La  voîci^  qui  s^en  ya  venir;  et  son  àme,  je  vous  assure, 
a  para  toate  réjouie  lorsque  je  lui  ai  dit  que  j*ayois  rac- 
conunodé  tout. 

SCÈNE  XVII. 

ISIDORE,  font  le  ToU«  de  GUmène,  ADRASTE, 

DOM  PÈDRE. 

DOM  PÂDRB. 

Puisque  vous  m*avez  bien  voulu  donner  votre  res- 
sentiment*, trouvez  bon  qu'en  ce  lieu  je  vous  fasse  tou- 
cher dans  la  main  Tun  de  i^autre,  et  que  tous  deux  je 
vous  conjure  de  vivre,  pour  Tamour  de  moi,  dans  une 
parfaite  union. 

ADRASTB. 

Oui,  je  vous  le  promets',  que,  pour  Tamour  de  vous, 
je  m'en  vais,  avec  elle,  vivre  le  mieux  du  monde. 

DOM    PiDRE. 

Vous  m'obligez  sensiblement,  et  j'en  garderai  la  mé- 
moire. 

ADRÀSTE. 

Je  vous  donne  ma  parole.  Seigneur  Dom  Pèdre,  qu'à 
votre  considération,  je  m'en  vais  la  traiter  du  mieux 
qu'il  me  sera  possible. 

I.  SCÈNB  XVIII. 

D.   FJOMUI,    ADEAfTE. 

D.  PàoAi. 

LaToid.  (1734.) 

3.  SCÈNE  XIX. 

isiDoai,  satu  U  poiU  de  ZaûU^  aoeaks,  d.  pioM. 

D.  PiDU,  à  AirmêU, 

Paû^no  TOM  M*«v«B  Ymm.  Toaln  eh— Hoa— r  vtoirt  MneatinaoC.  {IhiéemJ) 
*-  RwT  gom  rêêtêmtêmmt  ett  an  bliaitae  1  «mmImmwv  àoUrêm  smmm. 
3.  Oei*  {•  Yooi  prooMto.  {Ibidmn.) 

Mouiiir.  Ti  18 


174  LB  SICILIEN. 

C*e8t  trop  de  grâce  que  vous  me  faîtes.  ^  Il  est  bon  de 
pacifier  et  d  adoucir  toujours  les  choses.  Holà  !  Isidoie, 
venez. 

SCÈNE  XVIII. 

CLIMÈNE,  DOM  PÈDRE». 

DOM  PiORB. 

Comment  ?  que  veut  dire  cela  ? 

CLIMÂME,  sani  Toile'. 

Ce  que  cela  veut  dire  ?  Qn^un  jaloux  est  un  monstre 
haï  de  tout  le  monde,  et  qu'il  n  y  a  personne  qui  ne  soit 
ravi  de  lui  nuire,  n*y  eût-il  point  d'autre  intérêt;  que 
toutes  les  serrures  et  les  verrous  du  monde  ne  retien- 
nent point  les  personnes,  et  que  c'est  le  cœur  qu'il  (aut 
arrêter  par  la  douceur  et  par  la  complaisance  ;  qu'Isidore 
est  entre  les  mains  du  cavalier  qu'elle  aime,  et  que 
vous  êtes  pris  pour  dupe. 

DOM  PBORE. 

Dom  Pèdre  souffiîra  cette  injure  mortelle!  Non,  non  : 
j'ai  trop  de  cœur,  et  je  vais  demander  l'appui  de  la 
justice,  pour  pousser  le  perfide  a  bout  ^.  C'est  ici  le  logis 
d'un  sénateur.  Holà! 

I.  Seul,    1734.) 

a.  SCÈNE  XX. 

xaSdb,  d.  vksïBM.  {rbidem,) 

3.  ZaEdb,  mhu  9oiU,  llbiiem.) 

4*  Si  Dom  PèdrSy  «a  proaoaçant  cet  daraiert  moU,  te  troave  daai  l^^ 
rMar  de  n  meiaoïi,  il  fant  qn'aux  moU  ■uinBU  on  changement  de  thcètre  k 
montre  ae  prêdpiuat,  à  traTers  la  place  on  la  me  dea  premièrea  eeênes,  w> 
4e  logia  du  Sénateor.  liait,  ti  Ton  admet  la  aoppotidon  Traiaemblable  iai^ 
qa4e  plot  haut  (p.  n58,  note  4],  let  chotet  peuvent  te  pataer  plot  aimplanaat: 
Dom  Ndre  n*a  qu*à  traferter  la  aetee  pour  te  rendre,  en  free  on  an  fond,  ta 
logitdn  Sénaieor.  Dèa  lert,  rien  n'oblige,  mteiott  la  comédie n*ctt  patdoaaêc 
une  let  danaw  «t  eoneerti,  è  baitter  ici  la  toile  et  à  enpprinMr  In  acènt  xn* 
•qui  cet  fort  plaiaente. 


v]S 


SCÈNE  XIX. 

LE  SÉNATEUR,   DOM  PÈDRE'. 

LE  UÉHATBVH. 

Serviteur,  Seigneur  Dom  Pédre.  Que  vous  veoes  m 
propos! 

DOM   PtDRE. 

Je  viens  me  plaindre  à  vous  d'un  aflroiit  qu'on  m'a  fiùt. 

LB  SSHATKUa. 

J'ai  fait  une  mascarade  la  plus  belle  du  monde. 

DOM  pftDBI. 

Un  traître  de  François  m'a  joué  une  pièce. 

Ll  SiHATBUa. 

Vous  n'avez,  dans  votre  vie,  jamais  rien  vu  de  ai  beau. 

DOM    pàDKB. 

Il  m'a  enlevé  une  fille  que  j'avois  affranchie. 

LK  SÉRtTEUI. 

Ce  «ont  gens  vêtus  en  Maures,  qui  dansent  admira- 
blement. 

DOM  PÈDll. 

Vous  voyez  ai  c'est  une  injure  qui  se  doive  souffrir. 

IK  SEITATZUR. 

Les  habits'  merveilleux,  et  qui  sont  faits  exprès. 

DOH    PkDBB. 

Je  vous  demande  *  l'appui  de  la  justice  contre  cette 
action. 

LE  aixiTEua. 

Je  veux  que  vous  vojiez  cela*.  On  la  va  répéter,  pour 
en  donner  le  divertissement  au  peuple. 

I.  SCfcHB  XXI. 

OK    HbflTHJH,   D.    PiOBB.  (l734.) 
1.  Dm  UmU.  {1718,  Jo,  33,  3(.]  —  3.  h  damauU.  (tt»t,  tjH 
4-  Dn*  b  phiMM  dat  wuiaaBn  iditioiM  :  •  na»  rooi  nva  ada. 


.    l 


976  LE  SICILIEN. 

G>mment?  de  qooi  parlez«vou8  là? 

tB  SBllAimilR. 

Je  parie  de  ma  mascarade. 

DOM  ptoas. 
Je  vous  parie  de  mon  affaire. 

LS  sénathjb. 
Je  ne  veux  point  aujourd'hui  d'autres  affaires  que 
de  plaisir ^  Allons,  Messieurs,  venez  :  voyons  si  cela 
ira  bien. 

DOM    PiDRE. 

La  peste  soit  du  fou,  avec  sa  mascarade  ! 

LV   SEHATBUa. 

Diantre  soit  le  (acbeuz,  avec  son  affaire  ! 


SCÈNE  DERNIÈRE. 

PluMeon  Maures  font  one  dame  eatre  eux,  par  où  finit  la  comédie*. 


I.  Qoe  de  plaîiîra»  (i773«) 

a.  SCÈNE  DERRIÈRE. 

Uff  SBlTATBURy   TROUPB   DB  DASSBUES. 
■NTBÛ   DX    BALLIT. 

(Ftnsiêttrt  danseurs ^  pêtus  en  Maures^  damseml  élevant  U  SémâUër^ 

et  finissent  ta  eomêiie.)  (1734*) 

—  Sur  ce  dernier  difvrtîaaenent  de  la  comédie  et  de  font  le  Mallet  ies  Mesu, 
«lÎTertiiaement  où  figorait  le  Roi,  Toyci  le  Upret,  ci -après,  p.  açS  et  p.  3oi> 

—  L*édition  de  1 734,  à  la  anite  da  Sieiiien,  ne  donne  pas  le  cadre  màs* 
de  la  comédie,  telqa*il  parut  (en  1667  aana  doute,  lors  des  demierilinf^} 
dans  le  lirrct  du  Ballet  des  Mnses  et  qu*on  le  trooTera  ci-après,  sous  Is  titn 
de  Quatorzième  entrée  (p.  99 (  et  suiTSUtes]  ;  rile  a  une  simple  liste  intitalée  : 
iNoMS  DKS  PKBSOicna  qmi  ont  rêeitè,  dansé  et  chanté  dan*  le  Sicilien,  esmééu' 
ballet  ;  c*est  que,  dans  cette  édition  (on  l*a  ru  par  les  notes  que  nsas  es 
avons  reproduites),  les  indications  les  plus  essentielles  do  lirret  ont  été rt- 
partÎRf  entre  Ic5  diiiiiseï  scènes  de  la  pièce. 

FIN  DU  SICILIEN, 


APPENDICE 

A  MÉLICERTEy  A  LA  PASTORALE  COMIQUE 

ET  AU  SICILIEN. 


BALLET  DES  MUSES 

DAStÉ  PAK  SA  HAJSm  Ul  tOH  CHA1ZAU  DB  ftAnT-OBBlf  AIK  BH  LAYB 

I.B   %*  91C1MBBB    l6<S6*. 


ARGUMENT. 

Les  Muses,  charmées  de  la  glorieuse  réputation  de  notre  monarque, 
et  da  soin  que  Sa  Majesté  prend  de  faire  fleurir  tous  les  arts  dans 
rétendue  de  son  empire,  quittent  le  Parnasse  pour  venir  à  sa  cour. 

Mnémosyne*,  qui,  dans  les  grandes  images  quVlIe  conserre  de 
Tantiquité,  ne  trouve  rien  d^égal  à  cet  auguste  prince,  prend  Tocca- 
sion  du  voyage  de  ses  filles  pour  contenter  le  juste  désir  qu'elle  a 
de  le  voir,  et,  lorsqu'elles  arrivent  ici,  îall  avec  elles  Touverture  du 
théâtre  par  le  dialogue  qui  suit. 


I.  ▼oy€i  d  dcwt  la  Woiicê  de  Mélicêrte^  p.  i95-i37  :  nous  donnons  de 
«e  iivnt  on  teste  eontarme  à  ion  denier  étet.  M.  Yietor  Foamd,  au  tome  H 
des  CmiiÊmparmm*  de  M^iièret  a  pubUé,  avee  une  notice  et  on  coinmentaire« 
toni  le  MalUt  des  Mutegg  il  a  joint  à  chaque  lécit  et  à  chaque  entrée  les  vert 
qoe  Bemaerade  avait  eompoaét  sor  la  personne  et  le  penonnage  de  ceux  qui 
y  figuraient  :  est  petites  pièces,  cas  eap&ees  d*ipigraniniet,  réunies  toutes  à  la 
fin  da  lîrret,  dans  les  eicmplaires  renia  aux  apectatenn,  en  forment  une  partie 
diatincte  que  noua  avons  cm  inutile  de  reproduire ••  —  On  trouvera  ci-après, 
p.  398,  note  a«  quelques  renseignements  sur  la  musique  eomposée  par  LuHy 
pour  ce  ballet. 

1.  Cest  la  Mémoire.  (iVbfe  de  Péditien  engimmle,) 


•  Las  vers  qai  étaient  à  Fadrease  de  Molière  et  de  LoUy  ont  phis  d'iMBiét  ; 
on  a  lu  les  premiers  dana  la  Notice  de  MélicerU  (p,  .i34);  las  seconds  sont 
cités  ci-après,  è  la  vn*  entrée,  p.  291. 


a7S  APPENDICE  A  MÉLIGERTE,  ETC. 

DIALOGUE 

DK  mSHOSTHE  BT  DU  ITOSIf. 

mroKwnrB,  Bille  HUain  *.< 
Enfin,  après  tant  de  hasarda, 
Nous  décoaTTons  les  heorenses  proTÎnoes 
Où  le  pins  sage  et  le  plu  grand  des  pHneea 
Fait  assembler*  de  toutes  parts 
La  gloire,  les  Tertus,  Tabondanee  et  les  arts. 

LIS  Muass. 
Rangeons-nons  sons  ses  lois; 
11  est  beau  de  les  saine  : 
Rien  n'est  si  doux  que  de  TÎTre 
A  la  cour  de  Loou,  le  plus  parCiit  des  rois. 

MSiMOSTlU. 

YÎTant  sous  sa  eonduite. 
Muses,  dans  tos  eonoerts. 
Chantez  ce  qu*tl  a  fait,  chantes  ce  qu*il  médite. 
Et  portez-en  le  bruit  au  bout  de  TuniTers. 
Dans  ce  récit  charmant  faites  sans  eusse*  entendre 
A  IVmpire  fran^ois  ce  quMl  doit  espérer, 
Au  monde  entier  ce  quUl  doit  admirer, 
Aux  rois  ce  qu'ils  doiTcnt  apprendre. 

LXS  MTOBS. 

Rangeons-nous  sous  ses  lois  ; 
11  est  beau  de  les  suivre  : 
Rien  n'est  si  donx  que  de  vinv 
k  la  cour  de  Loins,  le  modèle  des  rois. 

Tous  les  Arts  établis  déjà  dans  le  Royaume,  s^ëtant  assembUs  de 
mille  endroits  pour  recevoir  plus  dignement  ces  doctes  filles  de 
Jupiter,  auxquelles  ils  croient  devoir  leur  origine,  prennent  réso- 
lution de  faire  en  fiiveur  de  chacune  d'elles  une  entrée  particulière. 
Après  quoi,  pour  les  honorer  toutes  ensemble,  ils  représentent  k 
célèbre  victoire  quViles  remportèrent  autrefois  sur  les  neuf  filles  de 
Piérus. 

I.  Voyez  sur  cette  cantatrice,  tome  IV,  p.  7a,  note  5,  et  p.  i3i«  note  3.  -" 
Son  nom  est  à  la  marge  dans  le  Liprei. 

a.  Rassembler.  {Partition  Philidor.) 

3.  Les  mots  charmant  et  sans  etssê  ont  été  so^^krimés  dans  le  «diant.  Kooi 
avons  d'aîDeurs  trouvé  sans  intérêt,  pour  toutes  ces  paroles  qui  ne  sent  p«« 
de  Motiire,  de  relever  minotieusement  l'emploi,  les  répétitions  qa*a  pu,  snirsat 
la  coutume,  en  faire  le  masicien. 


BALLET  BBS  MUSBS.  379 


LES   NBUF   SOBURS. 


Muns  CMAWTAKTM»  i  MM.  le  Gros,  Femon  Tainë,  Femon  le  jenne, 
LtDfe,  Gottereau;  Saint-Jean  et  BufTeqoin*,  pa^s  de  la  musique 
de  la  ehamiire  ;  Auf^er  et  Loden,  pages  de  la  chapelle. 

L18   SBPT   ARTS. 

MM.  Hëdooin,  DestiTal,  Gingan,  Blondel,  Rebel,  Magnan  et 

Gaje. 

PRBMIÀRE  ENTRÉE. 

Pour  Uranie,  à  qui  Ton  attribue  la  connoissanoe  des  eienz,  on 
représente  les  sept  Planètes,  de  qui  Ton  contre&it  Téclat  par  les 
brillants  habits  dont  les  danseurs  sont  revêtus. 

JUPITBR,  LB  SOLBILi  MBRCURB,  VENUS,  LA  LUNE,  MARS 
VF  8ATURNB|  les  sept  planètes. 

Jupim  :  du  Pron*.  Lb  Soudl  :  M.  Cocquet.  Mbacurb  :  Saint- 
André.  Vbmus  :  Des- Airs  Tainë.  La  Luhb  :  Des-Airs  Galand.  Mams  : 
M.  de  Soaville.  Satubhb  :  Noblet  Tainë. 


DEUXIÈME  ENTRÉE. 

Pour  honorer  Melpomène,  qui  prëside  à  la  Tragédie,  Ton  fait 
paroitre  Pyrame  et  Thisbë,  qui  ont  serri  de  sujet  a  Tune  de  nos 
plus  anciennes  pièces  de  théâtre*. 

PYRAME   ET   THISb£. 

Ptbamb  :  Monsieur  le  Grand  *, 
TamÉ  :  Le  marquis  de  Mirepoix. 

1.  Pins  bas,  Bm/figmU. 

a.  LÎTraU  amériaon  :  «  JinmA  :  M.  le  doe  de  Saint^Aignan  »  (le  pie- 
Bûr  gnorilhomme  de  la  eiMmfate  du  Roi,  «pd  avait  paèridè  an  ftiaa  de  ViU 
tMàamUë  .•  Toyes  tome  IT,  p.  ^7,  aote  3). 

3.  A  ealle  tragédie  de  Thiophile  qni  evt  an  ai  graad  aoceèa  en  1617,  et 
daat  le  aovTenir  a  été  pcrpétaé  par  les  deux  Ton  fMaeex  qn*ea  a  eitéi  Belleaa 
(dans  sa  Pré/aee  de  1701)  :  Toyei  Isa  frèras  PaHaiet,  tone  lY,  p.  «69  et  soi- 


4.  On  sait  qa'4Mi  appelait  afaiii  le  graad  écayw  de  fnnee  :  c'était  alora^ 
Loaîa  de  Locraine,  eemte  d'AfBagnac. 


a8«  APPENDICE  A  MÉLICEETB,  ETC. 


TROISIÈHB  ENTEéB. 

Thalle,  k  qui  la  Comédie  est  consacrée,  a  ponr  son  ptftige  nue 
pièce  comique  représentée  par  les  comédiens  du  Roi',  etoompoiée 
par  celui  de  tous  nos  poètes  qui,  dans  ce  genre  d*écrire,  pent  le 
plus  justement  se  comparer  aux  anciens*. 

QUATRIÈME  ENTRÉE. 

En  rhonneur  d^Euterpe,  mnse  pastorale,  quatre  bergers  et  quatre 
bergères  dansent,  au  chant  de  plusieurs  autres,  sur  des  chanioiis 
en  forme  de  dialogue. 

I. 

CBAirSOV   SUE   UH   AU  DK  OATOTTB. 

[f**  covplet.] 

vs  sianaa  ekanu  U$  Jêux  premiers  vtrs^  gi  U  ohmar  iés  ripèu.  M,  Fcnos'* 

Vont  MTei  TioMMir  «stréne 
Qtt«  j*«i  prit  poor  vos  bMOE  yen. 

ui  aiaoïa  eoiaimme: 
Hâles-vout  d*aiBMr  de  même  : 
Les  DMMiieatt  loat  préeiciB; 
Tôt  oa  tard  il  Ikat  qu'on  aime. 
Et  le  plot  tAt  c*Mt  le  mieinc. 
{Le  dkmmr  répèiê.) 

[a'  eoaplet.] 

mr  AUTaa  BBaosa  ekanie^  M.  U  Gros*. 
Sa  dooeeun  rAmoor  abimde. 
Tout  M  rand  à  lei  appas. 

(Le  ekœur  répète  ces  deux  ven.) 


I.  MoUèrt  et  sa  troape.  (Noie  de  PêditUm  ùrigûuUêJ) 

%,  ComoM  eela  a  éti  dit  à  la  Ifotiee  de  Mélûerte  (p.  i3i-i37)  et  rsppdé 
ci-dessus,  p.  191,  note  i,  la  pièce  représentée  dans  Pantiée  de  Itialîe  fiit  ^ >* 
bord  (à  partir  du  9  déeembre  1666)  la  pastorale  bèrolque  de  MiUcerte^  paie 
(k  partir  du  5  janvier  1667)  la  Paetotale  eomiqme,  et  c*est  gièee  à  llascrlioa 
(aîte  an  Livrei^  immédiatement  après  ees  lignes  mêmes,  de  Tanalyse  et  deiio 
de  la  Paetoraû  comique,  que  1m  fragments  qui,  sous  ee  titre,  ont  pris  pl^e 
dans  les  QBuTres  de  Molière,  nous  ont  été  eonserrès. 

3.  M.  Femon  seul.  (PtiHittùn  Pkiiidar  s  d*une  main  peu  élégante,  qui  >*•■' 
trèt-prabablement  pas  eelle  du  copiste.)  La  partie  de  Femon  est  I  le  cfef  ê0> 
bautes-eontre. 

4.  La  segond  fois  Mr  legros  et  M.  d*estiualle  les  segond  paroDe  en  deecsen 
lamoor  abonde.  (IHdem ,«  même  UMin,  d*un  seribe  peu  lettré,  on  leTCit.jD'E*' 
tÎTal  duntait  la  partie  donnée,  au  premier  eouplet,  à  la  basse  ii  ** 


BALLET  DBS  MUSES.  s8t 


0»  vHMSt  Mt  fon  duM  Yumét 


Yoot*  pas? 
répitê.) 

IL 

cmuÊËOM  Mm  vm  adi  db  moBT. 

[i*  conplet.] 

vm  nWB  ekamtê  Us  dtu»  fremitri  Mrr,  «<  /e  chmur 
Us  r^kê.  M.  Fotmb*. 
VÎTOof  heurrax,  ■immu-nooi,  bergère; 
VÎTOM  heurem,  aimoat-Bouf. 

u  BUOKm  eotummê  *  : 
Daai  na  «adroit  loUuire 
Fajoai  les  yraz  des  jalons*. 


Thoaa  haarem,  aimoaa-aoat,  bargère; 
TiviHM  hannaz,  aiaMnii-aoas. 

iM.  anon  *. 
Daaaoaa  dattat  la  feagèra: 
loaou  aas  jaaac  laa  plna  doat. 


HvoBi  heaiaai,  aioMRaa-aoaa, 


[a'  eooplat.]] 

«X  AUTBB  BOMIB  dbmi0  li#  d!«ax  prtmùri  9€rs^  et  le  chmur  Us  répète  : 
AJaMWia,  aîaMMU-nons  toajoart,  SilHe, 

AiaMiaa,  aimoBt-aoot  toajoan.  o 


Saaa  oaa  n  doaea  aaYie, 

A  qaoî  paMor  aot  beaux  jours? 

UL  CBOBUa. 

Aîaioaa,  aîaioaa-aoaa  toijoiua,  SîlTÎe, 
Aimmii,  aiaMMU-aoos  toojonrs. 

Ll  BUU»B. 

Les  vrais  plaisirs  de  la  vie 
Soat  duM  les  teadres  amonrs. 


1 

a. 
S 

i 
5. 


n'aiaMrkNW.Boas.  [ParHtUm  Philidor.) 


k  PmrtUim  PkUidor^  saaa  iadication  da  cbsatear  :  •  Un  berger.  » 
M.  Panoa  seaL  {Pm-HtUm  Pkiiider.) 
DPaa  jaloas.  (IWam.) 
K.  le  Groa.  (/Mam.) 


98a  APPENDICE  A  MÉLICBRTE,  ETC. 


Aimons,  umonf-aoïu  toqowt,  Silfit, 
Aiinont,  aimons-noiit  Ux^oiar». 

QUATRE  BBRGBRS  BT  QUATRE  BERGÈRES. 

Bbagkrs  :  LE  ROI; 
le  marquis  de  Villeroi  ;  les  sieurs  Raynal  et  la  Pierre. 

BBRoàRxs  :  MADAME; 
Mme  de  Montespan,  Mlle  de  la  Vallière  et  Mlle  de  Toussî'. 

Huit  BRaous  chaittahts  :  MM.  Destival,  Hëdouin,  Gingan^ 
Blondel,  Magnan,  Gaye;  Buffeguin  et  Auger,  pages. 

Huit  BBaciaBS  cHAVTAirrKs  :  MM.  le  Gros,  Femon  Tainë,  Femoa 
le  jeune,  Rebel,  Cottereau,  Lange  ;  et  Saint-Jean  et  Luden,  piges. 

CINQUIÈME  ENTRÉE. 

En  faveur  de  Clio,  qui  préside  à  PHistoire,  voulant  représenter 
quelque  grande  action  des  siècles  passés,  on  n*a  pas  cru  pouToir 
en  choisir  une  plus  illustre  ni  plus  propre  pour  le  ballet  que  la 
bataille  donnée  par  Alexandre  contre  Porus,  et  la  générosité  que 
pratiqua  ce  grand  monarque  après  sa  victoire,  rendant  aux  vaincus 
tout  ce  que  le  droit  des  armes  leur  avoit  ôté  *. 

Le  combat  s^exprime  par  des  démarches  et  des  coups  mesurés  au 
son  des  instruments,  et  la  paix  qui  le  suit  est  figurée  par  la  danse 
que  les  vainqueurs  et  les  vaincus  font  ensemble. 

ALEXANDRE   BT    PORUS ',    CINQ    GRECS 
^  BT   CINQ   INDIENS. 

Alexandre  :  M.  Beauchamp. 

CnrQ  Grecs: M.  de  Souville;  MM.  la  Marre,  du  Pi*on,  Des-Âirs 
le  cadet  et  Mayeu.  Descousteaux,  tambour^,  Philebert  et  Jetn 
Hottere,  flûtes, 

Poaus  :  M.  Cocquet. 

1.  Voyez  ci-detsus,  p.  199,  note  i. 

a.  II  n*est  pas  doateaz  qae  eette  entrée  ne  £&t  on  tonvenir  de  la  tnfédir 
â^ Alexandre  le  Grande  que  Racine  avait  dédiée  an  Roi,  et  qol  avait  été  joeée 
pour  la  première  fois  le  4  décembre  x665,  aor  le  théâtre  da  Palais-Royal,  a> 
suite  à  THôtei  de  Bourgogne  depuis  le  18  du  même  mois.  Yoyea  la  Nitàce 
aur  Alexandre^  au  tome  I  des  OEmvree  de  Raenu,  p.  488  et  48^ 

3.  Partout  dans  le  lÂpret^  Porrus^  par  deux  r. 

4.  Ce  Deseouateauz,  chargé  d*esécnter  pour  cette  enbée  da  aimples  batte- 
ries de  tambour,  n*en  était  pas  moins,  solvant  tonte  probahiHta,  le 


BALLET  DfiS  MUSBS.  a83 

Cdq  IrooDit  :  UM.  PayaaB,  do  F«u,  Ârnald,  Jouan  et  Nd^let 
le  cadet.  Vagnart,  Umhour.  Piesche  et  Nicolas  Hottere*,  fiàtM, 

SIXIÈME  ENTRÉE. 

Pour  Calliope,  mère  des  beaux  rers,  les  comédiens  de  la  seule 
troupe  royale  représentent  une  petite  comédie  où  sont  introduits^ 
des  poètes  de  différents  caractères*. 

LES  POETES, 


Aion,  iMmnie  de  qualité  qui  prend  foin  d*ane  muearide 
pow  le  bal M.  la  Flenr. 

SiLT&iDii,  ami  d'Arist«,  qui  a  ordre  de  faire  une  petite 
comédie  poor  joindre  an  ballet. If.  Floridor. 

M.  LuA,  poète  soÎTant  la  eonr,  qui  n*estime  que  les  ion- 
nets M.  Haateroehe. 

diitingoé  dont  il  a  été  parlé,  mais  d*une  fa^n  incomplète,  an  tome  IV,  p.  86* 
Me  3.  Le  DicUonmaire  de  Jal  a  quelques  renseignements  plus  précis.  Fran« 
çoû  MgBoa  des  Couteaux  arait  depuis  iGOa,  an  plus  tard,  le  breret  d*un  des- 
jotMon  de  musette  et  de  hautbois  de  la  Chambre  ;  un  acte  de  1688  le  reconnaît 
•  pooTTo  d'une  charge  de  joueur  de  hautbois  et  flftte  douce  de  la  chambre  du 
^  et  d^ane  charge  de  hautbois  et  musette  de  Poitou  en  la  grande  écurie  de 
S.  H.  »  La  date  de  sa  mort  est  incertaine  ;  il  timit  peut-être  encore  en  1692 
et  Dénie  en  1703.  Jal  ajoute  qu'il  fut  Tami  de  Molière,  de  Racine,  de  Cha- 
pelle, de  h  Fontaine  et  de  Boileau  ;  c'est  beaucoup  dire  et  peut-être  un  peu 
trop  toaclore  d'un  récit  de  Fabbé  d'Oiiret  :  des  Costeanx  serait  l'interloeu- 
trar  à  qui  Molière  dit  son  mot  célèbre  sur  la  Fontaine  :  «  Nos  beaux-esprits 
oat  beau  se  trémousser,  ils  n'eChoeront  pas  le  bon- homme  ••  »  —  Jal  con- 
state d*sil]eurs  que  François  eut  deux  fils,  dont  l'un,  en  1668,  fut  reçu  en 
siniranee,  peu  après  la  mort  de  l'autre. 

I.  La  manière  dont  le  nom  d'Hottere  est  écrit,  en  cet  endroit  et  trois  li- 
gott  plos  haut,  pourrait  faire  croire  à  une  origine  allemande  (Hotter)  \  mais 
Bons  ne  doutons  pas  qu'il  s'agisse  des  Opterre  frères  nommés  à  la  tu*  entrée  du 
Mariage  foret  (tome  IT,  p.  86  :  Toyez  aussi  là  les  notes  4  et  e  )  ;  Opterre  se 
^^eontiv,  nous  dit-on,  comme  figurant  une  des  prononciations  du  nom  d'^ii- 

a.  Im  troupe  de  l'Hôtel  de  Bourgogne  n'avait  pas  été  tout  d'abord  appelée 

•  Bûtmre  de  PAemdémie/nnçoieêf  1739,  iii-4*,  p.  809.  Le  mot  est  rap- 
porté, ions  nn«  forme  qui  peut  sembler  plus  naturelle,  par  Lonia  Racine  dans 
M  Rifieximu  sur  U  poéeie  hren  la  fin  dn  chapitre  zix,  tome  II,  p.  5o8,  des 
Oiwfrtê  de  Louis  Racine,  édition  le  Ifmmant,  1808),  et  dans  wm  Mémoires 
^ne  1,  p.  a6a«  des  OEmres  de  iUctae);  aux  deux  endroits»  da  reste,  des 
Costeanx  n'est  point  nommé. 


aS/i  APPBNDICE  A  MÉLICERTB,  ETC. 


La  UàMiqiam  «muubr,  qvi  ■'■tlribm  Iw  wi  d'astral. .    M. 
Là,  CoMMB,  «Mlle  et  galtate,  q«  appnad  à  iûiv  4« 
wt Hlk  te  Œilleu'. 

La  MèM  «at  daaa  la  fakiia  da  chàtaas  aaof  de  Saist-GarautB. 


La  première  toène  est  entre  Aritte  et  Silvandre,  qui  se  dcmandr ot 
Vvok  à  Tautre  des  ans  en  attendant  le  bal. 

La  seeonde  scène  est  de  M.  Lira,  qoi  otfn  ses  sonnets  à  SU- 
▼andre  pour  la  petite  comédie  qu*il  doit  &ire. 

La  troisième  scène  est  d*une  mascarade  qu*Ariste  a  fait  pr^rrr 
pour  le  bal,  composée  d*une  danse  d'Espagnols  et  d*£spagnol», 
dont  une  partie  danse  au  son  des  instruments  et  Fautre  dame  ao 
chant  de  deux  dialogues. 

MASCARADB   BSPAGNOLB. 

Dbox  coHDUCTBuas  UB  LA  MASCAEADB  :  M.  le  duc  de  Saint-AîpiB 
et  M.  Beauchamp. 

ESPAGSOLS  QUI  DAVSKST  :  LE  ROI  ; 

Monsieur  le  Grand,  le  marquis  de  Villeroi,  le  mtarqub  de  Mire- 
poix,  le  marquis  de  Rassan. 

pour  catte  aatraa;  joiqu^à  la  fia  d«  jamfiar  1667  ,  aa  lieu  de  la  petite  eaariiK 
et  dea  dÎTertiasanienU  espagnol  et  batqae  qu'elle  prépare,  une  nmpk  daaie  àe 
cinq  Poëtca  avait  été  eiécatée  en  Itionaeer  de  CalKppe  :  Toyea  ei-desns,  à  !< 

290iic0t  p.  i3oet  i36.       '  '  t  *  ,  " .  -  '     '^  '  *  ,   h  ■  ^  ^  H  » 

I.  Sur  eat  rÎTaux  oétèbreS  des'côinédieàs  ^u' Maît-Royal,  Teyei  b  1>^ 
doBoée  par  M.  Y.  Fournel  en  tête  de  1*'  Tolame  de  tes  ComUmfotmM»  if 
Molière,  p.  xxn  et  soÎTantes,  les  artîelea  de  Jal  et  lea  aodfeas  dea  bèm  ?Ma 
Ceux-ci  ont  parlé  de  la  Flenr  (qui  allait,  arant  la  fin  de  cette  aaaêe  i6^< 
•neeéder  à  Peaiploi  de  Bfontfleary,  et  mourut  en  octobre  1674)  ^*^  ^ 
tooie  XII,  p.  ao4  et  suivaDtet;  de  Floridor  (le  tucceneur  de  Belleroee  et  ilar< 
près  d*acheTer  m  earnère*),  dans  leur  tome  VUI,  p.  217  et  seiTaBi«;<^ 
Raymond  Poisson  (qui  mourut  en  i6go),  dans  leur  tomeTII,  p.  34 1  et  saÎTaBle*^  ; 
enfin  de  Mlle  des  OEUIets  (qui  mourut  à  quarante-neuf  nna,  en  1670)*  ^'^^ 
leur  tome  XI,  p.  5a  et  suivantes.  Sur  Hantcrocbe,  antenr,  eomme  Pois«"> 
de  plus  d*une  comédie,  royes  notre  tome  III,  p.  3S9.  ^  Deux  antres  sdcen 
de  ]*HAtol,  Montflenry  et  Brécourt,  parurent  encore,  avec  Poiaion,  étm  l> 
XX*  entrée  dn  Ballet  (toyei  ci-aprés,  p.  aça). 

*  Il  monnitea  aoat  167t. 

*  M.  Fournel  a  sur  cet  aetear-entoor  une  noties  spéciale,  mlms  tane  U 
p.  4o3  et  aniTantaa. 


BALLBT  DES  MUSES.  «85 

EivuiHouE*  '   QUI   DAVtKVT  :  HADAHE  \ 
Mai  de  Moateipan,  Urne  de  Cniwl*,  Hlle*  de  la  VilUère  M  de 

brioiou  QDi  cmumMT  ■■  dukist  :  Joteph  de  Prado,  Aguuin 
yiiBoA,  SimoD  Agiudo,  Marco*  Garce*. 

EwiGioLu  QUI  attwTBÊT  WK  DviuiT  :  Francifca  Veion,  Haria 
de  lUan,  Maria  de  ValdM,  Jeronima  de  Olmedo. 

EvMiou  QOi  mvwwT  ■»  l*  utara  wr  DU  ooitâmu  :  Juan 
Nivatro,  loieph  de  Loeûa,  Pedro  Vat^ei*. 

].  Uai  Uk  du  dK  da  M"->— J—  at  i»  JuU*  il'Aa|maH  faut  iniH  du 
•«■«UCniMol,  pliuurdducd'Uiui  CitfwJ  <«t  uu  doaM  oae  fora*  pli» 
nfimcliM  d«  I*  proBOBciitioa  ordiaùrc, 

3.  La  ''fpf^-1^ll  «t  BipigBolM  noauB^  dau  cm  trait  dtmim  p«r«- 
giiplM  puÙHut  aTair  eonpo»!  I>  tiwipa  qui  Tint  dÉbaMr  tau  »BMii  k 
Him.  pta  iprà  le  mariage  du  Sol,  es  joillel  iWo,  ft  qui  iuic  naifa  an  iv- 
>n  dt  11  Itàu  (dia  u  a'ea  ntoua*  qn'ea  1S73]  :  TOfaB  U  chapltn  n  da 
I11  ^  daH  k  IU4tn  JrmMtau  hhu  LouU  XI F  par  H.  Daapoii)  al  TaMlck 
Ir  M.  £d.  fourDW  anr  fRtf^tgttt  »>  omiditm  >■  rrawa  «■  J:^/J>  <Uc<>. 
[Hiblii  diet  la  Ame  rfu  froriacti  du  1 5  KpUmbra  1  M(  [partieaBh^aal 
H'  itH-Soi) .  Il*  doasaint  leor*  reprÉanitatioM  1  l'HAtal  de  Beargogaa  ;  sa  Tolt 
^  b  LvKt,  et  (OM  fTlatMtmairttJ4llailemeùtlU*,Bt  par  Larat>,  qa^ 
iBdiiat  le  (^ot  M  la  diuc.  — D'jprà  H.  de  Puibaaqaa  •,  lew  chef  ilnt 
■ilMîu  da  Pnda,  l'iu  dei  plu  nBommii  eomidieu  de  l'EqiB|aa  1  1*  Lùnl 
«w  ia,  M  aTBUt  lei  aatrat,  Jottpt  de  Pnda  :  a»<«e  k  néuM?  il  HBble 
liiia,  nalgié  eatta  difCéraaee  da  préaom.  8ébtMian  de  Prado,  derean  nat, 
l<rii1lab(ir(li(Miupan*pi4iiODntoiu'deFraHe,etmoanitprAraeB  iSSS'- 

"nut  e»  EipafBa,  alla  la  retira  igalammt  da  thUtre,  dit  M.  de  Paihaaqae 
I  f.  tSo] ,  ■  éponaa  Vicaote  de  Obuedi,  mine  M  daBMnr  mumnit,  It  mmnt 
'>  1:°!.  Dla  aralt  éti  »f  ne,  «n  i6Sa.  xaur  da  la  eoalririt  da  KoU^Dame   - 
<1<  U  Rniiûei.  (  —  Simon  Agnado  atril  le  eiiwbr  de  U  troupe.    ^  ■      '  , 

•  •  Du>eee«ieaip>Maga,ianppartaatl  l'aBoéa  iMo{tMMlll,  p.  4Sa)i 
■  U I  iniit  dei  taaiiinmi  upacnoli  1  Sainl-Jau  da  i,ia.  La  Anna  j  alloil  loea 

u.: =,.    ..  .  ■•  la  fia  je  m'en  lamai.  Ul  du- 

«  eouMÎM;  il*  itubUkteat  aa 
,  — g ,  iaiaoïant  daa  ealam 


'  Tor«ji  la  JKmi»  de  Dam  Juan,  tooio  V,  p.  |3. 

'  Tbjb  le  TralmJo  iiiiarita  tUrt  tl  arigm  T  frogrtu»  i*  U  «amaJUr 
«'  Hiirimitm»  m  Sipaia....  for  D.  Cmim  Ptllwtr.,..  (Madrid.  1I04). 
'"  pirtie,  ».  ija-iSg. 

■  Toj«i  UUtm,  p.  U. 


a86         APPENDICE  A  MELICB&TE,  ETC. 


PMIMBêO  DSJLOeO. 


yijr/  tpÊit  paieito  iê  Jtmr  toê  rigoMê! 
Y  en  tanto  tormetUo  de^mayot^  tmiê  loyin/ 

Camia  Fraoeûca  Voob'. 


Ab  diUOtomJiMi^  qme  de  éssa» 

Al  matfeligroio  lé  emra  en  un  dût, 

(Canton  îodoe  loi  mismat  vertes^,) 


SECUNDO  DIÀLÛGO. 

Cania  Suaon  Àgnado  4. 

Sin  amor^  la  hermatura 

No  tiene  balor. 
Que  se  aumenian  las  graeiae 

Teniendo  aficÙM. 

Cnnia  Fnndiea  Vczon'. 

Aum^  fuiera  en  eue  laiùt 

Frenderme  el  Amor^ 
No  eertu  nmnea  el  dmeào     ^ 

De  nU  eoraeùn, 

{Canton  tothe  iot  ndtmoe  vertus,) 


X.  Prmàète  iemaam,  {PartitUm  PkUider.) 

A.  DaozifliiM  finame.  [Ibidem,)  ^ 

3.  «  Toui  1m  Espagnols  dunfeentlet  mêmes  ToneU,  »  tndnît  Philito  <i^ 
«a  copie  de  Versailles  :  d'après  les  signes  de  reprise,  il  est  prob^D"  ^ 
reprenaient  en  masse  chaenn  des  tots  longs,  et  par  saite  de  dsas  m 
eonrts  d*abord  diantés  par  le  soliste  ;  eependant  verseU  semble  enpMpotf 
^ot^lets, 

4.  Le  fol.  (Partition  Pkilidor,) 

5.  U  fol.  (Mdem.) 


BALLBT  DBS  HUSB8.  287 

UnTATION   DU   DBOX  DIALOOOI*  B*PAaaOL«. 

piunu  DUUMtts. 

Maria  <l>  Anija. 


s88  APPBNDICE  A  MÉLICERTK,  ETC. 


SIGUE  ML  PUMEM.  DUIOGO. 

Caitim  Karia  de  Aaajra  *• 

Ifo  ajr  coraeon  qme  mù  Umm  el  empemù 

De  haeer  dmemo  sujro  à  un  diot  nino  jr  eiêgo, 

Cmmis  Frandsea  V«sob*. 

De  Jmor  lot  rigoret*  dan  siempre  contente^ 
Que  camsan  placeres  eue  desabrimiemtoe. 

(Cantan  todat  ioi  mumoe  werêoe,) 


SiCVE  EL  SEGVttDO  DULOOO, 

Canta  SÎBiQik  Ag«ado^. 

jiumqme  temgae  mas  premdae 

Qme  em  lot  etrat  «f , 
Si  a  ^tiererme  no  ilegae. 

Las  as  de  Borrar, 

Canta  Fmaeitea  Ycion'. 

O  que  Heu  enojado 

Te  dexa  el  desdeni 
Sin  agradar^  ninguao 

Intente  fuerer. 

ICamtan  todos  las  mismas  Pêrsôs,) 


u  Première  fomme.  (Partition  PkUidar,) 
a.  Deniiàme  femme.  (Ibidem,) 

3.  L*ori(iwil  a,  par  faute,  las  rigorés\  la  première  eopie  Philidor  et  le 
tome  A  ont«  eomme  on  a  la  aa  prmnier  veri  da  premier  dialogue,  /et  ri^ 
gores.  Il  n*7  aurait  d'aîUean  pat  à  tenir  grand  compte  de  Philidor,  qui  n*a 
certainement  que  pea  compris  et  a  fort  faroaillé  et  mal  ajoitè  an  notes  toot 
ce  teite  espagnol;  dans  sa  copie  de  Yersailifls,  povr  laqueUe  il  arait  le  Lîpret 
sons  la  main,  il  a  rétabli  la  fente  :  las. 

4.  Le  fel.  (Partition  Philidor.) 

5.  U  fol.  (Ibidem.) 


BALLET  DES  MUSES.  289 


•Um    DU  PBBMm   DIALOGUE. 

Maria  da  Anaya. 

Qae  toof  les  eœan 
Craigneiit  l'Amour  pour  mattre. 

Que  Uhu  les  eostirs 
ÉTÎtent  ses  rigueurs  I 

Francîsea  Yezon. 

11  plaît  toa|oiirB,  tout  cruel  qa*il  poisse  être; 
Tout  ea  est  dota  josques  à  ses  laagnenn. 


•Um   DU   SBCOHD   DIALOGUE. 

Simon  Aguado. 

Ayei,  s*il  est  possible, 

Cent  fois  plus  d'appas  : 
Cest  un  déCint  horrible 

Que  de  n'aimer  pas. 

Francîsea  Yexon. 

Une  heureuse  eoMre 

Vient  Tons  animer  : 
Si  TOUS  manques  i  plaire, 

Moqua-tons  d'aimer  ^. 


:.  GardeipTons  bien  d'aimer  :  toyez  an  Tcrs  579  du  Tartuffe. 


MoMjhau  TI  tg 


«90   '       APPENDICE  A  MÉLICERTB,  ETC. 

La  quatrième  scène  est  du  marquU  et  de  la  comteMe,  qui  te 
moquent  Tun  de  l'autre . 

La  cinquième  scène  ett  de  la  comtetse^  qui,  tandis  que  le  marquis 
Ta  chercher  ses  gens,  lit  des  Ters  qu'elle  a  faits,  qui  sont  sans  me- 
sure et  qui  n'ont  point  de  rime,  quoique  les  mots  qui  doirent  rimer 
ne  soient'diffërents  que  par  une  seule  lettre. 

La  sixième  scène  est  des  avis  ridicules  que  le  marquis  et  la  com- 
tesse donnent  à  Silvandre  sur  le  sujet  de  la  petite  comédie  qu'il  a 
ordre  de  faire. 

La  septième  et  dernière  scène  est  d'une  entrée  des  Basques  du 
marquis,  et  de  la  résolution  qu*Ariste  fait  prendre  à  SilTandre  de 
ne  point  chercher  d'autre  sujet  que  celui  qui  lui  est  offert  par  le 
hasard  dans  tout  ce  qu'il  rient  de  Yoir. 

Basqvbs  :  Monsieur  le  Grand,  M.  le  marquis  de  Yilleroi,  le 
marquis  de  Hassan,  M.  de  Sourille;  MM.  Beauchamp,  Chicannean, 
Farier  et  la  Pierre. 


SEPTIEME  ENTRÉE  ET  RÉCIT. 

On  fait  parottre  Orphée  (fils  de  cette  Muse  Calliope),  qui,  par 
les  dirers  sons  de  sa  lyre,  exprimant  tantôt  une  douleur  languis- 
sante et  tantôt  un  dépit  riolent,  inspire  les  mêmes  mourements  à 
ceux  qui  le  suiyent;  et,  entre  autres,  une  Nymphe*,  que  le  hasard 
a  fait  rencontrer  sur  l'un  des  rochers  qu'il  attire  après  lui,  est  tel- 
lement transportée  par  l'effet  de  cette  harmonie,  qu'elle  découTre, 
sans  j  penser,  les  secrets  de  son  cceur  par  cette  chanson  : 

Amour  trop  indiieret*,  deToirtrop  rigoareoz. 
Je  ne  Mit  lequel  de  Toas  deux 
Me  eaoM  le  plus  de  martjre'  : 
Mais  qae  e*est  on  mal  dangerenx 
D'aimer  et  ne  le  poayoir  dira  I  * 

X .  Eurydice,  d*aprèt  la  copie  de  Yersaillet. 

a.  «  Trop  indiscret  amour  »,  dans  la  partition  Philidor,  le  musicien  ayant 
préféré  appuyer  sur  une  syllabe  plus  sonore. 

3.  Fin  de  la  première  reprise,  qui  est  à  redire,  ainsi  que  la  seconde  :  dans  celle» 
ci  le  dernier  vers  est  à  reprendre,  et  tPaimer  y  est,  la  première  fois,  répété 

4.  Dans  la  première  partition  Philidor,  ainsi  que  dans  la  copie  de  Versailles 
a  été  recueilli  ce  second  couplet,  que  la  Nymphe  chantait  avec  des  yariations 

Le  plus  heureux  amant  ressent  mille  douleurs, 
Amour  se  nourrit  de  nos  pleurs, 
Sous  ses  lois  toujours  on  soupire  ; 
Mais  c*est  le  plus  grand  des  malheurs 
D*aimer  quand  on  ne  le  peut  dire. 


BALLET  DES  MUSES.  «91 

Oira^  :  H.  de  Lnlli'. 
'  Nymtki  :  Mlle  Hilaire*. 

Hoir  Tnucnn  :  HM.  Dn-Ain  V^ai,  Dm-AÏt*  Galand,  NoU«t 
l'ainé,  FêJter,  Saint-André,  Deaoneti,  Bonard  et  Foignac. 

HUrnÈUE  ENTRÉE. 

Ponr  Érato,  qne  fan  înToqne  paiticnlîiRmeiit  en  anonr,  on  a 
tiri  «U  amantt  de  doi  ronum  la  phu  famnu.  Gamme  Tbéafinc 
et  CaricUe,  Mandaue  et  Cjmi,  Poleiandic  cl  Alcidiane*. 

noa  ÀMAim  et  tbois  ahantis. 
Amuti  :  Cjmi,  LE  ROI  ; 

PeUxaitJn,  le  manjoU  de  VîUeroi;   rUn^ibie,  U,  Beanchamp. 
A>*mi  :  Maniiaiu^  H.  Rajnal;  Alâdiaiu,  le  marquU  de  Hirc- 
poix;  C«rUUe,  le  ûenr  la  Pierre. 


Pour  H.  de  LdIIj,  OrptA;  : 
Cet  Orfht»  m  la  godl  Irèi-délieil  M  fiai 
Cnt  ronowntdu  liicle,  et*  a'cM  rim  qall  a'tttïn. 
Soit  honoMa,  ■aimiaii,  boi«  et  fochen  eofia, 
Da  BB  ■/InrfimiT  de  n  dumuite  Ijn. 
ÙTcnt  pu  1  pu. 


Ob'!!  Mt  cTselleBeDl  btigni  pir  Im  bilf. 
1*  HOiire  itaït  ilH«  i  LuQj,  étiat  I>  Unie  nutenell*  de  u  remme. 
sgÊDg  et  Chirirlre  s'éuiimt  p»  prccuimeat  du  tgarct  pt'ua  i'aa  de 
iDi.  Hais  Aeijot  iTait  popularisé  VHUtoîrt  mtkiopi^Mt  de  Meltwionu^ 
r  iix  livrât  traitant  Jet  iojralu  et  pudiqnet  amourt  de  Tivagènee, 
Tieteaiien  et  Cliariclea  ^liiopiiwu^  \  traduite  d'abord  par  lui  en  i5j7,  puii 
fenw  en  l559,  eUe  fui  pluaieara  fait  r£iaiprimëe.  —  Les  p«raoaaaget  de  Maa- 
dase  M  da  Cjroa  rappelaient  le  romiD  de  Mlle  de  Scudérj;  eeui  de  Polcuodra 
et  d'AIôdiaoe,  le  roman  aoD  moLu  célèbre  de  Gomberrllle'. 

a  Tel  eat  bien  le  teite  du  Linret.  et  il  eat  aian  teali  daai  Ici  OBurrei  de 
BlaeteraJi  (1697,  tone  II,  p.  366). 

*  Titra,  d'aprèa  Courier,(le  l'édilion  de  iSSq,  reproduite  par  lui  ca  iSll. 

•  Le  Polemmlre  (1610-1637}  aaait  caaunen»  1  charinsr  aea  nambreu  lec- 
teur* niM  TliigtaiaairanneeaaTBntrîaipreniond'.^umJneou  le  Grand  Cjrriii  ; 
il  T  en  aTait  une  eoatiouation.  Bon  tenBlnia,  la  Jemte  Alcidiane,  poUiôa 
■■  16S1. 


«9»  APPENDICE  A  MELICERTE,  ETC. 

NEUVIÈME  ENTRÉE. 

Pour  Polymnie,  de  qui  le  pouToir  •Mtend  sur  TÉloquence  et  la 
Dialecti^e,  trois  philosophes  grecs  et  denx  orateurs  romains  sont 
représentés  en  ridicule  par  des  comédiens  françois  et  italiens,  anx— 
queb  on  a  laissé  la  libôté  de  composer  leurs  rôles. 

ORATBUR8  LATIK8  BT  PHILOSOPHES  GRBC8. 

oEATinas  LATnrs.  philosophas  oaxcs. 

CUéron.      Arlequin.  Démoerite.      Montfleury. 

Hortencê^.  Scaramouche.  Heraclite,       Poisson. 

Sénateur,    Valerio*.  Le  Cynique,    Brécourt*. 

DIXIÈME  ENTRÉE. 

Pour  Terpsîchore,  à  qui  Tinrention  des  chants  et  des  danses 
rustiques  est  attribuée,  on  fait  danser  quatre  Faunes  et  quatre 
femmes  sauvages,  qui,  pliant  en  diverses  façons  des  branches  d^ar- 
bre,  en  font  mille  tours  différents  ;  et  leur  danse  est  agréablement 
interrompue  par  la  voix  d^un  jeune  Satyre  : 

aicrr  nu  sattsx. 

Le  MMii  de  goAlar  la  vie 

Ett^  id  Botra  emploi  : 
Ghacan  y  toit  toii  envie  \ 

Cest  notre  uniqae  loi. 

L'Amour  tonjoan  noof  inipire 

Ce  qtt*il  a  de  pliu  doux  : 
Ce  n*e9t  jamais  qae  pour  rire 

Qa*OQ  aime  parmi  noiu, 

I.  On  reconnaît  le  nom  franeiai  d^Hortenaiiu. 

a.  Les  comédiens  italiens  désignés  id  par  le  nom  de  leur  emploi  étaient 
les  deux  eélébres  Dominique  Biancolelli  (qui  joua  en  France  de  1661  à  1688),  et 
Tiberio  Fiorilli  (connu  depuis  la  fin  du  règne  de  Louis  XIII  et  qui  ne  moumt 
qu'à  la  fin  de  1694*)*  piûs  Giadnto  Bendinelli  (venu  arec  Dominique,  eomme 
snceêsaeur  de  Tamoureux  Horatio,  mais  peu  connu,  et  qui  doTsit  mourir  dès 
mars  1668  ^).  —  La  comédie  italienne  n'était  pas,  eomme  Tespagnole,  établie  à 
l'Hôtel  de  Bourgogne,  mais  au  Palals-Rojal. 

3.  Sur  Montfleury,  vojex  notre  tome  111,  p.  38o  et  38 1 .  —  On  a  vu  d-dessns, 
p.  a84.  Poisson  remplir  un  premier  rôle  dans  le  Ballet.  —  Bréeonrt  était  on 
transfuge  du  Palais-Royal;  il  avait  passé  à  l'Hôtd  de  Bourgogne  en  16649  six 
mois  aprèa  avoir  figuré,  conmieon  s'en  sonvient,  daBsr/jnprompfs  de  F'ersaiiiee, 

4.  Fait.  {Partition  Pkilidor.) 

•  Yoyei  tome  Y,  note  i  de  la  page  335. 

*  Voyei  son  aitide  dans  le  Dictionnaire  de  Jal, 


BALLET  DES  MUSES.  %^ 

Satyrt  ;  H.  le  Groi. 

Quatre  FauMtt  ;  H.  DoIÏTct,  !«•  tienn  Sunt-AadH,  Noblet  V^ni 
et  I>e*-\ir«  GaUnd. 

Quatre  ftmmet  taufagtt  t  Le«  ueuTf  BonaH,  Detoneu,  PaTÏer  M 
Foîfjnac, 

ONZIÈME  ENTRÉE. 

\jt%  neuf  Miue*  et  le«  neuf  fille*  de  Piëruf  dantent  i  l'enri,  tan- 
tAC  •^par^mcnt  et  tantAt  eiuemble,  chacune  de  ca  deux  tronpei 
aspizant  arec  mbae  ardeur  à  triompher  de  celte  qui  lui  en  oppoiée. 

Pinniu  :  MADAME; 

Sfjoe  de  Monleipan,  Mme  de  Conol ,  Mlle  de  la  Vallière, 
Mlle  de  Tomù,  Mlle  de  la  Mothe,  Mlle  de  Fienne*,  Mme  de 
Lndre*,  Mlle  de  Bnneai. 

Hncu  :  Hmet  de  Villeqnier,  de  Hocbefort,  de  la  Valliïre*,  dn 
PlcHÎt,  d'Endiconrt  ;  Mlle*  d'Arquîen,  de  LongueTal,  de  Coétlo- 
gon,  de  la  Marc, 

DOUZIÈME  ENTRÉE. 

Troi*  Nymphei,  qu'elle*  avoienl  choiiie*  pour  juge*  de  leur 
di^nte,  Tiennent  pour  la  terminer  par  leur  jugement. 
Tbou  Ntkpbu  mot*  du  comut  ;  LE  ROI  ; 
Le  marqnii  de  Villeroi,  et  M.  Beanchamp. 

TREIZIÈME  ET  DERNIÈRE  <  ENTR^. 

Haï*  le*  PiMde*  condamna  ne  Toulant  pa*  c&ler  et  recom* 
UcoçaDt  la  conteitation  avec  plu*  d'aigrenr  qu'auparavant,  forcent 
Jnpitcr  à  punir  leur  iniolenoe  en  le*  changeant  en  oiteaux. 

Jopma  :  Mooiieur  le  Grand. 

I.  Madamm^  par  iod  titre  de  chinainM**, 
a.  La  mirqDÛa  de  li  ViUièn, 

paliù  de  b  ReiiM. 

3.  Cctu  iadieatîaa  i»  Jtrtùir*  an  Ttttt  U  diai  1h  iwpriwicM  da  Unat 
origlul,  même  aprn  qn'fat  hÀ  •joMJ  l'intlloU  d'one  qnaMrnènw  otii*. 


194  APPENDICE  A  MÉLICERTE,  ETC. 

QUATORZIÈME  ENTRÉES 

Après  tant  de  nations  diffërentet  que  les  Muses  ont  fait  parottre 
dans  les  assemblages  divers  dont  elles  aroient  composé  le  diver- 
tissement qu^elles  donnent  au  Roi,  il  manquoit  à  faire  voir  des  Turcs 
et  des  Maures,  et  c^est  ce  qu*elles  sVvisent  de  faire  dans  cette  der- 
nière entrée,  où  elles  mêlent  une  petite  comédie  pour  donner  lieu 
aux  beautés  de  la  musique  et  de  la  danse,  par  où  elles  veulent  finir. 


COMÉDIE. 


PERSONNAGES. 

DOM  PÉDRE,  gentilhomme  ncilien.  Mouàsi. 

ADRÀSTE,  gentilhomme  françoia.  La  Granob. 

ISIDORE ,  esdave  grecque.  M^^  de  Ban. 

ZAÏDE*,  eaeb?e.  M"«  Mouàaa. 

H  ALY ,  Tore,  esdave  d*Aciraste.  La  TioanxiàsK. 

BfAonraAT  sic^jair.  Du  CaoïsT. 


SCÈNE  PREMIERE. 

Haly  amène  trois  musiciens  turcs,  par  Tordre  de  son  maître,  pour 
doimer  une  sérénade. 

Les  trois  musiciens  sont  :  MM.  Blondel,  Gaye  et  Noblet. 

SCÈNE  II. 

Adraste  demande  les  trois  musiciens,  et  pour  obliger  Isidore  à 
mettre  la  tète  à  la  fenêtre,  leur  fait  chanter  entre  eux  une  scène 
de  comédie. 


I.  Pour  cette  dernière  partie  da  Programme,  qui  contient  Tanalyte  du  5i- 
eilUm  et  donne  sur  la  distribution  des  rôles  et  la  mise  en  scène  de  la  comédie 
d'intéressants  renseignements,  Toyez  la  Notice  de  Mélieerte^  p.  i3a.  L*impres- 
sion  de  ces  pages  supplémentaires  ne  précéda  sans  doute  que  de  peu  la  pre- 
mière repr^ntation  donnée  le  14  féTrier  1667. 

a.  Le  nom  de  ce  personnage  a  été  changé  en  celui  de  Climèney  lors  de  l*im* 
pression  de  la  pièce  :  voyes  ci- dessus,  p.  a3i,  note  3. 


BALLET  DBS  MUSBS.  99S 


•Gà>B  DB  GOMiDn  CHAHTIB*  : 

■LOXDIL,  reprctentant  le  berger  Filine. 
Si  da  triste  récit ,  etc. 

OATB,  le  berger  Tircit. 
Les  oiieaaz  réjouis,  etc. 

•loudel. 
Ah  !  mon  cher  Tircis. 


Que  je  sens  de  peine! 


Qae  j*ai  de  soncis  ! 
Toujoori  soarde  à  mes  Toraz  est  Tingnite  Climcne. 

BLOHDIL. 

*  Qoris  n'a  point  pour  moi  de  r^ards  adoucis. 

OATB  et  BLomiKL  chantent  ensemble  : 
O  loi  trop  inhumaine,  etc. 
HOBLiT,  beiger,  les  interrompt  t 
PauTres  amants,  etc. 

BLOWDIL  et  OATB  répondent  ensemble  i 
Henreuz,  bélas!  etc. 

SCÈNE  IIP. 

Dom  Pèdre  sort  en  robe  de  chambre,  dans  robccuritë,  pour  tâ- 
cher de  connoitre  qui  donne  la  sérénade. 

SCÈNE  IV. 

Haly  promet  à  son  maître  de  trourer  quelque  inrention  pour 
fiiire  sâToir  à  Isidore  Tamour  qu*on  a  pour  elle. 

SCÈNE  V. 

Isidore  se  plaint  à  Dom  Pèdre  du  soin  qu'il  prend  de  la  mener 
partout  arec  lui. 

1.  Cette  scène  chantée  est  derenoe,  lors  de  l'impression  de  la  pièce,  la  troi- 
sième. —  Nous  ne  reproduisons  que  le  premier  Ters  des  couplets  donnée  dans 
le  Livret^lei  Tariantes  ayant  été  rdevées  au  bas  du  teste  de  la  comédie. 

9.  Les  scènes  dont  l'analyse  suit,  sons  les  noméros  m,  iv  et  T,  sont  les 
iv*9  y*  et  Ti*  de  la  pièce  imprimée. 


%g6  APPENDIGB  A  MÉLIGERTE,  ETC. 

SCÈNE  VI  «. 

Haly,  t&chant  de  dëcouTrir  à  Isidore  la  pasiîon  de  son  maître^ 
se  sert  adroitement  de  cinq  esclaret  turcs,  dont  un  chante  et  les 
quatre  autres  dansent,  les  proposant  à  Dom  Pèdre  comme  etclaret 
agréables,  et  capables  de  lui  donner  du  dirertissement. 

L*esclaTe  turc  qui  chante,  c'est  le  sieur  Gaye. 

Les  quatre  escUres  turcs  qui  dansent  sont  :  M.  le  Ptcttre,  les 
sieurs  Chicaneau,  Mayeu  et  Pesan. 

L'esclave  turc  musicien  chante  d*abord  ces  paroles  par  les- 
quelles il  prétend  exprimer  la  passion  d'Adraste,  et  la  faire  con- 
noître  à  Isidore,  en  présence  même  de  Dom  Pèdre  : 

D*im  ccBor  ardent,  etc. 

L*esclave  turc,  après  aroir  chanté,  craignant  que  Dom  Pèdre  ne 
Tienne  à  comprendre  le  sens  de  ce  qu*il  vient  de  dire,  et  à  s'a- 
percevoir de  sa  fourberie,  se  tourne  entièrement  vers  Dom  Pèdce, 
et,  pour  Tamuser,  lui  chante,  en  langage  franc,  ces  paroles  : 

Ckirihirida  homeka  la,  etc. 

Ensuite  de  quoi,  les  quatre  autres  esclaves  turcs  dansent,  puis  le 
musicien  esclave  recommence  : 

Ckirihirida  hou^a  la^  etc.^ 

lequel,  persuadé  que  Dom  Pèdre  ne  soupçonne  rien,  chante  en- 
core ces  paroles,  qui  s'adressent  à  Isidore  : 

C*eit  on  tiq»pUee,  ete. 

Aussitôt  qu'il  a  chanté,  craignant  toujours  que  Dom  Pèdre  ne 
s'aperçoive  de  quelque  chose,  il  recommence  : 

Chiribiri^  hùueka  la^  ete. 

Puis  les  quatre  esclaves  redansant,  enfin  Dom  Pèdre  venant  à  s'A- 
percevoir de  la  fourberie,  chante  à  son  tour  ces  paroles  : 

Sarei-Toas,  met  drôles,  ete. 

SCÈNE  VII». 

Haly  rend  compte  à  son  maître  de  ce  qu'il  a  fidt,  et  son  maître 
lui  fait  confidence  de  l'invention  qu'il  a  trouvée. 

SCÈNE  VIII». 
Àdrasfe  va  chez  Dom  Pèdre  pour  peindre  Isidore. 

t.  Uanalyie  qui  soit  se  rapporte  aox  ieènet  vn  et  Tm  de  la  pièee. 
a.  Seène  iz  de  la  pièee.  —  3.  Scènes  x  et  sa  de  la  pièce. 


BALLET   DES  HUSES. 


VMy,   àigmat  en   cavalier  licilien  *,  'rient   demander  contât  k 
Don  Pèdre  rar  nne  affiure  d'honneur. 

SCÈNE  X. 
lûdore  loue  à  Dom  Pèdre  le*  muiiire*  cirilet  d'Aditite. 


SCÈNE  XIII*. 

Dom  Pèdre  remet  lùdore  entre  le*  nuûni  d'&dnute  ntu  le 
TMle  de  Zafde. 

SCÈNE  IIV*. 

Zalde  reproche  à  Dom  Pèdre  n  jalcnuie,  et  lui  dit  qu'Iùdore 
n'ect  plm  en  ton  poncoir. 

SCÈNE  XV  ET  DERNIÈRES 

Dom  Pèdre  tb  faire  lei  plainte*  à  on  magiltrat  ùcilten,  qni  M 
l'entretient  que  d'une  mucarade  de  Maure*,  <|nî  finît  la  comédie 
et  tant  le  ballet. 


r*  de  II  F 
aiulU 


MiBii  iB  ciTaho'  «•{iiiae 

3.  La  Cliiata*  d*  U  pi 

4.  Td  oft  la  teU*  d*  1 

5.  SÙBU  m  *t  XTB 

6.  Sa»  zTia  d*  ta  pi 


ityS  APPENDICE  A  MÉLICERTE,  ETC. 

Cette  mascarade  est  composée  de  plusieurs  sortes  de  Maures. 

Maures  et  Mauresques  de  qualité: 
Lb  Roi,  Monsieur  le  Grand,  les  marquis  de  Villeroy  et  de  Hassan. 
Madâmb,  Mlle  de  la  Vallière,  Mme  de  Rochefort, 
et  Mlle  de  Brancas. 

Maures  nus: 

M.  Coquet,  M.  de  Sourille,  MM.  Beauchamp,  Noblet,  Chicaneau, 

la  Piore,  Parier,  et  Des-Airs  Galand. 

Maures  à  capot  ^  : 
MM.  la  Marre,  du  Peu,  Amald,  Vagnart,  et  Bonard.  * 

I.  Portant  de  petitM  capes,  des  manteaux  à  eapaehon.  La  Satyre  Ménippie 
(p.  114  de  rédition  Labitte)  habille  malicieosement  êon  député  pour  la  no- 
blesse de  France  «  d*un  petit  capot  à  Tetpagnole  et  one  hante  fraiae.  » 

a.  La  mnsiqae  dn  Ballet  des  Muses  remplit  nn  des  yolomet  de  la  eoUeetion 
Pfailidor,  le  n*  94*  Ce  Tolnme,  par  les  eorrectionf  et  notes  qu'on  7  remarque 
«t  qoi  ont  dû  7  être  ajoutées,  sinon  de  la  main  de  Lully,  du  moins  sur  ses 
Indieations  et  probablement  en  Tue  des  premières  représentations,  en  tout  caa 
du  Tirant  de  Molière  •,  est  assurément  un  des  plus  précieu.  Une  note  constate, 
au  haut  de  la  première  page,  qu'il  a  été  «lacéré  au  commencement  et  à  la  fin;  » 
mais  il  est  aisé  de  s'assurer  qu'il  n'a  guère  perdu  que  deux  on  trois  £euil- 
lets,  demeurés  blancs  solvant  toute  apparence  :  la  copie  de  la  partition  se 
trouTC  encore  intacte  et  complète  dans  les  104  psg«s  qui  restent.  Un  feuillet 
préliminaire  porte  ce  titre  :  «  Ballet  des  Muses^  dansé  derant  le  Roi  à  Saint-Ger- 
main-en-Laye  en  1666,  fait  par  M.  de  Lully,  surintendant  de  la  musique  de  la 
Chambre.  »  Sur  la  page  i  a  été  appliquée  l'étiquette  ordinaire,  datée  de  170a, 
des  livres  appartenant  à  Philidor.  L'œuvre  de  Lully  se  compose  des  morceaux 
•oivants  *  : 

Avant  le  Dialogue  d'introduction,  une  Ouverture  instrumentale.  —  Pour  le 
DULOOUS  DB  MHSMOSTifB  ET  DIS  Musas  :  I*  uu  premier  récit  ou  air  de  Mni* 
mosjrne  (accompagné  d'une  basse  chiffrée],  auquel  répond  une  première  fois 
le  CAceacrdea  Muses  *;  celui-ci  est  à  quatre  parties,  accompagnées  de  cinq  par- 
ties de  violons  et  d'une  basse  chiffrée  ;  les  deux  premiers  vers  des  Muses  sont 
dits  par  quatre  voix  de  solistes  probablement  (il  y  a  un  accompagnement  de 
basse  chiffrée),  puis  repris  à  quatre  parties,  mais  par  tout  le  chosur  sans  doute 

•  On  en  a  pu  juger  par  l'addition  citée  ci-dessus,  au  Sicilien^  p.  a54t 
note  I  ;  nous  donnons  les  principales  de  ces  annotations  rapides  :  voyez  ci- 


après,  à  la  IIl*^  à  la  iy%  à  la  VU*  entrée. 
^  Ceux  qu'exécutaient  l'orc 


qu'exécutaient  l'orchestre,  les  airs  de  danse,  sont  généralement  écrits 
à  cinq  parties  d'instruments  à  cordes  (on  disait  de  violons]  ;  pour  l'accomiia- 
gnement  do  chant,  une  basse  simple  d'ordinaire,  quelquefois  une  basse  chiffrée 
est  donnée  :  c'était  à  l'archet  de  la  basse  de  viole  de  raccentuer,  au  téori>e  et 
au  clavecin  de  compléter  l'harmonie  (voyex  le  Bourgeois  gentilhomme ^  acte  II, 
scèae  i). 

"  Et  des  Arts  :  ils  étaient,  d'après  le  Livret^  représentés,  entre  autres,  par 
d'Estival,  Blondcl,  Gaye  ;  ces  virtuoses  ne  poirvaient  être  là  en  figurants. 


BALL£T  DES  MUSES.  299 

■vee  un  aeeonpagncnMBt  àt  toat  rorehastre  s  les  deaz  rw  talTanti  lont  dîu 
une  première  fob  par  la  Imsm  leule,  accon^agnée  de  deux  parties  hautes  de 
TÎoIon  et  d'une  basse  ehitfirée,  et  encore  repris  en  dusar  avee  tons  les  instm- 
ments  ;  a*  on  second  air  de  Mnèmosjrne,  après  lequel  rerient  Tensemble  qui  a 
succédé  au  premier  air.  —  A  la  I'*  ENTRÉE,  un  air  de  danse  pour  Us  sept  Pla^ 
nèus.  —  A  la  II'*  ENTRÉE,  un  air  de  danse  pour  Pjramê  et  Tkishi, 


A  la  m*  ENTRÉE,  celle  de  la  Pastorale  comique,  Sdin  u  :   i*  un  air  de 
danse,  intitulé  Première  entrée^  pour  les  MagieisHs  ;  a*  un  premier  trio  (pour 
haute-contre,  uille  et  basse)  de  trois  Sorcières:  «  Déesse  des  appas...  >,  arant      .    / 
U  répétition  duquel  Tient  un  solo  de  basse  chanté  par  Tune  d'elles  :  «  O  toi  !  *^ 

qui  peux  rendre  agréables...  >  ;  3**  un  second  air  de  danse,  intitulé  Seconde  ^ 

entrée  (et  la  Chaeonne  des  Magiciens  dans  Tautre  copie  qui  est  à  Versailles)  ; 
4*  un  second  trio  de  trois  Sorcières^  dont  les  doubles  paroles  sont  écrites  les 
unes  sons  les  autres  dans  les  portées  :  «  Ahl  qu'il  est  beau,»  et  «Qu'il  est  joli.»  — > 
Sdknm  ux  :  i*  une  Ritournelle ^  à  deux  reprises,  de  deux  parties  hautes  (de 
violon  sans  doute)  et  d'une  basse  (qui  devait  soutenir  les  accords  d'un  davo- 
cin]  ;  elle  précède  un  air  de  basse  pour  Filène  :  «  Paisses,  chères  brri>is...  »  ; 
2*  le  dialogue  de  Pilène  et  de  Ljeas  (Molière)  :  «  Est-ce  toi  que  j'entends  ?  » 
encadrant  deux  airs  de  Filène  :  «  Iris  charme  mon  âme,  »  et  «  Je  t'étranglerai, 
mangerai  »  :  une  simple  basse  est  écrite  pour  l'accompagnement  du  dialogue 
et  du  second  air  ;  le  compositeur  y  a  ajouté  deux  parties  de  violon  pour  le 
couplet  d*/m  et  la  courte  réponse  qu'y  fait  Lycas.  •—  Scânx  rn  :  deux  courts 
récitatifs  de  Filène.  — •  Scàirx  yiii  :  un  air  de  danse  pour  les  Paysans  com" 
battras  avec  des  bâtons  •.  —  Scinx  xu  :  un  air  i  deux  reprises,  accompagné 
d'une  simple  basse  pour  Filène  :  «  N'attendex  pas  qu'ici....  »  —  Scànx  zm  : 
un  dialogue  où  Filène  seul  chante,  ou  Lycas  parle,  mais  où  la  basse  d'accom- 
pagnement, très-expressive,  donne  en  quelque  sorte  pour  luila  réplique  musicale 
(voyes  ci-dessus,  p.  198,  note  3).  —  Scàarx  xxy  :  uoe  Ritournelle  de  deux 
violons  probablement  et  d'une  basse  (non  chiffirée),  et  un  air  de  ténor,  accom- 
pagné d'une  simple  basse,  pour  un  Berger  enjoué,  <—  Entre  les  sGàxKS  xiv  et  xt, 
un  air  de  danse,  à  deux  reprises  ^,  pour  les  Paysans  réconciliés,  •—  ScAnx  xt 
xr  DXRmàxi  :  1*  un  premier  air,  noté  à  la  clef  des  hautes-contre  et  accom- 
pagné d'une  simple  basse,  pour  une  Égyptienne  :  «  D'un  pauvre  eaur...  »; 
a*  ce  même  air  repris  en  air  de  danse  par  l'orchestre  :  les  cinq  parties  ordi- 
naires sont  seules  écrites;  mais  il  est  certain,  d'après  le  Livret  (ci-dessus,  p.  ao3), 
que  douxe  danseurs,  conduits  par  Lully  en  personne,  mêlaient  à  la  symphonie 
des  violons  les  notes  pincées  des  guitares  et  le  bruit  des  castagnettes  et  des 
nacaires  :  œs  Instruments  avaient  pu  donner  aussi  un  caractère  plus  particulier 
à  l'accompagnement  du  chant  ;  3*  un  second  air  de  haute-contre  :  «  Croyei* 
moi,  hâtons-nous,  ma  Sylvie  »,  redit,  comme  le  précédent,  par  l'orchestre  en 
deuxième  air  de  danse  pour  les  Bohémiens.  Ainsi  se  terminait  la  Pastorale 
comique  d'après  la  première  copie  PhUidor  \  l'autre  de  lui,  qui  est  à  Versailles, 

'  Les  mots  comhatans  auee  des  battons  (sic)  ont  été  ajoutés  par  la  seconde 
main  qui  a  corrigé  et  annoté  divers  passages  de  cette  copie  de  la  partition.  — 
h*nrdet  Paysans  réconciliés  (scène  ix)  paraît  avoir  été  déplacé  :  voyex  ci-après, 
«ntre  les  scènes  xxt  et  xt,  et  ci-dessus,  p.  197,  note  7,  et  p.  aoi,  note  3. 

*  Placé  probablement  ici  par  erreur  :  voyez  ci-dessus,  p.  aoi,  note  3. 


/.*-■/     I  '  •  c 


^    \. 


I 

■ 

1     * 


3oo  APPENDICE  A  MÉLIGERTE,  ETC. 

Manille  bim  indiquer  que  les  leeoiidee  paroles  :  «  Fie  clierdioBt  tous  les 
jonrt...  a,  se  chantaient  encore,  et  non  immédiatement  après  les  premières, 
mais  après  que  la  mélodie  de  la  chanson  joaée  par  Tordiestre  arait,  nne  pre- 
mière fois,  accompagné  les  danseurs  ;  ce  second  couplet  derait  nécessairement 
-  ramener  j  pour  finir,  la  reprise  de  rorchestre  et  de  la  danse. 

▲  la  rv*  ENTRÉE  :  x*  on  air  de  danse,  h  deux  reprises  Joaé  par  Forchestre 
pour  iês  Bergers  et  Bergèreeg  puis  ce  même  air,  sous  le  titre  de  Chaur^  chanté 
deux  fois  sur  les  paroles  de  la  première  chanson  en  deux  couplets,  de  telle  sorte 
qne  chaque  reprise  était  dite,  au  i**  couplet  d*abord  par  un  chanteur  seul 
(une  haute-contre),  avec  un  accompagnement  de  basse  chifCrée,  puis  par  le 
chœur  (à  quatre  parties)  accompagné  des  cinq  parties  instrumentales,  et  au 
a'  couplet  par  deux  chanteurs  (haute-contrs  et  basse)  d*abord,  par  le  cfaosnr 
ensuite;  a*  un  air  à  trois  reprises,  accompagné  de  même,  pour  la  seconde 
chanson  en  deux  couplets,  également  diantée  altematiTement  par  nne  roix 
seule  et  par  le  chœur,  mais  en  rondeau,  le  diorar  après  chacune  des  reprises 
ramenant  toujours  la  premiàe  ;  entre  les  deux  couplets  le  rondeau  était  encore 
joué  par  les  violons  r  au  bas  de  ce  moreeau  d*orehestre  rapidement  écrit  en 
addition,  on  lit  ces  mots,  auxquels  nous  conserrons,  ainsi  qu*à  nne  citation 
suiTante,  leur  étrange  orthographe  :  «  A  prais  Tair  de  violons  Ion  reprana  le 
eœnr  a  Tecque  les  segond  paroUe  il  fait  senite  sous  la  basses  continfle  »  [ces 
secondes  paroles  sont  écrites  au-dessous  de  cette  basse),  —  À  la  V*  ENTRÉE  : 
I*  une  Marche  des  Grecs  à  cinq  parties  et  nne  de  tambour  ;  a*  une  Marche  des 
Indiens  instrumentée  de  même;  3*  nn  moreeau  d*orchestre  pour  le  Grand 
combat,  —  A  la  Vl*  ENTRÉE.  Disur  :  nn  morceau  d*orchestre  intitulé  Us 
Poitesy  accompagnant  peut-être  l'entrée  primitire  des  Poètes  conservée,  on 
une  entrée  nourelle  des  acteurs  de  l*II6td  de  Bourgogne.  —  Mascaiaok  iita- 
OKOLX  (scène  m)  :  i*  un  menuet  pour  orchestre,  intitulé  les  Espagnols,  accom- 
pagnant sans  doute  rentrée  du  Roi  et  de  sa  suite  ;  a*  la  mélodie  du  premier 
dialogue  espagnol  ;  elle  est  la  même  pour  les  deux  premiers  vers  et  pour  les 
deux  snirants;  puis  la  mélodie  du  second  dialogue,  dite  avec  les  quatre  premiers 
vers  et  redite  avec  les  quatre  suivants  ;  la  basse  de  ces  mélodies  a  été  ajoutée 
au  bas  de  la  page  :  on  voit  par  le  Livret  que  les  harpes  et  guitares  entraient 
a  nui  en  jeu  ;  3*  un  Second  air  des  Espagnols,  air  de  danse  pour  orchestre; 
4*  les  mélodies  qui  viennent  d'être  mentionnées  à  a*,  récrites  sons  de  se- 
condes parole»,  sous  les  Suites  de  l*un  et  de  Tautre  Dialogue;  pour  la  danse 
finale  de  la  mascarade,  les  instruments  reprenaient  le  second  air  des  Espagnols. 
—  vzx*  ET  Dxnioànx  sciin  :  i*  un  air  de  danse  intitulé  les  Basques  s  a*  on  autre 
intitulé  Canaries,  —  A  la  VII*  ENTRÉE  :  i*  sous  le  titre  de  RiHt  d'Orphée^  on 
intéressant  dialogue  de  la  tonte-puissante  1  jre  dont  parle  le  Livret,  c'estF>à-dire 
du  riolon  d*Orpbée-Lnllj,  avec  l'orchestre  ;  a*  un  duo  du  même  violon  avee 
la  Njrmphe-Hilaire  ;  une  basse  chififrée  indique  qu'un  davecinîste  les  accom- 
pagnait ;  à  la  suite  du  premier  couplet  de  la  chanson,  on  lit  cette  note,  oft 
l'écriture  du  mot  Ifjrmpke  semble  bien  trahir  nne  prononciation  italienne  x 
«  Ion  reioux  pour  la  segonde  fois  le  Concert  d'Orphée  et  puis  la  Nlmphée 
chante  Le  segond  Couplait  doubles  {i^est^-diré  varié)  on  le  trouuera  a  la  fin 
du  Unie  au  feuliet  104  »  :  le  couplet  en  variations,  en  partie  écrit  par  la  main 
pressée  qui  a  par-ci  pai^U  laissé  sa  tnce,  termine  en  eŒst  le  volume  PUlidor; 


BALLET  DES  MUSES.  loi 

3*  on  air  de  êamm  poar  Orpkiê  4i  kmt  Tkraeiêng:ljûijy  bonda]iMar,d«stiiult 
•es  pu  tout  «n  oontinnaat  à  joasr  ana  partie  prineipile  et  à  broder  det  JUmbUê 
sur  «on  yiolon  (eela  parait  Indiqué  par  la  copie  de  Veraaillet).  —  À  la 
Vni*  ENTRÉE  :  i*  on  air  de  danse  pour  Trois  AmanU  «t  trois  Amantes i 
a*  an  autre,  on  Bflndsam  pour  le  Roi,  — A  la  IX*  ENTRÉE  (la  X*  du  Livret»)  : 
1*  on  air  de  danse  pour  les  Faunes  et  femmes  rustiques  i  a*  un  récit  pour  le 
Satyre  ;  les  Tiolons  en  répétaient  les  deux  couplets  pour  les  Faunes  et  Sau- 
pages.  —  A  la  X*  ENTRÉE  (la  XI*  du  Livret)  :  un  air  de  danse  pour /««  Muses 
et  Piérides  i  à  la  XI*  ENTRÉE  (la  XII*  du  Livret)  :  i*  une  danse  pour  les 
Nymphes,'  a*  une  autre  pour  les  mêmes,  —  A  la  DERNIÈRE  ENlîlÉE  (la 
Xin*  du  Livret)  :  on  air  de  danse  pour  Jupiter» 

A  la  XIV*  ENTRÉE,  celle  du  Sieilieu,  Peimiir  ooucut  (scène  m)  :  i*  nne 
Ritournelle  de  deux  TÎolons,  avee  aeeompagnement  d*une  simple  basse  ;  puis 
nn  air  de  ténor,  accompagné  de  même,  pour  FiUne  :  •  Si  du  triste  récit...  »  ; 
9*  une  semblable  Ritoomelle,  mais  nn  peu  plus  longue,  suivie  d*un  air  pour 
Tireis^\  3*  un  Dialogue^  accompagné  d'une  simple  basse,  de  Tirais  et  de 
FiUnes  4*  un  abr  de  baute-eontre,  accompagné  de  même,  pour  le  pAtre  in- 
souciant; il  7  en  a  un  double  (Pair  est  yarié]  an  second  couplet  :  «  On  Toit 
cent  belles...  »;  5*  la  phrase  dite  en  duo  par  Tircis  et  Filène  et  qui  termine 
la  scène  :  «  Heureux,  hélas  1...  »  (Toyes  sur  ce  i"  concert,  p.  a38,  au  milieu  de 
la  note  i).  -^  Siooiid  gohcirt  (scène  Txn  :  Toyei  les  notes  des  pages  aSa  et 
soÎTantes]  :  x*  un  air  de  danse,  à  deux  reprises,  pour  les  Esclaves  g  cette  danse 
des  esclsTes  (nne  note  citée  à  la  page  a54  Tindique)  s'exécutait  encore  denx 
fgÂM  !  après  le  i*'et  après  le  a'  couplet  de  la  chanson  qui  Ta  être  mentionnée  ;  ua 
deuxième  air  des  Esclaves ,  indiqué  dans  la  partition,  mais  sans  doute  ajouté  sur 
nne  feuille  Tolante,  actuellement  perdue,  prolongeait  et  variait  ces  trois  danses  ; 
a*  la  chanson  amoureuse,  en  deux  couplets,  terminée  par  le  refrain  Chiribiri' 
dag  deux  dessus  de  violon  ont  été  ajoutés  pour  ce  refirain  à  la  basse  ordinaire 
d'accompagnement  ;  une  particularité  curieuse  du  manuscrit  est  ici  à  noter  : 
les  paroles  des  deux  couplets  ont  été  écrites  sons  une  même  portée  ;  le  refrain 
ne  Ta  naturdlement  été  qu'une  fois  ;  mais  sons  ce  Chiribirida  on  avait  d'abord 
vonln  placer  le  quatrain  de  Molière  :  «  Sevex*vons,  mes  drôles...»;  puis, 
comme  il  ne  s'adaptait  pas  bien  aux  notes,  on  l'a  effacé,  et  une  main  anssi  s4re 
que  leste  a  jeté  et  serré,  en  fins  petits  caractères,  sur  des  portées  improvisées, 
le  long  de  la  marge  de  la  page  suivante  (lOi),  déjà  remplie,  tout  le  quatrain 
fran^is  et  la  parodie  franque,  mélodie,  paroles  et  basse  ;  ce  n'est  pas  là  nn 
£nre  de  copiste,  on  y  reconnaîtrait  peut-être  plutôt  le  compositeur  lui- 
même  «.—DivxaTZiaiifiaT  nvAi.  (scène  dernière)  :  i*  un  air  de  danse,  h  denx 
reprises,  pour  les  Maures  ;  a*  on  antre  abr,  à  deux  reprises,  pour  les  mimes. 


e  La  IX*  dn  Livret  ne  prêtait  sans  doute  ni  à  la  musique  ni  à  la  danse  régu- 
lière, mais  seulement  aux  gambades  italiennes. 

*  La  partie  de  Gaye  est  notée  ici  à  la  clef  des  ténors  ;  elle  l*eat  et  devait 
Pêtre  i  la  clef  des  basses,  au  second  concert  (scène  Tin). 

«  An  haut  de  la  page  est  Pindication  citée  ci-dessus,  p.  a54«  note  i  :  «  On 
rqoue...  •,  et,  précédant  l'addition  de  la  marge,  Tindication  citée,  p.  a55» 
note  I  :  «  Le  seignor  Dom  Pèdre  les  mena^ntf  »  {sie)„„ 


iwk  APPENDICE  A  MÉLIGERTE,  ETC. 

Li  BSUiothèqae  de  Venaillet  ■  tuM  leeonde  et  fort  belle  copie  d  SslUt  Jes 
Muêet  «  reetteiDi  par  Phflidor  le  père,  ordinaire  de  la  Muiqne  da  Roi 
et  garde  de  sa  Bibliothèque  de  mosiqae,  Tan  1719;  •  maie  cette  froide 
mite  an  net,  sans  doute  fort  intéressante  pour  les  mosielens,  nous  a  paru  Vittn 
beaaeoap  moûu  ponr  les  éditeurs  de  Molière,  le  calligrapbe,  an  lieu  de  se  eon- 
Conner  à  la  première  copte  directement  prise  des  manuscrits  originaux,  s*étaiit 
beaucoup  aidé  des  indications  du  Livret*, 

Il  7  a  peu  à  tirer  aussi  du  tome  VI  et  du  tome  A  des  deux  recueils  de  Ballets 
de  Lully  qui  sont  à  la  Bibliothèque  nationale  ;  la  partition  est  là  incomplète  ; 
dans  le  tome  A,  des  morceaux  étrangers  y  ont  été  intercalés,  par  exemple 
(p.  409)  1*  chanson  de  la  Galanterie  (personnage  représenté  par  Mlle  Hilairej 
Tannée  suirante  1668,  dans  la  mascarade  royale  du  Carnaval)  ^. 

•  Les  ScreUreê^  à  la  scène  n  de  la  PattoraU  eomifue^  sont  dcTenues  les 
Magieteiu  du  Livret  (royet  ci-dessus,  note  9  de  la  page  191)$  Philidor  a 
reproduit  jusqu'aux  fiiutes  de  Tespagnol  imprimé  (Toyes  a-dessus,  à  la  YI*  en- 
trée, p.  aSS  et  note  3). 

*  La  chanson  que  M.  Wekerlin  a  donnée  dans  son  édition  du  Bourgeois 
gentilhomme  de  Lully  (p.  3a]. 


APPENDICE  AU   SICILIEN. 


NOTB  sua  UNS  BilMPUSSION  DE  LA  PliCBy  DE  1668. 

Duu  l*lmpretnoii  mentionnée  à  la  fin  de  U  Noiicâ  da  SieUîen^  P'S^  ^^> 
comme  étant  probablement  one  eontrefaçon^  faite  en  proTÎnce,  tous  le  non» 
d*on  libraire  de  Paris,  Nieolas  PêfingU  (ûc),  <  à  la  grand*  Salle  da  Palais*,  » 
se  troQ^ent,  en  tête,  après  le  feoillet  de  titre,  cinq  pages  liminaires,  non  cliif» 
fréet,  intitulées  Sujit  ob  là  Fiici,  et  contenant  des  obserrations  sur  la  manière 
dont  quelques  scènes  de  la  pièce  doivent  être  jouées.  Cette  sorte  d'ayant{»ropos 
paraît  être  une  instruction  pour  les  comédiens  de  proTÎnce  et  de  Tétranger. 
Sa  date  nous  semble  la  rendre  assez  intéressante  pour  être  donnée  ici  en 
appendice  an  Sicilien, 

Nous  TsTons  d*abord  connue  par  un  exemplaire  de  ce  curieux  Tolume  qoi 
aTait  été  communiqué  à  M.  Eud.  Soulié  par  M.  Gariel,  conserrateur  de  la 
BibUotfaèque  de  Grenoble,  è  qui  nous  dcTons  aussi  le  Progrtunme'Annonee  du 
Dom  Juan^  publié  dans  notre  tome  Y,  p.  a56-a5g.  Nous  possédons  mainte- 
nant nou»-mémes  un  exemplaire  qui  nous  a  été  donné  par  M.  L.  Potier,  ancien 
libraire,  si  émdit  en  tout  ce  qui  touche  à  la  bibliographie,  et  que  plusieurs  fois 
déjè  nous  STons  eu  è  remercier  de  son  obligeance.  Nous  n*en  ayons,  jusqu'ici, 
nulle  part  trouvé  d*autre. 

I.  Dans  le  fleuron  du  titre  se  lisent  les  mots  :  «  Sur  l'imprimé»  » 
9.  On  ne  peut  pas  douter,  ce  semble,  que  ce  nom  de  Pêpinglé,  arec  le 
prénom  et  l'adresse  qui  raccompagnent,  soit  la  reproduction  défigurée  de 
celui  de  N.  ou  Nicolas  Pepinguè^à  la  gratuT  Salle  du  Palais,  que  nous  STons  en 
à  mentionner  au  tome  J^  p.  317,  et  qui  se  rencontre  fréquemment  dans  les 
registres  des  Privilèges  conservés  è  la  Bibliothèque  nationale,  notamment  aux 
folios  3o,  3a,  36, 46,  70  du  Ms.  Fr.  ai  945,  qui  va  de  i63o  è  1673.  Toutefois 
nous  devons  faire  observer  que  l'altération  d'u  en  /  se  retrouve  aux  feuillets 
de  titre  de  deux  autres  pièces  :  la  Vemfve  à  la  mode  (n*  5i5  de  la  Bibliogra^ 
phie  molièresquey  et  n»  1 7,  p.  i56  de  la^^  année  du  Molièriste)^  et  nue  édition 
des  FoMAeu»  (n*  i3,  p.  14,  même  année,  du  Moliétisté),  On  se  demande  si 
le  contrefacteur  défigurait  ainsi  le  mot  à  dessein,  ou  si  c'était  une  manière  de 
prononciation,  faatîve,  mais  usitée  :  le  nom  semblerait  y  innter. 


3o4  APPENDICE 

I*  SOJgr  DE  Là  PlàCE 

{Inttruetioiu  €u$x  eaméJUiu), 

U  faut  obterrer,  dans  la  première  loène,  qu'Hali  se  poste  deTant 
la  porte  de  D.  Pèdre,  qui  est  au  côté  droit  du  théâtre  ;  et  qu'en  la 
•eâie  deuxième,  Adrastesort  du  côté  gauche,  précédé  de  deux  flam> 
beaux,  que  portent  ses  deux  laquab,  dont  Tun  se  met  à  droit  du 
théâtre  et  Vautre  k  gauche  ;  que  Ton  ne  chante  point  dans  la  trobième 
•cène,  et  que  Ton  danse  seulement  une  entrée  de  ballet;  ce  qui  &it 
qu*il  faut  la  retrancher,  et  qu*Adraste,  après  [aroir]  dit  ces  mots  : 
c  J*y  consens,  Toyons  ce  que  c'est,  a  laisse  aller  Hali,  et  puis'  le 
rappelle  ainsi,  quand  il  est  à  trois  ou  quatre  pas  de  lui,  et  lui  dit  : 
c  Chut  1  je  trouTe  qu'il  Tant  mieux  que  l'on  commence  par  nos 
liolons,  afin  de  faire  plus  de  bruit;  toi,  mets-toi  contre  cette 
porte,  afin  que,  si  tu  entends  remuer  dans  le  logis,  je  fasse  éteindre 
les  flambeaux,  a  Et  quand  les  violons  ont  joué  un  air  des  plus  nou- 
Teaux  et  que  l'on  a  dansé  une  entrée,  Hali  rient  avertir  son  maître 
par  ces  mots  :  «  Monsieur,  je  riens  d'ouïr  quelque  bruit  au  de- 
dans, a  Dans  la  quatrième  scène,  D.  Pèdre  sort  de  la  porte,  et  s'en  va 
reposer*  derrière  le  dos  d'Adraste  dans  le  moment  qu'il  appelle 
Hali,  lequel  étant  près  de  lui,  D.  Pèdre  se  met  entre  eux  deux, 
toutefois  plus  en  arrière  ;  et  quand  Hali  a  dit  qu'il  Toudroit  bien 
tenir  le  Sicilien  pour  le  battre  et  pour  se  venger  de  lui,  il  quitte 
Âdiaste,  et  va  à  tâton  (sic)  jusqu'à  la  porte,  et  cependant  Adraste 
continue  près  du  Sicilien,  comme  s'il  parloit  à  lui  (à  Hali)^  et  dans  le 
moment  qu'il  est  averti  que  la  porte  est  ouverte,  D.  Pèdre  j  retourne, 
et  se  met  au  milieu  d'icelle,  si  bien  qu'Hali  et  lui  s'étant  longtemps 
tâté  le  visage  et  la  tète,  D.  Pèdre  donne  un  soufflet  à  Hali,  qui  lui 
rend',  comme  il  est  marqué*.  En  suite  de  la  rodomontade  du  Sici- 
lien, qui  appelle  ses  gens,  Adraste  tire  l'épée  comme  pour  se  défen- 
dre, cependant  qu'Hali  se  cache.  Dans  la  septième  scène,  Hali  ûdt 
plusieurs  révérences,  tantôt  rers  D.  Pèdre  et  tantôt  près  d'Isidore, 
et  se  tourne  vers  icelle  toutes  les  fois  qu'il  dit  :  «  avec  la  permission 
de  la  Signore;  »  ensuite  il  chante  le  premier  couplet'  du  françoia 

I.  Noos  avoni  dit  id  mie  légère  eorreetion  ;  le  texte  noiu  ■  ptm  fautif,  il 
p<»te  :  «  et  qu*Adr«tte  dit  après  ees  mots  :  «  J*j  consens,  voyons  ce  qne 
«  o*est;  »  il  laisse  aller  Hali,  et  puis....  » 

a.  lises  :  «  s*en  ra  se  poser  om  se  placer  ». 

3.  Suivant  on  usage  asseï  ordinaire  da  temps  pour  :  «  qui  le  loi  lead*  > 

4*  Marqué,  comme  jen  de  scène,  dans  la  pièce  imprimée. 

5»  Dans  le  teite,  complet  \  mais  complet  est  trois  lignes  plos  loin. 


AU  SICILIEN.  3o5 

«tce  qui  suit,  MToir  Tautre  jargon  ;  et  après  que  Ton  a  dansé  il 
dit  :  «  Chiribirida  »  tout  seul,  puis  l*on  redanse  encore,  et  pour- 
suit, et  finit  à  la  fin  Tautre  couplet  et  le  même  a  Chiribirida  »,  jus- 
qu'à ce  qu^il  est  chassé  arec  ses  danseurs.  Dans  Tonzième  scène, 
Adraste  baise  Isidore  en  la  saluant,  ce  qui  oblige  D.  Pèdre  à  lui 
dire  qu*on  ne  salue  point  leurs  femmes  ainsi  ;  et  quand  Adraste 
dit:  «Allons,  apportez  tout,  »  ses  deux  laquais  apportent  le  châssis 
à  peindre  et  le  soutien',  arec  la  palette  où  sont  les  couleurs*, 
et  des  pinceaux.  Il  faut  observer  que  le  châssis  est  de  couleur 
blanche,  qu*ii  y  a  un  risage  représentant  Tactrice,  lequel  risage 
est  couvert  de  blanc,  lequel  sVfFace  fait  à  fait  que  le  pinceau  touche 
dessus  et  ôte  ledit  blanc,  ce  qui  fait  paroître  que  Tacteur  peint  ; 
pour  les  couleurs  de  dessus  sa  palette,  elles  sont  sèches,  et  ne 
serrent  que  d*apparence,  si  bien  que,  tout  le  blanc  qui  est  sur 
le  TÎsage  étant  ôté,  il  semble  que  Tacteur  Tait  peint  lui-même. 
Quant  à  la  posture  où  est  Isidore,  elle  est  du  côté  droit,  le  Sicilien 
à  Topposite  du  côté  gauche,  et  Adraste  au  milieu,  qui  se  lève  de 
temps  en  temps  pour  la  mettre  i  sa  fantaisie,  lui  découvre  lui-même 
le  sein,  ce  qui  choque  le  jaloux,  qui  approche  son  siège  toutes  les 
fois  qu* Adraste  se  lève  ;  il  est  obligé  de  dire  à  Isidore  que  Ton  a 
bien  de  la  peine  à  la  mettre.  Quant  au  moment  où  Hali  le  tire  à 
quartier,  après  qu'il  a  dit  :  a  Noua  voilà  assez  loin,  9  il  détourne 
la  tête,  et  voyant  Adraste  près  d*Isidore,  il  quitte  Hali  pour  les 
surprendre  ;  mais  Adraste  l'apercevant  lui  dit  :  «  Je  remarquois  la 
couleur  de  ses  yeux,  »  au  lieu  de  dire,  comme  il  est  en  la  pièce  : 
«  Elle  a  les  yeux  bleus;  »  alors  Adraste  se  rassit,  etD.  Pèdre  rejoint 
Hali,  et  dans  le  moment  qu'Hali  parle  à  D.  Pèdre,  et  que  D.  Pèdre 
demande  quel  est  son  ennemi,  Adraste  ayant  achevé  d*effacer  le 
blanc  qui  couvroit  le  portrait,  vient  se  remettre  près  d'Isidore,  où 
D.  Pèdre  le  surprend  encore  quand  il  dit  à  Hali  :  a  Je  vous  laisse 
aller  sans  vous  reconduire.  9  Voilà  les  remarques  les  plus  néces- 
saires; du  reste  vous  suivrez  le  sens  des  vers  et  les  apostilles. 

a*  r AMANTES 

Outre  CM  pAg«t  d^tiutraetioiis  aux  comédiens,  cette  édition  de  nngalière  ei- 
pèee  contient  un  assez  grand  nombre  de  Tenantes,  qui  nous  montrent,  comme 
au  reste  l'addition  même  de  cette  sorte  d*aTant-propos,  que  nous  n^avons  pas 
ici  une  eontreEsçon  ordinaire,  nne  contrefaçon  déguisée, reproduisant  Torlginal 


I.  Le  soutien  ne  peut  guère  être  ici  que  le  chevalet. 

a.  Notre  imprimé  a  ici  deux  &utes,  faciles  i  corriger,  un  déplacement  de  t 
et  une  virgule  de  trop  :  <  et  le  soutient  avec  la  palette,  ou  son,  les  couleurs.  ■ 

MouXRB.  VI  90 


3o6  APPENDICE 

mot  pour  mot  eo  n'y  mêlant  que  des  altérations  inrolontaires,  des  faotes  ducs 
à  la  négligence.  Le  nombre  et  la  natore  des  diffîrenees  proarent,  on  ra  le  Toir* 
que  le  contre&eteur  a  tooIu  édaireir  le  jen  et,  qoi  sait?  en  de  rares  endroits,  i«- 
touchert  améliorer  le  style.  Plus  de  dix  indications  de  jeux  de  scène  sont  omises, 
et  les  dates  ne  manquent  pas  ;  mais  il  y  a,  de  pins,  des  additions,  particulière- 
ment de  jeux  de  scène, et  des  modifications  de  texte  faites  à  dessein,  dont  quel- 
qnesHines  même,  en  très-petit  nombre,  il  est  Trai,  ont  passé  dans  one  on  pla- 
sieors  des  éditions  postérieures.  Il  y  a  tels  changements  qui  peuTent  faire  qu*on 
se  demande  si  e*est  vraiment  l'édition  originale  qui  a  serri  de  point  de  départ  i 
la  contrefaçon.  Nous  allons  citer  de  ces  Tariantes  celles  qu*è  nos  yeux  il  y  a 
quelque  raison  de  relerer,  en  renvoyant  aux  pages  de  notre  volume  aux- 
quelles elles  se  rapportent.  Si  nous  ne  les  avons  pas  placées  au  bas  de  ces 
pages  mêmes,  c*est  d'abord  que  la  source  n*a  nulle  autorité,  puis,  qu*ainsi 
réunies,  elles  servent  à  mieux  caractériser  cette  impression. 
Noos  donnons  en  entier  la  liste  des  Acteurs  très-librement  remaniée  : 

Pages  a3i  et  a3a.  PERSONNAGES. 

Adrastb,  gentilhomme  François,  amant  dMsidore. 

D.  Pbdxb,  Sicilien,  gardien  d*Isidore. 

Isxooax,  esclave  grecque  adranchie  par  D.  Pèdre. 

CuidbrB,  antre  esclave. 

Hau,  valet  ou  esclave  d*Adraste. 

Deux  laquais  d'Adraste  '. 

Troupe  de  danseurs. 

Troupe  de  musiciens. 

Un  sénateur. 

Page  a33,  ligne  7  :  «  H^u,  seul  »,  au  lieu  de  :  «  Hali,  aux  Musiciens.  » 

Page  a35,  ligues  6  et  7  :  «  Et  qui  pourroit-ce  être  que  moi  à  ces  heures  de 
nuit?  Hors  vous  et  moi,  etc.  »  Voyez  ibidem^  note  a. 

/^ûiem,  ligne  la  :  «  rien  que  d'avoir  ». 

Page  a36,  ligne  la  :  «  si  elle  entend  fort  bien  ». 

Page  a37,  ligne  7  :  «  Ce  nVst  pas  ». 

Ibidem^  ligne  ai  :  «  Ah!  je  vois  bien  que  vous  êtes  pour  le  bémol  :  il  y  a 
moyen  ». 

Ibidem^  ligne  a4  :  «  des  bergers  ». 

Page  a4if  ligne  la  :  «  sont  des  chaînes  ». 

Page  a4a,  ligne  a  :  «  mon  plus  grand  souci  ».  Voyex  ibidem^  note  x. 

Ibidem,  ligne  18  :  «  ce  peut  être  ». 

Page  a43,  ligne  16  :  «  nous  a  fait  faire  I  » 

Ibidem^  ligne  a3  :  «  ce  que  c'est  que  cela  veut  dire  ». 

Ibidem^  ligne  a5  :  «  pour  pouvoir  découvrir  ». 

J.  Voyez  ci-contre,  p.  307,  et  note. 


AU  SIGILIBN.  3o7 

Page  943,  ligiM  3i  :  «  D.  Pédm,  dSoiiMiif  aw  «oii^i  à  Bali,  m  Yoyes 
p.  a44,  note  t. 

Page  944,  ligne  i3  :  «  Hau,  <f  im  «im^^'I  oè  s7  e*ett  eaeké^  et  tTim  ton  de 
voix  à  demi  hauê,  » 

/^û/tfjw,  Hgnet  17  et  18  :  «  Hau,  toujomrt  de  même.  Les  gens  ». 

lUdem^  ligne  91  :  «  Hau,  sortant  dudit  endroit^  et  dit  d'mn  ton  de  poix 
hardie,  » 

Pige  245,  ligne  14  :  «  on  peat  trouver  aifément  des  nM>jens....  >. 

Page  946,  ligne  1  :  «  que  de  se  lerer  ». 

Ibidem,  ligne  14  :  «  eontre  les  soins  des  langoiasants  ».  Des  langnlssanti 
d'amour,  des  amoureos  ? 

Ibidem^  ligne  i5  :  «  sons  mes  Cenétres  ». 

Page347y  ^^Z"*^  x^  •  *  1*  pli"  grande  ambition  ». 

Page  248,  ligne  7  ;  «  tous  m'obligerez  k  n'afSBCter  point  tant  de  paroltre  à 
d'autres  yeux  »• 

Ibidem,  ligne  14  :  •  toute  k  soi  »• 

Page  a5i,  lignes  1 5  et  16  :  «  Faites*les-notts  vite  venir  ». 

Ibidem,  ligne  dernière,  après  Ckala  baia  :  «  Dam  la  scène  stûpante,  Hati 
chante,  et  les  eselaees  dansent  dans  les  intervalles  de  son  chant,  » 

Page  955,  ligne  la  :  «  Mi  ti  bastonara  ». 

Ibidem,  ligne  i5,  après  la  chanson  :  «  loi  ile  fuient  tous,  » 

Ibidem,  ligne  dernière  :  «  rentres  ici  ». 

Page  956,  ligne  9  :  «  Hali  pareil,  »  an  lieu  de  :  «  j^  Hali,  qui  paroft 
encore  là,  » 

Ibidem,  ligne  99  :  «  je  l'attraperai  ». 

Page  957 «  ligne  10  :  «  il  alloit  fitire  ». 

Page  958,  lignes  5  et  6  :  «  si  je  pouTois  obtenir  d'elle  qu'elle  7  pût  consentir  ». 

Ibidem,  ligne  10  :  «  que  je  ne  sois  de  rien  w. 

Page  959,  ligne  17  :  «  que  je  ne  tous  ponyois  ».  Yojes  ibidem,  note  3. 

Ibidem,  lignes  99  et  93  :  «  et  la  réputation.  Seigneur  François  ».  Yoyei 
p.  960,  note  I. 

Page  960,  ligne  10  :  «  et  ses'deux  laquais*,  » 

Page  961,  ligne  5  :  «  de  toucher  un  tel  onvrage  ». 

Ibidem^  ligne  6  :  «  grande  habilité  ». 

Ibidem,  ligne  95  :  «  de  grâce,  et  songeons  ». 

Page  969,  lignes  i5-i7  :  «  du  col  puisse  paroltre;  ceci  un  peu  plus  dé- 
couTert;  bon  le;  un  peu  davantage  ».  Voyex  ibidem,  note  5. 

Page  963,  ligne  9  :  «  l'actitude  »,  pour*  l'attitude».  Ce  mot  a  été  défiguré 
de  diverses  façons  :  voyes  ibidem,  note  9. 

Ibidem,  Ugne  7  :  «  Un  peu  plus  de  côté  ». 

Page  964,  ligne  7  :  «  une  maîtresse  d*Alesandre,  d'une  merveillcnse  beauté, 
et  qu'il  ».  Voyez  ibidem,  note  4. 

Ibidem,  ligne  19  :  «  ce  que  fit  Alexandre.  D.  Pèoas.  Ma  foi  non  ». 


I.  Ce  sont  bien  en  effet  les  laquais  d*Adraste  :  Toyes  ci-dessus,  la  scène  u, 
p.  935,  le  Sujet  de  la  pièce ^  p.  3o3-3o5,  et  la  liste  des  Personnages  de  cette 
contrefaçon  (p.  3o6}«  où  on  lit  :  Deux  laquais  d^Adraste, 


1o8  APPENDICE  AU  SICILIEN. 


Fag«  9M9  ligM  9 :  « i* ▼•■•  émÊmàB^  à»  griee,  qoe  ». 

ibidem,  UgBe  17  :  «  lonqa'il  ttt  âonai  », 

Pag*  «(17 1  lignm  7  «t  t  :  «  P^mdami  fm^Adnstt  parU  à  ItUoi^,  i>.  PUré 
et  Bali  parUmi  bût,  êt/ômt  Jê[t]  g^nu  de  p^nomui  agUéss.  m 

Page  a68,  ligne  17  :  «  Hau,  «'en  aiUmi,  • 

Ihidtm,  Ugae  ai  :  «  AiAAen,  4  ItUhrt.  •  Yoyei  ihidtm,  not*  1. 

Ibidem^  ligne  a6  :  «  témoigiuget... .  mpereepomi  D,  Pèdre  t  Je  regardoîs  9. 

Ibidem^  ligne  dernière  :  «  ona  tache....  ^  Isidore,  Mais  c'est  ». 

Page  269,  ligne  a  :  «  AD»  Pàdre,  > 

Pi^  270,  ligne  14  :  «  imaginer,  et  va  •. 

Page  «71,  ligne  n3  :  «  La  grandeur  de  Toffenae  ». 

Page  272,  ligne  17  :  «  D.  Pioai,  k  Climènê,  m  fart,  diuu  wm  allée  dm 
théâtre,  m 

Page  «73,  ligne  i  :  «  D.  Pinai,  rejcignmnt  ddratte,  » 
ibidem,  lignes  8  et  9  :  «  D.  Pioai,  premant  Isidore  par  la  maim  et  parlant 
à  Adraste  :  Putaqne  Tooa  aTCi  bien  TOula  me  donner  •. 
Ibidem,  ligne  18  :  «  Vooa  m'obligeres  ». 
Ibidem^  ligne  20  :  «  AnnACTB,  **en  allaot  avec  Isidore,  • 
Page  274,  ligne  10  :  «  C*est  que  cela  veut  dire  qu'un  jalons  >• 
Ibidem,  ligne  i5  :  «  par  douceor  et  par  complaiMnce  ». 
Page  376,  ligne  9  :  «  que  de  plaiain  ».  Voyes  ibidem,  note  i. 
Ibidem,  ligne  i5  :  «  Scàm  xx  et  dernière.  • 


AMPHITRYON 

COMÉDIE 
axPBifmim  povn  sjl  rwjoakMM  fou  a  pakm 

tUB   LB  THiÂTBX  DU  PALAlt-ROTAX. ,   Ut    l3*  JAVYIKB    1668 

PAR  LA  TROUPE  DU  ROI 


NOTICE. 


Ehtkb  le  petit  acte  du  Sicilien  et  Y  Amphitryon^  représentes 
pour  la  première  fois,  l'un  en  février  1667,  Tautre  en  jan* 
vier  1668,  il  y  eut  près  d'un  an  d'intervalle.  D'ordinaire,  les 
ouvrages  de  Molière  se  succédaient  plus  rapidement.  On  pense 
que,  pendant  quelque  temps,  il  s'était  senti  découragé,  et  que  la 
crainte  d'avoir  moins  à  compter  sur  la  protection  royale  lui 
avait,  plus  encore  qu'une  altération  de  sa  santé,  conseillé  de 
s'effiicer,  de  se  taire. 

L'année  1667  fait  époque,  on  s'en  souvient^,  dans  l'his- 
toire du  théâtre  de  Molière.  Trois  mois  après  les  fîtes  de 
Saint-Germain,  Louis  XIV  était  parti  de  cette  même  ville  pour 
la  campagne  de  Flandre,  qui  commença  la  guerre  de  la  dé- 
volution^ et  ce  fut  pendant  cette  campagne  que  le  Tartuffe j 
achevé  et  connu  dès  1664,  parut  sur  la  scène  du  Palais-Royal, 
pour  être  aussitôt  interdit.  Cette  sévérité,  qui  trompait  tout  à 
coup  les  espérances  données,  ne  devait  pas  engager  Molière  à 
produire  quelque  œuvre  nouvelle.  Il  ne  s'y  décida  qu'au  com- 
mencement de  l'année  suivante,  après  qu'il  eut  été  peut-être, 
comme  le  pauvre  Sosie,  rengagé  de  plus  belle  par  la  «  faveur 
d'un  coup  d'oeil  caressant*.  » 

11  Amphitryon  fut  comme  une  rentrée  de  l'auteur,  qui  avait 
fait  relâche,  une  brillante  rentrée.  Cette  comédie  ne  semblait 
pourtant  promettre  qu'une  sorte  de  traduction;  mais  combien, 


I.  Voyez  la  Notict  du  Tartuffe^  au  tome  IV,  p.  3ii  et  3i9. 

a.  Voyez  ibidem^  p.  33 1  et  339,  oùnout  avons  cite  la  conjecture 
ingénieuse  et,  à  notre  avis,  Traisemblable,  de  M.  Bazin  sur  Tallu- 
sion  à  laquelle  te  prêtent  si  bien  les  vers  166-187  de  V Amphitryon 
dans  le  rôle  de  Sosie. 


3ia  AMPHITRYON. 

dans  le  fait,  elle  montra  d'originalité  Jamais,  chez  noas,  le 
théâtre  comique  des  anciens  n'a  eu  une  si  heureuse  résurrec- 
tion, sous  une  forme  toute  nouvelle.  Un  critique  a  dit  *  que 
Bayle  avait  manqué  de  goût  lorsqu'il  avait  mis  V Amphitryon 
au  nombre  des  meilleures  pièces  de  Molière',  et  qu'il  n'aurait 
pas  dû  oublier  combien  lui  sont  supérieures  des  comédies 
telles  que  ie  Misanthrope ^  le  Tartuffe^  V Avare ^  les  Femmes 
savantes^  r École  des  femmes  et  l'École  des  maris,  La  com« 
paraison  est  difficile  entre  une  comédie  mythologique  em- 
pruntée au  théâtre  de  Plaute  et  des  œuvres  toutes  modernes, 
immortelles  peintures  de  nos  mœurs  ;  mais  pourquoi  ne  pas 
faire  une  place  toute  voisine  à  une  charmante  fantaisie  qui 
nous  fait  si  bien  goûter,  en  y  donnant  le  tour  qui  nous  con- 
vient, ce  que  l'esprit  de  la  comédie  latine  a  eu  de  plus  vif?  Si 
Bayle  a  pensé  que,  par  la  verve  abondante,  par  la  richesse  et 
la  gaieté  du  style,  Y  Amphitryon  doit  être  compté  parmi  les 
chefs-d'œuvre  de  notre  poète,  il  ne  s^est  pas  trompé. 

Nous  devons  laisser  à  d'autres  l'histoire  des  origines  diéâ- 
traies  très-anciennes  de  V Amphitryon  de  Plaute  :  Molière,  sans 
doute,  s'est  fort  peu  inquiété  de  les  connaître.  Il  ne  lui  im- 
portait nullement,  et  il  ne  nous  importe  pas  davantage  ici,  que 
cette  fable  fût  née  dans  l'Inde,  comme  Ta  cru  Voltaire*,  qui 
l'avait  trouvée  dans  un  livre  du  colonel  Alexandre  Dow,  et 
s'est  amusé  à  la  déclarer  «  encore  plus  comique  et  plus  ingé- 
nieuse a>  sous  cette  forme  indienne,  quand  il  eût  mieux  fait  de 
dire  qu'elle  était  seulement  beaucoup  plus  indécente  que  la 
légende  latine.  Il  ne  fait  rien  non  plus  à  l'affaire  qu'avant 
Plaute,  les  Grecs  eussent  traité  ce  sujet,  peut-être  Euripide 
dans  une  Alcmène^  et  Sophocle  dans  un  Amphitryon  ^,  tous 

X .  Geoffroy,  dans  le  feuilleton  du  Journal  de  P Empire  du  x8  mars 
x8o8. 

9.  Dans  une  note  de  son  Dictionnaire  citée  plus  loin,  p.  338, 
note  9. 

3.  Voyez  ses  Fragments  historiques  sur  F  Inde  (1773),  article  xxnn, 
au  tome  XLVII  de  Tëdition  Beuchot,  p.  4^3-455  ;  et  sa  lettre  à 
M.  du  il/***,  membre  de  plusieurs  académies^  sur  plusieurs  anecdotes^ 
an  tome  XLVIII,  p.  3o3  et  3o4  de  la  même  édition. 

4.  Voyez  le  scoliaste  de  Sophocle  sur  le  vers  3go  de  VOKtlipe  à 
Colone  {Fragments  de  Sophocle  dans  la  Bibliothèque  Didot,  p.  34o). 


NOTICE.  3i3 

deux  tragiquement  sans  doate  ;  et,  plus  opportuns  a  citer«  Ar« 
chippe,  poète  très-bouffon  de  l'ancienne  comédie',  Eschyle 
TAlexanÀnn,  cité  par  Athënëe',  et  Rhinthon,  poète  de  Ta* 
rente,  qui  écrivit  des  hilaro-^ragédiei^  au  temps  de  Ptolëmée 
Soter  :  questions  d'érudition  auxquelles  nous  ne  nous  arrête- 
rons pas.  La  priorité  de  ces  pièces  grecques,  celle  même  d'un 
Amphitryon  de  Gécilius,  chez  les  Latins,  ne  sont  pas  sans  in- 
térêt pour  les  critiques  de  la  pièce  de  Plante  ;  mais  celui-ci 
a  été  le  seul  modèle  de  Molière;  et  les  modèles  antérieurs, 
n'ayant  laissé  qu'un  nom  et  quelques  fragments  insignifiants, 
n'ont  pas  plus  compté  pour  lui  que  s'ils  n'avaient  jamais  existé. 
Contentons-nous  donc  de  remarquer,  à  leur  sujet,  que  Plante, 
imitateur  loi-même,  en  a  visiblement  pris  à  son  aise  avec  eux 
et  qu'il  a,  dans  bien  des  passages,  habillé  à  la  romaine  ses  per- 
sonnages empruntés  au  théâtre  grec,  de  même  que  souvent 
ceux  de  Molière  ont  été,  sans  plus  de  gêne,  habUlés  par  lui 
à  la  française.  À  cette  seule  condition,  une  pièce  est  trans- 
portée avec  succès  d'une  scène  étrangère  sur  une  scène  na- 
tionale. Les  poètes  tragiques,  comme  les  poètes  comiques  du 
dix-septième  siècle,  eurent  le  sentiment  très-juste  de  cette  loi 
de  leur  art.  Ils  ne  travaillaient  pas  en  archéologues,  et  ne 
songeaient  pas  à  un  calque  scrupuleux. 

Pourquoi  Molière  s'est-il,  à  ce  moment,  tourné  du  côté  de 
triante  ?  Comment  lui  est  venue  l'idée  d'écrire  un  Amphitryon? 
S'il  nous  avait  dit  lui-même  le  secret  de  son  choix,  il  nous 
aurait  tiré  de  quelque  peine;  car  on  a  imaginé  de  cette  ex- 
cursion sur  les  terres  latines  une  explication  très-malveillante, 
et,  pour  7  en  substituer  une  autre,  nous  ne  pouvons  chercher 
que  des  vraisemblances. 

Lorsqu'on  fait  attention  que  son  Avare^  imitation  aussi, 
quoique  beaucoup  plus  éloignée,  d'une  comédie  de  Haute, 
suivit  V Amphitryon  à  quelques  mois  de  distance,  on  est  porté 
à  conjecturer  que  tout  simplement  il  s'était  pris,  en  ce  temps- 
là,  d'un  goût  très- vif  pour  le  vieux  comique  de  Rome  et  qu'il 


I.  Voyez  quelques  vert  de  ton  Amphitryon^  dans  les  Fragments 
des  poètes  comiques  grecs  de  la  Bibliothèque  Didot,  p.  969. 

9.  Les  Deipnosophistes^  livre  XIII,  fin  du  $  79  (édition  Aug.  M«* 
neke,  Teabner,  iSSg). 


3i4  AMPHITRYON. 

s'ëtait  promis  de  smTre  cette  veine  latine  dans  quelques  oo- 
vrages. 

Mais^  si  facile  à  comprendre  que  soit  cette  pensée,  qui  eût 
été  mieux  qu'une  fantaisie,  il  y  a  autre  chose  encore  à  suppo* 
ser.  Les  Sosies  de  Rotrou^,  joués  par  la  troupe  du  Marais,  sur 
un  théâtre  rival,  avaient  eu  un  grand  et  juste  succès.  Les  co* 
médiens  du  Palais-Royal  n'auraient-ils  pas,  comme  ils  avaient 
fait  en  1 665  pour  le  Festin  de  Pierre^  sollicité  de  Molière  une 
pièce  qui  Ht  concurrence?  L'ouvrage  de  Rotrou  était,  dira- 
t-on,  bien  ancien  à  cette  date.  La  première  représentation  en 
remontait  à  plus  de  trente  ans,  ayant  été  donnée  en  i636  ';  mab 
il  est  prouvé  qu'il  a  eu  la  vie  dure.  Après  quatorze  ans,  en 
i65o,  les  Sosies  étaient  encore  représentés,  sous  le  titre  de  la 
Naissance  d* Hercule^  avec  cette  magnificence  de  spectacle,  ce 
luxe  de  machines,  qui  était  le  grand  attrait  du  théâtre  du 
Marais.  La  description  du  merveilleux  appareil  scénique  déployé 
en  cette  occasion  se  trouve  dans  un  livret  in-4®9  publié  par 
René  Baudry,  sous  cette  date  de  i65o,  et  intitulé  :  Dessein  du 
poème  de  la  grande  pièce  des  machines  de  la  Naissaugk  d'Hex- 
GDLx,  dernier  ouvrage  de  M.  de  Rotrou^  représentée  sur  le 
théâtre  du  Marais  par  les  comédiens  du  Roi,  Là,  on  nomme 
cette  pièce  «  le  plus  excellent  poème  qui  ait  jamais  paru',  »  et 
a  le  chef-d'œuvre  »  de  «  l'incomparable  M.  de  Rotrou^.  »  Une 
pantomime  qui,  pendant  le  carnaval  de  i653,  fut  exécutée  au 
Petit-Bourbon  dans  le  grand  Ballet  royal  de  la  Nuit^y  sous  le 
nom  de  Comédie  muette  d^ Ampldtryon^ ^  semble  prouver  que 
le  sujet,  recommandé  par  le  succès  des  S0sies^  n'avait  pas  alors 
cessé  d'être  à  la  mode  et  devait  tenter  toutes  les  troupes  de 
comédiens. 

Nous  aurions  voulu  pouvoir  constater  que  les  représentations 

I.  Lu  Sosies^  comédie  de  Rotrou,  à  Paris,  chez  Antoine  de 
Sommarille,  MocxxxTin,  in-4^. 
a.  Voyez  le  tome  III  du  Cor/ieiV/e,  p.  ii. 

3.  Page  4. 

4.  Page  9. 

5.  Ballet  royal  de  la  Nidt^  divisé  en  quatre  parties  ou  quatre  veilles^ 
et  dansé  par  Sa  Majesté  le  aS  février  i653  ;  à  Paris,  par  {sic)  Robert 
Ballard,  m  oc  un. 

6.  FP  entrée  de  la  deuxième  partie^  p.  3i  du  Livret. 


NOTICE.  3i5 

des  Soties^  comédie  si  goûlée,  ne  s'arrttèrent  pas  en  i65o; 
mais  ce  que  noos  venons  de  dire  est  tout  ce  que  nous  con- 
naissons de  leur  histoire^  à  moins  que  nous  n'y  ajoutions  une 
anecdote  de  Tallemant  des  Rëaux,  qui  se  rapporte  incontesta- 
blement à  cette  pièce  ^.  Malheureusement,  si  elle  peut  être  citée 
comme  plus  ou  moins  piquante,  ellen'ëclaircitpasla  question  de 
la  longévité  des  Sosies.  Jodelet,  nous  apprend  l'auteur  desHis^ 
torieites*^  vint,  au  moment  où  le  tonnerre  du  dénouement  avait 
éclaté,  jeter  au  parterre,  dans  la  langue  très-crue  du  temps, 
une  plaisanterie  d<mt  le  sens  était  que,  si  Ton  faisait  si  grand 
tapage  chaque  fois  qu*à  Paris  un  mari  était  trompé,  tout  le 
long  de  Tannée  on  n'entendrait  pas  Dieu  tonner.  Tallemant 
n'indique  pas  la  date  de  cette  facétieuse  aUocution,  et  ce  que 
nous  savcms  de  Jodelet  ne  nous  vient  pas  en  aide.  11  avait 
quitté  la  troupe  du  Marab,pour  passer  à  l'Hôtel  de  Bourgogne, 
en  i634,  par  conséquent  avant  les  Sosies,  Il  revint  ensuite  à 
son  premier  théâtre,  mais  on  ignore  à  quel  moment.  On  voit 
seulement  qu'en  164a  il  y  jouait  le  Cliton  du  Menteur  de  Cor- 
neille. Il  y  resta  plusieurs  années,  puis  émigra  de  nouveau 
à  l'Hôtel  de  Bourgogne;  enfin,  en  iGSg,  au  Petit-Bourbon. 
Quoique  l'on  ne  suive  qu'imparfaitement  les  vicissitudes  de 
cette  inconstante  carrière  théâtrale,  il  s'y  trouve  plus  d'une 
place,  avant  i65o,  pour  l'anecdote  de  Tallemant;  ce  n'est 
donc  pas  elle  qui  nous  fera  savoir  quelles  furent  les  dernières 
années  où  l'on  joua  encore  la  comédie  de  Rotrou  ;  mais  nous 
ne  serions  pas  surpris  que  c'ait  été  à  une  époque  assez  voi- 
sine de  celle  de  l'Amphitryon^  pour  que  celui-ci  soit  né  d'une 
pensée  de  rivalité  entre  le  Palais-Royal  et  le  Marais.  La  con- 
jecture de  cette  émulation  pourrait  paraître  confirmée  par  des 
vers  de  Robinet  qui  seront  cités  plus  loin.  Les  décorations, 
les  machines  volantes  y  sont  célébrées  parmi  les  merveilles  de 


I.  M.  Taschereau,  Histoire  de  la  vie  et  des  ouvrages  de  MoUère^ 
p.  X73  et  174  de  la  5*  édition  (i863),  Fa  placée  à  la  première  re- 
prétentation  de  V Amphitryon  de  Molière.  Malt  Jodelet,  en  1668, 
étant  mort  depuis  huit  ans  (mars  1660),  il  a  été  obligé  de  lui  aub- 
stituer  a  le  Jodelet  de  la  troupe  d  du  Palais-Royal,  se  mettant  ainai 
en  détacGord  aTec  Tallemant,  qu^il  cite  comme  son  autorité. 

9.  Tome  III,  p.  391. 


3i6  AMPHITRYON. 

la  nourelle  comëdie  de  Molière.  Ne  semblerait^  pas  qae  l'on 
eût  pensé  à  latter  avec  le  spectacle  féerique  de  la  Naissamce 
d^  Hercule? 

Il  n'y  a  pas  pour  toutes  les  comédies  de  notre  poète  le 
même  intérêt  à  connaître  pourquoi  Tesprit,  qui  souffle  où  il 
veut,  avait  tel  jour  soufflé  d'un  cdté  plutôt  que  d'un  autre.  Si 
nous  avons  pris  quelque  peine  à  chercher  quelle  occasion  a 
pu  inspirer  celle-ci,  c'est  que  d'autres,  qui  s'en  sont  inquié- 
tés aussi,  ont  voultf  insinuer  qu'un  pur  caprice  était  invrai- 
semblable et  se  sont  fondés  sur  cette  invraisemblance  pour 
appuyer  une  conjecture  très-fâcheuse,  qui  ne  s'est  que  trop 
accréditée.  Rœderer  l'a,  nous  le  croyons,  hasardée  le  pre- 
mier; nous  n'en  trouvons  pas  trace  chez  les  contemporains.  Il 
fiiut  citer  Tacte  d'accusation,  afin  de  n'en  pas  affaiblir  les  ar- 
guments. On  le  trouve  au  chapitre  xxn  du  Mémoire  pour  ser- 
pîr  à  f  histoire  de  la  société  polie  en  France  * . 

«  Les  Mémoires  de  Mademoiselle  de  Montpensier^  dit  Ros- 
derer,  nous  apprennent....  que,  dans  le  conunencement  de  la 
campagne  de  Flandre,  au  mois  de  mai  1667...,  on  s'arrêta.... 
dans  une  ville  dont  le  nom  est  resté  en  blanc,  et  que  là  s'éta- 
blit la  liaison  intime  du  Roi  et  de  Mme  de  Montespan*.... 

ce  Ce  serait  vers  le  milieu  de  l'année  1667  que  Montespan 
se  serait....  laissé  aller  à  la  fougue  de  sa  jalousie  et  aux  plus 
violents  outrages  envers  la  duchesse  de  Montausier,  comme 
complice  de  la  séduction  exercée  par  le  Roi  sur  sa  femme. 

a  II  est  fâcheux,  ce  me  semble,  que  l'ordre  chronologique 
amène,  à  la  suite  du  premier  éclat  que  fit  l'intrigue  du  Roi 
avec  Mme  de  Montespan  et  de  la  colère  du  mari,  la  première 
représentation  de  la  comédie  à* Amphitryon....  Que  l'auteur, 
après  avoir  dit  qu'il  n'avait  plus  besoin  d'étudier  son  art  ail- 
leurs que  dans  la  société',  et  après  avoir  produit  plusieurs 


I.  Un  volume  in-8«,  Paris,  typographie  de  Firmin  Didot,  i83S. 

9.  Page  aaS. 

3.  Cette  parole  (quelque  chose  du  moins  d*approchant)  que 
Ton  a  prêtée  à  Molière  aurait  été  dite  par  lui  après  les  Précieuses 
ridicules^  en  ifiSg.  Elle  est  loin  d'être  authentique  :  voyez'  notre 
tome  II,  page  16,  note  i.  Molière  n'avait-il  pas  trop  de  sagemo* 
destie  pour  déclarer  jamais  qu'il  n'avait  a  plus  que  faire  d'étu- 


NOTICE.  3i7 

diefe-d'ceavre  de  cet  art  aiasi  ëtadië,  ait  nëanmoins  eu  la  fan- 
taisie d'imiter  une  oomëdie  fort  immorale  de  Plaute,  je  le  veux 
croire.  Mais  qu'il  n'y  ait  pas  trouve  quelque  rapport  avec  ce 
qui  se  passait  à  la  cour;  qu'il  n'ait  pas  vu,  pas  soupçonne  que 
la  situation  du  marquis  de  Blontespan  eût  quelque  rapport  avec 
celle  d'Amphitryon,  celle  de  Louis  XIV  avec  celle  de  Jupiter; 
qu'il  n'ait  eu  aucune  intention  en  disant  dans  sa  pièce  ^  : 

Un  partage  avec  Jupiter 

N*a  rien  du  tout  qui  déshonore, 

c'est  ce  qu'il  est  difficile  de  croire  d'un  homme  qui  ëtait  au 
courant  de  toutes  les  aventures  galantes  de  la  cour,  et  ne  në- 
gligeaity  que  dis-je?  ne  laissait  passer,  sans  un  éclatant  tribut 
de  son  zèle  et  de  son  talent,  aucune  occasion  de  divertir  et  de 
flatter  le  Roi,  et  qui  enfin  avait  cela  de  particulier  que,  amant 
malheureux,  mari  trompe,  il  ëtait  poète  sans  pitié  pour  les 
victimes  d'uo  désordre  qui  faisait  son  tourment*.  » 

Ceux  qui  croient  utile  à  certaines  rancunes  d'imprimer  une 
flétrissure  au  nom  de  Molière  ont  avidement  saisi  l'arme  qui 
leur  était  fournie  par  Rœderer,  et  n'ont  eu  garde  de  douter 
qu'elle  ne  fût  de  bonne  qualité.  Si  Rœderer  n'avait  pas  les 
mêmes  raisons  qu'eux  d'en  vouloir  à  notre  poète,  il  avait 
pourtant  les  siennes.  La  comédie  des  Précieuses  ridicules^ 
quoiqu'il  ait  afiecté  de  croire  qu'elle  attaquait  seulement  les 
fausses  précieuses  de  province,  et  même  la  comédie  des  Femmes 
savantes^  le  blessait,  comme  il  ne  l'a  guère  caché',  dans  sa 
partialité  pour  la  société  polie  de  l'hôtel  de  Rambouillet.  Il  ne 
néglige  aucune  occasion  de  taxer  Molière  de  complaisance  pour 
la  corruption  de  son  temps,  parce  qu'il  veut  laisser  moins  de 


dier  Plante  et  Tëreuce  »  ?  Pourrait>on  d*ailieur»  Toir  dans  une  telle 
boutade  un  engagement  auquel  on  voudrait  quUI  n*eût  pu  manquer 
sans  un  puissant  motif?  Ce  sont  là  des  arguties  de  plaidoirie. 

I.  Vers  1899  et  1900. 

a.  Pages  a3o  et  a3f . 

3.  Voyez,  aux  pages  3o5-3o7de  son  livre,  comment  il  interprète 
r intention  des  Femmes  tapantes^  et  le  dessein  qu'avec  une  subtilité 
très-inattendue  il  prête  à  Molière  de  servir  dans  cette  pièce  les 
amours  du  Roi  et  de  Mme  de  Montespan. 


3i8  AMPHITRYON. 

crédit  aux  railleries  da  poète  contre  des  femmes  dont  les  mœurs 
sévères  «  rinquiétaient^  dit-il,  et  offensaient  la  cour.  »  On  doit 
donc  se  défier  de  ce  paladin  des  précieuses  et  examiner  de 
près  les  preuves  de  son  réquisitoire. 

Nous  pensons  que,  pour  les  besoins  de  sa  cause,  il  a  anti- 
daté la  connaissance  à  la  cour  et  dans  le  public  du  scandale 
dont,  à  l'en  croire,  Molière  se  serait  fait  le  héraut  et  comme 
l'apologiste  sur  la  scène. 

Les  Mémoires  de  Mademoiselle  de  Montpensier  étaient  as- 
surément le  document  à  citer  comme  le  seul  contemporain  et 
irrécusable  sur  les  commencements  de  la  liaison  du  Roi  et  de 
Mme  de  Montespan.  Us  placent  ces  commencements  au  temps 
de  la  campagne  de  1667.  Mais  Rœderer  a  eu  tort  de  parler  du 
mois  de  mai.  La  Gazette  de  1667  permet  de  dater  jour  par  jour 
le  récit  de  Mademoiselle.  Quelle  est  la  ville  dont  le  nom,  dans 
ce  récit,  «  est  resté  en  blanc,  »  et  où  l'on  remarqua  le  premier  in- 
dice de  la  liaison,  c'est-à-dire  la  sentinelle  déplacée  pour  laisser 
la  communication  libre  entre  l'appartement  du  Roi  et  celui  de 
Mme  de  Montespan^?  Elle  est  désignée  par  cette  circonstance 
que  de  là  on  fut  coucher  à  Vervins  et  le  lendemain  à  Notre- 
Dame-de-Liesse.  Évidemment  il  s'agit  d'Âvesnes  '.  Ce  fut  donc 
seulement  entre  le  9  et  le  14  juin  que  pour  la  première  fois 
on  put  avoir  soupçon  de  la  nouvelle  intrigue.  La  veille  même 
de  l'arrivée  à  Avesnes,  comme  on  était  en  carrosse,  Mme  de 
Montespan,  blâmant,  avec  les  autres  dames,  la  pauvre  la  Yal- 
lière,  disait  :  «  Dieu  me  garde  d'être  maîtresse  du  Roi  *  !  » 

I.  Mémoires  de  Mademoiselle  de  Montpensier  (Paris,  1728,  in-ia), 
tome  y,  p.  145. 

a.  Il  est  vrai  que  les  Mémoires  disent:  a  Nous  fumes  3  jours 
à  ....»,  et  que,  d'après  la  Gazette  (p.  58 3),  on  resta  à  Aresnes  du 
9  juin  au  soir  jusqu'au  14.  Mais  le  chiffre  3,  au  lieu  de  5,  a  pu 
être  mal  lu.  On  peut  Toir  dans  la  Gazette  (p.  584)  q^®  ^^  ^^ 
cVAyesnes  que  la  Reine  partit  pour  Verrins,  puis  pour  Liesse.  — 
Au  reste,  ceci  écrit,  nous  voyons  que,  dans  Tédition  de  M.  Chë- 
ruel  (1859,  tome  IV,  p.  5o),  il  n'y  a  plus  de  mot  laissé  en  blanc, 
et  que  c'est  bien  Avesnes  qui  est  nommé  :  «  On  iiit  deux  ou  trois 
jours  à  Avesnes.  » 

3.  Mémoires  de  Mademoiselle  de  Montpensier,  édition  de  M.  Ché- 
ruel,  tome  IV,  p.  49. 


NOTICE.  3i9 

Pense-t-on  qae  c'ait  été  pour  afficher  le  lendemain  le  dëmenti 
donne  à  ces  sages  paroles  ?  Le  scandale  d'Avesnes  ne  put  donc 
être  encore  celui  qui  ëclata  aux  yeux  de  tous.  Sera-ce  ce- 
lui de  C!ompiègne^,  pendant  le  séjour  du  Roi  du  9  au  19  juil- 
let 1667  *  ?  Celui-là  sans  doute  put  faire  plus  de  bruit,  mais 
seulement  encore  parmi  les  plus  inities.  U  est  clair  que  si,  dans 
un  cercle  très-ëtroit,  on  s'entretenait  de  la  grande  nouvelle, 
ce  nVtait  qu'à  voix  basse,  même  au  moment  où,  par  une  lettre 
charitable,  la  Reine  en  eut  le  premier  avis,  sans  y  croire  '. 
C'était  après  la  prise  de  Lille,  qui  est  du  27  août. 

Il  ne  faudrait  assurément  point  parler  de  beaucoup  de  mys- 
tère dans  ces  temps  de  la  campagne  de  Flandre,  s'il  était  vrai 
que  la  jalousie  de  M.  de  Montespan,  comme  le  dit  Rœderer, 
eût  dès  lors  fait  esclandre.  Mademoiselle  de  Montpensier  a  su 
les  extravagances  du  marquis,  les  injures  dont  il  accabla  sa 
femme  et  qui  forcèrent  le  Roi  à  le  faire  chercher  pour  l'envoyer 
en  prison*;  mais  elle  en  place  certainement  le  temps  fort  peu 
avant  celui  où  M.  de  Montausier  fut  nommé  gouverneur  du 
Dauphin*  (18  septembre  1668').  Loin  que  M.  de  Montespan  ait 
affiché  son  infortune  aussi  tôt  que  le  dit  Rœderer,  on  raconte  ' 
qu'il  fut  d'abord  d'un  aveuglement  opiniâtre,  refusant  d'em- 
mener loin  de  la  cour  sa  femme  qui  l'en  priait. 

Tout  bien  examiné,  nous  ne  pouvons  reconnaître  pour  vrai- 
semblable qu'en  1667,  même  à  la  cour,  et  fût-ce  au  mois 
d*août,  on  parlât  autrement  qu'en  très-grand  secret  d'un  at- 
tachement qui  ne  s'avouait  pas  encore.  On  voit  la  difficulté 
qu'il  y  a  à  supposer  Molière  autorisé,  à  cette  époque,  à  en  ré- 
jouir le  public,  et  combien  même  on  aurait  peine  à  l'en  croire 

I.  Mémoires  de  Mademoiselle  de  Montpensier ^  tome  IV,  p.  146. 
9.  Gazette  de  1667,  P-  7**i  737  et  761. 

3.  Mémoires  de  Mademoiselle  de  Montpensier^  tome  IV,  p.  58. 

4.  Ibidem^  p.  i5a-iS4. 

5.  Ibidem^  p.  i54. 

6.  Le  18  septembre  est  la  date  de  la  déclaration  que  fit  le  Roi 
du  choix  de  Montausier.  Mme  de  Sévignë  annonçait  cette  nomi- 
nation à  Bussy  dès  le  4* 

7.  Saint-Simon,  Mémoires^  édition  de  1878,  tome  V,  p.  aSg  ;  et 
Duclos,  Mémoires  secrets  sur  le  règne  de  Louis  XIV  (1864,  a  volumes 
in-8<>),  tome  I,  p.  a35,  note  9. 


1 


3ao  AMPHITRYON. 

si  lAt  infomië.  S'imagineFÛt-on  que  ses  camanides,  ses  am- 
bassadeurs dans  Taffaire  du  Tartuffe^  la  Thorillière  et  la 
Grange,  lorsque,  pendant  le  siëge  de  Lille,  ils  arrivèrent  por- 
teurs de  son  placetS  eussent  été  mis  au  courant  des  secrets 
tout  nouveaux  de  la  cour,  et  fussent  venus  en  rëgaler  notre 
poète,  à  leur  retour  près  de  lui,  vers  la  fin  de  septembre? 
11  faut  bien  expliquer  cependant  comment  des  nouvelles  encore 
si  peu  ébruitées  purent  lui  arriver  de  Flandre,  et  l'on  est  forcé 
de  ne  pas  trop  reculer  l'époque  où  il  les  aurait  connues.  Par 
suite,  on  voit  assez  pourquoi  Rœderer  a  fait  remonter  un  peu 
plus  haut  que  les  Mémoires  de  Mademoiselle  ne  l'y  autorisaient 
les  premiers  indices  de  la  passion  du  Roi.  Une  pièce  jouée  le 
1 3  janvier  i668  avait  nécessairement  été  achevée  avant  la  fin  de 
l'année  précédente,  et  il  avait  bien  fallu  quelque  temps  pour 
l'écrire.  Quel  sera  donc  le  moment  de  la  campagne  de  1667 
où  Molière  aura  pu  être  en  mesure  de  préjMurer  le  singulier 
à-propos  ?  A  fixer  ce  moment  d'aussi  bonne  heure  que  les  J/é- 
moires  de  Mademoiselle  de  Montpensier  le  permettent,  on  exa- 
gère vraiment  encore  la  facilité  de  travail  de  l'auteur  d'jim^ 
phitijon;  et  quelle  indiscrétion,  quelle  témérité  n'eCLt-ce  pas 
été  à  lui,  lorsque  Ton  fait  réflexion  qu'il  n'avait  pu  pressentir 
comment  de  telles  allusions  seraient  prises  par  le  Roi,  alors 
trop  éloigné  pour  que  personne  puisse  le  soupçonner  de  les 
avoir  indiquées  lui-même  t 

Malgré  tout,  l'imagination  de  Rœderer,  sans  qu'on  prtt  la 
peine  d'un  examen  sérieux,  a  fait  fortune.  Cest  que,  dans  le 
rapprochement  qu'il  nous  montre,  quelque  chose  de  très- 
spécieux  frappe  tout  d'abord,  et  Ton  s'étonne  d'une  si  juste 
coïncidence.  Par  un  singulier  hasard,  la  fiction  comique  de 
Molière  était  arrivée  comme  à  point  nommé  pour  répondre 
à  la  comédie  réelle  qui  se  jouait  en  même  temps  à  la 
cour. 

Il  faut  bien  accorder  à  Rœderer  que  le  Jupiter  de  VAmphi-' 
iryon  avait  beaucoup  de  la  figure  de  Louis  XIV  en  bonne 
fortune;  et  que  l'infortuné  mari  d'Alcmène  remplissait  fort 
bien  le  rôle  du  marquis  de  Montespan,  qui  se  trouvait  rece- 
voir, dans  la  pièce,  les  consolations  les  plus  brillantes  et  les 

I.  Voyez  notre  tome  IV,  p.  3i6« 


NOTICE.  3ai 

plus  prudents  cooaeils  d'une  humble  sonmissbn  à  de  très- 
augustes  bontés  pour  sa  femme  : 

....  C*est  assez....  pour  remettre  ton  coeur 

Dans  Pëtat  au^el  il  doit  être, 
Et  rétablir  chez  toi  la  paix  et  la  douceur*. 

Il  est  regrettable  que  la  pièce  n'ait  pas  été  faite  après  1670. 
On  n'aurait  pu  douter  que  la  naissance  du  duc  du  Maine  n'y 
fût  célébrée  : 

Et  chez  nous  il  doit  naître  un  fils  d*un  très-grand  cœur  '. 

Un  tel  vers,  aurait-on  dit,  fait  bien  deviner  qu'un  jour  le 
glorieux  fils,  autre  Hercule  reçu  dans  l'Olympe,  sera  légitimé. 
Par  malheur,  les  plus  ingénieux  commentateurs  ne  sauraient 
accuser  Molière  que  d'avoir  prévu  l'événement,  tout  poète  étant 
prophète. 

Pour  que  le  poids  d'une  honteuse  complaisance  ne  l'ac- 
cable pas  trop  lourdement  tout  seul,  félicitons-nous  de  savoir 
que,  bien  avant  lui,  Plante  avait,  en  latin,  comme  eût  dit  Boi- 
leau*y  proclamé  le  droit  divin  de  Louis  XIV  sur  Mme  de  Mon- 
tespan,  et  qu'en  i636  le  respectable  Rotrou  avait  déjà  mis  à 
l'aise  la  consdence  de  la  belle  favorite  : 

Alcmène,  par  un  sort  à  tout  autre  contraire, 
Peut  entre  ses  honneurs  compter  un  adultère^. 

Le  même  Rotrou  a  dit  dans  sa  i**  scène  : 

Le  rang  des  vicieux  ôte  la  honte  aux  vices. 

Quelle  apologie,  ou,  sous  forme  ironique,  quelle  sanglante 
sature  des  faiblesses  de  Louis  XIV  n'aurait-on  pas  vue  là,  si 
la  chronologie  n'avait  pas  été  gênante!  Grand  avertissement 
de  se  défier  des  applications.  Mais,  par  quelques  bonnes  raisons 
qu'on  en  démontre  l'invraisemblance,  ceux  qui  en  sont  d'autant 
plus  friands  qu'elles  sont  plus  scandaleuses,  y  renonceront  diffi- 
cilement. 

I.  Vers  1874-1876.  —  1.  Vers  1939. 

3.  Compares  U  s^ire  ix,  vers  lag.  * 

4.  Les  Soêies^  acte  V,  soène  dernière  (vi)« 

MouÉai.  VI  SI 


3ai  AMPHITRYON. 

Nous  avons  dit  que  Rœderer  n'avait  pas  eu  de  peine  à 
persuader  les  ennemis  de  Molière.  Michelet  n'a  jamais  été 
de  ce  nombre;  bien  au  contraire;  mais  tout  ce  qu'il  rencon- 
trait de  plus  noir  dans  les  cours,  il  avait  si  grand  besoin  de 
le  noircir  encore,  et  particulièrement  les  désordres  du  grand 
Roi,  que,  sans  hésiter,  il  a  plutôt  frappé  un  grand  poète  qu'il 
aimait  que  d'épargner  à  Louis  XIY  la  honte  d'avoir  fait  livrer, 
sur  le  théâtre,  à  la  risée  publique  ceux  qu'il  déshonorait,  et 
d'avoir  commandé  qu'on  y  déifiât  ses  vices.  L'historien  a  été 
jusque*là;  et  nous  ne  parlions  pas  juste,  quand  nous  ne  vou- 
lions pas,  tout  à  l'heure,  qu'il  pût  venir  à  la  pensée  de  qui 
que  ce  fût  d'accuser  Louis  XIY  d'avoir  lui-même  proposé, 
imposé  le  sujet.  Après  avoir  raconté  ce  qu'il  appelle  «  le  mys^ 
tère  de  Compiègne,  »  Michelet  n'a  pas  craint  de  dire  :  «  Il 
manquait  une  chose  à  ces  plaisirs,  c'était  d'être  étalés,  mis  sur 
la  scène.  On  joua  la  nuit  de  Compiègne.  Sans  un  ordre  préds, 
MoUère  ne  l'eût  jamais  osé.  La  chose  était  barbare,  eUe  na« 
vrait  la  Reine  et  la  VaUière,  et  Mme  de  Montausier,  M.  de 
Montespan,  tant  d'autres.  Molière  n'eût  pas  fait  de  lui-même 
cette  cruelle  exécution.  Il  y  déplore  sa  servitude.  Que  peut 
Molière-Sosie?  Il  sert  et  servirai  »  Un  peu  plus  loin  :  a  II  y  a 
dans  cette  pièce  une  verve  désespérée.  Dans  tel  mot  (du  Pro- 
logue même)  une  crudité  cynique  que  les  seuls  bouffons  ita- 
liens hasardaient  jusque-là,  et  qui,  dans  la  langue  française, 
étonne  et  stupéfie....  Mercure-Lauzun  est  là  à  l'état  de  valet '.  » 

On  serait  surpris  de  tout  ce  que  l'historien  a  découvert 
dans  le  Prologue^  si  l'on  ne  voyait  bien  son  parti  pris  de  don- 
ner à  toute  la  pièce  les  plus  odieuses  couleurs,  afin  qu'elle 
parût  plus  digne  de  celui  qu'il  aime  à  faire  passer  pour  l'avoir 
inspirée.  Ce  prologue,  chargé  de  tant  de  crimes,  nous  rappelle- 
rons un  peu  plus  loin  combien  il  est  ingénieux  ;  ici  nous  nous 
bornerons  à  dire  qu'on  chercherait  en  vain  comment  il  a  mé- 
rité de  si  terribles  accusations,  et  quels  mots  cyniques,  dignes 
des  seuls  bouffons  italiens,  y  peuvent  scandaliser.  Ne  laissons 
pas  croire  que  personne  les  saura  trouver  où  vaguement  on 
nous  les  dénonce.  Us  n'y  sont  pas  plus  que  dans  les  autres 

I.  Histoire  de  Fnutee^  tome  XIII  (1860),  p.  m. 
3.  Ibidem^  p.  lia  etil3. 


NOTICE.  3!i3 

scènes  de  notre  comédie.  Non^  notre  poète  n'a  nulle  pari  ag- 
grave par  la  iiceace  de  l'expression  ^  ce  que  le  sujet  de  V  4m^ 
phitryon  a  de  libre,  de  scabreux.  Le  seul  tort  que  les  rigo- 
ristes auraient  à  lui  reprocher,  ce  serait  de  n'en  avoir  pas  été 
plus  effarouche  que  Plante  et  que  Rotrou.  Quant  à  le  repré- 
senter comme  un  homme  qui,  se  dévouant  à  contre-cœur  à  une 
vilaine  tâche,  se  jette  éperdument  dans  la  plaisanterie  gros- 
sière, il  faut  pour  cela  bien  de  la  fantaisie.  Nous  tenons,  au 
contraire,  pour  très-assuré  que,  l'occasion  étant  si  bonne,  il 
s'est  égayé  fort  naturellement,  et  sans  le  moindre  désespoir. 
Entendre  les  choses  comme  l'a  fait  l'histoire,  changée,  il  faut 
bien  le  dire,  en  pamphlet,  ce  n'est  pas  moins  salir  Molière  que 
celui  qu'il  aurait  flatté  si  bassement  ;  et  s'il  s'est  à  ce  point 
dégradé  pour  faire  jouer  le  Tartuffe^  voilà  sur  le  Tartuffe  une 
vilaine  tache.  Rœderer  ne  s'était  pas  avisé  de  donner,  dans 
Vjémphitryon^  un  rôle  à  Lauzun;  seul,  Michelet  pense  à  tout. 
En  poussant  à  toute  outrance  la  thèse  du  premier  inventeur 
de  l'allusion,  il  aura,  ce  nous  semble,  prêté  appui  à  ceux  qui 
la  jugent  entièrement  imaginaire. 

La  comédie  que  Ton  voudrait  avoir  été  écrite  pour  plaire 
au  galant  Jupiter  que  la  cour  adorait,  ce  n'est  pas  à  lui  (dis- 
simulation nécessaire,  dira-t-on)  qu'elle  fut  dédiée,  c'est  à  Mon- 
sieur le  Prince;  et  ce  ne  fut  pas  devant  la  cour  qu'elle  pa- 
rut d'abord,  mais,  comme  nous  l'apprend  le  Registre  de  la 
Grange^  siur  le  théâtre  du  Palais-Royal,  le  vendredi  i3  et  le 
dimanche  i5  janvier  1668,  faisant  une  recette  de  i565^  10* 
le  premier  de  ces  deux  jours,  et  de  1668^  10'  le  second.  La 
troisième  représentation  seulement  fut  donnée  devant  le  Roi, 
aux  Tuileries,  parmi  de  brillants  divertissements,  auxquels  la 
Galette  n'oublie  pas  de  dire  qu'avec  Leurs  Majestés  et  Leurs 
Altesses  Royales  plusieurs  des  principales  dames  prenaient 
part*.  Là  Molière  et  sa  troupe  avaient,  le  6  janvier,  représenté 
le  Médecin  malgré  lui*.  Au  nombre  des  <c  principales  dames  » 

I.  Le  mot  que  Ton  pourrait  condamner,  comme  grossier,  aux 
vert  1795  et  1798,  Tétait  alors  bien  moins  qu'aujourd'hui.  Voyez 
ci-après  la  note  qui  s'y  rapporte.  Michelet  se  rappelait-il  yague- 
ment  le  mot  et  le  faisait-il  passer  de  Tacte  III  dans  le  Prologue? 

s.  Gaxêttê  de  1668,  p.  4?* 

3.  Robinet,  Lettre  tm  nrs  à  Madgme^  du  x4  janvier  1668. 


3a4  AMPHITRYON. 

la  Gazeiie  n'a  pas  eu  besoin  de  nommer  Mme  de  Montespan  : 
elle  ëtait  certainement  comme  la  reine  de  ces  fêtes  ;  et  elle  put 
▼oir  en  souriant  les  aventures  de  la  rivale  (celle-là  du  moins 
innocente]  de  la  souveraine  des  dieux,  le  jour  où  «  les  diver- 
tissements continuèrent  par  celui  de  la  belle  comëdie  d'^ém- 
phitrjron^.  »  Ce  fut  le  lundi  1 6  janvier. 

Au  témoignage  de  la  Gazette  on  peut  joindre  celui  de  Robi- 
net, qui,  à  r  occasion  de  cette  représentation  à  la  oour^  rend 
ainsi  compte  de  la  pièce  nouvelle'  : 

Lundi,  chez  le  nompareil  Sibf, 
Digne  d*étendre  son  empire 
Dessus  toutes  les  nations, 
On  vit  les  deux  Amplùtryons^ 
Ou,  si  l*on  veut,  les  deux  Soiies 
Qu*on  trouve  dans  les  poésies 
Du  feu  sieur  Plaute,  franc  latin, 
Et  que,  dans  un  françois  très-fin, 
Son  digne  successeur,  Molière^ 
A  travestis  d^une  manière 
A  faire  ébaudir  les  esprits, 
Durant  longtemps,  de  tout  Paris. 
Car,  depuis  un  fort  beau  Prologue, 
Qui  s*/  fait  par  un  dialogue 
De  Mercure  avecque  la  Nuit, 
Jusqu*à  la  fin  de  ce  dëduit, 
L*aimable  enjouement  du  comique 
Et  les  beautés  de  Théroïque, 
Les  intrigues,  les  passions, 
Et  bref,  les  décorations. 
Avec  des  machines  volantes. 
Plus  que  des  astres  éclatantes. 
Font  un  spectacle  si  charmant. 
Que  je  ne  doute  nullement 
Que  Pon  n^y  coure  en  foule  extrême, 
Bien  par  delà  la  mi-caréme. 

Il  se  peut  que  les  oc  machines  volantes  »  du  Prologue  et  de 
la  dernière  scène,  la  beauté  du  spectacle,  dont,  à  la  ville 
comme  à  la  cour,  on  n'avait  pas  encore  cessé  d'être  curieux» 

I.  Gazette  de  1668,  p.  71  et  7s. 

a.  Lettre  en  pers  à  Madame^  du  si  janvier. 


NOTICE.  3a5 

aient  ëtë  un  des  attraits  de  la  pièce  ;  mats  assurément  c'est 
aller  bien  loin  que  de  les  faire  ici  autant  valoir  que  «  Taima- 
ble  enjouement  du  comique.  »  Quoi  qu'il  en  soit,  le  rimeur 
avait  raison  de  prévoir  l'empressement  du  public.  Nous  en 
trouvons  la  preuve  dans  le  Registre  de  la  Grange,  Joue  le 
i6  à  la  cour,  \ Amphitryon  le  fut  encore  au  Palais-Royal,  le 
lendemain  mardi  17,  puis,  sans  interruption,  tous  les  jours 
suivants  de  spectacle,  jusqu'au  dimanche  18  mars,  où  la  cl^ 
ture,  dite  de  Pâques,  eut  lieu.  II  y  avait  eu  de  suite  vingt-neuf 
représentations  à  la  ville',  dont  les  quinze  premières  avaient 
attire  beaucoup  de  spectateurs,  sans  être  soutenues  par  au- 
cune autre  pièce. 

Quelques  jours  après  la  réouverture,  le  a5  avril  1668,  «  la 
Troupe,  dit  le  Registre  de  la  Grange^  est  partie,  par  ordre  du 
Roi,  pour  Versailles.  On  a  joué  Amphitryon  et  le  Médecin 
malgré  lui^  Cléopatre  ^  et  le  Mariage  forcé ^  V École  des 
femmes.  »  Pour  une  pièce  qui  n'avait,  prétend-on,  d'autre 
objet  que  de  célébrer  les  plaisirs  de  Louis  XIV,  deux  repré- 
sentations à  la  cour,  ce  n'est  pas  trop,  dans  le  temps  où  il  y 
en  eut  un  si  grand  nombre  à  la  ville.  Il  semblerait  qu'une 
œuvre  dont  le  Roi  aurait  connu  l'intention,  ou  complaisante 
ou  indiscrète,  aurait  dû  le  flatter  ou  le  gêner.  £lle  ne  le  gêna 
point,  puisque,  à  deux  reprises,  il  la  fit  jouer  devant  lui.  EIl^  ne 
le  flatta  pas  excessivement,  puisqu^il  ne  la  vit  ni  le  premier, 
ni  souvent.  On  n'en  a  noté  aucune  autre  représentation  à  la 
cour  jusqu'en  1680.  Il  y  en  eut  huit  de  1680  à  1700,  et 
cinq  de  1700  à  171 5',  lorsqu'il  n'était  plus  question  de  la  fa- 
veur de  Mme  de  Montespan,  avec  qui  le  Roi  avait  décidément 
rompu  depuis  168 3.  Cela  doit  être  remarqué.  Louis  XIV, 
revenu  de  ses  erreurs,  ne  craignait  pas  de  revoir  V Amphitryon, 
Il  faut  donc  croire  que  ni  lui,  ni  Mme  de  Matntenon,  devenue 


I.  La  Grange  mentionne  en  outre  une  visite  à  la  ville,  sans  dire 
où,  le  17  mars. 

1.  Tragédie  de  la  Thorillière,  du  1  décembre  précédent. 

3.  Voyez  le  tableau  des  Rêprésentatiomi  à  la  couTj  à  la  page  SSy 
de  notre  tome  I.  —  On  n*y  a  noté  qu'une  représentation  de  1668 
à  1680,  celle  d*aml  1668,  la  seule  mentionnée  par  la  Grange  (Toyea 
le  même  tome  I,  p.  555,  a'  alinéa). 


3a6  AMPHITRYON. 

la  directrice  de  sa  conscience,  n'y  entendaient  malice  et  n'y 
trouvaient  aucune  intention  d'allusion  au  vieux  pëchë. 

A  la  ville,  X Amphitryon  fut  encore,  après  la  réouverture 
d'avril,  représente  six  fois  en  1668*,  neuf  fois  en  1669;  en 
tout  cinquante- trois  fois  jusqu'en  1673*. 

Robinet,  dans  la  lettre  en  vers  (du  ai  janvier]  que  nous 
avons  tout  à  l'heure  citée,  mais  non  jusqu'au  bout,  a  parlé  de 
la  manière  dont  la  pièce  fut  jouée  par  les  comédiens  qui  en 
créèrent  les  rôles.  Ce  qu'il  nous  en  dit  ne  satisfait  que  trè»- 
incomplétement  notre  curiosité,  et  n'est  point  cependant  sans 
quelque  intérêt.  Il  exprime  ainsi  son  approbation  du  jeu  de 

tous: 

Je  n*ai  rien  toachë  des  acteurs  \ 
Mais  je  tous  arertis,  lecteurs, 
Qu^ils  sont  en  conche'  très-superbe 
(Je  puis  user  de  cet  adTerbe), 
Et  que  chacun  de  son  rôlet, 
Soît  sérieux,  ou  soit  follet, 
S^acquitte  de  la  bonne  sorte  ; 
Surtout,  ou  qu*Àstarot  m*emporte  I 
Vous  j  Terrez  certaine  Nuit,,,, 
Et  de  même  certaine  Jlcmène,,,, 

I.  Parmi  ces  six  dernières  représentations  de  '1668  au  Palais- 
Royal,  une  fut  assez  remarquable  pour  être  particulièrement  men- 
tionnée par  Robinet  dans  sa  Lettre  en  vers  k  Madame  du  99  sep- 
tembre. Ce  fîit  sans  doute  celle  du  18  de  ce  même  mois,  la  dernière 
inscrite  dans  le  Registre  de  la  Grange,  Les  ambassadeurs  de  Moscorie 
y  avaient  été  inrités  par  la  troupe  de  Molière,  qui 

Lear  doooa  ton  Amphitrjcn 
Avec  ample  collation, 
Pat  de  baUet  et  tymplionle...; 
Et  ees  gens  ainant  les  gratis 
Y  farent  des  mieux  divertis, 
Ayant  deux  fort  bons  Interprètes. 

9.  Voyez  au  tome  I,  p.  548,  les  Représentations  à  la  pille, 
3.  Transcription  de  Titalien  eoneio  ou  eoneia:  «  rieux  mot,  dit 
\e  Dictionnaire  de  Trévous  (1771),  qui  signifioit  autrefois  le  bon  ou 
le  mauvais  état  d*une  personne,  relativement  à  ses  habits,  à  son 
équipage.  »  Nous  verrons  ci-après  que,  pour  les  habits,  Molière, 
«ans  son  rôle,  était  en  bonne  conehe. 


NOTICE.  3a7 

Noos  devons  arrêter  à  temps  la  citation;  et  quoique  trop 
de  sëvëritë  ne  smt  pas  de  mise  à  propos  de  ï Amphitryon^  les 
▼ers  que  nous  omettons  ne  seraient  pas  très-bons  à  tran- 
scrire. Il  suffît  de  dire  qu'ils  sont  plus  flatteurs  pour  le  charme 
des  deux  comédiennes  que  délicats  dans  la  louange  :  ils  ne 
paraissent  pas  vouloir  exalter  la  chasteté  de  cette  Nuit  ni  de 
cette  Alcmène^  de  celle-ci  surtout.  Robinet  ne  les  nomme  pas. 
Gxnme  Bille  Duparc  avait  quitté  la  troupe  de  Molière  en  1667, 
les  noms  qui  se  présenteraient  avec  le  plus  de  vraisemblance 
seraient  ceux  de  Mlle  de  Brie  et  de  Mlle  Molière.  Si  l'on 
croyait  que  celle-ci  ait  été  TAlcmène  dont  Robinet  parle  avec 
si  peu  de  décence,  il  faudrait  plaindre  Molière,  qui  ne  pouvait 
mettre  à  l'abri  des  grossières  plaisanteries  [de  pareils  vers  la 
femme  qui  portait  son  nom;  mais  il  y  a,  comme  on  va  le  voir, 
quelque  indice  que  la  création  du  rôle  doit  plutôt  être  attri- 
buée à  Mlle  de  Brie.  Nous  ne  saurions  toutefois  rien  affirmer 
absolument  sur  les  personnages  respectivement  confiés  aux 
deux  actrices.  Nous  ne  sommes  pas  tout  à  fait  assez  éclairé  par 
la  distribution  des  rôles  ainsi  réglée  dix-sept  ans  plus  tard^  : 

DAMOZiUUS. 

La  Nuit Guiot. 

KLcmksM De  Brie. 

CuuirrHis Guerin  [MlU  HaUère], 


BfsRcuRK La  Grange. 

JupiTKR Guerin. 

ÂMPHmiYo.N DauTilliers. 

Sotn Rotimont. 

Aboatipuostidas.   .  .  De  ViUiers. 

NAUGEAiis.  .....  Hubert. 

PoLipAt BeauTal. 

P0SIGLÈ8 L.  Raisin. 

S'il  fallait  admettre  que  ceux  des  acteurs  de  1668  qui  vi- 
vaient encore  en  i685,  eussent,  à  cette  seconde  époque,*^  cou 
serve  les  rôles  qu'ils  avaient  créés,  on  voit  que  Mlle  de  Brie 
aurait  été  la  première  Alcmène,  Mlle  Molière  la  première  Gléan« 

I.  Mép$rtoire  des  comédies  franfoUes  qui  se  peuvent  joumr  en  i685. 


3a8  ÀMPHITaYON. 

this.  Mais  alors  qui  eût  été  la  Nuit  da  Prologue?  Madeldne 
Bëjard?  On  s'ëtonnerait  bien  on  peu  de  ce  que  Robinet  dit 
d'elle,  vu  l'âge  qu'elle  avait  en  1668.  Reconnaissons  toutefois 
que  celui  de  Mlle  de  Rrie  n'ëtait  pas  très -différent.  Quant  aux 
autres  rôles,  toujours  en  nous  conformant  1  la  distributi<»i 
de  i685,  nous  donnerions  celui  de  Mercure  k  la  Grange,  celui 
de  Naucrates  à  Hubert.  Mais  il  n'est  nullement  certain,  nous 
Tavons  déjà  dit  dans  quelques-unes  des  notices  précédentes, 
que  les  acteurs  de  i685  n'eussent  pas  changé  contre  d'autres 
rôles  ceux  qu'ils  avaient  créés.  Ne  regardons  pas  pour  cela 
comme  tout  à  fait  sans  valeur  ce  renseignement  de  i685,  le 
seul  positif  que  nous  ayons  sur  une  ancienne  distribution  des 
rôles  :  nous  7  trouvons  une  raison  de  plus  de  nous  défier  de  la 
première  distribution,  incomplète  d'ailleurs,  donnée  par  Aimé- 
Martin,  et  qui  ne  peut  être  qu'une  conjecture.  La  voici  : 

JuPTTBB La  Thorillière. 

MBAdTBB Du  Croitj. 

AvpuxTRYOji La  Grange. 

ALGBfàaB Mlle  Molière. 

CLÉAiiTHit Mlle  Beauval. 

ÂROATiPHOHTiDAi   .  .  Chateauneuf. 

Sosn Molière. 

Dans  une  de  ses  notes  sur  la  pièce  S  Aimé-Martin  dit 
que  la  scène  entre  Sosie  et  Qéanthis  «  fut  inspirée  par  l'ac- 
trice à  qui  le  rôle  était  confié.  En  effet ,  Ôéanthis,  c'est 
Mlle  Beauval,  la  femme  honnête  et  exigeante....  Ce  caractère 
était  célèbre  au  théâtre.  »  Par  malheur,  entre  toutes  ces  attri- 
butions de  rôles,  c'est  justement  celle  du  rôle  de  Cléanthis  à 
Mlle  Beauval,  qui,  en  1668,  est  impossible,  cette  actrice  n'ayant 
été  engagée  dans  la  troupe  du  Palais-Royal  qu'à  l'été  de 
1670.  Aussi  M.  Moland,  qui  a,  pour  tous  les  autres  noms, 
adopté  avec  confiance  la  liste  d'Aimé-Martin,  a  rejeté  celui  de 
Mlle  Beauval.  «  On  ne  sait,  dit-il,  par  qui  le  rôle  de  Cléanthis 

I.  Dans  la  note  au  bat  de  la  page  349  ^®  ^^  tome  IV  (3*  édi- 
tion, de  1845),  sur  la  scène  in  de  Tacte  II.  —  Dans  sa  seconde 
édition  (i838),  Aimé-Martin  donnait  ce  rôle  de  Cléanthis  à  Made- 
leine Béjard. 


NOTICE.  3^9 

fnt€rëéàrorigiDe;3fefatpar  IfaddeineBëjartpeiit-être,  par 
Hubert  |J0S  probableiiieiit.  Il  appartint  ensuite  à  Mlle  Beau- 
Tal*  »  Gela  oiênie,  nous  ignorons  si  l'on  doit  Taflimia*.  Nous  ne 
Gonnaîssons  pas  de  documents  certains  jusqu'à  la  distribution, 
que  nous  avons  cttée,  de  i685. 

PUmi  les  acteurs  nouveaux  de  V  Amphitryon  à  cette  der- 
nière date,  on  a  dû  remarquer  Rosimont,  qui  jouait  Sosie. 
Nous  avons  eu  d'autres  occasions  de  parler  de  ce  comédien, 
comme  ayant  étë  chargé  des  rôles  de  Molière.  H  j  a  donc  là 
une  indication,  dont  cm  peut  tenir  compte,  du  personnage  que 
l'auteur  de  la  {Hèce  s'était  réservé.  M.  Bazin  ne  met  pas  en 
doute'  qu'en  effet  ce  personnage  n'ait  été  celui  de  Sosie.  L'al- 
lusion qu'il  a  vue  dans  la  tirade  du  pauvre  serviteur  sur  le 
dévouement  qu'obtient  si  facilement  l'égolsme  des  grands,  a 
peut-être  été  pour  lui  la  preuve  décisive.  Elle  nous  parait  au 
moins  très-forte  ;  mais  n'en  fût-on  pas  firappé,  ce  rôle,  le  plus 
comique  de  tous  ceux  de  Y  Amphitryon^  convenait  si  bien  à 
Molière,  que  l'on  ne  saurait  comprendre  qu'il  en  eût  pris  un 
antre.  Au  reste,  la  tradition  n'a  jamais  hésité  sur  ce  point,  et 
loin  que  le  costume  décrit  par  l'inventaire  de  Molière  y  donne 
un  démenti,  il  aurait,  en  ce  temps-là,  si  peu  convenu  à  Am- 
phitryon (soit  au  véritable,  soit  au  faux),  qu'il  ne  peut  nous 
faire  reconnaître  que  Soâe.  Citons  cette  description  :  «  Une.... 
botte  où  est  Thabit  de  la  représentation  de  \ Amphitryon^ 
contenant  un  tonnelet  de  taffetas  vert,  avec  une  petite  dentelle 
d'ai^ent  fin,  une  chemisette  de  même  taffetas,  deux  cuissards  , 
de  satin  rouge,  une  paire  de  souliers  avec  les  laçures  garnies 
d'un  galon  d'argent,  avec  un  bas  de  soie*  céladon,  les  festons, 
la  ceinture  et  un  jimon,  et  un  bonnet  brodé  or  et  argent  fin,  I 
prisé  soixante  livres*.  »  Voilà,  objectera-t-on,  un  habit  bien 
riche.  Sur  le  théâtre  latin,  l'esclave  Sosie  en  avait  un  tout  autre  ^ 
sans  aucun  doute.  Mais  le  Sosie  de  Molière  est  un  valet  de 
grande  maison,  qui  a  dû  se  parer  pour  son  ambassade.  Disons 
surtout  que,  dans  la  fantaisie  des  costumes  de  théâtre  en  ce 
temps-là,  on  s'inquiétait  peu  d'une  exactitude  savante.  Si  d'a- 

I  •  Hôtes  kUtorifttes  sur  la  vie  de  Molière^  s'*  édition,  in-  f  a,  p.  1 5  f  • 
s.  Lises  bai  de  saie  :  Toyez,  au  tome  IV,  la  note  6  de  la  page  1 1 1 . 
3.  Meckerehes  sur  Molière^  par  Eud.  Soulié,  p.  175. 


A  f    • 


33o  AMPHITRYON. 

bord  le  toDoelet  ^  donne  envie  de  penser  plutôt  au  personnage 
du  général  thébain,  le  bonnet  ne  peut  indiquer  que  le  servi- 
teur *  ;  Amphitryon  devait  être  coiffe  d'un  casque  ou  d'un  cha- 
peau à  plumes,  peut-être  d'une  couronne  de  laurier  sur  sa 
majestueuse  perruque. 

Voici  d'ailleurs  qui  semble  prouver  que  le  costume  trouve 
dans  une  des  boîtes  de  Molière  fut  assez  longtemps,  et  avec 
très-peu  de  modifications,  celui  de  Sosie.  Un  des  petits  dessins 
des  Souvenirs  du  vieil  amateur  dramatique  (voyez  à  la  4*  lettre) 
nous  montre,  au  siècle  suivant,  Prëville  dans  ce  rôle.  Dans  son 
habit,  très-brillant  aussi,  tout,  sauf  les  couleurs  (s'il  faut  y 
voir  autre  chose  que  la  fantaisie  de  l'enlumineur),  parait  bien 
répondre  à  la  description  de  l'inventaire  de  1673,  en  parti- 
culier le  bonnet  richement  brode  que  Prëville  tient  k  la  main, 
et  encore  les  souliers  avec  les  lacures. 

En  nous  laissant  sur  la  distribution  des  rôles  dans  une  in- 
certitude, dont,  sans  son  secours,  nous  n'avons  pu  sortir  en- 
tièrement, Robinet  nous  a  du  moins  appris  que  tous  les  per- 
sonnages plaisants  ou  sérieux  étaient  joués  «e  de  la  bonne 
sorte.  » 

Après  les  preuves  incontestables  que  nous  avons  déjà  trou- 
vées du  grand  succès  de  V AmpJdtryon^  il  n'est  pas  besoin  d'en 
demander  d'autres  à  Grimarest,  dont  les  informations  ne  sont 
pas  de  première  source.  S'il  vaut  cependant  la  peine  de  le 
citer,  c'est  que,  tout  en  constatant  le  bon  accueil  fait  à  cette 
comédie,  il  rappelle  aussi  quels  furent  les  discours  des  mal- 
veillants. Laissons-le  donc  parler  :  «  J]  Amphitryon  passa  tout 
d'une  voix  au  mois  de  janvier  1668.  Cependant  un  savantasse 
n'en  voulut  point  tenir  compte  à  Molière.  Comment?  disoit-il, 

I .  Sur  le  double  sens  de  ce  terme  de  costume  de  théâtre,  Tojei 
le  Dictîonnairû  de  M»  Liitré, 

9.  Proprement,  le  bonnet  {pileus)  était  chez  les  Romains  la  coif- 
fure des  nouveaux  affranchis  ;  les  esclayes  avaient  la  tête  nue  et 
portaient  les  cheveux  longs.  Mercure  toutefois,  dans  le  dialogue  de 
Plante,  où  il  dit  (rers  117)  que  son  accoutrement  est  celui  d*un 
escIaTe,  annonce  (yers  i43)  qu'il  mettra  de  petites  plumes  à  son 
pétase  (chapeau  à  larges  bords),  afin  que  le  spectateur  puisse  le 
distinguer  de  Sosie.  Celui-ci  avait  donc  lui-même  un  pétase,  peut- 
être  parce  qu*il  était  en  voyage. 


NOTICE.  S3i 

//  a  tout  pris  sur  Rotrou^  et  Rotrou  sur  Plaute,  Je  ne  vois  pas 
pourquoi  on  applaudit  à  des  plagiaires....  De  semblables  cri- 
tiques n'empêchèrent  pas  le  cours  de  Y  Amphitryon^  que  tout 
Paris  vit  avec  beaucoup  de  plaisir,  comme  un  spectacle  bien 
rendu  en  notre  langue,  et  à  notre  goût^.  » 

Grimarest  a  raison  de  traiter  avec  dëdain  les  impertinences 
du  pëdant.  Que  valait  son  accusation  de  plagiat?  Il  est  trop 
évident  qu'intentëe  au  nom  du  comique  latin,  elle  n'avait  pas 
de  sens,  puisque  l'œuvre  de  Molière  ne  pouvait  que  s'avouer 
pour  une  imitation  de  l'antiquité.  Notre  poète  avait  autant  de 
droits  sur  Plaute  que  Racine,  dans  Fhèéûre^  sur  Eoripide.  De- 
vait-il croire  aussi  légitime  de  s'enrichir  des  dépouilles  de  son 
contemporain  Rotrou?  Le  Zolle,  \^  Monsieur  Lysidas^  cité  par 
Grimarest,  sentait  sans  doute  que  là  seulement  il  av^t  à  mor- 
dre. Aussi,  laissant  Rotrou  se  démêler  des  revendications  du 
théâtre  de  Rome,  voulait-il  faire  passer  Molière  pour  le  copiste, 
non  de  Plaute  directementi  mais  du  copiste  de  Plaute.  De  toute 
manière,  l'injustice  était  grande.  Molière  n'est  pas  plus  le  pla- 
giaire de  Rotrou  que  de  Plaute;  et  si  l'on  voulait  qu'il  le  fût 
de  celui-là,  il  le  serait  aussi  bien  de  celui-ci;  car  il  les  a  mis 
tous  les  deux  à  contribution.  Il  n'était  pas  homme  à  ne  pas 
s'inspirer  directement  du  vrai,  de  l'antique  modèle.  Mais,  en 
l'ajant  sous  les  yeux,  il  a  jeté  quelques  regards,  à  côté,  sur 
l'imitateur  français,  son  devancier  :  cela  est  certain.  Il  n'y 
avait  là  aucune  fraude.  Rotrou  était  dans  toutes  les  mémoires, 
et  il  n'était  pas  douteux  que  les  emprunts  qui  lui  étaient  faits 
seraient  i^econnus.  Qu'importait  ?  Sur  le  grand  et  public  do- 
maine ouvert  à  la  comédie,  Molière  n'admettait  pas  qu'il  y  eût 
un  Dieu  Terme,  gardien  jaloux  de  toutes  les  parcelles  déjà 
cultivées.  Et  puis  il  sentait  bien  que  là  tout  lui  appartenait, 
parce  qu'il  savait  tout  féconder  et  améliorer. 

Rotrou  et  Molière  ayant  tous  deux  travaillé  d'après  Plaute, 
et  ne  pouvant  ainsi  manquer  de  se  rencontrer  souvent,  il  n'est 
pas  toujours  facile  de  voir  quand  le  dernier  venu  des  deux 
imitateurs  a  pris  quelque  chose  au  plus  ancien.  Il  n'y  a  pas 
d'hésitation  cependant  pour  quelques  passages  où  l'on  trouve 
à  la  fois  chez  l'un  et  chez  l'autre  des  traits  qui  manquent  dans 

1.  ta  VU  de  M.  de  Molière^  p.  190-191. 


1 


33a  AMPHITRYON. 

le  commun  modèle,  ou  tout  au  moins  n'y  ont  pas  la  mfeme 
forme  ou  le  même  relief. 

Par  exemple,  quand  Mercure,  interroge  par  Sosie  sur  des 
choses  que  celui-ci  a  seul  pu  connaître,  rëpond  en  homme 
qui  est  merveilleusement  au  fait,  Molière  fait  dire  au  valet 
saisi  d'ëtonnement  (acte  I,  scène  n,  vers  486  et  487)  : 

Près  de  moi  par  la  force  il  est  déjà  Sotie  ; 
Il  pourroit  bien  encor  Pétre  par  la  raison. 

Rien   de  pareil  dans  Plaute;  mais  Rotrou  (acte  I,  scène  m) 
avait  fait  dire  au  même  Sosie  : 

Il  l'a  déjà  fur  moi  par  la  force  emporté. 
Et  la  raison  encor  semble  de  son  côté. 

Dans  la  scène  u  de  l'acte  IV  (vers  874)  de  Plaute,  Mercure, 
quiy  sous  les  traits  de  Sosie^  empêche  Amphitryon  d'entrer 
chez  lui,  se  moque  ainsi  de  ses  regards  pleins  d'ëtonnement 
et  de  colère  :  a  Pourquoi  me  regardes-tu,  homme  stupide?  » 
Voyons  chez  Molière  la  scène  correspondante  (scène  n  de 
l'acte  III,  vers  i5a3-i5a7)  ;  l'insolence  du  faux  Sosie  s'y  ex- 
prime d'une  façon  bien  plus  piquante  : 

Hé  bien  I  qu'est-ce?  m^as-tu  tout  parcouru  par  ordre? 
M'as-tu  de  tes  gros  yeux  assez  considéré  ? 
Comme  il  les  écarquille,  et  paroît  effaré  I 

Si  des  regards  on  pouToit  mordre. 

Il  m'auroit  déjà  déchiré. 

Avant  lui,  Rotrou,  renchérissant  de  mtme  sur  Plaute,  avait 
dit  (acte  IV,  scène  n)  : 

Eh  bien,  m'as-tu,  stupide,  assez  considéré  ? 
Si  Ton  mangeoit  des  yeux,  il  m'auroit  dévoré. 

Il  y  a  dans  Molière  (acte  III,  scène  v)  deux  vers  (i  704  et  1 70S) 
qui  ne  sont  pas  les  moins  connus  de  tous  ceux  de  la  pièce, 
et  qui,  ayant,  chose  assez  bizarre,  fait  d'Amphitryon  comme 
le  patron,  non  pas  des  maris  supplantés,  mais  de  quiconque  re- 
çoit à  sa  table,  ont  rendu  son  nom  proverbial  : 

Le  véritable  Amphitryon 

Est  l'Amphitryon  où  l'on  dine. 

Plaute  avait  indique  ce  signe  plaisant  de  reconnaissance^  ou- 


NOTICE.  333 

blië  dans  hi  Poétique  d'Arîstote.  Sosie,  entendant  Jupiter  lai 
ciire  :  «  Enfin  te  voici  donc  1  Tai  faim,  »  ne  veut  avoir  pour 
mattre  que  celui  qui  pense  à  dfner^  et  s'écrie  en  montrant 
Amphitryon,  qu'il  a  dëjà  traite  de  magicien  :  «  Ne  vous  l'ai-je 
pas  bien  dit,  que  celui-ci  n'est  qu'un  enchanteur  *  ?  »  Avec  une 
intention  semblable^  Rotrou  (acte  IV,  scène  rv)  est,  par  l'ex- 
pression,  beaucoup  plus  près  de  Molière  : 

Point,  point  d*Amphitryon  où  Ton  ne  dîne  point  *• 

Seulement,  ce  n'est  pas  Sosie  qui  parle,  mais  un  des  capi- 
taines amenés  par  lui  pour  prendre  place  à  table.  Un  autre  de 
ces  capitaines  venait  déjà  de  dire  : 

Pour  moi,  puisqu^à  ce  point  chacun  reste  confus, 
Dans  ces  doutes  enfin,  Tayis  où  je  m*arrète 
Est  de  suirre  celui  chez  qui  la  table  est  prête. 

Molière  a  mieux  fait  de  ne  pas  s'écarter  ici  de  Plante.  Ce 
trait  de  gourmandise  est  particulièrement  naturel  chez  Sosie. 
Et  puis  les  capitaines  de  Rotrou  restent  dans  le  doute;  ils  ne  se 
décident  que  par  intérêt,  préférant  à  tout  hasard  celui  qui  offre 
un  bon  repas.  Sosie  est  plus  drôle,  parce  que  le  dîner  promis 
n'est  pas  seulement  pour  lui  un  motif  d'action,  mais  un  trait  de 
lumière.  Si  Molière  a  trouvé  chez  Plante  cette  plaisanterie 
avec  toute  sa  finesse,  il  en  a  pris  la  forme  chez  Rotrou. 

Voici  où  l'auteur  des  Sosies  a  plus  ouvertement  encore  laissé 
ses  traces  dans  notre  comédie.  Au  dénouement  (scène  der- 
nière, VI*  du  V*  acte),  il  met  dans  la  bouche  de  Sosie  cette  ré- 
flexion pleine  de  sens  sur  la  révélation  glorieuse,  mais  embar- 
rassante, que  Jupiter  vient  de  faire  à  Amphitryon  : 

Cet  honneur,  ce  me  semble,  est  un  triste  arantage. 
On  appelle  cela  loi  sucrer  le  breuvage. 

I.  Amphitryon  de  Plante,  acte  IV,  scène  it,  yen  looi. 

a.  Les  deux  rers  de  Molière  rassemblent  trop  à  ce  rers  de  Ro- 
trou, pour  qu'on  ne  les  en  croie  pas  sortis.  Une  différence  gram- 
maticale est  cependant  à  remarquer.  Boileau,  si  Ton  en  croyait  le 
Bolmama(i^,  39  et  33), n*aurait  pas  été  content  de  a  TAmphitryon  où 
l'on  dîne  »  ;  il  y  aurait  trouTé  une  irrégularité.  Que  cette  critique 
ioit  de  lui,  c'est  peu  TraisemblaUe  :  qui,  de  son  temps,  ne  re- 
gardait où  pour  €hâ»  f  «i  comme  corr^t  ?  En  tout  cas,  la  même 


334  AMPHITRYON. 

Cest  bien  dans  l'esprit  français;  et  ches  nous  il  était  ban 
que,  jusqu'à  la  fin,  le  spectateur  ne  vit  que  du  o6té  risible  la 
gloire  du  mari  d'Alcmèney  tandis  que  les  Romains  pouvaient, 
comme  Amphitryon  lui-même,  la  prendre  au  sérieux  et  de- 
meurer sous  l'impression  d'un  religieux  respect. 

Qui  n'a  trouvé  charmante  la  fin  de  la  comédie  de  Molière 
et  ne  s'est  dit  que,  pour  ne  pas  en  démentir  la  gaieté,  pour 
rester  comique  jusqu'au  bout,  il  ne  fallait  pas  laisser  le  dernier 
mot  au  tonnerre  par  lequel  le  mattre  des  Dieux  fait  si  majes- 
tueusement soutenir  son  escapade?  Tout  se  terminerait  froide* 
ment,  sans  ce  vers  (191 4)  de  Sosie  : 

Le  Seigneur  Jupiter  sait  dorer  la  pilule, 

et  sans  le  charmant  couplet  par  lequel  il  conclut  (vers  1919  et 
suivants)  : 

Messieurs,  Youlest-vous  bien  suiyre  mon  sentiment  ?  etc. 

L'idée  a  beaucoup  gagné  à  être  si  parfaitement  développée; 
mais  elle  reste  l'idée  de  Rotrou;  et,  cette  fois,  c'est  beaucoup 
plus  qu'un  vers  heiu*eux  que  Molière  lui  doit  :  c'est  le  dernier 
coup  de  pinceau,  laissant  jusqu'à  la  fin,  pour  notre  goût  mo- 
derne, sa  vraie  couleur  à  l'ouvrage.  Ceux  qui  ont  cru  aux 
allusions  imaginées  par  Roederer  ont  souvent  pensé  que  Mo- 
lière n'avait  pas  voulu  que  le  rideau  tombât  sans  que  sa  com- 
plaisance eût  été  un  peu  rachetée  par  une  ironie,  discrète 
sans  doute,  mais  assez  marquée.  Ils  oubliaient  Rotrou,  qui, 
ne  pouvant  avoir  une  intention  semblable,  avait  plaisanté  lui- 
même  sur  le  douteux  honneur  que  faisait  à  un  simple  mortel 
la  condescendance  du  grand  Dieu. 

Peu  de  lecteurs  des  Sosies  seront  de  Tavb  de  la  Monnoje, 
qui  aurait  pu  donner  à  Molière  une  préférence  méritée,  sans 
déprécier  ainsi  Rotrou  :  a  II  n'est  pas  besoin  de  dire  que 
Y  Amphitryon  de  Molière  est  une  fort  belle  copie  de  Plante.  Les 
deux  Sosies  de  Rotrou,  en  comparaison,  font  pitié  ^.  »  Un  tel 
dédain  est  d'une  extrême  injustice.  On  est  étonné  de  la  verve 

objection  ne  pouYait  être  faite  au  Ters  de  Rotrou,  qui  doit  signi- 
fier :  «  où  Ton  ne  dîne  point,  je  ne  reconnais  pa«  d'Amphitryon  ». 
I.  Addition  au  MettagUma  (édition  de  I7i5),  tome  III,  p.  i55. 


•t.»^.— 


NOTICE.  335 

et  presque  toa|oiirs  même  de  la  sûretë  de  goût  arec  lesquelles 
Rotrou  a  transporté  la  pièce  latine  sur  notre  scène,  à  une 
ëpoque  où  il  n'y  avait  pas  encore  pour  la  vraie  comëdie  de 
modèles  français.  Pour  faire  mieux,  il  ne  fallait  pas  moins  que 
Molière.  M.  Naudet,  juge  délicat,  pensait  avec  raison  qu'on  ne 
peut  lire  l'heureuse  imitation  de  Rotrou  sans  en  admirer  la 
facile  élégance  et  la  vigueur  de  stylet  Un  des  plus  grands 
reproches  qu'on  ait  faits  à  l'auteur  des  Sosies^  c'est  d'avoir 
repris,  pour  remplir  son  dernier  acte,  quelques-unes  des  situa- 
tions les  plus  plaisantes  des  actes  précédents,  sans  avoir  assez 
renouvelé  des  moyens  comiques  déjà  épuisés.  La  critique  est 
juste,  bien  que  Molière,  qui,  grâce  à  la  fertilité  de  ses  res- 
sources, y  échappe,  ait  lui-même,  vers  la  fin  delà  pièce',  mis 
de  nouveau  en  présence  Mercure,  de  plus  en  plus  tyrannique 
et  railleur,  et  Sosie  tremblant  sous  la  menace  des  coups. 

La  faute  de  Rotrou,  dont  nous  serions  le  plus  frappé,  c'est 
qu'il  n'a  pas  évité  partout  le  style  sérieux,  quelquefois  même 
tragique.  C'était  une  pente  de  son  talent.  JPlaute  d'ailleurs  lui 
donnait  l'exemple;  mais  le  théâtre  des  anciens  différait  néces- 
sairement du  nôtre  ;  en  particulier,  le  sujet  de  V Amphitryon 
s'y  présentait  sous  un  autre  aspect.  Les  Dieux  y  pouvaient  pa- 
raître plaisants, mais  en  même  temps  y  devaient  être  honorés; 
et  nous  sommes  mauvais  juges  de  la  part,  fort  étrange  pour 
nous,  qu'un  peuple  païen  savait  faire  au  franc  rire  et  au  respect 
des  vieilles  croyances.  L'auteur  latin  avertit  dans  son  prologue 
qu'il  va  donner  une  tragédie,  attendu  qu'une  pièce  où  figurent 
des  rois  et  des  dieux  ne  saurait  être  autre  chose  ;  et  si  tout  à 
coup  on  la  voit  métamorphosée  en  comédie,  c'est  qu'un  esclave 
y  joue  son  rôle.  Il  propose  donc,  pour  son  œuvre  mélangée,  le 
nom  de  tragi-comédie^  que  le  premier  peut-être  il  a  imaginé,  et 
qui  diffère  un  peu  de  celui  ^hiUiro~tragédie^  dont  les  Grecs 
s'étaient  servis.  Il  y  a  chez  lui  beaucoup  de  gravité  dans  le 
langage  de  Jupiter,  d'Amphitryon  et  d'Alcmène  ;  celle-ci  nous 
représente  vraiment  une  matrone  romaine.  L'esclave  même, 
chez  qui  se  trouve,  ainsi  que  chez  Mercure,  l'élément  comique 

I.  Voyez,  dans  la  Collection  Lemaire,  le  tome  I  de  Plaute, 
.p.  i56. 

3.  Acte  III,  scène  yj. 


336  AMPHITRYON. 

de  la  pièce^  n'élève-t-il  pas  son  style  jusqu'à  la  dignité  des 
poètes  tragiques  dans  le  récit  qu'il  repasse  au  moment  de  le 
faire  à  Alcmène?  Voilà  où  Rotrou  s'est  trop  asservi  à  Timitatbn 
de  la  comëdie  latine,  faute  de  s'être  assez  rendu  compte  des 
conditions  tout  autres  où  il  se  trouvait  en  face  de  spectateurs 
français,  pour  qui  l'antique  légende  ne  pouvait  rien  garder  de 
son  côté  sérieux. 

U  était  impossible  que  Molière  s'y  trompât.  Sans  faire  de  la 
mythologie  une  de  ces  parodies,  faciles  et  vulgaires,  que  con- 
naissaient déjà  les  burlesques  de  son  temps,  et  dont  s^indignait, 
dès  lors,  le  bon  goût,  il  a  sans  hésitation  saisi  ce  qu'elle  de* 
vait  être  sur  notre  théâtre  pour  rester  amusante. 

Dès  la  première  scène,  s'annonce  un  chef-d'œuvre  de  gaieté. 
Quel  parti  le  poète  a  tiré  de  cette  lanterne  que  Plante  fait 
porter  à  Sosie  ^  I  C'est  devant  elle,  comme  si  elle  était  Alcmène, 
que,  chez  Molière,  le  plaisant  ambassadeur  répète  son  récit  de 
bataille,  la  faisant  même,  par  la  plus  divertissante  prosopopée, 
dialoguer  avec  lui.  Tout  ce  récit  est  d'un  parfait  naturel  et 
digne  du  fils  de  Dave  : 

Intererît  multum  Davusne  loquatur  an  héros  *. 

On  n'a  pas  toujours  regardé  comme  le  plus  heureux  chan- 
gement fait  à  lAmphitryon  latin  les  subtiles  galanteries  de 
Jupiter,  dans  les  scènes  entre  ce  dieu  et  Alcmène.  Il  est  cer- 
tain que  Voltaire  aurait  pu  dire  du  Jupiter  de  MoUère  ce  qu'il  a 
dit  de  plusieurs  des  héros  de  Racine ,  que 

....  L'amour,  qui  marche  à  leur  suite, 
Les  croit  des  courtisans  français*. 

Pour  nous,  nous  n'oserions  nous  plaindre  de  ce  Jupiter  in- 
génieusement tendre  et  un  peu  raffiné,  qui  a  passé  par  Ver- 
sailles, et,  en  venant  chez  nous,  a  pris  nos  mœurs.  Des  scènes 
qui,  restées  toutes  romaines,  nous  auraient  paru  bien  froides, 
sont  devenues  piquantes,  devaient  l'être  surtout  au  dix-septième 
siècle. 

X.  Acte  I,  scène  i,  vers  i85. 

s.  c  II  y  aura  une  grande  différence  entre  le  langage  de  Dave  et 
celui  d'un  héros.  »  (Horace,  jiri  poétique^  Ters  ii4«) 
3.  U  Temple  du  Gaùi^  tome  XII,  p.  354. 


NOTICE.  337 

Ce  qui  surtout  appartient  en  propre  à  Molière  dans  le  nou- 
vel Amphitryon^  tout  le  monde  l'a  remarqué  :  c'est  le  mënage 
de  Sosie  et  de  Glëanthis,  trouble  par  le  même  quiproquo  que 
celui  de  leurs  maîtres,  et  qui  nous  donne  une  seconde  comé- 
die conjugale,  non  pas  répétition,  ni  même  simple  parodie, 
mais  contraste  de  la  principale  action.  L'idée  parait  tellement 
natureUe,  une  fois  exécutée,  qu'on  a  peine  à  ne  pas  se  dire  : 
Comment  ni  Plante  ni  Rotrou  ne  s'en  sont-ils  avisés  ? 

Jamais  imitateur  d'une  pièce  de  théâtre  n'a  complété  son 
modèle  par  des  scènes  plus  plaisamment  originales.  Ici  Molière 
n'a  pas  repris  l'idée  de  son  Dépit  amoureux^  où  deux  actions 
parallèles  se  répondent,  variées  seulement,  dans  leur  symétrie, 
par  la  différence  des  mœurs  dans  des  conditions  différentes. 
Dans  V Amphitryon^  il  ne  s'agit  plus,  chez  le  noble  et  chez 
l'humble  couple,  des  mêmes  passions  du  cœur  humain  s'expri- 
mant  par  un  autre  langage,  mais  de  caractères  et  de  disposi- 
tions d'esprit  dissemblables,  produisant,  au  milieu  de  compli- 
cations pareilles,  de  tout  autres  effets  comiques. 

Nous  avons  déjà  parlé  du  nouveau  caractère  que,  s'empa- 
rant  d'une  idée  de  Rotrou,  Molière  a  donné  à  son  dénouement. 
Il  a  retranché  de  ce  dénouement  la  suivante  d'Alcmène,  Bro- 
mia,  devenue  Céphalie  dans  Rotrou,  et  son  grand  récit  des 
miracles  du  berceau  d'Hercule.  C'est,  on  ne  peut  en  douter, 
ce  que  les  anciens  n'auraient  ni  admis  ni  compris.  La  légende 
des  deux  serpents  omise,  la  pièce,  pour  eux,  eût  été  décapitée. 
Sur  notre  théâtre,  le  point  de  vue  s'est  déplacé,  et  rien  de  plus 
sage  que  d'avoir  senti  à  quelle  dose  très-faible  le  merveilleux 
nous  paraîtrait  acceptable,  et  combien  peu  de  place  la  véri- 
table comédie  avait  à  lui  céder. 

Dans  ce  que  notre  pièce  a  particulièrement  tiré  de  son 
propre  fonds,  il  ne  faut  pas  omettre  le  Prologue,  Celui  de 
Plante  est  plein  d'esprit  ;  mais,  avec  ses  recommandations  de 
bonne  police  théâtrale,  familières  aux  histrions  romains,  et 
ses  explications  naïves  du  sujet,  que  la  seconde  scène  com- 
plétera bientôt  après,  de  manière  à  ne  rien  laisser  d'imprévu 
pour  les  spectateurs,  il  n'était  pas  fait  pour  notre  scène.  Le 
prologue  très-piquant  de  Molière,  dont  les  acteurs,  sont  lu 
Nuit  et  Mercure,  est  moins  une  exposition  (celle-ci  doit  se 
faire  dans  la  pièce  même  et  non  pas   en  dehors)    qu'une 

MOUBRB.    TI  33 


338  AMPHITRYON. 

excellente  ouverture,  donnant  déjà  le  ton  le  plus  juste  de  tout 
Touvrage.  Nous  ne  croyons  pas  inutile  d'y  faire  remarquer 
les  vers  (ia6-i3i)  dans  lesquels  Mercure  raille  les  ^scrupules 
de  la  Nuit  (comment  les  sagaces  interprètes  ont-ils  oublié  d  y 
reconnaître  Mme  de  Montausier?),  toute  honteuse  de  la  com- 
plaisance qu'on  lui  demande  : 

Lorsque  dans  un  haut  rang  on  a  l*heur  de  paroître, 
Tout  ce  qu^on  fait  est  toujours  bel  et  bon, 
Et  suivant  ce  qu^on  peut  être, 
Les  choses  changent  de  nom. 

Si  l'on  admet  les  allusions  dont  nous  avons  parlé,  voilà,  ce 
nous  semble,  une  évidente  ironie  qui  ne  ménageait  pas  trop 
la  morale  olympienne  du  grand  Roi,  ni  la  facile  conscience  des 
serviteurs  de  ses  passions  ;  et  même,  s'il  faut,  comme  nous  pen- 
sons l'avoir  prouvé,  rejeter  toute  application  au  nouveau  scan- 
dale de  la  cour,  de  si  honnêtes  coups  de  patte,  comme  ceux  de 
maint  autre  passage  de  notre  comédie,  devaient  encore  pa- 
raître s'adresser  assez  haut.  Qu^en  disent  ceux  qui  ont  accusé 
Molière  d'avoir  été,  dans  Amphitrjron^  le  bas  flatteur  de 
Louis  XIV? 

Il  se  peut  que  l'idée  du  spirituel  prologue  soit  due  à  deux 
vers  de  Plante,  dans  la  première  scène  de  son  premier  acte^, 
lorsque  Mercure  exhorte  la  Nuit  à  continuer  d'obéir  à  son 
père,  ou  qu'elle  ait  été  empruntée  au  monologue  de  la  pre- 
mière scène  de  Rotrou,  dans  lequel  le  même  Mercure  recom- 
mande semblablement  à  la  Lune  de  marcher  à  pas  lents.  Ce- 
pendant, si  Molière  n'a  pas  imité  plus  particulièrement  un  petit 
dialogue  très-ingénieux  de  Lucien  entre  Mercure  et  le  Soleil*,  il  y 
a  là  une  rencontre  singulière  avec  le  satirique  grec.  Comme  la 
Nuit  de  Molière,  le  Soleil  de  Lucien  est  ce  bien  du  bon  temps  :  » 
il  lui  semble  que,  dans  le  siècle  de  Saturne,  les  divinités  ne 

I.  Vers  lai  et  laa. 

a.  OEuvres  de  Lucien  (Bibliothèque  Didot),  VIII,  p.  $4  «t  55, 
Dialogue  X  des  Dieux,  —  Bayle,  au  mot  Amphitryon  de  son  Diction'^ 
noire f  tome  I  de  la  5*  édition,  p.  agi,  note  b,  est  d^avis  que  Molière 
•*est  inspire  de  Lucien.  Voltaire  (voyez  ci-après,  p.  35i)  Ta  con- 
tredit; maïs  la  ressemblance  entre  notre  prologue  et  le  petit  dia- 
logue grec  est  beaucoup  moins  éloignée  qu*il  ne  prétend. 


NOTICE.  339 

se  permettaient  pas  de  pareilles  frasques.  N'est-on  pas  tente 
de  croire  que  Lucien  n  a  été  que  l'imitateur  d'un  Jmphitryr^n 
grec?  Userait  curieux  que,  par  son  intermédiaire,  Molière  fdt 
remonte,  dans  son  prologue,  à  la  plus  ancienne  source  antique. 
Nous  aurions  envie,  sans  chercher  le  paradoxe,  de  pousser 
plus  loin  cette  vue.  Plante  a  beaucoup  de  jeux  de  mots  tout 
latins,  qui  ne  sont  pas  les  plaisanteries  les  plus  heureuses  de 
sa  pièce,  et  qui  ont  quelquefois  trop  provoqué  Témulation  de 
Rotrou.  Molière  s'est  gardé  de  les  imiter  :  de  sorte  que  si  Ton 
pouvait  retrouver  le  vieil  Archippe  ou  Rhinthon^,  il  ne  serait 
pas  invraisemblable  qne  Molière,  sans  avoir  certainement 
songé  à  ce  qu'en  termes  d*art  on  appelle  une  restitution^ 
se  trouvât  avoir,  dans  plusieurs  scènes,  reproduit  plus  pu- 
rement ces  comiques  grecs  que  ne  la  fait  le  poète  latin  qui 
les  avait  sous  les  yeux.  Cela  s'expliquerait  sans  trop  de  peine 
par  une  sympathie  de  goût  qui  unit  les  génies  de  tous  les 
temps,  et  sans  doute  désarmerait  un  peu,  en  faveur  du  mérite 
qu'il  y  aurait  à  avoir  été  parfois  plus  grec  que  Plante,  les 
critiques  qui  se  plaignent  des  passages  où  ils  jugent  Molière 
trop  françab. 

Nous  ne  songeons  pas  à  mettre  l'ouvrage  de  Molière  au- 
dessus  de  celui  de  Plante.  Toute  comparaison  serait  en  défaut, 
d'abord  parce  que  des  auteurs  pour  qui  la  mythologie  n'avait 
pas  la  même  valeur  ont  dû  se  faire  du  sujet  une  idée  diffé- 
rente, et  que  chacun  des  deux,  pour  emprunter  à  un  savant 
critique*  son  excellente  remarque,  a  très-bien  fait  «  pour  le 
goût  de  son  temps  et  de  son  pays  ;  1»  ensuite,  parce  qu'il  est 
juste  de  laisser  à  Plante,  tout  au  moins  par  rapport  à  ses  imi- 
tateurs français,  et  dans  l'ignorance  où  nous  sommes  de  ce 
qui  n'est  chez  lui  qu'une  traduction  du  grec,  l'avantage  d'a- 
voir inventé  tant  de  situations  d'un  si  rare  comique,  et  tant 
de  traits  étincelants  qu'il  en  a  fait  sortir.  Molière  a  puisé  à 
pleines  mains  dans  cette  richesse  toute  préparée  ;  mais  qu'on 
ne  dise  pas  qu'il  en  ait  rien  laissé  se  perdre  ou  s'altérer.  Loin 
de  là,  il  l'a  fait  briller  davantage.  «  Il  y  a,  dit  très-justement 

I.  Voyez  ci-dcMas,  p.  3x3. 

9.  Naudet,  dans  V Avant^propat  de  V Amphitryon^ 9Col  tome  I  delà 
traduction  de  Plante  (Paris,  Lefèvre,  x845,  4  volumes  iA-i6). 


34o  AMPHITRYON. 

BayleS  des  finesses  et  des  tours  dans  Y  Amphitryon  de  Mo- 
lière qui  surpassent  de  beaucoup  les  railleries  de  V Amphitryon 
latin.  »  Quelle  que  soit  la  verve  de  Plaute,  celle  de  Molière 
est  encore  plus  animëe  et  plus  continuelle. 

Geoffroy,  nous  avons  eu  dëjà  l'occasion  de  le  dire  *,  a  cher- 
che querelle  à  Bayle,  trop  grand  admirateur,  selon  lui,  de 
notre  pièce.  Il  Ta  accusé  de  lëgèretë  pour  avoir  «  conclu  que 
V Amphitryon  de  Molière  ëtait  supërienr  à  celui  de  Plaute, 
parce  qu'il  était  plus  dans  nos  mœurs'.  »  Et  cependant  le 
même  Geoffroy  avait,  six  ans  auparavant  (mais  il  l'avait  sans 
doute  oublie],  bien  plus  immolé  Plaute  à  Molière  que  Bayle 
ne  l'a  fait.  «  Dans  un  sujet,  avait-il  dit  ^,  par  lui-même  in- 
décent et  immoral,  Molière  a  su  garder  une  juste  mesure;  il 
a  répandu  sur  cette  débauche  du  seigneur  Jupiter  toutes  les 
fleurs  d'une  imagination  vive  et  riante.  Le  dialogue  est  une 
source  inépuisable  d'excellentes  plaisanteries.  Plaute  auprès 
de  lui  n  est  qu'un  rustre  ;  sa  joie  est  l'ivresse  d'un  paysan.  » 
C'est  fort  juste  pour  Molière,  fort  injuste  pour  Plaute.  Puis, 
quand,  par  réflexion,  si  ce  n'est  par  caprice,  le  critique  est 
devenu  moins  partial,  il  n'a  pas  non  plus  évité  l'excès  dans 
l'impartialité. 

Nous  avons  déjà  dit  que,  malgré  les  emprunts  faits  par  Mo- 
lière à  Rotrou,  il  serait  ridicule  de  supposer  qu'il  n'ait  voulu 
regarder  Plaute  que  dans  ce  reflet.  Il  avait  une  connaissance 
familière  du  latin  ;  Plaute  devait  être,  aussi  bien  que  Térence, 
une  de  ses  lectures  favorites  :  c'eût  donc  été  de  parti  pris  que, 
pouvant  si  bien  entendre  le  vieux  poète  lui-même,  il  n'en  eût 
écouté  qu'un  imparfait  écho.  Qui  ferait  une  telle  injure  à  son 
bon  sens  ?  Si  la  peine  n'était  superflue,  il  serait  aisé  de  mon- 
trer plus  d'un  passage  de  la  comédie  latine  que  Molière  a  imité 
de  plus  près  que  ne  l'avait  fait  Rotrou,  celui-ci,  par  exemple, 
dans  le  rôle  de  Sosie  :  «  Je  crois  vraiment  que  le  Soleil  dort 
et  qu'il  a  bu  un  bon  coup  :  c'est  merveille  s'il  ne  s'est  pas  ré* 

I.  Dans  la  note  de  son  Dictionnaire  qui  Tient  d*étre  citée  à  la 
page  338,  note  s. 

a.  Voyez  ci-dessus,  p.  3i9. 

3.  Journal  de  P Empire^  feuilleton  du  i8  mars  1808. 

4.  Journal  des  Déhats^  ao  messidor  an  X  (9  juillet  i8oi). 


NOTICE.  341 

gale  un  peu  trop  à  souper '•  »  Gela  est  beaucoup  moiiis  inar> 
que  dans  les  Sosies  ; 

Par  quelle  irrognerie  ou  quel  plaisant  caprice 
A  le  Dieu  de  la  nuit  oublié  son  office  ? 

Et  surtout,  dans  le  même  endroit,  on  ne  trouve  pas  chez 
Rotrou  l'indignation  de  Mercure  : 

Comme  avec  irrëvërence 
Parle  des  Dieux  ce  maraud  *  1 

C'est  Plaute  que  Molière  a  suivi  :  «  Qu'est-ce  à  dire,  maraud? 
t'imagines-tu  que  les  Dieux  te  ressemblent  *  ?  »  • 

Une  remarque  plus  particulièrement  intéressante,  c'est  que 
notre  poète  paraît  avoir  trouve  dans  Plaute,  dans  Plaute  seul, 
le  germe  de  l'idée  du  mënage  de  Sosie  et  de  Cléanthis.  Le 
vers  (5o5)  qu'on  peut  ainsi  traduire  (c'est  Sosie  qui  parle)  : 
«  Et  moi,  crois-tu  que  mon  retour  n'aura  pas  été  attendu  par 
mon  amie?  »  ce  vers  n'a-t-il  pas  été  le  trait  de  lumière?  Il 
n'est  pas  dans  Rotrou. 

Voltaire*,  et  quelques  autres  après  lui,  ont  dit  que 
Mme  Dacier  avait  prépare  une  dissertation  où  elle  se  proposait 
de  prouver  que  VAmphittyon  de  Plaute  valait  beaucoup  mieux 
que  celui  de  Molière  ;  mais  qu'elle  la  supprima  en  apprenant 
que  le  grand  comique  travaillait  à  ses  Femmes  savantes,  La 
docte  et  certainement  peu  probante  dissertation  n'aurait  pas 
fait  grand  mal  à  notre  comédie.  On  nous  parle  d'ailleurs  i'ort 
inexactement  de  ce  projet,  auquel  on  donne  une  date  impos- 
sible. Lorsque  Molière  travaillait  aux  Femmes  savantes^  dont 
la  première  représentation  est  de  167a,  Mlle  le  Fèvre,  la 


I.  Vers  116  et  127.  — Sosie  avait  déjà  fait,  ea  d^autres  termes, 
les  mêmes  plaisanteries  au  vers  116  :  a  Je  pense  que,  cette  nuit, 
Nocturnus  s* est  endormi  en  état  d'ivresse.  9 

a.  Vers  276  et  177. 

3.  Vers  xa8. 

4.  Vojez  son  Sommaire  ci-après,  p.  353.  Cette  assertion  a  été 
répétée  par  Cailhava,  de  VArt  de  la  Comédie^  tome  II,  p.  aSi, 
et  dans  la  Nouvelle  biographie  générale  (Firmin-Didot),  article  de 
Mme  Dagddl  (Anne  le  Fèvre), 


34a  AMPHITRYON. 

fature  Mme  Dacier,  née  en  i654,  n'avait  pas  dix-huit  ans. 
Voici,  croyons-nous,  d'où  est  venue  cette  histoire.  En  1683, 
Mme  Dacier  publia  le  premier  volume  de  sa  traduction  de 
quelques  comédies  de  Plante^  sous  ce  titre  :  Comédie  dePlaute^ 
traduite  en  français...,  par  Mlle  le  Fèvre,  Il  contenait  V Amphi- 
tryon, A  la  fin  de  V Examen  de  celte  pièce,  on  lit  ceci  :  oc  Après 
oet  examen  de  V Amphitryon  de  Plaute,  j*avois  résolu  de  faire 
celui  de  V  Amphitryon  de  Molière  ;  mais  je  crois  que  ce  que 
j'ai  dit  sur  la  comédie  du  poète  latin  peut  suffire  à  ceux  qui 
voudront  bien  juger  de  celle  du  poète  François.  »  On  voit  clai- 
rement dans  son  Examen  qu'elle  n'aurait  point,  comme  Bayle, 
penché  du  côté  de  notre  pièce.  Par  le  soin  qu'elle  prend  de 
nous  dire  que  le  récit  de  la  victoire  préparé  par  Sosie  pour 
Alcmène  (scène  i)  est  «  d*un  style  fort  noble  et  fort  soutenu,  » 
qu'il  n'a  aucune  invraisemblance,  et  que  a  cette  adresse  de 
Plaute  lui  paroît  incomi>arable,  »  elle  montre  assez  qu'elle  ne 
préférait  pas  la  première  scène  de  Molière;  mais  la  seule  at- 
taque directe  qu  elle  essaye  contre  lui  est  dans  ce  passage  : 
«  La  scène  iv*  de  l'acte  IV*  {de  Plaute)  a  été  préparée  par  ce 
qui  s'est  passé  dans  la  scène  m  de  l'acte  III....  C'est  ici  ou 
commence  le  plus  fort  de  l'intrigue. . . .  Molière  n'a  point  touché 
cela  dans  sa  pièce,  et  je  ne  devine  pas  ce  qui  peut  l'avoir 
obligé  de  laisser  le  plus  bel  incident.  »  Que  la  scène  tant  admirée 
par  Mme  Dacier  soit  vraiment  de  Plaute,  ou  qu'on  n'y  voie,  avec 
plusieurs  critiques,  qu'une  interpolation,  peu  importe.  Il  s'agit 
de  savoir  si  le  a  bel  incident  »  que  a  Molière  n'a  point  touché  » 
est  regrettable.  Les  éclaircissements  donnés  par  Jupiter,  qui 
mettent  Blépharon  dans  un  grand  embarras,  ne  sont  qu'une 
répétition  de  ce  qui  s'est  déjà  passé  entre  Mercure  et  Sosie. 
Il  n'y  a  que  cela  d'omis  dans  V Amphitryon  français,  qui,  du 
reste,  a  conservé  les  meilleurs  traits  de  cette  scène  dans  celle 
où  il  met  Jupiter  et  Amphitryon  en  présence  de  Naucratès  et 
de  Polidas'.  Tout  cet  Examen  donne  raison  à  ceux  qui  ont 
moins  de  confiance  dans  le  goût  de  Mme  Dacier  que  dans  son 
érudition.  Elle  attache  une  particulière  importance  à  démon- 
trer la  régularité  parfaite  de  la  pièce  de  Plaute  et  l'unité  de 
temps  qui  y  est  observée.  Relevant  l'erreur  commise,  à  sod 

I.  Acte  in,  scène  r. 


NOTICE.  341 

avis,  par  qaelques  savants  qui  y  sopposaient  une  durée  de 
neuf  moîsy  la  thèse  qu'elle  défend  la  jette  dans  une  discussion 
fort  délicate  de  la  question  d'accouchement.  Elle  se  croyait 
ainsi  au  cœur  du  sujet  et  dit  en  prières  ternies  :  «  Le  véri* 
table  sujet  de  cette  pièce  est  l'accouchement  d'Aicmène  et  la 
naissance  d'Hercule  ^.  »  Molière  n'aurait  pas  refusé  d'avouer 
qu'il  Favait  manqué  ;  et  que,  si  la  savante  dame  n'entendait  pas 
très-bien  le  comique,  elle  le  rencontrait  merveilleusement  eUe- 
mème,  sans  le  vouloir. 

Il  y  aurait  à  tenir  un  bien  autre  compte  du  jugement  de 
Boileau,  sans  être  obligé  cependant  de  l'accepter  ici  pour  in-» 
faillible.  Mais  le  Bolmana  nous  Ta-t-il  fidèlement  conservé?  il 
le  rapporte  ainsi*  :  <c  A  l'égard  de  Y  Amphitryon  de  Molière, 
qui  s'est  si  fort  acquis  la  faveur  du  peuple  et  même  celle  de 
beaucoup  d'honnêtes  gens,  M.  Despréaux  ne  le  goûtoit  que 
médiocrement.  Il  prétendoit  que  le  prologue  de  Plaute  vaut 
mieux  que  celui  du  comique  françois.  Il  ne  pou  voit  souffrir  les 
tendresses  de  Jupiter  envers  Alcmène,  et  surtout  cette  scène 
où  ce  Dieu  ne  cesse  de  jouer  sur  le  terme  d'époux  et  d'à» 
mant.  Plaute  lui  paroissoit  plus  ingénieux  que  Molière  dans 
la  scène  et  dans  le  jeu  du  moi^  Il  citoit  même  un  vers  de  Ro-* 
trou,  dans  sa  pièce  des  Sosies^  qu'il  prétendoit  plus  naturel 
que  ces  deux  de  Molière'  : 

Et  j'ëtois  venu,  je  tous  jure, 
Ayant  que  je  fusse  arrivé. 

Or  voici  le  vers  de  Rotrou  : 

JTëtois  chez  nous  longtemps  axant  que  d'arriver  *.  » 

I.  Examen  de  V Amphitryon^  folio  s  r**.  —  Cela  fait  songer  au  joli 
passage  du  Gil  Bios  (livre  XI,  chapitre  xiv,  tome  IV,  1735,  p.  a6i- 
i63),  dans  lequel  un  bachelier,  savant  de  premier  ordre,  soutient 
que  c'est  le  Vent  qui  fait  le  véritable  intérêt  de  Viphigénie  en  Aidide, 

».  Bolmana^  Amsterdam,  i74a«  P*  33. 

3.  Acte  II|  scène  i,  vers  74^  et  743. 

4*  Le  yen  de  Rotrou  nVst  pas  ainsi.  Il  y  a  (acte  II,  scène  1)  : 

J^ai  treuvé,  quand  bien  las  j*ai  ma  course  achevée.... 
"—  Quoi  ?  —  Que  j'étois  ches  nous  avant  mon  arrivée. 

En  quoi  Molière  a-t-il  moins  bien  dit  ? 


344  AMPHITRYON. 

Asses  Yokmtiers  nous  reoooiiattrioDS  Boileaa  dans  sa  sëvë- 
rite  pour  les  galanteries  quintessendëes  de  Jupiter;  nous  la 
croyons  cependant  excessive.  Quant  aux  autres  critiques,  qui 
nous  feraient  inutilement  revenir  sur  plusieurs  des  choses  que 
nous  avons  déjà  dites,  elles  nous  paraissent  indignes  de  son 
sens  justCy  et  nous  doutons  qu'elles  soient  de  lui. 

Dans  une  lutte  avec  le  vieux  chef-d'œuvre,  auquel  il  n'y 
avait  pas  à  disputer  la  pins  grande  part  de  l'invention,  un 
des  soins  les  plus  nécessaires  était  de  faire  briller  par  le  style 
les  richesses  empruntées.  Le  grand  écrivain  n'y  a  pas  man- 
qué. Le  style  de  son  Amphitryon  est  étîncelant;  et,  dans  sa 
parfaite  franchise,  dans  sa  rare  facilité,  toute  trace  de  sujétion 
k  un  modèle  est  effacée.  Cette  facilité  est  rendue  plus  sensible 
encore  par  l'habile  emploi  que  Molière  a  fait  des  rimes  mêlées 
et  des  vers  d'inégale  mesure.  Rien  d'ailleurs  ne  convenait 
mieux  à  un  sujet  où  la  libre  fantaisie  devait  régner  plus  qu'en 
tout  autre.  Il  serait  naïf  de  faire  remarquer  que  cette  même 
forme  donnée  au  Misanthrope  ou  au  Tartuffe  ne  se  compren- 
drait pas.  Si,  comme  il  a  été  dit  dans  la  Notice  du  Sicilien^ ^ 
Molière  semble  avoir  été  préoccupé,  depuis  quelque  temps, 
d'une  innovation  de  ce  genre,  il  venait  de  rencontrer  ici  la 
meilleure  occasion.  Peut-être  aussi  pensa-t-il  que,  de  cette  fa- 
çon, Rotrou,  son  devancier,  ne  le  gênerait  pas  autant,  et 
qu'ayant  eu  à  marcher  l'un  après  l'autre  sur  les  mêmes  traces, 
une  autre  allure  mêlerait  moins  leurs  pas.  Avec  beaucoup  de 
vraisemblance  encore,  d'autres  conjectureront  que,  pi'ompt  à 
tout  mettre  à  profit,  il  avait  fait  grande  attention  à  l'Agésilas^ 
de  Ck>meille  où,  moins  de  deux  ans  avant  V Amphitryon^  une 
tentative  semblable  avait  été  faite  :  non  pas  qu'il  en  ait  dû  ju- 
ger le  succès  très-encourageant,  mais  il  lui  était  permis  de 
penser  que  si,  dans  la  tragédie,  le  vers  libre  paraît  trop  fami- 
lier, la  comédie  en  tirerait  meilleur  parti. 

Grande  différence  en  effet  ici  et  là  ;  et,  pour  la  faire  sentir, 
l'oreille  a  de  très-délicats  jugements.  Lorsque  le  poète  tragi- 
que renonce  aux  rimes  plates,  et  lorsqu'il  mêle  de  petits  vefS  aux 
grands,  il  faut,  suivant  les  combinaisons  du  rhythme,  ou  que 

i«  Voyez  ci-dessus,  p.  9i3  et  suivantes. 

a.  Joué  à  THôtel  de  Bourgognei  en  férrier  i666. 


NOTICE.  34s 

sa  langue  oianque  de  gravite,  ou  qu'elle  sonne  c(Hnme  celle  du 
poète  lyrique.  Rien  non  plus  de  moins  heureux  que  les  alexan- 
drins à  rimes  croisas  du  Tancrède  de  Voltaire  ;  ils  paraissent 
à  la  fob  négligés  et  d'un  efifet  trop  marqué  pour  que  Ton  ne 
croie  pas  entendre  l'auteur  parler  mal  i  propos  à  la  place  de 
ses  personnages.  L'erreur  de  VJgésilas  et  celle  de  Tancrède 
étaient  bonnes  à  rappeler  pour  faire  comprendre  combien,  au 
théâtre,  il  faut  d'art  ou  d'heureux  instinct  dans  l'emploi  d'une 
forme  métrique  inusitée.  Celle  que  Molière  adopta  pour  sa 
comédie  n'était  capricieuse  qu'en  apparence  :  elle  s'est  trou- 
vée de  l'effet  le  plus  juste  ;  aussi  l'avait-il  maniée  de  main  de 
maître,  avec  une  merveilleuse  finesse  de  tact  et  une  aisance 
qui  ne  s'est  pas  trop  assujettie  aux  règles  d'une  poésie  plus 
sévère.  Si  habile  qu'il  fût,  aurait-il,  avec  le  même  succès,  em- 
prunté à  notre  vieille  comédie,  comme,  de  son  temps.  Cheva- 
lier et  quelques  autres,  son  vers  de  huit  syllabes,  ou  tenté 
celui  de  dix,  qu'avait  aussi  connu  notre  plus  ancien  théâtre  ? 
Nous  ne  le  croyons  pas  :  l'un  donnait  plus  de  grâce  au  badi- 
nage  que  de  naturel  au  dialogue  ;  l'autre,  chez  Voltaire,  a  fait 
prendre  à  la  comédie  un  air  d'épître  ou  de  satire.  Quoique  les 
vers  de  V Amphitryon  aient  échappé  à  tous  ces  inconvénients, 
ils  n'ont  point  fait  école  ;  sans  doute  l'outil  ne  pouvait  être  aussi 
bon  que  dans  la  main  d'un  tel  ouvrier. 

Au  siècle  dernier  et  dans  celui-ci,  \ Amphitryon^  dont  la 
gaieté  ne  saurait  vieillir,  a  été  souvent  joué  et  bien  joué.  Il  y 
a  eu  presque  de  tout  temps  d'habiles  interprètes  des  princi- 
paux rôles  de  la  pièce,  en  particulier  de  celui  que  Molière 
a  créé  et  dont  nous  avons  vu  Rosimont  chargé  en  i685. 
François- Arnould  Poisson,  le  dernier  en  date  des  comédiens 
qui  ont  rendu  le  nom  de  Poisson  célèbre,  y  eut  beaucoup  de 
succès  dans  ses  débuts  au  mois  de  mai  1722^  On  raconte 
que,  détourné  par  son  père  d'entrer  dans  la  carrière  théâtrale, 

I.  «  Le  91,  le  sieur  Poisson,  frère  cadet  de  celui  qui  vient  de 
quitter  le  théâtre,  a  paru  pour  la  première  fois  dans  la  comédie 
è^ Amphitryon  de  Molière,  et  y  a  joué  le  rôle  de  Sosie,  avec  un  ap- 
plaudissement universel  ;  il  a  du  feu  et  de  la  vivacité.  »  {Le  Mercure 
de  mai  lyaa,  p.  140.) 


346  AMPHITRYON. 

il  ne  Yainquit  sa  résistance  qu'en  lui  récitant  le  rAle  de  Sosie  ^ 
N'est-tl  pas  probable  que  ce  père  lui-même,  Paul  Poisson,  avait, 
dans  ce  rôle,  servi  de  modèle  à  son  fils?  Nous  remonterions 
ainsi  facilement  jusqu'au  temps  de  Rosimont.  De  François- 
Arnould  Poisson^  «  petit  et  baroque  de  figure,  dit  Grimm*,... 
bredouilleur,  ne  sachant  jamais  son  rôle,  »  mais  faisant  «  les 
délices  du  parterre  par  un  jeu  infiniment  plaisant  et  original,  » 
nous  passons  à  Préville,  qui  parut  sur  le  théâtre  en  1753, 
deux  ans  après  la  mort  de  cet  amusant  comédien,  dont  il  prit 
les  rôles.  Il  «  fit  entièrement  oublier  son  prédécesseur,  »  dit 
l'éditeur  des  Mémoires  de  Préville,  dans  sa  Notice  sur  cet  ac- 
teur*, où,  portant  sur  Poisson  le  même  jugement  que  Grimm, 
il  parle  de  «  ses  défauts  de  prononciation,  »  qu'il  faisait  cepen- 
dant aimer  du  public,  de  son  masque  grotesque  et  de  sa  burlesque 
diction,  mais  aussi  de  sa«c  gaieté  vive  et  franche  »  et  du  «  naturel 
de  sa  bouflbnnerie.  »  Tout  différent  et  bien  supérieur,  Préville 
excella  par  «  la  finesse  et  le  mordant  de  son  jeu  ;  >  il  alliait 
ce  une  gaieté  non  moins  vraie  à  une  diction  plus  variée.  »  Cet 
acteur,  qui,  parmi  les  comiques  du  siècle  dernier,  n'eut  point 
d'égal,  et  qu'on  a  surnommé  <c  l'inimitable,  »  prit  sa  retraite 
en  1786;  cependant  il  reparut  un  moment  vers  la  fin  de  1791, 
et  le  rôle  de  Sosie  fut  un  de  ceux  qu'il  reprit  alors  sur  le 
théâtre  de  la  Nation*.  Dugazon,  dont  les  débuts  sont  de  1771, 
joua  dans  \ Amphitryon  à  côté  de  Préville;  il  avait  alors  le 
rôle  de  Mercure.  Ces  représentations,  où  le  mattre  et  l'élève 
paraissaient  ensemble,  donnant  aux  personnages  qu'ils  repré- 
sentaient leur  vrai  caractère,  Cailhava  a  exprimé  le  regret  que 
les  jeunes  comédiens  de  son  temps  ne  les  eussent  pas  vues  et 
n'y  eussent  pas  appris  que  l'esclave  ne  doit  pas  «  courir  après 
l'esprit,  la  gentillesse,  pour  éclipser  le  dieu,  »  que  celui-ci  a 
grand  tort  de  tomber  dans  la  grossièreté^.  Il  faut  croire  que 

ï.  Voyez  les  Spectacles  de  Paris  ou  le  Calendrier  historique,,^,  des 
théâtres^  Sj»  partie  (année  1788),  p.  108-xio. 
9.   Correspondance  littéraire ^  février  1771. 

3.  En  tête  des  Mémoires ^  édition  d^Ourry  (iSiS),  p.  xs  et  i3. 

4.  Histoire  du  Théâtre  français  pendant  la  Révolution^  par  Etienne 
et  Martainville,  tome  II,  p.  i65. 

5.  Études  sur  Molière^  p.    a 06   et  307.   Le  volume  est  daté  de 
PanX,  qui  va  dusS  septenibre  1801  au  sa  septembre  i8oa. 


NOTICE.  347 

le  Mercure  de  ce  temps-là  était  extrêmement  trivial,  paiscjne, 
pour  lai  en  faire  honte,  on  rappelait  le  souvenir  de  Dugazon, 
qui  cependant  avait  lui-même,  dans  plus  d'un  rôle,  passé  pour 
Tètre  un  peu  trop,  quoique  ses  défauts  fussent  en  partie  cou^ 
verts  par  sa  verve  comique.  Ce  (ut  sans  doute  après  la  retraite- 
de  Préville,  en  1 786,  que  DugazcMi  prit  à  son  tour  le  rôle  de 
Sosie,  où  il  réussit  fort  bien.  Il  y  eut  un  temps  où  lui  et  Dazin-* 
court  le  jouèrent  tour  à  tour.  Entré  au  Théâtre-Français  plus^ 
récemment  que  Dugazon  (1776),  Dazincourt,  dont  le  jeu  était 
en  généra]  bien  moins  brillant,  ne  Tégala  pas  dans  ce  rôle. 
Geoffroy  cependant  lui  rendait,  en  i8o3,  ce  témoignage  qu'il  y 
faisait  beaucoup  rire^.  Après  la  mort  de  Dazincourt  [mars  1 809) 
et  celle  de  Dugazon  (octobre  de  la  même  année),  on  ne  re- 
prit Amphitryon  que  dans  les  derniers  jours  de  18 10  (22  dé- 
cembre). Ce  fut  alors  Thénard  qui  représenta  Sosie*,  et  il  fut 
très-goûté.  Après  lui,  les  bons  Sosies  n'ont  pas  manqué.  Nom- 
mons-les dans  l'ordre  des  temps  :  Cartigny,  Monrose,  Sam- 
son,  Régnier,  ces  deux  derniers  particulièrement  remarqua- 
bles. On  peut  noter  que  tous  ces  acteurs  ont  aussi  fort  bien 
joué  le  rôle  de  Mercure  ;  car  il  semble  qn  au  Théâtre-Français 
on  doive  généralement  passer  par  ce  rôle  avant  d'être  promu 
à  celui  de  Sosie.  C'est  ce  qui  était  arrivé  à  Dugazon,  quand  il 
jouait  avec  Préville.  On  eut  de  même  :  Thénard,  Sosie^  Car- 
tigny, Mercure;  —  Cartigny,  Sosie ^  Monrose,  Mercure;  — 
Monrose,  Sosie ^  Samson,  Mercure;  —  Samson,  Sosie ^  Régnier, 
Mercure;  —  Régnier,  Sosie  (depuis  i865)  :  à  côté  de  M.  Ré- 
gnier, jouant  ce  rôle  de  Sosie ^  M.  Coquelin  aîné  a  joué  celui 
de  Mercure. 

Le  i5  janvier  1871,  date  mémorable,  car  on  était  en  plein 
siège  de  Paris,  Amphitryon  fut  représenté  pour  l'anniversaire 
de  la  naissance  de  Molière.  M.  Got  s'était  chargé  du  person- 
nage de  Sosie;  il  fait  aujourd'hui  celui  de  Mercure.  Ce  n'est 
point  là  un  rôle  secondaire;  bien  rendu,  il  abonde  en  eflets 
comiques.  Larochelle  y  avait  montré  beaucoup  de  talent  au 
temps  de  Dugazon. 

I.  Journal  des  Débats^  feuilleton  du  34  ventôse  an  XI  (i5  mars. 
i8o3). 

a.  VOviniondu  parterre  (huitième  année,  181 1),  p.  909  et  )io. 


35a  AMPHITRYON. 

SOMMAIRE 
ï>' AMPHITRYON,  PAR  VOLTAIRE, 

Euripide  et  Archippus  aTaient  traité  ce  mjet  de  tragi-comédie 
chez  les  Grecs  ;  cVst  une  des  pièces  de  Plaute  qui  a  eu  le  plus  de  suc- 
cès :  on  la  jouait  encore  à  Rome  cinq  cents  ans  après  lui,  et  ce  qui 
peut  paraître  singulier,  c*est  qu^on  la  jouait  toujours  dans  des  fêtes 
consacrées  à  Jupiter.  Il  n*  j  a  que  ceux  qui  ne  savent  point  combien 
les  hommes  agissent  peu  conséquemment  qui  puissent  être  surpris 
qu'on  se  moquât  publiquement  au  théâtre  des  mêmes  Dieux  qu'on 
adorait  dans  les  temples. 

Molière  a  tout  pris  de  Plaute,  hors  les  scènes  de  Sosie  et  de 
Cléanthis.  Ceux  qui  ont  dit  qu'il  a  imité  son  prologue  de  Lucien 
ne  savent  pas  la  difTërence  qui  est  entre  une  imitation  et  la  res- 
semblance très-éloignée  de  Texcellent  dialogue  de  la  Nuit  et  de 
Mercure,  dans  Molière,  avec  le  petit  dialogue  de  Mercure  et  d'A- 
pollon, dans  Lucien  :  il  n'y  a  pas  une  plaisanterie,  pas  un  seul  mot 
que  Molière  doive  à  cet  auteur  grec  '. 

Tous  les  lecteurs  exempts  de  préjugés  savent  combien  V Amphi- 
tryon français  est  au-dessus  de  VAmplùtryon  latin.  On  ne  peut  pas 
dire  des  plaisanteries  de  Molière  ce  qu'Horace  dit  de  celles  de 

Plaute*  : 

....  Nôstri  proavi  phmtinos  et  numéros  et 
Laudavere  sales,  nimium  patienter  uirumqae» 

Dans  Plaute,  Mercure  dit  à  Sosie  :  a  Tu  viens  avec  des  fourberies 
cousues.  »  Sosie  répond  :  a  Je  viens  avec  des  habits  cousus.  -^  Tu 
as  menti,  réplique  le  Dieu  :  tu  viens  avec  tes  pieds  et  non  avec  tes 
habits',  s  Ce  n'est  pas  là  le  comique  de  notre  théâtre.  Autant  Molière 
paraît  surpasser  Plaute  dans  cette  espèce  de  plaisanterie  que  les 
Romains  nommaient  urbanité,  autant  parait-il  aussi  l'emporter  dans 
l'économie  de  sa  pièce.  Quand  il  fallait  chez  les  anciens  apprendre 
au  spectateur  quelque  événement,  un  acteur  venait  sans  façon  le 

I .  Sur  le  dialogue  de  Lucien,  Tojes  ci-dewns  i  la  Notice,  p,  338. 
a.  Dans  VArt  poétique^  yen  270  et  271.  —  3.  Plante,  Terg  ai  i-3i3. 


SOMMAIRE  DE  VOLTAIRE.  353 

conter  dant  va  flMHiolognc  :  ainû  Amphitryon  et  Mercure  viennent 
seuls  sur  U  scène  dire  tout  ce  <{u*ib  ont  fait  pendant  les  entr*actes. 
Il  n'y  avait  pas  plus  d*art  dans  les  tragédies.  Cela  seul  fait  peut- 
être  voir  que  le  théâtre  des  ancienf  (d'ailleurs  à  jamais  respectable) 
est,  par  rapport  au  n6tre,  ce  que  Tenfance  est  à  Tàge  mûr. 

Mme  Dacier,  qui  a  fait  honneur  à  son  sexe  par  son  érudition,  et 
qui  lui  en  eut  fait  davantage,  si  avec  la  science  des  commentateurs 
elle  n*en  eût  pas  eu  Pesprit,  fit  une  dissertation  pour  prouver  que 
VAmphitrjon  de  Plante  était  fort  au-dessus  du  moderne  ;  mais 
ayant  ouï  dire  que  Molière  voulait  faire  une  comédie  des  Femmes 
savantes^  elle  supprima  sa  dissertation  ^ 

1j  Amphitryon  de  Molière  réussit  pleinement  et  sans  contradiction  : 
aussi  est-ce  une  pièce  *  pour  plaire  aux  plus  simples  et  aux  plus 
grossiers  comme  aux  plus  délicats'.  C*est  la  première  comédie  que 
Molière  ait  écrite  en  vers  libres.  On  prétendit  alors  que  ce  genre  de 
versification  était  plus  propre  à  la  comédie  que  les  rimes  plates, 
en  ce  qn*il  y  a  plus  de  liberté  et  plus  de  variété.  Cependant  les 
rimes  plates  en  vers  alexandrins  ont  prévalu.  Les  vers  libres  sont 
d'autant  plus  malaisés  à  faire  qu'ils  semblent  plus  faciles.  Il  y  a  un 
rhythme  très^peu  connu  qu'il  y  faut  observer,  sans  quoi  cette  poésie 
rebute.  Corneille  ne  connut  pas  ce  rhythme  dans  son  AgésUas, 

1.  Yoyes  ei-deMiii(la  Notice^  p.  341-343. 

a.  Le  mo^finte^  tupplié  iai  pir  BsiMbot,  manqya  suk  r«it— -de-f^^^^t 
éB  1764.  / 

3.  Dans  bb  Utto  de  sa  TieilleMe,  à  rartide  Eiaa  (qui  est  de  177a)  de» 
Questions  sur  VBncjelopedie  •,  Voltaire  a  dit  le  plaisir  qu'encore  enfant  il 
avait  pria  à  la  eomédie  dont,  en  17 39,  il  portait  le  jugement  qn*on  Tient  de 
iire  :  «  J^aTab  onze  ans  qaand  je  loa  tout  seul,  poor  la  première  fois,  VAm^ 
phitrjon  de  Molière;  je  ris  an  point  de  tomber  à  la  renrerse.  » 

*  Réunies,  dam  Pédition  Beuchot,  aux  articles  du  Dictionnaire  philoeophi' 
^ue  i  Tojez  tome  XXXII,  p.  147. 


MOUBBH.    VI  S  3 


354  AMPHITRYON. 


A  SON  ALTESSE  SÉRÉNISSIME 

MONSEIGNEUR  LE   PRINCE*. 

MONSEIGNSUR, 

N'en  déplaise  à  nos  beaux  esprits,  je  ne  vois  rien  de 
plus  eunuyeux  que  les  épitres  dédicatoires  ;  et  Votbe 
Altbssb  Sbr£nissimb  trouvera  bon,  s*il  lui  plaît,  que  je 
ne  suive  point  ici  le  style  de  ces  Messieurs-là,  et  refuse 
de  me  servir  de  deux  ou  trois  misérables  pensées  qui  ont 
été  tournées  et  retournées  tant  de  fois,  qu'elles  sont 
usées  de  tous  les  côtés.  Le  nom  du  Graito  Condb  est  un 
nom  trop  glorieux  pour  le  traiter  comme  on  fait  tous 
les  autres  noms  :  il  ne  faut  l'appliquer,  ce  nom  illustre, 
qu'à  des  emplois  qui  soient  dignes  de  lui  ;  et  pour  dire 
de  belles  choses,  je  voudrois  parler  de  le  mettre  à  la 
tête  d'une  armée  plutôt  qu'à  la  tête  d'un  livre  ;  et  je 
conçois  bien  mieux  ce  qu'il  est  capable  de  faire  en 
l'opposant  aux  forces  des  ennemis  de  cet  État,  qu'en 
l'opposant  à  la  critique  des  ennemis  d'une  comédie. 

Ce  n'est  pas^  Monsbignbur,  que  la  glorieuse  appro- 
bation de  Votre  Altesse  Sérénissime  ne  fût  une  puis-* 
sa^te  protection  pour  toutes  ces  sortes  d'ouvrages,  et 
qu'on  ne  soit  persuadé  des  lumières  de  votre  esprit 
autant  que  de  l'intrépidité  de  votre  cœur  et  de  la  gran- 
deur de  votre  âme.  On  sait,  par  toute  la  terre,  que 
l'éclat  de  votre  mérite  n'est  point  renfermé  dans  les 
bornes  de  cette  valeur  indomptable  qui  se  fait  des  ado- 

I.  Le  grand  Condé,  comme  Molière  lui-même  ya  l'appeler  ;  à  la 
date  de  la  publication  de  cette  ëpître  (5  mars  1668),  il  Tenait  de 
faire  la  rapide  conquête  de  la  Franchc-Comtë  (3~i9  février). 


ÉpItRE.  355 

rateurs  chez  ceux  même  qu'elle  surmonte;  qu'il  s'étend , 
ce  mérite,  jusques  aux^  connoissances  les  plus  fines  «t 
les  plus  relevées  ;  et  que  les  décisions  de  votre  juge- 
ment sur  tous  les  ouvrages  d'esprit  ne  manquent  point 
d'être  suivies  par  le  sentiment  des  plus  délicats.  Mais- 
on sait  aussi,  Monseigneur,  que  toutes  ces  glorieuses- 
approbations  dont  nous  nous  vantons  au  public  ne  nous- 
coûtent  rien  à  faire    imprimer;    et   que  ce   sont  des 
choses  dont  nous  disposons  comme  nous  voulons  ;  on 
sait,  dis-je,  qu'une  épître  dédicatoire  dit  tout  ce  qu'il 
lui  plaît,  et  qu'un  auteur  est  en  pouvoir  d'aller  saisir 
les  personnes  les  plus  augustes,  et  de  parer  de  leurs- 
grands  noms  les  premiers  feuillets  de  son  livre  ;  qu'il  a 
la  liberté  de  s'y  donner,  autant  qu'il  veut,  l'honneur  de 
leur  estime,  et  de  se  faire  des  protecteurs  qui  n'ont 
jamais  songé  à  l'être. 

Je  n'abuserai,  Monseigneub,  ni  de  votre  nom,  ni  de 
vos  bontés,  pour  combattre  les  censeurs  de  YAmphi-- 
tryon^  et  m'attribuer  une  gloire  que  je  n'ai  pas  peut- 
être*  méritée;  et  je  ne  prends  la  liberté  de  vous  offrir 
ma  comédie,  que  pour  avoir  lieu  de  vous  dire  que  je 
regarde  incessamment,  avec  une  profonde  vénération,, 
les  grandes  qualités  que  vous  joignez  au  sang  auguste 
dont  vous  tenez  le  jour,  et  que  je  suis,  Monseigneur, 
avec  (out  le  respect  possible  et  tout  le  zèle  imaginable',. 

De  Votre  Altesse  Sérénissime 

Le  très-humble,  très-obéissant 
et  très-obligé  serviteur, 

Molière. 

I.  Jusqu'aux.  (1780,  33,  34.) 

9.  Peat-étre  pat.  (17 18,  3o,  34.) 

3.  Et  le  zèle  imaginable.  (1697,  17 10,  18,  3o,  33,  34*) 


ACTEURS, 

MERCURE. 

LA  NUIT. 

JUPITER,  80IU  la  fomie  d'Amphitryon  ' . 

AMPHITRYON,  général  des  Thëbains*. 

ALCMÈNE,  femme  d'Amphitryon. 

CLÉANTHISy  suivante  d'Alcmène  et  femme  de  Sosie'. 

SOSIE,  valet  d'Amphitryon  \ 

ARGATIPHONTIDAS  •,  J 

NAUGRATÈS,  f        .^  .        ^.  „   . 

POLIDAS,  capiumes  thëbams. 

POSIGLteS  ] 

La  scène  est  à  Thèbe»,  devant  la  maison  d* Amphitryon  '. 

I.  ACTEURS. 

ACTEUBS    DU    PROLOGUE. 

Maacuaa.  -—  La  Nurr. 

iurrauES  db  la.  GOMtaB. 

JupiTBB,  SOUS  U  figure  d* Amphitryon.  (1734.)  —  Ici  Tëdition  de 
1773  ajoute  :  Mbrcuhb,  tous  la  figure  de  Sosie ^  addition  justifiée, 
puisque  Mercure  est  acteur  dans  le  Prologue  et  dans  la  Comédie. 

s.  De  la  race  héroïque  de  Persée,  comme  sa  femme  Alcmène, 
Amphitryon,  forcé  par  son  oncle  Sthénélos  de  quitter  Argos  et 
Tirynthe,  avait  été  mis  k  la  tète  de  Tarmée  du  roi  Créon  :  Toyez  la 
BihUothèqttê  d'Apollodore  (édition  de  Ciayier),  livre  II,  chapitre  it. 

3.  On  a  vu  à  la  Notice^  p.  34i,  que  ce  personnage  n*existe  pas 
dans  la  comédie  latine,  mais  qu*un  Ters  de  Plante  ayait  pu  en  don- 
ner la  première  idée  à  Molière. 

4.  Ce  rôle  était  joué  par  Molière  ;  on  a  la  description  du  costume 
quHl  portait;  elle  a  été  donnée,  et  a  été  l^ohjet  de  quelques  re- 
marques, ci-dessus  à  la  Notice^  p.  339  et  33o.  —  Sur  ce  qu*on 
peut  conjecturer  de  la  première  distribution  des  autres  rôles, 
Toyez  également  la  Notice^  p.  SsS-Ssg.  — •  L'édition  de  1734  re- 
jette Sosie,  valet  tt Amphitryon^  h.  la  fin  de  la  liste  des  Personnages. 

5.  Voyez  ci-après,  p.  4^5,  note  i.  —  6.  Pausiclés.  (1734.) 

7.  Le  théâtre,  dit  le  vieux  Mémoire  de,,,,  décorations  y  ce  est  une 
place  de  ville.  Il  faut  un  balcon,  dessous  une  porte  ;  pour  le  Pro- 
logue, une  machine  pour  Mercure,  un  char  pour  la  Nuit.  Au 
III*  acte,  Mercure  s'en  retourne,  et  Jupiter  sur  son  char.  Il  faut 
une  lanterne  sourde,  une  batte.  »  —  Za  scène  est  à  Thèbes^  devant 
le  palais  {dans  U  palais^  1773)  tP Amphitryon,  (1734*) 


AMPHITRYON. 

COUÉDIE. 


PROLOGUE'. 

MERCURE,  •«  ».  >»E.i  u  NUIT,  d»,  ,m  d... 

tnlni  par  deux  eheranx*. 
ItBKCUlE. 

Tout  beau  !  charmante  Nuit  ;  daignez  vous  arrêter  : 
Il  est  cerlain  secoure  que  de  vous  on  désire, 

Et  j'ai  deux  mots  à  vous  dire 

De  la  part  de  Jupiter*. 

LA    ItUIT. 

Ah!  ah!  c'est  vous,  Seigneur  Mercure!  S 

Qui  vous  eût  devioé  là,  dans  cette  posture? 

MERCURE. 

Ma  foi  !  me  trouvant  las,  pour  ne  pouvoir  fournir* 
Aox  difiërenta  emplois  où  Jupiter  m'engage, 
Je  me  suis  doucement  assb  sur  ce  nuage, 

Pour  vous  attendre  venir.  i  u 

LA  «DIT. 

Vous  vous  moquez,  Mercure,  et  vous  n'y  songez  pas*  : 
Sied-il  bien  à  des  Dieux  de  dire  qu'ils  sont  las  ? 

I.  Dam  Tan  da  PUntc,  dÉTolappc*  par  Ratron  ■■  dfbat  d»  n  comidia,  M 
coBtaniDt  orna  «impla  racoaunaBditioii  Faiu  d*  lola  par  Hamra  k  II  Huit  a, 
ont,  brt  probablamant.  availa  aoBTenlr  d'nn  dLidogDt  de  LacMB,  iBtpirl  1  Mo- 
hin  Mtta  htmaaa  iBtiudiwtioB  :  Tojai  ei-daaaiu  la  JK>iù#,  p.  3J^-33g. 

1.  La  Ilut,dau  >Dcfaar  traloâ,  daai  l'air,  par  dan  abaraiix.  (17I4.) 

3.  Da  rûan  ualogan  k  oaUa  i'urrtitr  at  JmpUir  ml  dijk  ilit  nlaiiat 
Urn*  I,  p.  aîî,  MM  9.  «t  p.  439,  DOU  1. 

^,  para* qu'anfia j« B*  auia  pu  de  ion»  t  {oonirloajiMn.... 


i.  Holiera  sa  l'aat 
l'aluraana  d«  riawa, 


jasa  aida  pu  de  ton»  a  raonu  wa)(Mn.... 

_.  —  •-Bjoan  atOaiBt,  duu  en  tm  libre*,  k  la  rtgic  da 


\ 

J 

I 


358  AMPHITRYON. 

MBRCURX. 

Les  Dieux  sontJls  de  fer? 

LA  NUIT. 

Non;  mais  il  faut  sans  cesse 

•Garder  le  décorum  de  la  divinité. 

U  est  de  certains  mots  dont  Tusage  rabaisse  ■  s 

Cette  sublime  qualité, 
Et  que,  pour  leur  indignité. 
Il  est  bon  qu*aux  hommes  on  laisse. 

MERCURB. 

A  votre  aise  vous  en  parlez. 
Et  vous  avez,  la  belle,  une  chaise  roulante  \  ao 

Où  par  deux  bons  chevaux,  en  dame  nonchalante. 
Vous  vous  faites  traîner  partout  où  vous  voulez. 

Mais  de  moi  ce  n'est  pas  de  même  ; 
Et  je  ne  puis  vouloir,  dans  mon  destin  fatal, 

Aux  poètes  assez  de  mal  1 5 

De  leur  impertinence  extrême. 

D'avoir,  par  une  injuste  loi, 

Dont  on  veut  maintenir  Tusage, 

A  chaque  Dieu,  dans  son  emploi, 

Donné  quelque  allure  en  partage,  3o 

Et  de  me  laisser  à  pied,  moi. 

Comme  un  messager  de  village, 
Moi,  qui  suis,  comme  on  sait,  en  terre  '  et  dans  les  cieux, 
Le  fameux  messager  du  souverain  des  Dieux  *, 

1.  Furedère  (i6^}  dit  qu*on  appelle  chaise  roulante  «  un  petit  carroMe 
coapé,  »  et  rAeadémie  (1694}  ■  ua^  voiture  k  deux  rouet  tninée  par  aa 
'homme  ou  par  on  ehcyal.  » 

a.  Sur  terre,  dans  la  région  de  la  terre.  Rotroa  «Tait  dit  (Yen  la  fin  de  la 
•aeèoe  ▼  de  l*acte  III  det  ^mes)  : 

Je  auia  Sone  en  ton,  an  ciel  j*éloia  Mareore. 

La  loention  rerient  plus  bat  dans  le  jeu  de  scène  qui  termine  le  Prologue  f 
«nais  là  die  exprime  mouvement. 

3.  L'effet  de  cet  deux  grands  vert  majeataenx,  apièt  kt  itn  de  huit  tjllabet 


PROLOGUE.  359 

Et  qui,  sans  rien  exagérer^  3,5 

Par  tous  les  emplois  qu*il  me  donne, 
Aurois  besoin,  plus  que  personne, 
D'avoir  de  quoi  me  voiturer^ 

LA  HUIT. 

Que  vouleib-voQS  faire  à  cela  ? 

Les  poëtes  font  i  leur  guise  :  40 

Ce  n*est  pas  la  seule  sottise 

Qu*on  voit  faire  à  ces  Messieurs-là. 
Mais  contre  eux  toutefois  votre  àme  à  tort  s'irrite, 
Et  vos  ailes  aux  pieds  sont  un  don  de  leurs  soins. 

MBaCURE. 

Oui;  mais,  pour  aller  plus  vite,  45 

Est-ce  qu'on  s'en  lasse  moins? 

LA  NUIT. 

Laissons  cela.  Seigneur  Mercure, 
Et  sachons  ce  dont  il  s'agit. 

MBRCURB. 

C'est  Jupiter,  comme  je  vous  l'ai  dit, 
Qui  de  votre  manteau  veut  la  faveur  obscure,  5o 

qui  précèdent,  ett  le  même  que  dans  ce  passage  final  de  la  fable  dn  Chêne  et 

le  Roseau^  i 

Et  fiût  si  bien  qu^il  déracine 
Celai  de  qui  la  t^te  au  ciel  étoit  ToisÎAe 
£t  dont  ks  pieds  touchoieot  à  l*empûrc  dos  njorts. 

I.  Comment  est-ee  le fisit  et  la  faute  des  poètes  qa«  Mercure  aille  à  pied? 
Ce  qn*ils  imaginent,  comme  il  va  étie  dit,  «  à  leur  guise  »  devient  donc  usage 
et  loi  pour  les  Dieux  ?  A  ce  compte-là,  la  manière  de  vivre  et  d*agir  des 
Dieux  n^est  donc  que  fiction  ?  Oui  sans  doute  ;  mais  TaTooer  ainsi  est  nne  plai- 
sante infraction  h  ce  qn'Auger  appelle  la  rérité  poétique.  Pour  on  moment,  ce 
n*est  plus  Mercure,  cVst  Tacteur  qui  parle,  se  plaignant  et  riant  du  rAIe, 
de  l'allure  à  laquelle  le  tondamne  la  tradition  des  poètes,  que  Tautenr  de  la 
comédie  est  bien  obligé  de  suivre.  Plaute  a  rompu  plus  violemment  encore 
avec  rillusion  tfaéfttrale  :  en  plus  d*an  endroit  de  son  Prologue,  mis  tout  en- 
tier dans  la  bouche  de  Mercure,  il  va  jasqu*à  fisire  rire  aux  dépens  de  la  pro« 
pre  personne  du  pauvre  bère  d^histri0n,  du  miwrabloesdave,  sujets  comme  tel, 
aux  coaps,  qui  représente  le  Dieu.    !,.<.''/ 

'  La  xxn*  du  I*'  livre,  publié  quelquea  jours  a^rès  Amphitryon,  le  3i  mars 
i(j6S. 


36o  AMPHITRYON. 

Pour  certaine  doace  aventure 

Qu'un  nouvel  amour  lui  fournit. 
Ses  pratiqueSi  je  crois,  ne  vous  sont  pas  nouvelles  : 
Bien  souvent  pour  la  terre  il  néglige  les  cieux; 
Et  vous  n*ignorez  pas  que  ce  maître  des  Dieux  5!» 

Aime  à  s'humaniser  pour  des  beautés  mortelles, 

Et  sait  cent  tours  ingénieux, 

Pour  mettre  à  bout  les  plus  cruelles. 
Des  yeux  d'Alcmène  il  a  senti  les  coups  ; 
Et  tandis  qu'au  milieu  des  béotiques  plaines,  60 

Amphitryon,  son  époux, 
Commande  aux  troupes  thébaines. 
Il  en  a  pris  la  forme,  et  reçoit  là-dessous 

Un  soulagement  à  ses  peines 
Dans  la  possession  des  plaisirs  les  plus  doux.  6  5 

L'état  des  mariés  à  ses  feux  est  propice  : 
L'hymen  ne  les  a  joints  que  depuis  quelques  jours  ^  ; 
Et  la  jeune  chaleur  de  leurs  tendres  amours 
A  fait  que  Jupiter  a  ce  bel  artifice 

S'est  avisé  d'avoir  recours.  70 

Son  stratagème  ici  se  trouve  salutaire  ; 

Mais,  près  de  maint  objet  chéri. 
Pareil  déguisement  seroit  pour  ne  rien  faire, 
Et  ce  n'est  pas  partout  un  bon  moyen  de  plaire 

Que  la  figure  d'un  mari.  75 

1.  La  campagne  d*Ampbttryon  n*a  donc  été  qua  de  courte  durée.  Ici  Mo- 
lière ii*a  pat  tuivi  Plaate,  chez  qui  la  naiaMnee  de  deux  junoeaux,  qu^Alemène 
doit  mettre  an  monde,  fils.  Ton  d^Ampbitryon,  Tautre  de  Jupiter,  amène  le 
dénouement  et,  dès  le  début  de  la  pièce,  est  annoncée  pour  le  jour  même 
(acte  1,  Mène  u,  Ters  3a4-3a7)  : 

MEICUUUS. 

Boiie  illa  pariet  filiot  geminos  dmos  ; 
Alter  decmmo  pott  mense  nasceiur  pmer 
Qumm  teminatu»^  alier  menât  gêptmmo  g 
Èonun  Amphitruonis  alter  ett^  aller  Jovu. 

Vojat  ci-après  la  note  an  Tert  1735. 


PROLOGUE.  36i 

Là  5UIT. 

J^admire  Jupiter,  et  je  ne  comprends  pas 
Tous  les  déguisements  qui  lui  viennent  en  tête. 

MBaCURE. 

Il  veut  goûter  par  là  toutes  sortes  d^états. 

Et  c'est  agir  en  Dieu  qui  n'est  pas  bête. 
Dans  quelque  rang  qu'il  soit  des  mortels  regardé,    So 

Je  le  tiendrois  fort  misérable, 
S'il  ne  quittoit  jamais  sa  mine  redoutable. 
Et  qu'au  faite  des  cieux  il  fût  toujours  guindé. 
Il  n'est  point,  à  mon  gré,  de  plus  sotte  méthode 
Que  d'être  emprisonné  toujours  dans  sa  grandeur;     8  5 
Et  surtout  aux  transports  de  l'amoureuse  ardeur 
La  haute  qualité  devient  fort  incommode. 
Jupiter,  qui  sans  doute  en  plaisirs  se  connaît, 
Sait  descendre  du  haut  de  sa  gloire  suprême; 

Et  pour  entrer  dans  tout  ce  qu'il  lui  plait*  90 

Il  sort  tout  à  fait  de  lui-même. 
Et  ce  n'est  plus  alors  Jupiter  qui  parait. 

LA  nurr. 
Passe  encor  de  le  voir,  de  ce  sublime  étage, 

Dans  celui  des  hommes  venir. 
Prendre  tous  les  transports  que  leur  cœur  peut  fournir. 

Et  se  faire  à  leur  badinage. 
Si,  dans  les  changements  où  son  humeur  l'engage, 
A  la  nature  humaine  il  s'en  vouloit  tenir; 

Mais  de  voir  Jupiter  taureau. 

Serpent,  cygne,  ou  quelque  autre  chose,       1 00 

Je  ne  trouve  point  cela  beau, 
Et  ne  m'étonne  pas  si  parfois  on  en  cause. 

MERCURE. 

Laissons  dire  tous  les  censeurs  : 

I.  OtM  toat  ce  qn  Id  platt.  (1734.)  —  Malgré  la  rlne  jd^t  (yUiti),  Im 
andcnct  éditions  ont  ao  ran  88  eottnoiat,  et  ao  reri  ^pmmst^  par  «. 


36t  AMPHITRYON. 

Tels  changements  ont  leurs  douceurs 
Qui  passent  leur  intelligence.  i  o  5 

Ce  Dieu  sait  ce  qu*il  fait*  aussi  bien  là  qu'ailleurs  ; 
Et  dans  les  mouvements  de  leurs  tendres  ardeurs, 
Les  bêtes  ne  sont  pas  si  bêtes  que  Ton  pense. 

LA    IfUIT. 

Revenons  à  Tobjet  dont  il  a  les  faveurs. 
Si  par  son  stratagème  il  voit  sa  flamme  heureusCi      1 1  o 
'Que  peut-il  souhaiter  ?  et  qu*est-ce  que  je  puis  ? 

MERCURE. 

<^ue  vos  chevaux,  par  vous  au  petit  pas  réduits, 
Pour  satisfaire  aux  vœux  de  son  âme  amoureuse, 
D'une  nuit  si  délicieuse 

Fassent  la  plus  longue  des  nuits  ;  1 1 5 

Qu'à  ses  transports  vous  donniez  plus  d'espace. 
Et  retai^iez  la  naissance  du  jour  * 
Qui  doit  avancer  le  retour 
De  celui  dont  il  tient  la  place. 

LA    NUIT. 

Voilà  sans  doute  un  bel  emploi  i  a  o 

Que  le  grand  Jupiter  m'apprête, 
Et  Ton  donne  un  nom  fort  honnête 
Au  service  qu'il  veut  de  moi. 

MERCURE. 

Pour  une  jeune  déesse. 

Vous  êtes  bien  du  bon  temps  !  i  a  5 

Un  tel  emploi  n'est  bassesse 
Que  chez  les  petites  gens. 
Lorsque  dans  un  haut  rang  on  a  l'heur  de  paroître, 
Tout  ce  qu'on  fait  est  toujours  bel  et  bon  ; 

I .  L*édition  originale  a  là  une  faute  de  meMire  :  «  ee  qa*il  ■  fiût,  »  qui  n*a 
pas  été  reproduite  dans  les  éditions  postérieures, 
a.  Retarde  en  sa  faTear  la  naissanee  du  jour, 

-dit  Mœore  à  la  Lune  dans  la  i^  seène  des  Soties  de  Rotroa. 


PROLOGUE.  ,  363 

Et  suivant  ce  qu'on  peut  être^  1 3  o 

Les  choses  changent  de  nom^ 

LA   NUIT. 

Sur  de  pareilles  matières 

Vous  en  savez  plus  que  moi  ; 

Et  pour  accepter  Temploî, 

J'en  veux  croire  vos  lumières.  i  3  5 

MBRCURB. 

Hé!  kl  la*,  Madame  la, Nuit, 

Un  peu  doucement,  je  vous  prie. 

Vous  avez  dans  le  monde  un  bruit* 

De  n*ètre  pas  si  renchérie^. 
On  vous  fait  confidente,  en  cent  climats  divers,        i  40 

De  beaucoup  de  bonnes  affaires  ; 
Et  je  crois,  à  parler  à  sentiments  ouverts. 

Que  nous  ne  nous  en  devons  guères. 

LA    NUIT. 

Laissons  ces  contrariétés', 

I.  Rotrou  avait  fait  dire  k  Mercure,  dans  le  monologue  qui  ouvre   m 

«omëdie  : 

Le  rang  des  vieùax  6te  la  honte  aux  viees. 
Et  douue  de  beaux  noms  è  de  honteux  services. 

3.  Dans  les  anciennes  éditions,  il  y  a  ainsi  /a,  /«,  sans  accent.  Furetière 
(1690)  n*aoeentue  pas  non  plus  en  ce  sens  ce  double  monosyllabe;  ni  l'Aeadé- 
mie,  sauf  dsns  sa  première  édition  (1694)  et  sa  dernière  (1878). 

3.  ^mt  a  été  employé  souvent  au  dix-septième  nècle  avec  ce  sens  de  repu- 
tation^  et  ce  n*est  sans  doute  pas  ce  seul  emploi  du  mot,  mais  Texpression 
entière  de  donner  bruit  de  connaisseute^  qui  dut  paraître  ridicule  dans  la 
bouche  de  Magdelon*  :  voyez  les  nombreux  exemples  réunis  par  M.  Littré,  à 
Fartide  BaciT,  4*. 

4.  Nous  avons  vu  le  mot  employé  substantivement  dans  le  même  sens,  au 
commencement  des  Précieuses^  tome  II,  p.  56. 

5.  Laissons  ce  débat,  cette  querelle.  Cest  aussi  an  sens  de  débat  que  le  mot 
semble  devoir  être  pris  dans  une  phrase  de  Pascal  (xvii*  Provinciale  ^),  que 
M.  Littré  a  rapprochée  de  ce  vers  :  «  J*ai  voulu....  vous  aceoutnmer  à  ces 
contrariétés  qui  arrivent  entre  les  catholiques  sur  des  questions  de  £iit,  tou- 
chant Pintelligence  du  sens  d*un  auteur.  » 

•  A  la  scène  a.  des  Précieuse* ^  tome  II,  p.  80. 

*  Voyez  p.  3 18  de  Tédition  de  M.  Lcsieur. 


364  AMPHITRYON. 

Et  demearons  ce  que  nous  sommes  :  145 

N'apprêtons  point  à  rire  aux  hommes 
En  nous  disant  nos  vérités. 

MBRcuax. 
Adieu  :  je  vais  là-bas,  dans  ma  commission. 
Dépouiller  promptement  la  forme  de  MercurCf 

Pour  y  vêtir  ^  la  figure  1  So 

Du  valet  d'Amphitryon. 

LA  Nurr. 
Moi,  dans  cet  hémisphère*,  avec  ma  suite  obscure, 
Je  vais  faire  une  station. 

MBRCURS. 

Bon  jour,  la  Nuit. 

LA    IfCIT. 

Adieu,  Mercure. 

(Mercare  deteeiul  de  mw  nvage  en  tem,  «t  la  Nvtt  paite  dam  aom  char  S.) 


I.  De  pStir^  aa  aena  de  «  mettre  tortoî,  »  M.  Littré  ne  cite  qmt  eet  eKem- 
pie  ;  de  rt¥êtir^  plus  uûté  aiijoiird*hai  dant  cette  aeeeption,  il  B*eB  cite  ancvn 
»  d'vn  autear. 

a.  Cette  hémiipbère.  (1668,  75  A,  84  A,  ^%  B.) 
3.     Mfrcmrê  descend  dû  son  nnage^  et  la  Nuii  traperee  te  tkiâlre. 

Fin  DU  Paoumui.  (1734.) 


FIN   DU    »1tOU>GUB. 


ACTE  I,  SCÈNE  I.  365 


ACTE  I. 


SCÈNE  PREMIÈRE*. 

SOSIE». 

Qui  va  là  ?  Heu  *  ?  Ma  peur,  à  chaque  pas,  8*accroit  ^.  1 5  5 

Messieurs,  ami  de  tout  le  monde. 

Ah  !  quelle  audace  sans  seconde 

De  marcher  à  Theure  qu^il  est  ! 

Que  mon  maître,  couvert  de  gloire, 

Me  joue  ici  d*un  vilain  tour"!  i6o 

Quoi?  si  pour  son  prochain  il  avoit  quelque  amour, 
M*attroit-il  fait  partir  par  une  nuit  si  noire  ? 
Et  pour  me  renvoyer  annoncer  son  retour 

I.  Cfltte  Miae  et  la  •uivante  cormpoBd«BC  k  la  tcina  i  da  l*aele  I  de  Plante 
{▼■n  i-3o6}.  «-*  Les  extraiu  de  PUate  qa*on  troaTara  citét  avee  le  chiffina  des 
vert  tealcnent  aont  tiret  de  la  aoène  indiquée  ehaqne  feia,  eonme  ici,  ea  tète 
dea  teànet  de  Molière.  If  ont  citont  d*aprèt  le  texte  donné  par  Naudet  dent  la 
CoUeetion  Lemaire,  mais  let  ehiffiret  tont  cens  de  la  a*  édition  dn  TAéétrê  de 
Piamtê  traduit  par  Naudet  également  (i845),  on  aont  nnmérolét  à  part  let 
1 5a  vert  dn  Prologue,  pnit,  d^une  tuite,  ceux  de  la  comédie  même. 

a.  Sotie  arrive  une  lanterne  tonrde  è  la  main.  Son  entrée  ett  toute  tembla- 
ble  liant  la  eomédîe  latine,  ou  il  ett  annoncé  ainti  par  M erenre  è  la  fin  du 
Prologue  (vert  148  et  149)  :  «  Maît  j*aperçoît  retelave  d'Amphitryon,  Sotie  ; 
on  renvoie  du  port  ;  le  voici  venir  avec  une  lanterne.  » 

3.  Hé?  (1734.) 

4.  Aeeroùrê  étH  au  nombie  det  mott  ou  Vaugelat  autoritait  la  prononcia- 
tion de  la  diphthongue  oî  en  a<  :  vojei  let  Remarqués  sur  la  l€utguejrau- 
eaise,  p.  79  de  l'édition  de  167a. 

5.  Jouer,  dant  cette  locution,  t'employait,  au  tempt  de  Molière,  toit  acti- 
vement, avec  un  régime  direct,  toit,  comme  ici,  neutralemeat,  avec  de,  M.  Lit- 
tré,  à  rartide  Jovu,  ao*,  cite  det  deux  tourt  plutieurt  exemplet  du  diz-tep- 
tiènw  tiède.  Nont  avont  vu  dant  Molière  deux  exemplet  du  teeond,  aux  vert 
i56ode  FÉiOÊtrdi,H  1095  de  l*  École  des  femmes^  et  un  autre  un  peu  ambigu, 
mait  plutôt  du  premier,  au  vert  196  de  Sganarelle, 


366  AMPHITRYON. 

Et  le  détail  de  sa  victoire, 
Ne  pouvoit-il  pas  bien  attendre  qu'il  fût  jour^  ?        i6S 
Sosiet  à  quelle  servitude 
Tes  jours  sont-ils  assujettis  ! 
Notre  sort  est  beaucoup  plus  rude 
Chez  les  grands  que  chez  les  petits. 
Ils  veulent  que  pour  eux^^tout  soit,  dans  la  nature,    1 70^ 

Obligé  de  s'immoler. 
Jour  et  nuit,  grêle,  vent,  péril,  chaleur,  froidure  *, 
Dès  qu'ils  parlent,  il  faut  voler. 
Vingt  ans  d'assidu  service 
N'en  obtiennent  rien  pour  nous  ;  1 7  5 

Le  moindre  petit  caprice 
Nous  attire  leur  courroux. 
Cependant  notre  âme  insensée 
S'acharne  au  vain  honneur  de  demeurer  près  d'eux. 
Et  s'y  veut  contenter  de  la  &usse  pensée  18a 

Qu'ont  tous  les  autres  gens  que  nous  sommes  heureux. 
Ters  la  retraite  en  vain  la  raison  nous  appelle  *  ; 
En  vain  notre  dépit  quelquefois  y  consent  : 
Leur  vue  a  sur  notre  zèle 
Un  ascendant  trop  puissant,  1 8  S 

Et  la  moindre  faveur  d'un  coup  d'œil  caressant 
Nous  rengage  de  plus  belle. 
Mais  enfin,  dans  l'obscurité, 

I.  Nonne  idem  hoc  luci  me  mittere  potuitP  (PUute,  ven  il.) 

a.  Le  tour  est  hardi,  mais  d'une  clarté  parfaite.  LVmploi  abaola,  à  fré- 
quent dans  FuMge,  qui  est  fait  d'abord  de  jour  et  nuit  s'étend  bien  naturelle- 
ment  aux  mots  qui  suiyent  :  «  grêle,  vent...  »,  par  grêU^  ete. 

3.  Une  maxûne  de  soumission  termine  la  plainte  du  Sosie  de  Planta  (vers^ 
3f).  Ici  ce  n'est  certes  pas  un  esclaye  grec  ou  romain  qui  parle,  maison 
domestique  du  dix-septième  nècle',  un  courtisan,  peut-être  Molière  luinnénie: 
Yoyex  ci-dessus,  p.  3ii  et  note  a,  et  p.  3^9;  et  compares  ce  que  Saint-Sî^ 
mon  (tome  III,  p.  170)  dit  de  la  «  folie  •  qu*a  la  dncbesse  du  Lude,  dame- 
d*honnettr  de  la  duchesse  de  Bourgogne,  «  d'acheter  chèrement  la  senritnde.  » 

•  Voyex  pins  haut,  p.  33,  note  3. 


ACTB  I,  SCÈNE  I.  367 

Je  vois  notre  maison^  et  ma  frayeor  s'évade  ^ 

Il  me  faudroit,  pour  rambassade,  190 

Quelque  discours  prémédité. 
Je  dois  aux  yeux  d*Alcmène  un  portrait'  militay*e 
Du  grand  combat  qui  met^  nos  ennemis*  à  bas; 
Mais  commen^t^d^tre  le  faire. 
Si  je  ne  m'y  trouvai  pas?  19$- 

N'importe,  parlons-en  et  d^estoc  et  de  taille  *, 

G>mme  oculaire  témoin  : 
Combien  de  gens  font-ils  des  récits  de  bataille 
Dont  ils  se  sont  tenus  loin  ? 
Pour  jouer  mon  rôle  sans  peine,  900 

Je  le  veux  un  peu  repasser. 
Voici  la  chambre  où  j*entre  en  courrier  que  Ton  mène  *, . 
Et  cette  lanterne  est  Âlcmène, 
A  qui  je  me  dois  adresser''. 

(11  poM  sa  ItnteriM  à  terre,  et  laî  «ciret»  loa  eonpliaent*.) 

I .  Se  dlMÎpe.  M.  Littré  ne  cite  de  ce  ient  figoré  que  notre  exemple. 

a.  Une  descriptioii,  ui  tablaaa. 

3.  Qui  mit.  (i674«]  —  4.  Lee  Téléboenf  :  Yoyes  ci-aprèt,  an  Ten  i3i. 

5.  Jetona-nona  hardiment  dans  ce  récit  et  tirons-nous-en  comme  noua  pour-  • 
rona;  Tespression  est  adaaiiabteraènt  choisie  ponr  un  réeît  mtlitmrê^  on  devra- 
entrer  tout  le  détail  de  la  mêlée. 

6*  En  courrier  important  qne  Ton  amène,  que  Ton  introdoit. 

7.  Sur  la  personnification  originale  qui  Ta  snirre,  royes  la  Ifottcêt  p.  336. 
Bret  et  Aimé-Martin  ont  pa  en  rapprodier  nne  seène  fort  comiqoe  de» 
Facétieuses  nuits  de  Straparole.  Le  vacher  Travaillin,  serviteur  d^Émilian, 
ayant  h  Ini  faire  un  avtti  difficile,  imagine,  pour  s*enhardir  &  l*entreTue, 
d*affubler,  dans  sa  chamMÉl^  quelques  hanfeb  une  branche  d'arbre,  et  d'es- 
sayer avec  ce  fantônu  l^ffliti  maître,  qu'il  fait  parler,  plusieurs  manières 
d'entrer  en  propos  et  de  soutenir  délibérément  1*cntretien.  Mais,  de  quelque 
fa^n  quMl  s*y  prenne  (et  c*est  là  le  plaisant,  la  difierence  aussi  avec  Sosie, 
qui  sait  se  préparer  de  ai  promptes  et  joK^I^  réponses),  à  une  certaine 
question  embarrassante  que  sa  mauvaise  coiseience  lui  souffle  obstinément, 
qu'il  ne  peut  éviter  de  s'adresser,  chaque  Idto  le  vacher  se  déeoncerte  lui- 
m^me  et  demeure  court,  tant  qu'  «  ayant  fait  -diversea  harangues  et  autant  de 
réponses  aveeqne  Thomme  de  bois...,  et  n'en  voyant  aucune  se  conformer  à 
son  dcair,  détermina,  sans  antre  pensement,  a*en  aller  trouver  aon  maître, 
quoiqu'il  en  advint.  »  Voyex  la  ▼*  fable  de  la  III* nuit,  tome  I,  p.  9a9-a3i, 
de  la  traduction  de  Pierre  de  la  Rivey,  réimprimée  dans  la  collection  Jannet. 
—  Le  Sosie  de  Plante  se  propose  ansai  de  repasser  son  iMe  (vert  46  et  47),. 
mab  il  se  home  an  récit  et  ne  songe  paa  à  ae  donner  un  intcrioenteur.       -  * 

S*  Sosie  pote  sa  tantertuà  terre,  (1734*} 


36S  AMPHITAYON. 

«  Madame,  Amphitryon,  mon  maître,  et  votre  époux.... 
(Bon  !  beau  début  !)  Teaprit  toujours  plein  de  vos  charmes, 

M*a  voulu  choisir  entre  tous, 
Pour  vous  donner  avis  du  succès  de  ses  armes. 
Et  du  désir  qu^il  a  de  se  voir  près  de  vous.  i» 

«  Ha!  praimeniy  monpatwre  Soêie^  %  i  o 

A  te  reifoir  /ai  de  la  joie  au  cœar.  » 

«  Madame,  ce  m'est  trop  d'honneur, 

Et  mon  destin  doit  faire  envie.  » 
(Bien  répondu!)  «  Comment  se  porte  Amphitryon?  » 

«  Madame,  en  homme  de  courage,  a  i  5 

Dans  les  occasions  où  la  gloire  Tengage.  » 

(Fort  bien  !  belle  conception  !) 
«  Quand  viendra^t'il,  par  son  retour  charmant^ 

Rendre  mon  âme  satisfaite?  » 
«  Le  plus  tôt  qu'il  pourra,  Madame,  assurément,      a 30 

Mais  bien  plus  tard  que  son  cœur  ne  souhaite.  » 
(Ah  !]  «  Meus  quel  est  Vétat  où  la  guerre  /'a  mis? 
Que  dit^il?  que  fait^il?  Contente  un  peu  mon  dme.  » 

«  Il  dit  moins  qu'il  ne  fait.  Madame, 

Et  fait  trembler  les  ennemis.  »  aaft 

(Peste  !  oii  prend  mon  esprit  toutes  ces  gentillesses  ?) 
«  Que  font  les  récoltés?  dis-moiy  quel  est  leur  sort?  » 
m  Ils  n'ont  pu  résister,  Madame,  à  notre  effort  : 

Nous  les  avons  taillés  en  pièces, 

Mis  Ptérélas  leur  chef  à  mort,  a  3o 

Pris  Télèbe  d'assaut  S  et  déjà  dans  le  port 


I.  Molière  a  prif  Jet  ùâu  d«  cette  histoire  dans  Plante*;  U  Ptérélaa  est 
roi  des  Ttiéboens  (on  Taphiens,  peaple  de  pirates  établi  dans  Plie  de 
Taphos  et  en  Aeamanîe),  eontrs  lesquels  Amphitryon  a  été  chargé  par  Créon 
de  mener  une  année  tbébaine.  Plante  n'a  pas  donné  de  nom  précis  à  la  villr 
capitale  des  Téléboens;  il  tait  dire  seulement  h  Bfereure-Sosie  (Ten  aS?)  : 

Et  mH  Ptêrela  nx  regiumt  oppdmm  ëxpmfnavimatf 

c'est  RoCron  qui  Fa  appelée  Télèbe  (acte  IV,  scène  ir). 

•  Voyn  partîcnlâèrenent  dans  le  Prùloguê  de  son  Ampkiiryom  les  vers 


ACTE  I,  SCÈNB  I.  369 

Tout  retentit  de  nos  prouesses.  » 
«  Ah!  quel  succès!  6  Dieux!  Qui  Veut  pu  jamais  croire? 
Raconte'moij  Sosie,  un  tel  éifinemefU,  » 
«  Je  le  veux  bien,  Madame  ;  et,  sans  m'enfler  de  gloire, 

Du  détail  de  cette  victoire 

Je  puis  parler  très-savamment. 

Figurez-vous  donc  que  Télèbe, 
Madame,  est  de  ce  côté  : 

(U  marque  Im  liens  tar  n  nuiio,  ou  â  terre*.) 

Cest  une  ville,  en  vérité,  240 

Aussi  grande  quasi  que  Thèbe. 
La  rivière  est  comme  là. 
Ici  nos  gens  se  campèrent  ; 
Et  Tespace  que  voilà, 

Nos  ennemis  Toccupèrent  :  a  4  r» 

Sur  un  haut,  vers  cet  endroit, 
Ëtoit  leur  infanterie  ; 
Et  plus  bas,  du  côté  droit, 
Ëtoit  la  cavalerie. 
Après  avoir  aux  Dieux  adressé  les  prières,  a  5  o 

Tous  les  ordres  donnés,  on  donne  le  signal. 
Les  ennemis,  pensant  nous  tailler  des  croupières. 
Firent  trois  pelotons  de  leurs  gens  à  cheval  ; 
Mais  leur  chaleur  par  nous  fut  bientôt  réprimée. 

Et  vous  allez  voir  comme  quoi.  a  5  5 

Voilà  notre  avant-garde  à  bien  faire  animée  ; 
Là^  les  archers  de  Créon,  notre  roi  ; 
Et  voici  le  corps  d*armée, 

(On  £iit  on  peo  de  brait.) 

Qui  d*abord....  Attendez  :  »  le  corps  d*armée  a  peur. 
J*entends  quelque  bruit,  ce  me  semble.         a 60 

97-iOf ,  et  dans  la  eomédîe  les  vert  Si-Sq;  Toyes  aaseifdans  le  passa^  qu'on 
tient  pour  interpolé,  lea  Tert  1034-1046. 

I.  SotU  mar^m  iêâ  lUmx  tmt  sa  main»  (1734.) 

MouBMB.  Tx  a4 


3^0  AMPHITRYON. 


SCÈNE  ir. 

MERCURE,  SOSIE. 

MERCVRSy  Mnit  la  forme  de  Sotie*. 

Sous  ce  minois  qui  lui  ressemble, 
Chassons  de  ces  lieux  ce  causeur, 
Dont  Tabord  importun  troubleroit  la  douceur 
Que  nos  amants  goûtent  ensemble. 

S08IS  '• 

Mon  cœur  tant  soit  peu  se  rassure,  a6  5 

Et  je  pense  que  ce  n*est  rien. 
Crainte  pourtant  de  sinistre  aventure. 
Allons  chez  nous  achever  Tentreticn. 

MERCCEB^. 

Tu  seras  plus  fort  que  Mercure, 

Ou  je  t'en  empêcherai  bien.  a 70 

SOSIE*. 

Cette  nuit  en  longueur  me  semble  sans  pai*eille  ^ . 
Il  faut,  depuis  le  temps  que  je  suis  en  chemin. 
Ou  que  mon  maître  ait  pris  le  soir  pour  le  matin, 
Ou  que  trop  tard  au  lit  le  blond  Phébus  sommeille. 

Pour  avoir  trop  pris  de  son  vin.  175 


I.  Cette  seène,  nous  raToni  déjk  dît,  repond  ayee  la  précédente  à  la  r*  scène 
rie  l'iaute.  Lh  Mercure,  qui  poar  le  Prologue  a  déjà  pris  sa  figure  d'emprunt, 
««t  resté  sur  le  théfttre  à  attendre  Sosie,  et,  dès  le  début,  a  écouté  et  coopé 
de  quelques  apartés  le  long  monologue  de  I*eic]aTe. 

a.  Mbrcorb,  soiu  la  forme  {jtou9  la  figure^  1734)  àe  Sotie  ^  tortani  de  ta 
maison  d'Amphitrjron,  {i6S^j  l'jiA*) 

3.  Sow^  sans  foir  Mercure,  (1734.) 

4.  Mercdee,  à  part,  {Ibidem,) 

5.  SosiB,  sans  voir  Mercure,  (IbiiUm,) 

C.  AV^ue  ego  kae  nocte  longiorem  me  mdisse  eenseo. 

(Pbnte,  Ttn  i93.) 


ACTE  I,  SGÂNE  II.  I71: 

MEBCUILS^ 

0>inme  avec  irrévéreuce 

Parle  des  Dieax  ce  maraut  ! 

Mon  bras  saura  bien  tantôt 

Châtier  cette  insolence  *y 
Et  je  vais  m*égayer  avec  lai  comme  il  faut,  %g^t 

En  lui  volant  son  nom,  avec  sa  ressemblance. 

608U*. 

Ah  !  par  ma  foi,  j'avois  raison  : 
Cest  fait  de  moi,  chétive  créature  ! 
Je  vois  devant  notre  maison 
Certain  homme  dont  Tencolure  9  S  S 

Ne  me  présage  rien  de  bon. 
Pour  faire  semblant  d'assurance. 
Je  veux  chanter  un  peu  d*ici.     \   r .  ;  .  !  ^  ) , .  ;    > 

(Il  chante;  et  lonqoe  Hereure  parie,  la  toîx  t*afibiUit  ^eu  k  peu*.) 

MERCURE. 

Qui  donc  est  ce  coquin  qui  prend  tant  de  licence, 

Que  de  chanter  et  m'étourdir  ainsi?'  A9a* 

Veut-il  qu*à  Tétriller  ma  main  un  peu  s'applique  ? 
« 

t.  Mtaouai,  à/wr/.  (1734.) 

3.  8otu. 

Crgdo  êdepol  equidem  dormire  Solem^  atqtu  adfotmm  probe  { 
Mira  tmnt  nitt  invitant  tese  in  ccgna  piuscnlmm  •. 

MiACuaiut. 

Ain*  vtro^  verhero?  Deos  esse  tui  simiteis  futas? 
Ego  pol  te  istis  tais  pro  dictis  et  malefactis^farei/er^ 
Adeipiam;  modo,  êit^  veni  kuc^  itwonUê  infortmmimm, 

(Plaate,  Tert  ia6-i3o.) 

3.  SoiXB,  apercevant  Merenre  d^un  peu  loin,  (1734.) 

4.  //  chante,  {Ibidem,) 

5.  A  mesure  que  Mercure  parie ^  la  ¥oix  de  Sotie  s^aj/oiblit  peu  à  peu. 
(Ibidem.) 

*  Avant  de  te  moquer  ainsi  du  Dieu  du  jour,  le  Sosie  de  Plante  a  déjà  dît 
à  peu  près  la  même  cbote  du  Dieu  de  la  nuit  (vert  1 15  et  1 16)  : 

Certe  edepol  tcio,  si  aliud  quidquam  *st  quod  credam  aut  ccrto  seiatUy 
Credo  ego  hae  noctu  Ifoeturnum  obdormiinste  ebrium. 


r 


37A  AMPHITRYON. 

SOftlB^ 

Cet  homme  assurément  n*aime  pas  la  musique. 

MBRCURB. 

Depuis  plus  d'une  semaine. 
Je  n'ai  trouvé  personne  à  qui  rompre  les  os  ; 
La  vertu  de  mon  bras*  se  perd  dans  le  repos,  995 

Et  je  cherche  quelque  dos. 

Pour  me  remettre  en  baleine. 

SOSIB  *. 

QuQl^able  d'homme  est-ce  ci  ^  ? 
De  mortelles  frayeurs  je  sens  mon  âme  atteinte. 

Mais  pourquoi  trembler  tant  aussi  ?  3oo 

Peut-être  a-t-il  dans  Tame  autant  que  moi  de  crainte. 

Et  que  le  drôle  parle  ainsi 
Pour  me  cacher  sa  peur  sous  une  audace  feinte  ? 
Oui,  oui,  ne  souffrons  point  qu'on  nous  croie  un  oison  : 
Si  je  ne  suis  hardi,  tachons  de  le  paraître  *.  3o5 

Faisons-nous  du  cœur  par  raison  ; 
Il  est  seul,  comme  moi  ;  je  suis  fort,  j'ai  bon  maître  *, 
Et  voilà  notre  maison. 

MBRCURB. 

Qui  va  là  ? 

SOSIE. 

Moi. 

I.  Sota^kpart.  (1734.) 
a.  La  Tigaeur  de  mon  bras.  (i68a,  1734.) 
3.  Soan,  à  part,  (1734.) 

4*  L'édition  ori^ale  écrit  ê»i»et^i  ,*  noos  supprimoni  le  aeeond  tiivt  : 
compares  ci-apres,  an  vert  5aa,  et  Toyez  ci-deaint,  p.  41,  note  4. 

5.  F'erum  certum  *tt  con/Uenter  hominem  eonira  eonicqui^ 
Qui  potsim  videri  huu/ortUy  a  me  ut  ahstineat  manum. 

(Plante,  Yen  i83  et  1S4.) 

6.  Avoir  bon  maitre  était  ane  location  proverbiale.  «  On  dit  que  Qmelft^mm  a 
bon  mahre^  ponr  dire  qa*il  est  an  «enriee  on  dana  la  dépendance  d*an  homme 
paissant  qai  le  protégera.  »  (Dictionnaire  de  P Académie^  >^40  —  Qaoiqoe 
rimant  avec  maître^  paroître  est  écrit  par  o  dans  les  anciennes  éditions  : 
compares  ci-dessus,  tcfs  88  et  9a  ;  et  d'après,  vers  481  et  483,  817  et  819, 
i53i-i535, 1680-1684»  1759  et  1760. 


ACTE  I,  SCÈNE  II.  S;) 

MBBC1JUI. 

Qui,  moi  ? 

808IB. 

Moi.^  G>arage,  Sosie  ! 

MBRCURB* 

Quel  est  ton  sort,  dis-moi  ? 

SOSIE. 

D'être  homme,  et  de  parler. 

MXRGURB. 

Es«ta  maître  ou  valet  ? 

S08IS. 

Comme  il  me  prend  envie  '• 

MBRCURB. 

Oh  s'adressent  tes  pas  ? 

SOSIB. 

Où  j'ai  dessein  d'aller. 

MEBCUBE. 

Ah!  ceci  me  déplaît. 

SOSIB. 

J'en  ai  Fàme  ravie. 

MBRGURB. 

Résolument,  par  force  ou  par  amonr, 

Je  veux  savoir  de  toi,  traître,  3 1 5 

Ce  que  tu  fais,  d'où  tu  viens  avant  jour, 
Où  tu  vas,  à  qui  tu  peux  être. 

SOSIB. 

Je  fais  le  bien  et  le  mal  tour  à  tour  ; 
Je  viens  de  là,  vais  là  ;  j'appartiens  à  mon  maftttt*. 

1.  Apmrt.  (1734*) 

9.  MIBCUmiUt. 

SêffOi  em$^  am  iiber? 


Utemuqué  animé  eonlihitmm  *st  mêo, 

(Plaate,  Tan  1S7.) 
3.  Mncijuus. 

Pognm  étire  fmo  ftofieims^  qmjiu  sis,  amt  fmd  iwjMm? 


Ewo  «o,  ktri  mai  smm  Mmof  /  mwiyiW  mme  ês  eâriûtf 

(Vfln  190  et  191.) 


$74  AMPHITRYON. 


Tu  montres  de  Tesprit,  et  je  te  vois  en  train  3a o 

De  trancher  avec  moi  de  l'homme  d'importance. 
Il  me  prend  nn  denr,  pour  faire  connoissance, 
De  te  donner  un  soufflet  de  ma  main. 

SOSIB. 

A  moi-même? 

MBRCURH. 

A  toi-même  :  et  t'en  voilà  certain. 

(Il  lui  doiuM  on  tottflrt*.) 
SOSIB. 

Ah  !  ah  !  c'est  tout  de  bon  ! 

MBRCURE. 

Non  :  ce  n'est  que  pour  rire, 
Et  répondre  à  tes  quolibets. 

SOSIB. 

Tudieu  !  l'ami,  sans  vous  rien  dire, 
G)mme  vous  baillez  des  soufflets  ! 

MBRCURB. 

Ce  sont  là  de  mes  moindres  coups, 

De  petits  soufflets  ordinaires.  3  3  o 

SOSIB. 

Si  j'étois  aussi  prompt  que  vous, 
Nous  ferions  de  belles  affaires. 

MBRCUBB. 

Tout  cela  n'est  encor  rien, 
/^Pour  y  jhire  quelque  pause  : 
*?Nous  verrons  bien  autre  chose  *  ;  335 

Poursuivons  notre  entretien'. 

1.  Mercure  donne  m  te^t  k  Sotie,  (1734.) 

9.  tOOA. 

.     .     .     .    PerUi 

macamzot. 
Parmm  eiuun,  prmtUjuSunum  '#<,  frmdieae. 

(Pkate,  T«n  918.) 
3.  Td  cft  l*ordr«  «t  telle  ett  la  ponctuation  de  eea  quatre  denJcn  Tcn 


ACTE  I,  SCÈNB  II.  37$ 

Je  quitte  la  partie. 

(U  T«al  (-tn  alltr.) 
HKRCIJRR*. 

Où  vas-tu  7 

SOSIE. 

Que  t'importe  ? 

MERCURE. 

Je  veux  savoir  oii  tu  vas. 

SOSIE. 

Me  faire  ouvrir  cette  porte. 

Pourquoi  retîens-tu  mes  pas  ?  3  4» 

HBRCURB. 

Si  jusqu'à  l'approcher  tu  pousses  toa  audace, 
Je  fais  sur  toi  pleuvoir  uq  orage  de  coups*. 

SOSIE. 

Quoi  ?  tu  veux,  par  ta  menace, 
M'empêcher  d'entrer  chez  nous? 

MERCURE. 

Comment,  chez  nous  7 

(Uni  rorigiul  et  (In* la  Mitiooi  ulâriaurM  i  |;I(.  Aioji  lu,  ik  >aai  don- 
aent,  *•«  bd>  darti  tuSMate,  «  moi  ;  ■>  Toat  «li  nt  trop  peu  d*  ekoK. 
pour  qu'il  piÙM  d^à  étrt  quotion  i'j  Un  trén  s  Bout  icttoiu,  tU.  •  L'a' 

Poor  J  dira  quelque  )unw. 


ndflT  n  HDl-^lnr  Ho  lié 


—  L'gpriMJB»  /min  futifu  ^onw  i...,  h  rstroOT* 

I .  ^«M  *«■>  4't»  mlUr.  Mbbodib,  arriuml  SatU.  { 

1.  Plm  loin  (nn  iS3d].  •  Qiwti  ong«  de  eou|Wi> 

J»  Seafim  [tef  DI,  «ioa  n),  ■>•  <  oadéa  de  conpe  di 

le  Uii^ultultnimmt..../BTmuimt*r^Yaffi»{jlm 


376  AMPHITRYON. 


Ouiy  chez  nous. 

MBRCURB. 

O  le  traître  ! 

Tu  te  dis  de  cette  maison  ? 

SOSIE. 

Fort  bien.  Amphitryon  n'en  est-il  pas  le  maître  ? 

MERCURB. 

Hé  bien  !  que  fait  cette  raison  ? 

SOSIE. 

Je  suis  son  valet. 

MERCURE. 

Toi? 

SOSIE. 

Moi. 

MERCURE. 

Son  valet? 

SOSIE. 

Sans  doute. 

MBRCURB. 

Valet  d'Amphitryon  ? 

SOSIE. 

D'Amphitryon,  de  lui.  3So 

MERCURE. 

Ton  nom  est...? 

SOSIE. 

Sosie. 

MBRCURB. 

Heu  *  ?  comment  ? 

SOSIE. 

Sosie. 

MERCURE. 

Écoute: 
Sais-tu  que  de  ma  main  je  t*assomme  aujourd'hui  ? 

f.  Bi?(i734.) 


▲CTB  I,  SCSNB  IL  877 

soeiB. 
Pourquoi  ?  De  quelle  rage  est  ton  âme  saisie  ? 

MSmCCRS. 

Qui  te  donne,  dis-moi,  cette  témérité 

De  prendre  le  nom  de  Sosie  ?  3  55 

sosu. 
Moi,  je  ne  le  prends  point,  je  Tai  toujours  porté.  . 

MSRCURB. 

O  le  mensonge  horrible  !  et  Timpudence  extrême  ! 
Tu  m'oses  soutenir  que  Sosie  est  ton  nom  ? 

SOSIB. 

Fort  bien  :  je  le  soutiens,  par  la  grande  raison 
QuWnsi  Ta  fait  des  Dieux  la  puissance  suprême,      36ol 
Et  qu'il  n'est  pas  en  moi  de  pouvoir  dire  non. 
Et  d'être  un  autre  que  moi-même. 

(BI«reoralebat*.) 
MBRCURB. 

Mille  coups  de  bâton  doivent  être  le  prix 
D'une  pareiUe  effronterie. 

SOSIB*. 

Justice,  citoyens!  Au  secours!  je  vous  prie.  365 

MBRCURB. 

Comment,  bourreau,  tu  fais  des  cris*  ? 

SOSIB. 

De  mille  coups  tu  me  meurtris, 
Et  tu  ne  veux  pas  que  je  crie  ? 

MBRCCRB. 

C'est  ainsi  que  mon  bras.... 


I.  Ce  jeu  de  leine  n'eetpat  dm  rédîtion  de  1734* 
a.  Sotn,  battu  par  Mercurt.  (1734.) 

3.  tOtlA. 

Prok  fidi  Tkêham  ekmsf 

smcmuin. 
EtUun  eUanat^  etaimfamP 

(Pbale,  ▼•»  MO.) 


378  AMPHITRYON. 


L'action  ne  vaut  rien  : 

Tu  triomj^es  de  Tavantage  370 

Qne  te  donne  sur  moi  mon  manque  de  courage  ; 

Et  ce  n*e8t  pas  en  user  bien. 

Cest  pure  fanfaronnerie 
De  vouloir  profiter  de  la  poltronnerie 

De  ceux  qu'attaque  notre  bras.  375 

Battre  un  homme  à  jeu  sûr  n*est  pas  d'une  belle  âme  ; 

Et  le  cœur  est  digne  de  blâme 

Gintre  les  gens  qui  n'en  ont  pas. 

MKRCURS. 

Hé  bien  !  es-tu  Sosie  à  présent  ?  qu'en  dis-tu  ? 

8081B. 

Tes  coups  n'ont  point  en  moi  fiiit  de  métamorphose  ;  3  8  o 
Et  tout  le  changement  que  je  trouve  à  la  chose, 
C'est  d'être  Sosie  ^  battu. 

MBRCURB*. 

Encor  ?  Cent  autres  coups  pour  cette  autre  impudence. 

sosn. 
De  grâce,  fais  trêve  â  tes  coups. 

MBRCURE. 

Fais  donc  trêve  à  ton  insolence.  3  85 

SOSIB. 

Tout  ce  qu'il  te  plaira  ;  je  garde  le  silence  : 
La  dispute  est  par  trop  inégale  entre  nous. 

MERCURE. 

Es-tu  Sosie  encor?  dis,  traître  ! 

I.  Soiie  eonpte  pour  trois  tyllabet  daiu  ce  wn;  nm  Mrait  tnlè  dt  r^ 
marquor  qae  Taetev  peat  là  pronoaeer  1«  mot  d'osé  Toix  uagloteale  ;  mais 
aoot  aTona  déjà  reneontré  dans  d*aaCres  passages,  où  il  11*7  avait  aocim  effet 
partieoUer  à  produire,  de  ces  «  dkacbés,  ooi  plus  tard  n'ont  ploa  clé  so«^ 
ferts  sans  éliiion  :  Toyes  au  vers  9^4  de  PÈtomrdi^  et  ci-dessos,  dans  /e  Siâ» 
</i0»,  p.  «41,  note  5. 

a.  KnoDU,  mttmemmt  Sotie.  (1734.) 


ACTE  I,  SCÈNE  II.  379 


!  je  sais  ce  que  tu  veux  ; 
Dispose  de  mon  sort  tout  au  gré  de  tes  Tœux  ^         390 
Ton  bras  t'en  a  fait  le  maître  ^ 

HSBCURB. 

Ton  nom  ëtoit  Sosie,  à  ce  que  tu  disois? 


Il  est  vrai,  jusqu'ici  j'ai  cru  la  chose  claire  ; 
Mais  ton  bâton,  sur  cette  affaire, 
M'a  fiiit  voir  que  je  m  abusois  * .  395 

MSaCURB. 

C'est  moi  qui  suis  Sosie,  et  tout  Thèbes  l'avoue  : 
Amphitryon  jamais  n'en  eut  d'autre  que  moi*. 

BOSIB. 

Toi,  Sosie? 

MBRCURB. 

Oui,  Sosie  ;  et  si  quelqu'un  s'y  joue. 
Il  peut  bien  prendre  garde  à  soi. 


SOSIB^. 


Gel  !  me  faut-il  ainsi  renoncer  à  moi-même,  400 

Et  par  un  imposteur  me  voir  voler  mon  nom  ? 

Que  son  bonheur  est  extrême 

De  ce  que  je  suis  poltron  ! 
Sans  cela,  par  la  mort...! 

MBRCURE. 

Entre  tes  dents,  je  pense. 
Tu  murmures  je  ne  sais  quoi  ?  4  0  S 

I.         ....  [Me]  pugnU  tuu/ècisti  tuum» 

(Plaute,  Tcn  219.) 
s.  iincinuut. 

jÊJH^kitrmomis  têi  etse  oibaM  Sotiam, 


Pêceaveram, 

(V«n  M7.) 

3.        SciètÊm  êfmidêm  mmllmm  este  mobis  miei  me  êerfom  Sœimm, 

(Vtn  Sft9.) 

4<  S<MB,  kptrt,  (1734.) 


38o  AMPHITRYON. 


Non.  Mais,  au  nom  des  Dieux,  donne*moi  la  liceoce 
De  parler  nn  moment  à  toi. 

MBBGIJRB. 

Parle. 


Mais  promets-moi,  de  grâce. 
Que  les  coups  n'en  seront  point  *. 
Signons  nne  trêve. 

MBRCUEB. 

Passe  ;  410 

Va,  je  t'accorde  ce  point*. 

SOSIB. 

Qui  te  jette,  dis-moi,  dans  cette  fantaisie  ? 

Que  te  reviendra-t-il  de  m'enlever  mon  nom  ? 

Et  peux-tu  faire  enfin,  quand  tu  serois  démon. 

Que  je  ne  sois  pas  moi  ?  que  je  ne  sois  Sosie  ?  4 1 S 


mxbcurb'. 


Comment,  tu  peux. . . . 


I .  DiBi  Rotroa,  Sosie  dit  à  Mm  maître  (à  la  fin  de  la  fem  i  de  Taete  O): 
Allons,  niais  que  les  eovps,  s*il  se  peat,  n*en  soient  pins» 

a. 


Obsêero  per  pacêm  iiceat  u  adloqui^  mt  ne  vapvUem, 

Mucuaius. 
Imo  vtdmeim  fmrumpgr  fianî^  si  fuid  wi$  lefw. 

aoaiA. 
Non  lofmar^  mUipaee  faeta^  ^ando  p»gMis  plus  pmUs. 

Mxacuaipa. 
DieitOf  si  fmid  pis  s  mon  mœsbo. 


TussJSdti  erêdof 

Mus. 

OW,  H/milês? 

(Phnte,  ▼vsi3n-«35.) 

3.  MnouBE,  /#MMt  U  hitom  sur  Sosie,  (1734.) 


AGTB  I,  SGÉini  II.  38i 


Ah!  tontdoiu: 
Noos  avons  fait  trêve  aux  coups  ^ 


Quoi?  pendard,  impostewr»  coquin.... 


Pour  des  injures, 
Dis*m*en  tant  que  tu  voudras  : 
Ce  sont  légères  biessuresi  4a o 

Et  je  ne  m'en  fâche  pas. 

MBRCliRB. 

Tu  te  dis  Sosie*? 

sosis. 

Oui,  Quelque  conte  frivole.... 

MERCURE. 

Sus,  je  romps  notre  trêve,  et  reprends  ma  parole. 

SOSIE. 

N'importe,  je  ne  puis  m^anëantir  pour  toi, 

Et  souffrir  un  discours  si  loin  de  l'apparence.  4s 5 

Être  ce  que  je  suis  est-il  en  ta  puissance? 

Et  puis-je  cesser  d'être  moi  ? 
S'avisa-t-on  jamais  d'une  chose  pareille  j 
Et  peut-on  démentir  cent  indices  pressants  ? 

Rêvé-je'?  est-ce  que  je  sommeille?  4  3o 


I.  totu. 

jâmimmm  adveriê,  Smtie  lieei  mihi  lihmre  quidns  lôfmi  : 
jimpkUrmoiUê  ego  tum  serpos  Scëia» 

mtcottnt. 

Btutmdênuo? 

KMU. 

Paeêm/êei^fattUu/êei  :  i^ra  dieo. 

(PUote,  Ten  937-^39.) 

9.  Ta  dû  SotM?  (lôSa;  eette  Civte  ii*ett  d»n»  auemie  et  no*  aalrM  édi- 

3.  Ici  6t  «OK  v«n  440  «t  44i|  letplot  ■actannas  édidont  oot  l'ordiognphe 
actaalla  dV  devant  yV,  tandis  qoa  la  laçon  da  1710, 18,  33,  34  att  la  dénnanaa 
▼îaUlia,  antrefeU  n  firéqoianla  :  oî-ye.  La  teste  de  1773  att  tei  rêvai^jes  plot 
bai,  tromféjë  ^fttrU^je^ 


3è%  AMPHITRYON. 

Ai-je  Tesprit  troublé  par  des  transports  puissants  ? 

Ne  sens->je  pas  bien  que  je  veille  ? 

Ne  suis-)e  pas  dains  mon  bon  sens? 
Mon  maître  Amphitryon  ne  m'a*t-il  pas  commis 
A  venir  en  ces  lieux  vers  Alcméne  sa  femme  ?         43s 
Ne  lui  dois-je  pas  (aire,  en  l«â  vantant  sa  flamme. 
Un  récit  de  ses  faits  contre  nos  ennemis  ? 
Ne  suis-je  pas  du  port  arrivé  tout  à  Theure  ? 
Ne  tiens-je  pas  une  lanterne  en  main  ? 
Ne  te  trouvé-je  pas  devant  notre  demeure  ?  44  c» 

Ne  t*y  parlé-je  pas  d*un  esprit  tout  humain  ? 
Ne  te  tiens-tu  pas  fort  de  ma  poltronnerie 

Pour  m'empècher  d*entrer  chez  nous? 
N*as-tu  pas  sur  mon  dos  exercé  ta  furie  ? 

Ne  m*as-tu  pas  roué  de  coups?  44^ 

Ah!  tout  cela  n^est  que  trop  véritable, 

Et  plût  au  Ciel  le  fût-il  moins  '  ! 
Cesse  donc  d'insulter  au  sort  d*un  misérable, 
Et  laisse  à  mon  devoir  s'acquitter  de  ses  soins*. 

I.  Ce  tour  ett  dans  Rotroa  (acte  I,  soène  ni)  : 

Sodé?  —  Et  pldt  au  Gel  ne  le  fuasé^e  paa  ! 

Et  un  peu  plot  loin  : 

Es-tn  Soaie  encor  ?  Réponds  :  qni  l*est  de  noos  ? 
—  Plût  aux  Dieox  le  fût-il,  et  reçût41  les  eoiq>s  ? 

9.     Venutty  utut  et  faeturuê,  hoc  quiiem  herelt  hamd  reiiecho  tamen, 

C«rte  edepol  tu  me  alienabit  numquam,  quim  notter  giem, 
Nec  nobis  prmter  nied  nlins  quisquam  *si  servos  Sotia^ 
Qmi  eum  Amphitruone  kine  una  ieram  in  exereitmm. 

Quid^  malumf  non  sum  ego  servos  Amphitruonit  Sosis? 

Nonne  hae  noctu  nostra  navîs  hue  ex  portu  Persico 

frémit,  qum  me  admêxit?  nonne  me  hue  herus  mitit  meusP 

Nonne  ego  nune  heic  tto  ante  mdeit  nottras?  non  mihi^ei  laterns  in  mumu  f 

Non  loquor?  non  pîgilo?  mm  hie  homo  modo  me  pugnis  eontudit? 

Feeit  kercle^  nntn  eîiam  misera  nune  malm  doient» 

Quid  igitur  ego  dubito?  ont  eur  non  iniroeo  in  nostram  dommm? 

(Plante,  fwt  94i*aS3.) 


ACTE  I,  SGÀNE  If.  383* 

MSBCUBB. 

Arrête,  ou  sur  ton  dos  le  nunndre  pas  attire  450. 

Un  assommant  éclat  de  mon  juste  courroux. 

Tout  ce  que  tu  viens  de  dire 

Est  à  moi,  hormis  les  coups/ 
Cest  moi  qu'Amphitryon  députe  vers  Alcmène, 
Et  qui  du  port  Persique*  arrive  de  ce  pas;  4S5- 

Moi  qui  viens  annoncer  la  valeur  de  son  bras 
Qui  nous  lait  remporter  une  victoire  pleine. 
Et  de  nos  ennemis  a  mis  le  chef  à  bas'  ; 
C*est  moi  qui  suis  Sosie  enfin,  de  certitude  \ 

Fils  de  Dave,  honnête  berger;  460 

Frère  d'Arpage,  mort  en  pays  étranger  ; 

I.  Lm  idîtioni  éô  1689  et  de  1734  ajoutent  iei  les  quatre  vert  auTants;  Us 
pouTaient  être  aobstâtuM  aux  wtn  4a  8-453,  omU  à  la  reprétentatioa,  et  que 
réditioB  de  i68a  place  entre  gnillemets  : 

aoau. 
Ce  matin  du  TaLMeao,  plein  de  frayeur  en  Tâme, 
Cette  lanterne  sait  comme  je  inîa  parti. 
Amphitryon,  du  camp,  Tera  Alemene  aa  femme 
M'a-t-il  pas  envoyé  ? 

Mncuni. 
Vous  en  ares  menti  : 
C*est  moi  qu^Amphitryon,  etc. 

a.  Ce  nom  de  lien  est  traduit  de  Plante,  ebes  qui  il  rcTtent  dans  fins  {& 
portm  Pertieo  vers  248  et  956).  «  Il  est  rraisemblable,  dit  M.  E.  Benoist 
{Morcêoux  choisi*  de  Plaute,  P*  I7)«  que  Plaute  imagine  ce  port  comme  beau- 
coup d^antres  contrées  dont  il  nous  parle.  »  On  lit  dans  un  fragment  du  gram- 
mairien latin  Festns  que,  par  Tépitbète  de  Persicus^  le  comique  romain  semble 
aToir  Toulu  déaigner  la  mer  d'Eubée,  où,  pendant  les  guerres  médiqnes,  1» 
Sotte  des  Perses  arait  pris  position.  Rotrou,  qui  paraît  aroir  entendu  Xv. 
root  en  ce  sens,  corrige  ranachronisme  et  fait  dire  i  Mercure  :  Mon  Maître 

M^a  du  port  Euboïque  envoyé  vers  sa  femme. 

3.  Qum  dixisti  modo 

Omnia  ementitu's  :  equidem  Soiia  Amphitruonis  tum. 
Nom  nœtu  hac  solulà'st  navit  nostra  e  portu  Pertieo  ; 
Et  uhi  Plerela  rex  regnatnt  oppidum  expugmovimut. 
Et  legiome*  Teieboanun  vi  pugaondo  cepimut^ 

Et  ipsu*  Amphitruo  obtrmneawt  regem  Ptereiam  in  prmlio, 

(Plante,  Tera  254*a59.) 

4.  De  certitude,  certainement,  locution  adverbiale  dont  M.  lâttré  ne  donne 
que  ce  aeul  exemple. 


384  AMPHITRYON. 

Mari  de  Cléanthis  la  pnidei 

Dont  rhumeur  me  fait  enrager; 
Qui  dans  Thèbe  ai  reçu  mille  coups  d^étrivière. 

Sans  en  avoir  jamais  dit  rien,  46$ 

Et  jadis  en  public  fus  marqué  par  derrière  ^ 

Pour  être  trop  homme  de  bien. 

SOSIB  *• 

Il  a  raison.  A  moins  d*être  Sosie, 
On  ne  peut  pas  savoir  tout  ce  qu'il  dit; 
Et  dans  Tétonnement  dont  mon  ame  est  saisie,  470 

Je  commence,  à  mon  tour,  à  le  croire  un  petit  '. 
En  effet,  maintenant  que  je  le  considère. 
Je  vois  qu'il  a  de  moi  taille,  mine,  action^. 
Faisons-lui  quelque  question. 
Afin  d'éclaircir  ce  mystère. '  4; 5 

Parmi  tout  le  butin  fait  sur  nos  ennemis. 
Qu'est-ce  qu'Amphitryon  obtient*  pour  son  partage  ? 

MBRCDRE. 

Cinq  fort  gros  diamants,  en  nœud  proprement  mis. 
Dont  leur  chef  se  paroit  comme  d'un  rare  ouvrage. 

SOSIB. 

A  qui  destine-t-il  un  si  riche  présent?  480 

MERCURB. 

A  sa  femme;  et  sur  elle  il  le  veut  voir  paraître. 

I.  Ce  «  Bwrqiié  en  publie  •  tembl*  dire  allusion,  ptr  on  comiqae  maeliro- 
niinM,  à  I9  peine  de  Pexpoittion  et  de  la  marque,  au  cautère  rcjrtU  que 
redoute  le  Sganarelle  du  Médecin  volant  (tome  I,  p.  71).  Toutefois  la  marque 
au  flisr  diand,  particulièrement  sur  le  front,  itait  d*un  fréquent  usage  k  Rome, 
surtout  comme  punition  des  esdares.  Le  Sosie  de  Plante,  en  pariant  (Ters 
A90)  de  son  dos  eouvcrt  de  cicatriees,  entend,  lui,  sans  doute  les  maïquet  de< 
eoups  de  fouet. 

a.  Soai,  hatfkpart,  (1734.) 

3.  On  a  déjà  tu  eette  esprassion  dans  PÉcoU  éufêmmu  (an  vers  $49)  ; 
Sosie  l'emploie  encore  plus  loin,  au  vers  739. 

4.  jâctUn^  dêmarehe  et  gestes. 

5.  Haut,  (1734.) 

0.  Obtînt.  (1697,  1710, 18,  3o,  33,  73.) 


▲GTB  I,  sciNs  II.  sas 


Mais  ob|  pour  Tappoiter,  est-il  mia  à  prësent? 

MBICURB. 

Dans  un  coffret,  scellé  des  armes  de  mon  maître  V 


SOSIB*. 


Il  ne  ment  pas  d*an  mot  à  dbaque  repartie, 

Et  de  moi  je  commence  à  douter  tout  de  bon  '.       4s s 

Prés  de  moi,  par  la  force,  il  est  déjà  Sosie; 

n  ponrroit  bien  encor  l'être  par  la  raison*. 

Pourtant,  quand  je  me  tàte,  et  que  je  me  rappelle, 

n  me  semble  que  je  suis  moi. 
Où  puis^je  rencontrer  quelque  clarté  fidèle,  490 

Pour  démêler  ce  que  je  voi  ? 
Ce  que  j'ai  fait  tout  seul,  et  que  n'a  vu  personne* 
A  moins  d'être  moi-même,  on  ne  le  peut  savoir. 
Par  cette  question  il  faut  que  je  Tétonne  '  : 
Cest  de  quoi  le  confondre,  et  nous  allons  le  voir.*    495 
Lorsqu'on  étoit  aux  mains,  que  fis-tu  dans  nos  tentes,. 

Oii  tu  courus  seul  te  fourrer? 

MSRCniB. 

D*un  jambon.... 


I.  Cid  «MONMl  modtrM.  ToatefoU  «  le  soleil  lemat  etee  «m  qsMirige  • 
—pfeuit  rar  le  teeau  d*Aiiip]iitrjoa  (qai,  diez  Pbate,  Ten  964^66,  el6t  le 
eoÂet  «à  etc  mlmiié,  ea  liea  d*aB  aorad  de  dbauiatt,  aae  coope)  a*ett  pet 
MHS  feHembleaee  evee  des  ereief.  Vojei  cî«eprèt  la  note  da  fan  961. 

a.  Sean,  à  part.  (l'jH») 

3.  Egomêt  mihi  non  credo^  atmm  ilime  amiumare  Ulmm  aauUû, 

Bie  fmuUm  eertê  qmm  ilieiê  tunt  r€t  gestm  mem^mt  mêmeritêr» 

(Plaate,  vert  a6o  el  aSf .) 

4«  C'est  de  Kotroa  qae  Molière  peratt  s'être  ici  soB?eaa  t  voyea  la  iKMMS* 
p.  33a.  Plaate  dit  poartaat  eassl  (vers  267)  : 

Argmmêtuiê  inmeii  i  mlimd  aawea  qmmrtmimm  *êt  miki^ 

5.  , /am  egù  kime  dêdmimm  mbe  g 

Itmm  fnod  tgomei  solêis/êei^  née  fmsqmnm  mluu  ai/uit 
I»  cafttraaeale»  id  ^midêm  kôtlsê  nmmfmam  pùiêrit  dteere. 

(Plault,  ?ers  268-970.)' 

S.  Emu.  (1734.) 

MouÉuu  n  aS 


3M  AMPHITRYON. 


8O8I1', 


L'yvcrilà»! 

MBRCURE. 

Que  j'allai  déterrer, 
Je  coupai  bravement  deux  tranches  succulenteSi 

Dont  je  sus  fort  bien  me  bourrer;  5oo 

Et  joignant  à  cela  d*un  vin  que  Ton  ménagey 
Et  dont,  avant  le  goût,  les  yeux  se  oontentoient, 
Je  pris  un  peu  de  courage, 
Pour  nos  gens  qui  se  battoient. 


Cette  preuve  sans  pareille  5o5 

En  sa  faveur  conclut  bien  ; 

Et  Ton  n'y  peut  dire  rien. 

S'il  n'étoit  dans  la  bouteille*. 
Je  ^  ne  saurois  nier,  aux  preuves  qu'on  m'expose. 
Que  tu  ne  sois  Sosie,  et  j'y  donne  ma  voix.  5 1 0 

Mais  si  tu  l'es,  dis-moi  qui  tu  veux  que  je  sois  ? 
Car  encor  faut-il  bien  que  je  sois  quelque  chose. 

MsacuRB. 
Quand  je  ne  serai  plus  Sosie, 

I.   Sot»,  Am,  4k  JMTf.  (1734.) 

a.  • Ingrtêê^tt  vimm» 

(Pirate,  vers  273.) 

3.  Mim  smmif  misi  Uimit  ùuké  UUê  im  iiUe  Uniam, 

(ibidem^  i«n  1175.) 
Il  7  a  one  aorte  d«  redite  de  ee  ven  daaa  le  paatage  mterpolé  de  VAmfki'' 
trfom  de  Plante  (Tert  io33)  : 

•     •     .    Imtms  M  erumena  clatuum  alttrmm  «cm  oportait, 

Kiotrott  a  ajaii  tradoît  (aete  I,  ieèaein)t 


Je  mit  aaaa  rt^aitie  apris  eelte 

S'U  B^étoit  par  hawid  eaeM  dana  la  booteîUe. 

-—  Saiat-SiraoBa  proTefUaleoieBt  employé  l'espietaion  de  Moliire(ton#  XTl, 
p.  i3,  de  riditioB  de  1873)  :  «  Le  due  de  Noailles...,  enragé  de  B*#we  d«  rien 
dana  nne  auasi  grande  préparation  de  joaméè,  aTott  appareoMnent 
à  fbraa  de  regarder  et  d*eiaaùner,  qae  j'étoia  daaa  la  bouteille,  a 
4.  L*édition  de  1734  ajoute  aTantee  ▼art  :  Htmt, 


acte;  I,  SCÈNE  II.  187 

Sois-le,  j^en  demeure  d*accord; 
Mais  tant  que  je  le  suis,  je  te  garantis  mort,  5 1 S 

Si  tu  prends  cette  fantaisie  ^ 

SOSIB. 

Tout  cet  embarras  met  mon  esprit  sur  les  dents. 

Et  la  raison  à  ce  qu'on  voit  s^oppose. 
Mais  il  faut  terminer  enfin  par  quelque  chose  ; 
Et  le  plus  court  pour  moi,  c*est  d'entrer  là  dedans.  5ao 

MKRCORB. 

Ah  !  tu  prends  donc,  pendard,  goût  à  la  bastonnade  ? 

SOSIE*. 

Ah  !  qu'est-ce  ci  *  ?  grands  Dieux  !  il  frappe  un  ton  plus  fort* , 
Et  mon  dos,  pour  un  mois,  en  doit  être  malade. 
Laissons  ce  diable  d'homme,  et  retournons  au  port. 
O  juste  Ciel!  j'ai  fait  une  belle  ambassade!  5a5 

mkbcurk'. 
Enfin,  je  l'ai  fait  fuir;  et  sous  ce  traitement 
De  beaucoup  d'actions  il  a  reçu  la  peine. 
Mais  je  vois  Jupiter,  que  fort  civilement 
Reconduit  l'amoureuse  Alcméne. 


Quiê  ego  tmm  saltem,  si  no»  sum  Sotia?  U  imterrogo. 


I. 


Vhi  êgo  Sogia  noiim  eue^  tu  esta  smu  Sotia, 
Ifune  qmando  ego  sum,  vmpmlahis^  ni  lune  ahis  igitohilis. 

(Mante,  v«naSa-A84.) 
ft.  S06IB,  hattm  par  Mercure.  ((734.) 

3.  L*éditioD  originale  a  ci  la  même  orthographe  qn*an.Tert  398. 

4.  n  frappe  plus  fort  d*nn  ton.  Mesurant  la  forée  au  bruit,  et  par  nne  q»l- 
ritnelle  allusion  aux  locutions  hausser  00  baisser  d'un  ton.  Sosie  vent  dire  :  11 
fidft  hausser  d*nn  ton  sur  mon  dos  le  retentissement  des  eoaps.  Tom  semble 
avoir  ici  le  sens,  non  de  degré  en  gWral,  non,  comme  fouvent  en  mnalq^e, 
d*intervaUe  déterminé,  mais  de  degré  quelconque,  soit  dans  TéléTalioB»  soit 
dans  rintensité,  la  puissance  du  son.  Le  sens  du  mot  est  le  méflM,  mait  n*a 
rien  de  hardi  dans  ee  passage  de  la  Fontaine  (&ble  i  du  litre  11»  iSSS)  : 

....n  vous  sied  mal  d*éarire  en  si  haut  style. 
-*  fihbkn!  baissons  d*nB  ton. 


5.  Mucuni,  seul,  (1734.) 


388  AMPHITRYON. 


SCÈNE    IIP. 
JUPITER\  ALCMÊNE,  CLÉANTHIS,  MERCURE. 

JUPITER. 

Défendez,  chère  Alcmène,  aux  flambeaux  d*approcher. 
Ils  m'offrent  des  plaisirs  en  m'offrant  votre  vue  ; 
Mais  ils  pourroient  ici  découvrir  ma  venue, 

Qu'il  est  à  propos  de  cacher. 
Mon  amour,  que  gènoient  tous  ces  soins  éclatants 
Ob  me  tenoit  lié  la  gloire  de  nos  armes,  535 

Au  devoir  de  ma  charge*  a  volé  les  instants 

Qu'il  vient  de  donner  à  vos  charmes. 
Ce  vol  qu'à  vos  beautés  mon  cœur  a  consacré 
Pourroit  être  blâmé  dans  la  bouche  publique*. 

Et  j'en  veux  pour  témoin  unique  54* 

Celle  qui  peut  m'en  savoir  gré. 

ÂLCIIÈIVI. 

Je  prends.  Amphitryon,  grande  part  à  la  gloire 
Que  répandent  sur  vous  vos  illustres  exploits; 

Et  l'éclat  de  votre  victoire 
Sait  toucher  de  mon  cœur  les  sensibles  endroits;     545 
Mais  quand  je  vois  que  cet  honneur  fatal 
Éloigne  de  moi  ce  que  j'aime, 
Je  ne  puis  m'empêcher,  dans  ma  tendresse  extrême. 


1 .  Cette  wttmt  eorrwpond  I  la  teins  m  de  l'acte  I  de  Flaate  [rtn  34a-'393)- 
Mab  wut  cet  eetretieat  de  lapîter  et  d'Alemène,  qui  natemUent  aï  pe«  k  eeas 
daa  aenea  tootea loniaiMa  de Plaate,  rojm  la  If&iiee,  p.  336  et  344. 

«.  lupma«  MNw  /«  JSfmre  tTjmpkiirjrtm,  (1734.) 

3.  Aex  detroira  de  bm  charge.  (1710,  tS,  3o,  3S,  34.) 

^.  Mène  toar,  aub  piaa  iaaaitte,  qae  daaa  cette  pluraae  de  prêta  :  «  X* 
7«ri^a,  daaa  lev  boodie,  eat  «m  pîèee  q«  oOewe  la  pîM.  »  {PréJiÊeê  é» 
Tartu/Jfê^  tooM  IV,  p,  373.) 


ACTE    I,  SCÈNE  III.  389 

De  lui  vouloir  un  peu  de  mal, 
Et  d*oppofler  mes  vobuy  à  cet  ordre  suprême  5  5o 

Qui  des  Thébains  vous  fait  le  géuëral. 
Cest  une  douce  chose,  après  une  victoire. 
Que  la  gloire  où  Ton  voit  ce  qu^on  aime  ëlevë; 
Mais  parmi  les  périls  mêlés  à  cette  gloire, 
Un  triste  coup,  hélas!  est  bientôt  arrivé.  55  5 

De  combien  de  frayeurs  a-t-on  Tame  blessée, 
Au  moindre  choc  dont  on  entend  parler! 
Voit-on,  dans  les  horreurs  d'une  telle  pensée, 

Par  où  jamais  se  consoler 

Du  coup  dont  on  est  menacée?  5 60 

Et  de  quelque  laurier  qu'on  couronne  un  vainqueur. 
Quelque  part  que  Ton  ait  à  cet  honneur  suprême, 
Vaut*il  ce  qu'il  en  coûte  aux  tendresses  d'un  cœur 
Qui  peut,  à  tout  moment,  trembler  pour  ce  qu'il  aime  ? 

JUPITBB. 

Je  ne  vois  rien  en  vous  dont  mon  feu  ne  s'augmente  :  565 
Tout  y  marque  à  mes  yeux  un  cœur  bien  enflammé  ; 
Et  c'est,  je  vous  l'avoue,  une  chose  charmante 
De  trouver  tant  d'amour  dans  un  objet  aimé. 
Mais,  si  je  l'ose  dire,  un  scrupule  me  gêne 
Aux  tendres  sentiments*  que  vous  me  faites  voir;  570 
Et  pourjesjbi^goûterj^  mon  amour,  chère  Alcmène, 
Youdroit  n'y  voir  entrer  nen  de  votre  devoir: 
Qu'a  votre  seule  ardeur,  qu'à  ma  seule  personne, 
Je  dusse  les  faveurs  que  je  reçois  de  vous, 
Et  que  la  qualité  que  j'ai  de  votre  époux  5^5 

Ne  fût  point  ce  qui  me  les  donne. 

ÂLCMillB. 

C'est  de  ce  nom  pourtant  que  l'ardeur  qui  me  brûle 

I.  Pour  eet  emploi  d'à  qui  allège  n  bien  la  lourde  toomura  :  «  relalIvenMit 
aux  tandret  tentimeiiU,  en  e«  qui  tonche  lai  tendras  Mndmentt,  »  eoaparas 
les  Ttn  944,  1709  et  iSoi  du  Tûrtmff: 


$90  AMPHITRYON. 

Tient  le  droit  de  paroître  an  jour, 
Et  je  ne  comprends  rien  à  ce  nouveau  scrupale 

Dont  s'embarrasse  votre  amour.  58o 

juprniB. 
Ah  !  ce  que  j'ai  pour  vous  d'ardeur  et  de  tendresse 

Passe  aussi  celle  d'un  époux, 
Et  vous  ne  savez  pas,  dans  des  moments  si  doux, 

Quelle  en  est  la  délicatesse. 
Vous  ne  concevez  point  qu'un  cœur  bien  amoureux   58 S 
Sur  cent  petits  égards  s'attache  avec  étude, 

Et  se  fieiit  une  inquiétude 

De  la  manière  d'être  heureux. 

En  moi,  belle  et  charmante  Alcmène, 
I  Vous  voyez  un  mari,  vous  voyez  un  amant;  S90 

|Mais  l'amant  seul  me  touche,  à  parler  franchement, 
\Et  je  sens,  près  de  vous,  que  le  mari  le  gêne. 
(Cet  amant,  de  vos  vœux  jaloux  au  dernier  point, 
ISouhaite  qu'à  lui  seul  votre  cœur  s'abandonne, 

Et  sa  passion  ne  veut  point  595 

De  ce  que  le  mari  lui  donne. 
Il  veut  de  pure  source  obtenir  vos  ardeurs, 
Et  ne  veut  rien  tenir  des  nœuds  de  l^yménée. 
Rien  d'un  fâcheux  devoir  qui  fait  agir  les  cceurs, 
Et  par  qui,  tous  les  jours,  des  plus  chères  faveurs     60 u 

La  douceur  est  empoisonnée. 
Dans  le  scrupule  enfin  dont  il  est  combattu. 
Il  veut,  pour  satisfaire  à  sa  délicatesse. 
Que  vous  le  sépariez  d'avec  ce  qui  le  blesse. 
Que  le  mari  ne  soit  que  pour  votre  vertu,  60 S 

Et  que  de  votre  cœur,  de  bonté  revêtu, 
L'amant  ait  tout  l'amour  et  toute  la  tendresse. 

ALCM&NB. 

Amphitryon,  en  vérité, 
Vous  vous  moquez  de  tenir  ce  langage, 


ACTE  I,  SCiNB  III.  391 

Et  j*auroÎ8  peur  qu*on  ne  vous  cr&t  pas  sage,    6 1 0 
Si  de  quelqu'un  tous  étiez  écouté. 

lUPITKR, 

Ce  discours  est  plus  raisonnable, 

Alcmène,  que  vous  ne  pensez  ; 
Mais  un  plus  long  séjour  me  rendroit  trop  coupable, 
Et  du  retour  au  port  les  moments  sont  pressés.      S 1 5 
Adieu  ;  de  mon  devoir  Tétrange  barbarie 

Pour  un  temps  m*arrache  de  vous; 
Mais,  belle  Alcmène,  au  moins,  quand  vous  verrez  Té- 

Songez  à  Famant,  je  vous  prie.  [poux 

ALCMEXK. 

Je  ne  sépare  point  ce  qu'unissent  les  Dieux,  Sao 

Et  répoux  et  Tamant  me  sont  fort  précieux. 

CLÉANTHIS^ 

O  Ciel  !  que  d'aimables  caresses 

D'un  époux  ardemment  chéri! 

Et  que  mon  traître  de  mari 

Est  loin  de  toutes  ces  tendresses!  Si 5 

MBRCURB*. 

La  Nuit,  qu'il  me  faut  avertir. 
N'a  plus  qu'à  plier  tous  ses  voiles; 
Et,  pour  effacer  les  étoiles. 
Le  Soleil  de  son  lit  peut  maintenant  sortir*. 

I.  SCÈNE  IV. 

CaÀàwww»,  à  ^t.  (1734.) 
s.  MsacumB,  à  part.  {IMêm.) 

3.  Ouu  Plaato  (Tan  389-393),  e*eit  Japiter  qui,  aprèt  aToIr  quitté  Alefntee» 
■▼«lit  la  Hait  qtt*«U«  p«at  fair«  plaee  an  Jour. 


:i 


39»  AMPHITRYON. 


SCENE    IV. 
CLÉAI«THIS.  MERCURE. 

(Mflreurf  T«at  •*»  aO»  ^.) 
CLBANTHIt*. 

Quoi?  c*e8t  ainsi  que  Ton  me  quitte?  6So 

MKRCURB. 

Et  comment  donc?  Ne  veux-tu  pas 
Que  de  mon  devoir  je  m'acquitte? 
Et  que  d*Amphitryon  j'aille  suivre  les  pas? 

CLBAHTHIS. 

Mais  avec  cette  brusquerie, 

Traître,  de  moi  te  séparer!  635 

MUCURX. 

Le  beau  sujet  de  fâcherie! 
Nous  avons  tant  de  temps  ensemble  à  demeurer. 

CUiAHTHIS. 

Mais  quoi?  partir  ainsi  d'une  façon  brutale, 

Sans  me  dire  un  seul  mot  de  douceur  pour  régale'! 

MKRCURB. 

Diantre!  ob  veux-tu  que  mon  esprit  640 

T'aille  chercher  des  fariboles? 
Quinze  ans  de  mariage  épuisent  les  paroles, 
Et  depuis  un  long  temps  nous  nous  sommes  tout  dit. 

I.  L*éditioB  d«  1734  a  remplacé  eetto  indicatioB  par  eella  doat  «Ut  bit  pfé» 
cMar  la  pramiar  vara  da  Clcaatlût  :  voyas  la  nata  Mtvaata. 

a.  CkÎANTflZB,  mirêimni  Mêremv,  (i734-) 

s.  MoUàre  a  aerltr»^*/,  aana  «,  dans  le  Mitamtkrf*  (vora  55)  (  auia 
mmvou  dam  fbU,  aa  prota,  rigaU  {pApmrê^  ada  II,  ■eâna  ▼,  at  lar 
magm/Sfmêê,  aeta  U,  Màaa  a,  6*  couplet  da  Oitidat).  Gatta  aaaoadi 
grapha  ait  la  wola  qa*adnMtt0Bt  Rîchclat  (1680)  ai  l*AcadiHiia  daaa  aa  pra- 
mèn  UitioB  (1694).  FonCmm,  dèê  1690,  at  l*Acad«Dia,  dès  aa  aaaooda  édilîoa 
(1718),  kriYCDt  régmi.  Voyaa  ci^piàa  ona  daa  rioMt  daa  van  âtéa  pafa  477. 


ACTE  1,  SCÈNE  IV.  ^gi 

Regarde,  tniitret  Amphitryon, 
Vois  combien  pour  Aleméne  il  étale  de  flamme,      645 
Et  roogis  là-dessus  du  peu  de  passion 

Que  tu  témoignes  pour  ta  femme. 

MERCURE. 

Hé!  mon  Dieu!  Qéanthis,  ils  sont  encore  amants. 

11  est  certain  âge  où  tout  passe  ; 
Et  ce  qui  leur  sied  bien  dans  ces  commencements,    S  S  o 
En  nous,  vieux  mariés,  auroit  mauvaise  grâce. 
Il  nous  feroit  beau  voir,  attachés  face  i  faoe 

A  pousser  les  beaux  sentiments! 

CLRÂNTHIS. 

Quoi?  suis-je  hors  d'état,  perfide,  d*espérer 

Qu'un  cœur  auprès  de  moi  soupire?  655 

MERCURE. 

Non,  je  n'ai  garde  de  le  dire; 
Mais  je  suis  trop  barbon  pour  oser  soupirer, 

Et  je  ferois  crever  de  rire. 

cliSanthis. 
Mérites-tu,  pendard,  cet  insigne  bonheur 
De  te  voir  pour  épouse  une  femme  d'honneur?       66« 

MERCURE. 

Mon  Dieul  tu  n'es  que  trop  honnête  : 
Ce  grand  honneur  ne  me  vaut  rien. 
I  Ne  sois  point  si  femme  de  bien. 
Et  me  romps  un  peu  moins  la  tête. 

CLÉANTHIS. 

G>mment?  de  trop  bien  vivre  on  te  voit  me  blâmer?  665 

MERCURE. 

La  douceur  d'une  femme  est  tout  ce  qui  me  charme  ; 
Et  ta  vertu  fait  un  vacarme 
Qui  ne  cesse  de  m'assommer. 

CLÉANTHIS. 

Il  te  faudroit  des  cœurs  pleins  de  fausses  tendresses. 


394  AMPHITRYON. 

De  ces  femmes  aux  beaux  et  louables  talents,  67* 

Qui  savent  accabler  leurs  maris  de  caresses, 
Pour  leur  faire  avaler  Tusage  des  galants  ^ 

MBRCURX« 

Ma  foi!  veux-tu  que  je  te  dise? 
Un  mal  d'opinion  ne  touche  que  les  sots  *  ; 

Et  je  prendrois  pour  ma  devise  :  675 

«  Moins  d'honneur,  et  plus  de  repos..» 

CL^AlfTHIS. 

Comment?  tu  souffrîrois,  sans  nulle  répugnance. 
Que  j'aimasse  un  galant  avec  toute  licence? 

MKRCURX. 

Oui|  si  je  n'étois  plus  de  tes  cris  rebattu*, 

Et  qu'on  te  vit  changer  d'humeur  et  de  méthode.   6S9 

J'aime  mieux  un  vice  commode 

Qu'une  fatigante  vertu. 

Adieu,  Cléanthis,  ma  chère  àme: 

Il  me  faut  suivre  Amphitiyon. 

CLÉAlfTHIS*. 

Pourquoi,  pour  punir  cet  infime,  68 S 

Mon  cœur  n*a*t-il  assez  de  résolution  ? 
Ah!  que  dans  cette  occasion, 
J'enrage  d'être  honnête  femme! 

I,  Daofl  les  tneîewMfl  éditioiM,  du  GaUns  (rimant  vrtt  taieiu),  cm  ^ 
laiMe  indéciie  la  finale  d  oa  t\  mais,  aix  Tert  pins  loin,  elkt  ont  Gmiamt  an 
•îngnlier. 

a.  «  U»  mal  d'opimon^  dit  Angtr,  ait  une  espreanon  hardie  et  origiaalt  ;  » 
et  il  rapproche  de  ee  Tert  les  deux  suivanu  de  la  Fontaine  (dn  Proiagme  de 
la  Compg  enekantét,  eonte  ir  de  la  3*  partie,  1669)  : 

....  Ce  mal  dont  la  peur  Tons  mine  et  tous  eontume 
M'est  mal  qu'en  votre  idée,  et  non  point  dans  reflet. 

3.  Rabattu.  (168a,  gn,  97.) 

4.  Cette  indication  n*est  pas  dans  Tédition  de  1734. 

5.  CtiASTUS,  ««■/«•  (1734.) 

FIV  OU   FBKMIKa   AGTK. 


ACTE  II,  SCENE  I.  i^ 


ACTE  II 


SCÈNE  PREMIÈRES 

AMPHITRYON,  SOSIE. 

AMPHITETOir. 

Viens  ça,  bourreau,  viens  çà.  Sais-tu,  maître  fripon, 
Qu*à  te  faire  assommer  ton  discours  peut  su£Bre?     6^^ 
Et  que  pour  te  traiter  comme  je  le  désire. 
Mon  courroux  n'attend  qu'un  bâton? 

SOSIE. 

Si  vous  le  prenez  sur  ce  ton, 

Monsieuri  je  n'ai  plus  rien  à  dire, 

Et  vous  aurez  toujours  raison.  69  S- 

▲MPHITRYON. 

Quoi?  tu  veux  me  donner  pour  des  vérités,  traître, 
Des  contes  que  je  vois  d'extravagance  outrés*? 

SOftII. 

Non  :  je  suis  le  valet,  et  vous  êtes  le  maître; 
Il  n'en  sera,  Monsieur,  que  ce  que  vous  voudrez. 

AMPHITRYON. 

Ça,  je  veux  étouffer  le  courroux  qui  m'enflamme,     7oo> 

I.  Cette  Mène  fépoail  à  la  icèoe  i  de  l'acte  II  de  Plaate  (rert  3^'i^S]. 

a.  Emploi  remarquable  d^outré  avec  dt,  te  rapportant  k  an  nom  de  choie. 
1^  lena  est  clair  :  «  des  contes  pleins,  à  Tezcès,  d'eztraTagance.  »  On  ne  peut 
goère  entendre  de  la  même  façon  cet  exemple  de  Mn»e  de  Sérigné  (tome  II, 
p.  5«i)  :  «  an  air  ontré  d'indifférence  i»  Jtj  dépend  plutôt  d'air,  et  omtré 
ett  employé  absolument.  Rien  de  plus  commun  que  le  même  tour  stcc  un  nom 
de  personne  :  «  outré  de  colère,  de  dépit.  »  C'est  autre  chose,  mais  ponrUnt 
il  y  a  qaelqne  aflinilé  de  sens  entra  les  deux  locations. 


3^6  AMPHITRYON. 

Et  toat  da  long  t*ouîr  sur  ta  commissioo. 
Il  faut,  avant  que  voir*  ma  femme, 
Que  je  débrouille  ici  cette  confusion. 
Rappelle  tous  tes  sens,  rentre  bien  dans  ton  âme, 
Et  réponds,  mot  pour  mot,  à  chaque  question.  70S 

SOSIE. 

Mais,  de  peur  dUncongruité, 

Dites-moi,  de  grâce,  à  Tavance  ', 
De  quel  air  il  vous  plaît  que  ceci  soit  traité. 
Parlerai-je,  Monsieur,  selon  ma  conscience. 
Ou  comme  auprès  des  grands  on  le  voit  usité?         7 1  o 

Faut-il  dire  la  vérité, 

Ou  bien  user  de  complaisance? 

ÂMPHlTRYOïr. 

Non  :  je  ne  te  veux  obliger 
Qu*à  me  rendre  de  tout  un  compte  fort  sincère. 

sosu. 
Bon,  c*est  assez;  laissez-moi  faire  :  7  1 5 

Vous  n*avez  qu'à  m*interroger. 

ÂMPHITaYOH. 

Sur  Tordre  que  tantôt  je  t'avois  su  prescrire...  *? 

SOS». 

Je  suis  parti,  les  cieux  d'un  noir  crêpe  voilés. 

Pestant  fort  contre  vous  dans  ce  fâcheux  martyre. 

Et  maudissant  vingt  fois  Tordre  dont  vous  parles.     7*0 


I.  M.  littfé,  à  Partick  ▲▼ait.  S*,  «le  de  wauhntat  caumplat,  to««  cb 
•nf  on  de  Saîst-Simon,  en  praee,  d*«raji/  cm,  aa  lieu  d*«pmi  de  o« 
éÊPmmi  f«#  ^«. 

a.  On  Tott  dans  ane  lettre  de  Mme  de  Sérigné  (tome  V,  p.  S8)  que  la  lo- 
cation à  Vavamee  était  fiimiVire  ans  ProTençaoi,  et  aana  donte  moins  da  bon 
nsa^  I  Paris  :  «  Je  tous  éeris  an  pea  à  Capaace^  eomme  on  dit  en  ProYenee.  • 

3.  Oi  peut  entendre  à  la  ri^enr  :  «  que  je  t*aTais  prescrit  nettement,  en 
iMBune  qui  sait  faire  les  ehoset  ;  »  mais  le  mot  savoir^  employé  soavent  eomme 
une  sorte  d*aaxiliaire,  est  plutôt  lei,  comme  an  vers  1 1 17,  nn  pen  de  remplis- 
safe;  il  en  est  antrement  ans  vers  iii3  et  1127,  o&  pourtant  Auger  semble 
aossi  le  tronvcr  à  reprendre. 


ACTE  11^  SCÉNB  I.  397 

▲MPHmYOll. 

G>mmeiit,  ooqain? 

8OU1. 

MonBieur,  vous  n  avez  rien  qu*à  dire\ 

Je  mentirai,  si  vous  voulez. 

▲MPBlTRTOir. 

Voila  eonune  un  valet  montre  pour  noua  du  zèle. 
Passons.  Sur  les  chemins  que  t'est-il  arrivé  ? 


D*avoir  une  frayeur  mortelle,  7  9  s 

Au  moindre  objet  que  j'ai  trouvé. 

AlIFHITRTOlf. 

Poltron  ! 

sosu. 

En  nous  formant  Nature  a  ses  caprices  ; 

Divers  penchants  en  nous  elle  fait  observer  : 

Les  uns  à  sVxposer  trouvent  mille  délices  ; 

Moi,  j*en  trouve  à  me  conserver.  73» 

AMPHITRYON. 

Arrivant  au  logis...? 

SOSIE» 

J*a\  devant  notre  porte, 
En  moî-même  voulu  rép  Uer  un  petit* 
Sur  quel  ton  et  de  quelle  sorte 
Je  ferois  du  combat  le  glorieux  récit. 

AMPHITRYON. 

Ensuite  ? 

SOS». 

On  m*est  venu  troubler  et  mettre  en  peine. 

AMPHITRYON. 

Et  qui? 

SOSIS. 

Sosie,  un  moi,  de  vos  ordres  jaloux, 

t.  La  loeotton  t'expliqnant  «nti  :  •  toiii  n'avei  rin  k  faire  qa*à  o«  que  de 
dire,  •  rien  n'y  eat  pat  de  trop,  qooiqm  plus  ordlBaîreaneat  on  Vj  tapprîme. 
S.  VojvB  «î-dcMoa,  ra  T«r8  47i« 


398  AMPHITRYON. 

<}ue  vous  avez  du  port  envoyé  yen  Aleméne, 
Et  qui  de  nos  secrets  a  connoissance  pleine, 
Comme  le  moi  qui  parle  à  vous, 

▲apHiTRYoïr. 
<Juels  contes! 


Non,  Monsieur,  c'est  la  yérité  pore.     740 
<!e  moi  plutôt  que  moi  s^est  au  logis  trouve; 
Et  j*étois  venu,  je  vous  jure, 
Avant  que  je  fusse  arrivée 

ÂMPBITRYOH. 

D^où  peut  procéder,  je  te  prie, 

Ce  galimatias  maudit  ?  945 

Est-ce  songe  ?  est-ce  ivrognerie  ? 

Aliénation  d^esprit? 

Ou  méchante  plaisanterie  ? 

SOSIE. 

Non  :  c^est  la  chose  comme  elle  est, 

Et  point  du  tout  conte  frivole.  750 

Je  suis  homme  d*honneur,  j'en  donne  ma  parole, 

Et  vous  m'en  croirez,  s'il  vous  plaît. 
Je  vous  dis  que,  croyant  n'être  qu'un  seul  Sosie, 

Je  me  suis  trouvé  deux  chez  nous; 
Et  que  de  ces  deux  moi,  piqués  (!e  jalousie,  755 

L'un  est  à  la  maison,  et  l'autre  est  avec  vous  ; 
Que  le  moi  que  voici,  chargé  de  lassitude, 
A  trouvé  l'autre  moi  frais,  gaillard  et  dispos, 

Et  n'ayant  d'autre  inquiétude 

Que  de  battre,  et  casser  des  os.  76c 

AMPHITRYON. 

n  faut  être,  je  le  confesse, 
0*un  esprit  bien  posé,  bien  tranquille,  bien  doux, 


1 .      •     .    •     .  Priêu  muito  amie  mtUU  slabam  quam  illo  étdvmêramm 
Smt  IHniUtioB  àe  co  ^err  (449)  ée  Plaate  par  Rotroo,  tojm  la  iMc»,  p.  343. 


ACTE  II,  SCÈNE  I.  )99 

Pour  souffrir  qii*uii  valet  de  chansons  me  repaisse. 


Si  vous  TOUS  mettez  en  eourroux. 

Plus  de  conférence  entre  nous  :  7  s  $ 

Vous  savez  que  d'abord  tout  cesse, 

AMPBITRYON. 

Non:  sans  emportement  je  te  veux  écouter; 
Je  Tai  promis.  Mais  dis,  en  bonne  conscience. 
Au  mystère  nouveau  que  tu  me  viens  conter 

Est-il  quelque  ombre  d'apparence  ?  770 

SOSIE. 

Non  :  vous  avez  raison,  et  la  chose  à  chacun 

Hors  de  créance  doit  paroître. 

Cest  un  fait  à  n'y  rien  connoître, 
Un  conte  extravagant,  ridicule,  importun  : 

Cela  choque  le  sens  commun  ;  775 

Mais  cela  ne  laisse  pas  d'être. 

AMPHITRYON. 

Le  moyen  d'en  rien  croire,  à  moins  qu'être  insensé  ? 

SOSIB. 

Je  ne  l'ai  pas  cru,  moi,  sans  une  peine  extrême  : 
Je  me  suis  d'être  deux*  senti  l'esprit  blessé^, 


I.  D*JCn  d*caz.  (iS6S,  74;  faat*  eTidente.) 

a.  Cette  diSlealté  de  eroire,  eette  impoMibÛité  d*e«pliqi(tr,  qne  £itt  si  plai* 
eanoMBt  reMortîr  la  vive  «etÎQO  da  diâlogae  de  llolièra,  le  Sotie  de  Rotron 
•*eit  pla  ft  reKaminer  avec  laMnéme,  à  la  fin  de  la  aoèoe  m  de  Pacte  I  (eor- 
ratpoBdaat  ft  la  aoène  i  de  Plaate  et  à  la  zi'  de  MoKêre). Toiei  eef  aparté,  que 
Mofiàn  B^a  paa  voala  relaira,  et  où  te  trooTant  on  peu  noyéa  deux  oa  trois 
traito  de  eeloi  qoi  ae  lit,  à  la  même  place,  dans  VAmfhiiryn  latia  : 

O  prodige,  A  nature  ! 

^        Où  me  eoi^je  perdu?  qneHe  cet  eette  aventnre? 
Qui  cfoiro  ce  miraele  ans  mortels  ineonnn  ? 
0&  me  saîs-je  laissé?  que  sois-je  devenu  •  ? 
Comment  peut  un  seul  Homme  occuper  double  place  ? 
Moi-même  je  me  fuis,  moi-même  je  me  chasse  ; 

*  D(  inmortalê»,  ohttero  votîramfidêm! 

Uhi  êgopwiip  ubi  inmmtatuê  tum  P  mH  egûfirmam  ptrdidi? 
An  egùmet  me  ilUU  rê'iqmiy  si/brit  oblittui/ki? 

(Plante,  ttn  999-301.) 


4M  AMPHITRYON. 

Et  longiempB  d*imposteur  j*ai  traité  oe  moi-mêiiie.    78a 
Mais  à  me  reoonnoître  enfin  il  m*a  forcé  '  : 
J*ai  vu  que  c*étoit  moi,  sans  aucun  stratagème; 
Des  pieds  jusqU*à  la  tête,  il  est  comme  moi  fait. 
Beau,  Tair  noble,  bien  pris,  les  manières  diarmantea  ; 
Enfin  deux  gouttes  de  lait  78S 

Ne  sont  pas  plus  ressemblantes*; 
Et  n^étoit  que  ses  mains  sont  un  peu  trop  pesantes» 
J'en  serois  fort  satisfait. 

▲MPBlTRTOir. 

A  quelle  patience  il  faut  que  je  m*exhorte! 

Mais  enfin  n'es-tu  pas  entré  dans  la. maison  ?  79* 

SOSIE. 

Bon,  entré  !  Hé  !  de  quelle  sorte  ? 
Ai-je  voulu  jamais  entendre  de  raison  ? 
Et  ne  me  suis-je  pas  interdit  notre  porte  ? 

▲MPHlTaVOll* 

Comment  donc  ? 

SOSIB. 

Avec  un  bâton  : 
Dont  mon  dos  sent  encore  une  douleur  très-forte.    79S 

ÂMPBITRTOIV. 

On  ta  battu  ? 

Je  porte  toat  f  teinbla  et  je  w^pm  les  coupe  ; 
Je  me  ▼■!•  éloigner  et  je  lerû  chei  aoot. 
Qocl  est  cet  ■ceident?... 


Il  y  a  plat  dVn  monologoe  aeces  icmbleble,  et  une  eorta  de  paradic  d«  d^ 
bat  mr  le  moî  de  Sone,  dans  quclqnca  ecèaca  de  im  TriMmzim  de  FirasHola 
(ti  et  Ta  de  l'acte  IV,  i  de  Taete  V),  o&  ae  dioiiiie,  pour  aortir  d«  tùm  ladc- 
ciaioii  groteaqnc,  no  Doctear  inAbccile,  k  qai  Ton  Tcot  peraaader  qa*il  «at  de- 
Tcaa  an  autre,  et  qa*an  second  lui  a  été  Ta  et  entenda  dana  aa  maiaon  •. 

I .         «...  IfihUo^  inquam^  mirmm  magis  tihi  ùtue,  qtimm  miki, 
Ntfme^  iia  me  Du  ament,  eredeham  primo  mikimet  Sosim^ 
Doiue  Sosia^  Ule  egomeî^  fieit  tihi  uti  eredermm, 

(PUute.  Tara  4^-444*) 

a.        Ifêqmê  iaeië  laeti  magie  êti  simiUy  fiuum  ilU  iyo  timiii^tt  mn. 

(V«.  u?.) 

.  •  £«  lUmmtia  fitt  d'abord  Inprini.  i  Wowbui  m  1549. 


ACTE  II,   SCÈNE  I.  401 

8O8IE. 

Vraiment. 

▲MPUITRYOEf. 

Ëtqui? 

30SIS. 

Moi. 

AMPHITRYON. 

Toi,  te  battre  ? 

SOSIE. 

Oui,  moi  :  non  pas  le  moi  d^Ici, 
Mais  le  moi  du  logis  ^,  qui  frappe  comme  quatre. 

AMPHITRYON. 

Te  confonde  le  Ciel  de  me  parler  ainsi  ! 

SOSIE. 

Ce  ne  sont  point  des  badinages.  800 

Le  moi  que  j*ai  trouvé  tantôt    * 
Sur  le  moi  qui  vous  parle  a  de  grands  avantages  : 

Il  a  le  bras  fort,  le  cœur  haut  ; 

J'en  ai  reçu  des  témoignages, 
Et  ce  diable  de  moi  m*a  rossé  comme  il  faut  ;  go  5 

C*est  un  drôle  qui  fait  des  rages*. 

AMPHITRYON. 

Achevons.  As- tu  vu  ma  femme? 

SOSIE. 

Non. 

AMPHITRYON. 

Pourquoi? 

I  •  AMPsrrKuo, 

Quiâ  U  verberavit  ? 

•08IA. 
Egomêt  memgt^  qui  mute  sum  domi, 

(PUate,  Ten  453.) 
a.  An  même  tens  que  le  tour  ordÎAaire  :  «  faire  rage.  »  M.  Utti^  ■»■  KrooTe 
à  citer  de  cet  allongement  que  notre  exemple,  maii  il  cite  rexprettion  ana- 
logue de  dite  des  rages,  qui  a  été  employée  par  Bime  de  Sfrigné  et  par  Saint- 
Simon,  an  lien  de  dire  rage  (de  q^lqn*an], 

MoliAbh,  ti  ,( 


4M  AMPHITRYON. 

8081B* 

Par  une  raison  assez  forte. 

AMPHITRYON. 

Quitta  fait  y  manquer,  maraud?  explique-toi. 

SOSIB. 

Faut-il  le  répéter  vingt  fois  de  même  sorte?  Sie 

Moi,  vous  dis- je  \  ce  moi  plus  robuste  que  moi, 
Ce  moi  qui  s*est  de  force  emparé  de  la  porte. 
Ce  moi  qui  m*a  fait  filer  doux, 
Ce  moi  qui  le  seul  moi  veut  être, 
Ce  moi  de  moi-même  jaloux,  8  rS 

Ce  moi  vaillant,  dont  le  courroux 
Au  moi  poltron  s*est  fait  connaître, 
Enfin  ce  moi  qui  suis  chez  nous*, 
Ce  moi  qui  s*est  montré  mon  maître. 
Ce  moi  qui  m'a  roué  de  coups'.  Sio 

I.  àMWUTVKVO, 

Sed  tndUtin*  aurorem  meam  ? 

•09IA. 

Quin  introire  in  mdns  nmmquam  lieitmm  *st, 

AMPHmCO. 

Quù  te  prokHuii?- 

lOSU. 

Soiim  ilU^  quem  jamdudum  dieo^  it  qui  me  etmtudii, 

AMPSimuo. 
Quis  ittic  Sotia  'st.* 

aosiA. 
Sgo,  iaquam  :  quoties  dieundum  **t  tihi?" 

(Plaate,  Ter»  462-465.) 
1.  C^Mt  ici  seolement  qoe  le  moi  qui  est  faivi  de  la  premièra  peraonne,  pour 
cette  seule  raison  sans  doute  que  la  troisième  :  qui  est,  aurait  fiait  hiatoa;  mai^ 
quoique  ainsi  motir^,  eette  eonfusion  est  d'un  efibt  Traiment  comique.  Ro- 
tron  en  arait  donné  re&emple,  mais  en  sens  inrerse  :  il  emploie  eonatnmmeat 
la  première  personne,  sauf  une  fois  où,  lui  aussi,  en  est  empêché  par  la  aw' 
aura  :  voyes  la  note  suivante. 

3.  Rotrou  (acte  II,  scène  i)  avait  essayé  le  même  mouTement  et  la  mtmt 
répétition,  dana  un  des  couplets  que  Plaute  ne  loi  a  paa  foumia  : 

Et  quit*en  a  chassé?  —  Moi,  ne  tous  dls-je  pas? 
Moi  que  j*ai  rencontré,  moi  qui  suis  sur  la  porte^ 
Moi  qui  me  suis  moi-même  ajusté  de  la  sorte, 
Moi  qui  me  suis  chargé  d*nne  grêle  de  coups, 
Ge  moi  qui  m*a  parlé^  es-  moi  qui  suia  cbaa  roua» 


ACTE  II,  SCÂNE  I.  ^o^ 

AMPHITRYON. 

Il  faut  que  ce  matins  à  force  de  trop  boire. 
Il  se  soit  trouble  le  cerveau. 

808IK. 

Je  veux  être  pendu  si  j*ai  bu  que^  de  Teau*: 
A  mon  serment  on  m'en  peut  croire. 

AMPHITRTOH. 

Il  faut  donc  qu*au  sommeil  tes  sens  se  soient  portés  ?  8  s  5 
Et  qu'un  songe  fâcheux,  dans  ses  confus  mystères, 

T*ait  fait  voir  toutes  les  chimères 

Dont  tu  me  fais  des  vérités? 

SOSIK. 

Tout  aussi  peu.  Je  n'ai  point  sommeillé, 

Et  n'en  ai  même  aucune  envie.  8  3  » 

Je  vous  parle  bien  éveillé  ; 
J'étois  bien  éveillé  ce  matin,  sur  ma  vie! 
Et  bien  éveillé  même  étoit  l'autre  Sosie, 

Quand  il  m'a  si  bien  étrillé*. 


I .  Antre  choM  que.  On  e  déjà  Ta  plmieiin  esemplet  de  cet  emploi  ellip* 
tique  de  fué  (au  Yen  919  de  VÈtùurdi^  aax  Prêeieutet,  tome  H,  p.  56,  an 
Sêoond  Plmeetân  Tartuffe^tome  IV,p.  391)  ;  M.  Uttiien  a  reeaeilKnn  grand 
nombre  dans  let  anteora  da  dix-septième  siècle  (an  mot  QuMi  10*). 


1.  Homo  hic  ebtiut  oti^  ut  opiner,, ., 

\    \    \     \    \    \     \     \     \     \     hbihiïitk? 


Nuêfmam  eqmidem  ètèt. 

(Plante,  Ters  417-419.) 


).  Sed  fmidais?  num  ohdorminsH  dmdmmf 

Ifmtfmam  gontimm. 
Ibi  forte  ittmm  si  mdiâSês  quoaulam  m  tomms  Sosiam, 


FigHamt  pidi,  vigiîant  lume  té  vidoo^  ngilans  fahutor. 
F'tgUamtêm  ilio  mejamdmdmm  ingiiwu  mtçiùs  <omtmdtt^ 

(Vers  446-470.> 


4o4  AMPHITRYON. 

AMPHITRYON. 

Suis-moi.  Je  t'impose  silence  :  13s 

Cest  trop  me  fatiguer  Tesprit; 
Et  je  suis  un  vrai  fou  d*avoir  la  patience 
D^ëoouter  d'un  valet  les  sottises  qu'il  dit. 

SOSIE  ^ 

Tous  les  discours  sont  des  sottises. 
Partant  d'un  homme  sans  éclat  ;  S40 

Ce  seroit  paroles  exquises* 
Si  c'ëtoit  un  grand  qui  parlât'. 

AMPHlTRTOlf. 

Entrons,  sans  davantage  attendre. 
Mais  Alcmène  paroit  avec  tous  ses  appas. 
En  ce  moment  sans  doute  elle  ne  m*attend  pas,        84$ 

Et  mon  abord  la  va  surprendre. 


I.  Soan^  à  part.  (i7340 

a.  Ceseroient  piroles  exquiies.  (1682,  1734.) 

3.  Cett,  arec  on  toar  plot  rif  et  plut  familier,  la  maziine  qa*Eiiripide,  tu 
▼en  agB-agS  de  ta  tragédie  à^Héeube^  a  mite  dans  la  boitehe  de  la  ndlle 
reine  et  qui  lermine  lea  sappUcations  qa*eUe  adraase  à  Ulywe  :  «  Mail,  qaoî 
que  ta  ▼eaillet  dire  (a  Us  Grees)^  l'autorité  en  toi  pcrauadera;  ear  Tfaiat 
dliommaa  obacun  ou  d*hoinmes  iUastrea  les  mémei  parolet  A*ont  pas  la  wènt 
puijMBce*.  »  Quatre  vert  de  la  lable  du  Fermier,  le  Chien  et  le  Raieri 
(la  ni*  du  livre  XI,  publiée  par  la  Fontaine  une  disaine  d*annéea  aprit  VJm- 
phitryan)  ont  été  plua  naturrilement  rapprochéa  de  la  nflaôim  do  Soifa  : 

Son  raisonnement  poUToit  être 
Fort  bon  dans  la  bouche  d*nn  mahre  ; 
Mail  n'étant  one  d*nn  timple  chietty 
On  trouTa  qn*il  ne  valoit  nen. 

•  Attln-Gelle  (livre  XI,  chapitre  xr)  noua  a  contervé  une  tradnetioB  btiat 
de  cet  teois  vert  par  Ennius. 


ACTE   II,  SCÈNE  II.  «oS 


SCÈNE  ir. 

ALCMÈNE,  CLÉANTHIS,  AMPHITRYON,  SOSIE. 

ALCMÂNE*. 

Allons  pour  mon  époux,  Cléanthis,  vers  les  Dieux' 

Nous  acquitter  de  nos  hommages. 
Et  les  remercier  des  succès  glorieux 
Dont  Thèbes,  par  son  bras,  goûte  les  avantages/     tSo 
O  Dieux! 

AMPHrrRYOlf. 

Fasse  le  Gel  qu* Amphitryon  vainqueur 
Avec  plaisir  soit  revu  de  sa  femme. 
Et  que  ce  jour  favorable  à  ma  flamme 
Vous  redonne  à  mes  yeux  avec  le  même  cœur, 

Que  j  y  retrouve  autant  d*ardeur  s  5  5 

Que  vous  en  rapporte  mon  ame  ! 

àlcmInk. 
Quoi?  de  retour  si  tôt? 

AMPHITRYON. 

Certes,  c*est  en  ce  jour 
Me  donner  de  vos  feux  un  mauvais  témoignage, 

I.  Cette  teètto  eorreapoiul  h  la  toeoe  ii  de  l'acte  H  de  Plante  (v«n  479* 
706)  ;  mais  elle  t'en  éloigne  beaueoap  par  le  foad  même  oa  Peapreerioa  des 
aemtimflBti. 

s.  ALCMdknt,  AMPHiraTov,  cLBAimuf,  tosn. 

AuQiiiiB,  tans  9oir  jimpkitryoH,  (17S4.) 

3.  Le  rapport  de  ¥ert  est  ici  anibigu  :  la  prépoaition  dépend-elle  d*allM# 
(ee  aérait:  •  Tara  letimaget  des  Dieux,  aa  Temple  »)  oa  à^mùfuiitêr}  Le  rap- 
prochement d*nn  antre  acquitter  ver^^  que  nom  trooTerona  an  rera  909,  reâd 
ee  second  tonr  tria-probaUe,  malgré  la  viigale  qai,  dana  let  aneiennee  édi- 
tùma,  soit  ici  le  mot  Diêmx  :  on  sait  comluett,  dana  eea  Tiens  tCKtea,  il  7  •  pM 
de  compte  k  tenir  de  la  ponctuation,  qni,  en  général,  est  bien  plat6t  de  Fim* 
primenr  qne  de  l'antetur. 

4.  Jfgrtêpmmt  J/mfkUrfûn,  (i734«) 


4o6  AMPHITRYON. 

Et  ce  «  Quoi?  si  tôt  de  retour?  » 
En  ces  occasions  n'est  guère  le  langage  S6o 

D*un  cœur  bien  enflammé  d*amour. 

J'osois  me  flatter  en  moi-même 
Que  loin  de  yous  j'aurois  trop  demeuré. 
L*attente  d*un  retour  ardemment  désiré 
Donne  à  tous  les  instants  une  longueur  extrême,      86 S 

Et  Fabsence  de  ce  qu^on  aime, 
Quelque  peu  qu'elle  dure,  a  toujours  trop  duré. 

ALCMÂNB. 

Je  ne  vois.... 

AMPHITRYON. 

Non,  Alcmène,  à  son  impatience 
On  mesure  le  temps  en  de  pareils  états  ; 

Et  vous  comptez  les  moments  de  l'absence        87* 

En  personne  qui  n'aime  pas. 

Lorsque  Ton  aime  comme  il  faut, 

Le  moindre  éloignement  nous  tue, 

Et  ce  dont  on  chérit  la  vue 

Ne  revient  jamais  assez  tôt.  875 

De  votre  accueil,  je  le  confesse. 
Se  plaint  ici  mon  amoureuse  ardeur. 

Et  j'attendois  de  votre  cœur 
D'autres  transports  de  joie  et  de  tendresses 

ALCMÂNB. 

J'ai  peine  à  comprendre  sur  quoi  880 

Vous  fondez  les  discours  que  je  vous  entends  faire; 

Et  si  vous  vous  plaignez  de  moi. 

Je  ne  sais  pas,  de  bonne  foi. 

Ce  qu'il  faut  pour  vous  satisfaire. 
Hier  au  soir,  ce  me  semble,  à  votre  heureux  retour, 
On  me  vit  témoigner  une  joie  assez  tendre. 

Et  rendre  aux  soins  de  votre  amour 
Tout  ce  que  de  mon  cœur  vous  aviez  lieu  d'attendre. 


ACTE  II,  SCÈNE  II.  407 

AHPBITBTON. 

Comment? 

ALCMinE. 

Ne  fis-je  pas  éclater  à  vos  yeux 
Les  soudains  mouvements  d'une  entière  allégresse?  I^a 
Et  le  transport  d'un  cceur  peut-il  s'expliquer  mieux, 
Au  retour  d'un  époux  qu'on  aime  avec  tendresse? 


Que  me  dites-vous  là? 

&LCHÈNE. 

Que  même  votre  amour 
Montra  de  mon  accueil  une  joie  incroyable; 
Et  que,  m'ayaut  quittée  '  à  la  pointe  du  jour, 
Je  ne  vois  pas  qu'à  ce  soudain  retour 
Ma  surprise  soit  si  coupable. 

AHPBlTRyoN. 

Est-ce  que  du  retour  que  j'ai  précipité 

Un  songe,  cette  nuit,  Âlcmèae,  dans  votre  âme 

A  prévenu  la  vérité? 
Et  que  m'ayant  peut-être  en  donnant  bien  traité, 

Votre  cœur  se  croît  ver»  ma  flamme 

Assez  amplement  acquitté  ? 

ALCHÉnK. 

Est-ce  qu'une  vapeur,  par  sa  malignité, 

Amphitryon,  a  dans  votre  âme 
Du  retour  d'hier  au  soir  brouillé  la  vérité? 
Et  que  du  doux  accueil  duquel  je  m'acquittai 
Votre  cœur  prétend  à  ma  flamme 
Ravir  toute  l'honnêteté*? 
amphituvor. 
Cette  vapeur  dont  vous  me  régalez 


.  Et  qn*,  cocHU  todi  m  «m  quitlM.... 

1.  TontB  U  bonna  grki».  Ce  Hnit  nu  tMapI*  t  •joater,  ebv  H.    UUri, 

.  4*  et  5*  da  l'nliclc  BosKÉTiri. 


4od  AMPHITRYON. 

Est  un  peu,  ce  me  semble,  étrange. 

ALCMÂNB. 

C'est  ce  qu*on  peut  donner  pour  change 
Au  songe  ^  dont  vous  me  parlez. 

AMPHITRYON. 

A  moins  d*un  songe,  on  ne  peut  pas  sans  doute 
Excuser  ce  qu'ici  votre  bouche  me  dit.  9 1 5 

ALCMilIB. 

A  moins  d'une  vapeur  qui  vous  trouble  Tesprit, 
On  ne  peut  pas  sauver  ce  que  de  vous  j'écoute. 

AMPÛITRTON. 

Laissons  un  peu  cette  vapeur,  Alcmène. 

ALCMÂNE. 

Laissons  un  peu  ce  songe.  Amphitryon. 

AMPHITRYON. 

Sur  le  sujet  dont  il  est  question,  9*0 

Il  n'est  guère  de  jeu  que  trop  loin  on  ne  mène. 

ALCMÂNB. 

Sans  doute  ;  et  pour  marque  certaine, 
Je  commence  à  sentir  un  peu  d'émotion. 

AMPHITRYON. 

Est-ce  donc  que  par  là  vous  voulez  essayer 

A  réparer  l'accueil  dont  je  vous  ai  fait  plainte?  925 

ALCMÈNB. 

Est-ce  donc  que  par  cette  feinte 
Vous  desirez  vous  égayer? 

AMPHITRYON. 

Ah  !  de  grâce,  cessons,  Alcmène,  je  vous  prie, 
Et  parlons  sérieusement. 

ALCMÈNE. 

Amphitryon,  c'est  trop  pousser  l'amusement  :  93* 

Finissons  cette  raillerie. 


1.  Cequ'ompeutdoBnaraiieloiir  daioBgc,  eedoBt  papeaftpajorle 


ACTE  II,  SCÈNE  II.  409 

AMPHITRYOll. 

Quoi  ?  VOUS  osez  me  soutenir  en  face 
Que  plus  tôt  qu*à  cette  heure  on  m'ait  ici  pu  yoir? 

ALCMÈIIK. 

Quoi?  vous  voulez  nier  avec  audace 
Que  dès  hier  en  ces  lieux  vous  vîntes  sur  le  soir^?  93s 

AMPHlTRYOll. 

Moi  !  je  vins  hier  ? 

ALGMÂIIB. 

Sans  doute;  et  dès  devant  Taurore*, 
Vous  vous  en  êtes  retourné. 

amphitryon'. 
Ciel!  un  pareil  débat  s'est-il  pu  voir  encore? 
Et  qui  de  tout  ceci  ne  seroit  étonné  ? 
Sosie? 

SOSIE. 

Elle  a  besoin  de  six  grains  d'ellébore^,  940 

Monsieur,  son  esprit  est  tourné  *. 

AMPHITRYON. 

Alcmène,  au  nom  de  tous  les  Dieux  ! 
Ce  discours  a  d'étranges  suites  : 


I.  Im  dialogue  n'a  pas  moins  de  rivadté  dans  ce  vers  (604)  dn  eoniqve 
latin  : 

AMFHrrnuo. 
TwCmê  kêrî  advemssé  dieu  ? 

ALCDllUrA. 

7aM*l«  ûhUse  hoJie  kime  negai  ? 
9.  L*Ane  d*an  jardinier  se  plaignoit  au  Destin 

De  ce  qa*on  le  faisoit  lever  derant  Taurore. 

(La  Fontaine,  débnt  de  PAiiê  et  sê»  Mmùrw§^  ÎMm  xi  du 
litie  VI,  1S6S.) 

3.  Ahvutatoii,  à  pmri,  (1734.) 

4.  ÉUhem^  dans  les  éditions  antérienies  k  1734. 

5.  SMIA. 

•    « Qmmto,  ^mtM  tm  ûtMHC  Jmèes 

Pro  têrUa  eiremmfeniP 

(Hante,  vert  Sni  tl  Sts.) 


4io  AMPHITRYON. 

Reprenez  vos  sens  ud  peu  mieux, 

Et  pensez  à  ce  que  vous  dites.  945 

ALCMÈNS. 

J'y  pense  mûrement  aussi  ; 
Et  tous  ceux  du  logis  ont  vu  votr^  arrivée. 
J*ignore  quel  motif  vous  fait  agir  ainsi; 
Mais  si  la  chose  avoit  besoin  d'être  prouvée, 
S'il  étoit  vrai  qu'on  pût  ne  s'en  souvenir  pas»  gSo 

De  qui  puis-je  tenir,  que  de  vous,  la  nouvelle 

Du  dernier  de  tous  vos  combats  ? 
£t  les  cinq  diamants  que  portoit  Ptérélas, 

Qu'a  fait  dans  la  nuit  étemelle 

Tomber  l'effort  de  votre  bras'  ?  95s 

En  pourroit-on  vouloir  un  plus  sûr  témoignage  ? 

AMPHITRYON. 

Quoi?  je  vous  ai  déjà  donné 
he  nœud  de  diamants  que  j'eus  pour  mon  partage» 
Et  que  je  vous  ai  destiné  ? 

ALCMÈIfB. 

Assurément.  Il  n'est  pas  difficile  960 

De  vous  en  bien  convaincre. 

AMPHITRYON. 

Et  comment? 

ALCMÂNB*. 

Le  voici*. 


J.  ALCUMUTA. 

Quis  igiiur,  nUi  ¥os,  narrayii  mihi  iili  mi/uerii  priUmm  ? 

AMmiTEUO. 

An  •tiam  id  tu  sets  ? 

ALCUMUTA. 

Qmppe  qim  ex  te  amdin  s  ut  urhem  maxumam 
Bsepugnapisses,  regemque  Pterelam  tute  oceideris, 

(Plautop  ren  590-599.) 
a.  Auafàirm,  montrant,  à  sa  ceinture,  le  nasud  de  diamants,  (1734.)  •— Jf«ii- 
tram  le  nesud  de  diamants  à  sa  ceinture,  (1773.) 

3*  Dans  Plaate,  noiu  TaTOiu  dit,  ao  lieu  d*iui  bommI  de  dianasta,  e*ett  uam 
«oope  d*or,  oà  bavait  le  roi  Plirélat,  qu'Amphitryon  a  deatin^  k  Alcmèae; 


ACTB   II,  SCÉNB  II. 

AMPHITRYON. 


"Soue! 


Elle  se  moque,  et  je  le  liens  icij 
Monsieur,  la  feinte  est  inutile. 

AHraiTRTON. 

1a:  cachet  est  entier  *. 

ALCMàlfB*. 

Est-ce  une  vision  ? 
Tenez.  TVouverez-vous  cette  preuve  assez  forte?      96S 

AHPHITBTOH. 

Ah  Ciel!  ô  juste  Ciel  *! 

ALCMàna. 

Allez,  Amphitryon, 
Vous  TOUS  moquez  d'en  user  de  la  sorte, 
Et  vous  en  devriez  avoir  confusion. 

db  BB  peut,  camnH  ici,  à  l'ioiunL  aaiot,  naatrer  is  gtgt  dénAé  pir  U 
-Dieu  et  qn'clle  tint  di  u  miia. 

I.  Sotu,  lirtlU  Jt  n>  focht  an  nffnt.  (1734.] 


AmM  i*a  Vf,  «t  fitigaari. 

(Pi.Bt.,nn  619-611.) 
Amfbitbtok,  ngarian  U  eeffni. 

la^m,  primUml  à  Ampkilrjim  U  maaJ  Ji  dimmaau.  {l^i^■) 

....    Agi,  aitfia  kac,  fit,  nmiu  jam. 

Ktnm  AsD  faltm,  f<M  daiialiu  illi  ? 

5mmm,h>fril4T, 

[Pl*ut(,nn  6*4417.) 


4i2  AMPHITRYON. 

▲MPHiniTOlT. 

Romps  vite  ce  cachet. 

SOSIK,  ayant  ORTait  le  ooffiwt. 

Ma  foi,  la  place  est  vide. 
Il  faut  que  par  magie  on  ait  bu  le  tirer,  970 

Ou  bien  que  de  lui-même  il  soit  venu,  sans  guide, 
Vers  celle  qu^il  a  su  qu*on  en  vouloit  parer. 

AMPHITRYON^. 

O  Dieux,  dont  le  pouvoir  sur  les  choses  préside, 
Quelle  est  cette  aventure  ?  et  qu'en  puis-je  augurer 

Dont  mon  amour  ne  s*intimide  ?  975 

SOSIB*. 

Si  sa  bouche  dit  vrai,  nous  avons  même  sort, 

Et  de  même  que  moi,  Monsieur,  vous  êtes  double'. 

AMPHITRYON. 

Tais-toi. 

ALCMBNE. 

Sur  quoi  vous  étonner  si  fort  ? 
Et  d'où  peut  naître  ce  grand  trouble  ? 

AMPHITRYON^. 

o  Gel!  quel  étrange  embarras!  9I0 

Je  vois  des  incidents  qui  passent  la  nature; 
Et  mon  honneur  redoute  une  aventure 
Que  mon  esprit  ne  comprend  pas. 

ALCMÂNB. 

Songez-vous,  en  tenant  cette  preuve  sensible, 

A  me  nier  encor  votre  retour  pressé?  9IS 


I.  AxVBxniTOir,  à  part,  (1734.) 

a.  Soan,  à  Amphitrfom,  (Ibidem,) 

Z,  Dans  la  pièce  latine,  avec  un  /ow  (oimiar),  «imb  plaisant,  da  pins  t 


•     •     •     • 


Omnes  eongeminaruiuu. 

(Planta,  wm  63a.) 
4.  AioamTOir,  à  pari,  (1734.) 


ACTB  II,  SCÈNE  II. 

AHPBITRTOn. 

Non  ;  mais  k  ce  retour  dai^ez,  s'il  eit  possible. 
Me  coDter  ce  qui  s'est  passé, 

LLCIttKE. 

Puisque  tous  demandez  un  récit'  de  la  chose. 
Voua  voulez  dire  dooc  que  ce  n'étoit  pas  tous*? 


Pardonnez-moi;  mais  j'ai  certaine  cause 
Qui  me  fait  demander  ce  rëcit  entre  nous. 

ILCMàRS. 

Les  soucis  importants  qui  vous  peuTeot  saisir, 
Vous  ont-ils  fait  si  vite  en  perdre  la  mémoire  ? 

tKPHITKYOM. 

Peut-être  ;  mais  enfin  vous  me  ferez  plaisir 
De  m'en  dire  toute  t'histoire. 

kLCKiNK. 

L'histoire  n'est  pas  longjue.  A  vous  je  m'avançai. 
Pleine  d'une  aimable  surprise; 
Tendrement  je  vous  embrassai, 

Et  témoignai  ma  joie  i  plus  d'une  reprise. 

AMFHITBTOIf,  m  Kri-mteia  ' . 

Ah!  d'un  si  doux  accueil  je  me  serois  passé  *. 

ALCMiKK. 

Vous  me  fîtes  d'abord  ce  présent  d'importance, 


I.  Ca  Ttat.  {ijlo,  33,  )4i  iDÛ  noo  ij;!-] 

s.  n  j  ■  OB  liapla  poiat,  an  ll«a  d'un  ftïM  dlaUtragitioB,  d«u  Im  lalci 
Je  1O74,  d*  tSSaMde  1734. 
J.  Aanmicnr,  ifcri.  (1534.) 


1 


4i4  AMPHITRYON. 

Que  du  butin  conquis  vous  m'ariez  destiné. 

Votre  cœur,  avec  véhémence, 
M*étala  de  ses  feux  toute  la  violence, 
Et  les  soins  importuns  qui  Tavoient  enchaîné,         looS- 
L*aise  de  me  revoir,  les  tourments  de  Tabsence, 
Tout  le  souci  que  son  impatience 

Pour  le  retour  s*étoit  donné  ; 
Et  jamais  votre  amour,  en  pareille  occurrence, 
Ne  me  parut  si  tendre  et  si  passionné.  loio 

AMPHITRTOIT,  en  •oi-mème*. 

Peut*on  plus  vivement  se  voir  assassiné  ? 

ALCIIBNE. 

Tous  ces  transports,  toute  cette  tendresse, 
G>mme  vous  croyez  bien,  ne  me  déplaisoient  pas; 

Et  s*il  faut  que  je  le  confesse, 
Mon  cœur.  Amphitryon,  y  trouvoit  mille  appas.     loiS^ 

AMPHITRYOlf. 

Ensuite,  8*il  vous  plaît. 

ALCMBNK. 

Nous  nous  entrecoupâmes 
De  mille  questions  *  qui  pouvoient  nous  toucher. 
On  servit.  Tête  à  tête  ensemble  nous  soupames  ; 
Et  le  souper  fini,  nous  nous  fûmes  coucher. 

AMPHITRYON. 

Ensemble  ? 

ALCMÂNB. 

Assurément.  Quelle  est  cette  demande  ? 
amphitryon'. 
Ah  !  c^est  ici  le  coup  le  plus  cruel  de  tous, 
Et  dont  à  s'assurer  trembloit  mon  feu  jaloux. 


t.  ÂMPunToir,  «l^arr.  (1734.) 

1.  SI*eHireeouifer  de,  t'interrompre  par,  location  fort  cUlre,  mais  doat  en* 
core  M.  littrê  paraît  n'aroir  trouré  qoe  notre  exemple. 
3.  Amphitstoh,  à  part,  (1734.) 


ACTE  II.  SCKNB  II. 

ilcmAnb. 
D'oh  vong  vient  à  ce  mot  noe  rougeur  si  grande  ? 
Ai-je  fait  quelque  mal  de  coucher  avec  vous? 

AMPBtTBTOIf. 

Non,  ce  u'ctoit  pas  moi,  pour  ma  douleur  sensible  ' 
Et  qui  dit  qu'hier  ici  mes  pas  ae  sont  portes. 

Dit  de  toutes  les  faussetés 

La  fausseté  la  plus  horrible*. 


Amphitiyon  1 

AMPHITRYON. 

Perfide! 

âlcmàke. 

Ah  !  quel  emportement! . 

ANPBITBTON. 

Non,  non  :  plus  de  douceur  et  plus  de  déférence, 
Ce  revers  *  vient  à  bout  de  toute  ma  constance; 
Et  mon  cœur  ne  respire,  en  ce  fatal  moment. 
Et  que  fureur  et  que  vengeance. 

I.  HteBM^bldsfDVqHdui  la  toonun  :  •  ponr  moa  milbr 


Caaa  aJ/mila  'ili  cananili  mtcmm,  igo  adcubui  tiimU. 

....     JToHa  sUdts»,  «■»['( 

UK  1»  odmitH? 

f  »  eoitm  Uctn  tta 

m  KH  »  tutitml: 

PirJiJÙtU  ....  Bmc  nu  moda  ad  >ii 

arum  MJii. 

Qmid  tgofiei,  qma  Ulmt  pnfUr  du 

laJicanlurmUti? 

Çmid.t,im  dtli^,  n  fi  «mp,. 

«.«««/«^ 

(PlM....«r.M0-66*.) 
eanU  i»  Nararrt. 

4i6  AMPHITRYON. 

ALCMÂRK. 

De  qui  donc  voua  venger?  et  quel  manque  de  fo! 

Vous  fait  ici  me  traiter  de  coupable?  io3  5 

AMPHITRYON. 

Je  ne  sais  pas,  mais  ce  n*étoit  pas  moi  ; 
Et  c*e8t  un  désespoir  qui  de  tout  rend  capable. 

ALCMBRB. 

Allez,  indigne  époux,  le  fait  parle  de  soi, 
Et  rimposture  est  effroyable. 
Cest  trop  me  pousser  là-dessus,  1040 

Et  d*infidélité  me  voir  trop  condamnée. 

Si  vous  cherchez,  dans  ces  transports  confus, 
Un  prétexte  à  briser  les  nœuds  d*un  hyménée 
Qui  me  tient  à  vous  enchaînée. 
Tous  ces  détours  sont  superflus  ;  1 04  > 

Et  me  voilà  déterminée 
A  souffrir  qu^en  ce  jour  nos  liens  soient  rompus. 

AMPHITRYON. 

Après  rindigne  affront  que  Ton  me  fait  connoître, 
Cest  bien  à  quoi  sans  doute  il  faut  vous  préparer  *  : 
C'est  le  moins  qu'on  doit  voir,  et  les  choses  peut-être 

Pourront  n'en  pas  là  demeurer. 
Le  déshonneur  est  sûr,  mon  malheur  m'est  visible, 
Et  mon  amour  en  vain  voudroit  me  l'obscurcir; 
Mais  le  détail  encor  ne  m'en  est  pas  sensible, 
Et  mon  juste  courroux  prétend  s'en  éclaircir.  10 55 

Votre  frère  '  déjà  peut  hautement  répondre 


I .  SaÎTMit  les  mceon  romaiiMt,  «Uns  la  comédie  latine  la  propocitiea  de 
divorea  att  bian  plna  tiaipleaMBt  et  formeUanMOt  laite  :  rojtst  lea  m*  693- 
699;  et,  en  outre,  let  vera  733-736,  et  774  de  la  aeène  n  de  Tacte  III.  — 
Ce  ii*eat  paa  dans  aon  aena  airiet  que  Molière  a  fait  enployer  le  not  de  éi' 
warcf  k  rAmphitryon-inpiter  de  la  seène  ti  de  eet  aete  (an  Tera  1270). 

3.  Ce  frère  ne  paraîtra  pat,  n'ayant  pu  être  rencontré  (voyei  au  Tara  1439)- 
Dana  Plaatia,  il  B*eit  question  qoe  d'nn  parent  (eagnaims)  d*AJca»ène,  d'an  N»a- 
cntèt,  difOrant  de  eelni  qui  parait  an  III*  acte  de  Molière. 


ACTB  II,  SCÈNE  II. 

Que  jasqn'à  ce  matiD  je  oe  l'ai  point  qoitU  : 
Je  m'en  vais  le  chercher,  afin  de  vous  confondre 
Sur  ce  retour  qui  m'est  faussement  imputé. 
Après,  nous  percerons  jusqu'au  fond  d'un  mystère 

Jusques  à  présent  inouï; 
Et  dans  les  mouvements  d'une  juste  colère  ', 

Malheur  à  qui  m'aura  trahi  ! 

SOSIE. 

Monsieur. . . . 

AXPHITRVOH. 

Ne  m'accompagne  pas, 
Et  demeure  ici  pour  m'attendre. 

CLÉINTHIS*. 

Faut-il...? 

«LCMÈHB. 

Je  ne  puis  neu  catcndre  : 
Laisse-moi  seule,  et  ne  suis  point  mes  pas. 


SCENE  III. 
CLÉANTIIIS,  SOSIE. 

CLâANTHIS*. 

Il  faut  que  quelque  chose  ait  brouillé  sa  cervelle; 
Mais  le  frère*  sur-le-champ 
Finira  cette  querelle.  lo 

sosie'. 
C'est  ici,  pour  mon  maître,  un  coup  assez  touchant, 
Et  son  aventure  est  cruelle. 


9.  Ciijuiraii,  à  AIcmilu,  (il3(.) 

3.  Ctitmau,  à  pari,  {rhidtm.) 

4.  VoT«ci-<l«Miii.  iBTin  id56. 

5.  Soin,  àpari.  (17S4.] 

HOUÈHB.    Tl 


^',    ' 


418  AMPHITRYON. 

Je  crains  fort  pour  mon  fait  quelque  chose  approchant, 
Et  je  m*en  veux  tout  doux  éclaircir  avec  elle. 

CLÉANTHIS*. 

Voyez  s^il  me  viendra  seulement  aborder!  1075 

Mais  je  veux  m'empècher  de  rien  faire  paroître. 

SOSIB*. 

La  chose  quelquefois  est  fâcheuse  à  connoître, 

Et  je  tremble  à  la  demander. 
Ne  vaudroit-il  point  mieux,  pour  ne  rien  hasarder, 

Ignorer  ce  qu'il  en  peut  être  ?  loto 

Allons,  tout  coup  vaille',  il  faut  voir, 

Et  je  ne  m'en  saurois  défendre. 

La  foiblesse  humaine  est  d'avoir 

Des  curiosités  d'apprendre 

Ce  qu'on  ne  voudroit  pas  savoir  ^.  loSS 

Dieu  te  gard'*,  Cléanthis! 

CLÉlIfTHIS. 

Âh!  ah!  tu  t'en  avises. 
Traître,  de  t^approcher  de  nous  ! 

SOSIE. 

Mon  Dieu  !  qu'as-tu  ?  toujours  on  te  voit  en  courroox, 
Et  sur  rien  tu  te  formalises. 


I,  CLâANTBxs,  à  part,  (1734.) 
a.  SosxB,  à  part,  (Ibidem,) 

3.  A  tont  baurd,  à  tout  risque.  Loeation  otitfe  dans  ontatiu  jeoz  :  ?ojo 
la  DUtiennnire  de  M.  Littré,  à  Coup,  i0*,  où  notre  exemple  eat  ooiif. 

4.  Compares  les  vers  369  et  370  de  P École  de»  femmes  (tome  llf,  p.  187)  : 

Je  tremble  du  malbeur  qui  m'en  peut  arriTer, 

Et  Ton  eberehe  souTent  pins  qu'on  ne  veut  troater. 

5.  Gard^  sans  a]>ostropbe,  dans  les  éditions  de  1689  et  de  1734;  et  fsn//, 
en  dépit  de  la  mesorr,  dans  celles  de  i674t  de  1684  À  et  de  16^  B.  Os  lit 
de  même  dans  lei  Femmes  eavoMtet  (acte  II,  seine  zi)  : 

Ab  !  Dieu  irons  gsrd*,  mon  frère. 

Gard  est  la  forme  habituelle  dans  cet  «  ancien  sonbait  on  saint  »  :  ▼oyei  s*^ 
note  de  Paal-lx>uis  Courier  à  sa  traduction  des  Paetorale*  de  Longue  (livre  lU). 
p.  189,  fin  de  la  colonne  i,dans  Péditiondes  OEuvree eompUtêt  (Dîdot,  i839)> 


ACTE  II,  SCÈNE  III. 


4i9 


CLEANTHIS. 

Qu*appelle8-ta  sur  rien,  dis  ? 

80SIB. 

rappelle  sur  rien       1090 
Ce  qui  sur  rien  s'appelle  en  vers  ainsi  qu^en  prose  ; 
Et  rien,  comme  tu  le  sais  bien, 
Veut  dire  rien,  ou  peu  de  chose. 

CLÉANTHIft. 

Je  ne  sais  qui  me  tient,  infâme, 
Que  je  ne  t'arrache  les  yeux,  109  S 

Et  ne  t'apprenne  où  va  le  courroux  d'une  femme  '. 

SOSIB. 

Holà  !  d'où  te  vient  donc  ce  transport  furieux  ? 

CLÉANTHIS. 

Tu  n'appelles  donc  rien  le  procédé,  peut-être  \ 
Qu'avec  moi  ton  cœur  a  tenu  ? 

SOSIB. 

Et  quel  ? 

CLÉANTHIS. 

Quoi  ?  tu  fais  l'ingénu  ? 
Est-ce  qu'à  l'exemple  du  maître 
Tu  veux  dire  qu'ici  tu  n'es  pas  revenu  ? 

SOSIE. 

Non  :  je  sais  fort  bien  le  contraire  ; 
Mais  je  ne  t'en  fais  pas  le  fin  '  : 
Nous  avions  bu  de  je  ne  sais  quel  vin, 
Qui  m'a  fait  oublier  tout  ce  que  j'ai  pu  faire. 


1 100 


I  I  o5 


I.  Anger  rappelle  Ici  le  Noium,,,./ureiu  qmdfœnùna  potsit  de  Virgile  (au 
litie  V  de  V Enéide,  yert  6). 

a.  lioas  n*ayoiu  pat  besoin  de  faire  remarquer  combien  eette  coope,  par 
peut^itre^  à  la  fin  du  Ten,  a  de  force  dlronie. 

3.  Je  te  Tatoue  bonnement.  On  disait,  en  parlant  d'un  bomme,  en  faire  U 
fin^  d*nne  fismme,  en  faire  la  fine^  pour  distimaler^  cacher  quelque  choee 
(Tojes  le  Lexique  de  la  langue  de  Corneille^  tome  I,  p.  418)  ;  et  on  disait  le 
«ontraire,  n'en  pas  faire  le fia^n^en  pat  faire  la  fine  ^  pour  avouer  franchement^ 


^ 


I 


4ao  A&IPHITRYON. 

CLÉANTBIS. 

Tu  croîs  peut-être  excuser  par  ce  trait.... 

SOSl£. 

Nou,  tout  de  bon,  tu  m*en  peux  croire. 
J'étois  dans  un  état  où  je  puis  avoir  fait 

Des  choses  dont  j*aurois  regret,  1 1  lo 

Et  dont  je  n'ai  nulle  mémoire. 

CLÉAMTUIS. 

Tu  ne  te  souviens  point  du  tout  de  la  manière 
Dont  tu  m'as  su  traiter  S  étant  venu  du  port  ? 

SOSIE. 

Non  plus  que  rien*.  Tu  peux  m'en  faire  le  rapport  : 

Je  suis  équitable  et  sincère,  1 1 15 

Et  me  condamnerai  moi-même,  si  j'ai  tort. 

CLÉANTH1S. 

Comment?  Amphitryon  m'ayant  su  disposer'. 
Jusqu'à  ce  que  tu  vins  ^  j'avois  poussé  ma  veille; 
Mais  je  ne  vis  jamais  une  froideur  pareille  : 
De  ta  femme  il  fallut  moi-même  t'aviser  ';  i  i«o 

Et  lorsque  je  fus  te  baiser, 
Tu  détournas  le  nez,  et  me  donnas  l'oreille. 

dirt  sans  détour  une  chose.  Voici  de  cette   locution  les  deux  boni  exeapltf 
ehoisi»,  avec  celui  de  Molière,  par  M.  Littré  : 

N*eo  Tais  donc  point  la  fine  et  Talnement  ne  cache 
Ce  qu'il  faut,  malgré  toi,  que  tout  le  inonde  aacbe. 

(Régnier,  Dialogue  de  Cloris  et  Philia,  3*  couplet  de  Cloris.) 

Je  TOUS  embarrassai  :  n*en  faites  point  la  fine. 
(Comeilie,  le  Menteur^  acte  V,  scène  ▼!,  vers  1745,  Dorante  i  Clarice.) 

1.  Dont  tu  as  trouvé  moyen  de  me  traiter,  dont  tu  as  pu  me  traiter.  Poota* 
quelque  peu  explétif  ici  et  au  rers  1117,  voyez  ci-dessus,  la  note  da  Tcrs  717- 
a.  If  on  plus  que  rien,  au  sens  de  «  pas  du  tout.  » 

3.  M*ayant  par  sou  retour  préparé  au  tien  ;  ou,  simplement,  m*ayattt  vrttû 
de  ton  retour. 

4.  Nous  sommes,  arec  jusqu'à  ce  que,  plus  habitués  au  subjonctif;  naii, 
en  œ  sens,  rindlcatif  paraît  préfér.ible  :  «  jusqu^au  moment  oà  tu  ▼»>,  oà 
tu  es  Tenu.  » 

5.  T'aTiser  que  tn  arais  une  femme,  qu*eUe  était  H. 


ACTE  II,  SCÈNE  III.  iii 

■oaiB. 
Bon! 

CL^AHTBIS. 

Comment,  bon? 

B08IB. 

Mon  Dieu  !  lu  ne  sais  pas  pourquoi, 
Cléanthîs,  Je  tiens  ce  langage  : 
J'avols  mangé  de  l'ail,  et  fis  en  homme  sage  i  laS 

De  détoumei'  un  peu  mon  baleine  de  toi. 

CLÉÂirrais. 
Je  te  sas  exprimer  '  des  tendresses  de  cœur; 
Mais  à  tous  mes  discours  tu  fus  comme  une  soucbe  ; 
Et  jamais  un  mot  de  douceur 
Ne  te  put  sortir  de  la  boucbe,  1 1 3  o 

SOSIE*. 

Courage! 

CLÉANTEIS. 

Enfin  ma  flamme  eut  beau  s'émanciper, 
Sa  chaste  ardeur  en  toi  ne  trouva  rien  que  glace; 
Et  dans  un  tel  retour',  je  te  vis  la  tromper, 
Jusqu'à  faire  refus  de  prendre  au  lit  la  place 
Que  les  lois  de  l'hj'men  t'obligent  d'occuper.  1 1 3  S 

SOSIK. 

Quoi?  je  ne  couchai  point....* 

cl6&nthib. 

Non,  lâche, 
sosn. 

Est-il  possible? 


I.  Le  nu  pintt  id  bd  pca  plu  ûgnlflcitif  qn'iiii  nn  oà  nodi  arom  déjl 
rdnt  ta  mot,  miû  lanil'An  buucanp  eneon. 
>.  Soui,  àpari.  (1734.) 

3.  A  l'heure  d'un  rctonr  dont  aoii*  (aiiau  i&  4tra  ntonttnl*,  q<û  t'ittit 
uni  Eût  ittsndra. 

4.  An  liflu  du  pointt  npcCpi^  niirquAt  r^LJecnee,  qpe  noot  domui  d'*- 
prit  lu  iBcieiu  teitH,  J  j  ■  id,  «  qni  n'ot  pu  nfauuini,  mai*  bIcox  pnt- 
hn,  aipaiot  d'ûtOTogitioa  diu  l'édicieii  ds  1734. 


4»  AMPHITRYON. 

CLIÎANTHIS. 

Traitrei  il  n'est  que  trop  assuré  *. 
C'est  de  tous  les  affronts  Taffront  le  plus  sensible; 
Et  loin  que  ce  matin  ton  cœur  Tait  réparé. 

Tu  t*es  d*avec  moi  séparé  114* 

Par  des  discours  chargés  d'un  mépris  tout  visible* 

SOSIB*. 

nuat^  Sosie! 

CLÉANTHIS. 

Hé  quoi?  ma  plainte  a  cet  effet? 
Tu  ris  après  ce  bel  ouvrage  ? 

SOSIE. 

Que  je  suis  de  moi  satisfait! 

CLÉANTHIS. 

Exprime-t-on  ainsi  le  regret  d'un  outrage?  x  i45 

SOSIE. 

Je  n'auroîs  jamais  cm  que  j'eusse  été  si  sage. 

CLEANTHIS. 

Loin  de  te  condamner  d'un  si  perfide  trait, 
Tu  m'en  fais  éclater  la  joie  en  ton  visage  ! 

SOSIE. 

Mon  Dieu,  tout  doucement  !  Si  je  parois  joyeux, 
Crois  que  j'en  ai  dans  l'âme  une  raison  très-forte,  i  i5o 
Et  que,  sans  y  penser,  je  ne  fis  jamais  mieux 
Que  d'en  user  tantôt  avec  toi  de  la  sorte. 

GLÉAITTHIS. 

Traître,  te  moques-tu  de  moi  ? 

SOSIB. 

Non,  je  te  parle  avec  franchise. 
En  l'état  où  j'étois,  j'avois  certain  effroi,  1 1 5S 


t.  Cela  n'ait  qna  trop  aaturé. 
9.  Soua,  A  part,  (1734.) 

3.  C*ett,  avee  an  toat  autre  mm,  le  cti  de  IfaicarUIe  au  vert  794  àt 
rÉtomnli. 


ACTE  II,  SCÈNE  III.  4») 

Dont  avec  ton  discours  mon  âme  sVst  remise. 
Je  m'appréhendois  fort,  et  craignois  qu'avec  toi 
Je  n*eus8e  fait  quelque  sottise. 

CL^lHTHIS. 

Quelle  est  cette  frayeur?  et  sachons  donc  pourquoi 

80SI£. 

Les  médecins  disent,  quand  on  est  ivre,  t  x6o 

Que  de  sa  femme  on  se  doit  abstenir, 
Et  que  dans  cet  état  il  ne  peut  provenir 
Que  des  enfants  pesants  et  qui  ne  sauroient  vivre  *. 
Vois,  si  mon  cœur  n'eût  su  de  froideur  se  munir, 
Quels  inconvénients  auroient  pu  s'en  ensuivre!       i  t6S 

CLÉANTHIS. 

Je  me  moque  des  médecins. 

Avec  leurs  raisonnements  fades  : 

Qu^ils  règlent  ceux  qui  sont  malades, 
Sans  vouloir  gouverner  les  gens  qui  sont  bien  sains. 

Us  se  mêlent  de  trop  d*afiaires,  1 170 

De  prétendre  tenir  nos  chastes  feux  gênés  ; 

Et  sur  les  jours  caniculaires 
Ils  nous  donnent  encore,  avec  leurs  lois  sévères, 

De  cent  sots  contes  par  le  nez*. 

SOSI£. 

Tout  doux  ! 

CLÉANTHIS. 

Non  :  je  soutiens  que  cela  conclut  mal  :  1 1 7  S 
Ces  raisons  sont  raisons  d'extravagantes  têtes. 
Il  n'est  ni  vin  ni  temps  qui  puisse  être  fatal 
A  remplir  le  devoir  de  Tamour  conjugal; 


I.  Aag«r  rentoU  ici  an  cbapître  m  de  rÉducaiion  det  enfanuAt  Plutarqo» 
(qa'Amyot  a  intitulé  Comment  il  faut  nourrir  le*  ea/ant*). 

a.  lia  ont  sur  ce  «ujet  cent  lots  contes  dont  ils  nous  donnent  snr  le  net. 
M.  Littrè,  à  Partide  Nu,  4*,  traduit  «  donner  d*une  chose  sur  le  nés  »  par 
«  dire  quelque  chose  à  tort  et  à  trarers.  » 


4a4  AMPHITRYON. 

Et  les  médecins  sont  des  bêtes. 

SOSIB. 

G>ntre  eux,  je  t'en  supplie,  apaise  ton  courroux  :   iiSo 
Ce  sont  d^honnêtes  gens,  quoi  que  le  monde  en  dise. 

CUiAJfTHIS. 

Tu  n'es  pas  où  tu  crois  ;  en  vain  tu  files  doux  : 

Ton  excuse  n'es^  point  une  excuse  de  mise  ; 

Et  je  me  veux  venger  tôt  ou  tard,  entre  nous, 

De  Tair  dont  chaque  jour  je  vois  qu'on  me  méprise. 

Des  discours  de  tantôt  je  garde  tous  les  coups. 

Et  tacherai  d'user,  lâche  et  perfide  époux, 

De  cette  liberté  que  ton  cœur  m'a  permise. 

SOSIB. 

Quoi? 

CLÉANTHIS. 

Tu  m'as  dit  tantôt  que  tu  consentois  fort, 
Lâche,  que  j'en  aimasse  un  autre.  1 19<^ 

SOSIE. 

Ah!  pour  cet  article,  j'ai  tort. 
Je  m'en  dédis,  il  y  va  trop  du  nôtre  : 
Garde-toi  bien  de  suivre  ce  transport. 

CLBÂNTHIS. 

Si  je  puis  une  fois  pourtant 

Sur  mon  esprit  gagner  la  chose. ...  119^ 

SOSIB. 

Fais  à  ce  discours  quelque  pause  '  : 
Amphitryon  revient,  qui  me  paroit  content. 

I.  EflitOM'gn  là  pour  le  moment;  on  a  déjà  va  Texprenloii  mu  ▼«*  33(* 


ACTE  IL,  SCÈNE  IV. 


SCENE    IV. 
JUPITER,  CLÉANTHIS,  SOSIE. 

JUPITER  * . 

Je  *  viens  prendre  le  temps  de  rapaîser  Alcméne, 

De  bannir  les  chagrina  que  son  cœur  veut  garder, 

Et  donner  à  mes  feux,  dans  ce  soin  qui  m'amène, 

Le  doux  plaisir  de  se  raccommoder.* 

AIcmène  estlà>haut,  n'est-ce  pas? 

CLÉAIITHIS. 

Oui,  pleine  d'une  inquiétude 
Qui  cherche  de  la  solitude, 
Et  qui  m'a  défendu*  d'accompagner  ses  pas. 

JUFITER. 

Quelque  défense  qu'elle  aît  faite, 
Elle  ne  sera  pas  pour  moi. 

CLiinTHIS. 

Son  chagrin*,  à  ce  que  je  vol*, 
A  fait  une  prompte  retraite. 

I.  iTirmx,  i  forl,  (1734.) 

a.  Gn  quatre  pr«m!en  nr»  eomti>aDdaal  m  long  couplet,  fort  ili( 
daUrotrée  de  Jupiter  dioa  Pliutc  (aetelll,  trime  1,  nn  707-737). 

3.  ^  CUamtkU.  I,j3i.) 

j.  ■  Et  qui  ■  p*at  h  npport«r  à  Alenèiw;  miii  i!  pj 
BMOt  plut  ùmplfl,  quoique  d^un  tour  ptui  hirdi^  Je  le  nppartsr 
tnde  .. 

5.  .SCÈNE  T. 

Oiunm,  Son  ehigriu.  (1734.)  —  Tr>jm,  tar  U  tmt  du  pu»,  cldMnu, 
p.  149,  aote  1. 

C  As  R^ct  da  roi,  uu  (,  Toja  VtiUniaclitn  grummalitaU  dm  LnàfU  d* 
CânuilU,  p.  Lxn  et  um. 


h%0  AMPHITRYON. 


SCÈNE  V. 

CLÉANTHIS,  SOSIE 

80SIB. 

Que  dl»-tu,  Ciéanthis,  de  ce  joyeux  maintien ,  xa  i  a 

Après  son  fracas  effroyable? 

CL£AirrHI8. 

Que  si  toutes  nous  faisions  bien, 
Nous  donnerions  tous  les  hommes  au  diable. 
Et  que  le  meilleur  n*en  vaut  rien. 

SOSIB. 

Cela  se  dit  dans  le  courroux  ;  x  a  1 5 

Mais  aux  hommes  par  trop  vous  êtes  accrochées  ; 
Et  vous  seriez,  ma  foi  I  toutes  bien  empêchées, 

Si  le  diable  les  prenoit  tous  ^ 

CLBAIITHIS. 

Vraiment. . . . 

SOSIE. 

Les  voici.  Taisons-nous. 


SCÈNE  VI«. 

JUPITER,  ALCMÈNE,  CLÉANTHIS,  SOSIE. 

JUPITER. 

Voulez- VOUS  me  désespérer  ?  i%%a 

Hélas!  arrêtez,  belle  Alcmène. 


I.  Aatrs  anachronitme  plaiMmment  amené  par  le  tonr  proteibial  da 

12 13;  nous  trouToat  au  ren  1889  un  emploi  plus  eonlqae  «core  de  ee  mot 
diable^  ai  commun  et  de  sens  ti  yarié  dant  notre  langue. 

a.  Cette  acène  correspond  à  la  scène  u  et,  pour  les  derniers  ren  senlcDMBt 
(1433-1427),  à  la  scène  m  de  l'acte  UI  de  Plante  (Ters  728-^1,  et  803-819). 


ACTE  II,  SCÈNE  Yl.  4n 

▲LCMÈNB. 

Non,  avec  Fauteur  de  ma  peine 
Je  ne  puis  du  tout  demeurer. 

JUPITER. 

De  grâce.... 

▲LCMÈNB. 

Laissez-moi. 

JUPITER. 

Quoi...? 

▲LCMSIIE. 

Laissez-moi,  vousdis-je.. 

JUPITER. 

Ses  pleurs  touchent  mon  âme,  et  sa  douleur  m'afflige. 
Souffrez^  que  mon  cœur.... 

▲LCMÈNB. 

Non,  ne  suivez  point  mes  pas.. 

JUPITER. 

Où  voulez- vous  aller? 

▲LCMÈNB. 

Où  vous  ne  serez  pas  *. 

JUPITER. 

Ce  vous  est  une  attente  vaine. 
Je  tiens  à  vos  beautés  par  un  nœud  trop  serré. 
Pour  pouvoir  un  moment  en  être  séparé  :  ia3o 

Je  vous  suivrai  partout,  AIcmène. 

▲LCMÈNB. 

Et  moi,  partout  je  vous  fuirai. 

I.  JuRna,  bas^  à  part.  Ses  pleort,  etc.  {ifaut,)  Souffres.  (X7S4.) 
9.  DoB0  Elfire  fait  même  réponae  à  Dom  Garcie,  dam  U  acène  tc  d* 
l'aete  II  de  Dom  Garde  de  Ifavarre  (tome  U,  p.  aâg,  Ten  635)  : 

OOM  OAïai. 
.     .     .     .    Madame,  hélas!  où  fujes-Toos? 

OÙ  Toua  ne  aerea  point,  trop  odieux  jaloux. 

Moaa  anrona  à  rappeler  nn  peu  plua  loin  (au  Tera  |358)  on  long  passage  d* 
eetto  aeène  de  Dom  Gareie. 


4a8  AMPHITRYON. 

JUPITER. 

Je  suis  donc  bien  épouvantable  ? 

▲LCMÂNE. 

Plus  cpon  ne  peut  dire,  à  mes  yeux. 
Oui,  je  vous  vois  comme  un  monstre  efiEroyable, 
Un  monstre  cruel,  furieux, 
Et  dont  rapproche  est  redoutable, 
Comme  un  monstre  à  fuir  en  tous  lieux. 
Mon  cœur  souffre,  à  vous  voir,  une  peine  incroyable; 

Cest  un  supplice  qui  m*accable;  1240 

Et  je  ne  vois  rien  sous  les  cieux 
D'affireux,  d'horrible,  d'odieux. 
Qui  ne  me  fût  plus  que  vous  supportable. 

JUPITER. 

En  voilà  bien,  hélas!  que  votre  bouche  dit. 

ALCMÈNE. 

J'en  ai  dans  le  cœur  davantage;  1945 

Et  pour  s'exprimer  tout*,  ce  cœur  a  du  dépit 
De  ne  point  trouver  de  langage. 

JUPITER. 

Hé  !  que  vous  a  donc  fait  ma  flamme. 
Pour  me  pouvoir,  Alcmène,  en  monstre  regarder? 

▲LCMÈNE. 

Ah!  juste  Ciel!  cela  peut-il  se  demander?  isSo 

Et  n'est-ce  pas  pour  mettre  à  bout  une  âme*? 

JUPITER. 

Ah!  d'un  esprit  plus  adouci.... 

ALCMÈlfB. 

Non,  je  ne  veux  du  tout  vous  voir,  ni  vous  entendre. 


I.  lit  plupart  des  ancieniiM  éditîoiu,  y  oompris  cdle  de  1734,  diangant  en 
«  réanimer  »  le  réfléchi  «  t^esprimer,  •  ici  fort  diir,  que  donnent  le  texte 
original  et  celui  de  i6Sn. 

n.  Voyei,  pour  ce  tour,  ci-deMut,  p.  a35,  note  3. 


ACTE  II,  SCÈNE  VI.  429 

JUPITER. 

Avez-voas  bien  le  cœur  de  me  traiter  ainsi  ? 

Est-ce  là  cet  amour  si  tendre,  1 2  5  5 

Qui  devoit  tant  durer  quand  je  vins  hier  ici  ? 

▲LCMÈNE. 

Non,  non,  ce  ne  Test  pas;  et  vos  lâches  injures 

En  ont  autrement  ordonné. 
Il  nVst  plus,  cet  amour  tendre  et  passionné  ; 
Vous  Tavez  dans  mon  cœur,  par  cent  vives  blessures, 
Cruellement  assassiné. 

C'est  en  sa  place  un  courroux  inflexible, 
Un  vif  ressentiment,  un  dépit  invincible, 
Un  désespoir  d'un  cœur  justement  animé. 
Qui  prétend  vous  haïr,  pour  cet  affront  sensible,      1 965 
Autant  qu'il  est  d'accord  de  vous  avoir  aimé*  : 

Et  c'est  haïr  autant  qu'il  est  possible. 

JUPITER. 

Hélas  !  que  votre  amour  n'a  voit  guère  de  force. 

Si  de  si  peu  de  chose  on  le  peut  voir  mourir  ! 

Ce  qui  n'étoit  que  jeu  doit-il  faire  un  divorce*?      1*70 

Et  d'une  raillerie  a-t-on  lieu  de  s'aigrir? 

ALCMiNB. 

Ah  !  c'est  cela  dont  je  suis  offensée  ', 
Et  que  ne  peut  pardonner  mon  courroux. 
Des  véritables  traits  d'un  mouvement  jaloux 

I.  Autant  qu*il  aTOue  tous  avoir  aimé. 

9.  Doit-il  amener  une  séparation  de  nba  cœurs,  une  rupture  entre  nous  : 
▼oyei  ei-dessus,  p.  416,  note  i. 

3.  Dans  le  dialogue  beaucoup  plus  court  de  la  scène  latine  correspondante, 
k  Texcose  tout  aussi  légère  hasardée  par  le  Dieu  Alcmène  répond  en  un  slmpl* 
Ters,  mail  d*un  sentiment  profond  : 

jurma. 
•     ...     Si  quid  dietum'tt  /ter  jcmum^ 
Ifom  mquonCtt  ta  te  serio  pnevortier, 

ALCUMBNA. 

£g9  Uiud  soi»  quam  doimêrit  cordi  meo, 

(Plante^  rert  766-768.) 


43o  AMPHITRYON. 

Je  me  trouverois  moins  blessée.  1275 

La  jalousie  a  des  impressions 
Dont  bien  souvent  la  force  nous  entraine  ; 
'£t  rame  la  plus  sage,  en  ces  occasions. 
Sans  doute  avec  assez  de  peine    . 
Répond  de  ses  émotions  ;  1 9S0 

L*emportement  d'un  cœur  qui  peut  s*être  abusé 
A  de  quoi  ramener  une  âme  qu'il  offense  ; 

Et  dans  Tamour  qui  lui  donne  naissance 
Il  trouve  au  moins,  malgré  toute  sa  violence. 

Des  raisons  pour  être  excusé  ;  i  a  8  5 

De  semblables  transports  contre  un  ressentiment 
Pour  défense  toujours  ont  ce  qui  les  fait  naître, 
Et  Ton  donne  grâce  aisément 
A  ce  dont  on  n'est  pas  le  maître. 
Mais  que,  de  gayeté^  de  cœur,  1990 

On  passe  aux  mouvements  d^une  fureur  extrême. 
Que  sans  cause  Ton  vienne,  avec  tant  de  rigueur. 
Blesser  la  tendresse  et  l'honneur 
D'un  cœur  qui  chèrement  nous  aime, 
Ah!  c'est  un  coup  trop  cruel  en  lui-même,      1995 
Et  que  jamais  n'oubliera  ma  douleur. 

JUPITBR. 

Oui,  vous  avez  raison,  Alcmène,  il  se  faut  rendre: 
Cette  action,  sans  doute,  est  un  crime  odieux  ; 

Je  ne  prétends  plus  le  défendre  ; 
Mais  souffrez  que  mon  cœur  s'en  défende  à  vos  yeux, 

Et  donne  au  vôtre  à  qui  se  prendre 

De  ce  transport  injurieux. 

I.  Ifoos  «Tons  déjà  va,  à  la  6n  du  rers  1810  de  Dom  GareU  de  NoMtrre^ 
tome  n,  p.  3a6t  ce  root  de  gayetè  mesarê  en  trois  syllabe»,  oontrairemeot  i 
Tusage,  devenu  de  plus  en  plus  commun  depuis  le  commencement  du  dix-sep- 
tième siècle,  de  n*en  faire  qu*une  à^aye^  aie  au  coeur  dVn  mot,  particulière- 
ment dans  les  vers.  Voyex  M.  Ch.  Thurot,  de  la  Prononciation /raneaise  de- 
puis le  eommeneement  du  seizième  siècle^  lime  II,  chapitre  i,  tome  I,  p.  996- 


ACTE  II,  SCÈNE  VI.  43i 

A  vous  en  Taire  un  aveu  vériuble. 
L'époux,  Alcmène,  a  commis  tout  le  mal  ; 
C'est  l'époux  qu'il  tous  faut  regarder  eu  coupable.    1 3  a  S 
L'amant  n'a  point  de  part  à  ce  transport  brutal. 
Et  de  vous  offenser  son  cœur  n'est  point  capable  : 
Il  a  pour  vous,  ce  cœur,  pour  jamais  y  penser', 

Trop  de  respect  et  de  tendresse; 
Et  si  de  faire  rien  à  vous  pouvoir  blesser  1 1 1  a 

Il  avoit  eu  la  coupable  foiblesse. 
De  cent  coups  à  vos  yeux  il  voudroit  le  percer*. 
Mais  l'époux  est  sorti  de  ce  respect  soumis 

Où  pour  vous  on  doit  toujours  être; 
\  son  dur  procédé  l'époux  s'est  fait  connoître,        i  )  i  !> 
Et  par  te  droit  d'hymen  il  s'est  cru  tout  permis; 
Oui,  c'est  lui  qui  sans  doute  est  criminel  vers  vous  *, 
Lui  seul  a  maltraité  votre  aimable  personne  : 

Haïssez,  déteslejjlépojix. 

J'y  consens,  et  vous  l'abandonne.  ■  lao 

Mais,  Alcmène,  sauvez  l'aimanLde  ce  courroux 

Qu'une  telle  ofTense  vous  donne; 

N'en  jetez  pas  sur  lui  l'effet. 

Démêlez-le'  un  peu  du  coupable  ; 

Et  pour  être  enfin  équitable,  ■  i^S 

Ne  le  punissez  point  de  ce  qu'il  n'a  pas  fait, 

ALCHiNE. 

Ah!  toutes  ces  subtilités 
N'ont  que  des  excuses  frivoles, 

I.  PoajjjiBuuiHDMr.  (171B,  3o,33,  3(.) 

%.  L'aDUM  toudraii  la  pnon-,  —  Aprii  la  doolib  iDJai  :  Pâmant  «t  I»  aamr^ 
at  Vil  pricàdant,  qui  remplaça  /■  eœmr,  le  rapport  du  Kconil  il  aM  pimini- 
ticalamaol  ambigu  ;  il  i  »(S  à  l'aBtaor  qu'il  aa  trontlt  /KgligaiiuiMBt  dàlsr- 
inini  par  raaarnibla  dn  acai. 

3.  VajB  ei-dcMui,  wa  ren  %^^. 

^.  On  a  dàji  xa  d«a  naaiplai  de  c«tt«  tiiaip»  ><■  ''  •■••  >«•  •  ■  ■<  J-  i-'- 
i^fi,  433  at  74g  da  J- 


43a  AMPHITRYON. 

Et  pour  les  esprits  irrités 
Ce  sont  des  contre-temps  que  de  telles  paroles^.    i33o 
Ce  détour  ridicule  est  en  vain  pris  par  vous  : 
Je  ne  distingue  rien  en  celui  qui  m'offense. 
Tout  y  devient  Tobjet  de  mon  courroux. 

Et  dans  sa  juste  violence 
Sont  confondus  et  Tamant  et  Tépoux.  i335 

Tous  deux  de  même  sorte  occupent  ma  pensée, 
Et  des  mêmes  couleurs,  par  mon  âme  blessée, 

Tous  deux  ils  sont  peints  à  mes  yeux  : 
Tousdeux  sont  criminels,  tousdeux  m'ont^ffensée, 

Et  tousdeux  me  sont  odieux.  1 340 

JUPITER. 

Hé  bien  !  puisque  vous  le  voulez. 

Il  faut  donc  me  charger  du  crime. 
Oui,  vous  avez  raison  lorsque  vous  m'immolez 
A  vos  ressentiments  en  coupable  victime  ; 
Un  trop  juste  dépit  contre  moi  vous  anime,  i345 

Et  tout  ce  grand  courroux  qu'ici  vous  étalez 
Ne  me  fait  endurer  qu'un  tourment  légitime; 

C*est  avec  droit  que  mon  abord  vous  chasse. 

Et  que  de  me  fuir  en  tous  lieux 

Votre  colère  me  menace  :  i35o 

Je  dois  vous  être  un  objet  odieux. 
Vous  devez  me  vouloir  un  mal  prodigieux  ; 
Il  n'est  aucune  horreur  que  mon  forfait  ne  passe. 

D'avoir  offensé  vos  beaux  yeux. 
C'est  un  crime  à  blesser  les  hommes  et  les  Dieux*,     1 3  5  5 

I.  De  ttllet  paroles  Tiennent  &  contre-temps,  importunent  et  reToItcst. 
Corneille  avait  dit  dans  Ikm  Sanehe  (i65o,  aete  I,  scène  nr,  vers  3i3)  : 

Quittes  cet  contre- temps  de  froide  raillerie* 

oas  froides  railleries  tout  à  fait  hors  de  saUon. 

9.  IVons  ponctuons  ce  passage  comme  le  font  Tédilion  originale  et  tontes 
las  éditions  nnciennes  jusqu'à  celle  de  1733  indusiTement.  L'éditeur  de  1734 


ÂGTB  II,  SCÈNE  ?I.  413 

Et  je  mérite  enfin,  pour  punir  cette  audace. 
Que  contre  moi  votre  haine  ramasse 

Tous  ses  traits  les  plus  iîirieux.  ^ 

Mais  mon  cœur  vous  demande  ^ce  ; 
Pour  vous*  la  demander  je  me  jette  i  genoux,        1 36o 
Et  la  demande  au  nom  de  la  plus  vive  flamme, 

Du  plus  tendre  amour  dont  une  âme 

Puisse  jamais  brûler  pour  vous. 

Si  votre  cœur,  charmanDe  Âlcmène, 
Me  refuse  la  grace  où  j'ose  recourir,  i3a5 

[1  faut  qu'une  atteinte  soudaine  * 

M'arracne,  en  me  faisant  mourir. 

Aux  dures  rigueurs  d'une  peine 

Que  je  ne  saurois  plus  souffirir. 

Oui,  cet  état  me  désespère  :  1370 

Alcmène,  ne  présumez  pas' 


(non  oehi  de  1773)9  choqué  de  cette  constraction  où  ne  passe  »êfMn  Jôr/ait 
de  fon  complêinent  :  I^apoir  offensif  eoape  aiiui  les  ter»  1 

.     •     .     .    que  mon  ferfait  ne  pane; 
•     .    D'avoir  olbiité  vos  beaux  yeux, 
C*eat  an  crime  &  blesier  las  hommes  et  les  Dieux. 

La  phnae  perd,  crojons-noas,  pins  qu'elle  ne  gagne,  à  ce  sempnlo  mal  fondé  : 
an  temps  de  Moliire,  ces  rejets  du  régime  sont  loin  d*étre  chose  insolite, 
dies  les  meilleurs  aatenrs. 

I.  Molière,  poar  terminer  eette  scène,  a  transporté  ici,  sans  beanconp  de 
changements,  toute  la  fin  d'one  scène  de  Dom  Gareie  de  Navarre,  la  yi*  de 
l'acte  II.  Nous  renvofons  le  lecteur  aux  pages  371-374  de  notre  tome  U  :  il  y 
peut  lire,  rapprochée  des  5o  alexandrins  primitif  (^79-739),  les  63  rers  qui 
anlvent  (i36o-i433). 

3.  Atteinte  eoadaimêy  eonp  soudain.  Atteinte  remplace  iei  le  mot  temp  da 
Ters  686  de  Dom  Gareie» 

3.  Encore  nne  coupe  différente  dans  Tédition  de  1734  (mais  non  dans  celle 
de  1773,  qui  ponctue  comme  nous)  : 

Oui,  cet  état  me  désespère, 
Alcmène;  ne  piêsames  pas,  etc. 

Dans  le  texte  de  1683  et.oeox  qui  en  procèdent,  Alemène  est  entra  deax  vir- 
gnles,  et  le  Toeatif,  comme  assex  soprent  dans  nos  Tieilles  iaupfeasîooa,  peut  se 
rattacher,  an  gré  de  racténr,  soit  h  ce  qoi  préeède,  soit  i  ce  qni  sait, 

MoLtiBE.   T1  s8 


436  AMPHITRYON. 

Dire  qu^on  ne  sauroit  haïr^ 
N'est-ce  pas  dire  qn^on  pardonne  ? 

lUFITBR. 

Ah!  belle  Alcmène,  il  faut  que,  comblé  d'allégresse.... 

ÂLCMimB. 
Laissez  :  je  me  veux  mal  de  mon  trop  de  foiblesse. 

lUPrrBR. 
Va,  Sosie,  et  dépeclie-toi, 
Voir,  dans  les  doux  transports  dont  mon  ame  est  charmée. 
Ce  que  tu  trouveras  d*officiers  de  Tarmée, 

Et  les  invite  à  dîner  avec  moi.*  uiî 

Tandis  que  d*ici  je  le  chasse, 
Mercure  y  remplira  sa  place*. 


SCÈNE  VIL 

CLÉANTHIS,  SOSIE. 

SOSIB. 

Hé  bien!  tu  vois,  Cléanthis,  ce  ménage': 
Veux-tu  qu'à  leur  exemple  ici 
Nous  fassions  entre  nous  un  peu  de  paix  aussi,       u^o 
Quelque  petit  rapatriage  ? 

CLÉANTHIS. 

C^est  pour  ton  nez,  vraiment!  Cela  se  fait  ainsi. 

SOSIB. 

Quoi  ?  tu  ne  veux  pas  ? 

CUfAIfTBIS. 

Non. 

I.  Bas,  à  part,  {l'j^i.) 

9.  Mercure  remplira  sa  place.  (i6;4,  8a,  une  partie  da  tirage  de  i^Si) 
mais  non  1773.) 

3.  Tu  Toif  le  ménage  qn*ib  font;  ta  Toia  qu*ib  refont  bon  ménage,  et  aoi 
an  leni,  ancB  ordinaire  anjoord'hnt  dans  la  langoa  familière  :  «  ces  deo 
époos.  « 


ACTE  II,  SCÈNE  VU.  4)7 

M>8IB. 

Il  De  in*importe  gaère  : 
Tant  pis  pour  toi. 

CUSâHTB». 

La,  k*,  revien. 
8O6IB. 
Non,  morbleu  !  je  n*en  ferai  rien,  1 43  S 

Et  je  veux  être,  à  mon  tour,  en  colère. 

CLBÂlfTHIS. 

Va,  va,  tnutre,  laisse-moi  faire  : 
On  se  lasse  parfois  d'être  femme  de  bien. 


t.  Voyra  ei-d«wiM,  la  note  dn  Tert  f 36.  —  Dans  rêPÙH,  qnl  tnit,  romiinon 

da  Vê  n*6tt  point  ono  liocneo  :  Vannât  dit  daaa  tôt  Rêmar^mê*  sur  la  lamgMS 

yrattfoisâ  (1697)9  p.  3aa,  que,  des  deux  formes  visn  et  viâiu,  la  première  est 

In  plassidvie;  Thomas  Corneille,  dans  sa  note  {ibidem)  ^  préfère  la  seconde. 

Biebelet,  dans  son  Dietiùimairê^  ne  donne  que  men. 


Plir  DU  SICOND   ACTB. 


438  AMPHITRYON. 


ACTE  IIL 


SCÈNE  PREMIÈRE*. 

AMPHITRYON. 

Oui|  sans  doute  le  sort  tout  exprès  me  le  cache*, 
Et  des  tours  que  je  fais  à  la  fin  je  suis  las.  1 440 

Il  n*est  point  de  destin  plus  cmel^  que  je  sache  : 
Je  ne  saurois  trouver,  portant  partout  mes  pas. 

Celui  qu'à  chercher  je  m'attache. 
Et  je  trouve  tous  ceux  que  je  ne  cherche  pas  \ 
Mille  fâcheux  cruels,  qui  ne  pensent  pas  Tètre,       144$ 
De  nos  faits  *  avec  moi,  sans  beaucoup  me  connoître, 
Viennent  se  réjouir,  pour  me  faire  enrager. 
Dans  rembarras  cruel  du  souci  qui  me  blesse. 
De  leurs  embrassements  et  de  leur  aUégresse 
Sur  moQ  inquiétude  ils  viennent  tous  charger*.      xiS* 

En  vain  à  passer  je  m'apprête, 

Pour  fuir  leurs  persécutions, 


I.  Gttte  fcène  eoiratpond  &  h  seène  i  de  racto  IV  éa  Plaate  (▼»■  S55464)* 
9.  Mb  eadieeeliii  qaejecbaKhe  (ren  i443),  Im  bèrt  d'AIcmcoe  (ven  io56). 

3.  Énst0,  dam  Us  Fâckems*^  dit  de  même  des  important  qui  l'i 

Je  let  fuit,  et  les  troare  ;  et  pour  second  martyre, 
Je  ne  taoroia  troarer  eelle  que  je  deaire. 

{Neiê  d*Amg€r,) 

4.  De  noa  futa  de  gaerrc,  de  not  hauts  faita. 

5.  Càarger  rar.,..  aemble  ayoir  ici  le  sens  de  peter  smr.,,,  :  ila 
fidie  peaar  aur  mon  ftme  inquiète  l'ennui  de  leurs  embraaaementa....  Onpeer- 
rait  cependant  admettre  auaai  le  aens  à*attaUliri  dans  un  passage  tout  fr* 

•  Acte  n,  aeène  i,  Tcra  995  et  296  (tome  UI,  p.  57). 


ACTE  III,  SGÂNE  I.  489 

Leur  taante  amitié  de  tous  cotés  m'afrète  ; 
Et  tandis  qu'à  l*ardeur  de  leurs  expressions 

Je  réponds  d*un  geste  de  tète,  1 4SS 

Je  leur  donne  tout  bas  cent  malédictions. 
Ah  !  qu*on  est  peu  flatté  de  louange,  d'honneur, 
Et  de  tout  ce  que  donne  une  grande  victoire, 
Lorsque  dans  Tàme  on  soufire  une  vive  douleur! 
Et  que  Ton  donneroit  volontiers  cette  gloire^  1460 

Pour  avoir  le  repos  du  cœur! 

Ma  jalousie,  i  tout  propos. 

Me  promène  sur  ma  disgrâce^  ; 

Et  plus  mon  esprit  y  repasse, 
Moins  j'en  puis  débrouiller  le  foneste  chaos*.  1 4^S^ 

Le  vol  des  diamants  n'est  pas  ce  qui  m'étonne  : 
On  lève  les  cachets,  qu'on  ne  l'aperçoit  pas'; 
Mais  le  don  qu'on  veut  qu'hier  j'en  vins  faire  en  personne 
Est  ce  qui  fait  ici  oion  cruel  embarras. 
La  nature  parfois  produit  des  ressemblances  1470 

Dont  quelques  imposteurs  ont  pris  droit  d'abuser; 
Mais  il  est  hors  de  sens^  que  sous  ces  apparences 
Un  homme  pour  époux  se  puisse  supposer, 
Et  dans  tous  ces  rapports  sont  mille  différences 
Dont  se  peut  une  femme  aisément  aviser.  1495 


mUier,  aa  Ten  i685  de  PÉUmnli^  Molièr»  a  employa  charger  tur,.,.  tomm» 
la  bagne  militaire  emploie,  &  Taetif,  dkarger^  an  sent  de  ê€  précipiter^  fimitê^ 

D*abord  il  a  diarigé  n  bien  mu*  let  ineort,     .     .    • 
Qa'à  rheore  qoe  je  parle  iU  tont  encore  en  6iite. 

I .  Fait  parcooiir  &  ma  penaée  toutes  les  cireoaatancct  de  ma  diagrftee. 
a.  Nof  andennet  éditiona,  même  eelle  de  i734,éeriYent,  lauf  une  (169a  B}«. 
«cAeir.  qnl  est  aniti  Torthographe  de  Ricbelet  (1680). 

3.  De  telle  manière  qu'on  ne  l'aper^t  paa.  Nona  aTona  déjà  m  ce  qme 
iquÎTalent  de  Ul  que  on  de  tellement  que,  «  Je  anis  dans  une  colère,  qoe  je 
ne  me  sens  pas,  »  dit  Pancrace  dans  la  scène  zr  dn  Mariage  forcé  (tome  IV,. 
p.  M). 

4.  Il  est  incompréhensible,  inadmissible. 


/l4o  AMPHITRYON. 

Des  charmes  de  la  Tbessalie 
On  vante  de  tout  temps  les  menreilleuz  effets'  ; 
Mais  les  contes  fameux  qoi  partont  en  sont  (aits^ 
Dans  mon  esprit  toujours  ont  passe  pour  folie; 
Et  ce  seroit  du  sort  une  étrange  rigueur^  uSo 

Qu*au  sortir  d'une  ample  victoire 

Je  fusse  contraint  de  les  croire, 

Aux  dépens  de  mon  propre  honneur*. 
Je  veux  la  retater'  sur  ce  ftcheux  mystère. 
Et  voir  si  ce  n'est  point  une  vaine  chimère  titi 

Qui  sur  ses  sens  troublés  ait  su  prendre  crédit. 

Ah!  fasse  le  Gel  équitable 

Que  ce  penser  soit  véritable. 
Et  que  pour  mon  bonheur  elle  ait  perdu  Te^rit  ! 


I.  hnckarmemrt  de  la  Thetnlie  éuimt  e^lèbret  dani  raadqaité  ;  FAiBpki- 
trjon  et  Piaule  te  croit  le  jooet  de  Tan  d*eiis  : 

Ego  pol  iiimm  tUeiscar  hoiiê  Thtttalum  wtHêfiemm^ 
Qui  yervorte  periurbanljkmilim  metUem  mem. 

(Acte  IV,  Mèae  t,  ^en  io63  et  1064.) 

Voîô  ecMBBMBt  en  paxie  Mine  dana  tott  livre  XXX,  diapitre  u  :  «  Piieaae 
B*a  dit....  CB  quel  lempt  (/a  magie)  aTait  pané  ches  let  fcmmea  tJMiniH*  aafi, 
qui  longtemps  ont  tenri  de  ranioni  dant  noa  eontréea....  Ceitea  je  ni*ctaaae 
qne  le  renom  de  magie  ae  soit  attaché  aux  llieMaUena  d'Âdiille,  ai  bien  qae 
Ifènandre,  mm  rival  dans  lea  connaiiaancea  littérairea,  a  intitulé  ThêtâtMend 
oAe  comédie  repréflentant  lea  cérémonies  mjstérieosca  par  Icaqudles  des  (mî- 
mes faisaient  descendre  la  lune  sur  la  terre.  >  {Traiftiction  de  M,  Littré,) 

9 Vtimmm  ne  pf  henefretig  kodie  fmaiom^ 

^deis,  uxorem^/mmiliem  emm/orma  mmmpvdmemi 

(Plante,  aete  IV,  sc^m  n,  vers,  inleipoléa,  914  et  çiS.) 

3.  Notre  exemple  est  le  seul  que  If.  Littré  donne  de  retêter  dans  ee  sa* 
figuré. 


ACTE  III,  SCÈNE  II.  441 


SCÈNE  Ih. 

MERCURE,  AMPHITRYON. 

MERCURE  *. 

Comme  Tamour  ici  ne  m'offre  aucun  plaisir,  1490 

Je  m'en  veux  faire  au  moins  qui  soient  d'autre  nature, 

Et  je  vais  égayer  mon  sérieux  loisir 

A  mettre  Amphitryon  hors  de  toute  mesure. 

Cela  n'est  pas  d^un  Dieu  bien  plein  de  charité'; 

Mais  aussi  n'est-ce  pas  ce  dont  je  m'inquiète,         1495 

Et  je  me  sens  par  ma  planète 

A  la  malice  un  peu  porté  ^« 


I.  Dans  cette  scène,  le  premier  couplet  de  Mercure  répond  &  la  leine  nr  de 
Tacte  m  de  Plante  (vert  83o-854)  ;  le  premier  vers  d'Amphitryon,  au  derw 
nien  vert  (864-866)  de  la  tcène  i  «le  l'acte  lY  dn  poëte  latin;  la  tnite,  ponr  la 
plu  grande  partie,  répond  &  la  icène  n  de  ce  même  acte  lY,  aux  Tert  867- 
917,  mais  dont  les  premiers  seuls  (867-880)  sont  authentiques  :  cette  dernière 
acèneî  h  principale,  celle  que  Molière  a  surtout  imitée,  très-librement,  comme 
l*aTait  déjà  £sit  Rotron,  appartient  presque  tout  entière,  ponr  tout  son  dérelop- 
pement,  an  long  passage  (rers  88i-xo54)  que,  ponr  remplir  une  lacune  éri- 
dente,  l*nn  des  premiers  éditeurs,  celui  de  1 5o6,  a  ajouté  an  texte  de  Plante. 

9.  MnCDBi,  </an#  U  haleon  de  la  maison  d^ Amphitryon,  (i68a.)  —  Mn- 
cumi,  sur  U  Meon  de  la  mtûswt  d^ Amphitryon^  sans  être  wn  ni  entendu  par 
jâmphitrjron,  { 1 734.) 

3.  Cette  plaisanterie  d*un  dieu  plein  de  charité  a  ponr  pendant  le  diem 
diable  du  Ters  1889. 

4.  Anger  se  demande  aTCc  quelque  hésitation  si  le  dieu  entend  parler  de  la 
planète  qui  porte  son  nom,  ou  de  quelque  autre  dont,  comme  nn  simple 
aortel,  il  aurait  subi  l'ascendant.  U  est,  sans  aucune  difficulté,  ce  semble, 
question  de  la  première.  Dans  le  Prologue^  Mercnre  et  la  Nuit  phisantent  sur 
laa  attribttU  invariables  que  leur  ont  asdgnés  les  poètes  de  la  Terre;  id  le 
Merenre  de  Molière  se  moque  aTee  la  même  gaieté  ironique  et  ioeptîqoe  de 
la  prétandoe  influence  emcée  par  Taetre  qne  les  Dienn  on  les  hommes  Ini 
ont  donné  i  régir;  Aoger  dit  que  cette  influence  passait  pour  être  Cnt  ma- 
ligne. An  temps  de  Molière,  l'astrologie  n'était  pae  tout  il  fait  morte  encore, 
et  i  eonsnllsr  le  plus  réeent  Tnlgariasteur  de  la  science,  celui  qui  Tenait  d'en 
dire  le  dernier  mot  dans  son  Âetrologia  gallica^  le  prolÎMeear  royal  Jean- 
Baptiste  Moria,  on  toit  que  considérant  en  son  action  sur  nous  le  Merenre 


44a  AMPHITRYON. 

▲MPBITRYOM^. 

D*où  vient  donc  qu*4  cette  heure  on  fenne  cette  porte? 

MKECVRB. 

Holi!  tout  doucement!  Qui  frappe? 

AMPHITRTOIf. 

Moi. 

MESCUAB. 

Qui,  moi?' 

AMPHITRYON*. 

Ah  !  ouvre  *. 

IIBRCVRB. 

Comment,  ouvre  ?  Et  qui  donc  es-tu,  toi. 
Qui  fais  tant  de  vacarme  et  parles  de  la  sorte  ? 

AMPHITRYON. 

Quoi?  tu  ne  me  connois  pas? 

MBRCURB. 

Non, 
Et  n*en  ai  pas  la  moindre  envie  *• 

eélcftt,  il  le  caracteriMit  par  r^itbàto,  entre  aotret,  de  wafrifieus^^  •  qai 
rend  malin,  ruaé  »  ;  e*est  donc  bien  la  planète  dont  on  pourait  le  pins  nat»- 
rellement  imaginer  qa*émanait  dm  le  divin  Soaie  (comme  Plante  TappeDe)  b 
fine  scélérateise  qu*il  met  dans  tes  actes  et  aet  paroles. 

1.  AwrnmToir,  ^ajw  voir  Mtreure.  (1734.)  —  Cette  indication  mat  portée 
nn  pen  plus  bas,  devant  le  premier  Mai  dn  vers  suivant,  dans  Tédition  de  1 77}. 

2.  Amputatoh,  apercevant  Mercure,  quHl  prend  pour  Soeie»  (1734*) 

3.  MBRCCBIUS. 

QmU  ad/creie  êst? 

AMVHmUO. 

f  Ego  eum. 

vucuiiua. 

Qnû/  ego  tum? 

AMPHITIIJO. 

Ita  ioquor. 
(Plante,  vers  867.) 

4«  âMMOTBIOir. 

Connoia-Cn  qoi  te  parie?  et  aais-tn  qui  je  anis? 

Mincuni. 
Ni  je  ne  te  eonnois,  ni  ne  te  Teox  eonnoitre. 

(Rotron,  neu  IV,  scène  n.) 


*  Page  398  dn  m>s  In-folio  intitulé  Astiolooia  oalliga....  opéra  ei  etmdêa 
Joannie  BapHttm  Vermt....  Doetons  medici  et  Parisii*  regii  matkn — ' — 


ACTE  III,   SCENE  II.  44^ 

▲MPHITRTOll^ 

Tout  le  monde  perd-il  aujourd'hui  la  raison  ? 

Est-ce  un  mal  répandu?  Sosie,  holà!  Sosie!  i$o$ 

MBRCURE. 

Hé  bien!  Sosie  :  oui,  c*est  mon  nom; 
As-tu  peur  que  je  ne  Toublie*? 

ÀMPHlTRYOïr. 

Me  vois-tu  bien  ? 

MBRCUBB. 

Fort  bien.  Qui  peut  pousser  ton  bras- 
A  faire  une  rumeur  si  prande  ? 
Et  que  demandes-tu  là-bas  ?  1 5 1  a. 

AMPHITRYON. 

Moi,  pendard  !  ce  que  je  demande'  ? 

MBRCURB. 

Que  ne  demandes-tu  dotac  pas  ? 
Parle,  si  tu  veux  qu'on  t'entende*. 

1.  AmwmmYomt  à  yart.  (1734.) 

s«  AMPHrrauo. 

Scsia/ 

Ita  tum  Sosîa,  nisi  m*  eut  oblitum  êxUtumag. 

(Plaute,  Ten  S70.) 
3.  MBicvmt. 

Quid  nmne  ni? 

AMmiTftlJO. 

Sceisste,  at  «tiam  quid  vêlim,  id  tu  mê  rogat? 

(VflrtS7i.} 

4.  AXPBITKTOV. 

Sone? 

MUCIURB. 

Eh  bien?  e'att  moi  :  enim-ta  qa«  je  roublle  ? 
Adirre,  que  Teas-ta  ? 

AMTBmTOir. 

Traltr»,  ce  qae  je  Tmix? 

MBRCUIB. 

Qae  ne  Tcox-ta  donc  point?  Réponde-moi  si  ta  veux. 

^otroa,  aete  IV,  loène  n.) 

ProfuMniê  (la  Haye,  1661];  rédition  était  posthume,  Morin  éunt  mort  e«' 
1696  :  e*est  ee  médecin,  maûiématicien  et  astrologue,  qui  avait  été  chargé  de- 
tirer  l'horoscope  da  fiitur  roi  Louis  XIY. 


444  AMPHITRYON. 

AMPHITRYON. 

Attends,  traître  :  avec  un  bâton 

Je  vais  li«haut  me  faire  entendre,  1 5i5 

Et  de  bonne  façon  t  apprendre 

A  m'oser  parler  sur  ce  ton. 

MBICURB. 

Tout  beau!  si  pour  heurter  tu  fais  la  moindre  instance, 
Je  t^envoirai  d'ici  des  messagers  fâcheux. 

AMPHITRYON. 

O  Gel!  vit-on  jamais  une  telle  insolence  ?  1 5so 

La  peut-on  concevoir  d'un  serviteur,  d'un  gueux  ? 

MSRCURB. 

Hé  bien!  qu'est-ce?  M'as-tu  tout  parcouru  par  ordre? 
M'as-tu  de  tes  gros  yeux  assez  considéré? 
Comme  il  les  écarquille,  et  paroît  effaré! 

Si  des  regards  on  pouvoit  mordre,  1 5i5 

Il  m'auroit  déjà  déchiré. 

AMPHrrRYON. 

Moi-même  je  frémis  de  ce  que  tu  t'apprêtes, 

Avec  ces  impudents  propos. 
Que  tu  grossis  pour  toi  d'effi*oyables  tempêtes  ! 
Quels  orages  de  coups  vont  fondre  sur  ton  dos^!    1 53o 

MERCURE. 

L'ami,  si  de  ces  lieux  tu  ne  veux  disparaître, 
Tu  pourras  y  gagner  quelque  contusion. 

AMPHITRYON. 

Ah!  tu  sauras,  maraud,  à  ta  confusion, 

Ce  que  c'est  qu'un  valet  qui  s'attaque  à  son  maître. 


lUIlCOAB. 

Eh  bSenl  m'at-tu,  ttapide,  Maec  comidéré? 
Si  ron  mugeoit  det  yeux,  il  m'auroit  détoié. 

AMrBnUTOIl. 

Qnel  onig«  de  coups  tb  plenroir  sur  ta  tête! 
Moi-même  j*ai  pitié  des  maux  que  je  t*apprlte. 

(RotroB,  acte  IV,  sciDe  n.) 


ACTE  III,  SCÈNE  II.  44$ 

MBRCURE. 

Toi,  mon  maître  *  ? 

âmphitryoii. 
Oai,  coquin.  M'oses-tu  méconnaître? 

IIVRCIIRB. 

Je  n*en  reconnois  point  d'autre  qn* Amphitryon*. 

▲MPHITRTON. 

Et  cet  Amphitryon,  qui,  hors  moi,  le  peut  être? 

MBRCURB. 

Amphitryon? 

AMPHITRYON, 

Sans  doute. 

MBRCURB. 

Ah  !  quelle  vision  ! 
Dis-nous  nn  pen  :  quel  est  le  cabaret  honnête 

Où  tu  t*es  coiffé  le  cerveau'?  i  540 

AMPHITRYON. 

Comment?  encore? 


I.  AMnoraToir. 

Hiierable  «it  le  terf  qoi  s'attiqiM  h  ton  mattre. 

MBACCmi. 

Toi  mon  maître? 

(Rotroo,  «ete  IV,  aoàneu.) 

9 PrmUr  AmfhUrtMnêm^  kêrmm  gnopî  neminem. 

(Plaute,  Tertf  interpolé,  894.) 

3.  «  On  dit....  Ggurément  qu'wn  homme  et  coiffe^  qu*t7  €Mt  aui  à  coi/jfer, 
pour  dira  qn*il  boit  trop,  qu*on  l*a  trop  bit  boire.  »  [Dittionnaire  de  VÂcq" 
démit,  16940  L'expression  de  eoifftr  ton  htaumt,  qui  a  été  notée  dans  le 
Glottairt  de  VAncitn  théâtre  francait  de  la  collection  Jannet  (tome  IX, 
p.  14S),  se  rapproche  darantage  encore  de  IVx pression  de  Molière,  Voici  le 
passage  où  elle  se  lit;  il  est  emprunté  k  C Eugène  de  Jodelle  (i55a,  acte  III, 
seéne  x,  tome  IV  dn  même  Aneitn  thédtrt,  p.  45);  un  des  personnages  dit 
d^noe  femme  qu'il  Ta  troarée  k  table  et 

Dis  rbeara  asses  bien  abreavée; 
Car  j'ai  bien  cooiiu  au  répondre 


Q«'0Ue  aVoit  eoilK  son  faeanme*. 
*  Sa  prononçait  Aa-owne  t  TOjas  M,  Uttré,  article  Hiadmb,  i*. 


446  AMPHITRYON. 


MXRCOllB. 

Étoit-ce  un  vin  à  faire  fôte^  7 

▲MrHITRYOM. 


Gel! 


Étoit-il  vieux,  ou  iMMivemi? 

AMFHimYOll. 

Que  de  coupe! 

Le  nouveau  donne  fort  dans  la  tête, 
Quand  on  le  veut  boire  sans  eau. 

AMPHITRYON. 

Ah  I  je  t'arracherai  cette  langue  sans  doute*.  1 54S 

MBRCUIIX. 

Passe,  mon  cher  ami',  crois-moi  : 

Que  quelqu'un  ici  ne  t'écoute. 
Je  respecte  le  vin  :  va-t'en,  retire-toi, 
Et  laisse  Amphitryon  dans  les  plaisirs  qu'il  goûte. 

AMPHITRYON. 

'Gomment  Amphitryon  est  là  dedans  ? 

MBRCURB. 

Fort  bien  :    i55o 
*Qui,  couvert  des  lauriers  d'une  victoire  pleine. 

Est  auprès  de  la  belle  Alcmène, 
A  jouir  des  douceurs  d'un  aimable  entretien. 
Après  le  démêlé  d'un  amoureux  caprice, 

I.  A  faite  im  régal,  un  tIb  comme  on  en  boit  ans  grands  joars,  qoaad oi 
•cttâm  nne  £§te,  an  m  de  fik«.  «  Je  toU  ici  on  banqnet  à  faire  noeet«  "  ^ 
Mme  Jourdain,  k  la  icène  u  de  Taete  IV  du  Bourgmis  gentilkonuiu, 

a.  Mereore  dit  k  Soeie  dana  Rotrou  (acte  I,  scèise  m)  : 

J*aiTaclienii,  pendard,  eette  langne  effrontée, 
.«•  qui  répond  an  Ten  iga  de  Plante  (acte  I,  eeène  i)  s 

Ego  tihi  ittam  kodU  êeeUttam  eam/mmam  iingmmm, 
3.  Mon  panTre  ami.  (i68a,  1734.] 


ACTE  m,  BCÈJiE  II.  447 

Us  goûtent  le  plaisir  de  s'être  rajustés*  1 55& 

Garde-toi  de  troubler  leurs  douces  privautés, 

Si  tu  ne  veux  qu'il  ne*  punisse 

L^excès  de  tes  témérités. 


SCÈNE  IIP. 

AMPHITRYON». 

Ah!  quel  étrange  coup  mVt-il  porté  dans  râmel 
En  quel  trouble  cruel  jette-t-il  mon  esprit  !  1 5«» 

Et  si  les  choses  sont  comme  le  traître  dit^ 
Oix  vois-je  ici  réduits  mon  honneur  et  ma  flamme  ? 
A  quel  parti  me  doit  résoudre  ma  raison  ? 
Ai-je  réclat  ou  le  secret  à  prendre*? 
Et  dois-je,  en  mon  courroux,  renfermer  ou  répandre 

Le  déshonneur  de  ma  maison  ? 
Ah  !  faut-il  consulter  *  dans  un  afiront  si  rude  ? 


1 .  Ce  Hê,  au  moiiu  iaatile  «près  aa  que  dépendant  [de  im  reiur,  a  de  qaoî 
«tonner,  tortoot  daat  un  tempt  oà  ploa  d'an  inelinait  plotAt  à  omettre  cette 
particole  n^ative  même  après  des  mots  eomme  de  peur,  craindre,  empêcher^ 
et  presque  tooi,  ee  qnî  est  encore  notre  assez  commun  usage,  après  ne  pas 
€ra{ndre,  né  pas  empêcher  i  Toyec  la  note  de  Th.  ComeiUe  snr  les  Remarques 
de  FamgefaSf  p.  739.  —  Au  fond,  l*idée  est,  ee  qui  rend  quelque  raison  do 
■e  :  «  Si  ta  ne  toux  craindre,  aroir  è  craindre  qu*il  ne  punisse.  » 

3 .  Cette  scène  et  la  soirante  réunies  répondent  k  la  scène  m  qni  a  été 
interpolée  dans  Kacte  IV  de  Plaute  (rera  9x8-990).  Dans  la  pièce  latine,  Sosie 
n*a  été  ehar^  d'inritor  et  n^amène  que  le  pilote  Blépharon.  Aotrou,  roulant, 
eomuM  ici  Molière,  un  peu  plus  d'appareil,  dit  eonroquer  par  Jupiter  tont 
ee  qal  reste  au  port  de  cbefii  de  Tarmée,  et  ee  sont  trois  d'entre  eux,  dans 
la  première  imitation  française,  qu'Amphitryon  voit  inopinément  paraître 
nvee  Soaie,  an  lieu  de  deux  seulement  eomme  dans  notre  scène  !▼• 

3.  AMPUTRTOif,  seul.  (1734.) 

4.  Ài-je  à  prendre  le  parti  de  l'éclat  ou  du  secret,  dioisira»je  de  fiiire  un 
^clat  on  de  garder  le  secret,  de  ren/ermer,  eomme  il  Ta  dire  an  vers  suivant, 
OMMS  déshonneor  ?La  ooneision  est  grande  et  eet  emploi  de  prendre  parait  très- 
bardi,  tout  clair  qu'il  est. 

5.  Faut-il  délibérer? 


448  AMPHITRYON. 

Je  n'ai  rien  à  prétendre^  et  rien  à  ménager; 
Et  toute  mon  inquiétude 
Ne  doit  aller  qu*à  me  venger.  1 570 


SCÈNE  IV. 

SOSIE,  NAUCRATÈS,  POLIDAS,  AMPHITRYON. 

80SIB*. 
Monsieur,  avec  mes  soins  tout  ce  que  j*ai  pu  iSure, 
C'est  de  vous  amener  ces  Messieurs  que  voici. 

AMPHITRYON. 

Ah!  vous  voilà'? 

SOS». 

Monsieur. 

AMPHITRYON. 

Insolent  !  téméraire  ! 

SOSIB. 

Quoi? 

AMPHITRYON. 

Je  VOUS  apprendrai  de  me  traiter  ainsi  ^« 

I.  Je  nV  Hea,  ou,  peut-être  plutôt,  je  ti*iiî  mo jen  de  Ciire  Taloîr  •nprè* 
d*autrai  aucone  prétention,  de  demander  auenne  réparation. 

1.       AMPHITaYOH,    tOSTB,  HAUCRATES  et   P01.IDAS  dwu  U  /cnd  du 

théâtre, 
SouE,  à  jimyhitrjro».  (X734.) 

3.  Cet  m  Ah  Toot  ToUi  1  •  a'adreaae,  trtc  le  vomt  ironique,  eomflae  le  vtrs 
i574f  kSorieseol.  Amphitryon  n'attend  nallement  et  n'aper^t  pat  eneerr 
les  deux  olBeiwi  (voyet,  dans  la  note  préeédente,  Ten-téte  mis  h  cette  scèv 
par  réditenr  de  1734). 

4.  «  Un  poète  que  l'hiatus  géoe,  demande  Anger,  peut-il  tabatitaer  vwe 
préposition  i  une  autre  ?  n  II  n'y  avait  pas  lieu  k  la  question  :  on  Toit  (Ud* 
le  Dictionnaire  de  M,  lÀttré  (à  Vkietorifme  d'AmniDM  et  à  la  remêrfu  > 
sur  ce  mot)  qu'à  l'exemple  de  plusieurs  prosateurs  du  seizième  sièele,  Toitvrr 
et  Bossuet  ont  ainsi  employé  après  ce  Terbe  de  an  lieu  de  d. 


ACTE  Illt  SCÈNE  IV.  449 

80SIB. 

Qa*est-ce  donc  ?  qu*avez-yous  ? 

AMPHITRYON. 

Ce  que  j'ai,  misérable? 

SOSIE. 

Holà!  Messieurs,  venez  donc  tôt. 

NAUCRATÈS^ 

Ah!  de  grâce,  arrêtez. 

SOSIE. 

De  quoi  suis-je  coupable  ? 

AMPHITRYON. 

Tu  me  le  demandes,  maraud  ?  * 
Laissez*moi  satisfaire  un  courroux  légitime. 

SOSIE. 

Lorsque  Ton  pend  quelqu'un,  on  lui  dit  pourquoi  c'est. 

NAUCRATÈS*. 

Daignez  nous  dire  au  moids  quel  peut  être  son  crime. 

SOSIE. 

Messieurs,  tenez  bon,  s'il  vous  plaît. 

AMPHITRYON. 

Comment?  il  vient  d'avoir  l'audace 
De  me  fe;:mer  ma  porte  au  nez  ^, 
Et  de  joindre  encor  la  menace  i  5  8  5 

A  mille  propos  effrénés  !  ' 
Ah,  coquin! 

SOSIE. 

Je  suis  mort. 


I.  AiiPBiTETOir,  mettant  Vipie  à  la  main. 

Ce  \a!t  j^ai,  mûénble? 
Soau,  à  Naueratè*  et  à  Polidas, 
Holà  !  Metsieurs,  Tenos  donc  t6t. 

Naucbatcs,  à  Amphitryon,  (1734.) 

a.  J  Naueratè*,  {Ibidem.)  —  3.  NAuCRATii,  à  Amphitryon,  (Ibidem.) 

4.  De  me  fermer  la  porte  au  nés.  (1683,  97,  17 10,  18,  3o,  33,  34.) 

5.  Mettant  Vépée  à  la  main%  (1734.)  ^  Roulant  lejrapper,  (1773.) 

MOLlisR.    TT  39 


45o  AMPHITRYON. 

Calmez  cette  colère. 

80SIB. 

Messieurs. 

POLIDAS'. 

Qu'est-ce  ? 

SOSIB. 

M'a-t-il  frappé? 

▲MPHITRTOlf. 

Non,  il  faut  qu^il  ait  le  salaire 
Des  mots  où  '  tout  à  Theure  il  s'est  émancipe.         i  59a 

SOSIB. 

Comment  cela  se  peut-il  faire. 
Si  j'étois  par  votre  ordre  autre  part  occupé  ? 
Ces  Messieurs  sont  ici  pour  rendre  témoignage 
Qu'à  dîner  avec  vous  je  les  viens  d'inviter. 

nauceàtbs. 
Il  est  vrai  qu'il  nous  vient  de  faire  ce  message,        1 59S 
Et  n'a  point  voulu  nous  quitter. 

ÂMPHrniYoïf. 
Qui  t'a  donné  cet  ordre  ? 

SOSIB. 

Vous. 

AMPBITRTON. 

Et  quand? 

SOSIE. 

Après  votre  paix  faite, 
Au  milieu  des  transports  d'une  âme  satisfaite 

D'avoir  d'Alcmène  apaisé  le  courroux.*  t6oo 

I.  Sons,  tamboHi  à  genams. 

I«  rais  mort. 

NAocKAiis,  à  Ampkiiryùm.  (1734.) 

a.  PouDAfl,  à  Satie,  [Ibutem,] 

3.  Auxquels,  jiuqu*aiixqaels 

4.  SotU  M  rtUvt  (1734.) 


ACTE  III,  SCÈNE  IV.  /»5i 

AMPHITRYON. 

O  Ciel  !  chaque  instant,  chaque  pas 
Ajoute  quelque  chose  à  mon  cruel  martyre  ; 
Et  dans  ce  fatal  embarras, 
Je  ne  sais  plus  que  croire,  ni  que  dire. 

HAUCRATBS. 

Tout  ce  que  de  chez  vous  il  vient  de  nous  conter  1 6o5 

Surpasse  si  fort  la  nature, 
Qa*avant  que  de  rien  faire  et  de  vous  emporter, 
Vous  devez  éclaircir  toute  cette  aventure. 

AMPHITRYON. 

Allons  :  vous  y  pourrez  seconder  mon  effort. 
Et  le  Gel  à  propos  ici  vous  a  fait  rendre  ^  1610 

Voyons  quelle  fortune  en  ce  jour  peut  m*attendre  : 
Débrouillons  ce  mystère,  et  sachons  notre  sort. 

Hélas!  je  brûle  de  l'apprendre. 

Et  je  le  crains  plus  que  la  mort.* 


SCÈNE  V». 

JUPITER,  AMPHITRYON,  NAUCRATÈS 

POLIDAS,  SOSIE. 

JUPITER. 

Quel  bruit  à  descendre  m*oblige  ?  1 6 1 5 

Et  qiii  frappe  en  maître  oii  je  suis  ? 


I.  Vont  a  fait  toos  rendre,  ellipse  ordinaîra  du  pronom  aTec  le  terbe  réflé» 
ehi  aecompagni  an /aire, 

a.  Amfhitryftn  frappe  à  la  porte  de  ta  maUon.  (1734.) 

3.  Cette  seène  encore  correspond  à  une  aoène  interpolée  de  la  comédie  latine, 
eelle  dont  on  a  fait  la  ir*  de  l'acte  !V  de  Plante  (vera  991-1054);  mais,  comme 
on  l*a  TU  plus  haut,  à  la  Notice,  p.  341,  la  leène  de  Molière  diffère  beaucoup 
de  la  leine  latine.  Dans  celle-ci,  «  au  lien  des  deux  capitaines  Naneratès  et 


45a  AMPHITRYON. 

▲MPHITRYOlf. 

Que  vois-je  ?  justes  Dieux  ! 

NAUCRÂTàS. 

Ciel!  quel  est  ce  prodige? 
Quoi  ?  deux  Amphitryons  ici  nous  sont  produits  ! 

AMPHlTRYOll*. 

Mon  âme  demeure  transie; 
Hëlas!  je  n*en  puis  plus  :  Taventure  est  à  bout,     1620 
Ma  destinée  est  éclaircie, 
Et  ce  que  je  vois  me  dit  tout. 

NAUCRATÀS. 

Plus  mes  regards  sur  eux  s'attachent  fortement, 
Plus  je  trouve  quVn  tout  Tun  à  Tautre  est  semblable. 

sosie'. 
Messieurs,  voici  le  véritable;  i6s$ 

L'autre  est  un  imposteur  digne  de  châtiment  '. 

Polidas,  dit  Auger,  il  11*7  a  toujoun  que  le  pilote  Blépharon,  derant  qui  AmpU- 
tryon  et  Jupiter  s^injurientj  se  prennent  à  la  gorge,  et  finitient  par  faire  Tilolr 
leur*  rations....  Blépharon,  pria  pour  arbitre...,  interroge  d*abord  Aaiplii- 
tryon  tnr  certaine!  cireonataneet  tecrètea  qui  ont  précédé  le  combat.  Anpbi- 
tryon....  et....  Jupiter  paraissent  également  bien  informés  Tun  et  Tsatre  do 
choses  qu^un  seul  dcTrait  saToir.  Cette  scène  a  TinconTénient  de  répéter  eeUe 
où  Mercure  se  montre  si  bien  instruit  de  ce  qne  Sosie  a  fait  seul  et  ssas  té' 
moin  ;  et  elle  la  répète  si  exactement,  que  la  plaisanterie  {reprodtûte par  UM* 
aux  vers  507  et  5o8)  :  «  On  n*7  peut  dire  rien,  s'il  n*était  dans  la  boateiUe,*  >7 
trouTC  emplbyée  de  nouveau  avec  un  simple  changement  dans  les  termes.  «  L* 
scène  ainsi  critiquée  n*est  pas  de  Plaute,  nous  Tavons  rappelé  d^abord  ;  die  o'est 
en  eflet  qu'une  sorte  de  faux  pendant  à  la  première  scène  du  comique  Istis, 
rendu  précisément  suspect,  malgré  quelques  traits  heureux,  par  une  imiti- 
tion  trop  symétrique,  et  qui  ne  remplit  qu'à  la  première  vue  le  lidt  kC 
dans  les  manuscrits.  —  Rotrou  n'a  pas  demandé  an  spectateur  de  rire  dest 
fois  du  même  mot;  chex  lui,  Jupiter  ne  prend  pas  Amphitryon  au  collet; c'est 
répée  à  la  main  qu'il  feint  de  le  défier;  mais  chex  lui,  comme  chexTintapo* 
lateur,  il  7  a  retour  d'une  situation  dont  il  était  bien  difficile  de  rariver  Viir 
térét  (voyex  ci-dessus  la  Notice^  p.  335). 

I.  AMPHiTRTOir,  à  part.  (1734.) 

a.  So9iKf  passant  du  cSté  de  J^nier,  [Ibidem.) 

3.  lilie  qui 

Ex  mdibuSj  heru*st,'  hic  vero  ¥ene ficus, 

(Plaute,  vers,  interpolés,  9^  et  997.) 


ACTE   III,   SCÈNE  Y.  453 

POLIDA8. 

Certes,  ce  rapport  admirable 
Suspend  ici  moa  jugement. 

AMPHITRYOn. 

C'est  trop  être  éludés  *  par  un  fourbe  exécrable  : 

Il  faut,  avec  ce  fer,  rompre  Tenchantement.  i63o 

NAVCRÂTÂS*. 

Arrêtez. 

▲MPHITRTOlf. 

Laissez-moi. 

IfÀUCRATÂS. 

Dieux  !  que  voulez-vous  faire  ? 

AMPHITRYON. 

Punir  d'un  imposteur  les  lâches  trahisons. 

JUPITER. 

Tout  beau!  Temportement  est  fort  peu  nécessaire; 

Et  lorsque  de  la  sorte  on  se  met  en  colère, 

On  fait  croire  qu'on  a  de  mauvaises  raisons.  i635 

SOSIB. 

Oui,  c'est  un  enchanteur  qui  porte  un  caractère' 
Pour  ressembler  aux  maîtres  des  maisons. 

AMPHITRYON*. 

Je  te  ferai,  pour  ton  partage. 
Sentir  par  mille  coups  ces  propos  outrageants'. 


t.  tin  jooéf  !  eompares,  pour  1«  tens  de  ee  mot,  qui  rvrieiit  ô-aprèt 
è  la  aoène  tk  de  l'aete  III  de  George  DamUn^  leTera  683  de  P Étourdi, 
%»  IfAUcaiATàs,  à  Amphiirjron  qui  a  mis  Vépée  à  la  main,  (1734.) 

3.  Talisman.  M.  de  Voitare,  dir  Piaehéne*,  «  sVst  trooTi  poarm  par  la  na- 
ture de  lettres  de  CiTear,  et  de  je  ne  sais  quel  caractère  qui  l'a  lait  chérir  et  ho- 
norer des  plus  grands,  au  delà  de  sa  condition.  »  Molière  a  employé  le  mot,  an 
mime  sens,  k  la  fin  de  la  scène  ri  de  Pacte  111  de  Monsieur  dé  Potu-eeaugnae^  ' 

4.  AimnTiiToir,  à  Sosie.  (  1 734 .  ) 

5.  Ici  rinterpolatear  de  Plaute  a  troaTe  un  trait  plaisant.  A  Tinsnlte  de  Sa« 
aie,  qui  le  traite  également  d*enchatttear  ou  empoisonneur,  Amphitryon  i4* 

•  Dans  nn  aTertissement  au  Lecteur  pour  la  seconde  édition  (i65o)  daa 
flsoTres  de  Voiture  son  oncle,  f*  i  ij  r*. 


454  AMPHITRYON. 

SOBIB. 

Mon  maître  est  homme  de  courage,  1640 

Et  ne  souffrira  point  que  Ton  batte  ses  gens. 

AMPHITRYOlf. 

Laissez- moi  m'assouvir  dans  mon  courroux  extrême, 
Et  laver  mon  affront  au  sang  d*un  scélérat  ^. 

IIAUCRATES'. 

Nous  ne  souffrirons  point  cet  étrange  combat 

D'Amphitryon  contre  lui-même.  1645 

AMPHITRYON. 

Quoi?  mon  honneur  de  vous  reçoit  ce  traitement? 
Et  mes  amis  d'un  fourbe  embrassent  la  défense  ? 
Loin  d^être  les  premiers  à  prendre  ma  vengeance', 
Eux-mêmes  font  obstacle  à  mon  ressentiment? 

HAUCRATÂS. 

Que  voulez- vous  qu'à  cette  vue  i65o 

Fassent  nos  résolutions, 

Lorsque  par  deux  Amphitryons 
Toute  notre  chaleur  demeure  suspendue  ? 
A  vous  faire  éclater  notre  zèle  aujourd'hui, 
Nous  craignons  de  faillir  et  de  vous  méconnoître.  i655 

pond  par  des  coups  ;  Joplter  Interrieitt  et  ainii  engage  directement  la  qoerelk 
avee  Amphitryon  ;  mais  d*abord  il  ordonne  à  Sosie  de  rentrer  dans  la  maiioB 
et  d*7  faire  hAter  le  dtner  ;  TeselaTe  se  retire,  nii  de  Toir  son  mettre  et  k 
double  de  son  mettre  aux  prises  :  «  Je  rentre,  dit-Il  (vers  1008  et  lOOçj.Voitt 
on  Amphitryon  qui  m*a  bien  la  mine  de  préparer  à  Tantre  Amphitryon  le  luhd 
doux  accueil  que  m*a  fait,  ce  matin,  à  moi  Sosie,  Vautre  Sosie,  Feutre  bmh.  » 
T.  Pour  cet  emploi,  alors  si  fréquent,  de  à  au  Uen  de  lUnt,  eomparss  ei- 
apris  le  Tcrs  1894*  et  ee  Ters  de  VÈcoU  <Uê  maris  (acte  1,  scène  n,  ws  i5i« 
tome  II,  p.  368)1 

Et  quand  nous  nous  mettons  quelque  chose  à  la  tête.... 

a.  IlAUCEATis,  arrêtant  Amphitrjûn,  (1734.) 

3.  Prendre  en  main,  épouser,  partager  mon  désir  de....  Pour  ce  toortfee 
prendre^  eomptrez  ces  Ters  de  Phibminte  à  Chrysale  (acte  II,  scène  Tl,  ^ 
Femmes  savantes)  : 

«     .     .     .     Et  TOUS  devez  en  raisonnable  époux 
Être  pour  moi  contre  elle  et  prendre  mon  courroux. 


ACTE  III,  SCÈNE  Y.  455 

Nous  voyons  bien  en  vous  Amphitryon  paroître, 
Du  salut  des  Thëbains  le  glorieux  appui; 
Mais  nous  le  voyons  tous  aussi  paroître  en  lui, 
Et  ne  saurions  juger  dans  leque]  il  peut  être. 

Notre  parti  n*est  point  douteux,  1 660 

Et  rimposteur  par  nous  doit  mordre  la  poussière  ; 
Mais  ce  parfait  rapport  le  cache  entre  vous  deux  ; 

Et  c*est  un  coup  trop  hasardeux 

Pour  Tentreprendre  sans  lumière. 

Avec  douceur  laissez-nous  voir  166 5 

De  quel  côté  peut  être  Timposture  ; 
Et  dès  que  nous  aurons  démêlé  Taventure, 
Il  ne  nous  faudra  point  dire  notre  devoir. 

JUPITER. 

Oui,  vous  avez  raison;  et  cette  ressemblance 

A  douter  de  tous  deux  vous  peut  autoriser.  1670 

Je  ne  m*ofiense  point  de  vous  voir  en  balance  : 

Je  suis  plus  raisonnable,  et  sais  vous  excuser. 

L'œil  ne  peut  entre  nous  faire  de  différence. 

Et  je  vois  qu'aisément  on  s'y  peut  abuser. 

Vous  ne  me  voyez  point  témoigner  de  colère,        1675 

Point  mettre  Tépée  à  la  main  : 
C'est  un  mauvais  moyen  d'éclaircir  ce  mystère, 
Et  j'en  puis  trouver  un  plus  doux  et  plus  certain. 

L'un  de  nous  est  Amphitryon  ; 
Et  tous  deux  à  vos  yeux  nous  le  pouvons  paraître.  1680 
C'est  à  moi  de  finir  cette  confusion  ; 
Et  je  prétends  me  faire  à  tous  si  bien  connaître. 
Qu'aux  pressantes  clartés  de  ce  que  je  puis  être. 
Lui-même  soit  d'accord  du  sang  qui  m'a  fait  naître. 
Il  n'ait  plus^  de  rien  dire  aucune  occasion.  168 5 

C'est  aux  yeux  des  Thébains  que  je  veux  avec  vous 

I.  Et  n*ait  plot.  (tSSa,  1734.) 


456  AMPHITRYON. 

De  la  vérité  pure  ouvrir  la  connoissaiice*  ; 
Et  la  chose  sans  doute  est  assez  d*importance. 

Pour  affecter  la  circonstance* 

De  réclaircir  aux  yeux  de  tous.  1 690 

Alcmène  attend  de  moi  ce  public  témoignage  : 
Sa  vertUf  que  Téclat  de  ce  désordre  outrage. 
Veut  qu'on  la  justifie,  et  j'en  vais  prendre  soin. 
C'est  à  quoi  mon  amour  envers  elle  m'engage; 
Et  des  plus  nobles  chefs  je  fais  un  assemblage*      1 69 s 
Pour  l'éclaircissement  dont  sa  gloire  a  besoin. 
Attendant  avec  vous  ces  témoins  souhaités, 

Ayez,  je  vous  prie,  agréable 

De  venir  honorer  la  table 

Où  vous  a  Sosie  invités.  1 700 

SOSIB. 

Je  ne  me  trompois  pas.  Messieurs,  ce  mot  termine 
Toute  l'irrésolution  : 
Le  véritable  Amphitryon 
Est  l'Amphitryon  où  l'on  dine  *, 

AMPHITRYON. 

O  Ciel!  puis- je  plus  bas  me  voir  humilié?  1705 


I .  Expression-  oeaTe  et  plus  TiTe  que  celles  d*êearter  Ut  9ciUs  de»»^  à^ 
couvrir f  manifester^  produire  au  jour, 

a.  Poar  rechercher  Toccasion.  Fontenelle,  dans  one  phrase  de  ioin  Élegf 
de  Dodart  que  cite  M.  Littré,  a  bien  nettement  donné  à  aj/eetarït  sens  qn? 
a  ici  :  «  Il  aimoit  à  emprunter  et  à  faire  Taloir  leurs  idées  {les  idées  des 
autres)^  et  il  auroit  plut6t  affecté  que  manqué  Toccasion  de  leor  en  tendre 
une  espèce  d*hommage.  »  {Œuvres  de  Fontenelle,  1758,  tome  V,  p.  a  10.) 

3.  Le  sens  du  mot  assemblage^  qui,  le  pins  souvent,  se  dit  en  pariant  de 
choses,  est  bien  déterminé  id  par  son  complément.  Ci-dessns,  p.  a94jdaasnn- 
troduction  au  livret  du  Sicilien  (xxr*  entrée  du  Ballet  des  Mmses)^  ee 
nom  désigne  k  lui  seul,  et  sans  régime,  des  réunions  on  groupes  de 
nages.  Dans  la  dernière  scène  du  Bourgeois  gentilhomme^  an  3*  eoapbl, 
Mme  Jourdain  emploie  le  mot  par  mépris,  au  sens  soit  d'étrange  assemblée,  soit 
d*étrange  alliance  :  voyes  la  scène  indiquée.  Au  1 1*  couplet  de  la  aeène  ▼  de 
Tacte  m  de  George  Dandin^  Clitandre  lui  donne,  avec  un  régime  comme  ià| 
la  signification  dUndigne  on  étrange  unioo. 

4.  Sor  ces  deux  derniers  vers,  voyea  ci-dessas  la  Notice^  p.  3391  et  333. 


ACTE  III,  SCÈNE  Y.  45? 

Quoi?  faut-il  que  j'entende  ici,  pour  mon  martyre, 
Tout  ce  que  l'imposteur  à  mes  yeux  vient  de  dire, 
Et  que,  dans  la  fureur  que  ce  discours  m'inspire, 
On  me  tienne  le  bras  lié  ? 

Vous  VOUS  plaignez  à  tort.  Permettez-nous  d'attendre 
L'éclaircissement  qui  doit  rendre 
Les  ressentiments  de  saison. 

Je  ne  sais  pas  s'il  impose; 

Mais  il  parle  sur  la  chose 

Comme  s'il  avoit  raison.  1 7 1 5 

AMPHITRYON. 

Allez,  foibles  amis,  et  flattez  l'imposture  : 
Thèbes  en  a  pour  moi  de  tout  autres  que  vous  ; 
Et  je  vais  en  trouver  qui,  partageant  l'injure. 
Sauront  prêter  la  main  à  mon  juste  courroux. 

JUPITER. 

Hé  bien  !  je  les  attends,  et  saurai  décider  1720 

Le  différend  en  leur  présence. 

AMPHITRYON. 

Fourbe,  tu  crois  par  là  peut-être  t'évader; 

Mais  rien  ne  te  sauroit  sauver  de  ma  vengeance. 

JUPITER. 

A  ces  injurieux  propos 

Je  ne  daigne  à  présent  répondre  ;  1795 

Et  tantôt  je  saurai  confondre 

Cette  fureur,  avec  deux  mots. 

AMPHITRYON. 

Le  Ciel  même,  le  Ciel  ne  t'y  sauroit  soustraire, 
Et  jusques  aux  Enfers  j'irai  suivre  tes  pas. 

JUPITER. 

Il  ne  sera  pas  nécessaire,  1730 

I.  IfAUCftAiis,  à  Ampkkryom.  (1734.) 


458  AMPHITRYON. 

Et  l*on  verra  tantôt  que  je  ne  (îiirai  pas*. 

AMPHITRTOll*. 

Allons,  couronsi  avant  que  d'avec  eux  il  sorte, 
Assembler  des  amis  qui  suivent  mon  courroux, 

Et  chez  moi  venons  à  main  forte, 

Pour  le  percer  de  mille  coups.'  1735 

JUPITBE. 

Point  de  façons*,  je  vous  conjure  : 
Entrons  vite  dans  la  maison. 

NÂUCRATÀS. 

Certes,  toute  cette  aventure 

I.  Que  je  ne  toÎTrai  pas*  (1674  et  i68s,  Mais.) 
a.  AnniTAToir,  à  part.  (1734.) 

3.  «  Itttqa*à  rapparidon  de  Jupiter  soos  ta  réritable  fonne,   dit  Ao^, 
a  pièce  de  Molière  cesse  tout  à  fait  de  ressembler  à  celle  de  Plaate.  Diaf 

•oelle-ci,  Blèpbaron,  au  lieu  dVntrer  pour  prendre  sa  part  du  dîner  anqu^  il 
a  été  conTiè,  dit  qu*il  a  des  affaires,  et  laisse  là  les  deux  Amphitryons  s*ae- 
•corder  entre  eux,  sUls  le  peurent.  Jupiter  rentre  dans  la  maiion,  parée  qa^es 
ee  moment  AIcmène  accoucbe;  et  Amphitryon,  de  son  c6té,  vent  y  rentrer 
aussi  pour  tuer  tout  le  monde.  »  Mais  la  foudre  éclate  et  le  renTcrse  inssiiac 
près  dn  seuil  ;  la  comédie  tourne  an  tragique;  c^est  le  Dieu  tonnant,  tout  ea- 
tooré  d*édairs,  qui,  cette  fois,  s*est  montré  à  AIcmène,  De  la  maison,  qa*oa  a 
vue  s'ébranler  et  sUlIuminer,  sort  une  esclave  effarée  ;  elle  aperçoit  son  malbe 
•et  réussit  à  le  réTcUler  de  sa  stupeur.  Le  Tieillard  (car  tout  Taillant,  jalooi  et 
emporté  que  Plante  nous  a  d*abord  montré  Amphitryon,  il  a  fait  de  lai  on  Tieai 
mari),  le  Tieillard  se  releTC  à  grand*peine;  le  conp  de  foudre  aemble  Tafoir 
quelque  pen  hébété,  Ta  du  moins  dépouillé  de  tout  caractère  héroïque;  c'at 
lui,  et  non  Sosie,  qui  égayé  la  fin  de  la  pièce;  il  écoute  stupéfait  TesclsTe  de 
sa  femme  lui  faisant  le  récit  des  prodiges  qui  Tiennent  de  signaler  la  déiinaaa 
d^Alcmène  et  la  naissance  des  deux  jumeaux,  doot  Tun,  Hercule,  a  été  reconaa 
fils  de  Jupiter  par  la  grande  Toix  du  Dieu  lui-même.  Le  souTerain  maître  de 
r Olympe  s^est  manifesté  dans  sa  toute-puissance.  Amphitryon  est  loin  de  le 
révolter  contre  elle,  et  d'accord,  on  peut  le  croire,  aTcc  les  sentiments  dei 
spectateurs,  il  déclare,  d'un  ton  de  très-bonne  humeur,  qu'il  n'a  garde  de  k 
plaindre  du  partage  de  bien  qu'a  touIu  Jupiter  ;  il  se  dispose  même  à  lui  offrir 
un  sacrifice,  quand,  annoncé  par  son  tonnerre,  le  Dieu  Tient  l'en  dispenier, 
justifier  encore  AIcmène,  la  recommander  à  son  mari,  et  leur  promettre  à 
tous  sa  faTCur. 

4.  SCÈNE  VI. 

JUPITBB,  KAUCBATÈ8,  POLIDA8,  S08IB. 

Point  de  façons.  (1734.)  ^  Point  de  façon.  (1773.) 


ACTE  III,  SCÈNE  Y.  459 

0>nfoiid  le  sens  et  la  raison. 

SOSIE. 

Faîtes  trêve,  Messieurs,  à  toutes  vos  surprises,       1740 

Et  pleins  de  joie,  allez  tabler*  jusqu'à  demain.* 

Que  je  vais  m'en  donner,  et  me  mettre  en  beau  train 

De  raconter  nos  vaillantises  ! 

Je  brûle  d'en  venir  aux  prises  ', 

Et  jamais  je  n'eus  tant  de  faim.  1745 


SCÈNE  vr. 

MERCURE,   SOSIE. 

MERCURE. 

Arrête.  Quoi?  tu  viens  ici  mettre  ton  nez. 
Impudent  fleureur'  de  cuisine? 

SOSIE. 

Ah!  de  grâce,  tout  doux! 


I.  Le  Dietiomnairê  de  M,  Liîtri  ne  donne  de  tabler ^  dant  le  leni  de  «  tenir 
Ubie,  »  qae  ce  seal  exemple.  Il  ne  te  trooTe  pas  ayec  cette  aceeption  dans 
cens  dn  dlz-Mptième  siècle.  L*Académie  ne  l'admet  dans  aacane  de  ses  éditions. 

a.  Seul.  (17340 

3.  D*atUquer  les  plaU,  les  mets.  Voyez,  chex  M.  Littré,  Tarticle  Pain,  6*. 

4.  SCÈNE  VU.  (1734.) 

—  ni  cette  scène  ni  la  suiTsnte  n'existent  dans  Y  Amphitryon  de  Plante; 
mais  elles  sont  dans  les  Sosie»  de  Rotroa  (acte  F,  scène*  I  et  IF),  où  Molière 
en  a  pris  l'idée.  {Note  d*Auger.)  —  11  7  a  là  nne  preuTe  à  ajouter  à  celles  qui 
sont  données  dans  la  Notice  (p.  33a-334)  d'emprunts  faits  h  Rotroa,  et  non 
par  les  deux  poètes  au  comique  latin. 

5.  Flairenr.  (1733,  34.)  —  Sur  les  deux  tovmtïï  flairer  tl  fleurer,  Toyez, 
tome  II,  p.  365,  la  note  au  vers  114  de  V École  des  maris,  i  laquelle  on 
peut  ajouter  que  TAcadémie,  dans  sa  i'*  édition  (1694),.  écrit  elle-même 
fleure  dans  un  des  exemples  de  son  article  Flairxr  ;  et  que,  dans  les  suirantes, 
7  compris  la  dernière  (1878],  elle  a  un  double  article,  Flaxhib,  Fliueer,  et 
n'attribue  à  la  seconde  forme  que  le  sens  de  «  répandre  une  odeur,  »  ce  qnl 
ne  s*aecorde  pas  arec  la  valeur  que  Molière  donne  ici  an  substantif  dérivé 
fieureur. 


46o  AMPHITRYON. 

MBRCURB. 

Ah  !  vous  y  retournez  ! 
Je  vous  ajusterai  Téchine. 

SOSIE. 

Hélas!  brave  et  généreux  moi,  1950 

Modère-toi,  je  t'en  supplie. 
Sosie,  épargne  un  peu  Sosie, 
Et  ne  te  plais  point  tant  à  frapper  dessus  toi^ 

MERCURE. 

Qui  de  t'appeler  de  ce  nom 

A  pu  te  donner  la  licence?  17$$ 

Ne  t'en  ai-je  pas  fait  une  expresse  défense. 
Sous  peine  d'essuyer  mille  coups  de  bâton  ? 

SOSIE. 

C'est  un  nom  que  tous  deux  nous  pouvons  à  la  fois 

Posséder  sous  un  même  maître. 
Pour  Sosie  en  tous  lieux  on  sait  me  reconnaître  ;    1760 

Je  souffre  bien  que  tu  le  sois  : 

Souffre  aussi  que  je  le  puisse  être. 

Laissons  aux  deux  Amphitryons 

Faire  éclater  des  jalousies  ; 

Et  parmi  leurs  contentions,  1 7^^ 

Faisons  en  bonne  paix  vivre  les  deux  Sosies. 

MERCURE. 

Non  :  c'est  assez  d'un  seul,  et  je  suis  obstiné 
A  ne  point  souffrir  de  partage. 

SOSIE. 

Du  pas  devant  sur  moi  tu  prendras  l'avantage  *  ; 


I.  Comparas  ee  panage  de  Rotroa,  acte  V,  aeène  i  : 

....     Epai^ne*moi,  de  grâce. 
Sosie,  hélai  I  ta  main  sur  toi-même  se  lasse. 
Ta  frappes  sur  Sosie.  Arrête,  épargne-toi. 

a.  Ta  prendras  sor  moi  PaTantage  du  pas  devant.  Avoir,  prtmdrë  ntr  fi^ 
qu^un,  céder  à  fuelqu'tui  le  paê  devant  étaient  des  locntions  très  eaploy^ 


ACTE  III,  SCÈNE  Vf.  461 

Je  serai  le  cadet,  et  tu  seras  l^aînë.  1970 

MBRCURB. 

Non  :  un  frère  incommode,  et  n*est  pas  de  mon  goût, 
Et  je  veux  être  fils  unique. 

SOSIB. 

O  cœur  barbare  et  tyrannique  ! 
Souffire  qu'au  moins  je  sois  ton  ombre. 

MEBCURB. 

Point  du  tout. 

SOSIE. 

Que  d'un  peu  de  pitié  ton  âme  s^humanise  ;  1775 

En  cette  qualité  souffre-moi  près  de  toi  : 
Je  te  serai  partout  une  ombre  si  soumise, 
Que  tu  seras  content  de  moi. 

MERCURE. 

Point  de  quartier  :  immuable  est  la  loi. 
Si  d'entrer  là  dedans  tu  prends  encor  Taudace,       1780 
Mille  coups  en  seront  le  fruit. 

SOSIB. 

Las  !  à  quelle  étrange  disgrâce. 
Pauvre  Sosie,  es-tu  réduit  ! 

MERCURE. 

Quoi  ?  ta  bouche  se  licencie 
A  te  donner  encore  un  nom  que  je  défends  ?  1 7  8 1» 

SOSIE. 

Non,  ce  n'est  pas  moi  que  j'entends. 
Et  je  parle  d'un  vieux  Sosie 
Qui  fut  jadis  de  mes  parents, 
Qu'avec  très-grande  barbarie, 
A  l'heure  du  dîner.  Ton  chassa  de  céans.  1790 

(royale  Lexique  de  la  langue  de  Corneille^  tome  II,  p.  16a);  la  Meonde 
l*eit  aa  figuré  dana  le*  Femmes  eavaniee;  Bèliae  7  dit  à  Chryaaie  (aete  II, 
Tn): 

L*esprit  doit  aar  le  eorpt  prendre  le  paa  devant. 


46a  AMPHITRYON. 

MBECURI. 

Prends  garde  de  tomber  dans  cette  frénésie, 
Si  tu  veux  demeurer  au  nombre  des  vivants. 

SOSIE*. 

Que  je  te  rosserois,  si  j'avois  du  courage, 
Double  fils  de  putaiu*,  de  trop  d'orgueil  enflé  ! 

MSRCURB. 

Que  dis-tu? 

SOS». 

Rien. 

MBICURB. 

Tu  tiens,  je  crois,  quelque  langage. 

50SIB. 

Demandez'  :  je  n*ai  pas  souflSé. 

MERCURE. 

Certain  mot  de  fils  de  putain 
A  pourtant  frappé  mon  oreille. 
Il  n*est  rien  de  plus  certain. 

SOSIE. 

C Vst  donc  un  perroquet  que  le  beau  temps  réveille .  i  s  o  » 

f.  Soêo^àpmri,  (1734.) 

a.  Ce  mot,  répété  aa  peu  plus  loin  et  qai  est  «mû  dans  Momsiemr  d^ 
Pimrceaufnae  (acte  II,  leèae  vm),  B^offentait  éTidemment  pae  trop  les 
oreillet  des  eontemporaiiia  de  Molière.  Il  a  été  employé  par  Perrot  d*AbUa- 
eowt  dans  sa  tradaetioo  de  Lueien,  dédiée  à  Conrait,  et  eatreprîae  beaaeo»p 
plos  poar  Famonr  des  leetaors  et  leetriees  da  monde  qne  poar  l'naoar  dm 
grec  ;  il  se  tronve,  sans  que  le  teste  Tappelât  par  ton  énergie,  piédsément  «en 
la  fin  da  dialogue  de  Mereore  et  dn  Soleil  qai  a  été  (d-dcsaos,  p.  338  et  339) 
mentionné  à  la  IfotUe  (rojes  tome  I,  1673,  p.  66,  de  l'édition  corrigée  et 
rcTue  par  Paateor  aTant  sa  mort,  eomme  il  est  dit  à  la  suite  do  Priiilége). 
L*Âcadémie,  dans  sa  première  édition  (1694)1  l*enregistre  sans  obserratioB; 
dans  sa  seeonde  (17 18),  die  ajoute  :  «  terme  malhonnête.  »  —  11  est  à  re- 
marquer que  nos  anciennes  éditions  antérienrcs  à  1734  réunissent  le  moC  aux 
deux  précédents,  ici  et  au  vers  1797,  et  en  font  une  sorte  de  composé,  au 
moyen  de  traits  d*nnion  [JUs-Je-ptUai»]. 

3.  Cet  appd  iuToloutaiie  de  Sosie  menacé  à  des  témoins  absents,  cetir 
e^èce  de  geste  instinctif  de  défense  est  bien  naturel  et  plaisant  ;  Auger  a  sans 
doute  tort  de  supposer  qu'il  puisse  être  adressé  aux  spectateurs  ;  mais  ee  jen 
a  probablement  tenté  plos  d'un  comédien. 


ACTE  III,  SCÈNE  VI.  463 

BfBECUftB. 

A.dieu.  Lorsque  le  dos  pourra  te  démanger, 

Voilà  Tendroit  où  je  demeure  ^ 

sosie'. 

O  Cîel!  que  Theure  de  manger 
Pour  être  mis  dehors  est  une  maudite  heure  ! 
Allons,  cédons  au  sort  dans  notre  affliction,  i  Sol 

Suivons-en  aujourd'hui  Taveugle  fantaisie  ; 

Et  par  une  juste  union. 

Joignons  le  malheureux  Sosie 

Au  malheureux  Amphitryon. 
Je  Taperçois  venir  en  bonne  compagnie.  i  S  i  o 


SCÈNE  VIL 

AMPHITRYON,  ARGATIPHONTIDAS, 
POSICLÈS,  SOSIE. 

▲MPurrRTOii'. 
Arrêtez  la.  Messieurs  ;  suivez-nous  d'un  peu  loin, 
Et  n'avancez  tous,  je  vous  prie, 
Que  quand  il  en  sera  besoin. 

POSICLÀS. 

Je  comprends  que  ce  coup  doit  fort  toucher  votre  âme. 


I.  Muccmi. 

Adî«tt.  Quand  ta  Toudraa.  ce  bras  h  ton  serTÎee 

Te  foornira  toajonn  une  neure  dVzercice. 

(Rotrou,  acte  V,  acène  i.) 
a.  Sot»,  mm/.  (X734.) 
3.  SCÈNE  VIII. 

AMPHITBTOH,  AROATIPHOVTIDAS,  POSIGL^,  ftOSIB  dans  un   Côin 
du  théâtre ^sant  être  vu  (tant  itre  aperçu,  1773). 
AMPBmTow,  à  plutieurt  autres  officiers  qui  V accompagnaient,  (17)4.) 


464  AMPHITRYON. 

▲MPHlTRYOlf. 

Ah  !  de  tous  les  côtés  mortelle  est  ma  douleur,      i  s  1 5 
Et  je  souffre  pour  ma  flamme 
Autant  que  pour  mon  honneur. 

POBICLiS. 

Si  cette  ressemblance  est  telle  que  Ton  dit, 
Alcmène,  sans  être  coupable.... 

AMPHITRYON. 

Ah  !  sur  le  fait  dont  il  s'agit,  i  Sso 

I/erreur  simple  devient  un  crime  véritable, 
Et,  sans  consentement,  Tinnocence  y  périt '• 
De  semblables  erreurs,  quelque  jour  qu'on  leur  donne*. 

Touchent  des  endroits  délicats', 
Et  la  raison  bien  souvent  les  pardonne,  1 82 5 

Que  *  Thonneur  et  Famour  ne  les  pardonnent  pas. 

▲RGATIPHONTIDAS. 

Je  n'embarrasse  point  là  dedans  ma  pensée  ; 
Mais  je  hais  vos  Messieurs  de  leurs  honteux  délais  ; 
Et  c'est  un  procédé  dont  j'ai  l'âme  blessée, 
Et  que  les  gens  de  cœur  n'approuveront  jamais,      i  s  3  o 
Quand  quelqu'un  nous  emploie,  on  doit,  tête  baissée, 
Se  jeter  dans  ses  intérêts. 


I .  Elle  a  failli  pourtant,  d'une  oa  d*aatre  façon  •  : 

S'agissant  de  Thonnear,  rerreur  même  est  un  crime. 

(Rotron,  acte  V,  aeène  rr.) 

a.  Qodque  couleur  qu'on  donne  h  cet  errean,  souj  quelque  jour  qii*on 
▼euille  les  roir. 

3.  Les  endroits  délicats.  (i68a;  mais  non  les  éditions  qui  d'ordinaire  se 
eonfbrment  à  celle  de  i68a.) 

4.  Quéf  pour  alors  que.  Nous  rencontrerons  le  même  tour  en  prose,  dans 
P Avare  (acte  III,  scène  i),  où  le  que  marquant  le  temps  est  piéeédé  dNm 
autre  que  et,  par  suite,  est  peut-être  moins  clair  qu'ici.  «  Comment  (dit  ifnltre 
Jacques)  Toudriez-Tous  qu'ils  traînassent  un  carrosse,  qu'ils  ne  peuvent  pas  se 
traîner  eux-mêmes  ?  » 

*  Le  texte  de  i6'i8  n'a  pas  de  signe  de  ponctnation  aprèsyàçoit;  c'est  bien 
probablement  une  fiiute. 


ACTE  III,  SCENE  VIL  4<5 

Argatiphontidas  ^  ne  va  point  aux  accords  '• 
Écouter  d*un  ami  raisonner  Tadversaire  ' 
Pour  des  hommes  d'honneur  n*est  point  un  coup  à  faire*: 
n  ne  faut  écouter  que  la  vengeance  alora. 

Le  procès  *  ne  me  sauroit  pbire  ; 
Et  Ton  doit  commencer  toujours,  dans  ses  transports. 

Par  bailler*,  sans  autre  mystère, 

De  répée  au  travers  du  corps.  1S40 

Oui,  vous  verrez,  quoi  qu'il  avienne, 
Qu'Argatiphontidas  marche  droit  sur  ce  point  ; 

Et  de  vous  il  faut  que  j'obtienne 

Que  le  pendard  ne  meure  point 

D'une  autre  main  que  de  la  mienne.  tS45 

▲MPurriYoïf. 
Allons. 


I.  ArgttiplioBtidu  est  aiie  figure  bien  autraneiit  mirqn^e  que  celles  des 
eepîtaÎMa  de  Rotroa  et  da  Blepheroa  de  Plaate.  Molière  loi  a  donné  le  Un- 
gag0  très  Moderne  d*aa  gentilhoanie  soldat,  intraitable  aor  le  point  d*hoBnear, 
d*m  de  ees  iiuroadies  seconds  *,  qui  ne  laissaient  pas  leurs  amis  mollir  dans 
leora  querriles.  Son  nom  mfme,  sonore  et  long  de  six  syllabes,  tout  un  hémi- 
stidie,  n*est  pas  sans  fanfaronnade,  et  rappelle  oeloi  de  PyrgopoUnieès,  le  sol- 
dat fanfaron  {miUt  gioriotus)  de  Maute  ;  Ù  aemble  renfermer  les  éléments,  plus 
ou  moins  régulièrement  assemblés,  de  mots  grecs  dont  la  signification  mena- 
çante serait,  soit,  conome  le  croit  Aoger,  celle  de  tuêur  de  gêrpent*^  on  plut6t 
de  dtteêiufmnt  deê  kdrçg  déttrmetêmrs  dét  terpenUg  soit  ^éclair  et  ^homicide^ 
de  tmeur  foudrofoni, 

a.  Ans  aecommodements. 

3.  Dans  les  trois  premières  éditions  firançaises,  aiwêaire,  comme,  au  vers  1 84 1 , 
mnemme^  qui,  au  reste,  est  aussi  Torthographe  de  1* Académie  dans  sa  première 
édition  (1694).  Les  trois  éditions  étrangères  (  1675  ^,  84  A,  94  B)  ont  adversaire^ 
et,  plus  bas,  aviemne» 

4.  Emploi  rensarquable  de  cea^p  ;  simplement  an  sens  d*  «une  cbose  è  faire.» 

5.  La  Toie  des  procès;  car  nous  croyoni  qu'on  ne  peut  guère,  rattacbant 
le  mot  aux  Ters  i834  ot  i835,  lui  donner  Pacoeption  de  «  procédé^  manière 
d'agir,  b  qu'il  a  dans  un  des  exemples  de  Rabelais  cités  par  M.  Littré  è  'èw- 
torîqme  de  Partide  Pnocès  \  il  paraît  bien  que  ce  sens  arait  passé  d*usage  an 
temps  de  Molière. 

5.  Par  donner.  (168a.) 

•  Voyex  tome  III,  p.  55,  la  in  de  la  note  de  la  page  54* 

MoLiiBS.  Ti  3o 


466  AMPHITRYON. 

Je  viens,  Monsieur,  sabir,  à  vos  genoux^ 
Le  juste  châtiment  d*ane  audace  maudite. 
Frappez,  battez,  chargez,  accablez-moi  de  coups, 

Tuez-moi  dans  votre  courroux  : 

Vous  ferez  bien,  je  le  mérite,  iSSo 

Et  je  n'en  dirai  pas  un  seul  mot  contre  vous. 

▲MPHITRTOIf. 

Lève-toi.  Que  fait-on  ? 

SOSIB. 

L'on  m'a  chassé  tout  net; 
Et  croyant  à  manger  m'aller  comme  eux  ébattre. 

Je  ne  songeois  pas  qu'en  effet 

Je  m'attendois  Û  pour  me  battre.  xiss 

Oui,  l'autre  moi,  valet  de  l'autre  vous,  a  fait 

Tout  de  nouveau  le  diable  à  quatre. 

La  rigueur  d'un  pareil  destin, 

Monsieur,  aujourd'hui  nous  talonne  ; 

Et  l'on  me  des-Sosie  enfin  1860 

Comme  on  vous  dés-Amphitryonne  '. 

I.  Sont,  à  Ampkiirjron,  (1734.) 

a.  «  Je  Tiens,  Monnenr,  rabir  i  genoux.  »  (iS8a.)  —  Les  MidoM  vif 
▼antet,  proeédant  deeelle  de  i68a  (à  iavoir  1097, 17 10,  iS,  3o,  33,  34},oat 
eorrig^  la  iaate,  non  paa  en  revenant  an  texte  original,  maii  en  ajoatiit 
éeitx,  an  lieu  de  9ot  :  «  fabir  h  deux  genoux.  » 

3.  Cet  deux  plaisants  privatifs*  ont  été  rapprochés  d*an  reriM  tfip'»'*^* 
toat  naturellement  trouvé  par  Mascaiille  an  vers  1 8a4  de  l*Étoundi  (toase  I, 
p.  aa6,  note  5).  Dana  le  Trimunus  de  Pbute,  le  Syeophante  foq^desnob 
analogues,  quand  il  raille  le  vieux  Gharmide  (aete  IV,  scène  n,  vers  933),  i 
qui  il  enjoint,  après  qu'il  s*est  eharmidi  {eharmiJatiu),  de  m  déekirmidtr 
(reckarmida,  avec  re  donnant  au  composé  un  sens  eontraire  h  eelol  dn  fln^t 
comme  dans  reeludere^  de  elamdere). 

•  l-es  anciennes  éditions  antérieures  è  1734*  étendant  rinfloenee  du  aoa 
propre  à  tout  le  composé,  écrivent,  avec  double  majuscule,  ZW-5ofM  et  Ikf 


^ , -  r-- »  q«  ■  I«  eoadition  de  ne  p» 

couperet    d*éciire  deuwu^  dêsamphiuyonite^  comme  an  rera  de  VÈtt^ 
auquel  renvoie  la  suite  de  la  note  :  dntmùta. 


f 


ACTB  Illt  SCÈNE  VU.  467 

AMPHITRYON. 

Sois-moi. 

808IS. 

N*e8t-il  pas  mieux  de  voir  s'il  vient  personne  ^  ? 


SCÈNE  VIII. 

CLÉANTHIS,  NAUCRATÈS,  POLIDAS,  SOSIE,  AM- 
PHITRYON, ARGATIPHONTIDAS,  POSICLÈS*. 

CLEANTRIS. 

OGel! 

AMPBrrRYOH. 

Qui  t'épouvante  ainsi  ? 
Quelle  est  la  peur  que  je  t'inspire  ? 

CLiàNTHIS. 

Las!  vous  êtes  là-haut,  et  je  vous  vois  ici!  iS65 

NAUCRAT&S'. 

Ne  vous  pressez  point  :  le  voici. 
Pour  donner  devant  tous  les  clartés  qu'on  désire, 
Et  qui,  si  l'on  peut  croire  à  ce  qu'il  vient  de  dire. 
Sauront^  vous  affranchir  de  trouble  et  de  souci. 


1.  PertoHne,  qaelqa^an,  yrai  mm  da  mot  dans  la  location  négatlTt  /m.... 
penmnet  eomms  rien  a  prinitiTOOient  mIoI  de  ekotê  dana  ««....  rien, 

3.  SCÈNE  IX. 

CLÉAirniIf,  AMPHTTRTOH,  AKOATIPHOITTIDAS,  POLIDAt,  HAUGRAli», 

POSICLift,  809IB.  (1734.) 

3.  NAfnsATàs,  à  Amphitryon,  (Ibidem,) 

4*  Sanront,  avee  an  nom  de  choie  poar  aajet,  pria,  comme  aoutent,  aa 
aeaa  de  pemrront,  et  préféra  i  cet  aatre  cÛatyllabe,  qae  pourtant  la  meaure  ad- 
mettait tout  ansai  bien. 


46S  AMPHITRYON. 


SCÈNE    IX. 

MERCURE,  CLÉANTHIS,  NAUCRATÈS,  POLIDAS, 
SOSIE,  AMPHITRYON,  ARGATIPHONTIDAS, 
POSICLÈS*. 

MBRCUAS. 

Oui,  VOUS  Taliez  voir  tous;  et  sachez  par  avance    xS?» 

Que  c*e8t  le  grand  maître  des  Dieux 
Que,  sous  leS'  traits  chéris  de  cette  ressemblance, 
Alcmène  a  fait  du  ciel  descendre  dans  ces  lieux; 

Et  quant  à  moi,  je  suis  Mercure, 
Qui,  ne  sachant  que  faire,  ai  rossé  tant  soit  peu     187$ 

Celui  dont  j^ai  pris  la  figure  : 
Mais  de  s'en  consoler  il  a  maintenant  lieu  ; 

Et  les  coups  de  bâton  d*un  Dieu 

Font  honneur  à  qui  les  endure. 

SOSIE. 

Ma  foi  !  Monsieur  le  Dieu,  je  suis  votre  valet  :         ilSo 
Je  me  serois  passé  de  votre  courtoisie. 

MXRCtJRX. 

Je  lui  donne  à  présent  congé'  d'être  Sosie  : 

Je  suis  las  de  porter  un  visage  si  laid  \ 

Et  je  m'en  vais  au  ciel,  avec  de  Tambrosie, 

M'en  débarbouiller  tout  à  fait.  tSSS 

(U  Tole  dAU  le  ciel\) 
X.  SCÈNE  X. 

MEaCUaB,  ITAUCAATàft,  POLIDAS,  AMPHITETOS,  ▲RGATlPHOmOAS, 
POUGLÉt,  GLBAJmiIt,  tOtUB.   (1734.) 

a.  PermUtion  :  <l*aatret  aemples  de  MoUere  oà  le  mot  a  ee  teu  <wt  été 
iadiqoés  aa  Ters  7  de  la  Princesse  tPÊHJe^  toaie  IV,  p.  i^S,  note  3. 

3.  Laitf  dans  l'édition  originale  et  plosienn  des  saÎTantes. 

4.  Mereure  s'envole  dans  le  Ciel.  (1734.} 


ACTE  III,  SCÈNE  IX.  469 

908IS. 

Le  Gel.  de  m*approcher  t'6te  à  jamais  l'envie  ! 
Ta  fureur  sVst  par  trop  aohamëe  après  moi  ; 

Et  je  ne  yis  de  ma  vie 

Un  Dieu  plus  diable  que  toi^ 


SCÈNE  X. 

JUPITER,  CLÉANTHIS,  NAUCRATÈS,  POLIDAS, 
SOSIE,  AMPHITRYON,  ARGATIPHONTIDAS, 
POSICLÈS. 

ItJPITBft  dans  une  nue*. 

Regarde,  Amphitiyon,  quel  est  ton  imposteur  ',      1890 
Et  sous  tes  propres  traits  vois  Jupiter  paroître  : 
A  ces  marques  tu  peux  aisément  le  connoitre  ; 
Et  c*est  assez,  je  crois,  pour  remettre  ion  cœur 

Dans  Fétat  auquel^  il  doit  être, 
Et  rétablir  chez  toi  la  paix  et  la  douceur.  1895 

Mon  nom,  qu*incessamment  toute  la  terre  adore, 
Étoufie  ici  les  bruits  qui  pouvoient  éclater. 

Un  partage  avec  Jupiter 

I.  Voyei  ei-doHtts,  p.  426,  la  nota  doTert  iai8. 

a.  Juicna  daiu  mm  mm,  twr  to»  aigU,  armé  de  wnfwtirê^  om  bruii  dm 
ioHmgrre  et  de*  éclaire.  (i68a.) 

SCÈHB  DERNIÈRB. 

JVPTTBB,  KAUGBAtIs,  AVHIUITOV,  ABOATIPHOUTIDAt,  POLIDAS, 

POSICLÉt,  CLKAHTHI8,  SOIIB. 

Jvimm,  amnomeépar  le  bruit  dm  tonnerre  ^  armé  de  eon foudre  y  dan»  un  nmage^ 

emr  eom  aigle»  (1734*) 
—  Ln  deu  eoaplett  faÎTanti,  de  Japiter,  eorretpondent  ao  damier  couplât 
do  Dîao  dans  Haale  (acia  V,  teàna  n,  ^en  i  i5a-i  164). 

3.  Caki  qid  Va  trompé,  qui  t*a  Tolé  ta  unaiiihlanaa.  L'eapretrionatthardia 
daMM  ffimntum, 
4*  Dana  kqndy  oà  :  eomparei  ei-daMoa,  la  vert  1643. 


470  AMPHITRYON. 

N^a  rien  du  tout  qui  déshonore  ; 
Et  sans  doute  il  ne  peut  être  que  glorieux  1900 

De  se  Toir  le  rival  du  souverain  des  Dieux. 
Je  n'y  vois  pour  ta  flamme  aucun  lieu  de  murmure  ; 

Et  c'est  moi,  dans  cette  aventure. 
Qui,  tout  dieu  que  je  suis,  dois  être  le  jaloux. 
Alcmène  est  toute  i  toi,  quelque  soin  qu'on  emplme; 
Et  ce  doit  à  tes  feux  être  un  objet  bien  doux 
De  voir  que  pour  lui  plaire  il  n'est  point  d'autre  voie 

Que  de  paroître  son  époux, 
Que  Jupiter,  orné  de  sa  gloire  immortelle. 
Par  lui-même  n'a  pu  triompher  de  sa  foi,  1910 

Et  que  ce  qu'il  a  reçu  d'elle 
N'a  par  son  cœur  ardent  été  donné  qu'à  toi  *. 

SOSIB. 

Le  Seigneur  Jupiter  sait  dorer  la  pilule*. 

juprrBft. 
Sors  donc  des  noirs  chagrins  que  ton  cœur  a  soufferts, 
Et  rends  le  calme  entier  à  l'ardeur  qui  te  brûle  :    191 S 
Chez  toi  doit  naître  un  fils  qui,  sous  le  nom  d'Hercule, 
Remplira  de  ses  faits  tout  le  vaste  univers. 
L'éclat  d'une  fortune  en  mille  biens  féconde 
Fera  connoître  à  tous  que  je  suis  ton  support, 

Et  je  mettrai  tout  le  monde  t^to 

Au  point  d'envier  ton  sort. 
Tu  peux  hardiment  te  flatter 
De  ces  espérances  données  ; 


I.         Je  sait  le  snboraeiir  de  tes  chastes  attraits, 
Qui,  sans  Tempront  de  ton  image. 
Quelque  beau  que  tàt  mon  serrage, 
Pour  atteindre  son  esur  anrois  manqué  de  traits. 

(Rotron,  acte  V,  soène  n  et  dernière,  troidème  des  stropha 
de  Jupiter.) 
a.  Sur  ee  trait  que  Rotrou  a^  comme  le  dernier  couplet  éê  Soalei  iatfiri  ^ 
MoUèie,  royn  la  iVbfwe,  p.  333  et  334. 


ACTE  III,  SCÈNE  X.  471 

CeBt  un  crime  que  d*en  douter  : 

Les  paroles  de  Jupiter  igaS 

Sont  des  arrêts  des  destinées. 

(11  se  perd  dans  lot  nom.) 
NAUCaATBS. 

Certes,  je  suis  ravi  de  ces  marques  brillantes.... 

SOSIE. 

Messieurs,  voulez-vous  bien  suivre  mon  sentiment? 

Ne  vous  embarquez  nullement 

Dans  ces  douceurs  congratulantes  :  19)0 

C'est  un  mauvais  embarquement, 
Et  d'une  et  d'autre  part,  pour  un  tel  compliment. 

Les  phrases  sont  embarrassantes. 
Le  grand  Dieu  Jupiter  nous  fait  beaucoup  d'honneur, 
Et  sa  bonté  sans  doute  est  pour  nous  sans  seconde  ; 
n  nous  promet  l'infaillible  bonheur 
D'une  fortune  en  mille  biens  féconde. 
Et  chez  nous  il  doit  naître  un  fils  d'un  très-grand  cœur  : 

Tout  cela  va  le  mieux  du  monde  ; 

Mais  enfin  coupons  aux  discours  S  1940 

Et  que  chacun  chez  soi  doucement  se  retire. 

Sur  telles  affaires,  toujours 

Le  meilleur  est  de  ne  rien  dire  *. 


T.  Coapont  chemin  aux  diiooiin,  coupons  court, 

a.  La  Fontaine  avait  dit  anni  «n  i665  dans  sa  Joeondê  (conte  I  de  la 
1**  partie)  : 

Le  moins  de  bruit  que  l*on  peut  faire 

En  telle  af&ire 
Est  le  plus  sâr  de  la  moitié. 


run  D'ÀMPHITEYOïr. 


GEORGE  DANDIN 


OU 

LE  MARI    CONFONDU 

COMÉDIE 
BVBianrrn  la  pmnniBB  vou,  poum  im  boi,  ▲  ivatAiLUS, 

LB   l8*  DB  JUILLBT*    1668, 
BT  DBPnit 
DOBSBB  AU  PTOUO  ▲  PABIt,   tUB  LB  THBÂTBB  DU  PALAU-BOTAL, 

LB  9«  BOTBMBBB  DB  LA   mAmB  ABViB   1668, 

fab  la 
TEOUPE   DU   ROI 


1.  Lm  édittoBt  de  167a  et  de  168a  diient  •  le  i5*  de  joillet;  a  Eobioet, 
dent  le  Gazette  en  Ten,  le  16  (  la  Gafetts^  le  19;  dana  notre  titre,  emprunté 
à  ridition  de  i68a,  noua  anbatitoont  h  la  date  dn  i5  celle  dn  18,  donnée  par 
Félibien  dant  sa  Relation  :  ?oyei  ô-aprèa  VAppemdicê^  et  pina  hant  la  Notice^ 
p.  478  et  479. 


NOTICE. 


George  Dandin  est  encore  une  de  ces  petites  comédies  de 
Molière  qui  furent,  à  bon  droit,  moins  éphémères  que  les  fîtes 
de  la  cour  pour  lesquelles  il  les  composait.  Le  commencement 
de  Tannée  1668  avait  vu  la  première  conquête  de  la  Franche- 
G>mté|  conquête  suivie  de  la  paix  d'Àix-la-Ghapelle,  signée 
le  a  mai,  qui  assurait  à  la  France  la  possession  de  la  Flan- 
dre* La  gloire  étant  satisfaite,  c'était  le  moment  de  s'occu- 
per de  nouveau  des  plaisirs;  ils  devaient  d'ailleurs  servir  à 
la  célébrer.  Louis  XIY  choisit  les  jardins  de  Versailles  pour 
théâtre  des  magnifiques  divertissements  qui,  après  une  longue 
préparation,  plus  nécessaire  peut-être  au  travail  des  décora- 
teurs qu'à  cdui  de  Molière,  purent  être  donnés  au  mois  de 
juillet.  La  Gatetie  en  rendit  compte  en  ces  termes*  : 

«  De  SalnuGermaiB  en  Laye^  le  ao  juillet  i66S« 

«  Le  19  de  ce  mois.  Leurs  Majestés,  avec  lesqueUes  étoient 
Monseigneur  le  Dauphin,  Monsieur  et  Madame  et  tous  les  sâ- 
gneurs  et  dames  de  la  cour,  s'étant  rendues  à  Versailles,  y 
Âirent  diverties  par  l'agréable  et  pompeuse  fête  qui  s'y  prépa- 
roit  depuis  si  longtemps,  et  avec  la  magnificence  digne  du  plus 
grand  monarque  du  monde.  Elle  commença,  sur  les  sept  heures 
du  soir,  ensuite  de  la  collation  qui  étoit  délicieusement  pré- 
parée en  l'une  des  allées  du  parc  de  ce  château,  par  une 
comédie  des  mieux  concertées,  que  représenta  la  troupe  du 
Roi,  sur  un  superbe  théâtrCi  dressé  dans  une  vaste  salle  de 
Terdure.  Cette  comédie,  qui  étoit  mêlée  dans  les  entr'actes 

I.  Dans  le  numéro  du  11  juillet  1668,  p.  69$. 


476  GEORGE  DANDIN. 

d'one  espèce  d'autre  comëdie  en  musique  et  de  ballets,  ne 
laissa  rien  à  souhaiter  en  ce  premier  divertissement,  auquel 
une  seconde  collation  de  fruits  et  de  confitures  en  pyramides 
lut  servie  aux  deux  côt^s  de  ce  thëâtre  et  présentée  i  Léon 
Majestés  par  les  seigneurs  qui  ëtoient  placés  dessus  :  oe  qui 
étant  aoccMnpagné  de  quantité  de  jets  d'eau,  fut  trouvé  toot 
à  fait  galant  par  l'assistance  de  près  de  trois  mille  persounes, 
âitre  lesquelles  étoient  le  nonce  du  Pape^,  les  ambassadeurs 
qui  sont  ici  et  les  cardinaux  de  Vendôme  et  de  Retz.  » 

Le  Nonce  et  les  deux  cardinaux  ne  virent-ils  que  les  jets 
d'eau  ?  S'ils  se  trouvèrent  (et  l'on  ne  peut  guère  entendre  au- 
trement le  rédt  de  la  Gazette)  parmi  les  spectateurs  de  b 
première  représentation  de  George  Dtmdin^  en  fut-on  aussi 
étonné,  ches  nous  du  moins,  qu'on  le  serait  aujourd'hui? 

Ces  lètes  de  Versailles  ont  été  décrites  avec  plus  de  dâaiis 
dans  le  livre  publié  par  Robert  Rallard  et  surtout  dans  la  grande 
Relation  de  Félibien.  Quoique  la  part  de  Molière  dans  les 
divertissemâits  ne  soit  pas  le  seul  objet  de  ces  descriptions, 
on  est  habitué  à  les  trouver  dans  les  éditions  les  plus  con- 
plètes  de  ses  œuvres  ;  ce  n'est  pas  sans  raison  :  non-seulemest 
elles  donnent  en  quelques  traits  l'esquisse  du  sujet  de  Geo^< 
Dandin^  et  nous  ont  conservé  les  vers  des  scènes  pastorales 
dans  lesquelles  Molière  avait  comme  encadré  sa  comédk; 
mais,  en  outre,  toutes  ces  pompes  des  jardins  de  Versailles, 
dont  elles  nous  rendent  présent  le  spectacle,  furent  dles- 
mèmes  comme  un  autre  et  plus  grand  cadre,  hors  duquel  no- 
tre pièce  perdrait,  dans  sa  première  représentation,  son  vrai 
caractère  historique.  Nous  donnons  donc  l'une  et  l'autre  rela- 
tion en  appendice,  à  la  suite  de  George  Dandin. 

N'est-ce  pas  assez  de  ces  deux  témoignages  et  de  celui  de 
la  Gazette?  Citer  longuement  aussi  et  en  entier  Robinet  se- 
rait de  trop;  mais  si,  dans  sa  Lettre  à  Madame  du  ai  joiH^ 
1668,  nous  laissons  de  côté  ce  qui  est  suffisamment  èkx^ 
ailleurs,  nous  devons  transcrire  un  passage  particulièremest 
intéressant  pour  l'histoire  de  la  représentation  de  Gfffp 
Dandin.  Là  seulement  est  expressément  attesté,  ce  dont  as 

I.  Bargellini,  archevêque  de  Thèbes,  nonce  du  pape  Ûé- 
ment  IX,  depuis  le  mois  d'avril  de  cette  année  i668. 


NOTICE.  477 

reste  on  ne  pouvait  gaère  doater,  que  les  paroles  chantées 
entre  les  actes  de  la  comédie  sont  de  Molière.  Si  Robinet  les 
a  louées  un  peu  trop,  il  y  en  a  pourtant  qui,  le  genre  admis, 
sont  très-agnéables  et  font  reconnaître  cette  plume  toujours  b- 
cile  et  ingénieuse  jusque  dans  les  bagatelles.  Le  gazetier  ri- 
meur  parle  ainsi  : 

Dans  le  parc  de  oe  beau  Venaille, 

On  TÎt  lundi  oe  que  les  yeux 
Ne  peurent  Toir  que  chez  les  Dieux, 
Ou  chez  Louu,  qui  les  égale 
Dedans  la  pompe  d*nn  rëgale^. 

Sus,  Mufe,  promptement  paites 
En  cette  autre  brillante  salle 
Qui  fut  la  salle  théâtrale. 
O  le  charmant  lieu  que  c*étoit! 
L'or  partout  la  certe  éclatoit* 
Trois  rang!  de  riches  hautes-lices 
Décoroient  ce  lieu  de  délices, 
Aussi  haut,  sans  comparaison, 
Que  la  raste  et  grande  cloison 
De  Tëglise  de  Notre-Dame. 


Maintes  cascades  y  jouoient. 
Qui,  de  tous  côtés,  Tégaycient; 
Et,  pour  en  gros  ne  rien  omettre.... 
En  ce  beau  rendez-Tous  des  jeux 
Un  théâtre  auguste  et  pompeux, 
D*une  manière  singulière, 
S*y  Toyoit  dresfé  pour  Molière^ 
Le  Atome  *  cher  et  glorieux 
Du  bas  Olympe  de  nos  Dieux. 

Lui-même  donc,  arec  sa  troupe, 
Laquelle  aroit  les  Ris  en  croupe. 
Fit  là  le  début  des  ébaU 
De  noire  Cour,  pleine  d*appas. 


f .  Voyez  ci-dessus,  p.  391,  note  3. 

9.  Le  JfoMitf,  un  de  ces  mots  dont  nous  ne  firancisons  plus  la 


47^  GEORGB  DANDIN. 

Par  un  sujet  archicoaûque 
Auquel  riroit  le  plus  stoîqne 
Vraiment,  mal  gré  bon  gré  ses  dents, 
Tant  sont  plaisants  les  incidents. 

Cette  petite  comédie 
Du  cru  de  son  rare  génie, 
Et  je  dis  tout  disant  cela, 
Étoit  aussi  par-oi  par-là 
De  beaux  pas  de  ballet  mêlée, 
Qui  plurent  fort  à  rassemblée, 
Ainsi  que  de  dirins  concerts 
Et  des  plus  mélodieux  airs, 
Le  tout  du  sieur  LuUt^BmpHste» 

D*ailleurs  de  ces  airs  bien  cbantés, 
Dont  les  sens  étoient  enchantés, 
Molière  aroit  fidt  les  paroles. 
Qui  Taloient  beaucoup  de  pistoles; 
Car,  en  un  mot,  jusqu'en  ce  jour. 
Soit  pour  Bacchus,  soit  pour  TAmour, 
On  n*en  avoit  point  hki  de  telles, 
C'est  comme  dire  d'aussi  belles; 
Et,  pour  plaisir,  plus  tôt  que  tard 
Allez  Toir  chez  le  sieur  Ballard^ 
Qui  de  tout  cela  Tend  le  livre, 
Que  presque  pour  rien  il  déliTre, 
Si  je  TOUS  mens  ni  peu  ni  prou  ; 
Et  si  TOUS  ne  sariez  pas  où, 
C'est  à  l'enseigne  du  Parnasse. 

On  a  pu  remarquer  que,  dana  ces  vers,  la  fête  est  datée  du 
lundi,  qui  fut  le  i6  juillet,  et  que,  dans  la  Gazette^  elle  l'est 
du  19  (jeudi).  Les  éditions  de  George  Dandin  de  167a  et  de 
i68a  indiquent  le  dimanche  i5.  Quel  est  de  ces  trois  tânm- 
gnages  discordants  celui  que  confirme  Félibien?  Aucun.  H 
donne  une  nouvelle  variante  :  le  18  juillet  (mercredi).  On  s'est 
ainsi  partagé  presque  tous  les  jours  de  la  semaine.  Il  semble 
que  Félibien,  dont  la  Relation  surtout  a  comme  un  caractère 
officiel,  doive  décider*.  Quand  il  resterait  quelque  incertitude 

I.  Voici  l'indication  donnée  par  le  Regutre  de  U  Grmngt  (an- 


NOTICE.  479 

dam  l'acte  de  naissance  de  George  Daitdin^  il  importerait  peo. 
Qnelqnes  jours  ajouta  ou  retranches  ne  changent  pas  bean- 
codp  BDJonrd'hui  son  âge,  qnî  a  dépasse  deux  cent  douze  ans, 
et  snr  la  scène  frant^aîse  ira  beaucoup  plus  loin. 

Hais  toate  ceuvre  signée  du  nom  de  Molière  a  celle  long^ 
vite,  et  nous  ne  voulons  pas  faire  entendra  qu'il  faille  égaler 
i  ses  chefs-d'œuvra  la  pedte  pièce  jouëe  dans  les  f^tes  de 
1668  :  l'admiration  doit  rester  proportiomiée.  Sans  crmre 
oublier  cette  proportion,  Ricct^ni  cependant  a  donné  une 
asses  grande  valeur  à  notra  comédie  et  l'a  mise  au-dessus 
de  celles  qui  loi  ont  paru  pouvoir  filra  nommées  des  farces, 
a  Si  on  lit  avec  réflexioD,  dit-il',  l'École  de»  maris,  George 
Dfaidiit  et  le  Coeu  imaginalrej  on  y  trouvera  une  forme  plus 
exacte,  une  diction  plus  soutenue  et  no  comique  plus  fort  que 
duu  les  Préeieuseï  ridicules^  Ptaireeaugnac,  let  Fourberie*  de 
Seapln  et  le  Médecin  malgré  lui  :  en  sorte  qu'on  ne  peut  sans 
injostice  les  comparer  ensemble  ni  leur  donner  la  même  qua- 
lification. Holièra,  en  composant  les  pramières  que  je  nomme 
id,  n'eut  jamais  intention  de  composer  des  farces;  Û  ne  les  a 
point  données  pour  telles.  Il  les  a  données  pour  ce  qu'elles 
sont  en  effet,  pour  des  comédies.  »  Il  y  aurait  bien  quelque 
chose  i  dire  au  classement  que  Riccobonî  nous  propose  de 
plusieurs  ouvrages  de  Molièra  ;  par  exemple,  sans  souscrire 
an  jugement  beaucoup  trop  sévère  de  GeofiW)j  sur  le  Coeu 
imaginaire^  qne  de  toutes  les  pièces  de  notre  auteur  il  regar- 
dait comme  la  moins  digne  de  lui*,  nous  refuserions  d'y  trou- 
ver plus  de  force  comique  que  dans  le*  Précieutes.  Est-il  facile 
d'ailleurs  de  reconnaîtra  quels  de  ses  ouvrages  HoUère  a  don- 
nés pour  des  farces,  quels  pour  de  vraies  comédies?  Ceux  que 
Hic(»boni  nomme  en  second  ont  tous  plus  ou  moins  le  double 


née  1668):  t  Gaorg»  Dan£»,  i"  fois.  —  Lemardï  lo*  [juillet], —  La 
Troupe  est  partie  pour  Versûlle*.  On  a  jonë  U  Mari  eeu/ondu.  A  iti 
de  retour  le  jeudi  jg*.  s  La  première  repréfcnlatioD  de    Ir  "■*"- 
n'eu  pal  datée  tant  quelque  ambiguïté.  Mai*  la  date  du  ig 
née  par  k  GattlU,  en  écartée  par  ce  témoignage. 

I.  Obtervatien*  lur  la  ccmdtUê  *t  tur  U  gimt  de  Molière^ 
M UGcxxxTT,  I  Tolume  in-i*  :  vojrei  aux  pages  9S  et  99. 

s.  Vofes  aux  pages  14*  et  144  de  notre  tome  II. 


48o  GBORGB  DANDIN. 

caractère,  et  semblablemeat  deux  des  premiers,  SganareQe  et 
George  Dandin.  S'il  y  a  des  pièces  de  Molière  a  qui  le  nom 
de  farces  cocvieimey  il  ne  faut  pas  hésiter  ^  dire  que  George 
Dandin  en  soit  une;  mais,  en  même  temps,  il  est  autre  chose, 
et  Riccoboni  ne  s'est  pas  trompé  en  le  rangeant  parmi  les 
oeuvres  d'un  comique  très-fort  et  d'une  diction  soutenue. 
Nou^  ajouterions  même  que  nulle  part  ailleurs  peut-être  la 
prose  de  Molière  n'est  plus  ferme  et  solide,  d'une  plus  robuste 
franchise.  Dans  cette  pièce,  qui,  mieux  encore  que  plusieurs 
autres  de  notre  grand  comique,  se  prête»  pour  qui  veut  clas- 
sifier  en  genres,  à  un  dédoublement,  il  y  a  une  farce  :  la  YÎeîUe 
histoire  du  «  mari  confondu  »  par  la  ruse  diabolique  de  sa 
femme;  et  il  y  a  une  excellente  comédie  :  les  infortunes  trop 
méritées  du  riche  Tilain  fourvoyé  <lans  la  gentilhommerie. 
Telles  sont  les  deux  parts  distinctes  que  dans  Toeuvre  il  con- 
vient de  faire. 

Entre  deux  comédies  auxquelles  il  put  travailler  plus  à 
loisir.  Amphitryon^  achevé  depuis  quelques  mois,  et  tAvare^ 
sans  nul  doute  alors  commencé,  Molière,  qui,  laissant  là  Plante 
un  moment,  fut  obligé  de  trouver  du  temps  pour  produire  un 
de  ses  impromptus  de  fêtes,  se  souvint  d'un  des  canevas  qu'il 
avait  esquissés  dans  les  années  de  ses  débuts.  Sans  cher- 
cher plus  loin,  il  lui  sembla  commode  de  le  remettre  à  h 
scène,  mais  en  donnant  à  l'ébauche  des  coups  de  pinoean 
qui  devaient  presque  entièrement  la  transformer.  On  avait 
bien  pu  oublier  alors  la  Jalousie  du  Barbouillé^  quoique 
peut-être  Molière,  dans  les  années  1660,  i66a,  i663  et  jus- 
qu'en 1664,  eût  fait  reparaître,  plus  ou  moins  remaniée,  aoas 
le  titre  de  la  Jalouiie  de  Gros^René  ou  de  Gros^René  jaioux^ 
cette  boufTonnerie  faite  pour  la  province  ^  ;  à  ceux  qui  en  au- 
raient gardé  le  souvenir,  il  était  facile  de  reccmnattre  dans 
George  Dandin  les  scènes*  où  Angélique  (le  nom  est  le  même 
dans  les  deux  pièces)  trouve  la  porte  du  logis  fermée  et  ima- 
gine une  ruse  qui  lui  permet  de  rentrer  furtivement  et  de 
crier  à  son  mari,  resté  dehors  à  son  tour  :  «  Et  d'où  venez- 
vous,  Monsieur  l'ivrogne  ?  Ah!  vraiment,  va,  mes  parents,  qui 

I.  Voyez  à  la  page  18  de  notre  tome  I. 

3.  Les  scènes  x  k  xii.  Voyez  aux  pages  87-43  du  même  tome  L 


NOTICE.  481 

vont  venir  dans  an  moment,  sauront  tes  v^rît^s.  »  En  eSet, 
le  beau-père  Gorgibus,  accompagne  de  l'ami  Villebrequîn, 
arrive  et  gourmande  son  gendre.  Villebrequin  engage  le  Bar- 
bouillé à  demander  pardon  à  sa  femme  ;  celui-ci  n'entend  pas 
de  cette  oreille.  La  farce  en  reste  là,  sans  vrai  dénouement. 

Dans  cette  première  idée  de  George  Dandin,  crayonnée  à 
gros  traits,  l'action  principale  se  trouvant  insuffisante,  des 
scènes  épisodiques  la  font  attendre,  remplies  par  la  consul- 
tation que  demande  au  docteur  le  mari,  las  des  déportements 
de  sa  femme.  Molière,  qui  avait  déjà  fait  passer  ce  commen- 
cement de  la  facétie  dans  le  Dépit  amoureux  et  surtout  dans  le 
Mariage  forcé ^  ne  pouvait  plus  en  faire  usage  ;  mais  il  trouva 
mieux.  Ces  parents  que,  dans  l'ébauche  primitive  elle-même, 
Angélique  se  réjouit  d'attendre  comme  témoins,  il  va  suffire 
de  leur  donner  un  rôle  moins  insignifiant  que  celui  de  Gor- 
gibns.  Et  que  ce  rôle  est  heureusement  imaginé  I  Molière  crée 
les  Sotenville  :  voilà,  sans  action  double  cette  fois,  le  vieux 
sujet  développé  ;  voilà  changée  en  une  comédie  de  mœurs  une 
bouffonnerie  que  nen  ne  distinguait  de  toutes  celles  que  son 
auteur  empruntait  aux  Italiens. 

C'était  d'eux,  on  le  sait,  et  M.  Despois  l'a  dit  au  tome  I  de 
cette  édition  (p.  17),  c'était  de  leurs  canevas  que  vraisembla- 
blement Molière  tirait  ses  premières  farces,  et  il  n'y  a  peut- 
'ètre  pas  d'exception  à  faire  pour  la  Jalousie  du  Barbouillé,  Il 
n'est  pas  sûr  cependant  que  les  dernières  scènes,  celles  qu'il  a 
reprises  dans  George  Dandin^  ne  soient  pas  venues  directe* 
ment  du  Décamémn,  En  tout  cas,  Boccace  n'était  pas  bien 
loin  :  si  ce  n'est  Molière  qui  a  puisé  chez  lui,  ce  sont  les  far- 
ceurs italiens  imités  par  Molière,  pour  lesquels  rien  n'était  plus 
naturel  que  de  s'adresser  à  leur  célèbre  conteur.  Dans  la  Nou- 
velle IV  de  la  Vil*  journée,  le  tour  joué  à  Tofano  est  le  même  * 
que  celui  dont  le  Barbouillé  et  George  Dandin  sont  victimes. 

Doit-on  chercher  plus  loin,  remonter  plus,  haut  que  Boccace  ? 
On  pourrait  s'en  dispenser.  Ici,  comme  dans  la  farce  du  Fago- 
tier^  il  est  douteux  que  Molière  ait  connu  les  très-vieilles 
origines  du  conte  qu'il  a  mis  au  théâtre,  et  à  peu  près  certain 
que,  s'il  les  connaissait,  il  n'a  pas  pris  la  peine  d'en  tenir 

I.  //  Decamerone  (édition  de  Venise,  i588),  p.  34o  et  suivantes. 
MoLiànB.  vz  3z 


48i  GEORGE  DANDIN. 

compte,  en  écrivant  sa  pièce.  Noas  croyons  cependant  devoir 
en  dire  quelques  mots,  parce  qu'il  est  toujours  curieux  de 
trouver  une  si  ancienne  gënëalogie  à  une  fable  qui,  aujourd'hui 
encore,  n'a  pas  cesse  de  nous  faire  rire  dans  la  cornue  oà 
elle  ne  risque  plus  d'être  oubliëe. 

Cette  gëni^alogie,  faut-il  la  faire  commencer  aux  contes 
de  rinde  ?  On  l'a  dit  avec  quelque  vraisemblance,  mais  sans 
preuve  certaine.  Dans  les  Ûvres  du  moyen  âge  où  la  vieille 
anecdote  se  Ht,  presque  tous  les  rëdts  ont  été  tirés  de  fables 
orientales,  et,  en  très-grand  nombre,  des  fables  pour  lesqueDes 
on  remonte,  sinon  jusqu'au  Livre  de  Sindihad^  (cet  original 
indien  est  perdu),  du  moins  jusqu'aux  versions  les  plus  an- 
ciennes et  qui  le  représentent  de  plus  près.  Il  y  a  cependant 
quelques-uns  de  ces  contes,  et  celui-ci  est  peut-être  à  com- 
prendre parmi  eux,  qui  paraissent  n'avoir  pas  été  puisés  à 
cette  source.  Les  livres,  écrits  en  Europe  du  douzième  siède 
au  quinzième,  dans  lesquels  on  trouve  une  histoire  semblable 
à  celle  de  la  femme  de  George  Dandin,  sont  la  Discipline  de 
clergie^  le  Castoiement  d'un  père  à  son  fils^  le  Roman  de  Dolth 
pathos^  V Histoire  des  sept  sages  de  Rome.  Ces  deux  derniers 
recueils  de  contes  procèdent  indirectement  des  plus  vieilles 
versions  orientales  du  Livre  de  Sindibad^  mais  n'en  sont  pas 
de  vraies  traductions  ;  les  deux  premiers  recueils  peuvent  être 
mis  en  dehors  de  cette  lignée  particulière,  mais  non  en  de- 
hors de  la  tradition  orientale  :  dans  les  uns  comme  dans  les 
autres,  il  semblerait  qu'aux  récits  empruntés  à  l'Orient,  il  s'oi 

I.  Sindbad^  dans  les  Prairies  ttor  de  récrivain  arabe  Mataoadi, 
qui  a  le  premier,  au  dixième  siècle  de  notre  ère,  mentionné  le 
a  philosophe  indien  »  (tome  I,  p.  i6a,  de  la  traduction  de  M.  Bar- 
bier de  Meynard). —  Voyez  Daunou,  dans  V Histoire  littéraire  de  Im 
France^  tome  XVI  (1824)9  P*  '^9  ^^  '7^9  ^^  P-  ''9î  VEssai  smr  les 
fables  indiennes  par  A.  Loiseleur  Deslongchamps  (i838),  p.  80-84  ; 
VHistoire  de  la  langue  et  de  la  littérature  françaises  au  moyen  dge 
par  M.  Charles  Aubertin  (1878),  tome  II,  p.  4,  à  la  note,  et  p.  77 
et  tniTantes  ;  particulièrement  encore  Tlntroduction  du  savant  in- 
dianiste M.  Th.  Benfey  à  la  traduction  du  Pantsehaiantra  (Leipsig, 
1859),  et  surtout  les  belles  Recherches  sur  U  livre  de  Sindihad  pa- 
bliëes  en  1869  à  Milan,  par  Tillustre  membre  de  Tlnstitut  lom- 
bard, M.  Comparetti. 


NOTICE.  4B3 

«st  mUé  plus  d'un,  moins  anden,  et  qui  ne  serait  pas  venu 
de  pays  aussi  lointains. 

Âitre  les  écrits,  tous  d'origine  évidemment  commune,  où  la 
trame  des  contes  enchaînés  les  uns  aux  autres  est  la  même, 
il  en  est  six  que  M.  Comparetti  considère  comme  formant  le 
groupe  oriental  des  rédactions  dérivées  du  Livre  de  Sindibad^, 
Or  aucime  des  six  n'a,  croyons-nous,  Thistoriette  que  Molière 
a  mise  sur  la  scène*.  On  n'est  donc  pas,  de  ce  côté,  assez 
autorisé  à  la  faire  venir  de  l'Inde  ;  et  si  nous  la  rencontrons 
dans  les  livres  du  moyen  âge,  ce  qui  lui  donne  une  ancienneté 
déjà  respectable,  il  n'est  pas  sâr  qu'elle  soit  plus  vieille  en- 
core et  que  ce  ne  soient  pas  les  conteurs  de  notre  Occident 
qui  l'aient  ajoutée  aux  autres  exemples  de  ruses  féminines. 

Nous  n'avons  fait  tout  à  l'heure  que  nommer  ces  livres. 
Montrons-y  brièvement  des  récits,  plus  vieux  que  le  Déca- 
méron^  des  infortunes  de  George  Dandin. 

On  a  d'abord,  au  douzième  siècle,  la  Disciplina  clericalis  de 
l'Aragonais  Pierre  Alphonse  ou  d'Alphonse,  juif  d'origine,  qui 
naquit  en  io6a,  devint  théologien  catholique  et  mourut  vers 
le  commencement  ou  le  milieu  du  douzième  siècle.  Ce  livre  a 
été  traduit,  au  quinzième  siècle,  en  prose  française,  sous  ce 

I.  Nous  nous  contenterons  de  citer  ici  trois  de  ces  rédactions, 
celles  qui,  d'après  M.  Comparetti,  peuvent  le  mieux  donner  ]*idée 
de  rorigînal  indien  :  i»  le  livre  grec  intitulé  Sjrntipas^  que  Tauteur 
dit  avoir  traduit  d'un  texte  syriaque,  traduit  lui-même  d'une  ver- 
sion, probablement  arabe,  faite  par  un  Persan;  M.  Comparetti 
(p.  3  et  3i)  pense  que  cette  version  grecque  date  des  dernières 
années  du  onzième  siècle  :  voyez  l'édition  qu'en  a  donnée  Bois- 
sonade,  en  1838,  sous  ce  titre  :  de  Syntipa  et  Cjrri  filio  Ândreopidi 
narratio;  9«et  3<»  deux  versions  faites  d'après  l'arabe,  dans  la  première 
moitié  du  treizième  siècle  :  l*une  espagnole,  ayant  pour  titre  Ubro 
de  los  engfuinoj  ed  assayamentos  de  las  mugereSy  et  que  publie  pour 
la  première  fois  M.  Comparetti  ;  l'autre  hébraïque,  imprimée  plu- 
sieurs fois  et  qui  porte  le  titre  bien  connu  de  Paraboles  de  Sandahar  : 
▼oyez,  pour  cette  dernière,  l'excellente  traduction  française  quVn 
a  donnée,  avec  une  Notice  hittorique  et  des  remarques,  M.  £.  Car- 

moly(i849). 

a.  Voyez  dans  les  Recherches  de  M.  Comparetti  (p.  i3)  le  tableau 

comparatif  qu'il  a  dressé  des  historiettes  contenues  dans  les  diverses 

rédactions  orientales. 


484  GBORGB  DANDIN. 

titre  :  la  Discipline  de  elergie*.  D  a  un  tout  autre  cadre,  et, 
à  un  petit  nombre  près,  d'autres  histmres  que  les  livres  qui 
peuvent  se  rattacher  au  Sindibad;  mais,  disons-le  d'ailleurs, 
c'est  surtout  de  souvenirs  orientaux,  recueillis  dans  les  ceuvres 
ou  dans  la  tradition  des  Arabes,  qu'il  est  rempli,  et  commeat 
affirmerions-nous  que  notre  conte,  tel  qu'il  est  là,  ne  soit 
pas  aussi  un  de  ces  souvenirs  ?  L'histoire  (la  douâème  de  la 
Discipline  de  clergie)  est  intitulée  dans  la  traduction  en  vers, 
dont  nous  parlons  plus  loin  :  de  Celui  qui  enferma  sa  famé 
en  une  tor*,  La  citation  de  quelques  passages  suffira;  et  il 
serait  superflu  de  faire  ressortir  les  rapprochements  évidents 
qu'ils  offrent  avec  le  dernier  acte  de  notre  comédie. 

Trouvant  la  porte  fermée  par  son  mari,  «  la  femme  loi  pria 
merci  et  lui  promist  que  jamais  tel  cas  ne  lui  avendroit.  Prières 
ne  lui  valurent  riens,  car  le  mari  estoit  iriez  et  oourrouchies  ; 
si  dist  qu'elle  n*y  entreroit  point,  ains  monstreroit  à  ses  pa- 
rens  de  quelle  vie  elle  estoit....  La  dame  qui  estoit  plaine  de 
art  et  d'engin,  prist  une  pierre  et  la  jetta  ou  puis....  »  Le  mari 
croit  que  de  désespoir  elle  s'est  jetée  dans  le  puits;  et,  lorsque 
effrayé  il  est  sorti,  elle  rentre  dans  la  maison,  qu'à  son  tour  il 
trouve  fermée.  Alors  elle  lui  crie  :  «  Haa,  desloyal  homme, 
a  je  monstreray  à  mes  parens  et  amis  et  aux  tiens  aussi  com- 
<c  menl  tu  es  faulx  et  desloyal,  et  comment  chascune  nuit  tu  te 
<c  dépars  de  moi  et  vas  à  tes  folles  femmes  et  ribaudes  ;  »  et  ains 
le  fist-elle.  Quant  les  parens  oyrent  ce,  ils  cuiderent  que  ce 
fust  vérité  ;  si  l'en  blasmerent  et  moult  lui  dirent  de  villonie. 
Ainsi  se  délivra  la  femme  par  son  art,  et  encoulpa  son  mari  de 
ce  qu'elle  mesmes  avoit  desservi.  Ainsi  ne  prouffita  gaires  i 
rhomme  ce  qu'il  regarda  où  sa  femme  aloit,  ains  lui  niiisj 
moult;  car  sa  mesaise  estoit  plus  grande  pour  ce  que  les  gens 
ciiidoient  qu'il  l'eust  desservi  [bien  mérité)^  que  de  ce  quîl 
souffroit  par  le  meffait  d'adultère  que  sa  femme  avoit  prouvé 
par  son  maléfice.  »  Molière  a  remplacé  par  la  feinte  d'un  coup 

I.  Cette  version  a  été  imprimée  en  regard  du  texte  latin  dans 
Tédition  de  la  Société  des  bibliophiles  français  (i8a4). 

9.  Voyez  aux  pages  107  et  impaires  suivantes  (où  le  français 
est  en  regard  du  latin),  et  aux  pages  336  et  suivantes  (contenant  la 
traduction  en  vers)  de  T édition  des  bibliophiles. 


NOTICE.  485 

de  couteau  la  pierre  jetée  dans  le  puits,  que  Ton  retrouve  dans 
toutes  les  anciennes  versions  du  conte,  sans  excepter  celle  de 
Boccaoe,  et  que  Ton  n'avait  pas  oubliée  non  plus  dans  une 
pièce  du  théâtre  italien.  Pantalon  avare  (nous  en  ignorons  la 
date),  qu'avait  vu  jouer  Cailhava.  La  difierence  est  peu  impor- 
tante :  Molière  a  préféré  ce  qui  simplifiait  la  mise  en  scène. 

Il  existe  du  livre  de  Pierre  Alf^onse  plusieurs  anciennes 
traductions  en  vers  français  de  huit  syllabes,  sous  ce  titre  :  le 
Castoiement  et  un  père  à  son  fils,  Barbazan  avait  fait  connaître, 
en  1760,  un  de  ces  Castoiements  ou  Chastoiements\  dans  les- 
quels naturellement  n'a  pas  été  omis  le  conte  «  de  celui  qui 
enferma  sa  femme  en  une  tor.  9  C'est  de  là  que  Legrand 
d'Aussy  a  tiré  le  fabliau  (il  n'est  pas  tout  à  fait  exact  que  c'en 
soit  un)  auquel  il  a  donné  place  dans  ses  Fabliaux  ou  contes  ^, 
Il  y  est  attribué  à  Pierre  d'Anfol.  Ce  nom  est  tout  simplement 
une  corruption  de  celui  de  Pierre  Alphonse,  que  l'auteur  d'un 
des  Chastoiements  SLp^We  Pierre  Anfors*. 

Si  le  Castoiement  n'est  que  la  Discipline  de  clergie  traduite 
en  vers,  un  ouvrage  différent  est  le  Dolopathos  ou  l'histoire 
dun  Boi  et  de  sept  Sages  y  écrite  en  latin  :  Dolopathos  sive  de 
Bege  et  septem  Sapientibus»  Cette  histoire,  avec  sa  traduction 
en  vers,  //  Romans  de  Dolopathos^  forme,  dans  la  grande  fa- 
mille de  romans  et  de  poèmes  sortb  du  livre  de  Sindibad, 
un  des  rameaux  de  la  branche  occidentale,  branche  fort  touf- 
fue, entée  sur  la  branche  orientale.  L'auteur  est  un  moine  de 
l'abbaye  de  Haute-Sel ve  ou  Haute-Seille  {Alta  Sylva)  ^  Dam 
Jehans  ou  Dom  Jean.  On  dit  que  la  date  de  son  livre  doit 
être  entre  11 84  et  laia^;  il  est  donc  moins  ancien  que  celui 

I.  Méon  Ta  donné  plus  complet  au  tome  II  de  Tédition  quUl 
rerit  en  1808  des  Fabliaux  et  contes  des  poètes  français  des  xi,  xii, 
xin,  xiT  et  XV*  siècle*  recueillis  par  Barbazan  :  le  conte  se  trouve 
là,  p.  99-107.  Il  y  a  aussi  un  C/uutoiement  à  la  suite  de  la  Disciplina 
eUriealis^  dans  Fëdition  de  la  Société  des  bibliophiles,  déjà  citée  : 
le  conte,  nous  Tavons  déjà  indiqué,  est  aux  pages  336  et  suiTantes. 

9.  Voyez  tome  III,  p.  146-16 1  de  la  3«  édition  (1829)  des  Fa- 
bliaux ou  contes^,,,  traduits  ou  extraits  par  Legrand  d'Aussy. 

3.  Page  348  de  Tédition  de  i8a4  du  Cluutoiement, 

4.  Voyez  la  Préfaça  du  Ronum  de  Dolopathos^  p.  xii,  dans  Tëdi- 
tion  que  nous  citons  ci-après,  p.  486,  note  3. 


486  GEORGE  DANDIN. 

de  Pierre  Alphonse.  Le  maniucrit,  longtemps  cherche^  vient 
d'en  être  retrouve,  il  y  a  moins  de  dix  ans^,  et  une  édition  en 
a  paru  à  Strasbourg  en  1873,  sous  le  titre  cite  plus  haut; l'é- 
diteur très-versé  dans  cette  littérature,  M.  Œsteriey,  le  atfk 
sorti  de  traditions  orales  et  populaires  ;  il  n'est  une  imitation 
directe  ni  du  Syntipas^  ni  des  Paraboles^  où  d'ailleurs,  nom 
l'avons  dit*,  Dom  Jean  n'eût  pas  trouvé  l'anecdote,  que  chez 
lui  raconte  Virgile,  mis  en  scène  dans  le  rôle  de  précepteur 
d'un  prince. 

Un  clerc,  du  nom  d'Herbers,  auteur  d'un  Doiopaihos  fraih 
çais',  roman  en  vers  de  huit  syllabes,  dit  lui-même  (vers 
19-aa)  qu'il  l'a  extrait  du  livre  de  Dom  Jean.  Il  Ta  écrit  en 
l'honneur  du  roi  de  France  Louis,  fils  de  Philippe*,  qui  doit 
être  Louis  VIII,  fils  de  Philippe-Auguste.  L'imitation  a  seu- 
lement enjolivé  et  quelquefois  compliqué  l'œuvre  originale. 
Dans  les  deux  ouvrages',  le  mari  n'est  pas  un  vieillard,  mail 
un  jeune  Romain,  philosophe,  d'abord  ennemi  du  mariage, 
mais  qui  se  fiant  à  son  infaillible  prudence,  malgré  les  con- 
seils de  Virgile,  finit  par  prendre  femme.  La  malheoreuse 
qu'il  a  choisie  (chez  Herbêrs,  conquise  par  un  enlèvement, 
dont  le  long  récit  est  fondu  avec  celui  de  notre  histoire)  est 
enfermée  dans  une  tour.  Elle  n'y  reste  que  quelques  jours, 
jette  une  lettre  à  un  damoisel,  et  lui  donne  un  rendes*voni) 
comme  Angélique  à  Clitandre.  Elle  enivre  son  jaloux,  et,  pen- 
dant qu'il  dort,  lui  dérobe  sa  clef  et  s'évade.  Ce  qui  suit  est 
tel  que  nous  l'avons  vu  partout  :  la  rentrée,  devenue  impossible 
à  la  femme  jusqu'à  ce  que  la  pierre  jetée  dans  le  puits  ait  fait 
sortir  le  jeune  Romain,  etc.  La  conclusion  seule  de  rhistoÎR 
n'est  pas  la  même  que  dans  la  Discipline  de  ciergie  ou  dans 
l'Histoire  des  sept  sages  (dont  nous  allons  parler)  :  il  n'y  a  p>s 
de  mari  honni  par  les  siens  ou  arrêté  par  la  garde  et  fustigé. 
Tout  se  passe  plus  doucement  :  «  Il  jeta  bas  la  tour,  dit  Dom 

z .  Dans  la  bibliothèque  de  VjithefuHun  de  Luxembourg. 
».  Voyez  p.  483. 

3.  Lt  Romans  Je  Dolopatkos^  publié  pour  la  première  fois  en  ee- 
tier  par  MM.  Charles  Bninet  et   Anatole  de  Monuiglon  (i856). 

4.  C^est  l'interprétation  qn*on  a  donnée  aux  vert  aS-37. 

5.  Voyez  le  huitième  conte  :  p.   8o-8a   du  Doiopatkos  latin; 
p.  353  et  suivantes,  particulièrement  p.  375-379,  du  poème  francs^- 


NOTICE.  487 

Jeaiiy  donnant  à  sa  femme  licence  d'aller  où  elle  voudrait.  » 
ce  Lui,  rëpète  en  un  langage  nn  peu  plus  vieux  le  rimeur  fran- 
çaiSy  lui  qui  eut  bien  éprouve  sa  femme,  fit  le  lendemain  abat- 
tre la  tour;  oncques  ne  tint  plus  sa  femme  prisonnière  et  lui 
laissa  le  champ  libre;  il  connut  bien  que  nul  ne  peut  garder 
une  mauvaise  femme,  car  elle  a  sa  volonté.  »  Tofano  et 
George  Dandin  renoncent  de  même  à  faire  obstacle  à  ce  qui  ne 
saurait  être  empêche;  George  Dandin  toutefois,  en  se  rési- 
gnant, n'y  met  pas  tant  de  bonne  grâce. 

A  un  autre  groupe  de  recueils  occidentaux  se  rattachant  à 
l'œuvre  si  merveilleusement  féconde  de  Sindibad,  appartient 
le  vieux  poème  intitulé  li  Romans  des  sept  sftges  ^,  dont  sont 
dérivées  plusieurs  rédactions  en  prose  française,  et  la  rédac- 
tion en  prose  latine,  aussi  née  en  France*,  de  VHtsioria  septem 
Sapientum  [Romœ)  ;  cette  dernière,  une  des  plus  tard  venues 
(M.  Gaston  Paris,  p.  xxxix,  en  place  la  composition  vers  i33o)y 
fut  une  des  plus  répandues,  et,  depuis  sa  première  impression 
en  1472,  une  des  plus  souvent  reproduites  en  diverses  langues*. 
Dans  cette  Histoire  des  sept  sages ^^  le  mari  «  confondu  »  est 
un  vieux  chevalier  qui  a  épousé  une  très -jeune  fille.  Il  refuse 
de  la  laisser  rentrer  après  une  de  ses  escapades  nocturnes, 
et  lui  crie  :  a  Ô  très-mauvaise  coquine,  tu  resteras  là  jusqu'à 
ce  que  la  cloche  sonne  et  que  la  garde  te  prenne.  »  Ceux  qui, 
la  cloche  sonnée,  étaient  trouvés  dans  la  rue,  on  les  arrêtait, 

I  •  Publié  par  M.  H.-A.  Keller  à  Tubingue,  en  1 836,  diaprés  le  ma- 
nuscrit unique  de  notre  Bibliothèque  nationale.  Citons- en,  d*aprèt 
M.  Gaston  Paris  (p.  tii,  Toyez  aussi  p.  18),  ces  deux  Ters(aia3et 
3ia4)i  qui  viennent  précisément  au  début  de  notre  histoire  : 

MaU  hom  esl  fols  de  bas  paraige 
Ki  femme  prent  de  grant  Unuge. 

9.  C*est  ce  qu*a  établi  M.  Gaston  Paris  dans  la  Préfacé  dont  il 
a  fait  précéder  les  deux  Rédaetiont  du  Roman  des  sept  sagts^  pu* 
bliées  par  lui  en  1876. 

3.  M.  Gaston  Paris  a  intégralement  réimprimé  la  traduction 
française,  très-fidèle,  qui  parut  à  Génère  en  149a. 

4«  Stcumdi  màgisiri  exemplum^  aux  folios  ii-ia  de  XHUtoria  septem 
Sapientum  ilonur  (édition  gothique  de  Deift,  i495,  in-folio);  aux 
p.  8a-87  de  la  traduction  de  Génère  (149s)  réimprimée  par  M.  Gas- 
ton Paris. 


488  GEORGE  DANDIN. 

et,  le  jour  venu,  on  les  exposait  au  pilori.  «  Ce  sera»  dit 
la  femme,  un  grand  opprobre  pour  toi,  pour  moi  et  pour 
tous  nos  parents....  Pour  Tamour  de  Dieu, tu  m'ouvriras.  »  Le 
trouvant  inflexible,  elle  a  recours  à  la  ruse,  que  nous  connaît- 
sons,  de  la  grosse  pierre  jetëe  dans  le  puits  ;  et  quand,  par 
l'effet  de  cette  ruse,  ils  ont  changé  de  place,  lui  à  la  porte, 
elle  à  la  fenêtre  :  «  Maudit  vieux,  lui  dit-elle,  comment,  à 
une  telle  heure,  es-tu  là?  Ta  femme  ne  te  su£Bt-elle  pas?  Pom>> 
quoi,  toutes  les  nuits,  vas-tu  voir  tes  coquines  et  abandonnes- 
tu  notre  lit?  »  La  cloche  ayant  sonne,  le  pauvre  homme  est  pris 
par  la  garde,  exposé  le  lendemain  au  poteau  de  justice  et  fustigé. 
Chaque  narrateur  a  ses  petites  variantes;  le  fond  reste  le  même. 
Nous  avons  cité  ces  vieux  recueils  de  fables  plutdt  comme 
des  objets  amusants  de  comparaison  avec  la  comédie  de  Mo- 
lière, que  comme  des  modèles  dont  il  aurait  prc^té.  Il  est 
vrai  qu'ils  n'étaient  pas  tous  impossibles  à  connaître  an  dix- 
septième  siècle  :  Y  Histoire  des  sept  sages  avait  été  souvent 
imprimée,  et  si  les  Castoiements  ne  l'étaient  pas,  ils  n'étaient 
pas  assez  anciens  pour  qu'il  n'y  en  eût  pas  encore  bien  des  co- 
pies répandues.  Le  plus  probable  cependant,  comme  nous  l'a- 
vons déjà  dit,  c'est  que  Molière  ne  remonta  pas  plus  haut  qœ 
ie  Décaméron.  Que  là  seulement  il  faille  chercher  la  source  de 
sa  comédie,  on  est  d'autant  plus  porté  à  le  croire  qu'une  nou- 
velle de  Boccace  toute  voisine  de  la  nouvelle  de  Tofano,  et  qui 
est  la  huitième  de  la  même  journée,  doit  avoir  suggéré  à  notre 
auteur  Tidée  si  heureuse,  si  digne  d'un  grand  comique,  demcm- 
trer  dans  George  Dandin  une  victime  de  Talliance  imprudente 
de  la  roture  avec  la  noblesse.  Ne  serait-ce  pas  une  preuve  qu'il 
faisait  le  plan  de  sa  pièce,  le  Décaméron  sous  les  yeux  ?  Sans 
qu'il  eût  besoin,  dira-t-on,  de  rencontrer  rien  de  semblable 
dans  Boccace,  il  avait  dû  souvent,  observateur  si  clairvoyant 
des  mœurs  de  son  temps,  noter,  parmi  les  caractères  qui  at- 
tendaient son  pinceau,  l'homme  qui,  pour  son  argent,  a  voulu, 
dans  son  mariage,  tâter  de  la  noblesse.  Nous  le  croyons  aussi: 
ce  qui  n'empêche  pas  la  nouvelle  italienne  d'avoir  de  trop 
grandes  ressemblances  de  détail  avec  notre  comédie,  pour  que 
celle-ci  ne  lui  doive  pas  quelque  chose.  En  constatant  que  Mo- 
lière a  trouvé  dans  la  lecture  d'un  conte  l'occasion  de  traiter 
un  tel  sujet,  dont  se  serait  bien  avisé  tout  seul  son  génie 


NOTICE.  489 

mique,  on  n'ôte  rien  au  mérite  de  sa  peinture  satirique  si  par» 
faite.  Les  Sotenville  n'en  restent  pas  moins  une  de  ses  excel- 
lentes créations,  et,  par  bien  des  côtés,  il  en  a  fait,  s'écartant 
de  Boccace  et  le  surpassant,  des  personnages  de  son  temps  et 
de  son  pays. 

Dans  la  nouvelle  du  Décaméron  qui  a  fourni  à  Molière  un 
second  emprunt,  ce  n'est  plusTofano  qui  est  le  George  Dandin, 
c'est  un  très-riche  marchand,  nommé  Arriguccio  Berlinghieri. 
«  U  songea  sottement,  dit  Boccace,  à  se  mettre  dans  la  gen- 
tilhommerie  par  sa  femme,  ayant  épousé  une  jeune  demoiselle 
noble,  qui  n'était  point  son  fait^  »  Il  est  trompé  par  la  dame. 
Des  ruses  de  l'infidèle  Monna  Sismonda  nous  n'avons  rien 
à  dire  ici;  on  les  trouve,  avec  quelques  changements,  dans  un 
des  contes  delà  Fontaine^  ;  elles  sont  toutes  différentes  de  celles 
dont  Molière  a  pris  l'idée  à  la  quatrième  nouvelle  de  la  même 
septième  journée.  Laissons-les  donc,  pour  montrer  seulement 
ce  qui  dans  l'histoire  de  Berlinghieri  se  rapporte  à  notre  co- 
rnue. Le  marchand  mal  marié  va,  quand  il  s'est  assuré  de  son 
malheur,  frapper,  pendant  la  nuit,  à  la  porte  des  parents  de 
sa  femme.  La  mère  et  les  trois  frères  de  Monna  Sismonda  se 
lèvent.  Il  ne  peut  entrer  dans  l'esprit  de  la  mère  qu'élevée 
par  elle  sa  fille  soit  capable  de  la  faute  dont  son  mari  l'accuse. 
Celle-ci  s'est  artificieusement  préparé  des  preuves  d'innocence. 
Toute  l'indignation  des  parents,  que,  sans  peine,  elle  trompe, 
tombe  sur  Berlinghieri.  L'impudente,  changeant  la  défense 
en  attaque,  reproche  au  malheureux  mari  de  ne  pas  sortir 
des  tavernes  (p.  359]  :  «  Ne  vient-il  pas  encore  de  s'enivrer?  U 
n'a  pas  achevé  de  cuver  son  vin.  »  Voilà  un  exemple  de  la  ma- 
nière dont  Molière  imitait;  on  sait  le  trait  si  plaisant  des  Soten- 
ville, criant  à  leur  gendre  de  ne  pas  les  approcher,  parce  qu'ils 
sentent  son  haleine  empestée  de  buveur  '.  Tout  comme  eux,  la 
noble  famille  de  Monna  Sismonda  fait  à  Berlinghieri  le  reproche 
d'un  manque  de  respect  à  une  épouse  de  si  grande  naissance. 
Berlinghieri  demeure  atterré.  «Ne  sachant  plus  si  ce  qui  s'était 
passé  était  vrai  ou  s'il  l'avait  rêvé,  et  sans  désormais  souffler 

I.  //  Deeamerone^  p.  355. 
s.  Le  Yii*  de  la  >•  partie. 
3.  Acte  III,  scène  tu. 


490  GEORGE  DÀNDIN. 

mot,  il  laissa  sa  femme  en  paix  ^.  »  Il  y  a  là,  sans  contredit, 
une  esquisse  des  plus  heareux  traits  de  notre  comëdie,  esquisse 
lëgère,  qu'achèvent,  dans  celle-ci,  les  scènes  fortement  tracées, 
où  chaque  parole  donne  tant  de  relief  aux  caractères. 

Plus  mal  à  propos  pour  cette  nouvelle  de  Berlinghieri  qœ 
pour  celle  de  Tofano,  on  s'est  demandé  si  Molière,  au  lieu  de 
s'en  inspirer,  n'aurait  pas  fait  un  emprunt  à  certain  conte  du 
moyen  âge;  et  l'on  a  pensé  au  fabliau  de  Bértngier*.  Il  y  est 
dit,  au  début,  qu'en  Lombardie  un  chevalier  avait  une  époose, 
qui  était  la  plus  belle  dame,  la  plus  courtoise,  la  plus  sage 
(par  là  combien  différente  de  la  femme  de  George  Dandin!) 
qu'il  fût  possible  de  trouver  dans  le  pays.  Elle  était  de  haut 
parage,  son  mari  était  d'une  famille  de  vilains  :  c'est  tout  ce 
qu'il  y  a  de  commun  entre  le  conte,  très-grossier  d'ailleurs, 
et  la  comédie  de  Molière.  Rien,  dans  le  fabliau,  ne  ressemble 
à  une  leçon  pour  la  roture  vaniteuse  qui  veut  se  mêler  à  l'or- 
gueilleuse noblesse.  Le  mari  n'est  trompé  que  lorsqu'il  a  montré 
sa  lâcheté  ;  cette  lâcheté  seule  est  punie  et  non  la  sottise  qu'il 
a  ûiite  de  sortir  de  sa  sphère.  On  n'a  voulu  inspirer  là  de  sym- 
pathie que  pour  la  grande  dame,  à  qui  sa  vengeance,  il  est 
vrai,  ne  fait  pas  beaucoup  d'honneur;  mais  le  vieux  conteur 
n'en  paraît  pas  scandalisé.  Quand  même  on  ne  tiendrait  pas 
compte  des  ordures  du  fabliau,  la  pièce  de  Molière,  â  peu 
comparable  de  tout  point,  resterait  encore  plus  morale. 

L'est-elle  tout  à  fait?  et,  pour  la  rendre  édifiante,  la  sagesse 
de  la  leçon  su£Bt-elIe  ?  Trop  de  plaintes  se  sont  élevées  contre 
ses  hardiesses  pour  que  nous  évitions  de  dire  ce  qu'il  en  ùluI 
penser.  On  doit  sans  doute,  dans  le  jugement  des  œuvres  de 
théâtre,  renoncer  à  un  rigorisme  qui  finirait,  comme  clies 
Rousseau,  par  les  condamner  à  peu  près  toutes.  Nous  sommes 
d'ailleurs  ici  chez  Molière,  et  nous  n'avons  pas  dû  y  entrer 
une  férule  à  la  main.  L'indulgence  néanmoins,  pour  ce  qui  sur 
la  scène  inquiète  la  morale,  a  ses  limites,  ne  voulût-on  mènoie 
se  [^acer  qu'au  point  de  vue  de  l'art. 

Dès  le  dix-septième  siècle,  dans  une  des  chaires  les  plus 
éloquentes  et  qui  eut  alors  le  plus  d'autorité,  des  paroles  d'une 

I.  //  Deeamerone^  p.  36o. 

9.  Utakêlt^Fahiiauxet contes^  de  Mëon  (i 808), tome IV ,  p.  187-29$. 


NOTICE.  491 

grande  sëvërité  ont  M  prononcées  contre  notre  comëdie;  car 
c'est  bien  elle  qne  désigne  une  incontestable  allusion.  Le  i^ 
mars  1682,  en  présence  du  Roi  qne  George  Dandin  avait  sou-> 
▼ent  fait  bien  rire,  Bonrdaloue,  dans  le  sermon  sur  VImpi&- 
reté^  disait^  :  a  Le  comble  du  désordre,  c'est  que  les  devoirs, 
je  dis  les  devoirs  les  plus  généraux  et  les  plus  inviolables  chez 
les  païens  mêmes,  soient  maintenant  des  sujets  de  risée.  Un 
mari  sensible  au  déshonneur  de  sa  maison  est  le  personnage 
qne  Ton  joue  sur  le  théâtre,  une  femme  adroite  à  le  tromper 
est  Thérolne  que  Ton  y  produit;  des  spectacles  où  l'impudence 
lève  le  masque  et  qui  corrompent  plus  de  coeurs  que  jamais 
les  prédicateurs  de  l'Évangile  n'en  convertiront,  sont  ceux 
auxquels  on  applaudit.  »  Ce  sont  des  foudres  de  cette  violence 
qui  faisaient  dire  à  Mme  de  Sévigné,  avec  l'intention  d'en  ad- 
mirer le  courage  :  «  Bourdaloue....  frappe  toujours  comme  un 
sourd';  »  mais  les  plus  respectueux  de  la  grave  parole  du 
prédicateur  reconnaîtront  que  la  mesure  est  dépassée  dans 
l'accusation  d'avoir  produit  comme  l'héroïne  de  la  pièce  la 
femme  dont  l'auteur  a  pris  soin  de  charger  le  portrait  de  si 
noires  couleurs. 

Lorsque  Riccoboni  écrivit  son  livre  de  la  Réformation  du 
théâtre^,  il  divisa,  comme  on  sait,  les  comédies  de  Molière  en 
comédies  à  conserver^  comédies  à  corriger^  comédies  à  rejeter. 
Ce  George  Dandin  dont  il  avait,  dans  un  ouvrage  précédent, 
admiré  les  couleurs  vives  et  fortes^,  il  ne  l'admit  même 
pas  à  correction,  il  le  rejeta,  a  La  simple  lecture  de  cette 
pièce,  dit-iM,  fait  sentir  qu'elle  ne  peut  être  admise  sur  un 
théâtre  où  les  mœurs  sont  respectées....  Ce  n'est  pas....  que 
Molière  n'y  ait  mis  d'excellentes  choses  pour  corriger  la  vanité 
d'un  bourgeois  qui  veut  s'élever  au-dessus  de  sa  condition  par 
une  alliance  disproportionnée;  mais  les  bounes  mœurs  ont, 
sans  comparaison,  beaucoup  plus  à  perdre  qu'à  gagner  dans 

I.  Œuvres  de  Bourdaloue  (édition  de  Vertaillet,  i8is),  tome  III, 
p.  86. 

1.  Lettres  de  Mme  de  Sévigné^  sg  mars   1680,  tome   VI,  p.  333. 

3.  I  Tolume  in-i«,  kdcgxliii  (s.  1.). 

4.  Observations  sur  la  coméMe  et  sur  le  génie  de  Molière  (i736), 

p.    131. 

5.  De  la  Réformation  du  théâtre^  p.  3i7  et  3i8. 


49»  GEORGE  DANDIN. 

la  comëdie  de  George  Dandin^  dont  Molière  a  pnisë  le  snjel 
dans  une  nouvelle  de  Boccace..*.  Si  Boccaceten  ce  cas,  mérite 
d'être  blâmëy  Molière  n'en  est  pas  plus  excusable  d'avoir  tiré 
de  cet  auteur  italien  le  sujet  d'une  comédie  si  scandaleuse.  » 
À  ces  réclamations  des  vengeurs  de  la  morale,  l'éloquent 
auteur  de  là.  Lettre  à  d^Alemhert  ne  pouvait  guère  manquer  de 
joindre  la  sienne,  qui  vint  quinze  ans  après  celle  de  Rîcco- 
boni^  «  Quel  est  le  plus  criminel,  dit  Rousseau,  d'un  paysan 
assez  fou  pour  épouser  une  demoiselle,  ou  d'une  femme  qui 
cherche  à  déshonorer  son  époux?  Que  penser  d'une  pièce  oô 
le  parterre  applaudit  à  l'infidélité,  au  mensonge,  à  l'impudence 
de  celle-ci  et  rit  de  la  bêtise  du  manant  puni  ?»  La  réponse 
de  d'Alembert  au  citoyen  de  Genève  appuie  très-peu  sur 
l'apologie  de  notre  pièce,  dont  elle  se  contente  de  dire*  : 
a  Qu'apprenons-nous  dans  George  Dandin?  Que  le  dérègle- 
ment des  femmes  est  la  suite  ordinaire  des  mariages  mal  assor- 
tis où  la  vanité  a  présidé.  »  Marmontel  est  moins  laconique  : 
«  Que  penser  de  cette  pièce?  dit-il*.  Que  c'est  le  plus  terrible 
coup  de  fouet  qu'on  ait  jamais  donné  à  la  vanité  des  mésal- 
liances.... De  quoi  s'agit-il...  ?  De  faire  sentir  les  conséquences 
de  la  sottise  de  ce  villageois.  Molière  a  donc  peint  ses  person- 
nages d'après  nature.  Mais  en  exposant  à  nos  yeux  le  vice, 
l'a-t-il  rendu  intéressant?  a-t-il  donné  un  coup  de  pinceau 
pour  radoucir  et  le  colorer,  lui  qui  savoit  si  bien  nuancer  les 
caractères?  a-t-il  seulement  pris  soin  de  rendre  cette  coquette 
séduisante  et  son  complice  intéressant  ?  Rien  n'étoit  plus  fa- 
cile sans  doute;  mais  s'il  eût  afibibli  le  mépris  qu'il  devoît  ré- 
pandre sur  le  vice,  il  se  fût  contredit  lui-même  :  il  eût  oublié 
son  dessein.  C'est  donc  pour  rendre  sa  pièce  morale  qu'il  a 
peint  de  mauvaises  mœurs;  et  ceux  qui  lui  en  ont  fait  un 
reproche  ont  confondu  la  décence  avec  le  fond  des  mœurs 
théâtrales.  La  bienséance  est  violée  dans  la  comédie  de  George 
Dandin^  comme  dans  la  tragédie  de  Théodore^;  mais  ni  l'une 
ni  l'autre  pièce  n'est  une  leçon  de  mauvaises  mœurs.  » 


I.  La  lettre  de  /.  /.  Rousseau^  citoyen  de  Genèft,  à  M,  J^Al 
hert^  est  de  1758  :  Toyez  p.  5a  de  rëdition  originale  (Amsterdam). 
a.  Tome  II  des  Mélanges  (1759),  p.  43^0. 

3.  Voyez  le  Mercure  de  France  de  décembre  1758,  p.  106  et  107. 

4.  Théodore^  tragédie  chrédeime  de  P.  Corneille  (1645). 


NOTICE.  i^i 

De  ces  plaidoyers  pour  oa  contre,  où,  dans  les  deux  sens, 
tout  a  ét^  dit,  au  ramna  indiqué,  la  vérité  peut  6tre  dégagée. 
Il  est  certain  que  la  pièce  donne  une  leçon  utile,  certain  aussi 
que  Molière  n'y  a  pas  rendu  le  vice  séduisant,  mail  odieux. 
Faire  autrement  ne  lui  aurait  pas  été  aussi  facile  que  Mar- 
montel  le  dit,  dès  que,  pour  montrer  la  sotte  vanité  punie,  il 
avait  choisi  l'anecdote  du  vieux  conte.  Elle  ne  tenait  pas  essen- 
tiellement au  vrai  sujet  delà  comédie;  le  choix  en  a  donc  été 
librement  fait,  et  il  j  a  à  en  savoir  gré  à  Molière,  puisqu'elle 
fait  de  la  femme  coupable  la  plus  méchante  femme  qui  se  puisse 
voir;  mais  il  y  a  aussi  à  le  lui  reprocher,  puisqu'elle  met  sous 
les  yeux  un  spectacle  qui  répugne.  Marmontel  ne  défend  que 
l'intention  morale  de  George  Dandin,  et  passe,  avec  raison, 
condamnation  sur  la  décence;  mais  il  a  oublié  qu'il  n'est  pas 
sans  danger  de  peindre  trop  hardiment  de  mauvaises  moeurs 
pour  tirer  de  cette  peinture  une  bonne  moralité.  Si  l'on  excepta 
..tfm/iA/fr/on,  dont  le  sujet,  très-scabreux  aussi,  n'a  pas  été  autant 
reproché  à  son  auteur,  parce  que  l'invraisemblance  et  le  loin- 
tain du  monde  mythologique  dissimulent  et  couvrent  beaucoup 
ce  qu'il  a  de  choquant,  et  parce  que  le  mal  n'y  est  volontaire 
que  du  cfité  des  privilégiés  de  l'Olympe,  George  DanHin  est  la 
seule  comédie  oii  Molière  ait  mis  l'adultère  sur  la  scène,  avec 
l'unique  précaution  de  nous  laisser  libres  de  ne  l'y  croire  qu'en 
projet.  Le  théâtre  de  nos  jours  a  fait,  de  ce  cdté,  quelques 
progrès  ;  et  ce  n'est  point  on  avantage  pour  lui  de  ne  pou- 
voir invoquer  l'excuse  que  Molière,  àl'exemple  de  la  Fontaine, 
aurait  pu  trouver  dans  la  gaieté  de  contes  bleus.  Toute  demi- 
excuse  acceptée,  et  si  peu  disposé  que  l'on  soit  à  la  pruderie, 
il  faut  convenir  qu'il  y  a  quelque  chose  de  blessant  dans  l'ef- 
fronterie d'Angélique,  et  qu'une  leqon  de  morale,  assurément 
bonne,  est  loin  cependant,  comme  les  apologistes  eux-mêmes  ne 
le  cachent  pns,  d'y  Sire  donnée  décemment. 

Si  nous  avons  touché  à  une  question  que  bien  des  personnes 
voudraient  réserver  aux  moralistes  de  profession  et  souffrent 
impatiemment  de  voir  mËlée  à  la  critique  littéri 
tions  que  nous  avons  faites  montrent  que,  dans  l'I 
pièce,  elle  était  inévitable.  Voltaire  ne  s'est  pas 
.d'en  dire  quelques  mots.  Tout  en  opposant  aux  i 
spectateurs  la  remarque,  déjà  faite  avant  lui,  du  vi 


494  6B0RGB  DANDIN. 


de  Molière,  qui  n'a  représenta  le  désordre  qneoonune  une  poni- 
tion  de  la  sottise,  il  nous  apprend  qu'  «  on  se  souleva  un  pen 
contre  le  sujet  même  de  la  pièce,  »  et  que  «  quelques  per- 
sonnes se  révoltèrent'.  »  Il  faut  bien  qu'il  ait  été  témoin  de  œ 
mouvement  de  réprobation.  Nos  propres  souvenirs  (ik  sont 
assez  anciens)  se  trouvent  d'accord  ;  et  si  Rousseau,  dont  l'aa* 
sertion  peut  bien  n'être  qu'un  artifice  de  sa  rhétorique,  a  vu 
de  son  temps  le  parterre  applaudir  à  l'impudence  de  la  femme 
infidèle,  nous  avons  un  jour  vu  certainement  le  contraire.  On 
nous  dit  que  le  momeat  où,  malgré  son  respect  pour  Molière, 
le  public  montre  quelque  mécontentement,  est  celui  où  Geoi^ 
Dandin,  à  genoux  et  chandelle  en  main,  est  forcé  par  les  So- 
tenville  de  faire  amende  honorable,  et  que  cette  humiliation  du 
pauvre  roturier  nous  contriste  dans  nos  sentiments  d'égalité. 
Il  y  a  de  cela  peut-être,  bien  que  c'eût  été  plutôt,  ce  sem- 
ble, à  la  gentilhommerie  de  se  plaindre  de  l'intention  de  la 
scène.  Quoi  qu'il  en  soit,  nous  croyons  bien  avoir  remarqué 
aussi  que  la  fausseté  sans  vergogne  de  la  femme  de  George 
Dandin  paraît  quelque  chose  de  trop  fort.  Comme  la  Jaloiuie 
du  Barbouillé^  où,  sans  parler  d'une  crudité  de  langage  que 
Molière  s'est  bien  gardé  de  reproduire  dans  George  Dandim^ 
la  même  histoire  est  mise  en  scène,  avait  probablement  passé 
sans  difficulté,  Molière  a  pu  croire  qu'en  reprenant  cette  farce 
il  ne  scandaliserait  non  plus  personne;  mais,  sur  le  thëitre 
français,  relevé  par  tant  de  ses  nobles  chefs-d'œuvre,  on  n'en 
était  plus  aux  scénarios  licencieux  des  Italiens. 

Rien  ne  nous  apprend  toutefois  que,  dans  les  premiers  temps 
de  la  pièce,  les  délicatesses  du  public  aient  été  déjà  aossi 
grandes  qu'un  peu  plus  tard,  et  qu'il  ait  protesté  contre  h 
hardiesse  d'une  peinture  si  peu  adoucie. 

a  Le  George  Dandin^  dit  Grimarest,  fut....  bien  reça  à  la 
cour,  au  mois  de  juillet  1668,  et  à  Paris,  au  mois  de  novembre 
suivant*.  »  En  cette  même  année  1668,  on  le  joua  de  nou- 
veau à  la  cour  dans  les  fêtes  de  saint  Hubert,  données  â 
Saint-Germain.  Il  y  fut  représenté  le  3  novembre  et  deux 
fois   encore  les  jours  suivants   (du  4  ^u  6),   avec  des  en- 

I .  Voyez  ci-après  le  Sommaire  de  Voltaire,  p.  $04. 
9.  La  yie  de  M,  de  Molière  (170$),  p.  195. 


NOTICE.  495 

irée»  de  ballet  et  la  nranqae  de  Lnlli^  Robiiiet  en  a  parle  *  : 

Le  ballet,  bal  et  comédie, 
Avecque  grande  mélodie, 
Ont  été  de  la  fête  aussi.... 
....  LVn  dit  que  Molière^ 
Paroissant  dans  cette  carrière 
A^ecque  ses  charmants  acteurs, 
Ravit  ses  royaux  spectateurs, 
Et  sans  épargne  les  fit  rire, 
Jusques  à  notre  grave  Sire, 
Dans  son  Paysan  mal  marié, 
Qu^à  Versaille  il  avoit  joué. 

Ce  fut  seulement  quelques  jours  après  ces  nouvelles  repré- 
sentations devant  le  Roi  que  la  pièce  parut  au  Palais-Royal,  le 
vendredi  9  novembre  1668,  pour  la  première  fois.  On  donna 
le  même  jour  la  Critique  d* Andromaqae^ .  Il  y  avait  déjà  deux 
mois  que  V Avare  avait  été  représenté  sur  le  même  théâtre  :  ce 
qui  explique  pourquoi  quelques  éditeurs  ont  placé,  mais  à  tort, 
cette  dernière  comédie  avant  George  Dandin. 

Le  nombre  des  représentations  de  George  Dandin^  dans  les 
premiers  temps  et  jusqu'en  1673,  tel  que  le  constate  le  Registre 
de  la  Grange^,  confirme-t-il  ce  que  dit  Grimarest  de  l'accueil 

I.  Gazette  du  10  novembre  1668,  p.  ii8a. 

a.  Lettre  en  vers  à  Maéjtame^  du  10  novembre  1668.  —  Le  Registre 
de  la  Grange  est  d'accord  avec  Robinet  et  avec  la  Gazette  .-  «  Le 
vendredi  a  novembre,  la  Troupe  est  allée  à  Saint-Germain,  où  la 
Troupe  a  joué  le  Mari  confondu^  autrement  le  George  Dandin^  trois 
fois,  et  une  fois  P Avare,  Le  retour  a  été  le  y*  dudit  mois.  Reçu  du 
Roi,  3ooo  1.  D 

3.  La  Folle  querelle  ou  la  Critique  tTAndromaqtte  (par  Sublignj), 
que  Ton  jouait  au  Palais-Royal  depuis  le  a 5  mai  1668.  —  A  ce 
moment- là,  Molière  et  Racine  étaient  quelque  peu  en  guerre,  et  ce 
ne  fut  sans  doute  que  par  un  singulier  hasard  qu'ils  se  trouvèrent 
,d^accord  pour  donner  le  nom  de  Dandin  à  leur  principal  person- 
nage, dans  les  deux  pièces  du  Mari  confondu  et  des  Plaideurs,  re- 
présentées pour  la  première  fois,  à  la  ville  du  moins,  presque  simul- 
tanément. Voyez  les  Œuvres  de  Racine ^  tome  II,  p.  117. 

4.  Ce  Registre  désigne  le  plus  ordinairement  la  pièce  par  son 
sous-titre  :  le  Mari  confondu. 


4^  GEORGB  DANDIN. 

qui  (ut  fait  à  la  pièce?  Un  tel  chiffre  paraîtrait  faible  aijoiir- 
d'hui;  alors,  pour  une  petite  comédie,  il  ne  laissait  pas  de 
doute  sur  le  succès.  On  joua  George  Dcuidin  dix  fois  au  Palus- 
Royal,  dans  les  deux  derniers  mois  de  1668,  treize  fois  en  1669, 
dix  en  1670,  trois  en  1671,  trois  en  1671.  Ce  fut  tout  du  yî- 
vaut  de  Molière,  qui  donna  donc  à  la  cour  quatre  représeo- 
tations  de  cette  comédie,  à  la  ville  trente-neuf.  Depuis,  le  succès 
étant  loin  de  diminuer,  il  y  en  eut,  au  temps  de  Louis  XIV, 
quinze  à  la  cour,  trois  cent  quinze  à  la  ville  ;  et  sous  Louis  XY, 
six  à  la  cour,  deux  cent  soixante-dix-sept  à  la  ville*. 

Dans  la  citation  que  nous  avons  faite  '  de  la  Lettre  en  vers 
à  Madame  du  ai  juillet  1668,  nous  avons  réservé,  pour  les 
donner  ici,  les  vers  suivants  où  Robinet  parle  de  la  manière 
dont  George  Dandin  fut  joué  pour  la  première  fois  ;  après  on 
éloge  général  des  acteurs,  baladins  et  chanteurs,  il  ajoute  : 

Mais  entre  tous  ces  grands  zélés 
Qui  se  sont  si  bien  signalés, 
Remarquable  est  la  Toritière^ 
Qui,  près  de  tomber  dans  la  bière. 
Ayant  été,  durant  le  cours 
Tout  au  plus  d*environ  huit  jours, 
Saigné  dix  fois  pour  une  fièvre,... 
Quitta  son  grabat  prestement. 
Et  voulut  héroïquement 
Du  gros  Lubin  faire  le  rôle, 
Qui  sans  doute  étoit  le  plus  drôle. 

La  Thorillière,  dans  le  personnage  de  Lubin,  est  donc  k 
seul  qu'ici  Robinet  nomme  parmi  les  acteurs,  louant  tous  les 
autres  indistinctement.  S'il  a  fait  allusion  aussi  au  rôle  joué 
par  Molière,  c'est  dans  l'autre  lettre  que  nous  avons  également 
citée*,  dans  celle  du  10  novembre  1668,  écrite  après  les  re- 
présentations de  Saint-Germain.  Lorsqu'il  y  dit  que  Molière 
fit  beaucoup  rire  le  Roi 

I.  Voyez,  au  tome  I,  le  Tableau  des  représentations  de  M^urr^ 
p.  548  et  557. 

a.  Voyez  ci-dessus,  p.  477  ®*  478 •       * 
3.  Voyez  à  la  page  précédente. 


NOTICE.  497 

Dant  ton  Paysan  mal  marie, 
Qu*à  Versailîe  il  aTait  joué, 

le  sens  qui  s'offre  assez  naturellement  est  que  le  Paysan  mal 
marié  était  représenté  par  Tauteur  de  la  comédie.  M.  Bazin 
a  dit^  :  «  Il  avait  écrit  la  pièce  et  il  y  jouait  le  premier  rôle.  » 
Nous  ignorons  s'il  parle  seulement  d'après  le  témoignage  de  Ro- 
binet, interprété  comme  il  paraît  devoir  Tètre  ;  les  témoignages 
d'ailleurs  sont  à  peine  nécessaires,  tant  il  semble  que  la  cbose 
aille  de  soi.  Nous  verrons  tout  à  Theure  que  Rosimont,  héri- 
tier des  rôles  de  notre  auteur,  joua  celui  de  George  Dandin. 
Le  costume  de  Molière  dans  la  pièce  est  ainsi  décrit  par  l'in- 
ventaire de  1673*  :  «c  Une  boîte  dans  laquelle  sont  les  habits 
de  la  représentation  de  George  Dandin^  consistant  en  haut-de- 
chausses  et  manteau  de  taffetas  musc,  le  col  de  même  ;  le  tout 
garni  de  dentelle  et  boutons  d'argent,  la  ceinture  pareille; 
le  petit  pourpoint  de  satin  cramoisi  ;  autre  pourpoint  de  des- 
sus, de  brocart  de  différentes  couleurs  et  dentelles  d'argent  ; 
la  fraise  et  souliers.  »  Voilà  un  paysan  bien  galamment  équipe  I 
Mais  nous  avons  déjà  eu  occasion  de  dire  que  ces  habits  de 
théâtre  étaient  souvent,  et  surtout  dans  les  fêtes  de  la  cour, 
plus  brillants  qu'il  ne  nous  semble  naturel.  Et  puis,  ne  nous  y 
trompons  pas,  ce  nom  de  paysan  désigne  ici  une  manière  de 
bourgeois  campagnard  dont  Marmontel  a  eu  tort  de  faire  on 
villageois*.  George  Dandin  n'en  a  pas  le  langage.  Il  était, 
comme  il  nous  l'apprend  lui-même,  un  paysan  très-riche. 
Depuis  son  mariage  surtout,  M.  de  la  Dandinière^  devait 
se  croire  obligé  à  une  assez  grande  braverie  d'ajustement. 
Peut-être,  si  nous  connaissions  mieux  les  modes  du  temps, 
trouverions-nous  que  le  costume  de  Molière  était,  avec  in- 
tention, d'une  richesse  de  mauvais  aloi,  qui  sentait  le  traves- 
tissement prétentieux  du  vilain,  et  qu'il  n'aurait  pu  être  porté 
par  Qitandre. 


I.  Notes  historiques  sur  la  vie  de  Molière^  p.  i53  de  la  a'*  édition 
(in^ia). 

s.  Âecfterches  sur  Molière^  par  Eud.  Soulié,  p.  976. 

3.  Voyez  ci-dessus,  p.  49^. 

4*  Voyez  acte  I,  scène  i^,  ci-après,  p.  $19. 

HOLIBM.   ▼!  3  s 


1 


496  GEORGE  DANDIN. 

Aimë-Martin  n'a  pas  cru  savoir  seulement  par  qui  ëudent 
joues,  à  la  création,  les  personnages  de  George  Dandin  et  de 
Lnbin  :  il  donne  une  distribution  complète  des  rôles ,  celui 
de  Colin  excepté.  D'après  cette  distribution,  Mlle  Molière  re- 
présentait Angélique^  du  Croisj,  M,  de  Sotenville^  Hubert, 
Mme  de  Sotenville^  la  Grange,  Clitandre^  Mlle  de  Brie,  Ciau- 
dine.  L'attribution  du  rôle  d'Angélique  à  Mlle  Molière  sera, 
entre  toutes  ces  suppositions,  la  moins  contestée  ;  nous  ne  vou- 
drions pas  cependant  que  l'on  s'appuyât  sur  les  raisons  qui 
l'ont  fait  tenir  pour  certaine.  «  George  Dandin^  dit  M.  Jules 
Loiseleur',...  dut  être  écrit  dans  une  de  ces  périodes  de 
brouille  où  les  deux  époux  passaient  de  la  paix  armée  aux  hos- 
tilités. Armande  remplissait  dans  cette  comédie  le  rôle  d'An- 
gélique, c'est-à-dire  celui  d'une  femme  mariée  qui  manque  à 
ses  devoirs,  et  c'est  le  seul  de  cette  nature  qu'il  y  ait  dans 
tout  le  théâtre  de  Molière.  » 

Nous  nous  défions  de  ces  découvertes  trop  ingénieuses 
d'allusions  que,  dans  ses  comédies,  Molière  aurait  faites  à  sa 
vie  conjugale.  On  a  vu,  dans  la  Notice  du  Sicilitn*^  que  ce  fut 
Mlle  de  Brie  et  non  Mlle  Molière  qui  joua  le  rôle  d'Isidore  ;  et 
cependant  ne  dirait-on  pas,  dans  la  scène  vi',  que  dom  Pèdre 
parle  quelquefois  comme  aurait  pu  le  faire  Molière  lui-même, 
Isidore  comme  sa  femme?  11  faut  ou  renoncer  à  découvrir  là 
(dès  lors  pourquoi  n'y  pas  renoncer  ailleurs?)  une  de  ces 
applications  préméditées  que  l'on  suppose,  ou  remarquer  que 
Molière  n'a  pas  toujours  cherché  à  rendre  les  allusions  plus 
claires  en  donnant  à  Armande  les  rôles  où  il  faisait  son  por- 
trait et  peignait  les  tourments  jaloux  qu'elle  lui  causait.  Disons 
aussi  que  lorsqu'on  a  cru,  dans  le  Misanthrope^  reconnaître 
son  intention  d'être  lui-même  Alceste,  désespéré  par  la  co- 
quetterie de  Célimène,  qui  serait  Mlle  Molière,  cela  du  moîns 
ne  choque  pas;  mais  quelle  satisfaction  aurait-il  trouvée,  dans 
George  Dandin^  à  se  représenter  sous  les  traits  ridicules  de 


I.   Les  Points  obscurs  de  la  vie  de  Molière^  p.  3i5.  — «  Voyez  aussi 
ce  qui  e»t  dit  dans  le  même  sens,  ibidem^  p.  397. 
s.  Ci-dessus,  p.  aiS. 
3.  Pages  i45-a5o  :  royez  la  fin  de  la  scène. 


NOTICE.  4j5 

ce  mari  trompe  et  à  montrer  Iflle  Molière  si  digne  des  vilains 
noms  qu'il  n' épargne  pas  à  Angélique  ? 

Ce  serait  plutôt  dans  la  liste  suivante  des  acteurs  qui  jouè- 
rent George  Drmdin  en  i685*  que  Ton  trouverait  la  confir- 
mation de  plusieurs  des  conjectures  d'Aimë-Martin  sur  la 
première  distribution  des  rôles,  notamment  sur  le  personnage 
que  fit  Mlle  Molière  : 

CLrrASDHB La  Grange. 

GaoaoB  Dahdiv Rosimont. 

M.  DE  SOTKNYILLB Hubeit. 

M"*  DE  SoTmvuxB Beau  val  ou  Mlle  la  Grange. 

LuBiH • Du  Croisj. 

CoLiv Brécourt. 

OAMOUIUJU. 

AiroKLiQUB Guerin. 

Claudinb De  Brie. 

Laissons  donc  à  Mlle  Molière  la  création  du  rôle  d'Angé- 
lique, mais  sans  croire  que  Molière  le  lui  ait  donné  pour  pren- 
dre le  public  à  témoin  des  chagrins  qu'elle  lui  causait  :  au- 
tant eût  valu  s'attacher  lui-même,  pour  courir  les  rues,  le  bât 
légendaire  que  connaissent  les  lecteurs  de  la  Fontaine. 

Nous  ne  savons  si  Michelet,  quand  il  a  dit*  d'une  comédie 
si  plaisante  :  a  George  Dandin  est  douloureux,  »  a  pensé,  avec 
beaucoup  d'autres,  que  Molière  y  a  exhalé  le  gémissement 
de  ses  douleurs  domestiques,  ou  si  plutôt  il  s'est  imaginé  y 
entendre  la  plainte  de  l'homme  de  modeste  condition  se  sou- 
venant d'insolents  marquis  qui  auraient  cherché  à  l'humilier. 
De  toute  fiiçon,  ce  George  Dandin  presque  tragique  n'entre  pas 
dans  notre  esprit.  Aujourd'hui  c'est  une  mode,  pourquoi  ne 
dirions-nous  pas  une  manie?  de  chercher  dans  la  plupart  des 
comédies  de  Molière  nous  ne  savons  quelle  tragédie  cachée, 
qui  pleure  sous  le  masque  de  la  gaieté  et  gémit  parmi  les  éclats 
de  rire.  Le  génie  de  Molière  cependant  n'étatt-il  pas  franche- 
ment plaisant?  La  nouvelle  manière  de  le  comprendre  pourrait 


I.  Répertoire  des  comédies  françaises  qui  se  peuvent  jouer  en  i685. 
3.  Histoire  de  France^  tome  XIII  (1860),  p.  i36. 


Soo  GEORGE  DANDIN. 

pauer  pour  une  preuve  que  c'est  nouft-mêmes  qui  ne  savons 
plus  être  gais. 

L'interpre'tation  des  comëdiens  cesserait,  nous  le  croyons, 
d'être  vraie,  s'ils  se  laissaient  gagner  à  cette  bizarre  idée  d'un 
Molière  mélancolique  jusque  dans  ses  farces.  George  Dandin, 
par  exemple,  si  fâcheuse  que  soit  sa  mésaventure,  doit  rester 
comiquement  ridicule,  même  quand  il  gémit  sur  sa  maison 
qui  lui  est  devenue  efiProyable,  et  s'apostrophe  si  durement 
comme  un  sot  qui  l'a  «  bien  voulu;  »  même  encore  lorsque 
son  dernier  mot  est  que  le  mari  d'une  si  méchante  femme  n'a 
plus  rien  de  mieux  à  faire  que  de  s'aller  jeter  à  l'eau,  la  tête 
la  première. 

Nous  ne  pouvons  bien  savoir  comment  Lesage  de  Monl- 
ménil  le  représentait,  et  s'il  se  tenait  dans  la  tradition  que 
nous  ne  pouvons  guère  douter  avoir  été  celle  de  Molière.  Ce 
qui  ferait  croire  à  quelque  erreur  de  sa  part,  c'est  ce  passage 
de  Cailhava  :  «  Monmeni  rendoit,  dit-on,  ce  personnage  in- 
téressant ;  tant  pis  :  il  ne  pouvoit  y  réussir  qu'en  blessant  la 
vérité  du  rôle^  »  Applicable  ou  non  à  Montménil,  l'avertis- 
sement sur  le  sens  du  rôle  est  juste.  Il  ne  faut  pas  que  George 
Dandin  se  fasse  assez  prendre  au  sérieux  pour  exciter  la  com- 
passion, au  lieu  du  rire. 

Le  même  Cailhava,  peut-être  avec  une  intention  de  reproche 
pour  quelque  comédienne  de  son  temps,  recommande  à  Angé- 
lique une  grande  décence^,  afin  qu'elle  prouve  au  spectateur 
la  sincérité  de  ce  qu'elle  dit  à  son  mari  :  «  Rendez  grâces  au 
Ciel  de  ce  que  je  ne  suis  pas  capable  de  quelque  chose  de 
pis*.  »  Nous  trouvons  cette  fois  la  remarque  plus  contestable. 
Mplière,  pour  sauver  la  morale,  a-t-il  pu  vouloir  que  le  spec- 
tateur fût  dupe  d'une  hypocrisie  trop  claire?  Ce  qui  est  vrai 
seulement,  c'est  que  dans  l'efiPronterie  de  ce  rôle  très^lifficile 
il  y  a  une  mesure  à  garder,  et  que  dépasser  la  hardiesse  déjà 
grande  de  Molière  serait  de  mauvais  goût.  Une  interprète 
intelligente  de  la  pièce,  bien  étudiée,  trouvera  toujours  la  limite 
que  Molière  n'a  pas  eu  l'intention  de  laisser  franchir. 

I.  Étiêdes  sur  Molière^  p.  a3i, 

9.  Ibidem, 

3.  Acte  II,  scène  n,  ci-après,  p.  55o. 


NOTICE.  Soi 

George  Demain  n'est  pas  une  de  ces  comëdies  où  nous  ayons 
eu  à  recueillir  des  souvenirs  très-particuliers  du  jeu  des  acteurs 
dans  les  diffi^rents  rôles.  De  notre  temps,  la  pièce  a  toujours 
été  bien  jou^e  dans  son  ensemble  sur  le  Thëâtre-Français, 
comme  il  est  probable  qu'elle  l'avait  élé  à  toutes  les  époques. 

Dans  les  deux  représentations  de  1877  (6  et  8  mars),  qui, 
au  moment  où  nous  écrivons,  sont  les  plus  récentes,  voici 
quelle  a  été  la  distribution  des  rôles  : 

Gborgb  Daud» MM.  Got. 

LvBiv Coquelin  aîné. 

M.    DE  SOTENYILLE VllUîn. 

Clitavd&b Prud'bon. 

CoLiir Coquelin  cadet. 

M"**   DE   SOTBK VILLE M>n«B   JouaSSaîll. 

Ahgélique Lloyd. 

Claudutb Dinab  Félix. 

En  1866,  M.  Talbot  avait  représenté  George  Dandin,  M.  ilf/- 
recour^  Sotenville,  M.  Garraud^  Clitandre,  M.  Séveste^  Colin, 
Mlle  Ponsin^  Angélique.  Les  trois  autres  rôles  avaient  été 
remplis  par  les  mêmes  acteurs  qui  les  ont  joués  en  1877. 

Une  imitation  de  George  Dandin  a  été  représentée  sur  la 
scène  anglaise  au  commencement  du  siècle  dernier,  et,  sou* 
tenue  sans  doute  par  ce  qu'elle  avait  très-imparfaitement  dé- 
robé au  génie  de  Molière,  était  encore  jouée  à  la  fin  du  même 
siècle,  comme  nous  l'apprend  Charles  Dibdin^  L'auteur  de 
cette  imitation  est  le  comédien  Thomas  Betterton,  mort  en 
17 10.  Une  petite  note*  d'un  prologue  de  la  pièce,  écrit  par 
Charles  Wilson,  dit  que  «  cette  comédie  est  une  traduction 
améliorée  {an  improved  translation)  de  George  Dandin,  »  La 
contre-vérité  est  im  peu  forte.  La  pièce  de  Betterton  est  inti- 
tulée :  la  Veuve  amoureuse  ou  V Épouse  libertine^  \  il  eût  été 
plus  juste  de  dire  :  et  V Épouse  libertine.  Le  sujet  de  la  pièce 

I.  Histoire  du  théâtre^  tome  IV,  p.  36a. 

1.  Nous  Tavons  lue  dans  une  impression  de  1787  (Londres),  la 
feule  que  nous  ajrons  vue.  La  première  impression  est  de  1706. 
3.  Tlie  Amorous  mdow  or  tke  îVanton  mfe. 


5aa  GEORGE  DANDIN. 

est  double.  Les  aventures  d'une  vieille  venve  ammureose,  la 
très-ridicule  lady  Laycock,  sont  à  peine  liëes  à  celles  de  l'Angé- 
lique anglaise,  mistress  Brittle,  femme  du  marchand  verrier 
Bamaby  Brittle.  La  comëdie  parasite,  entëe  avec  tant  d'a- 
dresse sur  celle  de  Molière,  comme  pour  en  nourrir  la  trop 
pauvre  sëve,  est  d'un  comique  douteux,  où  la  caricature  prend 
la  place  de  la  peinture  vraie  de  la  vie.  Cest  seulement  au 
conmiencement  du  III*  acte  que  nous  trouvons  le  sujet  em- 
prunte à  George  Dandin,  Interrompu  à  la  fin  de  cet  acte 
par  des  scènes  où  l'autre  sujet  est  repris,  il  a  sa  suite  dans  la 
première  partie  de  l'acte  IV,  et  est  gâté  au  dénouement  par  la 
réconciliation  imprévue  du  pauvre  mari  avec  la  pécheresse 
revenue  de  ses  erreurs.  Dans  ce  qu'il  a  dré  de  notre  comédie, 
Betterton  s'est  à  peu  près  contenté  de  changer  les  noms,  de 
donner  ceux  de  sir  Peter  Pride  et  de  lady  Pride  à  M.  et  à 
Mme  de  Sotenville,  de  Clodpole  et  de  Damans  à  Lubin  et  à 
Claudine.  Là  il  aurait  été  vraiment  traducteur,  plutôt  qu'imi- 
tateur, si,  tandis  qu'il  n'ajoutait  rien  à  son  modèle,  il  ne  lui 
avait  fait  beaucoup  perdre,  effaçant  bien  des  traits  parmi  les 
meilleurs,  les  plus  frappants,  comme  s'il  ne  les  avait  pas  sentis. 

Un  opéra -comique  en  deux  actes,  tiré  du  George  Dandin 
de  Molière,  par  M.  C!oveliers,  et  dont  la  musique  est  de 
M.  E.  Mathieu,  a  été  joué  à  Bruxelles,  sur  le  théâtre  de  la 
Monnaie,  au  mois  de  janvier  1879.  Auparavant  M.  Eugène 
Sauzay  avait  mis  en  musique,  après  Lully,  les  intermèdes  de 
George  Dandin;  il  en  a  fait  exécuter  des  fragments  à  Paris, 
en  1S74*. 

La  Eevue  et  Gazette  musicale  du  17  octobre  1875  annonce, 
en  outre,  que  M.  Charles  Gounod  a  composé  un  opéra  de 
George  Dandin^  et  elle  en  publie  une  préface  où  l'illustre  maftre 
nous  apprend  que  sa  musique  est  adaptée  à  la  prose  même 
de  Molière,  et  non  à  un  livret  en  vers.  Mais  nous  tenons  de 
bonne  source  que  cette  tentative  d'innovation  n*est  pas  achevée, 
et  qu'il  est  même  à  craindre  qu'elle  ne  le  soit  jamais. 

L'édition  originale  de  George  Dandin  porte  la  date  de  1669; 

I.  Voyez,  dans  le  Journal  des  Débats^  le  feuilleton  de  M.  E. 
Reyer  du  si  avril  1874* 


c'est  un  in-ia  de  a  feaillets  liminaires  et  iSj  pafes  (la  der- 
■iire  est  ehifiWe,  par  erreur,  i55).  En  Toid  le  titre  : 

GEORGE 
DANDIN, 

MARY    CONFONDV. 

Par  I.  B.  P.  M  MoLBU. 

Cbei  U**  RiMOv,    m   Pila», 

TÙ-à-Ti*   la    Porte    de    rKglife   de 

la  Sainte  Chapelle,  i  l'Image 

Saint  LoUi». 

Auee  Priuiltgt  du  Koj. 

Lea  exemplaires  que  nous  avons  vus  de  cette  édition  n'ont 
pas  d'Achevé  d'imprimer  \  le  Privilège,  daté  du  dernier  jour 
de  septembre  i66S,  est  donnd  pour  sept  aDDées  à  Mulière,qai 
dÀ:lare  avoir  cède  son  droit  s  à  Jeaa  Hibou,  marchand  li- 
braire à  Paris.  9 

Une  contrefaçon  de  a  fenillets  et  91  pages  a  i\é  imprimée 
CD  166g,  sans  nom  de  lieu  ni  de  libraire'. 

George  Diutdin  a  été  souvent  traduit.  Parmi  les  versions  ou 
imitations  séparées,  nous  en  citerons  deux  en  italien  (1708, 
i856);  une  en  anglais,  ou  plutAt  une  trèvmédiocre  imitation 
dont  nous  venons  de  parler,  de  Betterton*  (1706],  réimprimée 
plusieurs  fois,  sans  nom  d'auteur;  une  en  néerlandais  [1686); 
deux  en  allemand  (1670,  1744]  ;  ime  en  suédois  (1787);  une  en 
russe  (1775  :  dès  le  règne  de  Pierre  le  Grand,  il  est  parl^ 
d'une  version  russe  que  ce  prince  fit  représenter  devant  lui]  j 
quatre  en  polonais  (1779,  1780,  1819,  i834)i  àtax  en  grec 
moderne  (1817,  i854);  ime  en  hongrois  (186I');  une  en 
turc  [1869),  publiée  sans  nom  d'auteur,  mais  qu'on  sait  être 


.  BlUiographit  moliiresque,  f,  18, 
I.  Voyn  ci-de**us,  p.  Soi  et  Soj. 
.   Vojes  le  MoUiruit,  i"  SDnée,  p. 


5o4  GEORGE  DANDIN. 

d'un  ancien  ministre  de  la  Porte,  Ahmed  Vefik  :  voyez  ce  que 
M.  Bftrbier  de  Meynard  dit  de  cette  imitation,  dans  un  article 
de  la  Revue  critique  dhistoire  et  de  littérature  (tome  XV, 
1874,  p.  73  et  suivantes),  reproduit  par  la  Bibliographie 
liéresquey  p.  ao6  et  107. 


SOMMAIRE 

DE  GEORGE  DANDIN  OU  LE  MARI  CONFONDU 

PAR  VOLTAIRE. 

On  ne  connaît  et  on  ne  joue  cette  pièce  que  tous  le  nom  de 
(George  DanMn;  et,  au  contraire,  le  Cocu  imaginaire^  qu'on  arait 
intitulé  et  affiché  Sganarelle^  n*est  connu  que  sous  le  nom  du  Cocu 
imaginaires^  peut-être  parce  que  ce  dernier  titre  est  plus  plaisant  qne 
celui  du  Mari  confondu,  George  Dandin  réussit  pleinement  ;  mais  si 
on  ne  reprocha  rien  a  la  conduite  '  et  au  style,  on  se  souleva  un 
peu  contre  le  sujet  même  de  la  pièce  ;  quelques  personnes  se  révol- 
tèrent '  contre  une  comédie  dans  laquelle  une  femme  mariée  donne 
un  rendez-Tous  à  son  amant.  Elles*  pouvaient  considérer  qne  la 
coquetterie  de  cette  femme  n^est  que  la  punition  de  la  sottise  que 
fait  George  Dandin  dVpouser  la  fille  d'un  gentilhomme  ridicule'. 

f.  Ce  sous-titre  «Tait  préralu  dès  le  eommenoemait. 
a.  A  M  conduite.  {Édition  de  1739.) 

3.  Od  se  révolta.  (Ibidem.) 

4.  Cette  dernière  jibrase  a  été  ajoutée  en  1764. 

5.  Noua  croyons  que  ridicule  est  de  trop  et  ne  laiste  pas  tonte  sa  force  à 
la  leçon  que  donne  cette  comédie,  même  si  l'on  sappoie  que  Voltaire  a  pr^ 
à  l'épitbète  plus  de  sens  qu*elle  n*en  peut  sToir  sans  explication  :  «  d*an  gen- 
tilhomme, et,  ce  qui  empirait  fort  cette,  alliance  inégale,  d^nn  gentilhomme  li 
sottement  ridicule,  qui  avait  si  mal  élevé  sa  fille,  qui  si  ridiculement  te  laissait 
tromper  par  elle,  lui  croyait  tont  permis  envers  on  manant;  on  encore,  d*nB 
gentilhomme  pour  rire,  d*un  gentilhomme  qui  Pétait  si  pco,  et  dont  pourtant 
George  Dandin  avait,  dans  sa  vanité,  préféré  la  toute  mince  qoalité  à  la 
meilleure  paysannerie,  etc.  » 


ACTEURS. 

GEORGE  DANDIN,  riche  paysan,  mari  d'Angélique  ^ 

ANGÉLIQUE,  femme  de  George  Dandin  et  fille  de  M.  de 
Sotenville  *• 

I.  Dandin,  quelle  qu'en  soit  la  signification  étymologique*,  est 
dans  Rabelais  un  nom  de  bonne  et  franche  paysannerie  ;  Thistoire 
de  Perrin  Dendin,  père  de  Ténot  Dendin,  remplit  tout  le  xli*  cha- 
pitre du  tiers  lirre  du  Pantagruel;  il  s*agit  là,  on  se  le  rappelle, 
d*nn  campagnard  du  Poitou,  a  bon  laboureur,  *  a  homme  de 
crédit,  »  <  homme  de  bien  »  surtout,  que  tous  veulent  avoir  pour 
arbitre,  et  qui  s'emploie  à  appointer  les  procès,  c*est-à-dire  à  ar- 
ranger amiablement  les  différends  des  gens  du  pays.  Rabelais  n*a- 
▼ait-il  pas  trouvé  bon  à  prendre  un  nom  connu,  sans  avoir  eu  à  le 
forger?  Molière  avait  pu  le  rencontrer,  précédé  du  prénom  même 
qu*il  a  donné  à  son  mal  marié,  car  Monteil  nous  apprend  ^  qu'il 
était  alors  même  porté  à  Paris  :  un  George  Dandin,  sellier,  figure 
dans  certain  compte  dressé  en  i66a  par  le  trésorier  du  duc  Maza- 
riny.  Supposons  la  coïncidence  fortuite,  mais  elle  est  curieuse.  — 
Précisément  au  temps  des  premières  représentations  à  la  ville  du 
Mari  confondu^  Racine  reprenait  le  nom  de  Perrin  Dandin  pour  le 
donner  au  Juge  de  ses  Plaideurs  (voyez  ci-dessus  à  la  Notice,  p.  495, 
note  3);  et,  dix  ou  onze  ans  plus  tard,  dans  sa  fable  de  P Huître  et 
Us  Plaideurs  ',  la  Fontaine,  bien  plus  en  souvenir  du  personnage 
de  Racine  que  de  Fheureux  appointeur  de  procès,  fit  de  Perrin 
Dandin  une  personnification,  la  désignation  même  de  Thomme  de 
justice.  —  Ce  rôle  principal  fut  joué  par  Molière  :  voyez  à  la  No- 
tice, p.  497,  le  costume  qu'il  y  portait. 

a.  Molière  donna  ce  rôle  à  sa  femme.  Pour  les  autres  rôles,  sauf 


dimer^ 

btyi 

lète  Chaslet  y  voit  un  •obriqaet  populaire  «  qui  représeato  Tineptie,  l'irréto- 

Intion  et  eonme  le  dancUnement  de  la  peoaée.  Les  Anglais,  ajoute-t*il,  se  sont 

emparés  de  oe  mot  de  Taneienne  langue  firançaise  pour  rappliquer  au  Cit, 

dandj,  »  —  A  Tarticle  Psaan^  Danoir,  M.  Littré  donne  ces  noms  comme  des 

diminutifs  de  Pierre  Andrt. 

*  Au  tome  II,  p.  ia8  de  son  Traité  de  matériaux  manuscrits  d^  difwrs 
genres  d'histoire,'  le  passage  est  rapporté  dans  V Histoire,.,,  de  Molière^  par 
Taseherean,  3*  édition,  p.  a54,  note  0. 

•  La  zx*  du  IX«  U?i«. 


5o6  ACTEURS. 

M.  DB  SOTKNVILLBy  gentUbomme  campagnards  pire  «T An- 
gélique. 
M"*  DE  SOTENVILLE,  sa  femme*. 
CLITANDRE,  amoureux  d'Aogëlique*. 
CLAUDINE,  suivante  d'Angélique. 
LUBIN,  paysan,  servant  Clitandre. 
COUN,  valet  de  George  Dandin. 

La  scène  est  devant  la  maison  de  George  Dandin*. 

celui  de  Lubîn  créé  par  la  Tborillière,  on  ne  connaît  pas  avec  ccr- 
titnde  la  première  distribution.  Vojex  la  Noiic9y  p.  49^»  P*  49^ 
et  499. 

I.  Une  virgule  sépare  les  mots  geniilhomme  et  campagnard  dan 
Toriginal.  Cette  coupe  peut  à  la  rigueur  se  comprendre  ;  il  noes 
parait  pourtant  probable  que  c*est  une  £iute  d*impressioD,  et  aooi 
la  supprimons  à  Texemple  des  éditions  de  1674,  76  A,  8a,  84  A, 
94  B,  1734. 

a.   M"*  DB   SOTBHTILLB.  (l734*) 

3.  CLiTAimax,  amant  d* Angélique.  {Ibidem,) 

4.  Devant  la  maison  de  George  Dandin,  à  la  campagne,  (ihidem.) 


GEORGE  DANDIN 


ou 


LE    MARI    CONFONDU. 

COMÉDIE*. 


ACTE  I. 


SCENE  PREMIERE. 

GEORGE  DANDIN. 

Ah!  qa*une  femme  Demoiselle'  est  une  étrange  af- 
feire,  et  que  mon  mariage  est  une  leçon  bien  pariante  à 
tous  les  paysans  qui  veulent  s*élever  au-dessus  de  leur 
condition,  çt  s*allier,  comme  j'ai  fait,  à  la  maison  d*un 
gentilhomme  !  La  noblesse  de  soi  est  bonne,  c'est  une 

I.  Lm  andennet  éditions  omettent  ici  presque  tontes  le  mot  coMBon. 

9.  DtmoUelle^  c'est-è-dire  noble  de  naisMnee.  On  a  tu  aus  PrècUusêt  ri' 
éiemies^  tome  H,  p.  74,  note,  quelle  était  dans  Tusage  la  signification  du  titre 
de  Madame  et  de  MademoiselU,  Quant  à  la  qualification  de  demoUelle  attri- 
buée à  nne  fille  on  à  une  femme,  un  voit,  par  l'emploi  même  qui  en  est  pins 
d'nae  Cois  fait  dans  la  pièce,  qu*elle  équiralait  à  celle  de  gentilhomme  attri- 
buée k  an  homme.  Racontant  dans  sa  Mmêe  kietoriqae  du  a5  octobre  i6Sg  le 
snppKce  d*ane  roleuse  qui  venait  d'être  pendue  avec  son  mari,  Loret  donne  ee 
détaî]  que  sous  Peffort  de  Teiécutenr,  la  tête  de  la  malliettreose  fut  entière- 
méat  séparée  du  corps;  puis  faisant  une  allosioB  bnrlesqne  an  priril^e  qu*a- 
TaicBt  les  nobles  de  ne  subir  que  la  décollation,  cette  ckitive  eréatmre^  dit-U, 

N'étoit  que  de  naiaaanee  obeeore  : . .  • 
On  pourroit  pourtant  dire  d'elle 
Qu'elle  mourat  «■  ' 


So8  GEORGE  DANDIN. 

chose  considérable  assurément;   mais  elle  est  accom- 
pagnée de  tant  de  mauvaises  circonstances,  qu*il   est 
très-bon  de  ne  s'y  point  frotter.   Je  suis  devenu   là- 
dessus  savant  à  mes  dépens,  et  connois  le  style  *  des 
nobles  lorsqu'ils  nous  font,  nous  autres,  entrer  dans 
leur  famille.  L'alliance  qu'ils  font  est  petite  avec  nos 
personnes  :  c'est  notre   bien  seul  qu'ils  épousent^  et 
j'aurois  bien  mieux  fait,  tout  riche  que  je  suis,  de  m'al- 
lier  en  bonne  et  franche  paysannerie*,  que  de  prendre 
une  femme  qui  se  tient  au-dessus  de  moi,  s'offense  de 
porter  mon  nom,  et  pense  qu'avec  tout  mon  bien  je 
n'ai  pas  assez  acheté  la  qualité  de  son  man.  George 
Dandin,  George  Dandin,  vous  avez  fait  une  sottise  Ja 
plus   grande  du  monde.  Ma  maison  m'est  effroj^ble 
maintenant,  et  je  n'y  rentre  point  sans  y  trouver  quel- 
que chagrin'. 


I.  Les  manières  de  dire  et  d*aglr,  les  procédés. 

a.  Comparez,  dans  la  seine  zu  (ci-après,  p.  5i5),  le  moi  gentiiJun 
auquel  la  même  désinenee  donne  une  râleur  analogue.  Les  dictionnaiies  et 
temps  omettent  ces  deux  noms;  1* Académie  n'admet  geniilhommeriê  qa^es 
176a  et  paysannerie  qu'en  i835. 

3.  «  La  manie  des  alliances  disproportionnées,  les  înconTénients  qu'dlei 
entraînent,  et  les  regrets  quVIIes  excitent,...  on  les  retrouTe  dans  l'antiquité,  t 
dit  Angero,  et  il  rappelle  les  plaintes  du  campagnard  Strepsiade,  daaski 
ffuéet  d'Aristophane  (vers  41 -55),  sur  son  alliance  arec  une  femme  de  la  liBe 
se  Tantant  aussi  d'une  illustre  parenté.  —  M.  Charles  Aubertin,  dans  son  fFî^ 
toire  de  la  langue  et  de  la  littérature  françauee  au  moyen  âge  (loœrl. 
p.  5^9),  mentionnant  une  rieille  farce  intitulée  George  le  JTeau^  en  cite  àea 
passages  oà  sont  indiqués  une  situation  et  des  sentiments  qui  se  retroanat 
dans  notre  comédie.  Voici  le  premier,  qui  est  comme  Téquiralent  des  moa^ 
logues  de  George  Dandin  ^  : 

Ha!  se  j'eusse  su,  j'eusse  su, 
Et  si  j'eusse  bien  aperçu 

*  Page  338  de  n^  Notice^  note  ;  voyes  aussi  p.  336,  on  il  cite  la  répoa« 
d'Eudion  à  Mégadore,  à  la  scène  u  de  l'acte  II  (rers  184-189)  de  tjiululêin 
de  Plante. 

*  Voyez  au  tome  I  de  V Ancien  théâtre  français  de  la  Collection  Jaaact, 
p.  38o.  La  farce  de  George  le  Feau  est  reproduite  \h  d'après  un  texte  ia- 
primé  rers  le  milieu  du  seisième  siècle  et  conservé,  avec  plusieurs  antres,  àam 
un  volume  qui  appartient,  depuis  i845j  au  Britiek  Muséum. 


ACTE  I,  SCÈNE  IL  S09 


SCENE     II. 
GEORGE  DANDIN,  LUBIN. 

6BORGB  DAKDINy  Toyint^  sortir  Lnlim  de  ohn  lai. 

Que  diantre  ce  drôle-là  vient-il  faire  chez  moi? 

LUBITV*. 

Voilà  un  homme  qui  me  regarde. 

GBOR6B    DANDIIf'. 

U  ne  me  connoît  pas. 


LUBITf^. 

n  se  doute  de  quelque  chose. 

La  plut  que  trèt-fière  arrogance, 
La  glorieuM  oatreeuidanoe 
De  ma  fiMnme,  et  ton  fier  maintieB, 
On  m*eùt  beaaeoap  de  foU  dit  rien. 
Devant  que  je  l*euase  été  prendre. 
Quoi  dea?  toojoars  me  rient  reprendre, 
An  couché,  au  boire,  au  manger. 
Disant  ane  toit  un  étranger. 
Et  me  demande  qui  je  tuis.^ 
Qui  je  suit  répondre  ne  puis  : 
Je  n*en  eut  onc  rien  en  mémoire. 
Puisqu'il  ett  trait,  il  le  Cint  boire 
Et  l*aTaler  tout  doucement. 

Les  plaintes  de  la  femme,  elle  aussi,  comme  Angélique,  ■  fille  de  maiso&y  • 
ajoateat  encoie  à  l'intérêt  du  rapprochement  •  : 

Mais  croire  on  ne  pent  le  tourment 
Qu'a  une  fille  de  maison 
A  qui  on  donne  sans  raison 
Un  badaud  sans  nulle  science  : 
Chargée  en  sens  ma  consôenee 
D'sToir  dit  oui  seulement. 

Un  impudent  curé  s'est  chargé  de  cette  conscience,  et  c'est  dans  cet:e  |cobi» 
pHeité  que  se  trahit  l'intention  principale  de  la  ferce,  probablement  née  en 
pays  huguenot. 

I.  Gaoaaa  D41IDI11,  à  part ,  vojrant,  etc.  (1734.) 

a.  LuBiir,  à  part^  aptrewant  George  Dandim,  {Ibidem,) 

3.  Gionax  D^Nonr,  à  pari,  [Ibidem.) 

4.  LuuN,  à  part,  {Ibidem,) 

*  Yoyes  ibidem^  p.  38i. 


Sio  GEORGE  DâNDIN. 


GBORGB   DÀirOIlf*. 


Ouais!  il  a  graad'peine  à  saluer. 


LUBIN*. 

J*ai  peur  qu*il  n'aille  dire  qu'il  m*a  vu  sortir  delà 
dedans. 

GBOEGB   DAirOUf. 

Bonjour. 

LUBIIV. 

Serviteur. 

GBORGB    DANDIN. 

Vous  n'êtes  pas  d'ici,  que  je  crois  ? 

LUBIN. 

Non,  je  n'y  suis  venu  que  pour  voir  la  fête  de  de- 
main. 

GBORGB    DANDIN. 

Hé!  dites-moi  un  peu,  s'il  vous  plait,  vous  venez  de 
là  dedans? 

LUBIN. 


Chut! 


Comment? 


Paix! 


Quoi  donc  ? 


GBORGB    DANDIN. 


LUBIN. 


GBORGB    DANDIN. 


LUBIN. 

Motus  '  !  Il  ne  faut  pas  dire  que  vous  m'ayez  vu  sortir 
de  là. 


I.  Geoioi  Dahdiv,  à  part,  (1734.) 

a.  LuBiif ,  à  pari,  (Ibidem,) 

3.  De  cette  sorte  d'ioterjectton,  fort  usitée  daas  le  langage  familier  el  d*« 
•ent  biencoanu  («  silence  !  pat  an  mot  !  »},  mais  d*origîae  doateoae,  M.  Ut~ 
tré  ae  cite  que  deux  exemples  tirés  d^auvres  littéraires  :  le  nôtre  et  va  de  co- 
mique Hauteroche,  contemporain  de  Molière. 


ACTE  I,   SGÀNE  II.  Su 

Pourquoi  ? 

Mon  Dieu  !  parce  ^ 

GIOB6B  DÀNDIN. 

Mais  encore  ? 

LUBIlf. 

Doacement.  J*ai  pear  qu*on  ne  nous  écoute. 

GBORGB    DÀNDIN. 

Point,  point. 

LUBIN. 

Cest  que  je  viens  de  parler  à  la  maîtresse  du  logis, 
de  la  part  d'un  certain  Monsieur  qui  lui  fait  les  doux 
yeux,  et  il  ne  faut  pas  qu*on  sache  cela  ?  entendez- vous  ? 

GBORGB   DANDIN. 

Oui. 

LUBIN. 

Voilà  la  raison.  On  m'a  enchargé*  de  prendre  garde 
que  personne  ne  me  vit,  et  je  vous  prie  au  moins  de  ne 
pas  dire  que  yous  m*ayez  vu. 

GBORGB    DÀIfDIN. 

Je  n*ai  garde. 

LUBIN. 

Je  suis  bien  aise  de  faire  les  choses  secrètement 
comme  on  m'a  recommandé'. 

GBORGB    OÀNOIN. 

Cest  bien  fait. 

LUBIN. 

Le  mari,  à  ce  qu'ils  disent,  est  un  jaloux  qui  ne  veut 
pas  qu'on  fasse  l'amour  à  sa  femme,  et  il  feroit  le  diable 

I.  Aneime  de  nos  anciennes  éditions  {j  compris  1784)  ba  fait  Muirrt  parce 
de  points  marquant  réticence,  bien  que  partout  il  soit  ainsi  écrit  «n  nn  mot, 
comme  l'est  le  commeucement  de  la  conjonction  pare§  quê, 

».  EnehargM'  pour  charger  devait  4ire  déjà  hors  d'naage  au  temps  de  Mo- 
lière $  mais,  comme  beauooup  de  moU  vieillis,  il  était  resté  sans  doute  dans 
le  langage  populaire  :  ce  qui  explique  qnUl  soit  mis  dans  la  bouche  de  Lnbin. 

3.  Comme  on  m'a  commandé.  (167a,  89,  97,  1710,  18»  So,  33.) 


Si  a  GBORGE  DANDIN. 

à  quatre  si  cela  venoit  à  ses  oreilles  :  vous  comprenez 
bien? 

GEORGB   DAKDIir. 

Fort  bien. 

LUBIN. 

Il  ne  faut  pas  qu*il  sache  rien  de  tout  ceci. 

GBORGB    DÀNDIN. 

Sans  doute. 

LUBIN. 

On  le  veut  tromper  tout  doucement  :  vous  entendez 
bien? 

GBORGB   DANDIN. 

Le  mieux  du  monde. 

LUBIN. 

Si  vous  alliez  dire  que  vous  m*avez  vu  sortir  de  chez 
lui,  vous  gâteriez  toute  l'affaire  :  vous  comprenez  bien? 

GBORGB   DÀNDIN. 

Assurément.  Hé!  comment  nommez-vous  celui  qui 
vous  a  envoyé  là  dedans  ? 

LUBIN. 

Cest  le  seigneur  de  notre  pays,  Monsieur  le  vicomtf 
de  chose*....  Foin!  je  ne  me  souviens  jamais  comment 
diantre  ils  baragouinent  ce  nom-là,  Monsieur  Qi...* 
Qitande*. 

GBORGB    DANDIN. 

Est-ce  ce  jeune  courtisan  qui  demeure.... 

LUBIN. 

Oui  :  auprès  de  ces  arbres. 

GBORGB  DANDIN,  à  part. 

Cest  pour  cela  que  depuis  peu  ce  Damoiseau  poli 


I .  On  peut  Toir  dans  le  Lexique  de  Mme  de  SMgnéy  i  Taitide  Cbom,  7% 
lieux  emplois  carieu  de  ce  mot  :  Tiia,  comme  iei,  pour  tenir  lien  d'un  msm 
propre  dont  on  ne  se  tooTient  pat;  l'antre,  en  manière  de  ehifi&«,  pour  cvittr 
le  nom  propre. 

a.  Ciitandre.  (1675  A,  84  A,  9a,  94  B,  1718,  3o,  33,  34.) 


ACTE  I,  SCENE  II.  5i3 

8*est  venu  loger  contre  moi  ;  j*avoIs  bon  nez  sans 
doate,  et  son  voisinage  déjà  m'avoit  donné  quelque 
soupçon. 

LUBIN. 

Testigué  !  c*est  le  plus  honnête  homme'  que  vous  ayez 
jamais  vu.  Il  m*a  donné  trois  pièces  d*or  pour  aller  dire 
seulement  à  la  femmç  qu*il  est  amoureux  d'elle^  et 
qu*il  souhaite  fort  Thonneur  de  pouvoir  lui  parler.  Voyez 
s*il  y  a  là  une  grande  fatigue  pour  me  payer  si  bien,  et 
ce  qu*est  au  prix  de  cela  une  journée  de  travail  où  je 
ne  gagne  que  dix  sols. 

GEORGE   DANDIlf. 

Hé  bien  !  avez- vous  fait  votre  message  ? 

LUBIN. 

Oui,  j'ai  trouvé  là  dedans  une  certaine  Claudine,  qui 
tout  du  premier  coup  a  compris  ce  que  je  voulois,  et 
qui  m*a  fait  parler  à  sa  maîtresse. 

GEORGE  DANDIN,  k  part. 

Ah!  coquine  de  servante! 

LUBIN. 

Morguéne^!  cette  Claudine-là  est  tout  à  fait  jolie*,  elle 
a  gagné  mon  amitié,  et  il  ne  tiendra  qu*à  elle  que  nous 
ne  soyons  mariés  ensemble. 


t.  Labtn,  cUn«  ton  langage,  ne  confond  pas  pins  ^ue  !«•  gêna  du  monde 
dans  le  leur  honnête  homme  avee  homme  de  bien  •.  Ce  qtt*U  entend  par  là  c*eft 
nn  homme  qui  avec  les  gens  qa*il  emploie  a  de  bonnes  paroles,  et  surtout  n*a 
rien  de  la  rilenie  des  bourgeois  terrés  et  regardants. 

a.  Morgttiennel  (1734.) 

3.  Est  charmante,  me  platt  tout  i  fait.  ^^  Nous  aTonsdéjà  renvojé  ci- 
desns,  p.  164,  note  a,  au  Lexique  de  Mme  de  Sêrigné,  pour  divers  exemples 
remarquables  du  mot  Joli,  qui  aTait  autrefois  un  sens  plus  étendu  qu*aujonrd*hui 
et  se  disait  de  toutes  les  manières  d'être  aimable,  aTenant,  gracieux,  de  tout  ce 
qni  plaît  on  rient  h  propos. 

•  Voya  la  définition  setiriqae  de  la  Bruyère,  an  diapitre  des  JugemenU, 
n*  55  (169a,  tome  II,  p.  99  et  loo),  et,  dans  notre  tome  V,  p.  466,  la  note  3t 
auTers  370  du  Misanthrope, 

MoukRx.  Ti  33 


Si4  GE0R6B  DANDIN. 

6BOB6B  DANMN. 

Mais  quelle  réponse  a  fait*  la  maîtresse  à  ce  Monsieor 
le  courtisan? 

LVBIK. 

Elle  m^a  dit  de  lui  dire«...  attendez,  je  ne  sais  si  je 
me  souviendrai  bien  de  tout  cela....  qu^elle  lui  est  tout 
à  fait  obligée  de  Taffection  qu*il  a  pour  elle,  et  qu'à 
cause  de  son  mari,  qui  est  fantasque,  il  garde  d^en  rien 
faire  paroitre,  et  qu*il  faudra  songer  à  chercher  quelque 
invention  pour  se  pouvoir  entretenir  tous  deux. 

GBOBGB   DAHDIN,  4  part. 

Ah!  pendarde  de  femme! 

LUBIN. 

Testiguiéne!  cela  sera  drôle;  car  le  mari  ne  se  dou- 
tera point  de  la  manigance,  voilà  ce  qui  est  de  bon  ;  et 
il  aura  un  pied  de  nez  avec  sa  jalousie  :  est-ce  pas*? 

GBOBCB  DâNDlir. 

Cela  est  vrai. 

LUBIlf. 

Adieu.  Bouche  cousue  au  moius.  Gardez  bien  le  se- 
cret, afin  que  le  mari  ne  le  sache  pas. 

GBOBGB   DANDIN. 

Oui,  oui. 

LCBIN. 

Pour  moi,  je  vais  faire  semblant  de  rien  :  je  suis  un 
fin  matois,  et  Ton  ne  diroit  pas  que  j'y  touche. 


I.  Ces  paitietpct  toim  da  tajet  rettatint  alors  gèn^leroent  iarariablas  : 
voyez  le  Lexique  de  la  langue  de  Corneille^  tome  I,  p.  ltot  et  tn,  c« 
M.  Marty-LaTeaax  rapporte  les  règles  données,  pour  ce  cas  particulier,  pv 
Vangelas,  Boohoars  et  Thomas  Corneille. 

a.  Ce  B*est  qn*oB  paysan  qui  parle  ici  ;  mais  cette  snppressioB  de  la  nrsi- 
tioa  était  fréquente  :  Toyei  ci-apréa,  p.  557,  ^^'^  ^* 


I 


ACTE  I,   SCÈNE  III.  5i5 


SCENE  III 

GEORGE  DANDIN*. 

Hé  bien!  George  Dandina  voas  voyez  de  quel  air 
votre  femme  vous  traite.  Voilà  ce  que  c'est  d*avoir 
voulu  épouser  une  Demoiselle'  :  Ton  vous  accommode 
de  toutes  pièces',  sans  que  vous^puissiez  vous  venger,  et 
la  gentilbommerie^  vous  tient  les  bras  liés.  L*égalité  de 
condition  laisse  du  moins  à  Thonneur  d*un  mari  liberté 
de  ressentiment';  et  si  c*étoit  une  paysanne,  vous  auriez 
maintenant  toutes  vos  coudées  franches  à  vous  en  faire 
la  justice  à  bons  coups  de  bâton.  Mais  vous  avez  voulu 
tater  de  la  noblesse,  et  il  vous  ennuyoit  d'être  maître 
chez  vous.  Ah!  j'enrage  de  tout  mon  cœur,  et  je  me 
donnerois  volontiers  des  soufflets.  Quoi?  écouter  impu* 
demment  l'amour  d'un  Damoiseau,  et  y  promettre  en 
même  temps  de  la  correspondance'  !  Morbleu  !  je  ne  veux 
point  laisser  passer  une  occasion  de  la  sorte.  Il  me  faut 
de  ce  pas  aller  faire  mes  plaintes  au  père  et  à  la  mère, 
et  les  rendre  témoins,  à  telle  fin  que  de  raison  '',  des 

I.  GBoaoB  DAVDijr,«e»/.  (1734.) 

a.  Une  DamoÎMlle.  (1673,  8a,  9a,  97,  17 10.) 

3.  Amolphej  aa  vwt  ai  àa  PÉeoU  des/emmes^  parle  auMÎ  de  maris 

Qoi  sont  accommodés  ebex  eu  de  toutes  pièces. 

4.  Ce  mot  que  nous  stoiis  comparé  plas  haut  à  paysannerie  renent  dans 
la   seèae  suivante  nr  daei  la  ttT  de   Paats  IH  dti  iftfurgteit  ftntilhnmmt 
M.  littré  eu  cite,  outre  ces  trois  exemples,  un  de  Tliomas  Corneille,  pui», 
sans  aoenn  du  dix-huitième  siècle,  plusieurs  du  dix-neuyième. 

5.  A  Vboniienr  d'un  mari  la  liberté  de  ressentiment.  (167a,  74,  8a,  9a, 
1733.)  —  ....la  liberté  du  ressentiment.  (1697,  1710,  18,  3o.) 

6.  Et  même  promettre  d*y  répondre. 

7.  Cette  locution,  comme  celle  «  pour  valoir  ce  que  de  raison  »,  dont  le 
sens  est  k  peu  près  le  même,  est  tirée  de  la  langue  des  affaires,  par  cela  même 
tonte  bourgeoise  et  ne  sentant  pas  son  gentilhomme. 


5i6  GEORGE  DANDIN. 

sujets  de  chagrin  et  de  ressentiment  que  leur  fille  me 
donne.  Mais  les  voici  Tun  et  Tautre  fort  à  propos. 


SCÈNE  IV. 

MONSIEUR  ET  MADAME  DE  SOTENVILLE*, 

GEORGE  DAPÎDIN. 

MOlfSIBUR   DB   SOTBNVILLB. 

Qu'est-ce,  mon  gendre?  vous  me  paroissez  tout 
troublé. 

GB0R6B   DANDIlf. 

Aussi  en  ai-je  du  sujet,  et.... 

MADAMB   DB   SOTBITVILLB. 

Mon  Dieu  !  notre  gendre,  que  vous  avez  peu  de  civi- 
lité de  ne  pas  saluer  les  gens  quand  vous  les  appro- 
chez! 

GBORGB  DANDIN. 

Ma  foi!  ma  belle-mére,  c'est  que  j*ai  d^autres  choses 
en  tète,  et.... 

MADAME   DB   SOTBNVILLB. 

Encore!  Est-il  possible,  notre  gendre,  que  vous  sa- 
chiez si  peu  votre  monde,  et  qu'il  n'y  ait  pas  moyen  de 
vous  instruire  de  la  manière  qu'il  faut  vivre  parmi  les 
personnes  de  qualité  ? 

GEORGE  DANDIN. 

Comment? 

MADAME   DE    SOTBNVILLB. 

Ne  vous  déferez-vous  jamais  avec  moi  de  la  fami- 
liarité de  ce  mot  de  «  ma  belle-mère  »,  et  ne  saunez- 
vous  vous  accoutumer  à  me  dire  «  Madame  »  ? 

t.  MONlIBUa   DX  sonar  TILLE,  HADA3IB  DB   lOTBNTILLB.    (l7340 


ACTE  I,  SCÈNE  IV.  Sij 

GBORGB    DÀIfDIN. 

Parbleu  !  si  vous  m^appelez  votre  gendre,  il  me  sem- 
ble que  je  puis  vous  appeler  ma  belle-mère. 

MADAME    DE  SOTBNVILLE. 

Il  y  a  fort  à  dire,  et  les  choses  ne  sont  pas  égales. 
Apprenez,  s^il  vous  plait,  que  ce  n*est  pas  à  vous  à  vous 
servir  de  ce  mot-là  avec  une  personne  de  ma  condi- 
tion; que  tout  notre  gendre  que  vous  soyez,  il  y  a 
grande  différence  de  vous  à  nous,  et  que  vous  devez 
vous  connoitre^ 

MONSIEUR    DE    SOTENVILLB. 

Cen  est  assez,  mamour',  laissons  cela. 

MADAME    DE    SOTBNVILLE. 

Mon  Dieu!  Monsieur  de  Sotenville,  vous  avez  des 
indulgences  qui  n*appartiennent  qu*à  vous,  et  vous  ne 
savez  pas  vous  faire  rendre  par  les  gens  ce  qui  vous 
est  dû. 

MONSIEUR   DE    SOTENVILLE. 

Corbleu!  pardonnez-moi,  on  ne  peut  point  me  faire 
de  leçons  là-dessus,  et  j*ai  su  montrer  en  ma  vie,  par 
vingt  actions  de  vigueur,  que  je  ne  suis  point  homme  à 
démordre  jamais  d^une  partie  de  mes  prétentions'.  Mais 
il  suffit  de  lui  avoir  donné  un  petit  avertissement.  Sa- 
chons un  peu,  mon  gendre,  ce  que  vous  avez  dans 
Tesprit. 

GEORGE    DANDIN. 

Puisqu'il  faut  donc  parler  catégoriquement,  je  vous 
dirai,  Monsieur  de  Sotenville,  que  j*ai  lieu  de.... 

MONSIEUR    DE   SOTENVILLB. 

Doucement,  mon  gendre.  Apprenez  qu*il  n*est  pas 

I.  Voot  rendre  compte  de  votre  condition,  ne  jamaU  toos  méconnaître. 

a.  M^amomTy  dit  Nicot  (1606),  «  eat  un  mot  compote  de  ma  ou  mon  et 
aimomr,  dnqod  lliomme  blandtt  et  earctae  celle  qo*il  aime....  C'est  presque 
conune  Tltalien  compote  ce  mot  MoglUma,  pour  mia  moglie,  » 

3.  A  démordre  jamais  d*an  ponce  de  mes  prétentions.  (167a,  Sa.) 


5i8  GEORGE  DANDIN. 

respectueux  d'appeler  les  gens  par  leur  nom,  et  qu^à 
ceux  qui  sont  au-dessus  de  nous  il  faut  dire  «  Monsieur  » 
tout  court  ^. 

GEORGB   DANDIK. 

Hé  bien  !  Monsieur  tout  court,  et  non  plus  Monsieur 
de  Sotenville,  j*aià  vousdire  que  ma  femme  me  donne.... 

MONSIBUa   DB   SOTBNVILLB. 

Tout  beau!  Apprenez  aussi  que  vous  ne  devez  pas 
dire  «ma  femme  »,  quand  vous  parlez  de  notre  fille. 

GBORGB    DÀICOllf. 

J'enrage.  Comment?  ma  femme  n'est  pas  ma  femme^? 

MÀDAMB   DE   SOTBNVILLB. 

Oui,  notre  gendre,  elle  est  votre  femme;  mais  il  ne 
vous  est  pas  permis  de  l'appeler  ainsi,  et  c'est  tout  ce 
que  vous  pounîez  faire,  si  vous  aviez  épousé  une  de 
vos  pareilles. 

GBORGB   OAirOIN*. 

Ah  !  George  Dandin,  où  t'es-tu  fourré  ?*  Eh  !  de  grâce, 
mettez,  pour  un  moment,  votre  gentilhommerie  à  coté'. 


I.  Voîei  la  règle  éublM  i  cet  égard  par  AntoiM  de  Coardn  dans  Mm  iVM»- 
veau  traiii  de  la  cwiliêi  fmi  te  pratiqué  en  France  parmi  les  honnêtes  gems* 
(8*  édition,  1695,  au  chapitre  ▼  traitant  de  la  eonveraation  en  eon^» 
gnie,  p.  a8)  :  «  C'est....  une  iBÔTÎtité  de  joindre  après  le  Mansiemr  on  k 
Madame  le  •amom  on  la  qualité  de  la  personne  à  qui  on  parle;  comme  :  Omi, 
Monsieur  CieerviUe^  oui^  Monsieur  le  Marquis^  en  pariant  i  loi-mtee,  aa 
lien  de  dire  simplement  :  Oui^  Monsieur,  »  La  règle  se  trouve  d*aatre  put  bien 
confirmée  par  an  arbitre  moins  grave,  mais  bon  obserratenr  da  monde  qn^ 
raille,  par  raateur  des  Lois  de  la  galanterie  (1644)  :  «  Quand*  dit-U  (p.  at 
de  rédition  de  M.  Lad.  L.),  il  sera....  question  de  mépriser  quelqu'un  tm  u 
présence,  il  se  &ndra  bien  garder  de  répéter  le  nom  de  Monsieur  en  pariant  de 
lui  à  quelque  autre  qoi  se  trouvera  11....  Et  en  parlant  à  de  tdles  gens,  il  ne 
£iut  jamais  les  appeler  simplement  Monsieur,  mais  y  ajouter  toujours  k>r 
nom.  » 

a.  N*est  pas  femme?  (1669;  faute  très-probeble.) 

3.  GiOEOi  Dardot,  baSf  à  part,  (1734.) 

4.  Bout.  (Ibidem,) 

5.  Mettre  à  c6té,  au  lieo  de  mettra  de  côtè^  ponnrait  bien  être  on  piona- 

•  Noos  avons  déjà  en  occasion  de  citer  oe  livre,  an  tome  III,  p.  997,  noie  i. 


AGTB  I,  SCBNB  IV.  5ig 

et  sonOrez  que  je  voua  parie  maintenant  comme  je 
pourrai.*  Au  diantre  soit  la  tyrannie  de  toutes  ces  his- 
toires-là !  *  Je  vous  dis  donc  que  je  suis  mal  satisfait  de 
mon  mariage. 

MONSIBCR    VB    SOTBMTILLB. 

Et  U  raison,  mon  gendre  ? 

HÂD4MB   D£   SOTEITTILLE. 

Quoi?  parler  ainsi  d'une  chose  dont  vous  avez  tiré  de 
si  grands  avantages  ? 

GEORGB    DANDIN. 

Et  quels  avantages,  Madame,  puisque  Madame  y  a? 
L'aventure  n'a  pas  été  mauvaise  pour  vous,  car  sans 
moi  vos  affaires,  avec  votre  permission,  étoient  fort 
délabrées,  et  mon  at^nt  a  servi  à  reboncher*  d'assez 
bons  trous  ;  mais  moi,  de  quoi  y  ai-je  profité  *,  je  vous 
prie,  que*  d'un  allongement  de  nom,  et  au  lien  de  George 
Dandin,  d'avoir  reçu  par  voua  le  titre  de  •>  Monsieur  de 
la  Dandinîére*  ■? 

ponr  A,  p«r*It  iToir  M  «uib  pm  luitje, 
imw  lujodhl'hiil,  que  c«U«  è^  nuttre  Jjt  arrUrt 
Is  Miliatle, 

1.   Jparl.  (1JÎ4.)   ' 

^.  J  M.Jt  Soletii-Ule.  (fh'^m.) 

3.  A  boiulwT.  [Hidim.) 

t.  D»  qooi  «-îe  profité,  (ijjo,  34-) 

5.  Si  «  d'cm  :  compim  d-dcmu,  m  nri  8i3   d' Jntf^itrjmi,  p.  4a3  M 

6.  Le  noiD  ds  trm  li  lutunllsiiiciil  diriri  dn  nom  du  pousHear  pu 
H-  de  SotvnTitlc  itilC  pu  cainit*  étn  porté  tuu  dingar  pir  kid  gendre  : 
•  La  lien  Était  tdlcmnil,  wu  l'iDcitau  moBirefais,  !■  ml  «t  Tnitabte 
■ig4*  de  U  naiiuac*^  qa^oa  a'a  pai  ponniiÎTÏ  h  eeUa  époque  ccnx  qui  pr«- 
■linl  dH  Bonu  di  Migacun»  et  d«  pirllcoln,  mail  teulemciit  Ici  niurpa- 
tnn  da  qnalificatiDiii  aobiliilni.  Nout  en  trouTooi  hdb  praoïa  frappiDta 
dau  la  chaniaBle  épltn  qni....  la  FMaliine  idnHait  ta  i66i  au  due  da 
Boulllou,  Le    poète  Tut  inquiélé,  pounuiii  par  lea  IrallioU,  non  paa  h  eanae 

uu  droit  un  lit»  da  BabUwe,  «lui  d'icmyr.  •  (M,  P.  Birion,  «ocat,  Jt 
la  Fuuu  mMaiu  m  fnuc,  iMi,  p.  l3.}  Vofa  la  £b  da  la  prsnién 
■etaa  da /"^'Mb  Af^MuiM,  tome  III,  p.  1 70  M  •oiraatu. 


5ao  GEORGE  DANDIN. 

MOHSIXUR   DE  SOTBMVILLB. 

Ne  comptez-vous  rien  S  mon  gendre,  Tavantage  d'être 
allié  a  la  maison  de  Sotenville  ? 

MÂDAMB   OB  SOTBNVILLB. 

Et  à  celle  de  la  Prudoterie',  dont  j'ai  Thonneur  d'être 
issue,  maison  où  le  ventre  anoblit,  et  qui,  par  ce  beau 
privilège,  rendra  vos  enfiiats  gentilshommes'? 


1.  Ne  compteiHToiit  pour  rien.  (167a,  81,  1734O 

2.  Ce  nom  aoiti  parlaat,  pour  eiati  dire,  qoe  eelui  de  Soteavillc,  fat  prie 
en  gré  par  la  Fontaine;  il  Ta  gaiement  rappelé  en  le  donnant  à  la  deecen- 
danêe  de  b  Matrone  d'Éphète  (eonte  ▼!  de  la  5*  partie,  168a)  : 

IVelle  deacendent  cens  de  la  Pmdoterie, 
Antiqoe  et  eéltiwe  maiioa. 

3.  Dans  une  intéretaante  brochue  intitoiée  de  U  IMUsm  lergr—He  «• 
Champagne* f  M.  P.  Biiton  a  réuni  lei  principaux  textes  des  contâmes*,  les 
meillenrs  commentatras  de  juristes*  et  les  plus  probants  documents  jnib- 
daireSf  qui  établissent  que  dans  cette  prorinee,  eoatrairsment  an  «broit  eom- 
mnn  de  la  France,  les  Cemmes  nobles  mariées  à  des  roturiors  pouvaient 
transmettre  leur  noblesse  à  leurs  enfants'.  «  Le  ventre  a&ancbit  et  anoblit,  « 
disait  en  propres  tenues  la  coutume  de  Cbftlons  (citée  p.  7  et  i5).  Ce  priri- 
lége  fut  reconnu  jusqu'à  la  Révolution  par  de  nombreux  arrêta.  Mais  (cette 
circonstance  est  bonne  à  noter  ici)  Tannée  même  on  les  deux  figurée  des 
Sotenyille  égayèrent  Paria  et  U  conr,  il  était  Tobjet  d*on  dêmUfé  qna  dut 
iaire  quelque  bruit  dans  le  public  :  les  intéressés  avaient  tona  à  le  revendi- 
quer contre  une  puissante  corporation  qui  le  contestait.  En  1668,  dit 
Grosley  dans  ses  savantes  Recherches  sur  la  noblesse  utérine  de  Champagne*, 
les  traitants,  «  interprétant  d'une  manière  favorable  à  leur  intérêt  certaine 
déclaration  du  %  février  i66t,  attaquèrent....  plusieurs  nobles  de  mère  qvî, 
en  vertu  des  coutumes  de  Champagne,  portoient  la  qualité  d'écnyer,  et  ils  les 

*  Nous  avons  sous  les  yenx  la  3*  édition,  qui  est  de  1878. 

*  De  Troyes,  de  Cbftlons,  de  Meaux,  de  Vitrj,  de  Cba amont,  de  Sens.  — 
La  eootnme  de  Reims  faisait  exception  (p.  16). 

*  Notamment  des  extraite  de  Bodin,  Pierre  Pithou,  Grodey  (savant  né  a 
Troyes,  comme  Pithou),  Merlin,  M.  Lafen-ière.  Cet  usage,  dit  ce  dernier 
dans  son  Histoire  du  droit  français  (tome  VI,  i858,  P.  71)*  •  se  aérait.... 
introduit  vers  le  commencement  du  douaicme  siècle,  à  Pepoque  00,  par  Teflat 
des  Croisades,  les  cbevaliers  périssaient  en  grand  nombre  et  le  commerce  pra- 
naît  un  rapide  essor.  » 

d  Elles  la  transmettaient  même,  du  moins  dans  certains  lieux,  à  leurs 
maris  quand  ceux-ci  leur  survivaient  :  voyex  p.  aa6  des  Recherches  de 
Grosley,  indiquées  plus  loin;  p.  |3  et  14  de  M.  Biston. 

«  Pages  a38-940|  citées  par  M.  Biston,  p.  14  et  a5.  Ce  mémoire  de  Gros- 
ley parut,  en  1 753,  à  la  suite  de  ses  Recherches  pour  sernr  k  thistoira  dm  drmt 
français 


ACTE  I,  SCÈNE  lY.  5it 

GBÛRGB   DAHDIN. 

Oui,  voilà  qui  est  bien,  mes  enfants  seront  gentils- 
hommes; mais  je  serai  cocu,  moi,  si  Ton  n  y  met  ordre. 

MOIfSIBUR   DE  SOTBNTILLB. 

Que  veut  dire  cela,  mon  gendre? 

GBORGB    DAlfDm. 

Cela  veut  dire  que  votre  fille  ne  vit  pas  comme  il  faut 
qu*une  femme  vive,  et  qu'elle  fait  des  choses  qui  sont 
contre  Thonneur. 

MAOAMB    DB  SOTBNVILLB. 

Tout  beau!  prenez  garde  à  ce  que  vous  dites.  Ma 
fille  est  d*une  race  trop  pleine  de  vertu,  pour  se  porter 
jamais  à  faire  aucune  chose  dont  rhonnêteté  soit  bles- 
sée; et  de  la  maison  de  la  Prudoterie  il  y  a  plus  de 
trois  cents  ans  qu'on  n'a  point  remarqué  qu'il  y  ait  eu 
de  femme  ^  Dieu  merci,  qui  ait  fait  parler  d'elle. 

MONSIBUR    DB  SOTENVILLE. 

Corbleu!  dans  la  maison  de  SotenvOle  on  n'a  jamais 
vu  de  coquette,  et  la  bravoure  n'y  est  pas  plus  hérédi- 
taire aux  mâles,  que  la  chasteté  aux  femelles*. 


imposèrent  à  la  Use,  eomin*  nsurpateurt  de  nobletie.  Lct  nobles  de  mère  se 
dèfisndirent....  M.  de  Caiinurtîn...,  intendant  de  Champagne...,  renvoya  au 
Conseil  les  défenses,  mémoirss  et  pièœs  que  les  nobles  de  mère  avoient  fait 
signifier  k  son  boreaa.  Les  traitants  entreprirent  d*y  répondre  et  de  les  con- 
tredire, mais  leur  aride  éloquence  ne  put  détruire  ce  que  les  noUes  de  mère 
avoient  établi.  Le  Conseil....  ordonna  d'imposer  silence  aux  préposés,  et  de 
Caire  cesser  leurs  poursuites  contre  les  nobles  de  mère.  »   Après  cette  déci- 
sion souyeraine,  une  question  pourtant  restait  sans  doute  encore,  que  les  con- 
temporains pouvaient  s*amaser  k  débattre  :  eeliet  de  la  PrudottrU  triom- 
phaient-elles même  dans  lenr  prétention  tonte  particulière,   ee  semble,  de 
traasmettre  leur  privilège  propre  à  leors  filles,  eellea-ci  fussent-elles  nées  d*un 
père  issu,  lui,  d*une  maison  qoi  ne  participait  point  au  même  privilège?  Car 
BIme  de  SotenviOe  le  déclare  hautement  à  son  gendre,  en  présence  de  son 
mari,  ce  n'<«t  pas  de  M.  de  Sotenville,  c*est  dVUe  seule,  demouelU  de  la 
Prudoterie,  qu'Angélique  tiendra  sa  puissance  d'anoblissement. 
I.  Qn'il  y  ait  en  une  femme.  (167a,  Sa,  97,  1710,  18,  3o,  33,  34*) 
a.  M.  de  Sotenville  parle,  avec  une  comique  eaaetitnde,  la  langue  des  g^ 
néalogistet  :  méhi..,. /omêUêê, 


&%%  GEORGE  DANDIN. 

MADàHB   I»  SOTEirVILUI. 

Nous  avons  eu  une  Jacqueline  de  la  Prudoterie  qui 
.  ne  voulut  jamais  être  la  maîtresse  d'un  duc  et  pair, 
gouverneur  de  notre  province. 

MONSIEUR   DB   SOTBNVILLB. 

II  y  a  eu  une  Mathurine  de  Sotenville  qui  refusa 
vingt  mille  écus  d'un  favori  du  Roi,  qui  ne  lui  deman- 
doit^  seulement  que  la  faveur  de  lui  parler. 

GBORGB    DÀNDm. 

Ho  bien  !  votre  fille  n'est  pas  si  difficile  que  cela,  et 
elle  s'est  apprivoisée  depuis  qu'elle  est  chez  moi. 

MOnSIBUR  DB   SOTBirVILLB. 

Expliquez-vous,  mon  gendre.  Nous  ne  sommes  point 
gens  à  la  supporter'  dans  de  mauvaises  actions,  et  nous 
serons  les  premiers,  sa  mère  et  moi,  à  vous  en  faire  la 
justice. 

MADAME    DE   SOTENVILLE. 

Nous  n'entendons  point  raillerie  sur  les  matières  de 
l'honneur,  et  nous  l'avons  élevée  dans  toute  la  sévérité 
possible. 

GEORGE  DÀNDIN. 

Tout  ce  que  je  vous  puis  dire,  c'est  qu'il  y  a  ici  un 
certain  courtisan  que  vous  avez  vu,  qui  est  amoureux 
d'elle  à  ma  barbe,  et  qui  lui  a  fait  faire  des  protestations 
d'amour  qu'elle  a  très-humainement  écoutées. 

MADAME    DE    SOTENVILLB. 

Jour  de  Dieu  !  je  l'étranglerois  de  mes  propres  mains, 
s'il  falloit  qu'elle  forlignât  de  l'honnêteté'  de  sa  mère. 

I.  Qui  ne  demandoit.  (1673,  8a.)  —  «  Ne....Mal8ni«Bt  qae,  ■  pléoi 
dont  nos  Lexiques^  particulièrement  ceux  de  Raeime  ^de  la  Brmjrète, 
de  nombreux  exemple*  à  rartide  XIV  de  Vlntndmetiom  grmmmatiemU. 

a.  A  la  aoutenir,  I  Tappajer,  k  prendre  son  parti  :  Toyes  les  exemples,  m 
ce  sens  déjà  peut-être  on  peu  TieilU,  cités  par  M.  lÀVtnkVkUtùriqmMàa.  mot. 

3.  S^écartAt  de  llionnéteté.  Ce  terme  de  /ûrlignêr  s'employait  aortont  ab- 
soloment,  poar  dire  sortir  de  la  ligne,  de  la  voie  de  sa  race,  dégénérer  de 
noblesse,  et,  dans  un  sens  plus  général,  s*éloigner  de  la  ligne  droite^  de  Is 


ACTE  I.   SCÈNE   IV.  Sa) 

MONSIBUR   DE   SOTBNVIUJB. 

0>rbleu!  je  lui  passerois  mon  épée  au  travers  du 
corps,  à  elle  et  au  galant,  si  elle  avoit  forfait  à  son  hon- 
neur *. 

GBORGB  DÀNDIN. 

Je  vous  ai  dit  ce  qui  se  passe  pour  vous  faire  mes 
plaintes,  et  je  vous  demande  raison  de  cette  affaire-là. 

MONSIEUR    DE    SOTENVILLB. 

Ne  vous  tourmentez  point,  je  vous  la  ferai  de  tous 
deux,  et  je  suis  homme  pour  serrer  le  bouton  ^  à  qui 
que  ce  puisse  être.  Mais  êtes- vous  bien  sûr  aussi  de  ce 
que  vous  nous  dites'  ? 

GEORGE   DÀNDIN. 

Très-sûr. 


ligne  da  devoir.  —  Forligner^  /or/aire  (qae  va  employer  M.  de  Soten? ille), 
«  eee  tieia  moU,  dit  Auger,  d*aiw  conlenr  béraldiqae  et  cberaleneque ,  tout 
merreilleoMiiient  placés  dans  U  boache  de  ce  couple  de  hobereaux,  si  fiers 
de  raatiqoité  et  de  la  pureté  de  leur  race.  » 

I.  For/âûw,  d'après  h  Dieti^ntuûn  de  F  Académie  de  1694,  c'est  «  (aire 

quelque  chose  contre  le  dcToir.  U  ne  se  dit  qu'en  termes  de  pratique  et  en 

pariant  de  la  préTarieation  d^un  magistrat  ou  du  désordre  d'une  fille.  »  For- 

faire  était  aussi  usité  dans  la  langue  du  droit  féodal «,  et  cet  emploi  explique 

la  pré«iilection  que  M.  de  Sotenrille  pouvait  aToir  pour  le  mot. 

a.  «  On  pourrait  croire,  dit  Auger,  que  ce  proverbe,  terrer  le  bouton  à 
fuelf n'iM,  vient  de  l'action  d'un  escrimeur  qui  appuie  fortement  le  bouton 
de  son  fleuret  sur  la  poitrine  de  son  adversaire,  on  même  de  Taction  d'un 
homme  qui,  parlant  avec  vivacité  à  un  autre,  le  saisit  fortement  par  un  des 
boutons  de  son  habit.  Mais  le  proverbe  a  une  autre  origine.  On  appelle  3o»- 
lom  en  termes  de  manège,  la  boucle  de  cuir  qui  coule  le  long  des  réues  et  qui 
les  resserre.  Ainsi....  serrer  le  bouton,.,,  est  l'équivalent  de  tenir  en 
bride.  »  Amyot,  dté  par  M.  Littré,  explique  parfaitement  la  locution  par 
l'emploi  qu*il  en  fait  dans  sa  traduction  du  traité  de  Plutarque  auquel  il  a 
donné  le  titre  de  Comment  il  fmui  nourrir  (élever)  les  enfanU  [chapitre  zvin)  t 
«  Aussi  faut-il  que  les  pères....  tantôt....  lâchent  un  petit  la  bride  aux  appé- 
tits de  leurs  enfants,  et  tantôt  aussi  ils  leur  serrent  le  bouton  et  lenr  tiennent 
la  bride  roide.  > 

3.  Dans  le  texte  original  :  «  Mais  étes-vous  pas  bien  s&r  aussi,  etc.  >  Le 
p€u  ne  s'aeeorde  pas  avec  le  sens,  avec  la  réponse  de  Dandin  ;  nos  autres  édi- 
tions l'omettent,  sauf  les  trois  étrangères,  dont  les  deux  dernières,  1684  A, 
B,  corrigent  k  contr»-sens  iiee-^'ous  en  n*êtes'Vous. 

•  Forfitire  mmJSe/,  e'éuit  en  »eoarir  U  perte  pour  avoir  forfait  k  sa  foi. 


5a4  GEORGE  DANDIN. 

MONSIEUR    DB    SOTBNYILLB. 

Prenez  bien  garde  au  moins;  car,  entre  gentils- 
hommes, ce  sont  des  choses  chatouilleuses',  et  il  n^est 
pas  question  d*aller  faire  ici  un  pas  de  clerc*. 

GEORGE    DÀNDIlf. 

Je  ne  vous  ai  rien  dit,  vous  dis-je,  qui  ne  soit  véri- 
table. 

MONSIEUR    DE    SOTBNVILLB. 

Mamour,  allez- vous-en  parler  à  votre  fille,  tandis 
qu*avec  mon  gendre  j'irai  parler  à  Thomme. 

Madame  de  sotenvillb. 

Se  pourroit-il,  mon  fils',  qu'elle  s'oubliât  de  la  sorte, 
après  le  sage  exemple  que  vous  savez  vous-même  que 
je  lui  ai  donné  ? 

MONSIEUR    DE    S0TBNVU.LB. 

Nous  allons  éclaircir  raffaire.  Suivez-moi,  mon  gen- 
dre, et  ne  vous  mettez  pas  en  peine.  Vous  verrez  de 
quel  bois  nous  nous  chauffons  lorsqu'on  s'attaque  à 
ceux  qui  nous  peuvent^  appartenir. 

GEORGE    DANDIN. 

Le  voici  qui  vient  vers  nous. 

1.  Délicates,  sur  lesquelles  l*hoii]Mur  est  fort  chatoailleux,  oà  le  point 
d*honoeur  entre  vite  en  jeu. 

a.  Molière  a  déjà  employé  cette  phrase  proTerluale  au  rers  3oo  da  Dipit 
amoureux, 

3.  Ce  terme  caressant  est  adressé  par  Lélie  h  Masearille,  an  wtn  690  de 
r Étourdi,-  il  Test  souTent,  dans  des  démonstntions  de  tendresse  hypocrite, 
par  Béitne  à  Argan  (voyez  acte  I,  scènes  tx  et  tu  du  Malade  imagimairt). 

4.  iVoiu  peuvent  n*est  pas  fait  pour  trop  enorgueillir  Dandin. 


ACTE  I,  SCÈNE  Y.  S%S 


SCÈNE  V. 

MONSIEUR  DE  SOTENVILLE,  CLITANDRE, 

GEORGE  DANDIN. 

MONSIEUR   DB   SOTENVILLE. 

MonsieuFi  suis-je  connu  de  vous  ? 

CLITÀNORB. 

Non  paSi  que  je  sache,  Monsieur. 

MONSIBDR    BB   SOTBNVILLB. 

Je  m'appelle  le  baron  de  Sotenville^. 

CLITANORB. 

Je  m'en  réjouis  fort. 

MONSIEUR   DB   SOTENVILLE. 

Mon  nom  est  connu  à  la  cour,  et  j*eus  rhonneur 
dans  ma  jeunesse  de  me  signaler  des  premiers  à  Tar- 
rière-ban  de  Nancy  *. 

I.  Je  m*app«ll9  Monnaur  de  Sotaanlle.  (167a,  Sa.) 

a.  Varnèrê'btut  était....  la  eoBToeation  et  Tasieniblée  de  tous  les  nobles 
d*aiie  provinee,  pour  fenrir  le  Roi  dana  aea  araees*  eomme  ils  j  étalent  obli- 
gés par  la  loi  des  fieCs.  On  distÎDgaait  anctennement  le  ^Jt,  qui  était  l'assem- 
blée des  Tassaux  immédiats  dn  R<h,  et  Varriirê-han,  qui  était  celle  des  ms- 
sans  médiats;  mais,  par  la  saite,  on  a,  ponr  ainsi  dire,  réom  eea  deux  mota 
en  une  seule  expression,  qui  signifiait  un  appel  fait  à  tons  les  gentilshommes. 
{Yviê  tPjiuger.)  —  Les  premiers  aaditears  doraient  supposer  en  1668  que  les 
aoamnirs  de  jennease  de  M.  de  Sotenrille  remontaient  à  nne  bonne  trentaine 
d'années  de  U.  Vers  ce  tempe,  rarrière-ban  de  Naney  ne  peut  être  la  lerée 
de  la  noblesse  de  Lorraine  sous  les  drapeaux  de  la  Franee.  Nanej  oeenpé  en 
i633  par  Loais  XIII,  et  le  reste  de  la  prorlnee,  bien  que  depuis  cette  année* 
là  sons  la  main  du  Roi,  restaient  en  droit  soumis  an  due  Charles  IV,  et  en 
fait  les  gentilshommes  lorrains  demeurèrent  fidèles  à  leur  souverain  particu- 
lier. U.  de  SotenTÎUe  veut,  sans  aucun  doute,  parler  de  rarriére-ban  qui  fut 
convoqué  en  x635  pour  être,  sous  le  duc  d'Angouléme,  envoyé  en  Lorraine, 
et  dont  nne  partie  renfer^  la  garnison  de  Nancj.  La  manière  dont  se  signala 
cet  arrière-ben  ne  fut  pas  en  tout  des  plus  glorieuses,  et  on  se  le  rappelait 
bien  encore  en  i668.  «  U  ne  parait  pas,  dit  M.  le  comte  d^Haussoorille,  dans 
son  Hùtoire  d»  la  réunion  d»  la  i/nraine  à  la  Franee  (tome  H,  p.  39),  qu'on 
se  fdt  bien  trouvé  de  ce  retour  h  nne  mesure  qui  remontait  aux  temps  leo- 


5a6  GEORGE  DANDIN. 

CUTAIIDRB. 

A  la  bonne  heure. 

MOIfSIBUR    DE    SOTBirVILLB. 

Monsieur,  mon  père  ^  Jean-Gilles  de  Sotenville  eut 
la  gloire  d'assister  en  personne  au  grand  siège  de  Mon- 
tauban  '. 

CLrTAKDRB. 

J'en  suis  ravi. 

MONSIEUR  DB   SOTBlfVIIXB. 

Et  j'ai  eu  un  aïeul,  Bertrand  de  Sotenville,  qui  fut  si 
considéré  en  son  temps,  que  d'avoir  '  permission  de 
vendre  tout  son  bien  pour  le  voyage  d'outre*mer*. 


dans  et  dont  l'usage  itait  dès  Ion  h  peu  prè«  tomU.  Le  dnc  d'AngoiiIéaw  ne 
fit  pas  menreiUe  h  la  tête  de  ee  eorpa  plut  brillait  que  diaeipliné.  Tooa  ces 
gentilthomaiei  aceoariit  du  fond  de  leur  manoir  aree  ane  saiie  nombrevae  et 
en  somptueux  harnais  de  guerre  »  furent  plus  d*une  fois  un  objet  de  riare. 
Qoelques-mis  se  laasèreat  Tite  et  s*en  letounèrent,  malgré  les  me^aees  da 
Roi.  Plusieurs  bandes  impatientes  d*autre  manière  ae  firent  battre  k  plate 
tnre,  «Tautres  se  firent  prendre  par  Jean  de  Vert,  et  •  aussitM  la  Saint-] 
▼enue,  •  dit  U.  Henri  Martin  (tome  XI,  4*  édition,  p.  437),  «  le  ban  et  Par- 
rière-ban....  exigèrent  leur  eongé.  •  Une  histoire  manuscrite  citée  par 
M.  d'HaussonrilIe  (p.  40,  note  3)  a  pour  la  fin  de  leur  campagne  on  mot  de» 
plus  trlitea  :  €  La  noblesse  de  l'arrière-ban  quitte  la  partie  tonte  déeooile.  » 
i«  Monsieur  mon  père.  (1734') 

2.  «  C*  grand  siège,  dit  Auger,  est  œrtainement  edui  que  Louis  XIH,  à  h 
tète  de  aes  meilleurs  généraux,  mit,  eu  1691,  derant  la  riUe  de  Montaoban, 
occupée  par  les  ealrinistes,  et  qu*tl  fut  obligé  de  lever  à  canae  de  la  mèàa- 
telligenee  des  nombreux  chefs  de  son  armée.  • 

3.  Qui  fut  considéré  à  ce  point,  qu'il  eut....  Sur  ee  tour,  Toyex  le  Dit- 
lionmaire  de  M.  Idttré,  h  Particlc  Si,  adveibe,  3*. 

4.  Pour  suiTTC  quelque  prince  à  la  croisade.  ■  La  maison  de  Voyer,  dît 
Fontenelle  «,  transcriTant  sans  doute  une  généalogie,  remonte  par  des  titres 
et  par  des  filistions  bien  prourées  jusqu'à  Etienne  de  Voyer,  sire  de  Panlmy, 
qui  accompagna  saint  Louis  dans  ses  deux  voyages  d*outre-mer.  »  —  Auger 
indique  une  lettre  de  J.-B.  Rousseau  à  Brossette  datée  du  29  juillet  1740*, 
dans  laquelle,  k  propos  de  ce  passage,  il  est  dit  que  «  tout  le  monde  en  fit 
l'application  k  M.  de  la  Feuillade,  qui,  en  ee  temps-lft,  s'arisa  de  mener  eu 

«  Cité  par  M.  Littré  :  royez  V Éloge  tU,,.,  d^Argettson^  tome  VI  des  OÊSmnrs 
(1758),  p.  i4i. 

*  Voyex  les  Lettres  de  Rousseau  sur  différents  sujets  (GeneTe,  1749). 
tome  II  (en  réalité  IIl),  p.  33i. 


ACTE  I,  SCÈNE  Y.  5ti7 

CLITAKDRB. 

Je  le  yeux  croire. 

MONSIEUR   DE   SOrBHTILLE. 

Il  m*a  été  rapporté,  Monsieur,  que  vous  aimez  et 
poursuivez  une  jeune  personne,  qui  est  ma  fille,  pour 
laquelle  je  m'intéresse,  et  *  pour  Thomme  *  que  vous 
voyez,  qui  a  Thonneur  d'être  mon  gendre. 

CUTÀKORE. 

Qui,  moi  ? 

MONSIEUR   DE   SOTBNVILLB. 

Oui  ;  et  je  suis  bien  aise  de  vous  parler,  pour  tirer  de 
vous,  s'il  vous  plait,  un  éclaircissement  de  cette  affaire. 

CUTÀNDRE. 

Voila  une  étrange  médisance!  Qui  vous  a  dit  cela, 
Monsieur? 

MONSIEUR    DE    SOTENVILLE. 

Quelqu'un  qui  croit  le  bien  savoir. 

CUTÀNDRE. 

Ce  quelqu'un-là  en  a  menti.  Je  suis  honnête  homme'. 
Me  croyez-vous  capable.  Monsieur,  d'une  action  aussi 
lâche  que  celle-là?  Moi,  aimer  une  jeune  et  belle  per- 
sonne, qui  a  rhonneur  d'être  la  fille  de  Monsieur  le 
baron  de  Sotenville!  je  vous  révère  trop  pour  cela,  et 
suis  trop  votre  serviteur.  Quiconque  vous  l'a  dit  est 
un  sot. 

Candie  I  tM  dépens  ane  eentaine  de  gentflahommefl  équipés  poor  combattre 
eontre  let  Tores  pendant  le  si^  de  eette  lie,  •  siège  soutenu  par  les  Véni- 
tiens. D*aatres  qae  la  Fenillade  et  ceux  qa'il  équipa  firent  encore  l'expédition  ; 
plut  de  quatre  cents  gentilshommes  s'enrôlèrent,  et  parmi  eux  le  fils  de  Mme  de 
Sévigné^  ;  ils  partirent  de  Toulon  vers  la  fin  de  septembre  1668,  six  semaines 
avant  la  première  représentation  à  la  TÎlle  de  George  Dandin, 

I .  «  Et  pour  rhomme  •  équivaut  à  «  ainsi  qoe  ponr  Thomme.  » 

3.  Montrant  George  Dandin.  (1734.) 

3.  Ici  encore,  comme  le  montre  le  contraste  arec  lâchcy  qui  suit,  ■  honnête 
homme  •  a  son  sens  d'autrefois  :  «  homme  qui  sait  Tivre,  homme  d'honneur.  » 

•  Voyes  les  Lettrée  de  Mme  de  SMgné^  tome  I,  p.  SaS^  et  la  Ifotice  bio^ 
graphique  eur  Mme  de  Sévigné,  p.  116. 


5a8  GEORGE  DANDIN. 

MONSIEUR    DB   SOTBNYIIXB. 

Allons,  mon  gendre. 

GBORGB   OANBllT. 

Quoi? 

CLITAHDRB. 

Cest  un  coquin  et  un  maraud. 

BIONSIBUR    DB   SOTBKYILLB  ^ 

Répondez. 

GBORGB   DAlfDIX. 

Répondez  vous-même. 

CLITAlfDRB. 

Si  je  savois  qui  ce  peut  être,  je  lui  donnerois  en  votre 
présence  de  Tépée  dans  le  ventre. 

MOTfSlBUR   DB    S0TBNVn.LB  *. 

Soutenez  donc  la  chose. 

GBORGB   DÀNDIN. 

Elle  est  toute  soutenue,  cela  est  vrai  '. 

CLITANDRB. 

Est-ce  votre  gendre.  Monsieur,  qui.... 

MONSIEUR    DE    SOTEXVILLE. 

Oui,  c'est  lui-même  qui  sVn  est  plaint  à  moi. 

ÇLITANORB. 

Certes,  il  peut  remercier  l'avantage  ^  qu'il  a  de  vous 
appartenir,  et  sans  cela  je  lui  apprendrois  bien  à  tenir 
de  pareils  discours  d'une  personne  comme  moi. 

I.  M.  DK  SoTERTiLLi,  à  GtoTgê  Dondin.  (1734.) 
a.  M.  Di  SoTunriLLB,  à  Géorgt  Dandin.  {ibidtm.) 

3.  Elle  est  toato  touleoue,  il  est  wni.  (1679,  82,97,  17  lO,  18,  3o,  33.)  — 
//  an  sens  de  cWa,  ce  que  j*ai  dit. 

4.  Rendre  grâce  à  TaTantage,  se  féliciter  de  TaTantage.  M.  Littré  ii*a  pas 
d*aatre  eiemple  de  cet  emploi  familier  du  mot. 


ACTE  I,  SCÈNE  Vf.  S19 


SCÈNE  VL 

MONSIEUR  ET  MADAME  DE  SOTENVILLE  \  AN- 
GÉLIQUE, CLITANDRE,  GEORGE  DANDIN, 
CLAUDINE. 

MADAMB   DE   SOTENVILLE. 

Pour  ce  qui  est  de  cela,  la  jalousie  est  une  étrange 
chose!  J'amène  ici  ma  fille  pour  éclaircir  Taffaire  en 
présence  de  tout  le  monde. 

CLlTÀNDRE*. 

Est-ce  donc  vous.  Madame,  qui  avez  dit  à  votre  mari 
que  je  suis  amoureux  de  vous  ? 

ANGÉLIQUE. 

Moi?  et  comment'  lui  aurois-je  dit  ^  ?  est-ce  que  cela 
est  ?  Je  voudrois  bien  le  voir  vraiment  que  vous  fussiez 
amoureux  de  moi.  Jouez-vous-y,  je  vous  en  prie,  vous 
trouverez  à  qui  parler.  C'est  une  chose  que  je  vous 
conseille  de  faire.  Ayez  recours,  pour  voir,  à  tous  les 
détours  des  amants  :  essayez  un  peu,  par  plaisir,  à 
m'envoyer  des  ambassades,  à  m'écrire  secrètement  de 
petits  billets  doux,  à  épier  les  moments  que  mon  mari 
n'y  sera  pas,  ou  le  temps  que  je  sortirai,  pour  me  parler 
de  votre  amour.  Vous  n'avez  qu'à  y  venir,  je  vous  pro- 
mets que  vous  serez  reçu  comme  il  faut'. 

I .   MOHSnini  DB  80TBHTILLB ,  MADAMB  OB  SOTBNTILLB .    (  1 7  34 .) 
9.  Clitahdie,  à  Jngéliqne,  (Ibidem,) 

3.  Moi?  Hé,  eomment.  (Ihidêm,) 

4.  Coaunent  !«  lui  aarait-je  dit  ?  eette  ellipse  dq  proBom  régime  difeet  était 
fréquente  alors  :  Tojex  tome  IV,  p.  179,  note  3. 

5.  Voici  an  moyen  comique  dont  Molière  a  osé  pla«  d*aae  fois.  Dans 
PÉiomtdi  {aet€  T,tcè/u  ir),  dans  U  Malade  imaginaire  (acte  II,  seine  F; 
eneere  dane  rArare,  acte  III ^  scène  m),  et  principalement  dans  P École  des 

{aeie  II,  scène  IX),  on  Toit,  eommeici,  une  femme  entretenir  son  amant 

MoLiiaB.  Ti  34 


S3«  GEORGE  DANDIN. 

CLITANDRB. 

Hë!  la,  la*9  Madame,  toat  doucement.  Il  n^est  pas 
nécessaire  de  me  faife  tant  de  leçons,  et  de  vous  tant 
scandaliser.  Qui  vous  dit  que  je  songe  à  vous  aimer? 

ÀlfGÉLlQDB. 

Qœ  aais-je»  moi,  ce  qu'on  me  vient  conter  ici? 

CLITANDRB. 

On  dira  ce  que  Ton  voudra;  mais  vous  savez  si  je 
vous  ai  parlé  d*amour,  lorsque  je  vous  ai  rencontrée. 

▲nOÉLIQUB. 

Vous  n'aviez  qu'à  le  faire,  vous  auriez  été  bien  venu. 

CLlTÀIfDRB. 

Je  vous  assure  qu'avec  moi  vous  n'avez  rien  à  crain- 
dre ;  que  je  ne  suis  pomt  homme  à  donner  du  cliagru 
aux  belles;  et  que  je  vous  respecte  trop,  et  yoos  et 
Messieurs  vos  parents,  pour  avoir  la  pensée  d'être  amou- 
reux de  vous. 

Madame  de  sotenvillb*. 

ITé  bien  !  vous  le  voyez. 

MOIfSlBUR    DE   SOTENVILLB. 

Vous  voilà  satisfait*,  mon  gendre.  Que  dites-voosi 
cela? 

GEORGE    DàNDIN. 

Je  dis  que  ce  sont  là  des  contes  à  dormir  debout; 
que  je  sais  bien  ce  que  je  sais,  et  que  tantôt,  puisqii'3 
faut  parler,  elle  a  reçu  ^  une  ambassade  de  sa  part. 

▲TTGÉLIQUE. 

Moi,  j'ai  reçu  une  ambassade  ? 


^n  présence  du  personnage  le  plas  contraira  à  leur  amo«r,  et*  3i  la  £nnr 
d*iu  langage  équivoque,  Tencourager,  lui  indiquer  ee  qu'il  doit  fisîre  pe« 
tromper  un  importun  surveillant.  {Noie  tTAugcr,) 

1.  Voyet  Gt-deasns,  p.  363,  et  note  i. 

2.  M"*  DE  SoTiNTKLUl,  à  George  DaiuRn .  (1734.) 

3.  Vom  ave»  re^a  satisCsction  :  Toycsplns  loin,  p.  534,  notej  a  et  h, 

4.  Puisqu'il  faut  parler  net,  elle  a  re^  (167a,  Sa,  1734,  et  Copie  HUUer.) 


AGTB  I,  SCSNB  VL  S3i 

CLETARDIUL 

J'ai  envojé  une  ambassade  ? 

JJIGiUQUE. 

Qaudine. 

CLITAIVDRB^ 

Est-fl  vrai? 

CLAUDINE. 

Par  ma  foi,  voilà  une  étrange  fausseté  ! 

GBORGB   DANOITT. 

Taisez-vous,  caroçne  que  vous  êtes.  Je  sais  de  vos 
nouvelles,  et  c'est  vous  qui  tantdt  avez  introduit  le 
courrier. 

CLAUDimS. 

Qui,  moi? 

GBOBfiB  DANDIIV. 

Oui,  vous.  Ne  faites  point  tant  la  sucrée*. 

CLAUDINB. 

Hélas!  que  le  monde  aujourd'hui  est  reippli  de  mé- 
chanceté, de  m'aller  soupçonner  ainsi,  moi  qui  suis  l'in- 
nocence même!  ^ 

GEOKGB   DAirom. 

Taisez-vous,  bonne  pièce*.  Vous  faites  la  soumoîse; 
mais  je  vous  connols  il  y  a  longtemps,  et  vous  êtes  une 
dessalée  *• 

I.  CuTAiTDftfc,  à  Claudine,  (1734.) 

a.  Elle  fait  la  sacrée  et  Teat  pataer  pour  pnidt. 

{V Étourdi^  tome  I,  p.  169,  Teri  971.) 

«  Aga  hél  dit  Gareaa  k  GeBerote  dans  la  déniera  aeèae  da  Pédamt  jmté^ 
ooa  eaCef  don  de  cet  laîntes  •acréea*U  ?  Bonnefj,  je  le  Tojaa  bien,  qa*oat 
•▼iais  le  nés  toarné  ft  la  friandite.  » 

3.  Bonne  pièce,  bon  on  beau  morceen,  eioellente  penonne,  bon  aojeC.  Le 
eene  de  cette  expresrion  £imilière  eil  toojoora  ironiqae  :  '^ 

Voyez  la  bonne  pièce  avec  ses  reTérencetl 

(Comeine,  scène  ▼  de  Tacte  V  da  Menteur.) 

L* Académie  dte  «  noe  bonne  pièce,  ane  fine  pièoe,  one  méchante  pièce,  » 
«t  tradait  par  «  ane  personne  rasée,  dissimulée,  maltciease.  » 

4.  Une  rasée,  ane  déniaisée,  one  penoane  qui,  dans  le  millea  où  elle  vit,  a 


^. 


Si%  GEORGE  DANDIIC. 

CLAUDINB*. 

Madame,  est-ce  que'...? 

GEORGE   DAITOIN. 

Talsez-Yous,  vous  dls-je,  vous  pourriez  bien  porter 
la  folle  enchère  de  tous  les  autres';  et  vous  n'avez  point 
de  père  gentilhomme. 

▲HG^LIQUE. 

C'est  une  imposture  si  grande,  et  qui  me  touche  s 
fort  au  cœur,  que  je  ne  puis  pas  même  avoir  la  forée 
d'y  répondre.  Cela  est  bien  horrible  d'être  accusée  par 
un  mari  lorsqu'on  ne  lui  fait  rien  qui  ne  soit  à  (aire. 
Hélas  !  si  je  suis  blâmable  de  quelque  chose,  c'est  d'en 
user  trop  bien  avec  lui. 

CLAUDINE. 

Assurément  ^. 

▲NCiUQUB. 

Tout  mon  malheur  est  de  le  trop  considérer  ;  et  plût 
au  Gel  que  je  fusse  capable'  de  souffrir,  comme  il  dit, 
les  galanteries  de  quelqu'un!  je  ne  serois  pas*  tant  i 
plaindre.  Adieu  :  je  me  retire,  et  je  ne  puis  plus  '  enda- 
rer  qu'on  m'outrage  de  cette  sorte. 

eu  le  temps  de  perdre  m  naïveté  et  m  timidité  première,  par  anoBoa  taw 
doate  ft  certaines  choses  qui  après  avoir  été  longtemps  trempées,  on  passéss  t 
plosiears  eaux,  sont  arrlTces  à  nn  dernier  état  de  préparation.  M.  Làtcrê 
cite  de  cette  figure  populaire  un  exemple  de  la  Fontaine,  postérieur  k  eelm<i 
(▼oyex  la  comédie  de  la  Coupe  enchantée^  scène  vi),  et  nn  de  Voltaire. 

I.  Claudink,  à  Angélique.  (1734.) 

1.  Madame,  est-ce  que  que...?  (1671,  74*  8a;  ▼ariante,  on  plotèt  fimle. 
qui  n*a  pas  été  reproduite  dans  les  éditions  snivantes.) 

3.  La  folle  enchère  de  tons  les  antres  poonait  bien  retomber  sur  voos. 
TOUS  pourriez  finalement  payer  pour  tons.  —  An  propre,  /ollê  tmAèrê  est  «ne 
«  endière  trop  haute,  dit  M.  Littré,  et  qu'on  ne  peut  pas  pajer,  ee  qai  ioiee 
à  une  nonvelle  enchère  dont  les  frais  sont  k  la  charge  de  cdui  qni  a  fini  la 
folle  enchère.  » 

4.  Cette  réponse  de  Qandine  a  été  omise  par  mégsrde  dans  rédidea  de 

1674. 

5.  Que  fusse  capable.  (1672,  8a,  97;  faute  éridente.) 

6.  Je  ne  serois  point.  (1734*) 

7.  Je  me  retira,  je  ne  puis  plus.  (Ibidem,) 


V 

1 


ACTE  I,  SCENE  VI.  533 

MADAME   DB   80TBNVILLB  ^ 

Allez,  voas  ne  méritez  pas  rhonnête  femme  qu'on 
vous  a  donnée. 

CLAUDIIÎB. 

Par  ma  foi  !  il  mériteroit  qu*elle  lui  fît  dire  vrai  ;  et  si 
j*étois  en  sa  place,  je  n'y  marchanderois*  pas.*  Oui, 
Monsieur,  vous  devez,  pour  le  punir,  faire  Tamour  à  ma 
maîtresse.  Poussez,  c'est  moi  qui  vous  le  dis,  ce  sera 
fort  bien  employé*;  et  je  m'offre  à  vous  y  servir,  puis- 
qail  m'en  a  déjà  taxée  '. 

MONSIBUR    DB   SOTBlfVILLB. 

Vous  méritez,  mon  gendre,  qu'on  vous  dise  ces 
choses-là;  et  votre  procédé  met  tout  le  monde  contre 
vous. 

MADAMB   DB    SOTBNVaLB. 

Allez,  songez  à  mieux  traiter  une  Demoiselle  *  bien 
née,  et  prenez  garde  désormais  à  ne  plus  faire  de  pa- 
reilles bévues. 

GBORGB   DANDIh''. 

J'enrage  de  bon  cceur  d^avoir  tort,  lorsque  j'ai  raison. 
I.  SCÈNE  vn. 

MOVfIXDR  DB   SOTSVTILLB,   MAniM»  DB   tOTBVTILLB,    CÎStàXDBM^ 

OBOROB  DASDDI,    CLAUDin. 
M**  Di  SomnmxB,  à  Gêorgê  Damdin.  (1734.) 

a.  On  peat  Toir  daoi  Im  Lexiques  de  Malherbe  et  de  Mme  de  Singni  àt 
ttombreiix  exemplet  de  marchander^  «a  lens  de  •  balancer,  hésiter  (/  mar» 
chander,  marchander  à,..)  ». 

3.  A  Clitamire,  (1734.) 

4.  Ce  fera  bien  employé.  (1734.)  —  Ce  sera  bienfait,  ce  sera  mérite  :  Tez- 
prcision  était  familière  à  Mme  de  Sévi^é  :  Toyea  le  Lexique  de  ses  Lettres, 
tome  I,  p.  33S. 

5.  PttUqa'il  m*en  a  déji  aecosée  :  Tojes  tome  III,  p.  346,  note  5»  et  tome  11« 
p.  4aa,  note  4.  —  Après  ees  mots,  rédition  de  1734  ajoute  cette  indication  : 

6.  Une  Daaaoisene.  (167a,  Sa,  9»,  97.) 

7.  Geobob  Dakdib,  à  part,  (1734.)  —  Pendant  que  Mme  de  SotenviUe 
sort  à  son  tour,  comme  le  marque  la  Tariante  de  1734,  de  Ten-téte  soÎTant. 


534  GEORGE  DANDIN. 

CLrrATTDRB^. 

Monsieur,  voas  voyez  comme  j*ai  été  faussement  ac- 
cusé :  vous  êtes  homme  qui  savez  les  maximes  du  poim 
d^honneur,  et  je  vous  demande  raison  de  Tafiront  qui 
m*a  été  lait. 

MOTTSIBUR    DB    SOTBTTVILLB. 

Cela  est  juste,  et  c^est  Tordre  des  procédés*.  Allons, 
mon  gendre,  faites  satisfaction  à  Monsieur. 

GBORGB    OAIVDITC. 

G>mment  satisfaction? 


I.  SCÈNE  vni. 

MOirSIEim  DE  BOYXmnLLB,   CtlTAirDBX,   GXOBGB  daxdih. 

Clitaiidrb,  à  m,  de  SotettnlU,  (1734.) 

1.  On  appelait  procédé  la  iiMiBttrt  dont  §•  denût  engager  et  eondnixv  oae 
albire  d*honnear,  ponr  aboutir  soit  an  eombat  soit  à  toute  antre  rèparalioa; 
e*était,  comme  M.  Littré  définît  le  mot,  le  préliminaire  d*nn  duel;  il  s'enfiea- 
dnit  aa»i,  dana  m  aens  nn  peu  ploa  élenda,  de  tonte  Taffitire,  de  toale  h 
querelle  honorablement  aoutenne  et  terminée,  qu'on  en  fdt  on  non  vcan  aat 
maina,  et  c*eat  en  oe  aena  que  Mme  de  SéWgné  a  pu  dire  (tome  IV,  p.  470) 
que,  ponr  la  réputation  d*un  homme,  «  deux  procédés  valent  un  combaL  • 
Laa  proeédéa  avaient  naturellement,  eomme  en  a  partout  le  dnel,  dea  ri|^  et 
nne  langue'  que  plua  d*un  obaervait  arec  toute  la  pédanterie  qu*j  met  M-  et 
Sotenrille.  —  Outre  le  terme  même  de  procédé,  d'autres  termca  eonsaerés 
ont  été  ou  Tont  être  employés  dans  cette  scène  :  gatufaeUon  (réparatioB} 
on  tatùjairê  *  et  éclaircUgement.  On  disait  donner  un  éciaircissement,  vat 
explication  k  son  adTersaire,  ou  même  técUiireir,  comme  le  moartre  «eiie 
enriense  réserre  £aite  en  i655  par  les  gentikhommea  de  Languedoc  dans  kar 
acte  de  renoncement  au  duel  (Tojet  tome  I,  p.  5o6,  note  x),  par  lequel  ib 
promettaient  de  le  refuser  «  pour  quelque  canse  que  ce  puisse  être,...  saai 
pourtant  renoncer  an  droit  de  rqtousser  par  toutes  voies  légitimes  ks  ia- 
jures  qui  leur  seroient  fisites,  autant  que  leur  profession  et  leur  naiaaanee  ks 
7  obligent,  étant  aussi  toujours  prêts  d*éelairdr  de  bonne  foi  ceux  qni  cru- 
roient  avoir  lieu  de  ressentiment  contre  eux.  »  (Cité  dans  la  Notice  de  M.  le 
eomte  Jules  de  Cosaac  aux  Mémoiree  de  Daniel  de  Cotnae^  tome  I,  p.  a* m.} 


*  «  Je  ne  comprends  pas,  écrit  Bussj  k  Mme  de  Sévigné  (tome  I,  p.  5iS  et 
5^9),  que  vous  parliei  si  bien  d'un  procédé  (on,  Câpres  wne  vmieaUt  ik» 
tPum  manmeerii^  oonnsent  vous  ponves  ai  bien  parier  procédé).  Four  aaoi,  j^ 
crois  que  vous  avez  eu  quelque  affaire  en  Bretagne,  qui  vous  a  «ppak 
langue.  » 

*  C'est  cependant  un  peu  par  plaisanterie,  par  jeu  de  mot  que  Mot 
bit  dire  (vojea  ci-dessus,  p.  53o}  ii  M.  de  Sotenville  :  «  Tons  voilà  satisfril^ 
mon  gendre.  9 


ACTE  I,  SCBNE  YI.  S35 

MOHAIBOR  SB   SOTBIfVUXB. 

Oui,  cela  se  doit  dans  les  règles  pour  TaToir  à  tort 
accusé. 

GIORGB   DAlfOIlf. 

Cest  une  chose,  moi,  dont  je  ne  demeure  pas  d!ac- 
cord,  de  Tavoir  à  tort  accusé,  et  je  sais  bien  ce  que  j'en 
pense. 

MONSIBUA   AE   flOTBNVILLB. 

Il  n'importe.  Quelque  pensée  qui  vous  puisse  rester, 
il  a  nié  :  c'est  satisfaire  les  personnes,  et  Ton  n'a  nul 
droit  de  se  plaindre  de  tout  homme  qui  se  dédit.    ^ 

CTORGB   DAllDIir. 

Si  bien  donc  que  si  je  le  trouvois  couché  avec  ma 
femme,  il  en  seroit  quitte  pour  se  dédire  ? 

MONSIBUR   OB   SOTBN VILLE. 

Point  de  raisonnement.  Faites-lui  les  excuses  que  je 
vous  dis. 

GBORGB  DAlfMN. 

Moi,  je  lui  ferai  encore  des  excuses  après...  ? 

MONSIBUR    DB    SOTBNVU^LB. 

Allons,  vous  dis-je.  Il  n'y  a  rien  à  balancer  %  et  vous 
n'avez  que  faire  d'avoir  peur  d'en  trop  faire,  puisque 
c'est  moi  qui  vous  conduis. 

GEORGE   OANDIN. 

Je  ne  saurois.... 

MONSIEUR   DB   SOTENVILLB. 

G>rbleu  !  mon  gendre,  ne  m'échauffez  pas  la  bile  :  je 
me  mettrois  avec  lui  contre  vous.  Allons,  laissex-vous 
gouverner  par  moi. 

GEORGE   DAHDIH*. 

Ah  !  George  Dandin  ! 

1.  Il  B>  •  fiai  è  eiaoÙMr,  il  m'y  a  foLat  4  balaoMr.  J«(MMr  «it  Ici  pris 
■trii— t. 
a.  OaoaoB  JUimv,  à  puri^  [tjH^) 


S36  GEORGE  DANDIN. 

MONSIEUR   DB   ftOTBHVILLB. 

Votre  bonnet  à  la  main,  le  premier  :    Monnenr 
gentilhomme,  et  vous  ne  Têtes  pas* 

GBORGB   DANDIll  ^ 

J'enrage. 

MONSIEUR    DB   SOTBNYILLB* 

Répétez  après  moi  :  •  Monsieur.  » 

GBORGB  DàNDIN. 

«  Monsieur.  » 

MONSIEUR   DE   SOTBNYILLB. 
(11  Toit  que  MB  gendre  lait  dtfficnlté  de  loi  obéîr.} 

«  Je  VOUS  demande  pardon.  »  Ah'! 

GEORGE   DANDIN. 

«  Je  vous  demande  pardon.  » 

MONSIEUR  DB   SOTBNVILLB. 

«  Des  mauvaises  pensées  que  j'ai  eues  de  vous.  » 

GEORGE   DANDIN. 

a  Des  mauvaises  pensées  que  j'ai  eues  de  vous.  » 

MONSIEUR   DE    SOTBNVILLB. 

«  C'est  que  je  n'avois  pas  l'honneur  de  vous  coo* 
noitre.  » 

GEORGE   DANDIN. 

«   C'est  que  je  n'avois  pas  l'honneur  de  vous  con* 
noftre.  » 

MONSIEUR   DE   SOTBNVILLB. 

«  Et  je  vous  prie  de  croire.  » 

GBORGB    DANDIN. 

«  Et  je  vous  prie  de  croire.  » 

MONSIEUR   DB   SOTBNVILLB. 

«  Que  je  suis  votre  serviteur.  » 

I.  Gboaob  Dakddi,  à  pari,  le  honmgt  à  la  main,  (1734.) 
9.  M.  DB  SoTBRTiux.  «  Je  Tout  demande  pardon.  •  Ha?  /I  vcii  fse  «m 
géttdrg  fait  difficulté  de  lui  obéir,  (167a,  89.)  —  «  Je  Tooa  demande  par- 
don. »  Fojant  fUê  George  Dandin/ait  difficulté  de  lui  obéir,  Ahl  (i7ÎiO 


ACTE  I,  SCÈNE  YI.  537 

GBOHGB  BANDIN. 

Voalez-Yoas   que  je  sois  serviteur  d*un  homme  qui 
me  veut  faire  cocu  ? 

MONSIEUR   DE    SOTBNVILLB* 
(U  le  meaaee  eoeon*.) 

Ah! 

cutàndrb. 
n  suflSt,  Monsieur» 

MONSIEUR    DE    SOTENVILLB. 

Non  :  je  veux  qu*il  achève,  et  que  tout  aille  dans  les 
formes.  «  Que  je  suis  votre  serviteur.  » 

GEORGE   DANDIN. 

«  Que  je  suis  votre  serviteur*.  » 

CLrrÀNDRE  '. 

Monsieur,  je  suis  le  vôtre  de  tout  mon  cœur,  et  je  ne 
songe  plus  à  ce  qui  s'est  passé.  ^  Pour  vous,  MonsieuTi 
je  vous  donne  le  bonjour,  et  suis  fâché  du  petit  cha- 
grin que  vous  avez  eu. 

MONSIEUR   DE   50TENVILLE. 

Je  vous  baise  les  mains  '  ;  et  quand  il  vous  plaira,  je 
vous  donnerai  le  divertissement  de  courre  un  lièvre. 

CLITANORE. 

C'est  trop  de  grâce  '  que  vous  me  faites.  ^ 

I.  M.  DB  SomrrxLUi,  U  menaçant  encore,  (1734.) 

a.  Que,  que,  que  jfl  suis  Totre  serriteur.  (167a,  8a,  et  Copie  Pkiiidcr,] 

3.  Clitasobs,  â  George  Dandin.  (1734.) 

4.  A  M.  de  Sotenville,  (Ibidem,) 

5.  Ces  baitemaiss  de  M.  de  SotonTilIe  ne  marquent  de  la  part  da  gendl- 
bonime  campagnard  aacun  sentiment  d*inférioiité  à  Tégard  de  l*homme  de 
conr  ;  le  compliment  sVmployait,  même  sous  Corme  plos  respectneaie,  entre 
éganz,  si  nous  en  croyons  Tautear  de  la  Civilité  théorique  et  pratique  dtie 
plnsbant  :  «  J*arriTe....  de  la  campagne,  dit-il  (p.  i36)  dans  nn  de  ses  exem- 
ples, et  si  j'envoie  dire  à  ane  personne,  qui  est  d*égale  qualité  qœ  moi  et  avec 
laquelle  j*at  liaison,  ^ue  je  tuit  arrivé^  H^  j*  '**'  ^oiee  tris'kmmUement  les 
maime^  »  etc. 

e.  C*est  trop  de  grâces.  (167a,  8a,  1734.) 
7.  Clitandre  sort.  (1734.) 


518  fiEOaGE  DANDIN. 

MOHSIXDA   DB  SOTBNYILLB. 

Voilà,  mon  gendre,  oomme  il  faut  pousser  les  ehotes. 
Adieu.  Sachez  que  vous  êtes  entré  dans  une  fiunille  qui 
vous  donnera  de  ra[^Nii,  et  ne  sonfinra  point  que  Ton 
vous  fasse  aucun  affront. 


SCÈNE  VIL 

GEORGE  DANDIN*. 

Ah!  que  je....  Vous  Tavez  voulu,  vous  Tavez  voulu, 
George  Dandin,  vous  Tavez  voulu,  cela  vous  sied  fort 
bien,  et  vous  voilà  ajusté  comme  il  faut;  vous  avez  jus- 
tement ce  que  vous  méritez.  Allons,  il  s*agit  seulement 
de  désabuser  le  père  et  la  mère,  et  je  pourrai  trouver 
peut-être  quelque  moyen  d'y  réussir. 

I.  SCÈIfB  IX. 

aioaoB  DAsnur,  sml.  (i7^0 


FIN    DU   PREMISK   ACTE. 


ACTE  II,  SGÂNE  I.  S3» 


ACTE  IL 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

CLAUDINE,  LUBIN. 

CLÀtJDINB. 

Oui,  j'ai  bien  deviné  qa*il  falloit  que  cela  vint  de  toi, 
et  que  tu  Teusses  dit  à  quelqu^un  qui  Tait  rapporté  à 
notre  maître. 

LUBIN. 

Par  ma  foi  !  je  n'en  ai  touché  qu'un  petit  mot  en  pas- 
sant à  un  homme,  afin  qu'il  ne  dit  point  qu'il  m'avoit 
TU  sortir,  et  il  faut  que  les  gens  en  ce  pays-ci  soient  de 
grands  babillards. 

CLiumifB. 

Vraiment,  ce  Monsieur  le  Vicomte  a  bien  choisi  son 
monde,  que  de  te  prendre  pour  son  ambassadeur,  et  il 
s*e8t  allé  servir  là  d'un  homme  bien  chanceux  ^ 

LUBIN. 

Va,  une  autre  fois  je  serai  plus  fin,  et  je  prendrai 
mieux  garde  à  moi. 

CLÀUDINB. 

Oui,  oui,  il  sera  temps. 

LUBIN. 

Ne  parlons  plus  de  cela.  Écoute. 


I.  Martiii«  dit  de  même  par  nitiphrue,  au  débat  de  la  aeène  v  de  l'aete  II 
des  Pemmet  savantes  : 


54o  GEORGE  DAiNDIN. 

CLAUDINB. 

Qae  veux-tu  que  j^écoute  ? 

LUBIN. 

Tourne  un  peu  ton  visage  devers  moi. 

CLÀUOINB. 

Hé  bien,  qu'est-ce? 

LUBlN. 

Claudine. 

CLÀUDINB. 

Quoi? 

LUBIH. 

Hë!  là|  ne  sais-tu  pas  bien  ce  que  je  veux  dire? 

CLÀUOINB. 

Non. 

LUBUI. 

Morgue  !  je  t'aime. 

CLÀUDINB. 

Tout  de  bon? 

LUBIN. 

Oui|  le  diable  m'emporte!  tu  me  peux  croire,  puis- 
que j'en  jure. 

CLÀUniNB. 

  la  bonne  heure.. 

LUBIN. 

Je  me  sens  tout  tribouilier  le  cœur  ^  quand  je  te  re- 
garde. 


I.  Je  me  lent  toot  remuer  le  cerar.  Le  mot,  dit  M.  Littré,  «  paraît  Are  vm 
forme  altérée  de  raneîen  rerbe  tribmUr  et  tribUr^  •  dont  Torigiae  c«t  la 
même  qoe  celle  de  tribulations  et  qui  signifiait  propremei|t  ktrter^  et  figv^ 
ment  lomrmemtér.  «  Trgboulà^  Tnhoulhà,  lont  r««tés  usités  en  langoe  d*ec,  t 
dit,  après  arolr  dté  œ  passage,  M.  Adelphe  Espagne  (p.  la  des  Imjimemcet^ 
ven^aleâ  dans  la  langue  de  Molière),  Aimé-Martin  donne  detribemlarcti  cuai- 
ple  d*Àlain  Cbartier,  emprunté  au  livre  des  Quatre  Damet^  qui  est  de  i43S 
(édition  gothique  de  Pierre  le  Caron,  f>  D  iiii  r*,  colonnes  i  et  a)  : 

Fortune  fait  son  bien  tarder, 
Dont  fort  est  soi  oontregarder. 

A  coup  adviennent 
Ses  tours,  qui  d^ordre  point  m  tiennent. 


ACTE  II,  SCÂF^E  I.  54i 

CLAUDINE. 

Je  m*en  réjouis. 

LUBIN. 

Comment  est-ce  que  tu  fais  pour  être  si  jolie? 

CLAUDINE. 

Je  fais  comme  font  les  autres. 

LUBIN. 

Vois-tu?  il  ne  faut  point  tant  de  beurre  pour  faire  un 
quarteron'  :  si  tu  veux,  tu  seras  ma  femme,  je  serai  ton 
mari,  et  tious  serons  tous  deux  mari  et  femme. 

CLAUDINE. 

Tu  serois  peut-être  jaloux  comme  notre  maître. 

LUBlN. 

Point. 

CLAUDINE. 

Pour  moi,  je  hais  les  maris  soupçonneux,  et  j*en  veux 
un  qui  ne  s'épouvante  de  rien,  un  si  plein  de  confiance, 
et  si  sur  de  ma  chasteté,  qu'il  me  vit  sans  inquiétude 
au  milieu  de  trente  hommes. 

LUBlN. 

Hé  bien!  je  serai  tout  comme  cela. 

CLAUDINE. 

Cest  la  plus  sotte  chose  du  monde  que  de  se  d^er 
d'une  femme,  et  delà  tourmenter.  La  vérité  de  l'affaire 


Mais  n  ao  reboun  se  malntl«Baaiit, 
Qu'aux  bons  les  adrersitis  risanent, 

Et  sont  fonlés, 
Et  par  fortune  triboulit, 

I.  Ponr  fSiire  an  quart  de  livre.  Le  prorarbe  est  clair  :  e*ett  une  chose  qni 
•e  pont  &ire  ou  se  peut  dire  sans  tant  de  frais,  sans  tant  de  frçons,  de  céré- 
monies ou  de  paroles  ;  il  est  dans  les  Cmriotités  /raitfoises  d* Antoine  Ondin 
(1640);  Gafeau  s'en  sert,  dans  le  Pàdamt  jomé  de  Cyrano  Bergerac  (acte  II, 
aeéne  u),  an  moaaent  oJi  il  essaye  d*«  agacer  •  lecapitan  Chasteanfort,  de  le 
provoquer  i  faire  le  coup  de  poing  arec  lai  :  «  Ventreguc!  si  toos  êtes  si  bon 
disons,  morgue!  tapons-nous  donc  la  gueulle  eomme  U  Ciut.  Dame  il  an  fant 
point  tant  de  beurra  pour  Caire  on  eartron.  Et  qnien  et  vcla  ponr  toi.  • 


54»  GBQRGl  DANDIN. 

est  qu*on  n'y  §;agne  rien  de  bon  :  cela  nous  fait  songer 
à  maly  et  ce  sont  souvent  les  maris  qui,  avec  leurs 
vacarmes,  se  font  eux-mêmes  ce  qu'ils  sont. 

LUBtN. 

Hé  bien  !  je  te  donnerai  la  liberté  de  faire  tout  ce 
qu'il  te  plaira. 

CLAUIHVB. 

Voilà  comme  il  faut  faire  pour  n'être  point  trompé. 
Lorsqu'un  mari  se  met  à  notre  discrétion,  nous  ne  pre» 
nous  de  liberté  que  ce  qu'il  nous  en  faut,  et  il  en  est 
comme  avec  ceux  qui  '  nous  ouvrent  leur  bourse  et  noos 
disent  :  €  Prenez.  »  Nous  en  usons  honnêienient,  et 
nous  nous  contentons  de  la  raison  *•  Mais  ceux  qui  nous 
chicanent,  nous  nous  efforçons  de  les  tondre*,  et  nous 
ne  les  épargnons  point. 

LUBOf* 

Va,  je  serai  de  ceux  qui  ouvrent  leur  bourae,  et  to 
n'as  qu'à  te  marier  avec  moi. 

CLAunniB. 
Hé  bien,  bien,  nous  verrons. 

LUBW. 

Viens  donc  ici,  Qaudine. 

CLAUDIKB. 

Que  veux-tu  ? 

LUBIN. 

Viens,  te  dis-je. 

1.  Comme  ceax  qui.  (1679,  89,  1730,  33.)  ^  Comme  de  eenz  qvl.  (CÊfU 
PkUuU^.]  —  Et  il  est  comme  ceux  qui.  (1697,  1710,  iS.) 

a.  De  ee  qui  ett  riiaonnable,  de  ee  q«*OB  peat  prendre  teieonaabkmiBt, 
ainti  que  eela  a  été  expliqué  ao  Tert  8ao  du  MUmiUkrope  (tome  V,  p.  497). 

3.  M.  Littré  traduit  :  «  de  les  attraper,  de  les  tromper*  »et,de  cette  aceep* 
lîoB,  il  ne  donne  que  notre  exemple.  11  non*  parait  évident  que  le  mot  a  M  fl 
rignifirarion  figurée  ordinaire,  tonte  temblable  i  celle  de  la  métaphore  veiaee 
et  non  moins  populaire  plmmer,  Claudine  teut  dire  :  «  d^eafeter  on  tœ- 
tiier,  à  cenx  qui  n'oarrent  pat  aiaei  leur  bonrtei  tout  ee  que  noua  lenr  pe^ 
▼ons  prendre.  » 


AGTP  II,  SCtNB  I.  S4S 

CLIDDINS. 

Ah  !  doacement  :  je  n*aime  pas  les  patioellrs^ 

LUBIN. 

Eh!  nff  petit  brin  d*amitié. 

CLAUDINB. 

Laisse^moi  là,  te  dis-je  :  je  n^entends  pas  raillerie. 

LUBIH. 

Claudine. 

CLAUDINB. 

Ahy"! 

LUBlTf. 

Ah!  qse  ta  es  rude  à  paavres  gens.  Fi!  que  eeUi  est 
malhonnête  de  refuser  les  personnes!  N*as-ta  point  de 
honte  d'être  belle,  et  de  ne  vouloir  pas  qu'on  te  caresse  ? 
Eh  là! 

CLAUDINB. 

Je  te  donnerai  sur  le  nez. 

LUBlN. 

Oh!  la  farouche,  la  sauvage.  Fi»  poua'!  la  vilaine, 
qui  est  cruelle* 

CLAUDINB. 

Tu  t'émancipes  trop. 

LUBIN. 

Qu'est-ce  que  cela  te  coûteroit  de  me  laisser  un  peu 
faîre^? 


I .  Mme  da  IfûntoBon  ■eroiiloyé,  aa  même  mm  de  «  turtimr  indéetameat,  • 
le  rerbe  patiner,  dent  une  lettre  à  d'Aobign^  du  aS  février  1678  (Corrwfen- 
ilamefi  gémiraU,  pabliée  par  Th.  LaralUe,  tome  II,  p.  17).  Ce  n'eat  qa*l 
dater  de  sa  3*  édition  (1740)  que  I* Académie  qualifie  oe  rerbe,  d*abonl  de 
«  libre  et  populaire}  »  puis,  dans  les  éditions  postérieures  7  eompris  eelle 
de  1878,  de  «  libre  »  uniquement;  dans  la  7*  seulej  de  •  libre  et  Tieux.  • 

a.  Claubims,  reffoiusant  Lubin.  H  ail  (1734.) 

3.  Telle  est  iei  Torthographe  de  nos  plus  aneiennet  éditioiis«  jnsqa*à  1694  B 
indosivement;  les  suirantes  ootpouaSy  qui  est  dans  tontee  plus  bas,  p.  590. 

4.  De  me  laisaer  faire.  (1673,  8a,  1734.) 


544  GEORGE  DANDIN. 

CLAUmilB. 

n  faut  que  tu  te  donnes  patience. 

LUBIlf. 

Un  petit  baiser  seulement,  en  rabattant  sur  notre 
mariage. 

CLÂUMXIB. 

Je  suis  YOtre  servante  ^ 

LUBIN. 

Qaudinei  je  t*en  prie,  sur  Tet-tant-moins*. 

CLÀUDIKB. 

Eh!  que  nenni  :  j'y  ai  déjà  été  attrapée*.  Adieu.  Va- 
t'eui  et  dis  à  Monsieur  le  Vicomte  que  j'aurai  soin  de 
rendre  son  billet. 

LUBIN. 

ÂdieUi  beauté  rude  ânière^. 

I.  YoyflK  plot  bat,  p.  54S  et  note  3,  et  p.  5S4. 

a.  Sur  et  tant  moùu  de,„.ti^  diiait  poar  en  déduction  de,,..  Sur  VetteM 
moine  tiguUie  sur  ce  fui  sera  à  compter  en  moùu,  à  dé/alfuer  de  ce  fui  est 
dâf  comme  à-^ompte,  «  Vet  tnnt  moine,  dit  M.  Piringaolt*,  eet  encon  «m 
loeotion  de  la  pratique  d*aIon....  Lubtn  a  dû  entendre  parier  de  Vet  ieat 
moins  dana  quelque  petit  ûége  de  jnatioe  de  son  roiainage.  •  M.  Littré  (>r» 
tiele  Sun,  44*)  dte  na  exemple  de  Toitare  *. 

S.  Ce  trait  comique,  suiTant  toute  apparence,  n'était  pat  nouYean;  •  il 
pourrait  bien,  dit  Auger,  avoir  ité  emprunté  par  Molière  i  on  conte  du  eian 
d'Ouville,  Irère  de  l'abbé  de  Boiarobert,  conte  qui  est  le  premier  de  aoa 
recueil.  »  On  trouTcra  cette  Na*veté  iTune  jeune  femme  à  son  mari,  le 
première  nuit  de  ses  noces  à  la  page  1 1  de  la  aeconde  partie  des  Contes  emx 
heures  perdues  (titre  de  la  première  édition  de  ce  recueil,  i643),  on  en  tête  dr 
FÉlite  des  contée  du  sieur  ttOurille  (Rouen,  1680  et  1681). 

4.  Rude  anière,  tans  trait  d'union,  dans  l'édition  originale  ;  aTee  trait  (  i68a)  ; 
rmddnière  (1784)  en  un  mot,  comme  Técrit  l'Académie  à  partir  de  sa  se- 
conde édition  (1718).  -^  A  rude  âne  rudeénier  était,  nous  apprend  M.  littré 
(article  RunlHima),  un  proverbe  qu'a  recueilli  Henri  Estienne  dana  sa  Précd" 
ienee  du  langage  franeois^  p.  179';  c'est  on  rude  énier  a  pa  facilwnant  m 


•  La  Langue  du  droit  dans  le  théâtre  de  Molière  fi86i),  p.  48. 

*  Lettre  i45,  au  marquis  de  Pisaay,  p.  45a  de  la  a'*  édition  des  OKmerts 
ri65o)  :  on  a  imprimé  là  :  •  sur  cstaat-moin«.  •  L'Académie  (1694)  lie  par 
des  tirets  tous  les  mots  de  la  location,  h  l'en-téte  :  sua-ET-TAHT-MoiifS;  puis, 
dauA  ion  exemple,  elle  récrit  sans  aucun  tiret;  elle  omet,  aux  deux  en- 
droits, les  tirets  dans  toutes  les  éditions  suirantes. 

a  Henri  Estienne  le  rapproche  de  «  ces  mots  latins,  lesqoeb  pareiUeacnt  se 


ACTB  II,  SCÉNB  I.  Hi 

CLÀUMIIB. 

Le  mot  est  amoureux. 

I^UBtlf. 

Âdieui  rocher,  caillou,  pierre  de  taiUe,  et  tout  ce 
qu'il  y  a  de  plus  dur  au  monde. 

CLAUDINE*. 

Je  vais  remettre  aux  mains  de  ma  maîtresse.. ••  Mais 
la  voici  avec  son  mari  :  éloignons-nous,  et  attendons 
qu'elle  soit  seule. 


SCÈNE  II. 

GEORGE  DANDIN,  ANGÉLIQUE,  CLITANDRE». 

GEORGE  DÀKDllf. 

Non,  non,  on  ne  m'abuse  pas  avec  tant  de  facilité, 
et  je  ne  suis  que  trop  certain  que  le  rapport  que  Ton 
m'a  fait  est  véritable.  J'ai  âe  meilleurs  yeux  qu'on 
ne  gense,  et  votre  galimatias  ne  m'a  point  tantôt 
ébloui.  ^ 

CLrr  ANDRE*. 

Ah  !  la  voilà  ;  mais  le  mari  est  avec  elle. 

GEORGE  DANDIN*. 

Au  travers  de  toutes  vos  grimaces,  j'ai  vu  la  vérité  de 


dire  en  gMrml  d'un   hoawM  rade  et  reféebe,  peo  endonat,  et  d«  lA  k 
plaÎMUit  i^iniii  impronié  par  LuUb. 
I.  GLâimiirB,  tâêUê,  (1734.) 

a.  GBOROB  DAVDIV,  AXgÎlIQIJB.   {Ihidêm.) 

3.  CuTAmmi,  au/Ud  dm  tkédtrt.  (1679,  Sa.)  —  SCÈNE  01.  CL1TA«db% 
AE€■LIQ1^^  OlOmOl  DAXDUI.  CllTAMDEE,  àpûrt^  doHs  U  fimd  dm  tkàdirt, 

(»734.) 

4.  Gmhmi  DAimir,  hou  poir  Clitandrê,  (Ibidem,] 

diseat  par  proverbe  :  Malo  modo  mmiuM  qumrwttdmê  est  eaMM,  »  et  q«*o«  peut 
tradiira  par  :  (Tout  bAeheroa  aait  qn*)  i  dor  nmid  dor  eoia. 

UouàRB.  TX  .3$ 


S46  GEORGE  DANDIN. 

ce  que  Ton  ^  m*a  dit,  et  le  peu  de  respect  que  vous 
avez  pour  le  nœud  qui  nous*  joint.*  Mon  Dieu!  laissez 
là  votre  révérence,  ce  n'est  pas  de  ces  sortes  de  respect  * 
dont  je  vous  parle',  et  vous  n*avez  que  fiiire  de  vous 
moquer. 

ÀNGiUQUB. 

Moi,  me  moquer!  En  aucune  façon. 

GBORGB  DÀNDIN. 

Je  sais  votre  pensée  ',  et  connois....  ^  Encore  ?  Ah  !  ne 
raillons  pas  davantage  !  Je  n'ignore  pas  qu'à  cause  de 
votre  noblesse  vous  me  tenez  fort  au-dessous  de  vous, 
et  le  respect  que  je  vous  veux  dire  ne  regarde  point  ma 
personne  :  j'entends  parler  de  celui  que  vous  devez  à 
des  nœuds  aussi  vénérables  que  le  sont  ceux  du  ma- 
riage.* Il  ne  faut  point  lever  les  épaules,  et  je  ne  dis 
point  de  sottises. 

Qui  songe  à  lever  les  épaules  ? 

GBORGB  DANOIN. 

Mon  Dieu  !  nous  voyons  clair.  Je  vous  dis  encore 
une  fois  que  le  mariage  est  une  chsune  à  laqueUe  on 
doit  porter  toute  sorte  de  respect*,  et  que  c'est  fort  mal 

I.  De  06  qo*OB.  (1734.) 

S.  Vous.  (167a,  Sa,  97,  1710,  18.)  Ce  poM  n'innit  de  mus  qa*afee  ose 
dUpie  qtti  a*ett  guère  poeiible  :  «  tooi  joiat  i  moi.  » 

3.  Clitandre  et  Angélique  st  salment.  (167a,  8a,  1734.) 

4.  De  ee»  sortes  de  respects.  (1673,  74,  Sa,  1734*) 

5.  On  troaveni  sa  Lexique  le  releré  de  ees  sortes  de  pléoDasBSS  alors 
eominans:  de,,,,  dontf  à,,„  à  qui  :  nous  «Tons  ea  des  exeoaples  in  seeoad 
an  toaae  III,  p.  345  (scène  ti  de  Taete  III  de  V Amour  mèdeein)^  eu  toaae  V, 
p .  483  (vers  6a6  du  Misanthrope)  ;  et  noas  Terrons  le  jHremier  éWtè,  dass  les 
OMiTres  posthumes,  il  est  Tral  {les  Amante  magnifiques ^  acte  II,  scène  11)9  par 
conséquent  sans  bien  ssToir  si  c'est  du  fait  de  Molière  ou  des  éditeurs  de  iMa. 

S.  Clitandre  et  Angélique  ee  resaluent,  (167a,  8a.) 

7.  Clitandre  et  Angélique ^e  salitent  encore,  (1734.) 

8.  Angélique  fait  signe  à  Clitandre,  (167a,  8a,  1734.) 

9.  Sons  la  ▼ari8nte(rMpM<r)  que  août  «Tons  leleTèe  d-denns  I  la  aotc  4 
(dix-huit  lignes  plue  liaat). 


ACTE  II,  SCÈNE  II.  $47 

fait  à  TOUS  d'en  user  comme  tous  faites.  ^  Oui,  oui,  mal 
fiût  à  vous  ;  et  vous  n'avez  que  faire  de  hocher  la  tête» 
et  de  me  faire  la  grimace. 

▲HGÉUQUB. 

Moi!  Je  ne  sais  ce  que  vous  voulez  dire. 

GEORGE   DANDIH. 

Je  le  sais  fort  bien,  moi;  et  vos  mépris  me  sont  con- 
nus. Si  je  ne  suis  pas  né  noble,  au  moins  suis-je  d'une 
race  où  il  n'y  a  point  de  reproche  ;  et  la  famille  des 
Dandins.... 

CLITÀNDRB,  derrière  Angélique,  stns  être  aperça  de  Dandin   . 

Un  moment  d'entretien. 

GEORGE   DANDIlf*. 

Eh? 

ANGÉLIQUE. 

Quoi  ?  Je  ne  dis  mot. 

GEORGE    DANDIN. 

Le  voilà*  qui  vient  rôder  autour  de  vous. 

ANGÉLIQUE. 

Hé  bien,  est-ce  ma  faute  ?  Que  voulez-vous  que  j'y 
lasse? 

GEORGE    DANDIN. 

Je  veux  que  vous  y  fassiez  ce  que  fait  une  femme  qui 
ne  veut  plaire  qu'à  son  mari.  Quoi  qu'on  en  puisse 
dire,  les  galants  n'obsèdent  jamais  que  quand  on   le 

I.  jingéiiquâ  fait  siffnê  de  la  tête.  (167a,  Sa.)  ^  Fait  tignê  de  la  tête  à 
Clitmadre,  (1734.) 

s.  Sans  être  t^erfu  de  George  Dandin.  (1734.) 

3.  GioROi  Dandoi,  sont  voir  Clitandre.  {Ibidem.) 

4.  GioRat  Danoxh  tourne  autour  de  ta  /emme,  et  Clitandre  se.  retire  en 
faisa;nt  [après  avoir /ait,  copie  Philidor)  une  grande  révérence  à  George 
Dandin.  Le  ToUi.  (167a,  8a.)—  La  mime  indication  ae  trouve  dans  Téditiott 
de  1734*  maia  après  commence  une  nouvelle  aeine  : 

SCÈNE  IV. 
OlOmOl  DASDUI,  AVOÉLMXm* 
GWNMI  DAVDUr. 

Uveilà.  (1734*) 


f 


548  GEORGE  DANDIN. 

yeot  bien.  U  y  a  un  certain  air  doacerenx  qni  les  attire, 
ainai  qoe  le  miel  fait  les  mouches  ^  ;  et  les  honnêtes 
femmes  ont  des  manières  qui  les  savent  chasser  d  a- 
boni*. 


i  ANCiUQUB. 


Moi,  les  chasser  ?  et  par  quelle  raison  ?  Je  ne  me 
scandalise  point  qu^on  me  trouve  bien  faite,  et  cela  me 
(ait  du  plaisir. 

GEOaCB   DAlimif. 

Oui.  Mais  quel  personnage  voulez^vous  que  joue  un 
mari  pendant  cette  galanterie  ? 

▲NCiLIQUB. 

Le  personnage  d'un  honnête  homme*  qui  est  bien 
aise  de  voir  sa  femme  considérée. 

GEOaCB  DÀTimil. 

Je  suis  votre  valet*.  Ce  n*est  pas  là  mon  compte,  et 
les  Dandins  ne  sont  point  accoutumés  &  cette  mode-li. 

▲NGÉLIQUB. 

Oh!  les  Dandins  s'y  accoutumeront  s'ils  veulent.  Car 
pour  moi,  je  vous  déclare  que  mon  dessein  n'est  pas  de 
renoncer  au  monde,  et  de  m'enterrer  toute  vive  dans 
un  mari*.  G)mment?  parce  qu'un  homme  s'avise  de  nous 


I.  CoBpam  cJ-deMM,  p.  160,  lat  wt  14s  «t  143  de  Mélieru, 
%,  An  MBfv  taon  bwfaitatt  d'  «  «oantAt,  tout  éê  MUlt.  »  No« 
le  mot  deat  la  même  aeoeptioa  dm  —uf  ligaas  plue  Iota. 

3.  D*aa  gelant  liomaie. 

4.  Cett-k-din,  an  propre  :  «  Je  vont  ealoe  trèe^hnmhlement.  s  On  a  Tn, 
dent  la  aeine  s  de  l'aete  I  de  CÉcoiê  4êê  mtmrU  (tome  II,  p.  375  et  384. 
vert  aSi  et  91),  le  donUe  emploi  qa*a  eette  formule,  lolt  ponr  prendre 
eongé,  aoit  ponr  refiuer  on  nier  qnelqne  dioee.  Dans  eette  deraiire  aeeqitîon, 
ironique,  la  loention  n*ett  pat  tant  an^gîe  avee  eette  autre,  qu'on  aeeompagne 
aotfent  d*on  talnt  :  «  Pardon,  »  on  «  je  root  demande  pardon,  »  pour  dire  : 
c  Je  ne  toit  pat  de  votre  avît.  »  —  Ifout  aTont  plut  haut  (p.  544),  «^m  ^ 
méoM  tignifieation  de  refiu  :  •  Je  tait  Totre  iervante.  » 

5.  Cette  tpirîtnelle  exprettlon  en  rappelle  une  de  la  Bmjère,  firappanlt 
auiti,  maia  qni  n'a  pat  la  mémehanUeeiedneomplément  t  «  H  y  a  telle  fmntt 
qni  anéentit  on  qui  enterre  ton  mari,  an    oint  qu'il  n'en  ett  lait  dent  k 


ACTE  II,  SCiNX  II.  549 

épcHuer,  il  ftut  d'abord  que  tootea  choses  soient  finies 
pour  nous,  et  que  nons  rompions  tout  commerce  avec 
les  vivants?  C'est  une  chose  merveilleuse  qae  cette 
tyrannie  de  Messieurs  les  maris,  et  je  les  trouve  bons 
de  vooltHr  qu'on  soit  morte  à  tmis  les  divertissements,  et 
qu'on  ne  vive  que  pour  eux.  Je  me  moque  de  «ela,  et 
ne  veux  point  mourir  si  jeune. 

OBORGI  DAHDtH. 

Cest  ainsi  que  vous  satisbites  aux  engagements  de 
la  foi  que  vous  m'avez  donnée  publiquement  ? 
angAliqdb. 

Moi  ?  Je  ne  vous  l'ai  point  donnée  de  bon  cœur,  et 
TOUS  me  l'avez  arrachée.  M'avez-vous,  avant  le  mariage, 
demandé  mon  consentement,  et  si  je  vonlois  bien  de 
TOUS  ?  Vous  n'avez  consulté,  pour  cela,  que  mon  p^  et 
ma  mère  ;  ce  sont  eux  proprement  qui  vous  ont  épousé, 
et  c'est  pourquoi  vous  ferez  bien  de  vous  plaindre  tou- 
jours   eux  des  torts  que  l'on  pourra  vous  faire.  Pour 
moi,  qui  ne  voua  ai  point  dit  de  vous  marier  avec  moi, 


mtomit  aaeBu  msBtÏDB  :  TÏt-il  euon?»  nl-il  pIut?oa  m  dont*.  ■  ( 
p.  i^,  ■*  76,  ajauté,  «a  i6çr,  tathipilmUt  Ftmmct,]  —  Aafnii 
la  II  Mina,  poor  l«  tùoà  «t  pov  qndqBn  «ipi 
1  {i59-i6a,  (6i,  (53  «  »34.  1769  •!  1770)  ' 


h)*  iTiBt  q«*  da  TiMUir, 
llor  iii*vDaanUrl 


5So  GEORGE  DANDIN. 

et  que  vous  avez  prise  sans  consulter  mes  sendmentSi 
je  prétends  n'être  point  obligée  à  me  soumettre  en 
esclave  à  vos  volontés  ;  et  je  veux  jouir,  s'il  vous  plaît, 
de  quelque  nombre  de  beaux  jours  que  m^ofire  *■  la  jeu- 
nessCi  prendre  les  douces  libertés  que  Tâge  me  pennet, 
voir  un  peu  le  beau  monde,  et  goûter  le  plaisir  de 
m'oufr  dire  des  douceurs.  Préparez-vous*y,  pour  votre 
punition,  et  rendez  grâces  au  Gel  de  ce  que  je  ne  sois 
pas  capable  de  quelque  chose  de  pis. 

GBORGB  DÀlfDIlf. 

Oui!  c'est  ainsi  que  vous  le  prenez'.  Je  suis  votre 
mari,  et  je  vous  dis  que  je  n'entends  pas  cela. 

▲NGÂLIQUE. 

Moi  je  suis  votre  femme,  et  je  vous  dis  que  je  l'en- 
tends* 

GBORGB   DANDIN*. 

n  me  prend  des  tentations  d'accommoder  tout  son 
visage  à  la  compote  ^,  et  le  mettre  en  état  de  ne  plaire 
de  sa  vie  aux  diseurs  de  fleurettes.  Ah  !  allons,  George 
Dandin;  je  ne  pourrois  me  retenir,  et  il  vaut  mieux 
quitter  la  place. 


I.  Du  petit  nombre  de  beaux  jours  que  peat  m^ofiUr. 
9.  «  Que  TOUS  le  prenei?  •  «Tec  point  d'interrogation,  dans  les  éditions 
de  17 10,  3o,  33,  34. 

3.  GiOEOi  Dauddt,  à  pari,  (1734.) 

4.  Saint-Simon,  an  lien  d* accommoder  à  la  eompote,  disait,  tonr  pins  or» 
dlnaire,  mctirê  en  compote  (tome  I,  p.  294,  édition  de  1879)  :  «  {Le  cwnSs 
de]  la  Vangnyon....  loi  metunt  [à  la  présidente  Pelot)  la  tête  entre  ses  denz 

poings,  loi  dit  qu'il  ne  ssToit  oe  qui  le  tenolt  qu'il  ne  la  lui  mit  en  eosipete, 
ponr  lui  apprendre  i  l'appeler  poltron.  • 


ACTE  II.  SCAne  III.  55t 

SCÈNE  m. 

CLAUDINE,  ANGÉLIQUE». 

CLAUDINE. 

J'aTois,  Madame,  impatience  qu'il  s'en  allât,  pour 
TOU5  rendre  ce  mot  de  la  part  que  vous  savez. 

ANG&LIQVK.       • 

CLACDlIfB*. 

A  ce  que  je  puis  remarquer,  oe  qu'où  lui  dit  *  ne  lui 
déplaît  pas  trop. 

IHCiUQUB. 

Ah!  Qaudine,  que  ce  billet  s'explique  d'une  foçon 
galante!  Que  dans  tous  leurs  discours  et  dans  toutes 
leurs  actions  les  gens  de  cour  ont  un  air  agréable!  Et 
qu'est-ce  que  c'est  auprès  d'eux  que  nos  gens  de  pro- 
vince? 

CLtDOIIfB. 

Je  crois  qu'après  les  avoir  vus,  les  Dandins  ne  vous 
plaisent  guère. 

IHCiUQ'OB. 

Demeure  ici  :  je  m'en  vais  faire  la  réponse. 


Je  n'ai  pas  besoin,  que  je  pense*,  de  lui  recommander 
de  la  faire  agréable.  Mais  voici.... 

I.  SCÉHET. 

ÂHtlLiqDB,    CLiUDtXK,    (ijH-i 

a.  iMiuqm.  Tdtou.  {SIU  Ut  tai.)  (i6ji.  Sa.) 
(167a,  h,  »7Î4,) 

1.  Cl  qn'oD  Iidieill.  [1671,  Bi,  1734.) 

4.  Ckim™i,„.J^.  {,j34.) 

5.  CoTBaitIa  ■  aniil  anplaji  m  tout,  «coït  ujo 


S5t  GEORGE  DANOIN. 


SCÈNE  Iy^ 

CLITANDRE,  LUBIN,  CLAUDINE, 

CLAUDIIIB. 

Vraiment,  Monsieur,  Yoas  a^ez  pris  là  on  habile 
messager. 

CLrrANDHB. 

Je  n'ai  pas  ose  envoyer  de  mes  gens.  Hais,  m 
pauvre  Oaudine,  il  faut  que  je  te  récompense  des  bons 
offices  que  je  sais  que  tu  m'as  rendus.  * 

CLÀUDnrB. 

Eh  !  Monsieur,  il  n'est  pas  nécessaire.  Non,  Mon- 
sieur,  vous  n'avez  que  faire  de  vous  donner  cette  fàot 
là  ;  et  je  vous  rends  service  parce  que  vous  le  mérita, 
et  que  je  me  sens  au  cœur  de  l'inclination  pour  iws* 


Je  te  suis  obligé.  * 


CLrrANDRB*. 


LUBIN*. 


Puisque  nous  serons  mariés,  donne-moi  cela,  que  je 
le  mette  avec  le  mien. 


CLAUDINE. 


Je  te  le  garde  aussi  bien  que  le  baiser. 


CLrrANDRB*. 


Dis-moi,  as-tu  rendu  mon  billet  à  ta  belle  maîtresse? 

CLAUOnfB. 

Oui,  elle  est  allée  y  répondre. 


I.  SCÈNE  VI.  (1734.) 

s.  nfimHlêdamstapoeke,  (1679,  89,  1734.) 

3.  CuTAVDEi,  icmtuuu  de  rargêiU  à  Clamdùiê,  (1734.) 

4.  H  imi  domttê  éê  Fmrgemt,  (1679,  8».) 

5.  Lmiv,  il  Clmmdimê,  (1734.) 

S.  CuTARiNii,  il  CUmdine,  (IbUem^) 


ACTE  II,  SCiNE  IV.  5S3 

CUTINDRB. 

Mais,  Gaadine,  n'y  a-t-il  paa  moyen  que  je  la  poisse 
r? 


CUCSINE. 

Oui  :  Teoez  avec  moi,  je  vous  ferai  parler  i  elle. 

CUTAim». 

Maïs  le  troDven-Uelle  bon  ?  et  n'y  a-t-Q  rien  à  ris- 
quer? 

cuumra. 

NoD,  non  :  son  mari  n'est  pas  an  logis  ;  et  puis,  ce 
n'est  pas  lai  qu'elle  a  le  plus  &  ménager,  c'est  son  père 
et  sa  mère;  et  pourvu  qu'ils  soient  préveans*,  tout  le 
reste  n'est  point  &  craiadie. 

CLITÀirpU. 

Je  m'abandonne  i  ta  conduite*. 

Luain*. 
Testignenne!  que  j'aurai  là  une  habile  femme  I  Elle 
a  de  l'eaprit  comme  quatre. 


1.  Ponm  qmU  Mleat  ftimat  ta  «■  bnur,  qn'ili  fudtat  Inn  ptina- 
tiMi  K  m  &Twir.  CowmIc  mm,  lonqa'U  «n  pria  ilwiilawU,  paît  ptdwr 
1  danbla  «Bsipticn,  11  ut  plu  MUTast,  la  wu  qa'îl  ■  ûd,  aceampigai  d'aa 
rtgima  (J*MM  cAa«,  nmaeioM,  «te.)  :  toj«  iiu  ■itlelw  Pkinaii ,  7*,  ft 
ftàtwmu,  3*,  Im  «umpln  âtii  par  M.  Uttn. 

9.  CaOm  npriM  da  CliUBdra  •«  odiim  dm  In  UitioM  4a  lOji,  itji, 
6I9,  M  dau  la  copia  PhUidor. 
3.  Lnm.fm/.  (1734.) 


554  GEORGE  DÀNDIN. 


SCENE    V. 
GEORGE  DANDIN,  LUBIN. 

Voici  mon  homme  de  tantôt.  Plût  au  Gel  qa*il  pût  se 
résoudre  i  vouloir  rendre  témoignage  au  père  et  a  h 
mère  de  ce  quHls  ne  veulent  point  croire  ! 

LUBIN. 

Ah  !  vous  voilà.  Monsieur  le  babillard,  à  qui  j*avois 
tant  recommandé  de  ne  point  parler,  et  qui  me  ravies 
tant  promis.  Vous  êtes  donc  un  causeur,  et  tous  allez 
redire  ce  que  Ton  vous  dit  en  secret  ? 

GEORGE  DAKDIN. 

Moi? 

LUBIlf. 

Oui.  Vous  avez  été  tout  rapporter  au  mari,  et  vooi 
êtes  cause  qu'il  a  fait  du  vacarme.  Je  suis  bien  aise  de 
savoir  que  vous  avez  de  la  langue',  et  cela  m*apprendn 
à  ne  vous  plus  rien  dire. 

GEORGE  DANDIN. 

Écoute,  mon  ami. 

LUBTN. 

Si  vous  n'aviez  point  babillé,  je  vous  aurois  conté  oe 
qui  se  passe  à  cette  heure;  mais  pour  votre  punîcioD 
vous  ne  saurez  rien  du  tout. 

GEORGE  DANDIN. 

0>mment  ?  qu'est-ce  qui  se  passe  ? 
I.  SCÈNE  vn. 

OBOROB  DAITDIHi    LUBIN. 

Gbobob  Dabdib,  hiu,  à  part.  (x734.) 

a.  L'flsprcftioii  se  rencontra  aotai  dans  /«#  Fourberies  de  S^é^ùê  (a^  DL 
•eine  zr]  :  «  SiLTimB.  Vont  ariez  grande  envie  de  babiller,  et  e'eH 
bien  de  la  langue  que  de  ne  pouToir  se  taira  de  aet  proprae  nflhlraB.  » 


ACTE  II,  SCÈNE  T.  SSS 

LDBIR. 

Rien,  rien.  Voilà  ce  que  c'eflt  d'avoir  cans^  :  toqs 
n'en  tâterez  plus,  et  je  vous  laisse  sur  la  bonne  boacbe*. 

GB0H6B    DANDRI. 

Arrête  un  peu. 

LUBIN. 

Point. 

GBOBGB  DINDIN. 

Je  ne  te  veux  dire  qu'un  mot. 

lUBlN. 

Nennin,  nennin*.  Vous  avez  envie  de  me  tirer  lef  vers 
dn  nez. 

GBOaCB  UNDIH. 

Non,  ce  n'est  pas  cela. 

LDBIH. 

Eh!  quelque  sot*.  Je  vous  vois  venir. 

GBOBGB    DAKDnf. 

C'est  autre  chose.  Écoute. 

LDBIN. 

Point  d'affaire.  Vous  voudriez  que  je  vous  disse  qae 
Monsieur  le  Vicomte  vient  de  donner  de  l'argent  à  Clau* 
dine,  et  qu'elle  l'a  mené  chez  sa  maîtresse.  Mais  je  ne 
suis  pas  si  bête. 

GBORGE  DINDIIT. 

De  grâce*. 

LUBIV. 

Non. 

I.  Et  TOM  D'iorarJcn  dt  mirai  qa*  le  eooBianeemrat  d'hUt^n  daat {• 
*OM  il  rifiJi  tutAt. 

a.  Cetta  Eonna  >lil*ga>b>  à»  «mu  al  niu  doiite  i  proBOBcor 
vant  la  première  lyUalw  [iun)\  Cjmo  Bcrgsrifl  V§  écrite  pour  ■< 
Gamn  :  Hiiata  Jm  (icta  II,  icisa  a],  namaùi  vramtiu  [aeta  D,  Mia 
3.  Qadqne  ut  H  IlIlKnil  prandr*  ;  mal*  ji  n'il  girdo  :  on  a  i 
toor  prornbial  id  Tsn  G74  de  PÉiourJi,  et  an  Tara  S^C  dn  T*rt»Jft 
«joanque  oiaii,  •  dit  dan*  le  mt-na  mh  Gare»  (acte  II,  actna  m} 
4-  ■  De  grtca...,  >,  aoinDW  TMeenet,  dau  l'éditioa  de  I73(. 


SS6  GEORGE  DÀNDIN. 

OBOftGB  DANDIlf  • 

Je  te  d<mnend.««. 

LUBClf. 

Tarare*! 


SCENE  VL 

GEORGE  DANDIN*. 

Je  n*ai  pu  me  servir  avec  cet  innocent  de  la  pensée 
que  j^avois.  Mais  le  nouvel  avis  qui  lui  est  échappe 
feroit  la  même  chose,  et  si  le  galant  est  chez  moi,  ce 
seroit  pour  avoir  raison  *  aux  yeux  du  père  et  de  la  mère, 
et  les  convaincre  pleinement  de  reffronterie  de  leur 
fille.  Le  mal  de  tont  ceci,  c^est  que  je  ne  sais  coomieiit 
faire  pour  profiter  d*un  tel  avis  *•  Si  je  rentre  chez  moi, 
je  ferai  évader  le  drôle,  et  quelque  chose  que  je  poisie 
voir  moi-même  de  mon  déshonneur,  je  n*en  serai  poiiit 
cru  i  mon  serment  ',  et  Ton  me  dira  que  je  rêve.  Si, 

I.  Cette  gKfiaiMtioii  de  refiit  moqueur  eet  «lejà  ao  rtn  1241  de  FÉtmirdL 
II.  Littr^  rapprodie  de  ce  «  mot  de  fiinUisie  »  dae  syHabei  «nalogvce  qnî  m 
Uaent  daaa  U  JfmolofM  CoqmiiUrt  (ou  U  MoiÊologms  de  ta  bmtu  deJmM), 
qm  eat  d«  qnintiwne  dèeie  (tome  II  dea  OÊmvrêê  de  CoqmiiUrt  daaa  b  Col* 
leetioB  Jaaaet,  p.  a  16)  : 

Noua  Darliaet  taria  tara. 

Pnâa  de  Moaaiear,  poia  se  ma  dame. 

De  panib  iMta  aoot  d'étymologîe  biem  laeeitaiM.  Fattt-éti««  éem  Tm- 
giae,  «baotatt-on,  plot6t  qa*oa  ne  diaatt,  eea  ayllabea  de  tmrmre,  Qiafnat 
quelque  bribe  d*on  air  eonau,  qaelquea  ayllabea  de  rafraia«  eat  «ae  laçaa 
p^^olaire  fort  oaltée  de  eoaper  eonrt  oa  reavoyer  biea  loia. 

9.  8CÊ1IE  VUI. 

OBOROB  DAin>ijr,  eeml.  (1734.) 

3.  Ce  aérait  fiiit  poor  me  doaaer  raiaoa,  c*cflt  ee  qu'il  me  bodrait  paar 
areir  raiaoa.  Comparea,  poor  ee  tour,  Ica  eadroita  iadlqufa  tome  T,  p.  U7« 
aole  4,  et  eî-demu,  p.  aS5,  aote  3. 

4.  Deeetaria.  (1734.) 

5.  A  moa  aeraoeat  oa  m*ea  pcat  eroira, 
dît  SoaU  ••  vara  814  d*Amfkitrj9m,  et-deaaaa,  p.  4o3. 


ACTE  II,  SCANB  TI,  557 

d'autre  put,  je  vaia  qnerir  beau-péie  et  belle-mère  sans 
êUe  sâr  de  trouver  chez  moi  te  galant,  ce  sera  la  même 
cboae,  et  je  retomberai  dans  rinconvénieat  de  tantôt. 
Pomrois-je  point  '  m'ëclaircir  doucement  s'il  y  est  en- 
core?' Ah  Ciel!  il  n'en  faut  plus  douter,  et  je  viens 
de  ISpercevoir  par  le  trou  de  la  porte.  Le  sort  me  donne 
ici  de  quoi  confondre  ma  partie  *  ;  et  pour  achever 
l'aventure,  il  iait  venir  i  point  nommé  les  juges  dont 
j'avots  betoin. 


SCÈNE  VII. 

MONSIEUR  n  MADAME  DE  SOTENVILLE\ 
GEORGE  DANDIN. 

GBOaCB  DÀKOm. 

Enfin  vous  ne  m'avex  pas  voulu  croire  tantôt,  et 
votre  fille  l'a  emporté  sur  moi;  mais  j'ai  en  main  de 
quoi  VOUE  faire  voir  comme  elle  m'accommode*,  et,  Dieu 
merci!  mon  déshonneur  est  si  clair  maintenant,  que  vou« 
n'en  pourrez  plos  douter. 


I.  Oa  a  Ta  mûata  ibij  iUm  cm  pkua  iatvngillTai  la  BlgMîoa 
prÎMB,  au  Ttrt  «omm*  n  pro**.  qa*  l^îfttvrfi^tïoB  ttt  dinEM  o«  iodûi 
par  «Udiiil*  m  nn  Sg8  da  rÈtemrii  et  6Sa  da  Dipit  amamrmx  (toi 
p.  m  M  Uî),  an  Mèaaa  i  M  tn  da  rim/rtmftm  dm  ffaUlm  (lUM 
p.  3ga,  3*  aoaplat,  M  p.  (14,  4*  «Mpiat]  t  (oja  M  qai  «t  dit  t  ••  m|i 
Vimmllia.LÛdfm*d*C»rmtUU,f.  lia. 

a.  Jfrè,mrtiriUMgarJtrftrUlnmAtmimrwn.{ij3i.) 

3.  bon  as  l«ua,  ca  («mUa,  da  aaspa^Bard  proâarift  Gaorga  Di 
aoag»  k  plaidtr  at  à  obtanir  aaa  lipantiaD  :  TOyai  li  Sa  da  la  *ôia 
l'acta  I,  at  ci-aprii,  la  fia  de  b  aatot  m  da  Tacta  III. 

4.  8CÉI1B  IX. 

M.  DB  aonuTiLLi,  m"  dk  Mtianux,  (ijU-) 

5.  CamBD*  alla  ai'arraaga,  qada  Cgnra  eBe  ma  bit  Ikln.  •  L'o 
acaoBunod*  dalaolat  pUeea,  •  l'aK  dit  George  Daadia  \  lal-B<BM  (a 
mieamaal  da  iob  ncoad  ■oaolefna,  acte  I,  iaèna  m}. 


SS6  6B0R6B  DÀNDIN. 

OBORGB  DANDIlf . 

Je  te  donnerai.... 

LUBOI. 

Ttrtre*! 


SCENE  VL 

GEORGE  DANDINV 

Je  n*ai  pu  me  servir  avec  cet  innocent  de  la  pensée 
que  j'avois.  Mais  le  nouvel  avis  qui  lui  est  échappé 
feroit  la  même  chose,  et  si  le  galant  est  chez  mcH,  ce 
seroit  pour  avoir  raison  '  aux  yeux  du  père  et  de  la  mèrei 
et  les  convaincre  pleinement  de  reffronterie  de  leur 
fille.  Le  mal  de  tout  ceci»  c^est  que  je  ne  sais  comment 
faire  pour  profiter  d*un  tel  avis  *.  Si  je  rentre  chez  moi, 
je  ferai  évader  le  drôle,  et  quelque  chose  que  je  puise 
voir  moi-même  de  mon  déshonneur,  je  n*en  serai  point 
cru  i  mon  serment  ',  et  Ton  me  dira  que  je  rêve.  Si, 

I.  Cette  wHiiMtion  de  reftu  moqueur  eet  déjà  ao  rm  la^i  de  FikmA, 
II.  Littré  repprodie  de  ce  «  mot  de  fimuitîe  »  dae  •yUabet  «nalogvce  q«  ■ 
Haeat  daaa  h  Mcmotagmt  CfmUart  (ou  U  Momoiogms  i»  Im  hmtf  de/mm), 
qm  eat  da  gniniième  dèeie  (tome  II  des  OKmprêt  de  CofmiiUrt  àam  b  Coû 
leetioB  Janaet,  p.  ai6)  : 

Noos  DarlioMi  tafîa  tara. 

Pnâa  de  Mootlear,  paie  se  ma  dame. 

De  panib  moU  aoot  d'étymologie  UeB  iMertaiae.  Fettt-dire,  daw  Teri- 
giae,  «baatait-OB,  plat6t  qn^on,  ne  diaait,  eea  syllabea  de  tersr».  CleataiB^g 
qoriqve  bribe  d*on  air  conau,  qneiqoet  tyllabet  de  rafraia,  «t  aie  6cai 
popidaire  fort  wltée  de  eoaper  eonrt  on  renvoyer  bien  loia. 

9.  SCÊHE  VUI. 

oBORos  DAin>ijr,  êêml,  [l^'^K*) 

3.  Ce  aérait  dit  pour  me  donner  raison,  c*cflt  ee  qn'il  me  fitadrait  peer 
•Toir  raison.  Comparai,  pour  ee  tour,  les  endroits  indlqiifa  tome  V,  p.  44?* 
■Ole  4,  et  eî-dessos,  p.  nS5,  note  3. 

4.  De  eet  stîs.  (1734.) 

5.  A  mon  serooent  on  m*en  peat  eroîre, 
dît  Sosie  an  vers  8*4  d*Jmpk{trjr9m,  ci-deasns,  p.  4o3. 


ÀCTB  II,  SCÂNB  YI.  557 

d  autre  part,  je  vais  quérir  beau-père  et  belle-mère  sans 
être  sûr  de  trouver  chez  moi  le  galant,  ce  sera  la  même 
chose,  et  je  retomberai  dans  Tinconvénient  de  tantôt. 
Pourrois-je  point  ^  m^éclaircir  doucement  s^il  y  est  en- 
oore  ?  *  Ah  Gel  !  il  n*en  faut  plus  douter^  et  je  viens 
de  IVpercevoir  par  le  trou  de  la  porte.  Le  sort  me  donne 
ici  de  quoi  confondre  ma  partie*;  et  pour  achever 
Faventure,  il  fait  venir  à  point  nommé  les  juges  dont 
j*avois  besoin. 


SCÈNE  VII. 

MONSIEUR  BT  MADAME  DE  SOTÉNVILLE  *, 

GEORGE  DANDIN. 

GEORGE  DàNDIN. 

Enfin  vous  ne  m*avez  pas  voulu  croire  tantôt,  et 
votre  fille  Ta  emporté  sur  moi;  mais  j'ai  en  main  de 
quoi  vous  faire  voir  comme  elle  m*accommode',  et,  Dieu 
merci!  mon  déshonneur  est  si  clair  maintenant,  que  vous 
n'en  pourrez  plus  douter. 


I.  Ob  a  TU  maÎBta  feif  daM  eet  phraaot  Intarrogatitvt  la  n^gatioB  tap- 
priflMe,  en  Ttrt  eomme  an  proae,  qne  l^tcnrogatioa  tôt  direeta  oa  indiracla  : 
par  eiaflipla  ans  fmn  598  da  rÉtourdi  et  65n  dn  Dépit  amtmremx  (tome  I, 
p.  144  et  443),  au  acènea  i  et  m  de  Vlmprûmpim  de  V^naiUm  (tooM  Ul, 
p.  3^,  3*  eonplet*  et  p.  414,  4*  couplet)  t  Toyes  ee  qni  est  dit  à  ea  aa^  an 
tone  II  dn  LuAfu  dg  CormêUiêt  p.  i lo. 

9.  jiprèt  avoir  été  rêgmtdër  par  U  trom  dg  la  Mrwrt.  (1734.) 

3.  lacinre  an  terme,  ee  lemble,  de  campagnard  proeeaaif  ;  George  Dandin 
aonge  k  plaider  et  à  obtenir  une  a^paradon  :  Toyex  la  fin  de  la  fcène  m  de 
Pacte  I,  et  d-apria,  la  fin  de  la  scène  m  de  Tacte  III. 

4.  SCÈNE  IZ. 

M.   M  tOrnonriLLI,  M**  DB  tOTISTILUI.   (l^'i*) 

5.  Comme  die  m'arrange,  qndle  figure  elle  me  £iit  fidre.  «  L'on  toos 
aeeommode  detontea  pièces,  »  s*est  dit  George  Dandin  k  Inl-méme  (an  eom* 
mencemcnt  de  son  second  monologne,  acte  I,  scène  m]. 


SS6  GEORGE  DANDIN. 

6S0RGB  DAUDIlf  • 

Je  te  donnerai.... 

LUBClf. 

Ttrtre*! 


SCENE  VI. 

GEORGE  DANDINV 

Je  n*ai  pu  me  servir  avec  cet  innocent  de  la  pensée 
que  j^avois.  Mais  le  nouvel  avis  qui  loi  est  édiappé 
feroit  la  même  chose,  et  si  le  galant  est  chez  moi,  ee 
seroit  pour  avoir  raison  '  aux  yeux  du  père  et  de  la  mère, 
et  les  convaincre  pleinement  de  reffronterie  de  leur 
fille.  Le  mal  de  tont  ceci,  c*est  que  je  ne  sais  comment 
faire  pour  profiter  d'un  tel  avis  *•  Si  je  rentre  chez  moi, 
je  ferai  évader  le  drôle,  et  quelque  chose  que  je  puisse 
voir  moi-même  de  mon  déshonneur,  je  n*en  serai  pmnt 
cru  k  mon  serment  ',  et  Ton  me  dira  que  je  rêve.  Si, 

I.  Cette  «BKlaination  de  refiit  moqueur  eet  d^à  aa  Ten  1x41  de  PÉhmfiî. 
II.  Litti^  repprodie  de  ce  «  mot  de  fiinUisie  >  dee  tyHabet  anelogvet  qm  m 
Uamt  daae  /#  Mcmotagmt  Co^Urt  (ou  U  Momologms  i»  U  hmtu  dir^m), 
qaî  eet  d«  qulnuime  liàele  (tome  II  des  OEuvrêi  de  CofmiiUrt  du»  la  Col- 
leetîon  Janaet,  p.  9 16)  : 

Noos  Dariâmet  taria  tara. 

Pois  de  Moadeor,  paie  ae  ma  daoM. 

De  panib  moU  eoot  d*étymologie  bieft  laeeitame.  Fettt-dire,  daa»  feri- 
giae,  ebaotaitM»o,  plQt6t  qu'on,  ne  disait,  eet  eyllabee  de  Cenerv.  deateiB^g 
quelque  bribe  d*ui  air  conna,  quelques  syllabes  de  rafraia,  «et  «Be  fc^ea 
popubire  fort  ndtée  de  eouper  eourt  ou  renvoyer  bien  loin. 

9.  SCÈNE  VUI. 

oBORos  DAin>ijr,  êêml,  (i734.) 

3.  Ce  serait  fiiit  pour  me  donner  raison,  c^est  ee  qu'il  me  fiiudrait  peur 
•Toir  raison.  Compares,  pour  ee  tour,  les  endroits  indiqués  tome  V,  p.  4i7« 
■Ole  4,  et  eî-dessns,  p.  uS5,  note  3. 

4.  De  eetaTÎs.  (1734.) 

5.  A  mon  serment  on  m*en  peut  eroire, 
dît  Sosie  ••  VOTi  Sn4  d*Amfkitrjrom,  ci-dessus,  p.  4o3. 


ACTB  II,  SCÂNB  YI.  557 

d*aatre  part,  je  vais  quérir  beau-pére  et  belle-mère  sans 
être  sûr  de  trouver  chez  moi  le  galant,  ce  sera  la  même 
chose,  et  je  retomberai  dans  Tinconvénient  de  tantôt. 
Pourrois-je  point  ^  m^édaircir  doucement  s*il  y  est  en« 
core?*  Ah  Gel!  il  n'en  faut  plus  douter^  et  je  viens 
de  IHipercevoir  par  le  trou  de  la  porte.  Le  sort  me  donne 
ici  de  quoi  confondre  ma  partie';  et  pour  achever 
Taventure,  il  fait  venir  à  point  nommé  les  juges  dont 
j^avois  besoin. 


SCÈNE  VII. 

MONSIEUR  BT  MADAME  DE  SOTENVILLE*, 

GEORGE  DANDIN. 

GEORGE  DàNDIN. 

Enfin  vous  ne  m*avez  pas  voulu  croire  tantôt,  et 
votre  fille  Ta  emporté  sur  moi;  mais  j^ai  en  main  de 
quoi  vous  faire  voir  comme  elle  m'accommode',  et,  Dieu 
merci!  mon  déshonneur  est  si  clair  maintenant,  que  vous 
n'en  pourrez  plus  douter. 


I.  Ob  a  VQ  maate  fbif  daM  eet  phratot  iaterrogatitvt  la  négation  tap- 
prinM,  en  T«rt  eonune  en  proee,  que  l*intnrrogatîon  fikt  diieeta  on  indîracle  : 
par  eiemple  aoi  vert  598  de  rÉtomnU  et  659  du  Défit  mmomremx  (tome  I, 
p.  144  et  443),  au  acènea  i  et  m  de  r/ayrenym  de  f^êrsaiiiêt  (toaM  III, 
p.  3^,  3*  couplet,  et  p.  414,  4*  eooplet)  1  ▼ojrea  ee  qoi  eit  dit  à  ea  aajat  an 
toaM  II  da  iMci^mê  de  CrniuUU^  p.  iio. 

9.  Aprèê  avoir  été  rêgmrdêr  par  U  trom  dt  tm  êmrmrê,  (1734.) 

3.  Encore  on  terme,  ee  temble,  de  campagnard  proeettif  (  George  Dandin 
•onge  h  plaider  et  à  obtenir  nne  séparation  :  Toyes  la  fin  de  la  icène  m  de 
Facto  I,  et  d-aprèa,  la  fin  de  la  scène  m  de  Tacte  III. 

4.  8CÈEIB  IX. 

M.   DB  tOTEVTILLB,  M**  DB  lOTISTILUI.    (l734*) 

5.  Comme  elle  m'arrange,  quelle  figore  eQe  me  £iît  faire.  «  L'on  Tont 
accommode  de  tontes  pièces,  »  s'est  dit  George  Dandin  k  lot-méme  (an  eom* 
mencement  de  son  second  monologue,  acte  I,  scène  m]. 


SS6  GBORGB  DÀNDIN. 

OBOftGB  DANDIlf . 

Je  te  donnerai.... 

LUBClf. 

TanreM 


SCENE  VI. 

GEORGE  DANDINV 

Je  n*ai  pu  me  servir  avec  cet  innocent  de  la  pensée 
que  j'avois.  Mais  le  nouvel  avis  qui  lui  est  échappé 
feroit  la  même  chose,  et  si  le  galant  est  chez  moi,  œ 
seroit  pour  avoir  raison*  aux  yeux  du  père  et  de  la  mère, 
et  les  convaincre  pleinement  de  reffronterie  de  leur 
fille.  Le  mal  de  tout  ceci,  c^est  que  je  ne  sais  commeat 
faire  pour  profiter  d*un  tel  avis  ^.  Si  je  rentre  chez  moîf 
je  ferai  évader  le  drôle,  et  quelque  chose  que  je  poisse 
voir  moi-même  de  mon  déshonneur,  je  n*en  serai  point 
cru  i  mon  serment  ',  et  Ton  me  dira  que  je  rêve.  Sî, 

I.  Cette  flaukiMtioA  de  refna  moqueur  eek  déjà  aa  Ten  1941  d«  ^Ê^tmiL 
11.  Littré  repprodie  de  ce  «  mot  de  fimtaisie  »  dee  tyllebeg  anelogvei  q«  « 
Hieat  daM  U  Momoiogmt  CoqmiiUrt  (ou  U  Momoiogms  i»  U  hmtf  de^\, 
qm  eet  da  qalmièaae  dèeie  (tome  H  des  OÊmvrêâ  dt  CofmlUrt  éam  la  Coi- 
leetioo  Janaet,  p.  a  16)  : 

Noos  Derlâoiet  tana  tara. 

Pois  de  Moadear,  pnia  m  ma  dame. 

De  panib  moU  ao«t  d'étymologîe  bieft  laeeitaiBe.  Fettt-ém,  daa»  fari- 
giae,  «bantaiuon,  plat6t  qu'on  ne  diaait,  eea  syllabea  de  Canerv.  Clia«liiBiiir 
quelque  bribe  d*an  air  conau,  quelques  ayllabet  de  rafraia,  «et  aie  6^ 
popidaire  fort  ndtée  de  couper  court  ou  renvoyer  bien  loin. 

a.  SCÈNE  VUI. 

OBOROB  DASDUr,  êêml,  (l^'^K^) 

3.  Ce  terait  fiiit  pour  me  donner  raison,  c'est  ce  qu'il  me  fiiudrait  psar 
avoir  raison.  Comparas,  pour  ce  lonr,  les  endroits  indiqués  tome  V,  p.  4i7« 
■Ole  4,  et  ei-desMis,  p«  aS5,  note  3. 

4.  De  cet  avis.  (1734.) 

5.  A  mon  serment  on  m'en  peut  croire, 
dit  Sosie  an  vots  8a4  à^Amfkiirjom^  ci-dessus,  p.  4o3. 


ACTB  II,  SCÂNB  YI.  557 

d^aatre  part,  je  vais  quérir  beau-père  et  belle-mère  sans 
être  sûr  de  trouver  chez  moi  le  galant,  ce  sera  la  même 
chose,  et  je  retomberai  dans  l'inconvénient  de  tantôt. 
Pourrois-je  point  ^  m'édaircir  doucement  s'il  y  est  en« 
core?*  Ah  Gel!  il  n'en  faut  plus  douter^  et  je  viens 
de  IVpercevoir  par  le  trou  de  la  porte.  Le  sort  me  donne 
ici  de  quoi  confondre  ma  partie*;  et  pour  achever 
l'aventure,  il  fait  venir  i  point  nommé  les  juges  dont 
j^avois  besoin. 


SCÈNE  VII. 

MONSIEUR  BT  MADAME  DE  SOTENVILLE*, 

GEORGE  DANDIN. 

GEORGB  DÀNDIIf. 

Enfin  vous  ne  m'avez  pas  voulu  croire  tantôt,  et 
votre  fille  Ta  emporté  sur  moi;  mais  j'ai  en  main  de 
quoi  vous  faire  voir  comme  elle  m'accommode',  et,  Dieu 
merci!  mon  déshonneur  est  si  clair  maintenant,  que  vous 
n'en  pourrez  plus  douter. 


I .  Ob  a  VQ  mnate  feif  daM  eat  phrases  latarrogatitvs  la  nigitioii  sap- 
priaiM,  en  T«rs  comme  eo  prose,  qoe  rinterrogatioB  Sàt  direela  oa  indirecte  : 
par  eiemple  am  vers  598  de  rÉtomnU  et  65%  du  Dépii  ëmomremx  (tome  I, 
p.  144  et  443),  au  scènes  i  et  m  de  Vlmprûmpim  tU  FêrêoUUi  (tooM  IH, 
p.  3^1  3*  couplet,  et  p.  414,  4*  coaplet)  1  Toyes  ce  qui  est  dit  à  ea  ss^  an 
toase  II  da  Lexique  de  ComeilU^  p.  i  lo. 

9.  Aprh  avoir  éUrêgmMër  pat  U  inm  de  In  eerrmre,  (1734.) 

3.  Encore  on  terme,  ce  semble,  de  campagnard  processif;  George  Dandin 
songe  k  plaider  et  à  obtenir  une  séparation  :  Toyex  la  fin  de  la  seène  m  de 
Tactn  I,  et  ci-après,  la  fin  de  la  scène  m  de  Tacte  III. 

4.  8CÈEIJB  IZ. 

M.   DB  tOrnanriLLB,  M**   DB  tOTBMTILLB.   (l734*) 

5.  Comme  die  m'anrange,  qoelle  figure  elle  me  £iit  faire.  «  L*on  Toot 
accommode  de  tontes  pièces,  »  s*est  dit  George  Dandin  h  loi-même  (an  eom* 
mencement  de  son  second  monologoe,  acte  I,  scène  m]. 


5S8  GEORGE  DANDIN. 

MONSIEUR  DB  SOTBHVILLB. 

Gimment,    mon  gendre,  vous  en  êtes  encore  li- 
deasos^? 

GB0R6B  DàNDIN. 

Oui,  ly  suis,  et  jamais  je  n*eus  tant  de  sujet  d 7 
être. 

MADAME  Bn  SOTBNYILLB. 

Vous  nous  venez  encore  étourdir  la  tête*? 

GBOBGB    DANDIN. 

Oui,  Madame,  et  Ton  fait  bien  pis  &  la  mienne. 

MONSIEUR  DE  SOTENVILLE. 

Ne  vous  lassez- vous  point  de  vous  rendre  importun? 

GEORGE   DANDIN. 

Non  ;  mais  je  me  lasse  fort  d*être  pris  pour  dupe. 

MADAME  DE   SOTENVILLE. 

Ne  voulez-vous  point  vous  défaire  de  vos  pensées 
extravagantes  ? 

GEORGE  DANDIN* 

Non,  Madame  ;   mais  je   voudrois  bien  me  défaire 
d*une  femme  qui  me  déshonore. 

MADAME  DE  SOTENVILLE. 

Jour  de  Dieu  !  notre  gendre,  apprenez  à  parler. 

MONSIEUR  DE  SOTENVILLE. 

Corbleu!  cherchez  des  termes  moins  offensants  qae 
ceux-là. 

GEORGE  DANDIN. 

Marchand  qui  perd  ne  peut  rire'. 

MADAME    DE  SOTENVILLE. 

Souvenez- vous  que  vous  avez  épousé  une  Demoiselle. 

I.  Vous  êtes  resté  iur  ees  soap^ns?  —  Les  éditions  de  i67«,  8»,  Si  A* 

^B,  97,  17 10,  18  omettent  m. 

a.  Voos  nous  Tenes  étourdir  la  tête?  (1679,  Sa,  97,  1710,  iS,  3o,  33.^ 
3.  ProTerbe  tout  bourgeois  on  paysan,  naturel  chez  on  bomme  qidgère  lai- 

même  ses  biens,  traite  direetement  de  la  Tente  de  ses  denrées. 


ACTE  II,  SCÈNE  VII.  SSp 

OBOAGB   DAIfDUf. 

Je  m*en  souviens  assez,  et  ne  m*en  souviiendrai  que 
trop. 

MONSIEUR  DB  SOCTlfVILLB» 

Si  TOUS  vous  en  souvenez,  songez  donc  à  parler  d*elle 
avec  plus  de  respect. 

GEORGE  DANDIN. 

Mais  que  ne  songe-t-eUe  plutôt  à  me  traiter  plus 
honnêtement  ?  Quoi  ?  parce  qu*eUe  est  DemoiseUe,  il 
faut  qu*elle  ait  la  liberté  de  me  faire  ce  qui  lui  plaît, 
sans  que  j^ose  souffler  ? 

MONSIEUR   DE   SOTENVILLB. 

Qu^avez-vous  donc,  et  que  pouvez- vous  dire  ?  N^avez- 
VOUS  pas  vu  ce  matin  qu'eUe  s'est  défendue  de  connottre 
celui  dont  vous  m'étiez  venu  parler? 

GEORGE  DÀNDIN. 

Oui.  Mais  vous,  que  pourrez-vous  dire  si  je  vous  fais 
voir  maintenant  que  le  galant  est  avec  elle  ? 

MADAME  DE  SOTENVIIXB« 

Avec  elle  ? 

GEORGE  DANDIN. 

Oui,  avec  elle,  et  dans  ma  maison  ? 

MONSIEUR  DE  SOTENVILLE. 

Dans  votre  maison  ? 

GEORGE  DàNDIN. 

Oui|  dans  ma  propre  maison. 

MADAME  DE  SOTENVILLE. 

Si  cela  est,  nous  serons  pour  vous  contre  elle. 

MONSIEUR  DE  SOTENVILLE. 

Oui  :  rhonneur  de  notre  famille  nous  est  plus  cher 
que  toute  chose  ;  et  si  vous  dites  vrai,  nous  la  renonce- 
rons pour  notre  sang,  et  Tabandonnerons  à  votre  colère. 

GEORGE   DANDIN. 

Vous  n*avez  qu*à  me  suivre. 


56o  GEORGE  DÀNDIN. 

MADAl»  DE  SOTBNVItLB. 

Gardet  de  vona  tromper. 

MONSIEUR  DE  SOTSirVILLE. 

N*aUez  pas  fidre  comme  tantôt. 

GEORGE   DANDIN. 

Mon  Keu!  voua  allcx  voir.*  Tenez,  ai-je  menti? 


SCÈNE  VIII. 

ANGÉLIQUE,  CLITANDRE,  CLAUDINE,  MON- 
SIEUR ET  MADAME  DE  SOTENVILLE,  GEORGE 
DANDIN- 

ANGELIQUE  *• 

Adieu.  J*ai  peur  qu^on  vous  surprenne  ici*,  et  j*ai 
quelques  mesures  k  garder. 

cutàndre. 

Promettez-moi  donc,  Madame,  que  je  pourrai  vott 
parler  cette  nuit. 

▲NGiUQUE. 

J  y  ferai  mes  efforts. 

GEORGE   DANDIN^. 

Approchons  doucement  par  derrière,  et  tachons  de 
n^être  point  vus. 


t.  MomUtmt  CiitaiÊJrê  fd  arn^t  opm  AmgéUfmt.  (1734.) 
%.  SCÈNE  X. 

M.    DE  SOmrTILLB    tt  M**  DE  SOnarTILLI  «fWC.  OBORGX  DABDIVi  Jêêê 

S.  Tai  peur  qa*on  ne  root  tarpreniM  ici.  (1679,  74,  S«;  U  eapî*  Plâfite 
•  :  «  M  BOUS  »  aa  Uea  de  «  ds  tous  ».)  Mais  la  négatioa  était  souvent  eaatf 
aprèales  mots  oa  loeadoas  analogoes  Ifaipeur  :  jojn  ci-deasos,  p.  447*  aate  i* 

4.  Gmaoi  Dahsdi,  àM.tià  Mme  de  SoUMfUU.  (1734.) 


ACTE  II,  SCÈNE  VIII.  56l 

CLAUDmB. 

Ah  !  Madame,  tout  est  perdu  :  voilà  votre  père  et 
votre  mère,  accompag^nés  de  votre  mari^ 

CUTANDRB. 

Ah  Gel! 

▲NCiuQUB. 

Ne  faites  pas  semblant  de  rien  \  et  me  laissez  faire 
tous  deux.  Quoi'?  vous  osez  en  user  de  la  sorte,  après 
Faffaire  de  tantôt;  et  c*est  ainsi  que  vous  dissimulez 
vos  sentiments?  On  me  vient  rapporter  que  vous  avez 
de  Tamour  pour  moi,  et  que  vous  faites  des  desseins  de 
me  solliciter^  ;  j*en  témoigne  mon  dépit,  et  m'explique 
à  vous  clairement  en  présence  de  tout  le  monde  ;  vous 
niez  hautement  la  chose,  et  me  donnez  parole  de 
n^avoir  aucune  pensée  de  m*offenser;  et  cependant,  le 
même  jour,  vous  prenez  la  hardiesse  de  venir  chez 
moi  me  rendre  visite,  de  me  dire  que  vous  m'aimez,  et 
de  me  faire  cent  sots  contes  pour  me  persuader  de 
répondre  à  vos  extravagances  :  comme  si  j'étois  femme 
à  violer  la  foi  que  j'ai  donnée  a  un  mari,  et  m'éloigner 
jamais  de  la  vertu  que  mes  parents  m'ont  enseignée. 
Si  mon  père  savoit  cela,  il  vous  apprendroit  bien  à 

I.  La  phrase  se  retrouTe,  eonatniite  tout  h  fait  de  même,  Tert  la  fin  de  la 
déniera  seène  dn  BemrgwU  gentilkommeg  rien  (da  latm  rem)  ii*j  a  pat  ta 
▼aUor  orduaire  d*appai  et  par  tnita  partie  de  négation  «  mais  garde  ton  tena 
originaire  et  déuelié  de  {qmëiqmë)  ehote  .*  •  Ne  fiiitet  pastemUantde  quelque 
cfaoae,  on  qn'il  y  <it  quelque  chose.  »  Bilise  et  Pfailaminte  n^anraient  donc  pu 
trooTar  dans  ee  «  pat  mis  atee  rian  •  une  négatire  de  trop,  il  n*y  ■  point 
Ici  ce  double  renibreement  de  la  négatÎTe  ne  qu*elles  ne  pcoTcnt  passer  à 
Martine  (aeine  tx  de  Pacte  II  des  Femmes  êavaiUêé),  Compares,  dix- sept  lignes 
plus  loin,  remploi  si  fréquent  de  rien  dana  le  tour  :  «  Je  n*ai  garde  de  lui 
en  rien  dira.  » 

9.  CuTARDAB,  k  part.  Ah  CîelJ  AnoiuQUi,  ha»,  à  CHtandre  H  à  CtaU" 
Mne,  Ne  £iites  pas  semblant,  etc.  (Haat,  à  Clitatulrg,)  Quoi?  (1734.) 

3.  Que  TOUS  projetés  de....  Voyes  le  Lexique  de  la  langue  de  Corneille 
(tome  I,  p.  287  et  988),  où  il  est  parU  d*une  critique  mal  fondée,  de  Vol- 
taire, des  locutions  •  faire  un  dessein,  des  desseins.  »  L* Académie  donne  la 
pramite  joaqu'i  aa  5*  édition  inclusif ement. 

Mou&u.  Ti  36 


56a  GEORGE  DANDIN. 

tenter  de  ces  entreprises.  Mais  ^  une  honnête  femme 
n*aime  point  les  éclats;*  je  n*ai  garde  de  loi  en  rien 
dire,  '  et  je  veux  vous  montrer  que,  toute  femme  que  je 
suis,  j'ai  assez  de  courage  pour  me  venger  moi-même 
des  offenses  que  Ton  me  fait.  L'action  que  vous  avez 
faite  n'est  pas  d'un  gentilhomme,  et  ce  n'est  pas  en 
gentilhomme  aussi ^  que  je  veux  vous  traiter. 

(Bll0praadaiibètoo«tbatiooiiiari,  aa  UeudeClitiadre,  qûieaMteatre-dcas  '.J 

CLrrANDRB*. 

Ah!  ah!  ah!  ah!  ah!  doucement..^ 

CLÀUDIIfB» 

Fort,  Madame',  frappez  comme  il  faut. 

ANCiLlQUB*. 

S'il  vous  demeure  quelque  chose  sur  le  cœur,  je  sois 
pour  vous  répondre**. 

CLAUDINB. 

Apprenez  à  qui  vous  vous  jouez. 

I.  G>mparex  ce  que  dit  Elmire  dam  U  Tartuffe  (▼«»  io32-io34)* 
9.  Elle /ait  signe  à  Claudine  Jt apporter  un  béton.  (1679,  Sa.) 

3.  jipri*  avoir /ait  signe  à  CUuUinB  Jtapporter  un  hétan,  (1734.) 

4.  On  utt  ^%k*aussi  s'emplojait  iréqaemnieat  autraibi%  dans  las  tooit  ■»• 
yadfs,  au  lieu  de  notre  non  piusf  et,  d*«prèa  la  eonstroction,  c'est  himn  Ik  h 
sens  qa*il  paratt  avoir  ici,  |rfat6t  que  eelui  de  •  (et)  de  mène,  (et)  ooasé- 
qnemmeat.  >  Voyet  les  Lexiques  divers  de  la  Collectioa. 

5.  Bile  prend  le  hnton  et  bat  son  «mvt,  au  lieu  de  CUtamdre^  ^  mei 
George  Dandin  entre-'-deux,  (1672,  i^.)--^  Angélique  prend  la  Mtea,  et  le  Utt 
sur  Clitandre^  qui  se  range  de/aeon  que  les  coups  tombant  sur  Gaorga 
din,  (1734*)  ~~  Le  texte  original  porte  :  «  au  lieu  deOitandre,  qui  1 
entre-Kleux.  •  La  situation  forée,  ce  semble,  à  substituer  lek  ee^omk 
quelque  interversion  de  mots,  et  à  rapprocher  qui  se  mai  antrmdeux  es  sot 
mari, 

6.  CuT4!fDnK,  criant  comme  s*U  avwt  èti/rappi.  (1734.) 

7.  Puis  a  s*enfuU,  (1671,  8fl.) 

S.  SCÈICE  XI. 

M.   DB  BOTBITTXLLB,  M**   DB  fOTBHTTLLB,  AHOBLIQUI,  OBOBOB 

DABDIH,    GLâUDIBB. 

CLàUDIKI. 

Fort,  Madame.  (1734.) 

9.  knGELiqut^/aisant  semblant  de  parler  à  CUtandra,  (167a,  8a,  1734.} 

10.  Je  suis  pour  r&poadre.  (167»,  8a,  97,  17  lO.) 


ACTS  II,  SCàNE  TIIl.  S«8 

iireALiQUB*. 
At  mon  père,  tous  êtes  !i  ! 

HONSIEUR    DE   SOTBHVILLB. 

Oui,  ma  fille,  et  je  vois  qu'en  s«gea«e  et  en  courage 
tu  te  montres  un  digoe  rejeton  de  la  maison  de  Solen- 
ville.  Viens  çà,  approche-toi  que  je  t'embrasse. 

■muni  DB  BOTBIfVILU. 

Embrasse-moi  aussi,  ma  fille.  Las!  je  pleure  de  joie, 
et  reconnois  mon  sang  aux  cboscs  que  tu  viens  de  Aire. 

HONSUOl  DB  SOTBTfVILlB. 

Mon  gendre,  qne  voas  devez  être  ravi,  et  que  eeuo 
aventure  est  pour  vous  pleine  de  douceurs  !  Vous  «vin 
un  juste  sujet  de  vous  alarmer  j  mais  vos  soupçons  se 
trouvent  dissipés  le  plus  avantageusement  du  i 

MADIMB    DB  SOTBNVILLB. 

Sans  doute,  notre  gendre,  et  vous  devez* 
être  le  plus  content  des  hommes. 

CLÀCDINB. 

Assurément.  Voilà  une  femme,  eelle-U.  Vfws  «tes 
trop  heureux  de  l'avoir,  et  voos  devriez  baiser  les  pM 
où  elle  passe*. 


Euh*!  traîtresse! 

Monniua  ni  soTBirviLLB. 

Qu'est-ce,  mon  gendre?  Que  ne  remerciez-vouB  on 
peu  votre  femme  de  l'amitié  que  vous  voyez  qu'elle 
montre  pour  vous  ? 

ANG&LIQUB. 

Non,  non,  mon  père,  il  n'est  pas  néeesaaire.  Il  ne 

I.  Âialugem,Jbù<»l  filvtiti*.  (1734.) 

3.  3«u  (toate,  noira  |andn,  nui  dtm.  (1879,  ji.  Sa,  i7Ït.) 

3.  L«  pn  par  oà  dlapiu*.  (i73{.) —  Non  liwu  da  mènw  sba  Mr~  ''" 
Sâiigai  [il  n'agit  da  Taranui   Itllre  du  la  lodE  lit?!,  tome  II,  p. 
•  Bnasa  I0  pu  par  ot  il  paaM.  • 

4-  Gmmi  Dudd,  à  fan.  U!  (ijSi.) 


$64  GEORGE  DANDIN. 

m*a  aucune  obligation  de  ce  qu*il  vient  de  voir,  et 
tout  ce  que  j'en  fais  n'est  que  pour  Tamour  de  moi- 
même. 

MOlfSIBUR  DB  SOTBNVILLB. 

Ob  allez- VOU89  ma  fille? 

▲NGÉUQUB. 

Je  me  retire,  mon  père,  pour  ne  me  voir  point  obli- 
gée à  recevoir  ses  compliments. 

CLAUDINB^. 

Elle  a  raison  d'être  en  colère.  C'est  une  femme  qui 
mérite  d'être  adorée,  et  vous  ne  la  traitez  pas  comme 
vous  devriez. 

GBOR6B  DÂKmif. 

Scélérate  ! 

MOlfSIBUR  DB  SOTBinriLLB. 

C'est*  un  petit  ressentiment  de  l'affiiire  de  tant6t,  et 
cela  se  passera  avec  un  peu  de  caresse  que  vous  lai 
ferez.  Adieu,  mon  gendre,  vous  voilà  en  état  de  ne 
vous  plus  inquiéter.  Allez-vous-en  faire  la  paix  ensem- 
ble, et  tâchez  de  l'apaiser  par  des  excuses  de  votre 
emportement. 

MÂDÂMB   DB   SOTBlfVILLB. 

Vous  devez  considérer  que  c'est  une  jeune  fille* 
élevée  à  la  vertu  ^,  et  qui  n'est  point  accoutumée  a  se 
voir  soupçonner  d'aucune  vilaine  action.  Adieu.  Je  suis 

I.  CLAman,  k  Gtorgt  Dandin,  (1734.) 
a.  GioAas  Dahoot,  à  pari,  SeélénMl 

SCÈNE  xn. 

X.  DB  tOTSmnLLB,  X^  DB  SOTBHTILLB,   OBOBCB  DAlTDUr. 

M.  BB  SOTBHnUiS. 

G*Mt....  (Wd*m.) 

3.  Que  e*Mt  une  fille.  (167a,  74,  Sa.) 

4.  lastniite  à  la  vertu.  Parlant  de  rédaeatîoa  doBiiée  au  jeunes  filles  par 
let  reUgienaet  de  Pori-Eoyal,  Raeîne  a  dit  de  mftne  (tooie  IV,  p.  4a7)  :  «  Oa 
ne  ae  eontentoit  pai  de  lea  élerer  à  la  piété,  on  prenoit  aoati  on  uta  yanJ 
•oin  de  leur  former  Petprit  et  la  raison.  » 


ACTE  II,  SCÈNE  VIII.  565 

ravie  de  voir  vos  désordres  SdU*  et  des  trsDspoits  de 
joie  que  vous  doit  donner  sa  conduite. 

GBOIGB  MtlD[It*. 

Je  ne  dis  mot,  car  je  ne  gagnerois  rien  à  parler,  et 
jamais*  il  ne  s'est  rien  vu  d'égal  à  ma  disgrâce.  Oui, 
j'admire  mon  malheur,  et  la  subtile  adresse  de  ma 
carogne  de  femme  pour  se  donner  toujours  raison,  et 
me  faire  avoir  tort.  Est-il  possible  que  toujours  j'aurai 
du  dessous*  avec  elle,  que  les  apparences  toujours  tour- 
neront contre  moi,  et  que  je  ne  parviendrai  point  k 
convaincre  mon  effrontée?  O  Ciel,  seconde  mes  des- 
geins, et  m'accorde  la  grâce  de  faire  voir  aux  gens  que 
l'on  me  déshonore*. 


•.  SCËHB  XIII. 

oioiOB  Dunui,  imt.  (1734.) 

3.  A  pnrlo',  jimut.  (lA^a,  81,  97,  1710,  iS,  3o.)  —  À.  pirlar.  Jim^i. 
(1734.) 

4.  La  potiliF  Jm  ititami  Bgnifienit  propicnMDt  :  •  plat  on  nolia  It 
danoiu  ;  .  DUii  il  ut  blan  ici  ràqninleBt  de  it  itttau. 

5.  ADgv  dit  id,  dam  naa  nota  qui  ippillc  VxXtndm  nr  !■  nurdka  ia 
la  place  :  •  Tout  in  MéBWBtt  dont  le  pmnior  icU  cet  formé  h  retroanU 
■uctemenl  dmi  eelai-d...  :  let  coofidaneai  de  Lobin,  let  nonologoa*  de 
Gaorga  DandiB,  l'impodenev  de  CUtiadre,  d'ABgélïqae  et  de  Claodlu,  oaSa 
la  nlta  obi^mtion  de  M,  et  de  Mme  de  Sotrarille.  CeiE  la  m^me  aitoi- 
tioa  qui  eoDCiaur,  ce  aant  la  mlmaa  iDojaDa  qni  tout  mia  en  jea;  ma!*  Ib 
Mtnatian  derlcnL  plot  fir*  et  pini  forte  de  Mène  en  acène;  maii  lea  moyen*, 
qnoiqiie  aemblablu  aaCond,  •ontTarUt  dana  la  forme,  iTce  on  art  qd  let  bat 
panlln  noaTsaoï.  ■ 


rm  DU  BBCoiO)  aots. 


GEORGE  DANDIIf. 


ACTE  III. 


SCÈNE  PREMIÈRE. 

CLITANDRE,  LUBIN. 

CLITÂNDRB. 

Ia  nuit  est  avancée,  et  j'ai  peur^  qu^il  ne  soit  trop 
tard.  Je  ne  vois  point  à  me  conduire.  LubinI 

LUBIK. 

Monsieur? 

CLITAIfORB. 

Est-ce  par  ioî  ? 

LUBIN. 

Je  pense  que  oui.  Morgue!  voilà  une  sotte  nuit, 
d^être  si  noire  que  cela. 

CLITÂNDRB. 

EDe  a  tort  assurément  ;  mais  si  d*un  côté  elle  nous 
empêche  de  voir,  elle  empêche  de  l'autre  que  nous  ue 
sojrons  vus. 

LUBIN. 

Vous  avez  raison,  elle  n'a  pas  tant  de  tort.  Je  voo- 
drois  bien  savoir,  Monsieur,  vous  qui  êtes  savant, 
pourquoi  il  ne  fait  point  jour  la  nuit. 

CLITÂNDRB. 

C'est  une  grande  question,  et  qui  est  difficile.  Tu  es 
curieux,  Lubin'. 

LUBIN. 

Oui.  Si  j'avois  étudié,  j'aurois  été  songer  à  des  choses 
ob  on  n'a  jamais  songé. 

I.  La  Bnit  est  avaneée,  j*ai  peur.  (1672,  83,  ga,  97,  1710,  18,  3o.) 
a.  Ta  es  corienzy  Labin?  (1734.) 


'   «  ACTE  III,  SCENE  L  867 

CLlTAIfDRB. 

Je  le  crois.  Tu  as  la  mine  d'avoir  Tesprit  subtil  et 
pënëtrant. 

LUBIlf. 

Cela  est  vrai.  Tenez,  j'explique  du  latin,  quoique 
jamais  je  ne  Taie  appris,  et  voyant  l'autre  jour  écrit  sur 
ane  grande  porte  collegium^  je  devinai  que  cela  vouloit 
dire  collège. 

CLrrANDRB. 

Cela  est  admirable  !  Tu  sais  donc  lire,  Lubin  ? 

LUBm. 

Oui,  je  sais  lire  la  lettre  moulée'  ;  mais  je  n'ai  jamais 
sa  apprendre  à  lire  l'écriture. 

CUTANORK. 

Nous  voici  contre  la  maison.'  C'est  le  signal  que  m'a 
donné*  Claudine. 

LOBIK. 

Par  ma  foi  !  c'est  une  fille  qui  vaut  de  l'argent,  et  je 
Taime  de  tout  mon  cœur. 

CLrrANDRB. 

Aussi  t'ai-je  amené  avec  moi  pour  l'entretenir. 

LUBIlf. 

Monsieur,  je  vous  suis.... 

CLITANDRB. 

Chut  !  J'entends  quelque  bruit. 


X.  Auger  eite  ee  Tert  da  rôle  d'un  Talet,  dans  V  Esprit  follet  de  d*OiiTi]le 
(xA4l,  aete  II,  scène  nx)  : 

Je  lis  bien  le  moulé,  mais  non  pas  récriture. 

Le  Paysaa  du  Pédant  joui  (i654)  de  Cyrano  Bergerac  désigne  aussi  plusieurs 
Ibia  par  le  même  mot  de  moulé  des  caractères  imprimés  :  •  Oui  luiset  (il 
lisait)  dans  le  moulé  »  (p.  49  de  Tédition  de  1671).  «  Tout  ça  étet  rray, 
car  oui  élet  moulé  »  (p.  4a).  «  Ce  n'est  que  de  Téeriture  qui  n*est  pas  ?raye, 
car  ol  n*est  pas  moulée  ■  (p.  53). 

a.  jéprès  avoir  frappé  dans  *€s  ma<W.  (1734.) 

3.  Que  m*a  donné  à  fiiire,  que  m*a  indiqué,  prescrit. 


S68  6E0R6B  DANDIIf. 


SCENE   IL 
ANGÉLIQUE,  CLAUDINE,  CLITANDRE,  LUBEÏ. 

▲IfCiLIQUB. 

Qaudine. 

CLAUDllCB* 

Hé  bien? 

▲NGiuQDB. 

Laisse  la  porte  entr*ouverte. 

CLAUDINB. 

Voilà  qui  est  fait. 


Ce  sont  elles.  St. 

St. 

St. 

St. 

Madame. 

Quoi? 


CLITÂNDRB  V 


ÂKCiLIQUB. 

LUBIN. 

CLAUDIHB. 

CLITÂNDRB9  à  Claudine*. 

▲NG&LIQUB,  à  Lnlnii*. 


!•  Scène  de  nuit.  Le*  aetemre  tê  ckereheni  les  un»  Ut  outrée,  dgm»  Peltn 
nte, 

Clitandeb,  a  Lubin.  (1734.) 

-*  Comme  le  (ait  remarquer  Aoger,  eette  seène  de  naît,  eet  mqpriiMi  dam 
r<^Mcarité,  et,  à  la  teène  rr,  les  laizi  prolonge  et  répétés  aazqneb  dôme  lies 
la  somnolence  du  Ttlet  Colins  rappellent  tout  à  lait  le  jeo  des  farces  ita- 
liennes. —  Dans  cet  acte  final  du  Mariage  de  Figaro  (1784)  qvi  a  po« 
théâtre  la  salle  des  marronniers,  acte  qni  à  loi  seul  est  comme  une  eoeawfr 
dans  la  grande  et  dont  Tintrigue  se  mêle  et  se  démêle  toat  entière  dans  Ici 
ténèbres,  on  peut  dire  qn*il  y  a  plos  d*nne  réminiseenee  de  ees  scéacs  de 
George  Dandin, 
a.  GuTARoai,  à  Claudine,  qu^U  prend  peur  Angélique,  [l*)'^k•') 
3.  ÂRoiuQUi,  à  Luhin,  qu'elle  prend  pour  Clitandre.  {Ibidem,) 


ACTE  III,  SCÈNE  II.  S69 


Qaudine. 

CLAUDINB»  à  GUundn*. 

Qu*e8t-ce  ? 

CLITANDRB,  à  GUndine*. 

Ah!  Madame,  que  j*ai  de  joie  ! 

LUBIir,  à  Angélique^. 

Qaudine,  ma  pauvre  Qaudine. 

CLAUDIKBy  àaiundra. 

Doucement,  Monsieur. 

▲KGiLIQUB,  à  Lnbin. 

Tout  beau,  Lubin. 

CLITANDRB. 

Est-ce  toi,  Qaudine  ? 

CLAUDIHB. 

Oui. 

LUBIN. 

Est-ce  vous,  Madame  ? 

▲NCiUQUB. 

Oui. 

Claudine'. 

Vous  avez  pris  Tune  pour  Tautre. 

LUBIN '• 

Ma  foi,  la  nuit,  on  n*y  voit  goutte. 

▲NG&LIQUB. 

Est-ce  pas  vous,  Qitandre  ? 

CUTANDRE. 

Oui,  Madame. 


I.  LoBor,  à  Angéiiqme^  quHl  prend  p<mr  Clamdinê,  (l734«) 

%,  Claudxns,  a  Clitandre^  qm^ellê  prêmd  pour  Lmhù^  (Ihiiêm,) 

3.  CurAnDâB,   ajant  rêmeontré  Claudine,  (167a,  8s.)  «-  CuruiSAi«  à 
Claudine^  croyant  parler  à  Angilifue.  (i734>) 

4.  Lcuiff  ajani  rencontré  Angélique.  (167a,  Sa.)  —  Luior,  à  Angélique^ 
croyant  parler  à  Claudine,  (1734.) 

5.  CLâiiDDfs,  À  Clitandre,  (1734.) 

6.  Lvaor,  à  Angélique.  (167a,  Sa,  1734.) 


570  GEORGE  DANDIN. 

▲HGiLIQUB. 

Mon  mari  ronfle  comme  il  faut,  et  j*ai  pris  ce  temps 
pour  nous  entretenir  ici. 

CLrrAKDRB. 

Cherchons  quelque  lieu  pour  nous  asseoir. 

CLAUDINE. 

Cest  fort  bien  avisé. 

(Us  TOBt  i^atMoîr  aa  fond  dn  tbéàtra*.) 
LUBIH*. 

Claudine,  oh  est-ce  que  tu  es? 


SCÈNE  m. 

GEORGE  DANDIN,  LUBIN. 

6BOR6B   DÂNOni*. 

J^ai  entendu  descendre  ma  femme,  et  je  me  sois  rite 
habillé  pour  descendre  après  elle.  Où  peut-elle  être 
allée?  seroit-elle  sortie? 

LUBIN. 
(n  prtnd  George  Dandin  pour  CUodine.) 

Oh  es-tu  donc,  Qaudine  ?  Âh  ^  !  te  voilà.  Par  ma  foi, 
ton  maître  est  plaisamment  attrapé,  et  je  trouve  ceci 
aussi  drôle  que  les  coups  de  bâton  de  tantôt  dont  on 
m'a  fait  récit.  Ta  maîtresse  dit  qu*il  ronfle,  à  cette 
heure,  comme  tous  les  diantres,  et  il  ne  sait  pas  que 

I .  Ils  pcmt  s*€Utemr  am  fond  du  théâtre  sur  am  gaton^  au  pied  éhm 
arbre,  (167a,  8a.)  —  Angéli^ue^  CUtandre  et  ClaudUu  vont  s^assmir  daas 
Ufind  du  théâtre,  (1734.) 

a.  LuB»,  cherchant  CÛudiue,  (1734.) 

3.  AHGÊLIQUS,  CLirAHDBB  et  CLAtiDim,  assis  oufoud  du  théâtre { 

OBOEGB  DABDur,  à  moitié  déshabillé^  LUBIV. 
GiOBOB  DAHDor,  à  part,  {Ibidem,) 

4.  LuBiii|  cherchant  toujours  Claudine.  Où  aa-ta  done,  OaadiBa?  (Prt» 
nant  George  Dandin  pour  Claudine.)  Ahl  {Ibidem.) 


l 


▲GTE  III,  SCÈNE  III.  S71 

Monsieur  le  Vicomte  et  elle  sont  ensemble  pendant 
qu*il  dort.  Je  voudrois  bien  savoir  quel  songe  il  fait 
maintenant.  Cela  est  tout  à  fait  risible  !  De  quoi  s*avise- 
t-il  aussi  d'être  jaloux  de  sa  femme,  et  de  vouloir 
qu'elle  soit  à  lui  tout  seul?  Cest  un  impertinent,  et 
Monsieur  le  Vicomte  lui  fait  trop  d'honneur^.  Tu  ne  dis 
moti  Qaudine.  Allons,  suivons-les,  et  me  donne  ta 
petite  menotte  que  je  la  baise.  Ah  !  que  cela  est  doux  ! 
il  me  semble  que  je  mange  des  confitures.  (Gomme  il 

ImiM  U  mtin  de  Dandin,  Dandin  la  loi  pouaie  radement  au  TiMga.) 

Tubleu'  !  comme  vous  y  allez  !  Voilà  une  petite  menotte 
qui  est  un  peu  bien  rude. 

6BORGB  DANDIN. 

Qui  va  là? 

LUBIN. 

Personne. 

GEORGE  DANDIN. 

n  fuit,  et  me  laisse  informé  de  la  nouvelle  perfidie 
de  ma  coquine.  Allons,  il  faut  que  sans  tarder  j'envoie 
appeler  son  père  et  sa  mère,  et  que  cette  aventure  me 
serve  à  me  faire  séparer  d'elle.  Holà!  0>lin,  0)Un. 


I.  Li  pièce  a  troii  actes,  et  chaque  acte  contient  une  oonfidenee  de  Lobin 
h  George  Dandin  :  Toici  la  troiaième.  CeUe-ci  est  laite  par  mépriie;  mais, 
dana  let  deux  premièret,  Lubin  avait  pouaaé  rindiscrétion  de  la  simpUeMI 
aossi  loin  qu'elle  pouvait  aller;  il  n*ctait  plus  possible  d*user  du  même  moyen, 
et  d*aillears  il  en  fallait  trourer  un  autre  pour  Tarier.  La  scène  de  nait  le 
ibomissait  tout  naturellement  à  Molière.  (iVote  d'Aager,) 

a.  A  George  Dandia^  qu'il  prend  toufourt  pour  Claudine^  et  fpU  U  re^ 
fomiêe  rudement,  Tn-Dienl  (1734.) 


57a  GEORGE  DANDIN. 


SCÈNE    IV. 
œUN,  GEORGE  DANDIN*. 

COUNt  ^  ^  fimétre. 

Monsieur. 

GBORGS  DAlfDlN, 

Allons  vitCi  ici-bas'. 

COLUV,  «n  Mutant*  par  U  fcnètn. 

M  y  voilà  :  on  ne  peut  pas  plus  vite. 

GBORGB  DANDIN. 

Tu  es  là? 

COLIN. 

Oui»  Monsieur. 

(fondant  qu'il  Ta  loi  parler*  d'un  e6t&,  Colin  va  de  Pantre.) 

GBORGB   OÂIfDIN*. 

Doucement.  Parle  bas.  Écoute.  Va-t^en  chez  mon 
beau-pére  et  ma  belle-mère,  et  dis  que  je  les  prie  très- 
instamment  de  venir  tout  à  Theure  ici.  Entends-tu  ?  Eh? 
Colin,  G>lin. 

C0UK|  de  raatra  o&té*. 

Monsieur. 

I.  AVOSLIQUI  et  GLITAHDBB,  avM  CLADDnm  et  LUBor,  atsii  mm  jÊmà 
i»  théâtre^   OBORCB    DAimrH,   OOLIH.  (1734.) 

9.  Allons  Tite,  descends.  —  leùbas  ne  se<  prend  plus  dans  eette  acceptîea; 
mais  rAcadémle,  dans  ses  cinq  premières  éditions,  l'entend  toat  k  làît  de  ntes 
dans  rexemple  «  Venez  ici-bas.  *  La  i**  (16^)  donne  de  plos  an  mtee  ssns  : 
«  n  est  id-bas.  » 

3.  CouK,  sautant,  etc.  (1734.) 

4.  Td  est  le  texte  des  éditions  de  167a  et  de  i68a.  L'édition  originale, 
celle  de  1674,  ainsi  que  les  trois  étrangères,  portent  :  iâs  9oit  parUr.  VtiÊL 
éridamment  une  faute  d*impression  ;  on  peut  seulement  hésiter,  pour  la 
rectioUj  entre  veut  et  va, 

5.  Pendant  que  George  Dandin  va  ehereher  Colin  du  eété  ok  il  a 
en  voix^  Colin  patte  de  Pautre,  et  t'endort, 

GiOBoi  DâRDm,  te  tournant  du  e6tè  ok  il  croit  fu*ett  Colin.  (1734.) 

6.  CouK,  de  Vautre  e6té^  te  réveillant,  {Ibidem,) 


▲GTE  III^  SCÈNE  IV.  57! 

6B0MB  daudiu. 
Où  diable  es-tu  ? 

COLIN. 

Ici. 

GBOR6B   DANDIJf. 

(GoauM  ils  te  raalt  tons  dau  ehOTcher,  Pan  paite  (Tua  e6ki,  et  l*Mtra 

dt  Paatre.) 

Peste  soit  du  maroufle  qui  s*éloigne  de  moi*!  Je  te 
dis  que  tu  ailles  de  ce  pas  ti*onver  mon  beau-père  et  ma 
belle-mère,  et  leur  dire  que  je  les  conjure  de  se  rendre 
ici  toutàTheure.  M*entends-tu  bien?  Réponds.  Colin, 
Colin. 

COLUf,  d0  Taotn  c6té'. 

Monsieur. 

GBORGE   DÂNDIlf. 

Voilà  un  pendard  qui  me  fera  enrager.  Yiens-t^en  à 
moi.  (Uf  M  cognent*.}  Ah!  le  traître!  il  m'a  estropié.  Où 
estf-ce  que  tu  es?  Approche,  que  je  te  donne  mille 
coups.  Je  pense  qu'il  mê  fuit. 

COLIN. 


Assurément. 


Veux-tu  venir  ? 


Nenni,  ma  foi! 


GBORGB   DANDIN. 


couir. 


GBORGB  DANDnf. 


Viens,  te  dis-je. 

COLIN. 

Point  :  vous  me  voulez  battre. 


I .  Pendant  qtu  George  Dandin  retourne  d»  eéti  où  il  croit  que  Colin  est 
reetéf  Colin^  à  moitié  endormi ^  patte  de  V antre ^  et  te  rendort,  (1734*} 

3.  CoLor,  de  Vautre  eâté,  te  réveillant,  [Ibidem,) 

3.  lit  te  cognent^  et  tombent  tant  deux,  (167a,  Sa.)  •»  Ile  te  rencontrent^ 
et  tomheni  tout  deux,  (1734.) 


$74  GEORGE  DÂNDIN. 

GBOKGB   DANDllI* 

Hé  bien!  non.  Je  ne  te  ferai  rien. 

COUN. 

Assurément  ? 

GBOaGE  DANDIlf. 

Oui.  Appioche.  Bon.  *  Tu  es  bien  heureux  de  ce  que 
j'ai  besoin  de  toi.  Va-t'en  vite  de  ma  part  prÎCT 
mon  beau-père  et  ma  belle-mère  de  se  rendre  ici  k 
plus  tôt  qu'ils  pourront,  et  leur  dis  que  c'est  pour  une 
affaire  de  la  dernière  conséquence;  et  s'ils  faisoieiit 
quelque  difficulté  à  cause  de  l'heure,  ne  manque  pas 
de  les  presser»  et  de  leur  bien  faire  entendre  qa*il  est 
très-important  qu'ils  viennent»  en  quelque  état  qu'ik 
soient.  Tu  m'entends  bien  maintenant? 

COUN. 

Oui,  Monsieur. 

GBORGB  DâNDIN. 

Va  vite,  et  reviens  de  même.*  Et  moi,  je  vais  rentrer 
dans  ma  maison,  attendant  que....  Mais  j'entends  quel- 
qu'un. Ne  seroit-ce  point  ma  femme?  Il  faut  que  j'ë- 
coute,  et  me  serve  de  l'obscurité  qu'il  fait.' 


SCENE  V. 

CLITANDRE,  ANGÉLIQUE,  GEORGE  DANDIN, 

CLAUDINE,  LUBIN- 

▲NGBLIQUB^. 

Adieu.  Il  est  temps  de  se  retirer. 

I.  A  Coiint  ^Hl  tient  par  U  bras,  (i734.) 

a.  Se  croyant  seul,  (Tbidem.) 

3.  George  Dandin  se  range  prés  la  porte  de  sa  maison,  (Tbidetti,) 

4*     AVOBUQUB,  CX.rrABDRB,  GLAITDlirE,  LUBIK,  OBOAGB  DAimor. 

AvaiUQUB,  à  Clitandre,  (Ibidem,) 


ACTE  III,  SCÈNE  Y.  S7S 

CLITAirDRB. 

Quoi?  ai  tôt? 

▲IVG&UQUB. 

Nous  nons  sommes  assez  entretenus. 

CLITAIfDRB. 

Ah!  Madame,  puis-je  assez  vous  entretem/i  et  trouver 
en  si  peu  de  temps  toutes  les  paroles  dont  j*ai  besoin? 
Il  me  faudroit  des  journées  entières  pour  me  bien  expli- 
quer  à  vous  de  tout  ce  que  je  sens',  et  je  ne  vous  ai  pas 
dit  encore  la  moindre  partie  de  ce  que  j*ai  à  vous  dire. 

▲IfGÉLlQUB. 

Nous  en  écouterons  une  autre  fois  davantage. 

CLrTÂNDRB. 

Hélas!  de  quel  coup  me  percez- vous  Tâme  lorsque 
vous  parlez'  de  vous  retirer,  et  avec  combien  de  cha- 
grins* m*alIez-vous  laisser  maintenant? 

▲ngAliqub. 

Nous  trouverons  moyen  de  nous  revoir. 

CLrrANDRE. 

Oui;  mais  je  songe  qu*en  me  quittant,  vous  allez 
trouver  un  mari.  Cette  pensée  m^assassine,  et  les  privi- 
lèges qu'ont  les  maris  sont  des  choses  cruelles  pour  un 
amant  qui  aime  bien. 

▲IfCéUQUB. 

Serez- vous  assez  fort^  pour  avoir  cette  inquiétude, 
et  pensez-vous  qu'on  soit  capable  d'aimer  de  certains 
maris  qu'il  y  a?  On  les  prend,  parce  qu'on  ne  s'en  peut 

1.  Voy»  dans  le  Dieitonnairê  de  M.  ZAttré,  h  Tartiele  BxFUQUKAy  8*,  les 
•sampkt  de  Bossaet ,  de  Bonrdaloue  et  de  la  Brayère  où  ê'txfiiquer  et t, 
eoBune  ici,  conttrait  arec  de, 

a    Lortqne  toos  me  parles.  (1718,  3o»  33»  34.) 

3.  De  chagrin.  (1697,  1710,  18,  3o,  33,  34>) 

4.  Serica-Toiu.  (1718,  3o,  33.)  —  Ce  mol/art^  qui  eat  la  le^on  de  l'^tîon 
originale,  parait  étrange  iet,  et,  eomme  ironie,  le  comprend  k  peine  ;  les  leslet 
de  167»,  1674,  168a,  1734  7  tobatitaent  ybî^^  :  n'ett-ce  paa  ploa  probn- 
bieoMAiyte  qu'il  faut  lire  ? 


$76  GEORGE  DANDIN. 

dëfendrei  et  que  Ton  dépend  de  parents  qui  n*ont  des 
yeux  que  pour  le  bien';  mais  on  sait  leur  rendre  jusdoe, 
et  Ton  se  moque  fort  de  les  considérer  au  delà  de  ce 
qu*ils  méritent. 


GBORGB   DÂlCDnf*. 


Voilà  nos  carognes  de  femmes. 

CLmKDRB. 

Ah  !  qu*il  fiiut  avouer  que  celui  qu*on  vous  a  donné 
étoit  peu  digne  de  Thonneur  qu*il  a  reçu,  et  que  c^est 
une  étrange  chose  que  Tassemblage*  qu*on  a  fait  d*une 
personne  comme  vous  avec  un  homme  comme  lui! 

GBORGB   DÂlfOIN,  à  part. 

Pauvres  maris!  voilà  comme  on  vous  traite. 

CLrriNDRB. 

Vous  méritez  sans  doute  une  toute  autre  destinée,  et  le 
Gel  ne  vous  a  point  faite  pour  être  la  femme  d*un  paysan  ^. 

GBORGB  DÂNDIN. 

Plût  au  Gel  fût-elle  la  tienne  !  tu  changerois  bien 
de  langage*.  Rentrons;  c*en  est  assez. 

(n  entra  et  ferme  le  porte*.) 


I.  Pour  les  biens,  ponr  U  fortune.  —  n.  Gionas  DAmm,  à  pmrt,  (1734.) 

3.  Sor  ea  mot  d*aM«iiiMef#,  Toyei  cî-dettQS|  p.  456,  la  note  a  an  vcn 
1695  d^jMfkiirjron, 

4.  Aoger  rappelle  qne  Dom  Joan  tient  à  peu  prêt  le  néine  langage  k 
Charlotte,  TaceordAe  de  Pierrot  (acte  II,  aeène  u,  tome  V,  p.  117)  :  «  Qeoî? 
one  personne  eomme  Toot  leroit  la  femme  d*an  aimple  paysan  I  Non,  naa  : 
c*est  profaner  tant  de  beautés,  et  tobs  n*étes  pas  née  pour  demenrer  dans  nn 
▼iUage.  Voos  miritei  sans  doate  une  meiUenie  Cartene.  » 

5.  La  phrase  est  ainsi  ponetaée,  aTee  une  rirgole  de  pies  derant/Si,  dans 
lea  éditions  de  1697»  17 10,  18,  3o,  33,  34,  et  noos  arons  tb  le  même  toar 
employé  par  Molière,  à  Pexemple  de  Rotroa,  dans  le  vers  447  d'AmfkUrjrmu 
n  y  a  one  antre  eoape  dans  les  testes  plos  anciens,  jusqu'à  celai  de  iG^i 
inclusivement  :  «  Pl&t  an  Ciel!  fdt-elle  la  tienne,  ta  changerais  bien  de  Ud- 
gage.  •  Biais  nous  croyons  que,  jadis  conme  aujourd'hui,  cela  e&t  touIu  dire, 
sens  impossible  ici  :  «  quand  bien  même  elle  serait  la  tienne,  »  et  aon  :  «  m 
elle  était,  etc.  • 

6.  Ceorg€  DandU,  étant  rentré^  firme  la  porU  #n  dêdmu. 

SdtNB  VI. 
AVOBUQUl,   QLITAaDmBy   CLAUDDAi  LUSn.   (l7H-) 


ACTE  III,  SCËNB  T.  S77 

CLAUDtHB. 

Madame,  si  tous  avez  à  dire  da  mal  de  votre  mari, 
dépêchez  vite,  car  ÎI  est  tard. 

CLITlIfDKB. 

Ah  !  CUndine,  que  tu  es  cruelle  ! 
Elle  a  raison.  Séparons-nous. 

CtirAKBRK. 

Il  faut  donc  s'y  résoudre,  puisque  vous  le  voulez. 
Hais  au  moins  je  voua  conjure  de  me  plaindre  un  peu 
des  méchants  moments  que  je  vais  passer. 

ÀKOiLIQDE. 

Adieu. 

LDBin. 

Ob  es-tu,  Claudine,  que  je  te  donne  le  bonsoir? 

CIAVDIKB. 

Va,  va,  je  le  reçob  de  loin,  et  je  t'en  renvoie  autant. 


SCÈNE  Vin 

ANGÉLIQUE,  CLAUDINE,  GEORGE  DANDIN'. 

IHGâLIQUB. 

ReotroDS  sans  faire  de  bruit. 


I,  i  cUutJrt.  [1734.} 

dam  U  jMlimi!a  du  BarbenUli  {ttèaa  x-ui,  p.  3;-43  de  notre  lomg  []  :  on 
traoTen  li  rippmchéea.  dini  In  notai,  quoligaei  eipreuioiu,  i)iwlq«i 
phreiei  de  li  Circe  et  de  li  comédie  ou  toute*  Bembliblt 

inJMt  k  pro5t  pour  !■  Cu  de  ta  pièce,  et  lur  quelque*  vutr 
tgt  où  N  Iraun  I«  jiênpétia  eainii|ue  qui  ti  imefur  l'irri 
de  Caorge  Dap<|(ii,  TO^ex  1*  tfaiia,  p.  481-490. 
ï.  SCfNE  VII. 

AiTciuQvi,  cxauntn.  (>l34-) 


S7S  6B0RGB  DANDIN. 

CLAUDINB. 

La  porte  s*est  fermée. 
Tai  le  passe-partout. 

'  CLÀDDINB. 

Ouvrez  donc  doucement. 

▲NGàUQUa. 

On  a  fermé  en  dedans,  et  je  ne  sais  comment  noii 
ferons. 

CULUDIKl, 

Appelez  le  garçon  qui  couche  là. 

▲NGiUQUB. 

Colin,  Colin,  Colin. 

GSORGB   DANDIN,  mettant  U  tAt«  à  ta  fenètn^ 

Colin,  Colin?  Ah!  je  vous  y  prends  donc,  Ifadiae 
ma  femme,  et  vous  &ites  des  escampativos  *  pendiot 
que  je  dors.  Je  suis  bien  aise  de  cela,  et  de  voas  toir 
dehors  a  Theure  qu*il  est. 

▲ngAuqub. 

Hë  bien  !  quel  grand  mal  est-ce  qu^il  y  a  a  prendre 
le  frais  de  la  nuit  ? 

t.  Alafimêtrê,  (167a,  74,  8a.)  «• 

SCÈNE  VIU. 

OIOBOI    DAHDUr,  AHOBUQim,  CLAUDOn. 

GioaOB  DARDiir,  à  la  fenêtrt,  (i734>) 

a.  Vona  faitm  dm  fnguos.  Escampativos  est,  d*après  M.  Littré,  vmt  «  dv** 
burletqae  tirée  à'eseampgr  (vieux  mot  qui  se  disait  pour  se  retirer,  ieiiùt] 
oa  peot-étre  do  latin  maearoniqae  escampate  vos,  »  —  «  CTcst,  dit  H.  Add- 
pbe  Espagne  (p.  1 8  de  sa  brochure  intitnlée  des  Influences  provtueela  ^ 
la  langue  de  Molière)^  la  eonversion  en  sakistantif,  arec  le  ÀangeamtdiO 
en  H',  de  la  location  rerlMde  escampate  vos^  «  tous  d^mpes,  toos  sOss  f 
les  diamps.  »  On  dit  à  nn  enfant  importun  :  escampa-te,  «  éduppe-toà,  n 
coorir  les  champs,  »  pour  dire  :  •  bisse-moi  tranquille.  •  M.  Littrè  a  lelew 
dans  la  Fraie  histoire  comique  de  Franeion  par  Charles  Sord  (Kvre  H 
p.  249  de  rédition  de  1641;  p>  i56  de  Tédition  de  M.  Colonibey),  nnocap'' 
du  mot  employé  au  singulier  :  «  Je  suis  las  d'attendre,  je  m*en  vais  £drr  » 
petit  escampativos  et  danser  ici  moi*m^me,  si  tu  ne  viens  tout  à  cette  hearr 


ACTE  III,  SGÂNE  YI.  579 

GBORGB   DANDIN. 

Oai,  oui,  rbeure  est  bonne  i  prendre  le  frais.  Cest 
bien  plutôt  le  chaud ,  Madame  la  coquine;  et  nous 
savons  toute  Tintrigue  du  rendez-vous,  et  du  Damoi* 
seau.  Nous  avons  entendu  votre  galant  entretien,  et 
les  beaux  vers  à  ma  louange  que  vous  avez  dite  Tun 
et  Tautre.  Mais  ma  consolation,  c^est  que  je  vais  être 
vengé,  et  que  Votre  père  et  votre  mère  seront  convain- 
cus maintenant  de  la  justice  de  mes  plaintes,  et  du 
dérèglement  de  votre  conduite.  Je  les  ai  envoyé  quérir» 
et  ils  vont  être  ici  dans  un  moment. 

▲NGÉLIQUB^. 

Ah  Ciel  ! 

CLAUDIlfB. 

Madame. 

GEORGB   PANDIN. 

Voilà  un  coup  sans  doute  où  vous  ne  vous  attendiez 
pas.  Cest  maintenant  que  je  triomphe,  et  j*ai  de  quoi 
mettre  à  bas*  votre  orgueil,  et  détruire  vos  artifices. 
Jttsques  ici  vous  avez  joué  mes  accusations  ',  ébloui  vos 
parents,  et  plâtré  vos  malversations  ^.  J'ai  eu  beau  voir. 


I.  AnoiuQUB,  à  part,  (i734-) 

a.  Sur  cette  expratsioa  trèt-iuitée  au  diz-iepti&ine  •!«€]•,  Toyoz  le  Dleium» 
naire  de  M.  Liitré,  à  rarticle  Bai,  6*;  elle  ■  iti  employée  par  Soâe  aa 
rers  igS  é*  Amphiirjren, 

3.  Jemer  aemble  prendre  ici  la  plaee  de  déjouer^  qui  n*était  paa  encore 
employé*,  de  «  détourner  adroitement  »,  de  «  confondre  »;  il  8*expllqaerait 
bien  d^ailleum  par  «  m  moqaer  de....  » 

4*  En  étendant  an  lena  général  de  disordres  de  conduite  ce  terme  qui 
d^ordinaire  ne  s*applique,  d'après  la  définition  de  tons  les  dictionnaires  an- 
ciens et  modernes,  qu'aux  actes  d'improbité  commis  dans  Texercice  d'une 
charge,  d'un  emploi,  d'un  mandat,  et  le  plus  sourent  à  des  détournement! 
considérables  de  deniers,  Molière  «  s'est  servi,  dit  Génin,  d'un  mot  impropre  ; 
ou  plutôt  n'y  aurait-il  pas  nne  intention  comique  dans  cette  impropriété 
même?  Le  paysan  enrichi  se  sert  du  terme  le  plus  coasidérable  qu'il  con- 
naisse pour  accuser  sa  femme,  et  c'est  un  terme  de  finances.  » 

*  L'Académie  ne  le  donne  en  ce  sens  que  dans  sa  5*  édition. 


I 


S8o  6B0R6B  DANDIN. 

et  beau  dire,  et  votre  adresse*  toujours  Fa  emporté  sur 
mon  bon  droit,  et  toujours  vous  avez  trouTé  moyen 
d*avoir  raison;  mais  à  cette  fois,  Dieu  merci,  les  choses 
vont  être  écUircies,  et  votre  effronterie  sera  pleinement 
confondue. 

▲NGiUQUB. 

Hé!  je  vous  prie,  faites-moi  ouvrir  la  porte. 

GBOaOB   DAlimif. 

Non,  non  :  il  faut  attendre  la  venue  de  ceux  que  j*tt 
mandés,  et  je  veux  qu'ils  vous  trouvent  dehors  a  la  belle 
heure  qu'il  est.  En  attendant  qu'ils  viennent,  songez, 
si  vous  voulez,  à  chercher  dans  votre  tète  quelque  nou- 
veau détour  pour  vous  tirer  de  cette  affaire,  i  inventer 
quelque  moyen  de  rhabiller  votre  escapade,  à  trouver 
quelque  belle  ruse  pour  éluder*  ici  les  gens  et  paroi- 
tre  innocente,  quelque  prétexte  spécieux  de  pèlerinage 
nocturne,  ou  d'amie  en  travail  d'enfant,  que  vous  ve» 
niez*  de  secourir. 

ANGÉLIQUE. 

Non  :  mon  intention  n'est  pas  de  vous  rien  déguiser. 
Je  ne  prétends  point  me  défendre,  ni  vous  nier  les 
choses,  puisque  vous  les  savez. 

GEORGE   DANDIN. 

C'est  que  vous  voyez  bien  que  tous  les  moyens  vous 
en  sont  fermés,  et  que  dans  cette  affaire  vous  ne  san* 
riez  inventer  d'excuse  qu'il  ne  me  soit  facile  de  con- 
vaincre de  fausseté. 

ANGÉLIQUE. 

Oui,  je  confesse  que  j'ai  tort,  et  que  vous  avez  sujet 
de  vous  plaindre.  Mais  je  vous  demande  par  grâce  de 

I.  Et  beau  dire,  Totre  adretie.  (167a,  8a,  S4  A,  94  B,  97,  1710,  iS,  3o. 

33, 34.) 
a.  Pour  jouer,  tromper,  comme  ci-deuof,  aa  mt  1629  ^Amphitry^m, 

3.  Que  TOUS  Tenet.  (t7i8«  3o,  33^  34.) 


ACTE  III,  SCàNB  Tl.  5«i 

ne  m'exposer  point  maiatenaiit  à  la  mauvaise  humeur 
de  mea  parents,  et  de  me  faire  promptement  ouvrir. 
GIOMGE  dâudih. 
Je  TOUS  baise  les  mains. 

ANCfajQDB. 

Eh!  mon  paavic  petit  mari,  je  vous  en  conjure. 


Ah  *  !  mon  pauvre  petit  mari  ?  Je  suis  votre  petit  mari 
maintenant,  parce  que  vous  vous  sentez  prise.  Je  suis 
iMen  aiae  de  cela,  et  voua  ne  voua  étiez  jamais  a vis^ 
de  me  dire  de  ces  douceurs*, 

ÂKCftLlgul. 

Tenez,  je  vous  promets  de  ne  voua  plus  donner  aucun 
sujet  de  déplaisir,  et  de  me.... 

OBORGB    DiHDIN. 

Tout  cela  n'est  rien.  Je  ne  veux  point  perdre  cette 
aventure,  et  il  m'importe  qu'on  soit  une  fois  ëdairci  à 
fond  de  vos  déportements. 

ANGÂLIQDB, 

De  grâce,  Laissez-moi  vous  dire.  Je  vous  demande  un 
moment  d'audience. 

6B0RGB    DAininf. 

Hé  bien,  quoi? 

ANOftUQDI. 

Il  est  vrai  que  j'ai  failli,  je  vous  l'avoue  encore  une 
fois,  et  que  votre  ressentiment*  est  juste  ;  que  j'ai  pris 
le  temps  de  sortir  pendant  que  vous  dormiez,  et  que 
cette  sortie  est  un  rendez-vous  que  j'avois  donné  à  la 
personne  que  vous  dîtes.  Mais  enfin  ce  sont  des  actions 
que  vous  devez  pardonner  à  mon  âge  ; 

I.  Eb)  (i^iS,  3o,  33.)  —  Ml  [ijH.) 
1.  Da  ■■  din  est  doscaon.  (1671,  81,  17)4.) 
3.  Emoi*  qm  foù,    qiu  Totra  iriiiiiitiiiwt    (iS;*, 
3o,U,J».) 


S8a  GEORGE  DANDIN. 

menu  de  jeune  personne  qui  n'a  encore  rien  tu,  et  ne 
fait  que  d'entrer  an  monde*;  des  libertés  où  Ton  s'a- 
bandonne sans  y  penser  de  mal,  et  qui  sans  doute  dans 
le  fond  n  ont  rien  de.... 

GBORGB   DAlfDIN. 

Oui  :  VOUS  le  dites,  et  ce  sont  de  ces  choses  qui  ont 
besoin  qu'on  les  croie  pieusement. 

▲NGiUQUB. 

Je  ne  veux  point  m'excuser  par  la  d'être  coupable 
envers  vous,  et  je  vous  prie  seulement  d'oublier  une 
offense  dont  je  vous  demande  pardon  de  tout  mon  cœor, 
et  de  m'épargner  en  cette  rencontre  le  déplaisir  que 
me  pourroient  causer  les  reproches  (acheux  de  mon 
père  et  de  ma  mère.  Si  vous  m'accordez  généreusement 
la  grâce  que  je  vous  demande,  ce  procédé  obligeant, 
cette  bonté  que  vous  me  ferez  voir,  me  gagnera  en- 
tièrement. Elle  touchera  tout  à  fait  mon  cœur,  et  j  feia 
naître  pour  vous  ce  que  tout  le  pouvoir  de  mes  parents 
et  les  liens  du  mariage  n'avoient  pu  y  jeter.  En  un  mot, 
elle  sera  cause  que  je  renoncerai  à  toutes  les  galan- 
teries, et  n'aurai  de  l'attachement  que  pour  vous.  Oui, 
je  vous  donne  ma  parole  que  vous  m'allez  voir  désor- 
mais la  meilleure  femme  du  monde,  et  que  je  vous 
témoignerai  tant  d'amitié,  tant  d'amitié,  que  vous  en 
serez  satisfait. 

GBORGB   DANDIN. 

Ah  !  crocodile,  qui  flatte  les  gens  pour  les  étrangler. 

ÂNGÉUQUB. 

Accordez-moi  cette  faveur. 

GBORGB   DANDIN. 

Point  d'affaires.  Je  suis  inexorable. 


I.  D*entrer  dams  le  monde  :  noat  «toiu  releré  im  emploi  eemblabk  de  b 
priposidon  â,  d-deMue,  ans  yars  1643  et  1894  d^Jmpkitrjram* 


ACTE  III,  SCÈNE  ▼!.  583 

▲NGiUQUB. 

Montrez-vous  généreux  • 

OBORGB   DANDIN. 

Non. 

angAuqub. 

De  grâce! 

GBORGB  DANDIII. 

Point. 

▲NGiLIQUB. 

Je  TOUS  en  conjure  de  tout  mon  cœur. 

GBORGB  nANnm. 
Non,  non,  non.  Je  veux  qu*on  soit  détrompé  de  vous, 
et  que  votre  confusion  éclate. 

ÂNGÀLIQUB. 

Hé  bien  !  si  vous  me  réduisez  au  désespoir,  je  vous 
avertis  qu*une  femme  en  cet  état  est  capable  de  tout, 
et  que  je  ferai  quelque  chose  ici  dont  vous  vous  repen- 
tirez. 

GBORGB   DANDIN. 

Et  que  ferez-vous,  s*il  vous  plaît  ? 

ÂNG&UQUB. 

Mon  cœur  se  portera  jusqu*aux  extrêmes  résolutions, 
et  de  ce  couteau  que  voici  je  me  tuerai  sur  la  place. 

GBORGB   nANDIll. 

Ah!  ah!  à  la  bonne  heure. 

▲NGiLIQUB. 

Pas  tant  à  la  bonne  heure  pour  vous  que  vous  vous 
imaginez.Oa  sait  de  tous  côtés  nos  différends,  et  les  cha- 
grins^ perpétuels  que  vous  concevez  contre  moi.  Lors- 
qu'on me  trouvera  morte,  il  n'y  aura  personne  qui 
mette  en  doute  que  ce  ne  soit  vous  qui  m'aurez  tuée; 
et  mes  parents  ne  sont  pas  gens  assurément  à  laisser 

!•  Lot  rafteoataBtflOMDti  :  voya  d-dmat,  p.  a49t  note  a. 


S84  GEORGE  DANDIN. 

cette  mort  impiinie«  et  ils  en  feront  snr  votre  penomie 
toute  la  punition  que  leur  pourront  offrir  et  les  ponv- 
suites  de  la  justice,  et  la  chaleur  de  leur  ressentimcnft. 
Cest  par  là  que  je  trouverai  moyen  de  me  venger  de 
vous,  et  je  ne  suis  pas  la  première  qui  ait  su  reooaiir  a 
de  pareilles  vengeances,  qui  n*ait  pas  fait  difficulté  de 
se  donner  la  mort  pour  perdre  ceux  qui  ont  la  cmanlé 
de  nous  pousser  à  la  dernière  extrémité. 

GBOBGB   DANDIN. 

Je  suis  votre  valet  ^  On  ne  s'avise  plus  de  se  tuer 
soi-même,  et  la  mode  en  est  passée  il  y  a  longtemps. 

▲NCiLIQUB. 

C*est  une  chose  dont  vous  pouvez  vous  tenir  sâr;  et 
si  vous  persistez  dans  votre  refus,  si  vous  ne  me  faites 
ouvrir,  je  vous  jure  que  tout  à  Theure  je  vais  vous  fiûre 
voir  jusques  où  peut  aller  la  résolution  d'une  personne 
qu'on  met  au  désespoir. 

GBOBGB  DANDIN. 

Bagatelles,  bagatelles.  Cest  pour  me  faire  peur. 

▲NGiUQUB. 

Hé  bien!  puisqu'il  le  faut,  voici  qui  nous  contentera 
tous  deux,  et  montrera  si  je  me  moque.*  Ah  c'en  est  ikic. 


I.  Voya  ô-daiisnt,  p.  54S  «t  note  3$  comparai  TespraHioB  :  «  le  nmê  bmt 
loi  muiMÊ*  (p.  58 1). 

s.  Apte*  mvoir/ait  sêmbiamt  de  te  tuer.  (1734.]  —  AngâiqM  a 
iâ  1  âne  autre  feinte  que  eelle  qui  avait  été  imaginfe  par  le  pream 
da  la  vieille  hUtoire  (Toyes  k  la  Neiiee^  p.  484,  485  et  rnivantea).  A 
wnoiselle  joaant  cette  eomédie  de  toicide  Tidéedene  frapper  d'un  eooptragSqat 
lit  peat-étre  plaa  natarellemait  Tenir  qœ  celle  d*aoe  pierre  à  jcicr  éïai 
poits.  CailhaTa  *  regrettait  que  Molière  eût  resoneé  an  moyen  le  plna  II* 
▼orable  à  rillosion  tbéâtrale  ;  il  arait  tu,  poar  y  aider,  les  Iteliens  ranBicr 
]aaqa*ao  bmit  de  la  pierre  &iaant  éelaboasacr  Teau.  M oHcre  ae  acMKÎait  om 
donte  peu  de  donner  de  pareillea  MUMliona,  d*amaaer  par  nna  ai  pnérila  ma> 
cUne,  et  d*ailleur«  rar  son  théâtre  encombré  de  spectateurs  il  devait 
préférer  la  mise  en  scène  la  plus  simple.  *>Iians  Sacha,  qui  pluad^ 

•  De  VAn  de  U  eomédie,  tome  II,  p.  3oS  et  3ob,  et  jf «b^m  aar  Jialift», 
P.S99. 


ACTE  III,  SCÈNE  YI.  58S 

Fasse  le  Gel  que  ma  mort  soit  vengée  comme  je  le 
souhaite,  et  «jue  celui  qui  en  est  cause*  reçoive  un  juste 
châtiment  de  la  dureté  qu*il  a  eue  pour  moi! 

6BOBGB    DANDIN. 

Ouais!  seioit-elle  bien  si  malicieuse  quedes*être  tuée* 
pour  me  faire  pendre?  Prenons  un  bout  de  chandelle 
pour  aller  voir. 

ang&liqub'. 

St.  Paix  !  Rangeons-nous  chacune  immédiatement 
€ontre  un  des  côtés  de  la  portjs.* 

GBOBGB   DANDIlf. 

La  méchanceté  d*une  femme  iroit-elle  bien  jusqueJà? 

(il  fort  «Tcc  on  bout  de  cliaiideUey  mm  les  apcrceTOir;  eUee  entrent; 

mûÊiMt*  éUei  ferment  la  porte.)  U  n*y  a*  personne.  Eh  !  je 
m^en  étois  bien  douté,  et  la  pendarde  s^est  retirée, 
▼oyant  qu*elle  ne  gagnoitrien  après  moi',  ni  par  prières 
ni  par  menaces.  Tant  mieux!  cela  rendra  ses  affaires 
encore  plus  mauvaises,  et  le  père  et  la  mère  qui  vont 


Miolître,  en  1 553,  «Tait  montré  rar  m  teène  populaire  de  Niirembeiy  les  per- 
1^  de  la  joycnae  aoccdote,  n*avaît  Datarrllement  pat  chao^  la  donnée 
s,  ainfl  que  le  prouve  le  titre  même  de  u  faree,  «le  ton  «  jeu  de 
ivel  m  i  ta  femmta  dams  hgmits*.  m 
I.  Qui  en  ett  b  caete.  (1S79,  Sn«  1734.) 
a.  Voyet  ei-deitae,  p.  5s6,  note  3. 

3.  SCÈNE  IX. 

AVoiuQUB,  GLAvnnm. 

AiftBUQOS,  à  Ciaudme,  (1734.) 

4.  SCtlIE  X. 

AMoàUQm  et  CLAUDUm,  êmtramt  dans  la  maison,  au  moment  f*#  Gaergê 
PmmdiM  em  eari^  et  fermant  ta  porte  en  dedans,  OBOBOB  DAHDOif  une  okam» 
dette  à  le  mam.  (Ibidem.) 

5.  XtaoatîtAt.  (1697,  1710,  18,  3o,  33.) 

S.  loaqne-iè?  {Sent,  après  œoir  regardé  par  tant. )  H  n'y  a....  (1734.) 
9*  jtftrêe  mai,  en  t'attaqnant  k  moi  de  toetet  let  manicrta  :  comparai  cl» 
I»  p.  49  **  5o,  cette  phraie  du  Médecin  malgm  tui  (aete  I,  tcène  iv)  1 

ont  épniaé  toute  lenr  aeienee  aprât  elle.  • 


•  Cité  dent  VintroJmetion  de  M.   H..A.  Bélier  il  ton  édition  du  JInmm 
wrriift  doe  sopt  sagee^  p.  aca  et  caooi. 


S86  6B0R6B  DANDIN. 

Tenir  en  yerront  mieui:  son  crime.  Ah!  ah!  la  poru 
sW  fermée ^  Holi!  ho!  quelqu'un!  qu'on  mtmnt 
promptement  ! 

ANCiLIQUBy  à  k  fenltre  a^«e  CUndiiM. 

G>mment*?  c'est  toi!  D'où  viens-tu,  bonpendanl? 
Est-il  l'heure  de  revenir  chez  soi  quand  le  jour  est 
près  de  parottre  ?  et  cette  manière  de  vie  est-elle  celle 
que  doit  suivre  un  honnête  mari  ? 

CLAUDINE. 

Cela  est-il  beau  d'aller  ivrogner  toute  la  nuit  ?  et  de 
laisser  ainsi  toute  seule  une  pauvre  jeune  femme  dans 
la  maison? 

GBORGB   PANDIN. 

Comment  ?  vous  avez .... 

ANGÉLIQUE. 

Va,  va,  traître,  je  suis  lasse  de  tes  dëportements,  et 
je  m'en  veux  plaindre*,  sans  plus  tarder,  à  mon  père  et 
à  ma  mère. 

GEORGE    DANDIN. 

Quoi?  c'est  ainsi  que  vous  osez.... 


I.  Après  mvoir  été  à  U  porté  de  êm  maiton  pout  r§mtrer.  Ah!  ah  !  la  porte 
catliBniiéo.  (1734.) 
3.  SCÊNK  XI. 

AJfOBLIQUB    «f    CLÂUDm,    à  iafimêtrê,    OBO&OB  DASIUV. 

ÀnoâuquE. 
Comment?  (1734.) 
3.  Bt  je  refo.  m*en  plaindre.  (171O1  18,  3o,  33^  34.) 


ACTE  III,  SGÉNB  VII.  S87 


SCÈNE  VII. 

MONSIEUR  BT  MADAME  DE  SOTENVILLE,  COLIN, 
CLAUDINE,  ANGÉLIQUE,  GEORGE  DANDIN. 

(Koanear  tt  Madamn  de  SoteBTÎlb  tout  en  des  habite  de  Bait«  et  eonduts 

par  GoUa,  qui  porte  une  lanterne.) 

▲NGÉLIQUB^ 

Aj^rochez,  de  grâce,  et  venez  me  faire  raison  de 
l^inaolence  la  plus. grande  du  monde  d'un  maria  qui 
le  vin  et  la  jalousie  ont  troublé  de  telle  sorte  la  cer« 
velle,  qu'il  ne  sait  plus  ni  ce  qu'il  dit,  ni  ce  qu'il  fait, 
et  vous  a  lui-même  envoyé  quérir  pour  vous  faire  té- 
moins' de  l'extravagance  la  plus  étrange  dont  on  ait 
jamais  ouï  parler.  Le  voilà  qui  revient  comme  vous 
voyez,  après  s'être  fait  attendre  toute  la  nuit;  et,  si  vous 
voulez  l'écouter,  il  vous  dira  qu'il  a  les  plus  grandes 
plaintes  du  monde  à  vous  faire  de  mol  ;  que  durant  qu'il 
dormoit,  je  me  suis  dérobée  d'auprès  de  lui  pour  m'en 
aller  courir,  et  cent  autres  contes  de  même  nature  qu'il 
est  allé  rêver. 

GBOR6B  DANDIlf'. 

« 
Voilà  une  méchante  carogne. 

CLAUDINB. 

Oui,  il  nous  a  voulu  faire  accroire  qu'il  étoit  dans  la 


X.  SCÈNE  XII. 

•    Di   SOTIHTILLB  et   M**  DE  SOTIHVILLB,    «A    déshabilU    de    mmit, 
GOLQi,  pétant  une  laïuerne,  ahoklxqub  «I  CLAUDUn,  àlm/mitr§, 

OBOaOI  DAHOIir. 

AwiÉLZQUi,  àM,€i  Mme  de  Sotêiwillê.  [tjH») 

%.  Tdmoim^  eans  #,  dam  Tédition  originale  et  dans  les  trois  étrangères. 
3.  Gaoew  DàJOUMf  it  part,  (1734.} 


SM  aBORGK  DANDIir. 

maiflont  et  que  nous  en  étions  dehors  S  et  c*est  une 
folie  qu'il  n'y  a  pas  moyen  de  lui  ôter  de  la  tête. 

MOlISlBUn  DB   SOTBIITILLB. 

Commentt  qu*est-€e  à  dire  cela? 

MADAME   DB   SOTBlfVILLB. 

Voilà  une  furieuse  impudence  que  de  nous  envoyer 
quenr* 

GBOBGB   DAIfDIN. 

Jamais.  ••• 

ANGitIQUB. 

Non,  mon  père,  je  ne  puis  plus  souffirir  on  mari  de 
la  sorte.  Ma  patience  est  poussée  à  bout,  et  il  Tient  de 
me  dire  cent  paroles  injurieuses. 

MONSIEUR    DE    SOTBlfTILLE  *  • 

G>rbleu!  vous  êtes  un  malhonnête  homme. 

CLAUDIlfB  *• 

Cest  une  conscience  de  voir  une  pauvre  jeune  femme 
traitée  de  la  façon  ^,  et  cela  crie  vengeance  au  Gel. 

GBOBGB  DANDIIf. 

Peut*on...? 

MADAMB   DB   SOTBNVILLB. 

Allex,  vous  devriez  mourir  de  honte. 

GEORGE    DANDIN. 

Laissez-moi  vous  dire  deux  mots. 

ANGÉLIQUE. 

yousn'avezqu'irécouter,il  va  vous  en  conterde  belles. 

I.  Et  qiM  noat  Mont  dchon.  (1679,  8a,  97,  1710,  18,  3o,  33,  34-) 
«.  M.  DB  SoTBiiTiLLB,  k  GsoTgg  Dandm,  (1734.) 

3.  Daat  PéditioB  origiaale,  la  phraie  qui  mit  :  «  C*«tt  ane  comcicBoe,  •  ele., 
ait  1  la  I%ne,  aa  hant  d'une  page,  et  le  nom  da  penonnage  qui  la  dit  a  été 
onit;  let  éditions  de  1673,  1674,  1 68a  la  mettent  dans  la  boudie  d'Aaoé- 
UQOb;  Pédition  de  1734  et  let  troia  étrangères  dans  celle  de  CLàumB,  oà 
file  noua  paraît  plus  vraisemblBble. 

4.  De  eette  fa^on-là.  On  a  dcjè  vu  deux  foie  eettecxpreaaioB  dans  ee  ▼obme: 
cUdesans,  p.  1 16  (à  la  scène  yta  de  Tacte  III  dn  Médêdm  mai^  laî),  et 
p*  180  (an  vers  5io  de  Mslietru). 


AGTB  III,  SCÉHB  YII.  St9 

Je  désespère '• 

CLAUOIIIB. 

Il  a  tant  bu,  que  je  ne  pense  pas  qu*on  paisse  durer 
contre  lui,  et  Todeur  '  du  vin  qu'il  souffle  est  montée 
jusqu'à  nous. 

GB0R6B   nANOIN. 

Monsieur  mon  beau-pére,  je  vous  conjure.... 

MONSIBUR    DB   SOTBNVILLB. 

Retirez^vous  :  vous  puez  le  vin  à  pleine  bouche^. 

GBORGB   DANOIN. 

Madame,  je  vous  prie.... 

MAOAMB   PB   SOTBNVILLB. 

Fi!  ne  m*approcbez  pas  :  votre  haleine  est  empestée. 


GBORGB   DANDIN^. 


Soufirez  que  je  vous.... 


t.  Gborob  DàVDOi,  à  part,  (1734O 

a.  lUêêspérer^  coroine  dans  la  chute  du  ionaet  d*OrOBte,  perdre  tonte  eipé» 
reaWt  ne  plus  rien  ei^iérer,  être  aa  déteipoir. 

3.  Contre  lui,  Todear.  (i73o,  34.) 

4.  Chamibrt,  dani  ane  note  de  son  Éioge  dg  Im  Fontaine  (tome  I  des  OEmnët 
éditées  en  Pan  Ul  par  Ginguené,  p.  69),  a  rapproché  ce  trait  du  mot  deTOnra 
dupé  par  l'un  de*  deux  Cooipagnont  (fable  jjl  do  livre  V)  :  •  Qui  peint  le 
mieux....  let  effets  de  la  préventiou,  ou  M.  de  Sotenville  repoussant  un  homme 
à  jeun  et  lui  disant  ;  «  Retire>-vous,  tous  pues  le  fin,  »  ou  FOurs  qui,  l'é- 
cartant d*un  eorpa  qu'il  prend  potur  un  cadsTre,  se  dit  è  lui-même  :  •  Otona» 
«  nous,  car  il  sent  a  ?  —  Le  trait  pourrait  bien  avoir  été  suggéré  à  Molière  par 
Plante.  Dans  la  scène  i  de  Tacte  II  éP  Amphitrjron,  peu  après  avoir  reproché  1 
Sosie  d'avoir  bù,  tout  è  coup  Amphitryon  pris  de  peur,  è  Tidée  que  son 
esclave  pourrait  être  atteint  de  peste  ou  de  firénésîs,  lui  crie  (vers  435)  : 

•     •     .     •     Fak/  apage  te  a  mê, 

iosu. 

Quideêt  negatii? 
tjÊwamvo, 
Pêttiâ  te  tenet, 

m  Éloigne-toi  Sosu.  Pourquoi  donc  ?  AiiPBiTRToir.  Tu  sens  la  peste,  a  Cette 
spirituelle  traduction,  qui  est  de  Sommer,  rappelle  le  mot  du  docteur,  du 
màdeeU  Bartholo  à  Basile  :  «  D'honneur,  il  sent  la  fièvre  d'une  lieue.  Alla 
▼ooscoodier....  Cet  homme-là  n'est  pas  bien  du  tout.  >  (Beaumarchais,  U 
Barbier  de  SêvUley  acte  111,  scènes  xi  et  zn.) 

5.  Gionox  Dasout,  à  M,  de  SoUnnlle,  (1734.) 


Sgo  6B0&6E  DANDIN. 

M0N8IBUE  DS  flomnriLLB. 
Retirez-Toas,  tous  dis-je  :  on  ne  peut  vont  soaflrir. 

GBORGB   DANDIN '• 

Permettez,  de  grâce,  que*.... 

MADAMB   DB   80TBNVILLB. 

Poua*  !  TOUS  m^engloutissez  le  coeur*.  Parlez  de  loin, 
si  vous  voulez. 

6B0BGB   DANDIN. 

Hë  bien  oui,  je  parle  de  loin.  Je  vous  jure  que  je  n*ai 
bougé  de  chez  moi,  et  que  c*est  elle  qui  est  sortie. 

▲NCiLIQDB. 

Ne  voilà  pas  ce  que  je  vous  ai  dit*? 

CLAUDINB. 

Vous  voyez  quelle  apparence  il  y  a. 

MONSIBUR   DB   SOTBNVILLB*. 

Allez,  vous  vous  moquez  des  gens.  Descendez,  ma 
fille,  et  venez  ici.  ''. 

GBORGB   DANDIN. 

J'atteste  le  Ciel  que  j*étois  dans  la  maison,  et  que.... 

MADASfB   DB   90TBNVILLB. 

Taisez-vous,  c'est  une  extravagance  qui  n'est  pas 
supportable. 

I.  Gbosoi  DAironr,  à  Mme  de  SoUiwiiie,  (1734.) 

a.  Permettei-moi,  de  grâce,  qae....  (17 18,  3o,  33,34.] 

3.  Voyez  plos  haut,  p.  543  et  note  3. 

4.  Vous  me  nojes  le  cosar  de  dégoût.  —  M.  Littré  rattache  eette  expression 
faergique  et  parfaitement  claire  h  un  rienx  verbe  engldir,  que,  aoos  la  fome 
pronomiaale  de  s^englotir,  Robert  Estienne,  dans  son  Dietionarimm  iatima-g^ 
lieuM  (i544)«  et  Nicot,  dans  son  TYétor  (1606),  donnent  comme  équivalent  da 
latin  singuitire,  «  avoir  le  hoquet  a.  Mais  il  ne  faut  sans  doute  voir  dans 
ce  pronominal  s^engloiir  qu'une  fausse  écriture  d'un  neutre  sengloiir^  ne  difië> 
rant  que  par  la  terminaison  de  sangloter,  qui  a  prévalu. 

5.  Il  est  sapiMrimé  après  voilà  dans  cette  interrogation,  comme  il  Test  aa 
vers  1607  du  Tartuffe  : 

Hé  bien!  ne  voilé  pas  de  vos  emportements! 

6.  M.  OK  SoTXirviLLB,  à  George  Dandin,  (1734.) 

7.  SCÈNE  xni. 

M.  DB  SOTBNYILLE,  M*'  DB  SOTBZIYILLB,  GBORGB  DAHDUT,  GOLUT.  (Ihîdem,) 


ACTE  III,  SGANE  vil  591 

6B0R6B  DÂNOnr. 

Que  la  foudre  mVcrase  tout  à  Theure  si...  ! 

MONSIBUR   DB    SOTBNYILLB. 

Ne  nous  rompez  pas  davantage  la  tête,  et  songez  à 
demander  pardon  à  votre  femme. 

6B0RGB  DANDnr. 
Moi,  demander  pardon  ? 

MONSIBUR   DB   S0TBNV1LLB. 

Oui,  pardon,  et  suivie-champ. 

GBORGB   DANDIN. 

Quoi?  je.... 

MONSIBUR   DB   SOTBNVILLB. 

Corbleu  !  si  vous  me  répliquez,  je  vous  apprendrai  ce 
que  c*est  que  de  vous  jouer  à  nous. 

GBOR6B    DANDIN. 

Ah,  George  Dandin!^ 

MONSIEUR   DB   SOTBNVILLB. 

Allons,  venez,  ma  fille,  que  votre  mari  vous  demande 
pardon. 

ANgAliQUB,    deicendae*. 

Moi?  lui  pardonner  tout  ce  qu*il  m*a  dit?  Non,  non, 
mon  père,  il  m*est  impossible  de  m*y  résoudre,  et  je 
vous  prie  de  me  séparer  d*un  mari  avec  lequel  je  ne 
sàurois  plus  vivre. 

CLAUDINB. 

Le  moyen  d*y  résister? 

MONSIEUR    DB   SOTBNVILLB. 

Ma  fille,  de  semblables  séparations  ne  se  font  point 
sans  grand  scandale,  et  vous  devez  vous  montrer  plus 
sage  que  lui,  et  patienter  encore  cette  fois. 

I.  SCÈNE  XIV. 

M.   DB   SOTENYILLB,  M**   DB   80TBHTILLB,  AHGELTQUB,  GBORGB    DAITOIN, 

CLAUDIHB,    COLIK.    {^iH'] 

a.  Aroéuqub.  [IbUem,] 


59«  GEORGE  DANDIN. 

G>inment  patienter  après  de  telles  indignités?  Non, 
mon  père,  c*est  ane  chose  ob  je  ne  puis  consentir. 

MONSIBUa   PB  SOTBNVILLB. 

Il  le  faat,  ma  fille,  et  c^est  moi  qui  vous  le  com- 
mande. 

▲HGÉUQUB. 

Ce  mot  me  ferme  la  bouche,  et  tous  avez  sur  moi 
une  puissance  absolue, 

CLÂUDINB. 

Quelle  douceur! 

▲NGiLIQUB. 

Il  est  fâcheux  d*être  contrainte  d*oublier  de  telles 
injures  ;  mais  quelle  violence  que  je  me  fasse*,  c*estt 
moi  de  vous  obéir. 

CLAUOIIIB. 

Pauvre  mouton  ! 

MOllSIBUa    DB   SOTBirVILLB*. 

Approchez. 

▲NCiLIQUB. 

Tout  ce  que  vous  me  faites  faire  ne  servira  de  rien, 
et  vous  verrez  que  ce  sera  dés  demain  à  recommencer. 

MONSIEUR   DB   SOTBlfVILLB. 

Nous  y  donnerons  ordre.  *  Allons,  mettez-Yous  a  ge- 
noux. 

GBORGB    DANDIN. 

A  genoux? 


I.  Maii  quelque  TÎoIenee  que  je  me  faise.  (167s,  74«  S^i  I7H*)  '—  I^»** 
cet  éditions  on  ■  Tonltt  corriger  mu  doute  aa  tour  Yieillij  qu'on  erojut  îb- 
correct  ;  mais  nom  l'avons  déjà  tu  au  vers  76a  dnFdekeux  (tome  III,  p.  ^)  : 

En  quel  lieu  que  ce  soit,  je  reuz  tuÎTre  tes  pas. 

Voyez  le  Lexique  de  Géntn,  p.  341-343. 
a.  M.  DB  SoT£.tTiiJ.K,  à  Angélique,  (1734.) 
3.  A  George  DamUn.  [Ibidem,) 


ACTE  III,  SCÂNE  VU.  Sq) 

MONSaUE  DB  SOTBNTILLB. 

Oui,  à  genooxi  et  sans  tarder.^ 

GBORGB  OàNOIN.  H  M  BMt  à  ftnoux. 

OGel!  Que  faut-U  diro*? 

MONSIEUR   DE   SOTBNYILLB. 

«  Madame,  je  tous  prie  de  me  pardonner.  » 

GEORGE   DÂNDIN. 

«  Madame,  je  tous  prie  de  me  pardonner.  » 

MONSIEUR   DE   SOTBNVILLB. 

«  L*extraYagance  que  j'ai  faite.  » 

GEORGE   DÂNDIN. 

«  L'extravagance  que  j'ai  faite  »  (à  part)  de  vous  épou- 
ser. 

MONSIEUR  DE   SOTBNVILLB. 

«  Et  je  vous  promets  de  mieux  vivre  à  l'avenir.  » 

GEORGE   DÂNDIN. 

«  Et  je  vous  promets  de  mieux  vivre  à  l'avenir.  » 

MONSIEUR   DE   SOTBNVILLB  *• 

Prenez-y  garde,  et  sachez  que  c'est  ici  la  dernière 
de  vos  impertinences  que  nous  souffrirons. 

MADAME   DE   SOTBNVILLB. 

Jour  de  Dieu  !  si  vous  y  retournez,  on  vous  appren- 
dra le  respect  que  vous  devez  i  votre  femme,  et  à  ceux 
de  qui  elle  sort. 

I .  /I M  met  à  gmtOÊUCf  sa  ekanMiê  à  sm  mmim,  (i^%%  9%.)  —  La  cAa«- 
dêUêà  ta  main,  (i73o,  33.)  —  «  Ged,  dit  Ângcr,  mt  vaa  f<&ritaUe  amtmdc 
hoaarablet  toute  Mmblable  à  eelle  que  let  tribunaos  mffigttâkBt  autrafoif. 
Geoiga  Dandin  «tt  presque  em  ck^mUê^  ear  tes  toapçoaa  jaîoiiz  Tont  éTeillé 
aa  fort  de  ton  tooimeO,  et  il  est  sorti  sans  prendre  le  temps  de  s^habiller; 
la  chandelle  qu'il  tient  1  la  main,  fignre  trie-bien  la  torcha  am  poings  et  enfin 
on  ais0  qu'il  demande  pardon  à  gêoomx.  U  n'j  manque  absoloment  que  ia 
purée  ma  eo«.  » 

a.  Gionai  Dahdot,  k  gtaoux,  mae  chandelle  à  la  maia,  {A  p^t,]  O  Giell 
{A  M.  de  SotesmlleJ)  Qne  faat-U  dire?  (1734.) 

3.  M.  DsSomrTxux,  à  Gedtge  Daadin,  (1734.)  —Dana  l'édition  originale 
et  dana  eeDe  de  1674,  il  7  a  trois  fols,  lei  et  en  tite  des  deux  reprises  siii« 
Tantes  :  M*  sa  SorarviLLi.  Cette  fiinte  a  éti  eocrigée  dans  noe  antres  testes. 

MouiRB.  VI  38 


594  GEORGE  DANDIN. 

MONSIIUR   1»   SOTBinriLLI. 

Voilà  le  jour  qui  va  paroiire.  Adieu.  ^  Rentrez  chez 
vous,  et  soDgez  bien  à  être  sage.  *  Et  nous,  mamonr, 
allons  nous  mettre  au  lit. 


SCENE  VIII. 

GEORGE  DANDIN». 

Ah!  je  le  quitte^  maintenant»  et  je  n  y  vois  plus  àc 
remède  :  lorsqu*on  a,  comme  moi,  épousé  une  méchante 
femme,  le  meilleur  parti  qu*on  puisse  prendre,  c'est  de 
s^aller  jeter  dans  Teau  la  tête  la  première. 

I.  ji  George  Dandim,  (1734.) 

a.  A  Mme  de  Sotetwilte,  (Ibidem,) 

3.  SCÈNE  DERNIÈAB. 

OBORom  DAVonr,  seul,  {thidem.) 

4.  J'y  renoiiM  (aTae  te^  régioMi  prU»  eonme  toaTeiit  i7,  lajet,  aa  aouami»). 
Nom  aTou  Ta  !•  rnéma  tour  aa  Ter»  491  du  D^pit  amomremx  (lomel,  p.  43i), 
«t  à  k  letaa  ti  de  la  Critique  de  VÈcoU  des  /emmee  (tooM  UI,  p.  349). 


FDT  DK  GI0R6K  DAimm. 


N 


APPENDICE  A  GEORGE  DANDIN. 


Cet  Âppendiee  comprend  deux  pièces,  dont  la  seconde  a  été  plu- 
aieiin  fois  d^jà  réimprimée  dans  les  OËuTres  de  Molière,  et  dont 
la  première  nous  paraît  j  deroir  plos  opportunément  encore  être 
admise. 

Cette  première  pièce  est  le  programme  du  grand  spectacle  dan» 
lequel  fut  encadrée  la  comédie  de  George  Dandin^  et  qui,  derant  être 
distribué  aux  spectateurs*,  a  été  publié  arant  la  fête*.  Il  n'/ a 
pas  à  douter  tout  au  moins  qu*il  n*ait  été  écrit  sur  les  indications. 
de  Molière.  Quelques  mots  du  quatrième  alinéa  noua  apprennent 
que  le  rédacteur  du  lirret  était  si  fort  de  ses  amis,  qu^il  n*a  pas  cru 
conTenable  de  porter  un  jugement  sur  la  comédie.  Cet  ami  si  in- 
time, forcé  à  tant  de  modestie  pour  Tauteur  de  George  Ikuidin^  se- 
rait-ce donc  Molière  lui-même  ?  Il  était  bien  naturel  qu*il  mit  la 
main  a  ce  programme,  puisqu'il  est  Tauteur  des  rers  qui  en  rem— 
plissent  la  plut  grande  partie*  ;  ces  Ters  et  quelques  idées  cboré'- 
graphiques,  dont  TinTcntion  lui  doit  aussi  appartenir,  serTirent  k 
composer  l'opéra-ballet,  où,  à  cette  première  et  brillante  repré^ 
sentation,  furent  intercalés,  comme  de  simples  intermèdes,  les  trois 
actes  de  la  comédie;  pour  lui-même,  pour  le  compositeur,  pour 
Tordonnateor  de  la  fête  il  arait  bien  fallu  tracer  un  plan  d*enseinble, 
marquer  en  quelque  sorte  les  points  d'attache  par  où  tenaient  tant 
bien  que  mai  Tune  à  l'autre  l'action  de  la  comédie  et  celle  de  la 
pastorale.  Ces  notes  indispensables,  ce  rapide  aperçu  de  l'œurre 
mixte  qui  dcTait  prendre  une  place  importante  dans  les  dirertis- 
sements  de  la  journée,  c'est,  en  dehors  des  Ters,  tout  le  liTret  pro- 
prement dit;  mais  il  est  précédé  de  deux  ou  trois  pages  de  préam- 
bule, et,  dans  ces  premières  pages,  si  les  Ters  par  lesquek  elle» 
commencent  nous  paraissent  assez  faibles  pour  que  Ton  hésita 


I.  Voytsd-après,  dans  la  MatUm  de  FéliUm,  p.  (Sao. 

a.  Qms  Robert  Ballard  :  e*0tt  «a  ia-4*  de  ao  pages,  qm  porte  la  date 
de  1668;  Boos  ea  reproduiaotts  le  titra. 

3.  Voyes  eî-deMas  à  k  Ifoiiee,  p.  478,  le  tèmoigaage  de  Eobîoet  ;  il  no 
parle  qw  des  Ters  mb  en  moMqae  ;  il  faat  égaleneot  remarqaer  qne  Félibiea* 
qui  a  donné  eem-ci,  a  omis  les  premiars  Ters,  llioBiBage  a«  Eol  qm  se  Ks 
en  lAte  dtt  prognunine. 


596  APPENDICE  A  GEORGE  DANDIN. 

beauconp  à  les  loi  attribaer,  la  profe,  â  une  eerUine  aiaiiranee  de 
ton,  à  une  certaine  gaietë  et  franchite  de  ttjrle,  nooi  aeniMeTait 
pouToîr  le  faire  reconnattre,  partienlièrement  dans  le  paasa^  mû 
est  à  l*adreiae  du  Roi,  dans  le  passage  aussi  qui  est  à  Tadrette  de 
•on  collaborateur  Lully,  et  où,  d*nne  si  spirituelle  £içon  et  arec 
nn  si  aimable  oubli  de  tout  le  mal  que  lui  araient  donné  des  chaa- 
teurs  et  chanteuses  peu  habitues  à  se  tenir  et  à  agir  en  acène«  ce 
serait  lui  qui  réclamerait  pour  eux,  pour  leur  gaucherie  de  comé- 
diens, rindulgence  des  spectateurs.  Si  cette  partie  du  IîttcC  n'ai 
pas  tout  entière  de  sa  plume,  ce  qu*il  serait  téméraire  d'affimcr 
nous  aTons  peine  à  croire  qu*il  n*y  ait  rien  là  d*écrit  sous  sadic^ 
n  y  a  peut-être  aussi  quelque  compte  à  tenir  de  ce  £iit  que  c^est 
sous  le  titre  de  Préfacé  que,  au-derant  de  la  copie  de  la  comédie 
et  de  la  musique  de  George  DanMn^  Philidor  a  transcrit,  avec  les 
premiers  tcts  en  Thonneur  du  Roi,  les  huit  premiers  alSn^f  éo 
programme. 

La  seconde  pièce  de  cet  AppenJUê  est  la  relation  qa*a  donnée 
de  toute  la  lète  du  18  juiUet  x668,  André  Félibien,  Fami  da 
Poussin,  rhistoriographe  des  bâtiments  et  œuTres  d*art  appartenant 
au  Roi,  Tauteur  des  Xntretiens  sur  les  vies  et  sur  les  œipr^mu  ia 
plus  excellents  peintres.  U  arait  aussi  inséré  dans  sa  description  da 
spectacle  tous  les  rers  de  Molière  ;  nous  les  j  arons  retranchés,  nuis 
en  indiquant  la  place  qu*ik  occupaient  :  nous  ne  pourions  les 
imprimer  deux  fois  et  nous  arons  préféré  les  laisser  ^^ti«  leur 
premier  cadre  du  programme. 

Il  nous  reste  à  dire  que  Ton  conserre  à  la  bibliothèque  de  TÂr- 
senal,  dans  les  papiers  G>nrart,  une  autre  relation  complète  de  la 
même  fête  rojrale  ■  ;  elle  est  de  Tabbé  de  Montigny,  poète  et  acadé- 
micien, de  ce  futur  a  petit  éTéque  de  Léon  b  dont  Mme  de  Sén- 
gné*  faisait  tant  de  cas,  et  qu'elle  regretu  lorsqu'il  mourut  bien 
jeune  trois  ans  plus  tard,  en  167 1.  Cette  narration  est  fort  agiéafale 
à  lire,  bien  qu'elle  soit  presque  aussi  officielle  que  celle  de  PéiibieD, 
ayant  été  faite  par  ordre  de  la  Reine  ;  mais  nous  n'arons  pas  songé 
â  en  grossir  cet  Appendice;  au  milieu  de  beaucoup  de  redites  on  j 
edt  à  peine  trouvé  un  mot  sur  Molière';  son  plus  grand  mérite 

I.  Vojes  aa  tome  IX  ia-^  des  pièees  maatuerites  reeoeiliies  par  Goamt, 
p.  1 109-11 19,  la  Pêle  de  Fersailleê  dm  i^'/millet  1668,  retatton  sona  fianM 
de  lettre,  adreaaèe  à  M,  U  marfuU  de  la  Fuenteg  e'est  une  eopie  ;  mu  hmaï  ée 
la  première  page,  k  l'angle  gaache,  oa  Ut  eette  apoetUle,  <l*ane  rieOle  coi- 
tore  :  m  Par  M.  Tabbè  de  Montigay.  >  11  fiiat  remarquer  cette  date  da  18  jnl' 
let,  oon&rme  à  celle  que  donne  Félibien  (royes  la  ffotiee^  p.  478]. 

a.  Voyei  aea  Lettres,  tome  U,  p.  Sig,  345,  376  et  376. 
.    3.  «  La  troape de  Molière, lit-on  klapage  III I,  y....  jona  une  comédie  de  sa 


NOTE  PRÉLIMINAIRE.  $97 

'pcmt  nous  ett  de  donner,  à  la  fin,  une  liste  des  dames  inritées, 
pent-ètre  dressée  par  Tiine  d'elles  et  beauccrap  plus  complète  et 
intëressaDte  qae  la  liste  de  Tautre  compte  rendu;  noos  arons  releré 
là  quelques  noms  que,  sauf  un  ou  deux,  Molière  lui-même,  s*il 
avait  tenu  à  connaître  la  composition  de  son  auditoire,  n'aurait  pas 
lus  areo  indifférence '. 


La  partition  que  LuIIy  composa  pour  a  la  comédie  en  musique  s 
est  contenue  dans  le  Tolnme  de  la  collection  Philidor  numéroté  33 
et  qui  a  pour  titre  :  «  George  DamUn  ou  le  Grand  JipertUsememt  rojml 
de  FeraaMet  dansé  devant  Sa  Majesté  le  i5«  juillet  1668*.  Recueilli 
par  Philidor  Tainé  en  1690.  s  Céuit,  avant  qu*il  eût  passé  par  les 
mains  qui  Tout  brutalisé,  mais  ne  l'ont  du  moins  pas  intérieurement 
souillé,  un  très-bel  in-folio,  doré  sur  tranches,  relié  aux  armes  du 
Roi.  Une  épître,  bien  souvent  reproduite  en  tète  de  ces  copies*,  l'a 
plus  expressément  encore  dédié  au  Roi  ;  douze  ans  plus  tard  néan» 
moins,  en  1709,  une  étiquette  imprimée  et  parafée  en  constata  le 
retour  dans  la  bibliothèque  particulière  du  musicien  copiste.  Il  est 
d*une  écriture  admirable.  Il  comprend  d'abord,  sous  le  titre  de 
Préface^  le  préambule  de  notre  I*^  Appendice^ ^  puis  les  paroles  et  la 
musique  de  toutes  les  scènes,  la  musique  de  toutes  les  danses  de  la 
pastorale,  et  tout  le  texte  de  la  comédie  (ce  texte  est  d'intention, 
croyons-nous,  toujours  conforme  à  celui  de  iS8a).  Quelques  sou- 
ches de  feuillets  lacérés  peuvent  être  comptées  avant  le  titre;  mais 
ce  premier  cahier,  peut-être  blanc,  devait  être  tout  à  fait  étranger 
an  Grand  divertissement  de  George  Dandin;  après  quatre  feuillets 
préliminaires  précédant  YOuverture^  cent  soixante-dix-sept  pages 
ont  été  chiffrées;  six  d'entre  elles  (io3-io8),  au  milieu  de  l'acte  III 
de  la  comédie  (scène  vr  et  partie  de  la  scène  v),  ont  été  arrachées. 

ftqon,  noavelle  0t  eomiqoe,  agréablement  mêlée  de  récits  et  d*entrées  de  ballet, 
ou  Bacebos  et  TAmour  t^étant  quelque  temps  disputé  Tavantags,  t*aeeordoiciit 
enfin  pour  eélébrer  unanimement  la  léte.  » 

I .  Voyes  ci-aprèt,  p.  63o,  note  a. 

a.  Cette  date  du  i5  (au  lien  du  i8)  est  donnée  par  Tédition  de  168a, 
d*oà  Philidor  parait  aroir  transcrit  le  teste  de  la  comédie  en  prose. 

3.  Yoyez  dans  notre  tome  lY,  p.  67  et  68. 

4.  Philidor  a  reproduit  les  premières  seulement  des  courtes  indications  on 
analyses  qui,  dans  le  lirret,  k  la  suite  de  ce  préambule,  accompagnent  les 
scènes  de  la  pastorale  ;  en  reranche,  il  a  conserré,  en  tête  de  chaque  acte  de  la 
Comédie^  nn  Argument  asseï  étendu,  que  Tanteur  du  Urret  en  avait  retranché, 
lors  de  l'impression,  par  nn  motif  qn*il  donne  ci-après,  p.  801,  a'  alinéa. 


S98  APPENDICB  A  GEORGE  DANDIN. 

Rien  ne  manque  à  U  partition,  et  Toioi  le  catalogue  des  ■aoraasx 
dont  elle  le  compoae. 

Une  Ou9€rtur0  instrumentale  *.  —  Pour  ce  qu^on  ponmît  appekr 
le  premier  acte  de  la  Paitorale  en  muaiqae  :  i*  un  Premùer  mir  de 
danse  pour  iet  B^gwSyjoué  ûltêrnatipemtmî  par  Ut  pioioms  (les  ium- 
tnents  à  cordes  seuk)  ei  par  les  fûtes  (il  j  a  pour  oellcs-ei  dcn 
parties  accompagnées  d'une  basse]  ;  9*  la  Chansonnette  **l**^f^  «■ 
duo  par  Climène  ei  Claris;  entre  les  deux  couplets  les  /téies  H  Us 
p'toloms  jouent  le  mime  air;  3*  une  scène  intitulée  DisUogme  entre  iei 
deux  Bergères  CUmène  et  Cloris  et  les  deux  Bergers  Tinît  et 
Philène;  le  dialogue  est  coupé  de  trois  courtes  BiiowmeUeM^  doetb 
dernière,  qui  précède  le  chant  des  deux  derniers  Ters,reTientcBSO(t 
«près  ce  chant. — Au  I«>^  nmida»  (II*  acte  on  partie  de  la  piiio- 
rale)  :  une  PUimte  en  musique^  précédée  d'une  MUtourmeUe^  écrite 
pour  deux  riolons  (arec  une  basse  chiffrée  d'aocon&pagnemcntl; 
«ette  longue  ritournelle  est  redite  aTant  le  chant  du  second  dci 
quatrains  en  grands  rers,  t  Me  puis-je  pardonner. •••  »;lesnolooi 
répondent  à  la  Toix  trois  autres  fois  encore.  —  Au  II«  nrasanat 
(III*  acte  ou  partie  de  la  pastorale)  :  un  air  pour  V Entrée  des  BmteCen. 
-~  Au  III*  UTUMiia  (dernier  acte  de  la  pastorale)  :  i*  un  JtanJeea 
joué  par  l'orchestre  ^ur  les  Bergers;  1*  un  air  pour  Cloris ^  •  Id 
l'ombre  des  ormeaux  ;  »  après  le  premier  couplet,  l'orchestre  repre- 
nait le  MomJeau  ci-devant;  le  second  couplet  se  chantait  en  doidile 
(aTeo  des  Tariations)  ;  3^  un  air  pour  Climène  précédé  et  snin  d\nie 
Bitournelle^  qui  est  redite  encore  après  le  second  couplet;  4*  ob^ 
phrase  (sur  deux  Ters)  pour  Tireis^  une  autre  pour  PhHème^  VDt 
troisième  chantée  en  duo  et  répétant  les  paroles  d'abord  chantées 
par  Philène  ;  S*  un  premier  Chœur  à  quatre  parties,  dont  la  plas 
basse  est  écrite  pour  Toix  de  ténors,  accompagné  des  cinq  partiel 
ordinaires  de  riolons  :  «  Chantons  tous  de  l'Amour  le  ponroir  ado- 
rable; »  6*  un  air  ou  plut6t  un  récitatif  pour  Jf.  dEstirml  .*  t  Ar- 
rêtez, c'est  trop  entreprendre  ;  »  7*  un  second  Chœur  à  quatre  par- 
ties, dont  la  plus  basse  descend  à  l'octaTe  de  la  plus  basse  du  choeur 
.précédent  et  que  d'Estiral  et  Gingant  deraient  soutenir  de  leurs 
Toix  puissantes  :  a  Nous  suirons  de  Bacchus  le  pouroir  adorable  ;  ■ 
il  est  naturellement  aussi  accompagné  par  tout  Torchestre;  8*  «a 
.air  pour  Cloris  :  a  C*est  le  printemps  qui  rend  l'ame  ;  »  9*  un  tir 
de  basse  profonde  arec  un  accompagnement  de  deux  Tiolons  (outre 
la  basse  chiffrée)  pour  un  Suivant  de  Baechus  [Gingant)  ;   lo*  nae 


I.  Mal  placée  par  le  ealligraphe  aprèt  le  huitièiBe  alinéa  de  notre  P^  Âf" 
.  pemdiee,  paîaque  cet  alinéa  donne  le  sujet  de  la  première  dame,  dont  la 
'<Uns  la  copie  même,  eaecéde  à  l'Ouferture. 


LE  GRAND  DIVERTISSEMENT  ROYAL.    S99 

sorte  de  dialogue  entre  les  deux  chonin  de  Baoehui  et  de  rAmour 
opposes  rtm  à  Tantre,  et  auquel  met  fin:  ix«  le  récitatif  mesuré 
d*iut^er^r.««Cesttrop,  c*est  trop...  ;  »  i»«  un  Cbœur  final  où  sont 
unies  les  deux  maises  vocales  jusque-là  séparées,  qui  ne  s*étaient  du 
snoins  mêlées  qu*à  un  seul  moment  de  leur  lutte  :  cbanté  une  pre- 
mière fois  avant  une  dernière  £mtré€^  il  était  repris^  pour  produire 
«se  grand  effet  d^ensemble  dont  parle  Félibieui  pour  finir  par  ce 
«concert  et  oette  cadence  de  plus  de  cent  personnes,  instrumentistes, 
chanteurs,  danseurs,  que  Ton  vit  à  la  fois  réunies  sur  le  théâtre. 

Du  dernier  acte  de  cette  pastorale,  LuU/  fit  plus  tard  le  III*  acte 
de  son  premier  opéra,  U$  Fêtes  di  F  Amour  et  de  Bëeehut^  représenté 
en  1 67a  an  jeu  de  paume  de  Bel-Air  (près  le  Luxembourg),  puis  aux 
nouTelles  fêtes  de  Versailles  en  1674,  0t  qui  fut  imprimé  en  17 17, 
trente  ans  «près  la  mort  du  maître  *• 


LE  GRAND  DIVERTISSEMENT  ROYAL 

DE  TERSAILLES. 


SUJET  DE  LA  COMEDIE  QUI  SE  DOIT  FAIRE  A  LA  GRAITOE  FÊTE 


DE  VERSAILLES*. 


Du  prince  des  François  rien  ne  borne  la  gloire  ; 
A  tout  elle  s'étend,  et  chez  les  nations 

Les  vérités  de  son  histoire 
Vont  passer  des  vieux  temps  toutes  les  fictions. 
On  aura  beau  chanter  les  restes  magnifiques 

I.  Reprit  \  partir  da  troiiième  rert  entonné  par  toiu',  d*apr^  la  partition 
Philidor;  repris  à  partir  da  premier  rert,  d*après  la  partition  imprimée  det 
Fiîeê  de  P  Amour  et  de  Baeehus,  que  nous  allons  mentionner. 

a.  Nous  aurons  1  en  reparler  an  tome  tniTant  et  à  réparer  une  oniaaion 
iiiite  I  la  Pastorale  comique. 

3.  La  partie  de  ee  livret  qui  en  est  comme  l*introdactionj  e*est-à-dirfl  les 
premiers  Ters  et  les  huit  alinéas  sulTants  ont  été  transcrits  par  Philidor  an- 
derant  de  sa  copte  de  la  partition  et  de  la  comédie  ;  il  ■•  comme  Bons 
TaTons  dit,  intitulé  cette  introduclion  Préfitee, 

*  Yojea  ei-aprii,  p.  6i3t  U  demicre  note  de  V Appendice  I, 


6oo         APPENDICE  A  GB0R6B  DANDIN. 

De  tout  ces  desUiis  héroïques 
Qa*an  bel  art  prit  plaisir  d  ^élever  jusqa^aux  cieox  : 
On  en  voit  par  ses  faits  la  splendeur  effacée. 

Et  tous  ces  fameux  demi-dieux 

Dont  fait  bruit  rhistoire  passée 

Ne  sont  point  à  notre  pensée 

Ce  que  Louis  est  à  nos  yeux. 

Pour  paner  du  kngafe  des  Dieux  au  langige  des  hommes <,  le 
Roi  est  un  grand  roi  en  font,  et  nons  ne  voyons  point  que  sa  gloire 
soit  retranchée  à  quelques  qualités  hors  desquelles  il  tombe  dans 
le  commun  des  hommes.  Tout  se  soutient  dVgale  force  en  loi;  il 
n*y  a  point  d'endroit  par  où  il  lui  soit  dëasTantageux  d*ètre  regardé', 
et  de  quelque  vue  que  vous  le  preniei,  même  grandeur,  même  édat 
se  rencontre  ;  c*est  un  roi  de  tous  les  c6tés  :  nul  emploi  ne  Pahaisse, 
aucune  action  ne  le  défigure,  il  est  toujours  Ininnéme,  et  partout 
on  le  reconnolt.  Il  y  a  du  héros  dans  toutes  les  choses  qu*îl  fiût; 
et  jusques  aux  aifiiires  de  plaisir,  il  j  fait  éclater  une  grandeur  <jpi 
passe  tout  ce  qui  a  été  tu  jusques  ici. 

Cette  nouTclle  fête  de  Versailles  le  montre  pleinement  :  ce  sont 
des  prodiges  et  des  miracles  aussi  hien  que  le  reste  de  ses  acdons; 
et  si  TOUS  avei  m  sur  nor  frontièrss  les  provinces  conquises  en  une 
semaine  d'hiver',  et  les  puissantes  villes  forcées  en  faisant  chemin, 
on  voit  ici  sortir,  en  moins  de  rien,  du  milieu  des  jardins,  les  n- 
perbes  palais  et  les  magnifiques  théâtres,  de  tous  c6tés  enrichis  d*or 
et  de  grandes  statues,  que  la  verdure  égayé,  et  que  cent  jets  d*eaii 
rafiraîchissent.  On  ne  peut  rien  imaginer  de  plus  pompeux  ni  de 
plus  surprenant;  et  l'on  diroit  que  ce  digne  monarque  a  vodn 
faire  voir  ici  qu'il  sait  maîtriser  pleinement  l'ardeur  de  son  cou- 
rage, prenant  soin  de  parer  de  toutes  ces  magnificences  les  beaox 
jours  d'une  paix  où  son  grand  coeur  a  résisté,  et  à  laquelle  il  ne 
s^est  relâché  que  par  les  prières  de  ses  sujets. 

Je  n'entreprends  point  de  vous  écrire  le  détail  de  toutes  eei 
merveilles  :  un  de  nos  beaux  esprits  *  est  chargé  d'en  faire  le  récit, 
et  je  m'arrête  à  la  comédie  dont,  par  avance,  vous  me  demandes 
des  nouvelles» 

X.  A  celui  des  hommes.  (Copie  Philidot.) 

a.  D*endroit  qui  lai  soit  désaTantagens  d'être  regardé.  {Ibidem») 

3.  La  conquête  de  la  Franche-Gomlé  n'arait  guère  plos  doré,  an  mois  àe 
Carrier  précédent  :  Toyez  ci-dessns,  p.  354,  note. 

4.  André  Félibien,  dans  la  Relation  que  nooa  donnons  à  la  snite  de  ee  pro- 
gramme. 


LE  GRAND  DIVERTISSEMENT  ROYAL.    6oi 

Cett  Molière  qui  Ta  fikite.  Gomme  je  Miii  fort  de  set  amis,  je 
trouTe  à  propos  de  ne  tous  en  dire  ni  bien  ni  mal,  et  tous  en  ju- 
gerez quand  tous  Taurez  Tue  :  je  dirai  seulement  qu*il  seroit  à  sou- 
haiter pour  lui  que  chacun  eût  les  jreux  quUl  faut*  pour  tous  les 
impromptus  de  comédie*,  et  que  Thonneur  d*obéir  promptement  au 
Roi  pût  faire  dans  les  esprits  des  auditeurs  une  partie  du  mérite  de 
CCS  sortes  d*ouTrages. 

Le  sujet  est  un  Pajrsan  qui  s*est  marié  à  la  fille  d'un  gentil- 
homme, et  qui,  dans  tout  le  cours  de  la  comédie,  se  trouTe  puni 
de  son  ambition.  Puisque  tous  la  derez  Toir,  je  me  garderai  >,  pour 
Tamour  de  tous,  de  toucher  an  détail,  et  je  ne  Teux  point  lui  6ter 
la  grâce  de  la  nouTcauté,  et  à  tous  le  plaisir  de  la  surprise;  mais 
comme  ce  sujet  est  mêlé  aTec  une  espèce  de  comédie  en  musique 
et  ballet,  il  est  bon  de  tous  expliquer  Tordre  de  tout  cela,  et  de 
TOUS  dire  les  Ters  qui  se  chantent. 

Notre  nation  n*est  guère  faite  à  la  comédie  en  musique,  et  je  ne 
puis  pas  répondre  comme  cette  nouTeauté-ci  réussira.  Û  ne  faut 
rien  souTent  pour  effaroucher  les  esprits  des  François  :  un  petit  mot 
tourné  en  ridicule,  une  sjrllabe  qui,  aTec  un  air  un  peu  rude,  s'ap- 
prochera d'une  oreille  délicate,  un  geste  d'un  musicien  qui  n*aura 
pas  peut-être  encore  au  théâtre  la  liberté  qu'il  faudroit,  une  per- 
ruque tant  soit  peu  de  côté,  un  ruban  qui  pendra,  la  moindre  chose 
est  capable  de  gâter  toute  une  affaire;  mais  enfin  il  est  assuré,  au 
sentiment  des  connoisseurs^  qui  ont  tu  la  répétition,  que  Lully  n'a 
jamais  rien  fait  de  plus  beau,  soit  pour  la  musique,  soit  pour  les 
danses,  et  que  tout  7  brille  d'iuTention.  EnTérité,  c'est  un  admirable 
homme*,  et  le  Roi  pourroit  perdre  beaucoup  de  gens  considérables 
qui  ne  lui  seroient  pas  si  malaisés  à  remplacer  que  celui-là. 

Toute  l'affaire  se  passe  dans  une  grande  fête  champêtre. 

L'ouTSBTuas  en  est  faite  par  quatre  illustres  Bergers,  déguisés  en 
Talets  de  fêtes  *,  lesquels,  accompagnés  de  quatre  autres  Bergers 
qui  jouent  de  la  flûte ',  font  une  danse  qui  interrompt  les  rêTeries 

z.  Qo'fl  fant  aroir.  [Ccgris  PkUidor.) 

a.  Compares  ce  que  Molière  dit  dans  ton  aTertiaeemant  au  Ltetemr  aùi  aa- 
davant  de  V Amour  nUdeeim  (iobm  Y,  p.  294)  :  «  Je  as  comeille  de  lire  etUe 
eamédU  qa*aaz  pertonnes  qui  ont  des  yeux  pour  découvrir  daaa  la  lectort 
tout  le  jeo  du  théâtre.  » 

3.  Je  me  garderai  bien.  [Copie  PhilidtM;] 

4.  Des  conaolaMoz.  (JUitm.)  Dans  Toriginal  on  e  imprimé  eotuuisseiu» 

5.  PliUidor  a  relevé  cet  mots  d*un  point  d'exclamation, 

6.  Beaucbamp,  Saint-André,  la  Pierre,  Favier.  —  7.  Detcoateanz,  Pbilbert, 
Jaan  et  Martin  Hottère.  (iVblw  imprimées  en  marge  de  Pédiiion  origi" 
naU,) 


6oi  APPENDICE  A  GEORGE  DANDIN. 

dvL  Pa/Mn  marié,  et  Toblige  à  w  retirer  après  qaelqae  contrainte. 
Clîmène  et  Ctoris<,  deux  Bergères  amies,  s*ansent,  au  son  dei 
fiâtes,  de  chanter  cette 

CHAHSoirinrnB'  : 

L*autre  jour  d'Annette 

rentendis  la  Yoix, 

Qai  sur  la  musette 

Cbantoit  dans  nos  bois  : 
«  Amour,  que  sous  ton  empire 
On  souffre  de  maux  cuisants  ! 

Je  le  puis  bien  dire, 

Puisque  je  le  sens'.  » 

La  jeune  Lisette, 

Au  même  moment, 

Sur  le  ton  d^Annette, 

Reprit  tendrement  : 
«  Amour,  si  sons  ton  empire 
Je  souffre  des  maux  cuisants, 

C'est  de  n'oser  dire 

Tout  ce  que  je  sens.  » 

Tircis  et  Philène  ^,  amants  de  ces  deux  Bergères,  les  abordeot 
pour  leur  parler  de  leur  passion  et  font  arec  elles  une 

scèhb  bn  musique. 

CLORIS. 

Laissez-nous'  en  repos,  Philène. 

I.  Mlle  Hiliire.  Mlle  Ûm  Fronteauz.  (Ifote  de  forifinaL)  An  lîea  dt 
cet  deux  noms,  oa  lit  daas  la  partition  Philidor  :  aa-dessns  de  la  i**  par^ 
tie,  «  M.  Pa.  »j  etau-dessui  de  la  a'*,  «  M.  Mat.  •  Nous  ne  saTose  qads 
noms  repr^ntent  cet  premièras  tyllabec,  ni  pour  qoelle  reprcaentation  da 
ballet  cet  deox  rôles  foreat  donnés  k  d'autres  interprètes  que  lea  caatalrieei 
qui  les  araient  créés  le  i8  juillet  1668. 

a.  Dimène  et  Cloris  s*ansent  de  dianter  au  ton  de  ces  fidtes  la  <lisni<mnrtlf 
SttÎTante.  {Copte  Philidor,) 

3.  La  chansonnette  a  deux  reprises;  an  eonuneneement  de  la  seconde,  b 
compositeur  a  répété  le  mot  Amour, 

4.  Blondel.  Gaye.  [Kfotede  Poriginai,)^'S,  Laissa-nons,  {Partitic»  PkHidor.) 


LE  GRAND  DIVERTISSEMENT  ROYAL.    6ùi 

CLiMiini. 
Tircisy  ne  viens  point  m*arreter. 

TIRCI8  et  PHILÂNI. 

Ah  !  belle  inhumaine, 
Daigne  un  moment^  m*éoottter. 

CLIMÈNE   et   CL0RI8. 

Mais  que  me  veux-tu  conter  ? 

LES  DEUX  BERGERS. 

Que  d'une  flamme  immortelle 
Mon  cœur  brûle  sous  tes  lois. 

LES   DEUX   BERGÈRES. 

Ce  n*est  pas  une  nouvelle , 
Tu  me  Tas  dit  mille  fois. 

PHILÂME. 

Quoi  ?  veux-tU|  toute  ma  vie. 
Que  j*aime  et  n*obtienne  rien  ? 

CLORIS. 

NoUi  ce  n*est  pas  mon  envie  : 
N'aime  plus,  je  le  veux  bien. 

TIRCIS. 

Le  Gel  me  force  à  Thommage 
Dont  tous  ces  bois  sont  témoins. 

CLIMÀNE. 

C'est  au  Gel,  puisqu'il  t'engage, 
A  te  payer  de  tes  soins. 

PHILÂNE. 

C'est  par  ton  mérite  extrême 
Que  tu  captives  mes  vœux*. 

CLORlS. 

Si  je  mérite  qu'on  m'aime. 
Je  ne  dois  rien'  à  tes  feux. 

I.  Om  momêiu  ett  replié  dut  le  duat. 
a.  Met  yeoz.  (Partitiom  Pkilidor.) 
3.  Je  B*ea  doit  riea.  {JhuUm.] 


6a(  APPENDICE  A  GEORGE  DANDIN. 

I.S8  DBUZ   BBmGBBS. 

L*ëclat  de  tes  yeux  me  tue. 

LES  DIUX  BimOÉRES. 

Détourne*  de  DAoi  lei  pas. 

LBS  BBUX  BBBGXRf . 

Je  me  plais  dans  cette  vue. 

LBS  DBUX  BBB6ÉRBS. 

Berger,  ne  t*en  plains  donc  pas. 

PHlLilIB. 

Ah  !  belle  Climène. 

TIBCIS. 

Ah  !  belle  Cloris. 

pmLiBB. 
Rends-la  pour  moi  plus  humaine. 

TIRCIS. 

Dompte  pour  moi  ses  mépris. 

CLlMÉNBi  à  Oorii. 

Sois  sensible  à  Tamour  que  te  porte  Philène. 

CLOBISi  à  GUttène. 

Sois  sensible  à  Tardeur  dont  Tircis  est  épris. 

CUMÉNB. 

Si  tu  veux  me  donner  ton  exemplci  Bet^ère, 
Peut-être  je  le  recevrai*. 

CLORIS. 

Si  tu  veux  te  résoudre  à  marcher  la  première, 
Possible  que  je  te  suivrai  '. 

CLIMBIIB,  à  Plùline. 

Adieu,  Berger. 


I.  n  j  a  npétitioii  de  ce  mot  dans  le  chant,  ainsi  qae,  denVen platU*} 
da  mot  B«rg*r, 

a.  Je  lesuifrai.  {Partition,  Philidor.) 

3.  Dans  le  chant  :  m  Possihle,  pos^le  qae  je  te  ioiTni.  »  —  On  a  va  ce 
tonr  au  ters  iSoQ  du  Déint  amoureux,  tXpatsihU  encore  ^urptut-êtn  ** 
▼en  3x3  de  /•  Princeue  ifÉluU, 


LE  GRAND  DIVERTISSEMENT  ROYAL.    665 

GLOM8,  à  Thcb. 

Adiea,  Berger, 
cuiiiifi. 
Attends  un  favorable  sort. 

CLORIS. 

Attends  un  doux  succès  du  mal  qui  te  possède. 

TIECIS. 

Je  n*attends  aucun  remèdci 
Et  je  n^attends  que  la  mort. 

TIBCIS  et  PHILÂNB. 

Puisqu*il  nous  fiiut  languir  en  de  tels  déplaisirs, 
Mettons  fin  en  mourant  à  nos  tristes  soupirs  *. 

Cet  deux  Bergen  t*en  Tont  désetpërét,  siuTant  la  coutume  des 
aneieiis  amants,  qui  se  désespéroient  de  peu  de  chose.  Ensuite  de 
cette  musique  rient 


LB  PRBMIBR  ÂCTB  DB  LA  COBffolB  qui  M  r^te  '. 

Le  Pajrsan  marié  7  reçoit  des  mortifications  de  son  mariage;  et 
sur  la  fin  de  Tacte,  dans  un  chagrin  assez  puissant,  il  est  inter- 
rompu par  une  Bergère,  qui  lui  rient  faire  le  récit  du  désespoir 
des  deux  Bergers;  il  la  quitte  en  colère,  et  fait  place  à  Qoris,  qui 
sur  la  mort  de  son  amant  rient'  fiûre  une 


I.  La  premier  de  est  deux  mv  est  chanté  dsox  lois,  et  le  leeoiid  trois 
loés.  L*im  des  chaatoiurs,  qui  dit  d*abord  seul  le  premier  bémifticbe  dn 
eeeoad  Ten,  «  Mettoni  fin  en  monrant  »,  7  ajonle  eneore  ooe  f<nB,  à  la  pre- 
mière répétition  qu'il  fait  de  oe  Ters,  le  aecond  hémiatiehe,  m  à  nos  tristes  son- 
ptit». 
a.  Dana  la  eopie  Philidor  il  7  a  simplement  :  «  La  HUDuia  Acn.  »  ■ 
3.  An  lien  de  l'alinéa  précédent,  on  lit  dans  la  eopie  Philidor,  d'abord, 
arant  le  I*'  acte  de  la  comédie  ; 

ABOimsaT  DU  PBXMnOl  AGXB» 

«  Le  Pa jMn  marié,  Toolant  rentrer  ehex  lai,  troave  an  homme  înconnn,  qni 
«  lui  apprend  qae  ta  fiBoune  éeoate  fiiTorablenient  les  propoiitiont  d'un  jeune 
«  gentilhomme  qal  eat  amoareoz  d'dle.  Il  le  plaint  de  cette  perfidie  à  ton 
«  beaa-père  et  à  sa  belle-mère,  et  leur  déclare  le  juste  sujet  qu'il  a  de  se 
«  plaindra  de  lear  fille,  qui  manque  i  la  ibi  qu'elle  lui  a  promise.  Mais  quel- 


6o6  APPENDICB  A  GEORGE  DARDIN. 

PLÂIim  IN  MUSIQUE  * . 

Ah  !  mortelles  doaleurs  ! 
Qu*ai-je  plus  à  prétendre  ? 
G>ulez,  coulezi  mes  pleurs  : 
Je  ii*en  puis  trop  répandre. 

Pourquoi  faut-il  qu'un  tyrannique  honneur 
Tienne  notre  âme  en  esclave  asservie  ? 

Hélas!  pour  contenter  sa  barbare  rigueur, 

J*ai  réduit  mon  amant  à  sortir  de  la  vie. 

Ah  !  mortelles  douleurs  ! 
Qu'ai-je  plus  à  prétendre  ? 
Coulez,  coulez,  mes  pleurs  : 
Je  n'en  puis  trop  répandre. 

Me  puis-je  pardonner,  dans  ce  funeste  sort, 
Les  sévères  froideurs  dont  je  m'étois  armée  ? 
Quoi  donc  ?  mon  cher  amant,  je  t'ai  donné  la  mort  : 
Est-ce  le  prix,  hélas  !  de  m'avoir  tant  aimée  ? 

Ah!  mortelles  douleurs,  etc.*. 

La  fin  de  cet  plaintes  fait  Tenir 

LB  SECOND  ACTE  DE  LÀ  COMEDIE  qoi  le  rcdte. 
Cett  une  suite  des  dëpUisirs  du  Pajrsan  marié*,  et  la  mène  Ber- 

«  qiM  pnaTS  qu'il  en  piÛMS  aroir,  il  m  tfoave  oUig^  de  iÛM  ém 
«  à  ealni  qai  lai  a  laik  eoneevoir  tant  de  jalonaîe.  » 
Pois  après  le  I**  acte  : 

I*'  larsajokoB. 

c  George  Dandin,  se  Toyant  traiter  tl  amallenMet,  entra  dans  en 
<  déplaisir I  BBaia  il  att  iateiTompn....  {la  êmitt  etmm§  ei-d!MM#).  » 

I.  Cloris,  qoi....  ▼tant  chanter  la  plainte  aiÛTante.  (Co^  Piiikbr.) 

%,  Aprii  qne  ce  quatrain  a   «té  naa  troiaiéine  CÔîa  chanté  et  apiés 
eoorta  litoomdla  des  TÎolons,  les  deox  damiers  Teni,  «  Goales,  eeelea,  aas 
pleors  »,  ete.,  en  sont  encore  repris, 

3.  Àa  lien  des  trois  dernières  lignes  on  lit  dans  la  copie  Phflidor  : 

AmGUMBKT  DU  sioovD  ACTS  (Je  la  coméJU), 
c  George  Daadin  se  troete  ancera  iMMrtifié  dans  eet  acte  de  la  ywêM  qn'a 


LE  GRAND  DIVERTISSEMENT  ROYAL.     607 

gère  ne  manque  pas  de  rentr  encore  Tinterrompre  dans  sa  dou- 
leur. Elle  lui  raconte  comme  Tircis  et  Pbilène  ne  sont  point  morts, 
et  lui  montre  six  Bateliers  qui  les  ont  saurës  '  ;  il  ne  reut  point  s'ar- 
rêter à  les  Toir,  et  les  Bateliers,  raris  de  la  récompense  quUls  ont 
reçue,  dansent  arec  leurs  crocs  et  se  jouent  ensemble*:  après  quoi 
commence 

LB  TROISIÂMB  ÂCTI  DB  LÀ  COMiDIB  qui  se  récite, 

qui  est  le  comble  des  douleurs  du  Paysan  marie.  Enfin  un  de  ses 
amis  lui  conseille  de  noyer  dans  le  vin  toutes  ses  inquiétudes,  et 
part  avec  lui  pour  joindre  sa  troupe,  voyant  Tenir  toute  la  foule 
des  Bergers  amoureux,  qui,  à  la  manière  des  anciens  Bergers,  com- 
mencent à  célébrer  par  des  chants  et  des  danses  le  pouvoir  de 
r  Amonr  *. 

«  ■  em  d'époofcr  ane  DemoîseUe.  Elle  lui  parle  aree  une  eertaine  haateor 
c  qai  le  déieipère,  «t  pour  eomble  de  chagrin,  il  apprend  qne  sa  iamm»  est 
«  aTec  ton  galant  dans  sa  maison.  U  en  aTertit  son  beau-père  et  sa  belle-mère. 
«  Mais  sa  lenune  tronve  moyen  par  son  adresse  de  se  justifier  aux  jenx  de  set 
«  parents,  et,  prenant  on  bâton,  elle  en  frappe  son  mari,  au  lien  do  galant 
«  qu'elle  fait  semblant  de  maltraiter.  » 

I.  Jonan,  Beauchamp,  Ghicanneau,  Faner,  Noblet,  Ma  jeu.  [IhU  de  Vori" 
ginal,) 

a.  Dans  la  eopie  Philidor,  eette  analyse  dn  II'  acte  de  la  pastorale  se  lit 
avec  les  difletenees  suivantes  : 

II*  nmaMiDB. 

c  Après  cette  dernière  aTcnture,  George  Dandin  demeure  inconsolable  et  se 
«  pbint  de  son  malbenieux  sort.  La  même  bergère  ne  manque  pas  de  venir 
«  Tinterrompre,...  lui  raconte  que  Tireb...,  et  les  Bateliers,  ravis  delà  rè- 
€  compense  qu'ils  ont  eue,  dansent  l'entrée  suivante.  » 

A  la  sotte  de  l'Entrée  on  Ut  : 

ABGUMBHT  DU  TROisiiMB  ACXB  [dé  la  eûmétDê), 

c  C'est  ici  le  comble  des  douleurs  dn  Paysan  marié.  Il  s'aper^t  qne  sa 
femme  est  sortie  de  noit  avec  son  galant,  et  lorsqu'elle  renent,  il  refuse 
de  lui  ouvrir  b  porte.  La  crainte  qu'elle  a  de  son  pèra  et  de  sa  mère,  qu'il 
a  enroyè  quérir  pour  les  rendre  témoins  de  cette  UTenture,  lui  fait  avoir 
reconn  aux  supplications  les  plus  tendres  du  monde.  Mais  il  ]>ersiste  dans 
son  relus  jusqu'à  ce  qne  sa  femme  fait  semblant  de  se  tuer.  II  descend  avec 
une  chandelle  pour  voir  si  elle  n'en  seroit  point  Tenue  h  TefEst,  et  dans  ce 
tenqit-là  aa  fimmie,  qui  s'est  cachée,  raotra  dans  la  maison  et  frit  accroire 
à  ses  parents  qne  son  msri  est  ivre,  de  sorte  que  sonbean-pèra  le  contraint, 
aptes  beaoeonp  de  menaces,  de  demander  pardon  h  sa  femme.  » 
3.  Dans  la  eopie  Pbilidor,  l'analyse  du  dernier  acte  de  la  pastorale  offre 
les  diffirenees  seivaates  t 

in«  nTBBMiDB. 

<  Geoife  DBadia,  après  one  si  fteheose  disgfâee,  prend  la  rssolotiea  de  se 


6o8         APPBNDICB  A  GBORGB  DAUDIN. 

CLOHIt. 

Ici  Tombre  des  ormeaux 
Donne  un  teint  frais  aux  herbettes. 
Et  les  bords  de  ces  ruisseaux 
Brillent  de  mille  fleurettes, 
Qui  se  mirent  dans  les  eaux. 

Prenez,  Bergers,  vos  musettes, 
Ajustez  vos  chalumeaux. 
Et  melons  nos  chansonnettes 
Aux  chants  des  petits  oiseaux. 

Le  Zéphire  entre  ces  eaux 
Fait*  mille  courses  secrètes, 
Et  les  rossignols  nouveaux 
De  leurs  douces  amourettes 
Parlent  aux  tendres  rameaux. 

Prenez,  Bergers,  vos  musettes. 
Ajustez  vos  chalumeaux. 
Et  mêlons  nos  chansonnettes 
Aux  chants  des  petits  oiseaux. 

Pluiieurt  Bergers  et  Bergèret  gaUntet  *  mAlent  amiî  lennptf  > 
tout  ceci,  et  occupent  les  yeux,  undii  que  la  muii^  occupe  w 
oreillet. 

CUMilfB. 

Ah  !  qu'il  est  doux,  belle  Sylvie, 
Ah!  qu*il  est  doux  de  s*enflammer! 
Il  faut  retrancher  de  la  vie 

«  jeter  «Uni  Peta.  Mtis  il  en  est  empéehé  pir  on  de  tMUDÛ  qv^l*^"** 
«  Mine....  part  avec  lai  pour  te  joindre  à  ta  troope,...  I  eWhvp"*' 
«  diaatt  le  pooToir  de  l'Ainoar.  > 

Philldor  ii*a  pas  transcrit  les  quelques  Ugnet  qui,  plus  lois  diu  ^  ^^ 
praeèdeat  on  soÎTent  encore  les  rers  chantés. 

I.  LesZipbirs....  font.  [Partition  PkUiior.) 

3.  Btrgtrê^  Chieannean,  Saint-André,  la  Pierre,  Faner.  —  #erf^'  '^ 
nard,  Amald,  Noblet,  Foignart.  (iVbfe  di  PorigiiuU.) 


LE  GRAND  DIVERTISSEMENT  ROYAL.     609 
Ce  qu'on  en  passe  sans  aimer*. 

CLORIS*. 

Ah  !  les  beaux  jours  qu'Amour  nous  donne 
Loi*s  que  sa  flamme  unit  les  cœurs  ! 
Est-il  ni  gloire  ni  couronne 
Qui  vaille  ses  moindres  douceurs  ? 

TIRCIS. 

Qu'avec  peu  de  raison  on  se  plaint  d'un  martyre 
Que  suivent  de  si  doux  plaisirs  ! 

PHILÈNE. 

Un  moment  de  bonheur  dans  l'amoureux  empire 
Repare  dix  ans  de  soupirs*. 

TOUS   ensemble. 

Chantons  tous  de  l'Amour  le  pouvoir  adorablci 
Chantons  tous  dans  ces  lieux 
Ses  attraits  glorieux  : 
Il  est  le  plus  aimable 
Et  le  plus  grand  des  Dieux  ^. 

A  ces  mots,  toute  la  troupe  de  Bacchus  arrive,  et  Tun  d*eux, 
s'aTançant  à  la  tète  *,  chante  fièrement  ces  paroles  : 

Arrêtez*,  c'est  trop  entreprendre  : 
Un  autre  Dieu  dont  nous  suivons  les  lois, 
S'oppose  à  cet  honneur  qu*à  l'Amour  osent  rendre 

Vos  musettes  et  vos  voix, 
A  des  titres  si  beaux  Bacchus  seul  peut  prélandre, 

I.  Les  deux  premiers  vers  du  quatrain  sont  ramenés,  dans  le  chant,  aprèi 
les  deux  derniers.  —  11  en  est  de  même  au  quatrain  suirant,  qui  est  un  se- 
cond couplet. 

3.  Dans  la  partition  Philidor,  le  quatrain  précédent  et  le  sutrant  sont  deux 
couplets  d'une  chanson  donnés  l'un  et  l'autre  k  la  même  voix. 

3.  Ce  distique,  chanté  d'abord  psir  Philène  seul,  est  repris  en  duo  pnr 
pmiène  et  Tireis. 

4.  Ce  chœur  des  Bergers  amoureux  forme  deux  reprises  qui  sont  k  redi  e; 
les  deux  derniers  rers  ont  servi,  avec  le  Umt  dernier  répété,  à  composer  ta 
seconde. 

5.  D'Estival.  {Yote  Je  VoriginaL)  —  6.  Ce  mot  est  répété  dans  le  chtnt. 

Molibuk.  ti  39 


«lo  APPENDICE  A  GEORGE  DANDIN. 

Et  nous  sommes  ici  pour  défendre  set  droits'. 

CHOBUR    BS    SACCHUS. 

Nous  suivons  de  Baccbus  le  pouvoir  adorable  ; 
Nous  suivons  en  tous  lieux 
Ses  attraits  glorieux  : 
II  est  le  plus  aimable 
Et  le  plus  grand  des  Dieux*. 

Pluiîeart  da  parti  de  Baoehoi  mêlent  aiSMÎ  leon  pas  à  la  mwî- 
ipie',  et  l'on  voit  ici  un  combat  de  danseon  contre  danseort,  et  de 
«hantret  contre  chantres. 

CLORIS. 

Cest  le  printemps  qui  rend  Tàme 
A  nos  champs  semés  de  fleurs, 
Mais  c'est  TAmour  et  sa  flamme 
Qui  font  revivre  nos  cœurs. 

UN  SUIVAUT  DB  BACCHUS  *• 

Le  soleil  chasse  les  ombres 
Dont  le  ciel  est  obscurci, 
Et  des  âmes  les  plus  sombres 
Bacchus  chasse  le  souci. 

CHOEUR  OB  BACCHUS. 

Bacchus  est  révéré  sur  la  terre  et  sur  Tonde. 

CHOBUR  DB  l'amour. 

Et  TAmour  est  un  Dieu  qu'on  adore  en  tons  lieux. 

CHOBUR  DB   BACCHUS. 

Bacchus  à  son  pouvoir  a  soumis  tout  le  monde. 

CHOBUR  DB  l'amour. 

Et  l'Amour  a  dompté  les  hommes  et  les^Dieux. 


I.  La  coMpotitoar  ■  reprit  ce  vm  et,  poar  Sair, encora  ennilayê  le< 

liémittîche,  «  pour  déCandre  tm  droit*.  » 

s.  Ce  çhflBur  des  partisant  de  Bacchut  «at  aoasi  k  dauarapriaet;  la  pi** 
mîare,  de  trois  vers,  commence  par  Nous  suivons  rip4té;  la  aaemde  Sait  pv 
te  dernier  «ara  tout  eaiier  répété. 

3.  Smipmts  dé  Bocekms  dmnsmmi^  Beauehannp,  Dolivat,  GhâcanMan,  Mafia* 
—  Bacchantes,  Paysan,  Maneean,  le  Roy,  Peaan.  {Ifota  de  Poriginmi,) 

4*  Giagan.  (IbuUm.) 


LE  GRAND  DIVBaTISSEHENT  ROTAL.    6ii 

CBOBDB  DK  BACCBUS. 

Rien  peut-Q  '  égaler  sa  douceur  mds  lecoDcle  ? 

CBOXURDK  l'âUOUX. 

Rien  peut-il  é^er  ses  charmes  précieux  ? 

CHOKUR  DI  BACCBUS. 

Fi  *  de  l'Amour  et  de  ses  feux  ! 

LE    PÂKTI    DB   l'amour. 

Ah!  quel  plaisir  d'aimer! 

LB   PARTI    OR   BICCBDS. 

Ah'!  quel  plaisir  déboire*! 

LB    PARTI    DB   l'aHOVR*. 

A  qui  TÎt  sans  amour  la  vie  est  sans  appas. 

LE   PARTI    DE   BACCBDs'. 

C'est  mourir  que  de  vivre  et  de  ne  boire  pas. 

L8   PARTI   DB   l'aHOUR. 

Aimables  fers  ! 

LE  PARTI    DB   BACCHDS. 

Douce  victoire  '  ! 

t.  Sù»p*al-il  Mt  dit  <l*mi  foiidiiu  le  ctmt  d*  ce  tbti. 

a.  L*  conpMÎtaar  «  emjilDjS  trou  Foii  «IM  adamition. 

3.  Cm  m/  «m  k  mir^MT  tù  U  pramiàn  fnii  qaa  l'himiitich*  •■  ehaaM. 

4-  Ce  won,  d'iprii  U  pirticion,  n'oit  pu  ehsDt^  pir  l«  chaur*  :  le  plu- 
mier hêmutiebe  Psit  pir  dsax  Toïi  hintei  (deux  detiu)  et  le  leceod  ptr  uiu 
Toh  trte-bBH  \  psi*  la  f  où  li  plua  luate  npi—d  HBlt  i  ■  Ah  I  quai  pli^r 
d'aimarl  >,  st  la  toù  baiM  :  •  Ut\  qail  plaiôr,  quai  plùtlr  de  boini  >  Ce- 
paadaDt  *o;ea  ei-ipri«  la  nnia  7. 

5.  Qb  téBOr  Mal,  d'api^  la  partîlioB. 

fi.  Usa  baaaa  Mala  anal. 

;.  Dioi  l>  panitioii,  l»  Tinor  1  <  JLinubla  fart  1  >  —  Lm  ttut*  :  ■  Dobcc 
Tkteinl  ■>  —  £«T.taar  ^  •  Aimablea  fm}  .  —  Le  Ciamr  J,  Battkai . 
■  Dooca,  doBM  Tictoiral  ■  —  Ca  h'mI  poial  aor  dot  iadicationi  eipTMaa* 
qoa  U  Âaot  da  ^riqwa  pHWgai  d*  eatta  asiBB  limt  d'ttra  itEribni  li  ia» 
■ohaCaaiilB'eatpaiimpaaiibla  qw  cm  pnugei  aiani  rci  dunté*  par  tout  Itt 
daMui,  par  toutai  let  baatM,  par  ton*  iai  liaon  da  Pub  od  da  l'antra  ebonr; 
Boia,  d'oM  part,  Ui  paruMaat  Mre  d'nBa  eiàcalkn  pla*  diSeila,  al,  d'aatrr 
paît,  l'aeeanipagiKnieBt  ea  eil  iMoit  t  Biia  bies  moladre  MBoriti  ■  1  il  Ml 
tmt  k  fait  pndiabla  qn'ik  ^iast   iliinaii  aax  liiiiiiiaaa  qoe  LoUf  irait  U, 

*  An  lien  daa  ônq   partiea  d'iBAtmnaBta  qij  d'ordÎBiira  ioutienBeat  Im 


6ia  APPENDICE  A  GEORGE  DANDIN. 

LE    PARTI    DE    L*ÂMOl)R. 

Ail  !  quel  plaisir  iralmer! 

LE    PARTI    DE   BACCHUS. 

Ah  !  quel  plaisir  de  boire  ^  ! 

LES    DEUX    PARTIS. 

Non  y  non,  c'est  un  abus. 
Le  plus  grand  Dieu  de  tous.... 

LE   PARTI  DE   L^AMOUR. 

C'est  l'Amour. 

LE    PARTI    DE  BACCHUS. 

Cest  Bacch1]£^ 

Un  Berger  se  jette  au  milieu  de  cette  dispute',  et  chante  ces  tcts 
aux  deux  partis  : 

C*est  trop,  c'est  trop,  Bergers.  Hé  !  pourquoi  ces  débats^: 
Souffrons  qu'en  un  parti  la  raison  nous  assemble. 
L'Amour  a  des  douceurs,  Bacchus  a  des  appas  ; 
Ce  sont  deux  déités  qui  sont  fort  bien  ensemble  : 
Ne  les  séparons  pas*. 

LES    DEUX    CHOEURS   ensemble. 

Melons  donc  leurs  douceurs  aimables. 


devant  !«  Roi,  à  sa  déspo^itioa;  le  mattr«  distingaait  ainsi  eeax  dont  k  ca> 
cours  lui  étuit  le  plus  précieuif  et  ils  prenaient,  eux,  tout  natarelleiBRtt:' 
i*ôle  fie  coryph.l'es,  <le  cliefH  proroquant  ou  animant  encore  leur  parti  à  blstir. 

I.  Dans  la  partition,  le  Chœur  de  CAntonr  :  «  Ah!  ah!  quel  plaisir dV.- 
mer  !»  —  Le  Chœur  de  Bacehu4  :  «  Ah  !  ah  !  quel  plaisir  de  boire,  ^ 
plaisir  de  boire  !  > 

a.  La  fin  de  cette  scène,  à  partir  de  :  «  Non,  non,  c*est  an  abtts,>e< 
chantée  par  les  deux  chœurs,  avec  la  disposition  fuivante.  Les  voix  des  tUis 
Chœurs  répétant  et  mêlant  de  différentes  manières  les  paroles  :  «  Nos,  ul 
c*ei»b  un  abus.  »  —  Le  Chœur  de  i* Amour  :  «  Le  plus  grand  dieu  de  tous..^  ■ 
—  Le  Chœur  de  Bacchus  :  m  Le  plus  grand  dieu  de  tons....  »  ..  «  Cer 
PAmour.  »  —  «  C*e^t  Bacchus.  m  —  Cette  fois  seulement  (e  Ténor  on  les  Teiur 
^euls  :  «  Cest  1^  Amour.  ■  —  «  CVst  Bacchus.  •  —  «  CVstrAmour.  •  —  «  C'est  3»- 
chus.  >  —  «  CVst  r  Amour,  cVst  T Amour.  »  •—  «  C'est  Baocbos,  c*est  Bacchu.  * 

3.  Le  Gros.  (  Yo/e  de  P original,) 

4.  £1  pourquoi,  et  pourquoi  ces  débats?  [Partition  Philidor.) 

5.  Ce  dernier  ters  se  chante  deux  fois. 


LE  GRAND  DIVERTISSEMENT  ROYAL.     6i3 

Melons  nos  voix  dans  ces  lieux  agréables, 
Et  faisons  répéter  aux  échos  d'alentour 
Qu*il  n'est  rien  de  plus  doux  que  Bacchus  et  TAmour'. 

Tous  les  danseurs  se  mêlent  ensemble,  à  l'exemple  des  autres, 
et  avec  cette  pleine  réjouissance  de  tous  les  Bergers  et  Bergères 
finira  le  divertissement  de  la  comédie,  d*où  Ton  passera  aux  autres 
merveilles  dont  vous  aurez  la  relation. 

BEBGERS. 

Chœur  cT Amour, 

HeBBRT.  HUGUEIŒT. 

Braumont.  L.i  Cause  cadet. 

Boni.  La  Fontaike. 

Ferhon  le  cadet.  CuiBLOT. 

Bkoel.  Mahtihot  père. 

Giugah  le  cadet.  Martinot  fils. 

LoNOUEiL.  Le  Roux  Taîné. 

Cottereau.  Le  Roux  cadet. 

Jeannot,  I  Guenin. 

Laiou,      I  P  6    •  Le  Gbais. 

PiESCHE  père.  Brouabd, 

PlESCHE    fils.  BoULLÉ. 

Destouche.  Macwy. 

La  Caisse  cadet.  Chevallier. 

Marchakd. 


I.  Voici  comment  dans  la  partition  sont  distribuées  et  employées  ces  der- 
nières paroles.  Les  deux  Chœurs  :  «  Mêlons  donc  leurs  douceurs  uimaliles.  — * 
Le  Chœur  de  P Amour  :  «  Mêlons  nus  voix  dans  ces  lieux  agréables.  »  —  Les 
deux  Chœurs:  «  Mêlons  nos  voix,  »  etc.  —  Le  Chœur  de  P Amour  :  «  Et  faisoos 
répéter  aux  échos  d^alentour.»  —  Les  deux  Chœurs  :  «  Et  faisons,  et  Lisons  re- 
péter aux  échos  d'alentour,  et  faisons  répéter,  et  faisons  ré|)cter,  aux  échos, 
aux  échos  d*alentour,  qu*il  n'est  rien,  etc.,  qu'il  n'est  rien,  »  etc.  — Les  voix  de 
contralto  du  Chœur  de  V  Amour  :  «  Et  faisons  répéter.  •  —  Les  voix  de  contralto 
du  Chœur  de  Bacchus  :  «  Et  faisons  rqx'ter.»  —  Les  mêmes  voix  du  Chœur  de  * 
PAmr'ur:  «  Aux  échos  d'al<*ntour.  »  —  Les  mêmes  voix  de  rautre  Chœur  :  «  Aux 
échos  d^ulentour.  »  — Les  deux  Chœurs  :  {y^rt  ^)  «  Et  f.iiRon.s  lépétcr,  ('/©«j)  et 
faisons  répéter,  {Jort)  aux  échos  d'ulcutuur,  {doux)  aux  échos  d'ah  ntour,  qu'il 
n*est  rien,  >  etc.  [quater  le  dernier  vers).  '—  Tout  le  chœur,  comme  nous 
Tarons  dit,  ou  la  plus  grande  partie  du  choeur  fut  une  seconde  fois  diantée 
après  une  dernière  enirée  des  danseurs. 

«  Des  f  et  des  d  marquent  quelques-uns  des  efîets  d*écho  dont  parle  Féli- 
bien  ci-après,  p.  614. 


6i4 


APPENDICE  A.  OBORGE  DÂNDIN. 


SATYHIS. 

Chœur  d9  Baeehus, 

HiDonr. 

CflAuimov. 

DOM. 

Fatisb. 

Fsniroir  Tafnë. 

Bbdilahd. 

DlSCHAMM. 

Balus. 

Obat. 

Dbs- Maton 

David. 

Fbuobb. 

Momui. 

Du  Paot. 

Sbbiosah. 

L*Espiim. 

Sahsos. 

Cahoxb. 

OUDOT. 

BlBUABD. 

SiMOK, 

BBUtLARD. 

TanuT,        ^..^ 

DuilOYXBt. 

tb«.lo;,  p*«**- 

S.  Pbbb. 

AUCK, 

Vabih. 

Jbav           \ 

Hbrcub. 

irr..  H—- 

Chstaudi. 

JOUBKKT. 

Mabtui      ) 

La  Pulcb. 

Dumahou. 

FOMAHT. 

Mazvbl. 

LiQUS. 

II 

RELATION  DE  LA  FÊTE  DE  VERSAILLES 

D0  i8*  imuMT  1668*. 

Le  Roi  ayant  accordé  la  paix  aux  inatancet  de  set  alliés  et  aux 
TOBttx  de  toute  TEurope,  et  donné  des  marques  d*une  modératîoB 
et  d'une  bonté  sans  exemple,  même  dans  le  plus  fort  de  ses  con- 

I.  Nom  tairoat  le  teste  de  166B,  en  7  eomparani  la  réimprecaion  de  1679. 
Cette  dernière  porte  à  la  fio  le  aoa  de  Tauteor  de  la  Relatimtj  Fsuua, 
aor  qui  Toiet  la  note  d*Aiiger  (tome  VU,  p.  a85)  :  «  André  Fdibien,  ni  ca 
1619  et  mort  en  1695.  Il  fut  historiographe  dea  bitimenla  {du  Roi^  des  pcm^ 
tmnts,  sculptures^  arts  et  manufactures  royales)  ^  aecrétatre  de  1* Académie  d'ar- 
I,  et  nn  des  huit  qui  formèrent,  dana  le  prineipe,  PAcadémie  dci 


RELATION  DE  LA  FÊTE  DE  VERSAILLES.  6iS 

qaêtes,  ne  pensoit  phis  qa'à  t'applîqaer  anx  afbires  de  son 
royanme,  lorsque,  pour  réparer  eo  quelque  sorte  ce  que  la  cour 
aToit  perdu  daos  le  camaral  pendant  son  absence,  il  résolut  de 
fidre  une  fête  dans  les  jardins  de  Versailles,  où,  parmi  les  plaisirs 
que  Ton  troure  dans  un  séjour  si  dëlicieux,  Tesprit  fût  encore 
touché  de  ces  beautés  surprenantes  et  extraordinaires  dont  ce  grand 
prince  sait  si  bien  assaisonner  tous  ses  divertissements. 

Pour  cet  effet,  Toulant  donner  la  comédie  ensuite  d'une  colla* 
tion,  et  le  souper  après  la  comédie  qui  fût  suivi  d'un  bal  et  d'un 
feu  d*artifice,  il  jeta  les  jreux  sur  les  personnes  qu'il  jugea  les  plua 
capables  pour  disposer  toutes  les  choses  propres  à  cela.  Il  leur 
marqua  lui-même  les  endroits  où  la  disposition  du  lieu  pouToit 
par  sa  beauté  naturelle  contribuer  davantage  à  leur  décoration  ;  et 
parce  que  Tun  des  plus  beaux  ornements  de  cette  maison  est  I» 
quantité  des  eaux  que  Tart  j  a  conduites,  malgré  la  nature  qui  les 
lui  aToit  refusées,  Sa  Majesté  leur  ordonna  de  s'en  servir,  le  plus- 
qu'ils  pourroient,  à  l'embellissement  de  ces  lieux,  et  même  leur 
ouvrit  les  moyens  de  les  employer  et  d'en  tirer  les  effets  qu'elles 
peuvent  faire. 

Pour  l'exécution  de  cette  fête,  le  duc  de  Créquy,  comme  pre- 
mier gentilhomme  de  la  chambre,  fut  chargé  de  ce  qui  regardoit 
la  comédie*,  le  maréchal  de  Bellefond,  comme  premier  maître 
d'hôtel  du  Roi,  prit  le  som  de  la  collation,  du  souper  et  de  tout 
ce  qui  regardoit  le  service  des  tables;  et  M.  Colbert,  comme  sur- 
intendant des  bâtiments,  fit  construire  et  embellir  les  divers  lieux 
destinés  à  ce  divertissement  royal,  et  donna  les  ordres  pour  l'exé- 
cution des  feux  d'artifice. 

Le  sieur  Vigarani  eut  ordre  de  dresser  le  théâtre  pour  la  comé- 
die; le  sieur  Gissey  d'accommoder  un  endroit  pour  le  souper;  et 
le  sieur  le  Yau,  premier  architecte  du  Roi,  un  autre  pour  le  bal. 

Le  mercredi'  i8*  jour  de  juillet,  le  Roi,  étant  parti  de  Saint- 
Germain,  vint  dfncr  à  Versailles  avec  la  Reine,  Monseigneur  le 
Dauphin,  Monsieur  et  Madame;  le  reste  de  la  cour,  étant  arrivé 
incontinent  après  midi,  trouva  des  officiers  du  Roi  qui  faisoient 


îaseriptions.  Il  eompow  plosienrt  oavriges,  dont  le  pins  ettimé  ■  pour  titra  : 
BtUrttUnê  sur  le*  wiê*  et  sur  le*  ùu»ragea  de*  plu*  excellent*  peintre*  aneieme 
et  moderne*  (i6^,  in-4*).  11  eut  dea  fib,  doat  l*ua  hérita  d«  son  amonr 
pour  les  arta,  et  de  la  plupart  de  ses  emplois;  «t  dont  l'antre,  religieox  da 
Tordre  de  Suiot-Benolt,  écrivit  VBùtoire  de  Vabbaye  de  Saint-/)tni*^  et  com- 
mença VHUtoîre  de  la  ville  de  Pari*,  achevée  par  dom  Lobioean,  son 
confirére.  » 

I.  Le  meeredi.  (1679.) 


6i6  APPENDICE  A  GEORGE  DANDIN. 

les  honneurs  et  rece voient  tout  le  monde  dans  les  salles  du  châ- 
leau,  où  il  y  avoit,  en  plusieurs  endroits,  des  tables  dressées,  et  de 
quoi  se  rafraîchir  ;  les  principales  dames  furent  conduites  dans  des 
chambres  particulières,  pour  se  reposer. 

Sur  les  six  heures  du  soir,  le  Roi  ayant  commande  au  marquis 
de  Gévres,  capitaine  de  ses  gardes,  de  faire  ouvrir  toutes  les  portes, 
afin  qu'il  n*y  eût  personne  qui  ne  prît  part  au  divertissement,  sortit 
du  château  avec  la  Reine  et  tout  le  reste  de  la  cour,  pour  prendre 
le  plaisir  de  la  promenade. 

Quand  Leurs  Majestés  eurent  fait  le  tour  du  grand  parterre, 
elles  descendirent  dans  celui  de  gazon  qui  est  du  côté  de  la  Grotte, 
où  après  avoir  considéré  les  fontaines  qui  les  embellissent,  elles 
s*arrêtèrent  particulièrement  à  regarder  celle  qui  est  au  bas  du  petit 
parc  du  côié  de  la  pompe.  Dans  le  milieu  de  son  bassin  Ton  voit 
un  dragon  de  bronze,  qui,  percé  d'une  flèche,  semble  vomir  le  saog 
par  la  gueule,  en  poussant  en  Tair  un  bouillon  d'eau  qui  retombe 
en  pluie,  et  couvre  tout  le  bassin. 

Autour  de  ce  dragon  il  y  a  quatre  petits  Amours  sur  des  cygnes, 
qui  font  chacun  un  grand  jet  d'eau  et  qui  nagent  vers  le  bord 
comme  pour  se  sauver  :  deux  de  ces  Amours,  qui  sont  en  face  da 
dragon,  se  cachent  le  visage  avec  la  main  pour  ne  le  pas  voir,  et 
sur  leur  visage  Ton  aperçoit  toutes  les  marques  de  la  crainte  par- 
faitement exprimées.  Les  deux  autres,  plus  hardis  parce  que  le 
monstre  n'est  pas  tourné  de  leur  côté,  l'attaquent  de  leurs  armes. 
Entre  ces  Amours  sont  des  dauphins  de  bronze,  dont  la  gueule 
ouverte  pousse  eu  Tair  de  gros  bouillons  d'eau. 

Leurs  Majestés  allèrent  ensuite  chercher  le  frais  dans  ces  bos- 
quets  si  délicieux,  où  l'épaisseur  des  arbres  empêche  que  le  soleil 
ne  se  fasse  sentir.  Lorsqu'elles  furent  dans  celui  dont  un  grand 
nombre  d'agréables  allées  forme  une  espèce  de  labyrinthe,  elles 
arrivèrent,  après  plusieurs  détours,  diins  un  cabinet  de  verdure 
pentagone  ',  où  aboutissent  cinq  allées.  Au  milieu  de  ce  cabinet  il 
y  a  une  fontaine,  dont  le  bassin  est  bordé  de  gazon.  De  ce  bassin 
sortoient  cinq  tables  en  manière  de  buffets,  chargées  de  toutes  les 
choses  qui  peuvent  composer  une  collation  magnifique. 

L'une  de  ces  tables  rcprésentoit  une  montagne,  où  dans  plusieurs 
espèces  de  cavernes  on  voyoit  diverses  sortes  de  viandes  froides ^ 
l'aulrt-  étoit  comme  la  face  d'un  palais  bâti  de  massepains  et  pâtes 
sucrées.  Il  y  en  a  voit  une  chargée  de  pyramides  de  confitures 
sèches;  une  autre  d'une  infinité  de  vases  remplis  de  toutes  sortes 
de  liqueurs*,  et  la  dernière  étoit  composée  de  caramels.  Toutes  ces 

I .  Dana  un  cabinet  de  verdure,  et  de  figure  pentagone.  (1679.) 


RELATION  DE  LA  FÊTE  DE  VERSAILLES.  617 

tables,  dont  les  plans  étoient  iogënieusement  formes  en  dirers  com- 
partiments, étoient  couvertes  d'une  infinité  de  choses  délicates,  et 
disposées  d*une  manière  toute  nouvelle  ;  leurs  pieds  et  leurs  dos- 
siers étoient  environnés  de  feuillages  mêlés  de  festons  de  fleurs, 
dont  une  partie  étoit  soutenue  par  des  Bacchantes.  Il  y  avoit  entre 
ces  tables  une  petite  pelouse  de  mousse  verte  qui  s^avançoit  dans 
le  bassin,  et  sur  laquelle  on  voyoit  dans  un  grand  vase  un  oranger 
dont  les  fruits  étoient  confits  :  chacun  de  ces  orangers  avoit  à  côté 
de  lui  deux  autres  arbres  de  différentes  espèces,  dont  les  fruits 
étoient  pareillement  confits. 

Du  milieu  de  ces  tables  sVlevoit  un  jet  d'eau,  de  plus  de  trente 
pieds  de  haut,  dont  la  chute  faisoit  un  bruit  très-agréable  :  de  sorte 
quVn  voyant  tous  ces  buffets  d'une  même  hauteur,  joints  les  uns 
aux  autres  par  les  branches  d'arbres  et  les  fleurs  dont  ils  étoient 
revêtus,  il  sembloit  que  ce  fût  une  petite  montagne  du  haut  de 
laquelle  sortît  une  fontaine. 

La  palissade  qui  fait  Tenceinte  de  ce  cabinet  étoit  disposée  d'une 
manière  toute  particulière  :  le  jardinier  ayant  employé  son  indus- 
trie à  bien  ployer  les  branches  des  arbres  et  à  les  lier  ensemble  en 
diverses  façons,  en  avoit  formé  une  espèce  d'architecture.  Dans  le 
milieu  du  couronnement  on  voyoit  un  socle  de  verdure,  sur  lequel 
il  y  avoit  un  dé  qui  portoit  un  vase  rempli  de  fleurs.  Au  côté  du  dé 
et  sur  le  même  socle  étoient  deux  autres  vases  de  fleurs;  et  en  cet 
endroit  le  haut  de  la  palissade,  venant  doucement  à  s'arrondir  en 
forme  de  galbe,  se  terminoit  aux  deux  extrémités  par  deux  autres 
vases  aussi  remplis  de  fleurs. 

Au  lieu  de  sièges  de  gazon,  il  y  avoit  tout  autour  du  cabinet  des 
couches  de  melons,  dont  la  quantité,  la  grosseur  et  la  bonté  étoit 
surprenante  pour  la  saison.  Ces  couches  étoient  faites  d'une  manière 
toute  extraordinaire,  et  à  bien  considérer  la  beauté  de  ce  lieu.  Ton 
auroit  pu  dire  autrefois  que  les  hommes  n'auroient  point  eu  de 
part  à  un  si  bel  arrangement,  mais  que  quelques  diviuités  de  ces 
bois  auroient  employé  leurs  soins  pour  l'embellir  de  la  sorte. 

Comme  il  y  a  cinq  allées  qui  se  terminent  toutes  dans  ce  cabinet 
et  qui  forment  une  étoile,  l'on  trouvoit  ces  allées  ornées  de  chacun 
côté  *  de  vingt-six  arcades  de  cyprès.  Sous  chaque  arcade  et  sur 
des  sièges  de  gazon  il  y  avoit  de  grands  vases  remplis  de  divers 
arbres  chargés  de  leurs  fruits.  Dans  la  première  de  ces  allées  il  n'y 
avoit  que  des  orangers  de  Portugal;  la  seconde  étoit  toute  de  bi- 
garreautierset  de  cerisiers  mêlés  ensemble;  la  troisième  ctoit  bordée 
d'abricotiers  et  de  pêchers;  la  quatrième,  de  groseilliers*  de  Hol- 

1.  De  chaqae  côté.  (1679.)  *~  ^*  Dans  les  deux  éditions  :  t  groisilliers  ». 


6iS  APPENDICB  A  GEORGB  DANDIN. 

lande;  et  dans  la  dnqvième  Ton  ne Tojroît  que  det  poîriera  de  dif- 
férente etpèce.  Tout  cet  arbret  faîtoient  nn  agréable  objet  à  la  Toe, 
à  eante  de  leart  fruitt  qui  paroîttoient  encore  daTantage  contre 
répaitteur  du  boit. 

Au  bout  de  cet  cinq  alléet  il  j  a  cinq  grandet  nîchet  de  tct- 
dnre,  que  Ton  Toit  toutet  en  foce  du  mittea  du  cabinet.  Cet  ntebes 
ëtoient  eintréet  ;  et  tnr  let  pilattret  det  côtét  t^éleroient  deux  rou- 
leaux, qui  t*alloient  joindre  à  un  carré  qui  étoît  an  milieu.  Dans 
ce  earré  Ton  Tojoit  let  chiffret  du  Roi  eompotét  de  dilFérentcs 
fleurt,  et  des  deux  côtét  pendoient  des  festons  qui  t^attachoient  à 
IVxtrémité  det  rouleaux.  A  côté  de  la  niche  il  j  aroit  deux  arcades 
anui  de  rerdure,  avec  leurt  pilattret  d*un  côté  et  diantre;  et 
tout  cet  pilattret  étoient  terminét  par  det  rates  remplis  de  flenn. 

Dant  Tune  de  cet  nichet  étoit  la  figure  du  dieu  Pan,  qui  ajaat 
tor  le  visage  toutet  let  marquet  de  la  joie,  tembloit  prendre  part  i 
celle  de  toute  Tattemblée.  Le  sculpteur  Favoit  ditposé  dans  une 
action  qui  fiiisoit  connoftre  qu^il  étoit  mis  là  comme  la  dÎTÎnité  qoi 
prétidoit  dans  ce  lieu. 

Dans  les  quatre  autres  niches,  il  j  aroit  quatre  Satjres,  deux 
hommes  et  deux  femmes,  qui  tous  sembloient  danser  et  témoîgaer 
le  plaisir  quMIs  ressentoient  de  se  Toir  risités  par  un  si  grand  mo- 
narque, suÎTÎ  d*ttne  si  belle  cour.  Toutes  ces  figures  étoieat 
doréet  et  faîtoient  un  effet  admirable  contre  le  vert  de  cet  palissades. 

Après  que  Leurs  Majestés  eurent  été  quelque  temps  dans  cet 
endroit  si  charmant,  et  que  les  dames  eurent  fiiit  collation,  le  Roî 
abandonna  les  tables  au  pillage  des  gens  qui  suiroient,  et  la  des- 
truction d*un  arrangement  si  beau  serrît  encore  d*un  dirertisse- 
ment  agréable  à  toute  la  cour,  par  Tempressement  et  la  confusion 
de  ceux  qui  démolissoient  ces  châteaux  de  massepain  et  ces  mon- 
tagnes de  confitures. 

Au  sortir  de  ce  lien,  le  Roi  rentrant  dans  une  calèche,  la  Reine 
dans  sa  chaise,  et  tout  le  reste  de  la  cour  dans  leurs  carrosses, 
poursuirirent  leur  promenade  pour  se  rendre  â  la  comédie,  et  pas- 
sant dans  une  grande  allée  de  quatre  rangs  de  tilleuls,  firent  If 
tour  du  bassin  de  la  fontaine  des  Cygnes,  qui  termine  Fallée  Rojale 
ns-4-Tis  du  château.  Ce  bassin  est  un  carré  long,  finissant  par  deax 
demi-ronds  ;  sa  longueur  est  de  soixante  toises,  sur  quarante  de  large. 
Dans  son  milieu  il  jr  a  une  infinité  de  jets  dVau,  qui,  réunis  ensem- 
ble, font  une  gerbe  d'une  hauteur  et  d*une  grosseur  extraordinaire. 

A  côté  de  la  grande  allée  Royale  il  y  en  a  deux  autres  qui  en 
sont  éloignées  d*enTiron  deux  cents  pas.  Celle  qui  est  à  droit  eo 
montant  tcfs  le  château,  s^appelle  Tallée  du  Roi;  et  celle  qui  est  à 
gauche,  Fallée  des  Prés.  Ces  trois  alléet  tout  traTenéet  par  une 


RELATION  DB  LA  FÉTB  DB  VERSAILLES.  619 

antre  qui  se  termine  à  ilenx  griUes,  qui  font  la  clôture  du  petit 
parc.  Ces  deux  allées  des  côtés  et  celle  qui  les  traverse  ont  cinq 
toises  de  large  ;  mais  à  Tendroit  où  elles  se  rencontrent,  elles  foi^ 
ment  un  grand  espace  qui  a  plus  de  treize  toises  en  carré.  C*est 
dans  cet  endroit  de  Tallée  du  Roi  que  le  sieur  Vigarani  avoît  dis- 
posé le  lieu  de  la  comédie.  Le  théâtre,  qui  STaoçoit  un  peu  dans 
le  carré  de  la  place,  s*enfonçoit  de  dix  toises  dans  Tailée  qui  monte 
Ters  le  château,  et  laissoit  pour  la  salle  un  espace  de  treize  toisea 
de  face  sur  neuf  de  large. 

L'exhaussement  de  ce  salon  étoit  de  trente  pieds  jusqnes  à  la 
corniche,  d*où  les  côtés  du  plafond  s*éleToient  encore  de  huit  pieds 
jusques  au  dernier  enfoncement.  II  étoit  couvert  de  feuillée  par 
dehors,  et  par  dedans  paré  de  riches  tapisseries,  que  le  sieur  du 
Mets,  intendant  des  meubles  delà  couronne,  aroit  pris  soin  de  faire 
disposer  de  la  manière  la  plus  belle  et  la  plus  conrenable  pour  la 
décoration  de  ce  lieu.  Du  haut  du  plafond  pehdoient  trente-deux 
chandeliers  de  cristal,  portant  chacun  dix  bongics  de  cire  blanche. 
Autour  de  la  salle  étoient  plusieurs  sièges  disposés  en  amphithéâtre, 
remplis  de  plus  de  douze  cents  personnes;  et  dans  le  parterre  il  j 
avoit  encore  sur  des  bancs  une  plus  grande  quantité  de  monde* 
Cette  salle  étoit  percée  par  deux  grandes  arcades,  dont  Tune  étoit 
Tis-à-vis  du  théâtre,  et  l'autre  du  côté  qui  va  rers  la  grande  allée. 
L^ourerture  du  théâtre  étoit  de  trente-six  pieds,  et  de  chaque  côté 
il  y  aroit  deux  grandes  colonnes  torses,  de  bronze  et  de  lapb, 
environnées  de  branches  et  de  feuilles  de  vigne  d^or  :  elles  étoient 
posées  sur  des  piédestaux*  de  marbre,  et  portoient  une  grande  cor« 
niche,  aussi  de  marbre,  dans  le  milieu  de  laquelle  on  voyoit  les 
armes  du  Roi  sur  un  cartouche  doré,  accompagné  de  trophées; 
Tarchitecture  étoit  d*ordre  ionique.  Entre  chaque  colonne  il  y  aroit 
une  figure  :  celle  qui  étoit  à  droit  représentoit  la  Paix,  et  celle  qui 
étoit  à  gauche  figuroit  la  Victoire,  pour  montrer  que  Sa  Majesté  est 
toujours  en  état  de  faire  que  ses  peuples  jouissent  d'une  paix  heu- 
reuse et  pleine  d'abondance,  en  établissant  le  repos  dans  T Europe, 
ou  d'une  victoire  glorieuse  et  remplie  de  joie,  quand  elle  est  obligée 
de  prendre  les  armes  pour  soutenir  ses  droits. 

Lorsque  Leurs  Majestés  furent  arrivées  dans  ce  lieu,  dont  la 
grandeur  et  la  magnificence  surprit  toute  la  cour,  et  quand  elles 
eurent  pris  leurs  places  sur  le  haut  dais  qui  étoit  au  milieu  du 
parterre,  on  leva  la  toile  qui  cachoit  la  décoration  du  théâtre,  et 
alors  les  yeux  se  trouvant  tout  à  fait  trompés,  Ton  crut  Toir  eiTec» 
tivement  un  jardin  de  beauté  extraordinaire. 

I.  Dans  nos  tcsieSf  fUd$  éTêsiautCf  ma  sbguUer,  piéJ  iTtêUiL 


6ao  APPENDICE  A  GEORGE  DANDIN. 

A  rentrée  de  ce  jardin,  Ton  découTroit*  deux  palissades  si  ingé- 
nieusement moulées,  qu^elles  formoient  un  ordre  d^architecture, 
dont  la  cornicUe  étoit  soutenue  par  quatre  Termes,  qui  reprêseo* 
toieut  des  Satyres.  La  partie  (Vea  bas  de  ces  Termes,  et  ce  qu*oa 
appelle  gaîne,  étoit  de  jaspe,  et  le  reste  de  bronze  doré.  Ces  Sa- 
tyres portoient  sur  leurs  têtes  des  corbeilles  pleines  de  fleurs;  et  sur 
les  piédestaux  de  marbre  qui  soutenoient  ces  mêmes  Termes,  il  j 
aToit  de  grands  vases  dorés,  aussi  remplis  de  fleurs. 

Un  peu  plus  loin  paroissoient  deux  terrasses,  revêtues  de  marbre 
blanc,  qui  environnoient  un  long  canal.  Aux  bords  de  ces  terrasses 
il  y  avoit  des  masques  dorés,  qui  Tomissoient  de  Teau  dans  le 
canal,  et  au-dessus  de  ces  masques  on  vojoit  des  vases  de  bronze 
doré,  d'où  sortoient  aussi  autant  de  véritables  jets  d*eau. 

On  raoutoit  sur  ces  terrasses  par  trois  degrés;  et  sur  la  même 
ligne  où  étoient  rangés  les  Termes,  il  y  avoit,  d'un  côté  et  d^autre, 
une  allée*  de  grands  arbres,  entre  lesquels  paroissoient  des  cabi- 
nets d'une  architecture  rustique  :  chaque  cabinet  couvroit  un  grand 
bassin  de  marbre,  soutenu  sur  un  piédestal  de  même  matière,  et 
de  ces  bassins  sortoient  autant  de  jets  d'eau. 

Le  bout  du  canal  le  plus  proche  étoit  bordé  de  douze  jets  d'eaa, 
qui  formoient  autant  de  chandeliers,  et  à  l'autre  extrémité  oa 
voyoit  un  superbe  édilice  en  forme  de  dôme.  Il  étoit  percé  de  trois 
grands  portiques  *,  au  travers  desquels  on  découvroit  une  grande 
étendue  de  pays. 

D'abortl  Ton  vit  sur  le  théâtre  une  collation  magnifique  d'oranges 
de  Portugal  et  de  toutes  sortes  de  fruits,  chargés  à  fond  et  ea 
pyramides  dans  trente-six  corbeilles,  qui  furent  servies  à  toute  la 
cour  par  le  maréchal  de  Bellefond,  et  par  plusieurs  seigneurs, 
pendant  que  le  sieur  de  Launay,  intendant  des  menus  plaisirs  et 
affaires  de  la  chambre,  doonoit  de  tous  côtés  des  imprimés  qui 
contenoient  le  sujet  de  la  comédie  et  du  ballet. 

Bien  que  la  piîxe  qu'on  représenta  doive  être  considérée  comme 
un  impromptu  et  un  de  ces  ouvrages  où  la  nécessité  de  satisfaire 
sur-le-champ  aux  volontés  du  Roi  ne  donne  pas  toujours  le  loiùr 
d'y  apporter  la  derni('re  main  et  d'en  former  les  derniers  traits, 
néanmoins  il  est  certain  qu'elle  est  composée  de  parties  si  diversi- 
fiées et  si  agréables,  qu'on  peut  dire  qu'il  n'en  a  guère  paru  sur  le 
théâtre  de  plus  capable  de  satisfaire  tout  ensemble  l'oreille  et  les 
yeux  des  spectateurs.  La  prose,  dont  on  s'est  servi,  est  un  langage 

I.  On  découvroit.  (1679.) 

a.  Une  longue  allée.  {Ibidem.) 

3.  II  étoit  percé  de  trois  portiques.  (Ilidem.) 


RELATION  DE  LA  FÊTE  DE  TERSAILLES.  611 

très-propre  pour  ractîon  qu*on  représente  ;  et  les  Ters  qaî  se  chantent 
entre  les  actes  de  la  comédie  conTÎennent  si  bien  au  sujet  et  expri- 
meut  si  tendrement  les  passions  dont  ceux  qui  les  récitent  doÎTent 
être  émus,  qu*il  n*j  a  jamais  rien  eu  de  plus  touchant.  Quoiqu'il 
semble  que  ce  soit  deux  comédies  que  Ton  joue  en  même  temps, 
dont  Tune  soit  en  prose  et  Tautre  en  rers^  elles  sont  pourtant  si 
bien  unies  à  un  même  sujet,  qu'elles  ne  font  qu'une  mi^me  pièce  et 
ne  représentent  qu'une  seule  action. 

L'ouverture  du  théâtre  se  fait  par  quatre  Bergers  ',  déguisés  en 
yalets  de  fêtes,  qui,  accompagnés  de  quatre  autres  Bergers  *  qui 
jouent  de  la  flûte,  font  une  danse,  où  ils  obligent  d'entrer  avec  eux 
un  riche  Paysan  qu'ils  rencontrent,  et  qui,  mal  satisfait  de  son 
mariage,  n'a  l'esprit  rempli  que  de  fâcheuses  pensées  :  aussi  l'on 
Toit  qu'il  se  retire  bientôt  de  leur  compagnie,  où  il  n*a  demeuré 
que  par  contrainte. 

Climène'  et  Cloris^,  qui  sont  deux  Bergères  amies,  entendant  le 
son  des  flûtes,  viennent  joindre  leurs  voix  à  ces  instruments,  et 
(.hantent  : 

L'autre  jour,  d'Annette*,  etc. 

Tircis*  et  Philène',  amants  de  ces  deux  Bergères,  les  abordent 
pour  les  entretenir  de  leur  passion,  et  font  avec  elles  une  scène  en 
musique. 

CLORIS. 

Laissez-nous  en  repos,  Philène,  etc. 

Ces  deux  Bergers  se  retirent,  l'nme  pleine  de  douleur  et  de  déses- 
poir, et  ensuite  de  cette  musique  commence  le  premier  acte  de  la 
comédie  en  prose. 

Le  sujet  est  qu'un  riche  Paysan  s'étant  marié  à  la  fille  d'un  gen- 
tilhomme de  campagne,  ne  reçoit  que  du  mépris  de  sa  femme  aussi 
bien  que  de  son  beau-p^re  et  de  sa  belle-mère,  qui  ne  Tavoicnt 
pris  pour  leur  gendre  qu'a  cause  de  ses  grands  biens. 

Toute  cette  pièce  est  traitée  de  la  même  sorte  que  le  sieur  de 
Molière  a  de  coutume  de  faire  ses  autres  pièces  de  théâtre  :  c'est-à* 
dire  qu'il  y  représente  avec  des  couleurs  si  naturelles  le  caractère 
des  personnes  qu'il  introduit,  qu'il  ne  se  peut  rien  voir  de  plus  res- 
semblant que  ce  qu'il  a  fait  pour  montrer  la  peine  et  les  chagrins 

I.  Beauchatnp,  Saint«André,  la  Pî«rr«,  Fati«r.  —  a.  Deseoulsaux,  Philbert, 
Jean  et  \Iartia  Hottere.  (Notes  dû  roriffinal,] 

3.  Mlle  Hyl'iire.  •«  4.  Mlle  des  Froateaux.  {Ibùlem,) 

5.  Voyez  ci-dessus,  dans  le  /«*'  Appemlice^  la  suite  de  cette  chaosoaaette, 
aia«i  que  la  suite  de  toutes  les  poésies  rappelées  plus  loin  par  leur  premier  vers. 

6.  Blundel,  —  7.  Gaye.  (Notée  de  PonginaL) 


6n  APPENDICE  A  GEORGE  DANDIN. 

où  ae  tronvent  touTeat  ceux  qui  t'allient  au-ilettiu  de  lenr  condi- 
tion. Et  quand  il  dépeint  Thumeur  et  la  manière  de  faire  de  ocr- 
taint  nobles  campagnarda,  il  ne  forme  point  de  traits  qui  n*ex|in- 
ment  parfaitement  leur  réritable  image.  Sur  la  fin  de  Tacte,  le 
Paysan  est  interrompu  par  une  Bergère  qui  lui  rient  apprendre  le 
désespoir  des  deux  Bergers;  mais  comme  il  est  agité  d*autres  inquié- 
tudes, il  la  quitte  en  colère,  et  Qoris  entre,  qui  Tient  faire  une 
plainte  sur  la  mort  de  son  amant  : 

Ah  !  mortelles  douleurs  !  etc. 


Après  cette  plainte,  commença  le  second  acte  de  la 
prose.  C*est  une  suite  des  déplaisirs  du  Paysan  marié,  qui  se  troure 
encore  interrompu  par  la  même  Bergère,  qui  rient  lui  dire  qoe 
Tircis  et  Philène  ne  sont  point  morts,  et  lui  montre  six  Batelien  ' 
qui  les  ont  sauvés.  Le  Paysan  importuné  de  tous  ces  aris  se  retire, 
et  quitte  la  place  aux  Bateliers,  qui,  ravû  de  la  récompense  qa'3s 
ont  reçue,  dansent  arec  leurs  crocs,  et  se  jouent  ensemble:  après 
quoi  se  récite  le  troisième  acte  de  la  comédie  en  prose. 

Dans  ce  dernier  acte  Ton  roit  le  Paysan  dans  le  comble  de  la 
douleur  par  les  mauvais  traitements  de  sa  femme.  Enfin  un  de  ses 
amis  lui  conseille  de  noyer  dans  le  rin  toutes  ses  inquiétudes,  et 
remmène  pour  joindre  sa  troupe,  royant  renir  toute  la  foule  des 
Bergers  amoureux,  qui  commence  à  célébrer  par  des  chants  et  des 
danses  le  pouvoir  de  FAmour. 

Ici  la  décoration  du  théâtre  se  troure  changée  en  un  instant,  et 
Ton  ne  peut  comprendre  comment  tant  de  véritables  jets  d^eau  ne 
paroissent  plus,  ni  par  quel  artifice,  au  lieu  de  ces  cabinets  et  de 
ces  allées,  on  ne  décourre  sur  le  théâtre  que  de  grandes  roches 
entremêlées  d*arbres,  où  Ton  roit  plusieurs  Bergers  qui  chantent 
et  qui  jouent  de  toutes  sortes  dUnstruments.  Cloris  commence  la 
première  à  joindre  sa  roix  au  son  des  flûtes  et  des  musettes. 

GLoais. 
Ici  Tombre  des  ormeaux,  etc. 

Pendant  que  la  musique  charme  les  oreilles,  les  yeux  sont  agréa- 
blement occupés  à  roir  danser  plusieurs  Bergers  et  Bergères*  ga- 
lamment rétus  ;  et  Ciimène  chante  : 

Ah  I  qu'il  est  doux,  belle  Sylrie,  etc. 


I.  Joaaa,  Beauehamp,  Chifinneiu,  Fsvier,  NoUet,  Mayeu.  {Ffote  de  Fmi» 
gUal,) 

a.  Btt^en  :  ChteanaaaB,  Saint-André,  la  Kerra,  Pariar.  •»  Bergèrtê  :  Be- 
aard,  Aniald,  N oblat,  Foigaard.  (NoUê  d$  Vori^inal.) 


RELATION  DE  LA  FÊTE  DE  VERSAILLES.  69S 

TOUS  eatemble. 
Chantons  toof  de  TÂmour  le  pouToir  adonUt, 

Il  est  le  pluf  aimable 

Et  le  plufl  grand  des  Dieux. 

A  eet  mots,  Ton  vit  s*approcher  du  fond  du  théâtre  un  grand 
rocher,  couvert  d*arbres,  sur  lequel  ëtoit  assise  toute  la  troupe  de 
Bnochus,  composée  de  quarante  Satyres;  Tun  dVux  *,  s^avançant  à 
la  tète,  chanta  fièrement  ces  paroles  : 

Arrètex,  c*est  trop  entreprendre,  etc. 
CHonaa  dx  bacchus. 
Nous  suivons  de  Bacchus  le  pouvoir  adorable,  etc. 

Plunenrs  du  parti  de  Bacchus  mèloient  aussi  leurs  pas  à  la  mu- 
sique, et  Ton  rit  un  combat  des  danseurs  et  des  chantres  de  Bac- 
chui,  contre  les  danseurs  et  les  chantres  qui  soutenoient  le  parti 
de  r  Amour. 

GLOBIS. 

Cest  le  printemps  qui  rend  Tâme,  etc. 

UB   SUITABT   DX  BACCHUS*. 

Le  soleil  chasse  les  ombres,  etc. 


LIS  DXOX  PABTIS. 

Le  plus  grand  dieu  de  tous.... 

LB  PABTX  DB  L^AMOUB. 

Cest  TAmour. 

LB  YABU  IXB  BACCHUS. 

G*est  Bacchus. 

Un  Berger  *  arrive,  qui  se  jette  au  milieu  des  deux  partis  pour 
les  séparer,  et  leur  chante  ces  vers  : 

Cest  trop,e^est  trop, Bergers.  Hé  pourquoi  ces  débats?  etc. 

Lxs  DEUX  CHCBUBS  eiMemblc. 
Mêlons  donc  leurs  douceurs  aimables,  etc. 

Tous  les  danseurs  se  mêlent  ensemble,  et  Ton  voit  parmi  les 
Bergers  et  les  Bergères  quatre  des  suivants  de  Bacchus,  avec  des 
thyrses,  et  quatre  Bacchantes^,  avec  des  espèces  de  tanibours  de 

I.  D*Bstivtl.  —  9.  Gingan.  —  3.  Le  Grot.  (ffbtes  de  Porigùtal.] 
4*  SmivtMtâ  ië  Bacchus  :  Beauebamp,   Dolifct,  CbicaonMa,   Ifaysa.  — > 
BaceÂamies  :  Payua,  Maneeau,  le  E07,  Peua.  {Ihtt  de  tmgiasl,) 


k 


6i4  APPENDICE  A  GEORGE  DANDIN. 

basque,  qui  représentent  cet  cribles  qu'elles  portoient  ancienne- 
ment aux  fêtes  de  Bacchus.  De  ces  thyrses,  les  suirants  frappent 
sur  les  cribles  des  Bacchantes,  et  font  différentes  postures,  pen- 
dant que  les  Bergers  et  les  Bergères  dansent  plus  sérieusement. 

On  peut  dire  que  dans  cet  ouvrage  le  sieur  de  LuUy  a  trouvé  le 
secret  de  satisfaire  et  de  charmer  tout  le  monde;  car  jamais  il  n  j 
a  rien  eu  de  si  beau  ni  de  mieux  inrenté.  Si  Ton  regarde  les  danses, 
il  n'y  a  point  de  pas  qui  ne  marque  Taction  que  les  danseurs  doi- 
Tent  faire,  et  dont  les  gestes  ne  soient  autant  de  paroles  qui  m 
fassent  entendre.  Si  Ton  regarde  la  musique,  il  n*y  a  rien  qui  nVx- 
prime  parfaitement  toutes  les  passions  et  qui  ne  ravisse  Tesprit  da 
auditeurs.  Mais  ce  qui  n*a  jamais  été  ru,  est  cette  harmonie  de 
voix  si  agréable,  cette  symphonie  d'instruments,  cette  belle  union 
de  différents  chœurs,  ces  douces  chansonnettes,  ces  dialogues  si 
tendres  et  si  amoureux,  ces  échos,  et  enûn  cette  conduite  admixa- 
bie  dans  toutes  les  parties,  où,  depuis  les  premiers  récits,  Ton  a  vu 
toujours  que  la  musique  s'est  augmentée,  et  quVufin,  après  avoir 
commencé  par  une  seule  voix,  elle  a  fini  par  un  concert  de  plus  de 
cent  personnes,  que  Ton  a  vues,  toutes  à  la  fois  sur  un  même 
théâtre,  joindre  ensemble  leurs  instruments,  leurs  voix  et  leurs  pas, 
dans  un  accord  et  une  cadence  qui  finit  la  pièce,  en  laissant  tout  le 
monde  dans  une  admiration  qu'on  ne  peut  assez  exprimer. 

Cet  agréable  spectacle  étant  fini  de  la  sorte,  le  Roi  et  toute  la 
cour  sortirent  par  le  portique  du  coté  gauche  du  salon,  et  qui  rend 
dans  l'allée  de  traverse,  au  bout  de  laquelle,  à  l'endroit  où  elle 
coupe  l'allée  des  Prés,  l'on  aperçut  de  loin  un  édifice  élevé  de  cin- 
quante pieds  de  haut.  Sa  figure  étoit  octogone,  et  sur  le  haut  de  la 
couverture  s'élevoit  une  espèce  de  dôme  d'une  grandeur  et  d'une 
hauteur  si  belle  et  si  proportionnée,  que  le  tout  ensemble  ressem- 
bloit  beaucoup  à  ces  beaux  temples  antiques  dont  l'on  voit  encore 
quelques  restes  :  il  étoit  tout  couvert  de  feuillages,  et  rempli  d'une 
infinité  de  lumières.  A  mesure  qu'on  s'en  approchoît,  on  y  décou- 
vroit  mille  différentes  beautés  :  il  étoit  isolé  et  l'on  voyuit  dans  les 
huit  angles  autant  de  pilastres,  qui  servoient  comme  de  pieds-forts 
ou  d'arcs-boutants  ^,  élevés  de  quinze  pieds  de  haut.  Au-dessus  de 
ces  pilastres  il  y  avoit  de  grands  vases  ornés  de  différentes  façons 
et  remplis  de  lumières.  Du  haut  de  ces  vases  sortoit  une  fontaine, 
qui,  retombant  à  Tentour,  les  environnoit  comme  d'une  cloche  de 
cristal  :  ce  qui  faisoit  un  effet  d'autant  plut  admirable,  qu'on 
Toyoit  un  feu  éclairer  agréablement  au  milieu  de  i*eau. 


I.  Dans  nos  deux  textes,  arhomians. 


RELATION  DE  LA  FÊTE  DE  VERSAILLES.  GaS 

Cet  édifice  étoit  percé  de  huit  portes.  Au-deT«nt  de  celle  par 
où  Ton  entroit,  et  sur  deux  piédestaux  de  Terdure,  étoient  deux 
grandes  figures  dorées  qui  représentoicnt  deux  Faunes,  jouant 
cliacun  d*un  instrument.  Au-dessus  de  ces  portes  on  royoit  comme 
une  espèce  de  frise  ornée  de  huit  grands  bas-reliefs,  représentant 
par  des  figures  assises  les  quatre  saisons  de  Tannée  et  les  quatre 
parties  du  jour.  A  côté  des  premières  il  j  avoit  de  doubles  L,  et  à 
côté  des  autres  des  fleurs  de  lis.  Elles  étoient  toutes  enchâssées 
parmi  le  feuillage,  et  faites  arec  un  artifice  de  lumière  si  beau  et 
si  surprenant,  quUl  sembloit  que  toutes  ces  figures,  ces  L,  et  ces 
fleurs  de  lis,  fussent  d^un  métal  lumineux  et  transparent. 

Le  tour  du  petit  d6me^  étoit  aussi  orné   de  huit  bas-reliefs, 
éclairés  de  la  même  sorte  ;  mais  au  lieu  de  figures,  c'étoient  des 
'  trophées  disposés  en  différentes  manières.  Sur  les  angles  du  prin- 
cipal édifice  et  du  petit  dôme  *  il  y  aroit  de  grosses  boules  de  ver- 
dure qui  en  terminoient  les  extrémités. 

Si  Ton  fut  surpris  en  rojrant  par  dehors  la  beauté  de  ce  lieu,  on 
le  fut  encore  davantage  en  voyant  le  dedans.  Il  étoit  presque  im- 
possible de  ne  se  pas  persuader  que  ce  ne  fût  un  enchantement, 
tant  il  y  paroissoit  de  choses  qu*on  croiroit  ne  se  pouvoir  faire  que 
par  magie.  Sa  grandeur  étoit  de  huit  toises  de  diamètre.  Au  milieu 
il  y  avoit  un  grand  rocher,  et  autour  du  rocher  une  table  de  figure 
octogone,  chargée  de  soixante-quatre  couverts.  Ce  rocher  étoit 
percé  en  quatre  endroits  *,  il  sembloit  que  la  nature  eût  fait  choix 
de  tout  ce  qu*elle  a  de  plus  beau  et  de  plus  riche  pour  la  composi- 
tion de  cet  ouvrage,  et  qu*elle  eût  elle-même  pris  plaisir  d*en  faire 
son  chef-d*œuvre  :  tant  les  ouvriers  avoient  bien  su  cacher  Tartifice 
dont  ils  s'étoient  servis  pour  Timiter. 

Sur  la  cime  du  rocher  étoit  le  cheval  Pégase  :  il  sembloit,  en  se 
cabrant,  fidre  sortir  Teau  qu'on  voyoit  couler  doucement  de 
dessous  ses  pieds  ;  mais  qui  aussitôt  tomboit  avec  abondance  et 
foimoit  comme  quatre  fleuves.  Cette  eau,  qui  se  précipitoit  avec 
violence  et  par  gros  bouillons  parmi  les  pointes  du  rocher,  le  ren- 
doit  tout  blanc  d'écume  et  ne  s'y  perdoit  que  pour  paroître  ensuite 
plus  belle  et  plus  brillante  ;  car,  ressortant  avec  impétuosité  par 
des  endroits  cachés,  elle  faisoit  des  chutes  d'autant  plus  agréables, 
qu'elles  se  séparoient  en  plusieurs  petits  ruisseaux  parmi  les  cailloux 
et  les  coquilles.  Il  sortoit  de  tous  les  endroits  les  plus  creux  du 
rocher  mille  gouttes  d'eau,  qui,  avec  celles  des  cascades,  venoient 
à  inonder  une  pelouse  couverte  de  mousse  et  de  divers  coquillages, 
qui  en  faisoient  l'entrée.  C*étoit  sur  ce  beau  vert  et  à  l'entour  de 

I.  Ls  tour  da  dôme,  (1679.)  ^  ^*  Et  da  dôme,  {IhitUm.) 

Houiuui.  vx  40 


6%6  APPENDICE  A  GEORGE  DAXDIN. 

cet  coquilles,  que  ces  eaux,  Tenant  à  se  répandre  et  à  conler  agréa- 
blement, faisoient  une  infinité  de  retours,  qui  paroîsaoient  autant 
de  petites  ondes  d*argent,  et,  arec  un  murmure  doux  et  agréable 
qui  s*accordoit  au  bruit  des  cascades,  tomboient,  en  cent  différentes 
manières,  dans  buit  canaux,  qui  séparoient  la  table  d^ayeclerocber 
et  en  receroient  toutes  les  eaux.  Ces  canaux  étoient  reTètus  de  car- 
reaux de  porcelaine  et  de  mousse,  au  bord  desquels  il  j  aroit  de 
grands  rases  à  Tan  tique,  émailléa  d*or  et  d^azur,  qui,  jetant  Tean 
par  trois  différents  endroits,  remplissoient  trois  grandes  coupes  de 
cristal,  qui  se  dégorgeoient  encore  dans  ces  mêmes  canaux. 

Au-dessous  du  cberal  Pégase,  et  ns-à-yis  la  porte  par  où  Ton 
cntroît,  on  Toyoit  la  figure  d^ApoUon,  assise,  tenant  dans  sa  main 
une  Ijrre*,  les  neuf  Muses  étoient  au-dessous  de  lui,  qui  tenoient 
aussi  divers  instruments.  Dans  les  quatre  coins  du  rocher  et  an- 
dessous  de  la  chute  de  ces  fleures,  il  y  aroit  quatre  figures  couchées, 
qui  en  représentoient  les  dirinités. 

De  quelque  côté  qu*on  regardât  ce  rocher.  Ton  j  Toyoit  tmt- 
jours  différents  effets  d^eau  ;  et  les  lumières  dont  il  ëtoit  éclairé 
étoient  si  bien  disposées,  qu^il  n'y  en  aroit  point  qui  ne  contribuas- 
sent à  faire  paroftre  toutes  les  figures,  qui  étoient  d*argent,  et  à 
faire  briller  davantage  les  dirers  éclats  de  Teau  et  les  différentes 
couleurs  des  pierres  et  des  cristaux  dont  il  étoit  composé.  Il  j 
avoit  même  des  lumières  si  industrieusement  cachées  dans  les 
carités  de  ce  rocher,  qu'elles  nVtoient  point  aperçues,  mais  qui 
cependant  le  faisoient  roir  partout,  et  donnoient  un  lustre  et  un 
éclat  merreilleux  à  toutes  les  gouttes  d'eau  qui  tomboient. 

Des  huit  portes  dont  ce  salon  étoit  percé,  il  y  en  aroit  quatre  an 
droit  des  quatre  grandes  allées,  et  quatre  autres  qui  étoient  ris-a- 
ris  des  petites  allées,  qui  sont  dans  les  angles  de  cette  place.  A 
côté  de  chaque  porte  il  y  aroit  quatre  grandes  niches,  percées  à 
jour,  et  remplies  d'un  grand  pied  d'argent  ;  au-dessus  étoit  un  grand 
vase  de  même  matière,  qui  portoit  une  girandole  de  cristal,  allu- 
mée de  dix  bougies  de  cire  blanche.  Dans  les  huit  angles  qui  for- 
ment la  figure  de  ce  lieu,  il  y  aroit  un  corps  solide  taillé  rustique- 
ment,  et  dont  le  fond  rerdAtre  brilloit  en  façon  de  cristal  ou  d'ean 
congelée.  Contre  ce  corps  étoient  quatre  coquilles  de  marbre,  les 
unes  au-dessous  des  autres,  et  dans  des  distances  fort  proportion- 
nées :  la  plus  haute  étoit  la  moins  grande,  et  celles  de  dessous 
augmentoient  toujours  en  grandeur,  pour  mieux  receroir  l'eau  qui 
tomboit  des  imes  dans  les  autres.  On  aroit  mis  sur  la  coquille  la 
plus  élerée  une  girandole  de  cristal,  allumée  de  dix  bougies,  et  de 
cette  coquille  sortoit  de  l'eau  en  forme  de  nappe,  qui,  tombant 
dans  la  seconde  coquille,  se  répandoit  dans  une  troisième,  où  l'eau 


RELATION  DE  LA  FÊTE  DE  VERSAILLES.  627 

d'ua  BMique  pâté  au-deuui  Tenant  k  le  rendre,  la  rempliuoit  en- 
core danuitage.  Cette  troitième  coquille  étoU  ponée  par  deux 
dauphins,  dont  le*  faille»  ëtoienl  de  couleur  de  nacre  :  cet  deux 
dauphins  jeloient  de  l'eau  dani  la  quatrième  coquille,  où  tomboil 
aussi  en  nappe  l'eau  de  la  coquille  qui  éloit  au-dessus  ;  et  loutei  cet 
eaux  venaient  eoCn  à  te  rendre  dans  un  basiin  de  marbre,  aux  dens 
extrëmitëa  duquel  étaient  deux  grands  vases,  remplis  d'oranger*. 

Le  pUrond  de  ce  lieu  n'ëtoit  pas  cintré  en  forme  de  route  :  il 
s'élevait  juiquet  à  l' ouverture  du  petit  ddme'  par  huit  pani,  qui 
représentaient  un  compartiment  de  menuiserie,  artistement  taillé 
de  feutlJagei  dorés.  Dans  ce*  compartiments,  qui  paroissoienl  per- 
cé*, l'on  avoil  peint  de*  branche*  d'arbie*  au  naturel,  pour  avoir 
plu*  d'union  avec  la  feuillée  dont  le  corpi  de  cet  édifice  était  com- 
pose; le  haut  du  petit  dAme*  éloit  au*ti  un  compartimeot  d'une 
riche  broderie  d'or  et  d'argent,  sur  un  fand  vert. 

Outre  vingt-cinq  lustre*  de  cristal,  chacun  de  dix  bougies,  qid 
éclairoient  ce  lieu,  et  qui  tomboîent  du  haut  de  la  voûte,  il  7  en 
«voit  encore  d'autre*  au  milieu  de*  huit  porte*,  qui  étolent  atta- 
cbét  avec  de  grandes  écharpe*  de  gaie  d'argent,  entre  des  feston* 
de  fleun,  noués  avec  de  pareille*  écharpe*,  euiicbies  d'une  frange 
de  même. 

Sur  la  grande  corniche  qui  régooit  tout  autour  de  ce  salon, 
Soient  rangés  soixante-quatre   rate*  de    porcelaine,   rempli*  de 
diveraei   fleura;  et  entre  ce*  TB*e*  on   avoit  mis  soixante' quatre 
boules  de  criatal,  de  diverae*  couleur*  et  d'un  pied  de  diamitre, 
*outennes  sur  de*  pied*  d'urgent  ;  elles  paroistoient  comme  autant 
de  pierre*  précieusea,  et  étoient  éclairées   d'une  manière  si  ineé- 
nteuse,  que  la  lumière,  passant  au  travers,  c 
des  différentea  couleurs  de  ces  cristaux,  se  : 
haut  du  plafond,  où  elle  faisoit  des  effets  si  1 
bloit  que  ce  fussent  les  couleurs  mfmet  d'un 
De  cette  corniche  et  du  tour  que  formoit 
dtoie,  pen dolent  plusieurs  festons  de  toute*  *> 
avec  de  grandes  écharpe*  de  gaze  d'argent,  d 
entre  chaque  feston,  paroisaoient  avec  heaucc 
BUT  tout  le  eorp*  de  cette  architecture,  qui 
dont  l'on  avoit  si  bien  su  former  différente*  : 
la  diversité  de*  arbre*  qu'on  j  avoit  emplo 
*u  accommoder  le*  uiu  auprè*  des  autre*,  11 
moindre*  beauté*  de  la  composition  de  cet* 
Au  deU  du  portique  qui  éloit  vis-à-vi* 

taw.  (|<(J9.)  ^  1.  La  banl  t 


698  APPENDICE  A  GEORGE  DANDIX. 

entroit,  on  aroit  dretté  un  buffet  d*nne  beauté  et  d^une  nebeMe 
toute  extraordinaire.  Il  ëtoit  enfoncé  de  dix-huit  pieds  dans  rallée. 
et  Ton  y  montoit  par  trois  grands  degréi  en  forme  d^estrade  :  il  r 
aroit  dtê  deux  côtés  de  ce  buffet  deux  manières  d^ailes,  éievérs 
d*enTiron  dix  pieds  de  haut,  dont  le  destous  serroit  pour  passer 
ceux  qui  portoient  les  riandes  ;  sur  le  milieu  de  chacune  de  ces 
ailes  étoit  un  socle  de  verdure  qui  portoit  un  grand  guéridon  d'ar- 
gent chargé  d'une  girandole,  aussi  d'argent,  allumée  de  bougies  de 
cire  blanche  ;  et  à  côté  de  ces  guéridons,  plusieurs  grands  rases 
d*argent.  Contre  ce  socle  étoit  attachée  une  grande  plaque  d'argent, 
à  trois  branches,  portant  chacune  un  flambeau  de  cire  blanche. 

Sur  la  table  du  buffet  il  j  aroit  quatre  degrés,  de  deux  pieds  de 
large  et  de  trois  à  quatre  pieds  de  haut,  qui  s'éleroient  jnsqurs  à 
un  plafond  de  feuiilée,  de  ringt-cinq  pieds  d'exhaussement  :  sur 
ce  buffet  et  sur  ces  degrés  Ton  royoit,  dans  une  disposition  agréa- 
ble, ringt-quatre  bassins  d'argent,  d'une  grandeur  extrême  et  d^on 
ourrage  merreilleux  ;  ils  étoient  séparés  les  uns  des  autres  par  au- 
tant de  grands  rases,  de  cassolettes  et  de  girandoles  d'argent,  d'uoe 
pareille  beauté  ;  il  7  aroit  sur  la  table  ringt-quatre  grands  pots 
d'argent,  remplis  de  toutes  sortes  de  fleurs,  arec  la  nef  du  Roi*,  U 
raisselle  et  les  rerres  destinés  pour  son  serrice.  Au-derant  de  U 
table  on  voyoit  une  grande  curette  d'argent,  en  forme  de  coquille, 
et  aux  deux  bouts  du  buffet  quatre  guéridons  d'argent,  de  six 
pieds  de  haut,  sur  lesquels  étoient  des  girandoles  dWgent  allumées 
de  dix  bougies  de  cire  blanche. 

Dans  les  deux  autres  arcades  qui  étoient  k  côté  de  celle-ci,  étoient 
deux  autres  buffets,  moins  hauts  et  moins  larges  que  celui  du 
milieu  :  chaque  table  aroit  deux  degrés,  sur  lesquels  étoient  dres- 
sés quatre  grands  bassins  d'argent,  qui  accompagnoient  un  grand 
rase,  chargé  d'une  girandole  allumée  de  dix  bougies;  et  entre  ca 
bassins  et  ce  rase  il  y  aroit  plusieurs  figures  d'argent.  Aux  deux 
bouts  du  buffet  l'on  royoit  deux  grandes  plaques,  portant  chacune 
trois  flambeaux  de  cire  blanche  ;  au-dessus  du  dossier,  un  guéri- 
don d'argent  chargé  de  plusieurs  bougies;  et  à  côté,  plusieun 
grands  rases,  d'un  prix  et  d'une  pesanteur  extraordinaire,  outre 
six  grands  bassins  qui  serroient  de  fond.  Derant  chaque  table  il 
y  aroit  une  grande  curette  dWgent,  pesant  mille  marcs,  et  ces 
tables,  qui  étoient  comme  deux  orédences'  pour  accompagner  le 

I.  «  Nef,  dit  rAeadimîa  en  1694,  est  auMt  an  certain  vase  en  forme  de 
navire,  ordmaîrement  da  TermeQ  doré,  où  Ton  met  les  serviettes  qui  doifeat 
serrir  à  la  table  du  Roi,  aux  Reines,  aux  Enfants  de  Franee,  ete.  » 

a.  Par  eomparaisoa  aux  deux  erédeneea  qa'  «  il  y  a  ordinaixtnent..».  aux 


RELATION  DE  LA  FÊTE  DE  VERSAILLES.  619 

grand  buffet  du  Roi,  ^toient  deninje*  pour  l«  •erriee  de*  dune*. 
Au  delà  de  l'u-cade   qui  tervoit  d'entrée  da  eAté  de  l'alU«  qui 
detcend  ren  le*  grillei  du  grand  parc,  étoit  un  enfoncement  de 
dix-huit  toiiei  de  long,  qui  formoit  comme  un  iTant-ialou, 

Ce  lieu  Aoit  terminé  d'un  grand  portique  de  Terdure,  au  dell 
duquel  il  J  iToit  une  grande  ulle  bornée,  par  lei  deux  cAtéa,  dct 
palinades  de  l'allée,  et,  par  l'antre  bout,  d'un  autre  portique  de 
feuillage*.  Dam  cette  latle  l'on  BToil  drcué  quatre  graudei  tente* 
trit-magnifique*,  *ou«  leaquellci  étoient  buit  table*,  accompagnée* 
de  leur*  buffet*,  cbai^é*  de  baaiini,  de  Terre*,  et  de  lumières  àiM- 
pofée*  dan*  nn  ordre  touti  fait  *iugulier. 

Lorsque  le  Roi  fiit  entré  daai  le  talon  octogone,  et  que  toute  la 
cour,  iurprije  de  la  bunië  et  de  la  difpotition  ù  mtraardinaîrede 
ce  lieu,  en  eut  Inen  coniidéré  toute*  le*  partiel.  Sa  Hajeité  *e  mit  à 
table,  le  doi  tourné  du  cAtéparoùEUi  tToit  entré,  et  lorsque  Moo- 
■teur  eut  atuti  pri*  *a  place,  le*  dame*  qui  étoient  nommées  par  Sa 
Majesté  pour  f  louper  prirent  les  leurs,  telon  qu'elle*  se  rencontrè- 
rent, sans  garder  aucun  rang.  Celle*  qui  eurent  cet  bonneur  furent: 

Mllesd'Angonlème'.  Mme  U  marécbale   d'AIbret    et 

Mme  Aubr^  de  Courcf .  Mademoiselle  ta  fille. 

Mme  de  Saint-Arbre.  Mme  la  maréchale  d'Ealr^e. 

Mme  de  Broglio.  Mme  la  msrëcbale  de  la  Ferté. 

Mme  de  Bailleul.  Mme  de  la  Fajette. 

Mme  de  Bonnellc.  Mme  la  comtesse  de  Fiesque. 

Mme  Bignon.  Mme  de  FoDlenay-Holman. 

Mme  de  Bordeatix.  Mme  de  Fieubel. 

Mlle  Borelle.  Hme  la  maréchale  de  Grançay  et 

Mme  de  Bri*«ac.  Hetdemoiselle»  te*  deux  fille*. 

Mme  de  Coulange.  Mme  des  Hameaux. 

Mme  la  maréchale  de  Clérem-  Hme  la  maréchale  de  l'Hoapital. 

haut.  Madame  la  lieutenants  civile*, 

Hme  la  maréchale  de  Casteinnu.  Mme  la  comtesse  de  Louvignjr. 

Mme  de  Comminge.  Mlle  de  Manicham. 

Hme  la  marquise  de  Casteinau.  Mme  de  Mekelbourg. 

Mlle  d'Elbeuf.  Madame  !■  Grande  Maréchale*. 

cAt^l  de  1>.D(>1  ■.  et  qDC  VkaâimiB  (1694)  défiait  liiui  :  .  Si»'      '         " 
t*blc....  où  l'na  mïl  les  banttei,  1<  biHiD  et  la  lutm  chtnHqni  1 
mesM  on  k  qudqae  c^rémoaii  scdàuiMiqu*.  * 

I.  •  Mil»  d'Aigoiilfma  >  mtnqiw  dani  l'édiiloa  da  t679. 

9.  La  troiilàmc  rslatloa  dont  Boat  ironi  pirU  d-dMSus,  ii  IMU 
de  Hostigiif ,  doiuic  le  aom  d«  Ii  lisatiointa  ciiUa  :  o'fcait  Mme  d 

3    •  Hidime  U  eniid  nunchila  de  Pologiu,  •  iciU  l'sbbi  da 


63o  APPENDICE  A  GEORGE   DANDIN. 

Mme  de  Marrë.  Mme  la  présidente  Tnbenf. 

Mme  de  Nemo«n.  Mme  la  dncheste  de  la  Vallière. 

Mme  de  Richelieu.  Mme  la  marquise  de  la  VallièR*. 
Mme  la  duchesse  de  Richemont.      Mme  de  Vilacerf. 

Mlle  de  Tresme.  Mme  la  dnchesse  de  Viitembcfg 
Mme  Tambonneau.  et  Madame  sa  fille. 

Mme  de  la  Trousse.  Mme  de  ValaToîre*. 

Comme  la  somptuosité  de  ce  festin  passe  tout  ce  <]u*on  en  poo- 
roit  dire,  tant  par  Tabondance  et  la  délicatesse  des  viandes  qui  y 
furent  servies,  que  par  le  bel  ordre  que  le  maréchal  de  BeUefood 
et  le  sieur  de  Valentiné,  contrôleur  général  de  la  maison  du  Roi, 
y  apportèrent,  je  n'entreprendrai  pas  d^en  faire  le  détail  :  je  dirai 
seulement  que  le  pied  du  rocher  étoit  reTêtu,  parmi  les  coqniUo 
et  la  mousse,  de  quantité  de  pâtes,  de  confitures,  de  consotcs, 
d'herbages,  et  de  fruits  sucrés,  qui  sembloient  être  crûs  parmi  iei 
pierres  et  en  faire  partie.  Il  y  avoit  sur  les  huit  angles  qui  Bu^ 
quent  la  figure  du  rocher  et  de  la  table  huit  pyramides  de  flem, 
dont  chacune  étoit  composée  de  treize  porcelaines  remplies  de 
différents  mets  ;  il  y  eut  cinq  services,  chacun  de  cinquante-sii 
grands  plats  *,  les  plats  du  dessert  étoient  chargés  de  seize  porce- 
laines en  pyramides,  où  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  exquis  et  de  pins 
rare  dans  la  saison  y  paroissoit  à  l'œil  et  au  goût  d'une  manière 
qui  secondoit  bien  ce  que  l'on  aroit  fait  dans  cet  agréable  lieu 
pour  charmer  la  rue. 

Dans  une  allée  assez  proche  de  là,  et  sous  une  tente,  étoit  la 
table  de  la  Reine,  où  mangeoient  Madame,  Mademoiselle,  Madame 
la  Princesse,  Mme  la  princesse  de  Carignan.  Monseigneur  le  Dau- 
phin soupa  au  château,  dans  son  appartement'. 

il  s'agit  de  Marie-Casûnire  de  la  Grange  d'Arqnien,  mariée  en  seeoade»  aoeci, 
depuis  i665,  au  futur  roi  de  Pologne  Sobieski. 

I.  fielle-sœnr  de  la  précédente. 

s.  La  lettre  de  l*abbé  de  Montlgny  bit  eonnattre  le  nom  de  qndqaes  autres 
dames  qui  furent  eonnées  h  la  table  du  RoL  U  ne  nous  paratt  pas  tins  inlérit  éc 
noter  ici  (car  il  j  a  des  noms  qu*on  aime  à  tronrer  à  eàtm  de  odni  de  Mofièie) 
que  de  ce  nombre,  du  nombre  par  eonséqneat  de  oellat  qoi  Tenaient  d^wuàtÊa 
à  U  représentation  de  U  comédie  et  de  la  pastorale,  éutent  «  BIme  et  Mlk  de 
SéTigny.  »  A  une  antre  table^  celle  de  la  comtesse  de  Béthune,  te  tronvcrest 
assises  Mmes  d*Époisse  et  de  la  TVoche,  amies  de  Tillustre  marquise  conme 
Mme  de  la  Fayette,  Mme  de  la  Trousse,  Mme  de  Coulang«  dont  on  vient  ds 
lire  les  noms.  lisons  encore,  d*sprés  la  même  lettre,  qa*i  la  table  ds  la 
daehease  de  Montanaler  forent  réunies  Mme  de  Monteq»an,  Mme  da  Ladres 
{de  Lmdré]^  Mlle  de  Seodéry  et  Mme  Seamm. 

3.  n  n'était  encore  qna  dans  sa  saptième 


RELATION  DE  LA  FÊTE  DE   VERSAILLES.  63i 

Le  Boi  Aoit  terri  par  HonHcnr  le  Duc,  et  HoDaîenrpar  le  ueur 
de  ValeDtinë.  Le>  tieai*  Grotletn,  coatrdleor  de  la  boucbe,  Gaut 
et  ChamoU,  coBtrAlenn  d'offioe*,  mettoienl  le*  TÎandet  «ut  la 
iaUe. 

Le  maréchal  de  BcUefond  lerTolt  la  Rciae;  le  lient  Courtel, 
coDtràlenr  d'office,  aerroit  Madame;  le  ûenr  de  1a  Gtmi^,  anui 
contrAleor  d*a(Ece,  mettait  aur  table  ;  lei  Cent-SuÏMe*  de  la  garde 
portaient  lei  riandei;  et  lei  pagei  et  raleti  de  pied  du  Roi,  de  la 
Reine,  de  Moniicnr  et  de  Madame  lerTotent  lei  table*  de  Leurs 
Majeità. 

Dana  le  même  temp*  que  l'on  portoit  aur  cei  deux  table*,  il  y  en 
Lt  buit  autre*,  que  l'au  (erroit  de  la  mf  me  manière,  qui  ëtoîeui 
1*  le*  quatre  tente*  dont  j'ai  parlé,  et  ce*  table*  avoient 
leur*  maître*  d'hÀtel,  quiftûtoieat  porter  leiTiandeaparleagardei 

La  première  étoii  celle  de  Mme  la  comte*»e  de 

Soiuoni,  de .,      lo   couTeila, 

de  Mme  la  prineeue  de 

Bade,  de ao  couverl*, 

de  Mme  la  dncheue  de 

Cr^qny,  de lo  couTcrl*, 

de  Mme  la  maréchale  de 

U  Molhe,  de 30   couverts, 

deBIme  de  Montautier', 

de 40  cauTeit*, 

de  Mme  la  maréchale  de 

Bellefond,   de > 

de   Urne   la    maréchale 

d'HnniiÈrei,  de.. . , 
de   BIme    de  Béthune, 


Il  j  en  avoit  encore  trois  autre*  dan*  une  petite  allée  k  c6té  de 
celle  que  tenoit  Mme  la  maréchale  de  Bellefond,  de  quinze  à 
teiae  couTerti  chacune*,    dont  le*  maître*  d'hôtel  dn  Roi  «Toient 

Quantité  d'autres  table*  se  lerToient  de  la  de**erte  de  la  Reine, 
et  des  autre*,  pour  les  femme*  de  la  Reine  et  pour  d'antre*  per- 

Dan*  la  grotte  proche  du  chlteati,  il  y  eut  troU  table*  pour  te* 


eu  APPENDICE  A  GEORGE  DANDIN. 

ambattadeim,  qui  furent  terries  en  même  temps,  de  TÙ^t-dciiz 
couTertt  chacune. 

U  j  avoit  encore  en  plusteun  endroîtt  des  tables  dreiaées  oà 
Ton  donnoit  à  manger  à  tout  le  monde;  et  Ton  peut  dire  que 
Tabondance  dea  Tiandea,  des  Tins  et  des  Hqueurs,  la  beauté  et 
rexcellence  des  firuits  et  des  confitures,  et  une  infinité  d*«ntres 
choses  délicatement  apprêtées,  faisoit  bien  Toir  que  U  magnifi- 
cence du  Roi  se  répandoit  de  tous  côtés. 

Le  Roi  s*ëtant  lerë  de  table  pour  donner  un  noureau  diTertiase- 
ment  aux  dames,  et  passant  par  le  portique,  où  Tallëe  monte 
Ters  le  château,  les  conduiiit  dans  la  salle  du  bal. 

A  deux  cents  pas  de  Tendroit  où  Ton  aroît  soupe,  et  dans  une 
trarerse  d*aUëes,  qui  forme  un  espace  d*une  raste  grandeur.  Ton 
avoit  dressé  un  édifice  de  figure  octogone,  haut  de  plus  de  neuf 
toises  et  large  de  dix  ;  toute  la  cour  marcha  le  long  de  Tallée,  sans 
s'apercevoir  du  lieu  où  elle  étoit;  mais  comme  elle  eut  fait  plus  de 
la  moitié  du  chemin,  il  y  eut  une  palissade  de  rerdure,  qui,  s^on- 
vrant  tout  d'un  coup  de  part  et  d'autre,  laissa  roir,  au  traTers 
d'un  grand  portique,  un  salon  rempli  d^une  infinité  de  lunùères, 
et  une  longue  allée  au  delà,  dont  l'extraordinaire  beauté  aurprit 
tout  le  monde. 

Ce  bâtiment  n'étoit  pas  tout  de  feuillages  comme  celui  où  Ton 
avoit  soupe  :  il  représentoit  une  superbe  salle,  reTétue  de  marbre 
et  de  porphyre,  et  ornée  seulement  en  quelques  endroits  de  rer- 
dure et  de  festons.  Un  grand  portique,  de  seize  pieds  de  large  et 
de  trente-deux  de  haut,  serroit  d*entrée  à  ce  riche  salon  ;  il  avan- 
çoit  environ  trois  toises  dans  Pallée,  et  cette  avance  servoit  encore 
de  vestibule,  et  faisoit  symétrie  aux  autres  enfoncements  qui  se 
rencontroient  dans  les  huit  côtés.  Du  milieu  du  portique  pendoient 
de  grands  festons  de  fleurs,  attachés  de  part  et  d'autre.  Aux  deux 
côtés  de  l'entrée  et  sur  deux  piédestaux  on  voyoit  des  Termes 
représentant  des  Satyres,  qui  étoient  là  comme  les  gutles  de  ce 
beau  lieu.  A  la  hauteur  de  huit  pieds,  ce  salon  étoit  ouvert,  par  les 
six  côtés,  entre  la  porte  par  où  l'on  entroit  et  l'allée  du  milieu  : 
ces  ouvertures  formoient  six  grandes  arcades,  qui  servoient  de 
tribunes,  où  Ton  avoit  dressé  plusieurs  sièges  en  forme  d'amphi- 
théâtres,  pour  asseoir  plus  de  six-vingts  personnes  dans  chacune. 
Ces  enfoncements  étoient  ornés  de  feuillages,  qui,  venant  à  ae  ter- 
miner contre  les  pilastres  et  le  haut  des  arcades,  y  montroicnt 
assez  que^  ce  bel  endroit  étoit  paré  comme  à  un  jour  de  fête,  puis- 
que l'on  y  méloit  des  feuilles  et  des  fleurs  pour  Tomer;  car  les 

I.  Des  arcades,  montroicnt  isses  que.  (1679.) 


RELATION  DB  LA  F£TE  DE  VERSAILLES.  6» 

■npoMCict  Im  eleft  de*  are*dei étoîent  mvijat*  par  d«s  IntontM 
dci  càntnrM  de  fleora. 

Du  ott<  droit  du»  Tarcade  dn  mîlira*,  et  an  hant  de  l'eitfeD- 
ceaienl,  Aon  ddc  fiMte  de  rocaille,  où,  dani  un  large  Imihùi  tra- 
Taîli£  mnîqnanwint,  l'on  Tojoît  *  Arion  porté  «or  un  daapbSn,  el 
tenant  noe  Ijre  :  il  avoit  à  cAti  de  lui  dmx  Tritons  ;  eVioit  dant 
ce  lien  qne  le*  nnuîcîeni  éloicnt  plae^.  A  l'oppolite  l'on  aToit 
mit*toni  la  joaenn  d'initramenti  :  l'eafoncemeot  de  l'arcade  oà 
ili  Àoieni  foraioit  aiun  nne  grotte,  où  l'on  Tojoit  Orpb^  mr  un 
rocbcr,  qui  tembloit  joindre  aa  toïi  k  celle  de  deux  Njmplie* 
a»iiae>  Mprè*  de  Inï.  Dam  le  fond  dei  quatre  autrea  arcades  il  j 
arcnt  d'antres  grottes,  où  par  la  gnenle  de  certains  monstre*  aorloit 
de  I'mu,  qoi  lomboit  dans  de*  bassins  mstiqnet,  d'où  elle  s'échap- 
pait entre  d«*  pierre*,  et  d^oatloïi  lentement  parmi  la  mouste  et 
le*  rocaille*. 

Contre  le*  huit  pilastre*  qui  formaient  ce*  arcade*,  et  mr  des 
piéde*taiu  de  marbre  l'on  aroit  poii  bnil  grande*  figure*  de 
femmes,  qni  lenoient  dans  Imrs  main*  dircr*  tnstmmcnl*,  dont 
elle*  sembloient  *e  servir  poor  contribaer  au  dirertiasement  du 
bal. 

Dan*  le  milieu  des  piédestaux  il  y  aroît  de*  masques  de  bronie 
doré,  qoi  jetoient  de  l'eau  dans  un  bassin.  Au  bas  de  cbaqne 
piédestal,  et  de*  deux  o4té*  dn  mCme  bassin  s'élevoient  deux  jet* 
d'eau  qui  formoioit  deux  chandeliers.  Tout  amour  de  oe  salon 
régnoit  nn  siège  de  marbre,  sur  leqDcl,  d'espace  en  espace,  étoîeni 
pluaienr*  rase*  remplis  d'orangers. 

Dans  l'arcade  qni  étoit  vis-li-vis  de  l'entrée,  et  qui  serrait  d'ou- 
verture k  une  grande  allée  de  rerdure,  l'on  Toyoit  encore,  sur 
denx  piédestaax,  deux  figures  qui  rcprétentoîeul  Flore  et  Pomone  ; 
de  œs  piédestaux,  il  en  sortoit  de  l'eau  comme  de  ceux  du  salon. 

Le  banl  de  ce  talon  «'éleroîi  au-dessus  de  la  comicbe,  par  buit 
pan*,  jusque* i  la  hauteur  de  douze  pieds;  pais,  formant  un  pla- 
fond de  figure  octogone,  laissait  dans  le  milieu  nne  ouTertare  de 
pareille  forme,  dont  l'enfoneement  étoit  de  cinq  k  six  pied*.  Dan* 
ce*  buit  pans  étoient  boit  grands  soleils  d'or,  soutenus  de  huit 
figures,  qni  représentoient  les  douie  mois  de  l'année,  aree  les 
signes  du  aodiaque  ;  le  fond  étoit  d'ssnr,  lemé  de  fleur*  de  lia 
d'or,  et  le  reite  enrichi  de  roses  et  d'autre*  ornements  d'or,  d'"^ 
pendoient  trente-denx  luities,  portent  chacun  donie  bougies. 

I.  Dn  e6tt  droit  de  l'ireida  du  milici.  (t67g.1 
3.  On  iiroil  mil.  [lUdtm.) 


634  APPENDICE  A  GEORGE  DANDIN. 

Outre  toutes  oet  Innûèret,  qui  faisoient  le  plut  bean  joor  dn 
monde,  il  j  aroit  dans  les  six  tribunes  ringt-quatre  plaques,  dont 
chacune  portoit  neuf  bougies  ;  et  aux  deux  côtés  des  boit  pilastres 
au-dessus  des  figures,  sortoient  de  la  feuillée  de  grands  fleoroas 
d*argent,  en  forme  de  branches  d*arbres,  qui  soutenoient  treiie 
chandeliers  dbposés  en  pyramides.  Aux  deux  côtés  de  la  porte,  et 
dans  Tendroit  qui  serroit  comme  de  Testibule,  il  j  avoit  six  gran- 
des plaques  en  orale  enrichies  des  chiffres  du  Roi  :  chacune  de  ces 
plaques  portoit  seize  chandeliers,  allumés  de  seiae  bougies. 

L'allée  qui  aboutit  au  milieu  de  ce  salon  aroit  plus  de  ringt 
pieds  de  large  :  elle  étoit  toute  de  feuillée  '  de  part  et  d^autre,  et 
paroissoit  décourerte  par  le  haut;  par  les  côtés  elle  semUoit 
accompagnée  de  huit  cabinets,  où,  à  chaque  encoignure,  Too 
Tojoit,  sur  des  piédestaux  de  maibre,  des  Termes  qui  repréien- 
toient  des  Satyres;  à  l'endroit  où  étoient  ces  Termes,  les  cabinets 
se  fermoient  en  berceau. 

Au  bout  de  Tallée  il  y  avoit  une  grotte  de  rocaille,  où  Fart  ëtoit 
si  heureusement  joint  à  la  nature,  que  parmi  les  figures  qui  romcneat, 
on  y  Toyoit  cette  belle  négligence  et  cet  arrangement  msdqœ  qai 
donne  un  si  grand  plaisir  à  la  rue. 

An  haut,  et  dans  le  lieu  le  plus  enfoncé  de  la  grotte,  on  dceoa- 
TToit  une  espèce  de  masque,  de  bronze  doré,  représentant  la  tête 
d*un  monstre  marin.  Deux  Tritons  argentés  ourroient  les  deux  côtés 
de  la  gueule  de  ce  masque,  duquel  s'élevoit,  en  forme  d*aigrerte, 
un  gros  bouillon  d*eau,  dont  la  chute,  augmentant  celle  qui  tcua- 
boit  de  sa  gueule  extraordinairement  grande,  faisoit  une  nappe, 
qui  se  répandoit  dans  un  grand  bassin,  d*où  ces  deux  Ttîtons 
sembloient  sortir. 

De  ce  bassin  se  formoit  une  autre  grande  nappe,  accompagnée 
de  deux  gros  jets  d'eau,  que  deux  animaux  d'une  figure  mon- 
strueuse Yomissoient  en  se  regardant  l'un  Pautre.  Ces  deux  animau, 
qui  ne  paroissoient  qu'à  demi  hors  de  la  roche,  étoient  «issi  de 
brome  doré.  De  cette  quantité  d'eau  qu'ils  jetoient,  et  de  celle  de 
ce  bassin,  qui  tomboit  dans  un  autre  beaucoup  plus  grand,  il  le 
formoit  une  troisième  nappe,  qui,  couTrant  tout  le  bas  da  rocher 
et  se  déchirant  inégalement  contre  les  pierres  d'en  bas,  fiùsoit 
parottre  des  éclau  si  beaux  et  si  extraordinaires  qu'on  ne  les  peat 
bien  exprimer. 

Cette  abondance  d'eau,  qui,  comme  un  agréable  torrent,  se  pré- 
oipitoit  de  la  sorte  par  différentes  chutes,  sembloit  couTrir  le 

t.  Tel  est  le  teste  de  167g.  La  i^*  édition  (166S},  pir  one  fiiate  érîdcale, 
doBBS  :  «  elle  étoit  Umte  défiBoillee.  » 


RELATION  DE  LA  FÊTE  DE  VERSAILLES.  635 

rocher  de  plusieiirt  Toilct  d*argent,  qui  ii*empéchoient  p»  quVn 
ne  TÎt  la  disposition  des  pierres  et  des  coquillages,  dont  les  cou- 
leurs paroissoient  encore  arec  plus  de  beauté  parmi  la  mousse 
mouillée,  et  au  trarers  de  Teau  qui  tomboit  en  bas,  où  elle  formoit 
de  gros  bouillons  d'écume. 

De  ce  dernier  endroit,  où  toute  cette  eau  finissoit  sa  chute  dans 
un  carré  qui  étoit  au  pied  de  la  grotte,  elle  se  dirisoit  en  deux 
canaux,  qui,  bordant  les  deux  côtés  de  Tallée,  renoient  à  se  termi- 
ner dans  un  grand  bassin,  dont  la  figure  étoit  d*un  carré  long, 
augmenté  par  les  quatre  côtés  de  quatre  demi-ronds,  lequel  sépa- 
roit  Tallée  d*avec  le  salon  ;  mais  cette  eau  ne  couloit  pas  sans  faire 
paroitre  mille  beaux  effets  ;  car,  yis-à-vis  des  huit  cabinets,  il  y 
avoit  dans  chaque  canal  deux  jets  d*eau,  qui  formoiei^t  de  chaque 
côté  seize  lances,  de  douze  à  quinze  pieds  de  haut  ;  et  d^spaoe  en 
espace,  Teau  de  ces  canaux,  Tenant  à  tomber,  faisoit  des  cascades 
qui  composoient  autant  de  petites  nappes  argentées,  dont  la  Ion* 
gueur  de  chaque  canal  étoit  agréablement  interrompue. 

Ces  canaux  étoient  bordés  de  gazon  de  part  et  d'autre  :  du  côté 
des  cabinets  et  entre  les  Termes  qui  en  marquoient  les  encoignu- 
res, il  y  aToit,  dans  de  grands  rases,  des  orangers  chargés  de  fleurs 
et  de  fruits,  et  le  milieu  de  Tallée  étoit  d'un  sable  jaune,  qui  par- 
tageoit  les  deux  lisières  de  gazon. 

Dans  le  bassin  qui  séparoit  Tallée  d'arec  le  salon,  il  j  aroit  un 
groupe  de  quatre  dauphins,  dans  des  coquilles  de  bronze  doré, 
posées  sur  un  petit  rocher  :  ces  quatre  dauphins  ne  formoient 
qu'une  seule  tête,  qui  étoit  renversée,  et  qui,  ourrant  la  gueule  en 
haut,  poussoit  un  jet  d*eaa  d'une  grosseur  extraordinaire.  Après 
que  cette  eau,  qui  s'éleroit  de  plus  de  trente  pieds  de  haut,  aroit 
frappé  Ja  feuillée  arec  riolence,  elle  retomboit  dans  le  bassin  en 
mille  petites  boules  de  cristal. 

Aux  deux  côtés  de  ce  bassin  il  j  aroit  quatre  grandes  plaques  en 
orale,  chargées  chacune  de  quinze  bougies;  mais  comme  toutes 
les  autres  lumières  qui  éclairoient  cette  allée  étoient  cachées  dei^ 
rière  les  pilastres  et  les  Termes  qui  marquoient  les  cabinets,  Ton 
ne  royoit  qu'un  jour  unirersel,  qui  se  répandoit  si  agréablement 
dans  tout  ce  lieu  et  en  décourroit  les  parties  arec  tant  de  beauté, 
que  tout  le  monde  préféroit  cette  clarté  à  la  lumière  des  plus  beaux 
jours*  Il  n'y  aroit  point  de  jet  d'eau  qui  ne  fît  paroitre  mille  bril- 
lants ;  et  l'on  reconnoissoit  principalement  dans  ce  lieu,  et  dans  la 
grotte  où  le  Roi  aroit  .soupe,  une  distribution  d'eaux  si  belle  et  si 
extraordinaire,  que  jamab  il  ne  s'est  rien  ru  de  pareil.  Le  sieur 
Joly,  qui  en  aroit  eu  la  conduite,  les  aroit  si  bien  ménagées,  que, 
produisant  toutes  des  efFeu  différents,  il  y  aroit  encore  une  union 


636  APPENDICE  A  GEORGE  DANDIN. 

et  un  certain  accord  qui  faisoit  parofitre  partout  une  agrâiblc 
beauté,  la  chute  des  unef  serrant,  en  plusieurs  endroits,  à  donner 
plus  d*éclat  à  la  chute  des  autres.  Les  jets  d*eau,  qui  sVleroient  de 
quinze  pieds  sur  le  derant  des  deux  canaux,  yenoient  peu  à  peu 
à  se  diminuer  de  hauteur  et  de  force,  à  mesure  qu*ib  s*éloignoient 
de  la  Toe  :  de  sorte  que,  s*accordant  avec  la  belle  manière  dont 
Ton  aToit  disposé  Tallée,  il  sembloit  que  cette  allée,  qui  n^aroit 
guère  plus  de  quinze  toises  de  long,  en  eût  quatre  fois  daTantage  : 
tant  toutes  choses  y  étoient  bien  conduites. 

Pendant  que,  dans  un  séjour  si  charmant.  Leurs  Majestés  et 
toute  la  cour  prenoient  le  divertiisement  du  bal,  à  la  Tue  de  ces 
beaux  objets,  et  au  bruit  de  ces  eaux,  qui  n^interrompoit  qu'a- 
gréablement le  son  des  instruments,  Pou  préparoit  ailleurs  d'autres 
spectacles  dont  personne  ne  s'étoit  aperçu,  et  qui  deroient  sm^ 
prendre  tout  le  monde.  Le  sieur  Gissey,  outre  le  soin  qu'il  a^oit 
pris  du  lieu  où  le  Roi  aroit  soupe,  et  des  desseins  {sic)  de  tous  les 
habits  de  la  comédie,  se  trouTant  encore  chargé  des  ilIominatioBS 
qu'on  devoit  mettre  au  château  et  en  plusieurs  endroits  du  parc, 
trarailloit  a  mettre  toutes  ces  choses  en  ordre,  pour  Caire  que  ce 
beau  divertissement  eût  une  fin  aussi  heureuse  et  aussi  agréable 
que  le  succès  en  avoit  été  favorable  jusques  alors  :  ce  qui  arriva 
en  effet  par  les  soins  qu^il  y  prit;  car,  en  un  moment,  toutes  les 
choses  furent  si  bien  ordonnées,  que,  quand  Leurs  Majestés  sorti- 
rent du  bal,  elles  aperçurent  le  tour  du  Fer-à-Cheval  et  le  château 
tout  en  feu,  mais  d*un  feu  si  beau  et  si  agréable,  que  oet  élément, 
qui  ne  parott  guère  dans  Tobscurité  de  la  nuit  sans  donner  de  la 
crainte  et  de  la  frayeur,  ne  causoit  que  du  plaisir  et  de  l'admirs- 
'  tion.  Deux  cents  vases,  de  quatre  pieds  de  haut,  de  plusieurs  fiiçons, 
et  ornés  de  différentes  manières,  entouroient  ce  grand  espace  qui 
enferme  les  parterres  de  gazon,  et  qui  forme  le  Fer-«-Cheval.  An 
bas  des  degrés  qui  sont  au  milieu,  on  voyoit  quatre  figures  repré- 
sentant quatre  Fleuves  ;  et  au-dessus,  sur  quatre  piédestaux  qui 
sont  aux  extrémités  des  rampes,  quatre  autres  figures,  qui  repré> 
sentoient  les  quatre  parties  du  monde.  Sur  les  angles  du  Fer-4- 
Cheval  et  entre  les  vases,  il  y  avoit  trente-huit  candélabres  ou 
chandeliers  antiques,  de  six  pieds  de  haut;  et  ces  vases,  ces  can- 
délabres et  ces  figures,  étant  éclairées  de  la  même  sorte  que  celles 
qui  avoient  paru  dans  la  frise  du  salon  où  l'on  avoit  soupe,  faisoient 
un  spectacle  merveilleux.  Mais  la  cour  étant  arrivée  au  haut  du 
Fei^-Cheval,  et  découvrant  encore  mieux  tout  le  château,  ce  fut 
alors  que  tout  le  monde  demeura  dans  une  surprise  qui  ne  se  peut 
connottre  qu'en  la  ressentant. 

Il  étoit  orné  de  quarante-cinq  figures  :  dans  le  milieu  de  la 


RELÂ.TION  DE  LA  FÊTE  DE  VERSAILLES.  637 

porte  du  château,  il  j  en  aToit  une  qui  reprësentoit  Janus  ;  et  des 
deux  côtes,  dans  les  quatorze  fenêtres  d^en  bas,  Ton  royoit  diffé- 
rents trophées  de  guerre.  A  Vétage  d*en  haut,  il  j  aroit  quinze 
figures,  qui  représentoient  diverses  vertus  ;  et  au-dessus,  un  soleil 
avec  des  lyres  et  d'autres  instruments  ayant  rapport  à  Apollon, 
qui  paroissoient  en  quinze  différents  endroits.  Toutes  ces  figures 
étoient  de  diverses  couleurs,  mais  si  brillantes  et  si  belles,  que 
l*on  ne  pouvoit  dire  si  c'étoient  différents  métaux  allumés,  ou  des 
pierres  de  plusieurs  couleurs  qui  fussent  éclairées  par  un  artifice 
inconnu.  Les  balustrades  qui  environnent  le  fossé  du  château 
étoient  illuminées  de  la  même  sorte  ;  et  dans  les  endroits  où,  durant 
le  jour,  on  avoit  vu  des  vases  remplis  d*orangers  et  de  fleurs,  Ton 
j  voyoit  cent  vases  de  diverses  formes,  allumés  de  différentes 
couleurs. 

De  si  merveilleux  objets  arrétoient  la  vue  de  tout  le  monde,  lors- 
qu'un bruit  qui  s'éleva  vers  la  grande  allée,  fit  qu'on  se  tourna  de 
ce  côté-là  :  aussitôt  on  la  vit  éclairée,  d'un  bout  à  l'autre,  de 
soixante  et  douze  Termes,  faits  de  la  même  manière  que  les  figures 
qui  étoient  au  château,  et  qui  la  bordoient  des  deux  côtés.  De  ces 
Termes  il  partit,  en  un  moment,  un  si  grand  nombre  de  fusées, 
que  les  unes,  se  croisant  sur  l'allée,  faisoient  une  espèce  de  berceau, 
et  les  autres,  s'élevant  tout  droit,  et  laissant  jusques  en  terre  une 
grosse  trace  de  lumière,  formoient  comme  une  haute  palissade  de 
feu.  Dans  le  temps  que  ces  fusées  montoient  jusques  au  ciel  et 
qu'elles  remplissoient  Pair  de  mille  clartés,  plus  brillantes  que  les 
étoiles.  Ton  voyoit,  tout  au  bas  de  l'allée,  le  grand  bassin  d'eau, 
qui  paroissoit  une  mer  de  flamme  et  de  lumière,  dans  laquelle 
une  infinité  de  feux,  plus  rouges  et  plus  vifs,  sembloient  se  jouer 
au  milieu  d'une  clarté  plus  blanche  et  plus  claire. 

A  de  si  beaux  effets  se  joignit  le  bruit  de  plus  de  cinq  cents 
bottes,  qui,  étant  dans  le  grand  parc,  et  fort  éloignées,  sembloient 
être  l'écho  de  ces  grands  éclats  dont  les  grosses  fusées  faisoient 
retentir  l'air  lorsqu'elles  étoient  en  haut. 

Cette  grande  allée  ne  fut  guère  en  cet  état,  que  les  trois  bassins 
de  fontaines  qui  sont  dans  le  parterre  de  gazon  au  bas  du  Fer-A- 
Cheval  parurent  trois  sources  de  lumières.  Mille  feux  sortoient 
du  milieu  de  l'eau,  qui,  comme  furieux  et  s'échappant  d'un  lieu 
où  ils  auroient  été  retenus  par  force,  se  répandoient  de  tous  côtés 
sur  les  bords  du  parterre.  Une  infinité  d'autres  feux,  sortant  de  la 
gueule  des  lézards,  des  crocodiles,  des  grenouilles,  et  des  autres 
animaux  de  bronze  qui  sont  sur  les  bords  des  fontaines,  sembloient 
aller  secourir  les  premiers,  et  se  jetant  dans  l'eau  sous  la  figure 
de  plusieurs  serpents,  tantôt  séparément,  tantôt  joints  ensemble 


633  APPENDICE  A  GEORGE  DANDIN. 

par  gros  pelotons,  lui  faisolent  une  rade  guerre.  Dans  ces  combats, 
accompagnés  de  bruits  ëpouTantables,  et  d*un  embrasement  qu*on 
ne  peut  représenter,  ces  deux  éléments  étoient  si  étroitement 
méléi  ensemble,  qu^Û  étoit  impossible  de  les  distinguer  :  mille 
fusées  qui  s^éleroient  en  Tair,  paroissoient  comme  des  jets  d'eaa 
enflammés  ;  et  Peau  qui  bouillonnoit  de  toutes  parts,  resâembloit  à 
des  flots  de  feu,  et  à  des  flammes  agitées. 

Bien  que  tout  le  monde  sût  que  Ton  préparoit  des  feux  d*aitî- 
fices,  néanmoins,  en  quelque  lieu  qu*on  allât  durant  le  jour,  Ton 
n'y  Toyoit  nulle  disposition,  de  sorte  que,  dans  le  temps  que 
chacun  étoit  en  peine  du  Heu  où  ils  dcToient  parottre.  Ton  s*en 
trouTa  tout  d*un  coup  enrironné.  Car  non-seulement  ils  partoient 
de  ces  bassins  de  fontaines,  mais  encore  des  grandes  allëea  qui  en« 
vironnent  le  parterre  ;  et  en  Toyant  sortir  de  terre  mille  flasuncs 
qui  s^élevoient  de  tous  c6tés,  Ton  ne  saToit  s*il  y  aroit  des  canav 
qui  fournissent  [sic)  cette  nuit-là  autant  de  feux  comme  pendant  le 
jour  on  aroit  tu  de  jets  d*eau  qui  rafraîchissoient  ce  beau  parterre. 
Cette  surprise  causa  un  agréable  désordre  parmi  tout  le  monde, 
qui,  ne  sachant  où  se  retirer ,  se  cacboit  dansTépaisseur  des  bocages 
et  se  jetoit  contre  terre. 

Ce  spectacle  ne  dura  qu'autant  de  temps  qu*il  en  faut  pour  im- 
primer dans  Pesprit  une  belle  image  de  ce  que  Teau  et  le  feu  pea* 
vent  faire  quand  ils  se  rencontrent  ensemble  et  qu'ils  se  font  la 
guerre  \  et  chacun  crojrant  que  la  fête  se  termineroit  par  un  artifice 
si  merreilleux,  retournoit  rers  le  château,  quand,  du  c6té  du  grand 
étang,  Ton  rit  tout  d*un  coup  le  ciel  rempli  d'éclairs,  et  Tair  d*utt 
bruit  qui  sembloit  faire  trembler  la  terre  :  chacun  se  rangea  vert 
la  grotte  pour  Toir  cette  nouveauté,  et  aussitôt  il  sortit  de  la 
tour  de  la  pompe  qui  élère  toutes  les  eaux,  une  infinité  de  grosses 
fusées,  qui  remplirent  tous  les  environs  de  feu  et  de  lumière.  Â 
quelque  hauteur  qu'elles  montassent,  elles  laissoient  attachée  à  la 
tour  une  grosse  queue  qui  ne  s'en  séparoit  point  que  la  fusée  n*cât 
rempli  Tair  d^une  infinité  d^étoiles  qu'elle  y  alloit  répandre  :  tout 
le  haut  de  cette  tour  sembloit  être  embrasé,  et,  de  moment  en  mo- 
ment, elle  vomissoit  une  infinité  de  feux,  dont  les  uns  s'éle voient 
jusques  au  ciel,  et  les  autres,  ne  montant  pas  si  haut,  sembloient 
se  jouer  par  mille  mouvements  agréables  qu'ils  faisoient;  il  y  en 
avoit  même  qui,  marquant  les  chiffres  du  Roi  par  leurs  tours  et 
retours,  traçoient  dans  Tair  de  doubles  L,  toutes  brillantes  d'une 
lumière  très-vive  et  très^ure.  Enfin,  après  que  de  cette  tour  il  ta 
sorti  à  plusieurs  fois  une  si  grande  quantité  de  fusées  que  jamais 
ou  n'a  rien  vu  de  semblable,  toutes  ces  lumières  s'éteignirent,  et 
comme  si  elles  eussent  obligé  les  étoiles  du  ciel  à  se  retirer,  Ton 


RELATION  DE  LA  FÊTE  DE  VERSAILLES.  639 

s'aperçut  que,  de  ce  e6té-là,  la  plus  grande  partie  ne  se  Toyoit 
plus,  mais  que  le  jour,  jaloux  des  avantages  d*une  si  belle  nuit, 
commençoit  à  paroître. 

Leurs  Majestés  prirent  aussitôt  le  chemin  de  Saint-Germain 
avec  toute  la  cour»  et  il  n*y  eut  que  Monseigneur  le  Dauphin  qui 
demeura  dans  le  château. 

Ainsi  finit  cette  grande  fête,  de  laquelle  si  Ton  remarque  bien 
toutes  les  circonstances,  on  rerra  qu'elle  a  surpassé,  en  quelque 
façon,  ce  qui  a  jamais  été  fait  de  plus  mémorable.  Car,  soit  que 
Ton  regarde  comme  en  si  peu  de  temps  Ton  a  dressé  des  lieux 
d'une  grandeur  extraordinaire  pour  la  comédie,  pour  le  souper, 
et  pour  le  bal  ;  soit  que  Ton  considère  les  divers  ornements  dont 
on  les  a  embellis,  le  nombre  des  lumières  dont  on  les  a  éclairés, 
la  quantité  d'eaux  qu'il  a  fallu  conduire,  et  la  distribution  qui  en 
a  été  faite,  la  somptuosité  des  repas,  où  l'on  a  ru  une  quantité  de 
toutes  sortes  de  riandés  qui  n'est  pas  concevable,  et  enfin  toutes  les 
choses  nécessaires  à  la  magnificence  de  ces  spectacles  et  à  la  con- 
duite de  tant  de  différents  ouvriers,  on  avouera  qu'il  ne  s'est  jamais 
rien  fait  de  plus  surprenant  et  qui  ait  causé  plus  d'admiration. 

Mais  comme  i^  n'y  a  que  le  Roi  qui  puisse  en  si  peu  de  temps 
mettre  de  grandes  armées  sur  pied  et  faire  des  conquêtes  avec 
cette  rapidité  que  l'on  a  vue,  et  dont  toute  la  terre  a  été  épou- 
vantée, lorsque  dans  le  milieu  de  l'hiver  il  triomphoit  de  ses  en- 
nemis, et  faisoit  ouvrir  les  portes  de  toutes  les  villes  par  où  il 
passoit  *  :  aussi  n'appartient-il  qu'à  ce  grand  prince  de  mettre 
ensemble  avec  la  même  promptitude  autant  de  musiciens,  de  dan- 
seurs et  de  joueurs  d'instruments,  et  tant  de  différentes  beautés. 
Un  capitaine  romain*  disoit  autrefois  qu'il  n'étoit  pas  moins  d'un 
grand  homme  de  savoir  bien  disposer  un  festin  agréable  à  ses 
amis,  que  de  ranger  une  armée  redoutable  à  ses  ennemis  :  ainsi 
l'on  voit  que  Sa  Majesté  fait  toutes  ses  actions  avec  une  grandeur 
égale,  et  que,  soit  dans  la  paix,  soit  dans  la  guerre,  Elle  est  partout 
inimitable. 

Quelque  image  que  j'aie  tâché  de  faire  de  cette  belle  fête,  j'avoue 
qu'elle  n'est  que  très-imparfaite,  et  l'on  ne  doit  pas  croire  que 
ridée  qu'on  s'en  formera  sur  ce  que  j'en  ai  écrit  approche  en 
aucune  façon  de  la  vérité.  L'on  donnera  au  public  les  figures  des 

!•  Dos  rédition  originale,  de  1668,  les  verbes  irtomphcit  et  panaii  sont 
précédés  da  lajet  £//#,  eomme  si,  la  lien  des  mots  :  «  le  Roi^  *  U  7  >viit 
plus  heot  :  «  Sa  Maiesté.  » 

9«  Panl  Éoiile  :  vojes  sa  Fie  daas  Platarque,  vers  le  denier  qoart  (cha- 
pitre xzvni}. 


640  APPENDICE  A  GEOEGE  DANDIN. 

prînci|Mdet  décorationi  *•  ;  mais  ni  les  paroles,  ni  lei  figorei  k 
Muroient  bien  représenter  tout  ce  qui  sernt  de  diTatiHemeit 
dans  ce  grand  jour  de  réjouissance  *• 

I .  Cet  figara,  on  1m  a  données,  en  effet,  an  nombra  de  cinq,  dan  t'cdiiM 
de  1679,  oà,  par  suite,  les  mots  :  «  L*on  donnera  an  public  v^ioaticnpiMfi 
par  eenz«ei  1  «  On  pent  voir  iei  ■.  -*  Voici  les  înicriptioat  de  enplaatki, 
qoi  forant  gravées  par  le  Pantre,  les  quatre  pranièret  en  1678,  U  doiM* 
en  1679  : 

Collation  donnée  dans  le  petit  Parc  de  Tenailles.  —  Comemtu  an 
eamam  data  in  Bonis  F'srtaUamis, 

II.  L*i  Pêiet  dé  VAmomr  et  de  Baeektu,  eomédie  en  uanque  repit«stt< 
dans  le  petit  Pare  de  Versailles.  —  Festmm  CmpidinU  et  Mûfdù,  ceâeéf  <^ 
perp€tmmm  voeum  et  tibiarmm  cantmm  acta  in  Sortis  f^erulioMis; 

III.  Featiii  donné  dans  le  petit  Parc  de  Yersailles.  ^  Cmsalnm  i^ 
ramis  ooiteamêrmtum,  st  Ragist  coiuê  admmhratio  in  JforlM  ytrs^iom. 

IV.  La  Salle  da  bal  donné  dana  le  petit  Parc  de  Vcnaiaes.  -^JaU/nÊiài* 
et  virgultis  sspta,  ad  saltationes  tt  ehoreas  dsteendas forata,  w  BtrtU  fs»- 
liaiûs, 

V.  ninminations  du  Palais  et  des  Jardins  de  Versailles.  —  NoeUnuiH»- 
minatimut,  vasis  statuts  fus  incluso  igme  peltmesntihus,  adPaUtiif^f*^ 
fisnêstraSy  tt  psr  omnes  horiorum  areas  et  xjrstos  apts  dispoiitis. 

3.  Dans  rédition  de  1679,  U  iUlaiion  est  signée,  an-denou  ^  Ixiff* 
nière  ligne,  dn  nom  de  FiUBiiir. 

•  Deux  personnages  portant  calotte  et  tenant  de  grands  ebpeiBi  w 
leurs  genoux  sont  en  vue,  presque  en  face  l'un  de  Tautre,  sur  le»  ff*^  ^^ 
B*élèTent  des  deux  côtés  dn  théâtre;  ce  sont  sans  doute  les  eardaiia ac- 
tionnés i  la  Notice^  p.  476. 


FIN   DE   LA    RELATION   DE   LA   FÉTB    DE   YEHSAILLES* 


TABLE  DES  MATIÈRES 


CONTENUES  DANS   LE   SIXIÈME  VOLUME, 


LE  MÉDECIN  HCALGRE  LUI,  eomëdie i 

Notice 3 

Sommaire  de  Voltaire 3a 

Lb  MiDBCIir  MALOEB  LUI 35 

Appendice  an  MétUeim  malgré  lui lai 

M ÉLICERTE,  comédie  pastorale  héroTqae ia3 

Notice laS 

Sommaire  de  Voltaire 149 

Mbi.tcbbtb i5i 

PASTORALE  COMIQUE 1S7 

Pastobalb  GoaaQUB 191 

LE  SICILIEN  ou  L'AMOUR  PEINTRE,  comédie ao5 

Notice 907 

Sommaire  de  Voltaire a3o 

Ldl  SlGILIBV • • 933 

Appendice  à  Mélie^rie^   à  la   Pastorale    comlquê  et   an 
SieilUn, 

MOLlilB,   TI  4t 


64a  TABLE   DES  MATIÈRES. 

Buxst  DBf  Hum S77 

Appendice  an  SUUien, 
Note  tnr  une  rëimpreMion  de  la  pièce,  de  1668 ^ 

AMPHITRYON,  comédie 3o9 

Not  ice 3  n 

Sommaire  de  Voltaire 3^i 

A  Son  Altetie  Sérénisaime  Monseigneur  le  Prince 354 

AMPBrrHYos 35; 

GEORGE  DANDIN  ou  LE  MARI  CONFONDU. 473 

Notice 475 

Sommaire  de  Voltaire ^4 

Gio&OB  Damdiv ^ 

Appendice  à  Georgt  Damdin, 

Note  préliminaire S9S 

I.  Le  Grand  Diptrtusêmemt  rofûl  de  fereaUlet ^ 

II.  Relation  de  U  fite  de  FenaiOei  du  iB^JtuUet  1668.   6i4 


wa  nm  lA  vàMiM  ma  HAxdbai. 


PARIS.  —  IMPRIMERIE  A.  LAHURE 
Rue  de  flmuus,  9